Appels en matière de douanes et d’accise

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Appel no AP-2017-021

Cavavin (2000) Inc.

c.

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Décision rendue
le vendredi 4 octobre 2019

Motifs rendus
le vendredi 18 octobre 2019

 



EU ÉGARD À un appel entendu les 14 et 15 mai 2019 aux termes de l’article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 14 juillet 2017 concernant une demande de réexamen aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

CAVAVIN (2000) INC.

Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

Intimé

DÉCISION

L’appel est rejeté.

Serge Fréchette

Serge Fréchette
Membre présidant

 

L’exposé des motifs suivra à une date ultérieure.


 

Lieu de l’audience :

Ottawa (Ontario)

Dates de l’audience :

les 14 et 15 mai 2019

Membre du Tribunal :

Serge Fréchette, membre présidant

Personnel de soutien :

Laura Colella, conseillère juridique
Helen Byon, conseillère juridique

PARTICIPANTS :

Appelante

Conseillers/représentants

Cavavin (2000) Inc.

Rajesh Mamtora
Sean Everden

 

Intimé

Conseiller/représentant

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Luc Vaillancourt

 

Intervenant

Conseillers/représentants

Danby Products Limited

Thang Trieu
Justin Kutyan
Martin Gentile

TÉMOINS :

Reda Ihaddadene
Technicien en réfrigération

Cavavin (2000) Inc.

Nathalie Fortier
Présidente

Cavavin (2000) Inc.

Dave Miller

Vice-président, Produits & marketing

Danby Products Limited

Steve Atkinson

Gérant sénior

Danby Products Limited

Greg Hall

Directeur, Cycle de vie des produits

Danby Products Limited

 

Veuillez adresser toutes les communications au :

Greffier
Secrétariat du Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario)  K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

1.                  Le Tribunal est saisi d’un appel, interjeté le 11 août 2017 par Cavavin (2000) Inc. (Cavavin) en vertu du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes[1], à l’encontre de la décision rendue le 14 juillet 2017 par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC) en application du paragraphe 60(4) de la Loi.

2.                  La question est de savoir si les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 8418.50.10 à titre d’autres meubles pour la conservation et l’exposition de produits, incorporant un équipement pour la production du froid, comme l’a fait valoir l’ASFC en l’espèce, ou si elles devraient être classées dans le numéro tarifaire 8418.69.90 à titre d’« autres » matériel, machines et appareils pour la production du froid, comme l’a affirmé Cavavin.

HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

3.                  Les marchandises en cause ont été importées entre 2011 et 2015[2] sous le numéro tarifaire 8418.50.10 à titre d’« autres meubles (coffres, armoires, vitrines, comptoirs et similaires) pour la conservation et l’exposition de produits, incorporant un équipement pour la production du froid ».

4.                  Le 30 octobre 2015, Cavavin a présenté une demande de remboursement des droits payés, fondée sur l’alinéa 74(1)e) de la Loi, dans laquelle elle soutenait que les marchandises auraient dû être classées dans le numéro tarifaire 8418.69.90 à titre d’« autres matériel, machines et appareils pour la production du froid ».

5.                  Le 16 novembre 2015, conformément au paragraphe 74(4) de la Loi, l’ASFC a rejeté la demande de remboursement présentée par Cavavin après avoir conclu que les marchandises en cause étaient correctement classées dans le numéro tarifaire 8418.50.10.

6.                  Le 15 février 2016, Cavavin a présenté, en vertu du paragraphe 60(1) de la Loi, une demande de réexamen où il était allégué que les marchandises en cause devraient être classées dans le numéro tarifaire 8418.69.90.

7.                  Le 22 mars 2017, l’ASFC a publié une décision préliminaire selon laquelle elle classait les marchandises en cause utilisant une technologie de compression dans le numéro tarifaire 8418.21.00 à titre de « réfrigérateurs de type ménager à compression », et les marchandises en cause utilisant une technologie thermodynamique dans le numéro tarifaire 8418.29.00 à titre d’« autres réfrigérateurs de type ménager »[3].

8.                  Le 8 juin 2017, Cavavin a répondu à la décision préliminaire de l’ASFC en présentant d’autres observations à l’appui du classement tarifaire qu’elle proposait[4].

9.                  Le 14 juillet 2017, l’ASFC a rendu, au titre du paragraphe 60(1) de la Loi, une décision définitive par laquelle elle confirmait le classement des marchandises dans les numéros tarifaires 8418.21.00 et 8418.29.00[5].

10.              Le 11 août 2017, Cavavin a déposé un avis d’appel auprès du Tribunal[6].

11.              Le 2 mars 2018, le Tribunal a reçu un avis d’intervention de Danby Products Limited (Danby)[7]. Les parties ne se sont pas opposées à cette demande d’intervention[8].

12.              Le 26 mars 2018, le Tribunal a accueilli la demande de Danby et l’audience a par la suite été reportée, en consultation avec les parties.

13.              Le 5 octobre 2018, Danby et Cavavin ont présenté des documents supplémentaires. Les documents supplémentaires de Danby contenaient des normes publiées par l’Association canadienne de normalisation (les normes de la CSA), notamment la norme CSA C300-15, intitulée Performance énergétique et capacité des réfrigérateurs, des réfrigérateurs-congélateurs, des congélateurs et des refroidisseurs à vin, publiée en mars 2015 (CSA C300-15) et la norme CSA C300-18, intitulée Performance énergétique et capacité des réfrigérateurs, des réfrigérateurs-congélateurs, des congélateurs et des appareils de réfrigération divers, publiée en juillet 2018 (CSA C300-18).

14.              Le 11 octobre 2018, l’ASFC a demandé le report de l’audience afin que le président de l’ASFC ait la possibilité de réexaminer le classement tarifaire. Le Tribunal a accueilli la demande et a donné à l’ASFC jusqu’au 30 novembre 2018 pour lui faire part de son intention. Le 29 novembre 2018, l’ASFC a avisé le Tribunal que, n’ayant pas été en mesure de s’entendre, les parties souhaitaient poursuivre l’appel et présenter d’autres observations.

15.              L’ASFC a également avisé le Tribunal, après avoir examiné les normes de la CSA présentées par Danby, que les marchandises en cause devraient être classées dans le numéro tarifaire 8418.50.10. Le 28 décembre 2018, l’ASFC a présenté des observations supplémentaires relativement à son nouveau classement tarifaire, observations auxquelles Cavavin et Danby ont répondu le 21 janvier 2019.

16.              L’audience s’est tenue à Ottawa (Ontario) les 14 et 15 mai 2019.

17.              Des observations supplémentaires ont été présentées le 7 juin 2019 par l’ASFC et par Cavavin.

DESCRIPTION DES MARCHANDISES EN CAUSE

18.              Les marchandises en cause sont 26 modèles de refroidisseurs à vin de capacités et de formats différents; certains modèles de grand format sont dotés de deux compartiments pouvant être réglés à des températures différentes[9]. Ces refroidisseurs sont conçus pour refroidir et conserver du vin, de la bière, des boissons ou une combinaison de ces produits, mais pas de la nourriture[10]. Ce sont des appareils électriques qui utilisent une technologie de refroidissement soit à compression, soit thermodynamique[11]. Ils sont équipés de porte‑bouteilles de vin ou de tablettes, ainsi que d’une porte en verre permettant de voir les bouteilles ou les canettes à l’intérieur. Diverses caractéristiques sont offertes, comme la commande et l’affichage numériques de la température, un verrou de sécurité, un éclairage intérieur, le dégivrage automatique, des portes en verre résistant aux ultraviolets et le contrôle de l’humidité. Certains modèles de grand format sont dotés de deux compartiments pouvant être réglés à des températures différentes[12]. Les marchandises en cause sont assujetties aux normes de la CSA (C-300) quant à la performance énergétique et à la capacité.

CADRE LÉGISLATIF

19.              La nomenclature tarifaire est énoncée en détail dans l’annexe du Tarif des douanes[13], qui est conforme au Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (le Système harmonisé) élaboré par l’Organisation mondiale des douanes (OMD)[14]. L’annexe est divisée en sections et en chapitres, et chaque chapitre de l’annexe contient une liste de marchandises classées dans des positions, des sous‑positions et des numéros tarifaires.

20.              Le paragraphe 10(1) du Tarif des douanes prévoit que le classement des marchandises importées est effectué, sauf indication contraire, en conformité avec les Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé[15] et les Règles canadiennes[16] énoncées à l’annexe.

21.              Les Règles générales sont composées de six règles. Le classement commence par la règle 1, qui prévoit que le classement doit être déterminé d’après les termes des positions et des notes de section ou de chapitre et, lorsqu’elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et notes, d’après les autres règles.

22.              L’article 11 du Tarif des douanes prévoit que, pour l’interprétation des positions et des sous‑positions, le Tribunal doit tenir compte du Recueil des avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[17] et des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[18] publiés par l’OMD. Bien que les avis de classement et les notes explicatives n’aient pas force exécutoire pour le Tribunal, le Tribunal les applique à moins qu’il existe un motif valable de ne pas le faire[19].

23.              Par conséquent, le Tribunal doit d’abord déterminer si les marchandises en cause peuvent être classées au niveau de la position conformément à la règle 1 des Règles générales, selon les termes de la position et les notes de section ou de chapitre pertinentes du Tarif des douanes, compte tenu des notes explicatives et des avis de classement applicables. Comme l’a indiqué la Cour suprême du Canada dans l’affaire Igloo Vikski, « seulement lorsque la Règle 1 ne permet pas d’arrêter de manière concluante le classement d’une marchandise qu’il faudra recourir aux autres Règles générales »[20].

24.              Une fois que le Tribunal a utilisé cette méthode pour déterminer la position dans laquelle les marchandises en cause doivent être classées, l’étape suivante consiste à utiliser une méthode similaire pour déterminer la sous-position appropriée[21]. La dernière étape consiste à déterminer le numéro tarifaire approprié[22].

25.              La nomenclature tarifaire pertinente pour la position no 84.18 prévoit ce qui suit :

84.18    Réfrigérateurs, congélateurs-conservateurs et autres matériel, machines et appareils pour la production du froid, à équipement électrique ou autre; pompes à chaleur autres que les machines et appareils pour le conditionnement de l’air du no 84.15.

[...]

                        -Réfrigérateurs de type ménager :

8418.21.00        - -À compression

[...]

8418.29.00        - -Autres

[...]

8418.50    -Autres meubles (coffres, armoires, vitrines, comptoirs et similaires) pour la conservation et l’exposition de produits, incorporant un équipement pour la production du froid

8418.50.10        - - -Du type réfrigérateurs ou réfrigérateurs-congélateurs

[...]

              -Autres matériel, machines et appareils pour la production du froid; pompes à chaleur :

[...]

8418.69 - -Autres

[...]

8418.69.90        - - -Autres

26.              Les notes explicatives pertinentes pour la position no 84.18 prévoient ce qui suit :

Les matériel, machines et appareils pour la production du froid visés ici s’entendent généralement de machines ou installations qui, par un cycle continu d’opérations, fournissent à leur élément réfrigérateur (évaporateur), une basse température (voisine de 0 °C ou inférieure), par absorption de la chaleur latente, résultant de l’évaporation d’un gaz préalablement liquéfié (ammoniac, hydrocarbures halogénés, par exemple) ou d’un liquide volatil, ou même encore, plus simplement, de l’évaporation de l’eau dans certains appareils utilisés surtout dans la marine.

Les appareils susmentionnés ne sont classés ici que s’ils se présentent sous les formes suivantes :

[...]

2) Armoires, meubles, appareils et agencements incorporant un groupe frigorifique complet ou un évaporateur de groupe frigorifique, comportant ou non des dispositifs accessoires, tels qu’agitateurs, mélangeurs, moules, par exemple les réfrigérateurs ménagers, vitrines et comptoirs réfrigérés, conservateurs de crème glacée ou de produits congelés, fontaines et tireuses réfrigérées pour eau ou boissons, cuves pour refroidir le lait ou la bière, sorbetières, etc.

ANALYSE DU TRIBUNAL

27.              En l’espèce, les parties conviennent que les marchandises sont correctement classées dans la position no 84.18 à titre de « réfrigérateurs, congélateurs-conservateurs et autres matériel, machines et appareils pour la production du froid, à équipement électrique ou autre », mais elles ne s’entendent pas sur la sous-position.

28.              Pour trancher la question relative au classement tarifaire que soulève le présent appel, le Tribunal a été prié de réexaminer les conclusions qu’il avait tirées dans l’affaire Rona[23], laquelle concernait des produits semblables aux marchandises en cause. Comme il sera expliqué plus en détail ci-après, le Tribunal a conclu, dans l’affaire Rona, que les refroidisseurs à vin étaient des « réfrigérateurs de type ménager » en s’appuyant, entre autres choses, sur son interprétation du terme « réfrigérateur » selon son sens courant et ordinaire. Mettant en application les conclusions tirées dans l’affaire Rona, l’ASFC avait initialement classé les marchandises en cause dans les numéros tarifaires 8418.21.00 et 8418.29.00 à titre de « réfrigérateurs de type ménager ».

29.              Les normes de la CSA présentées par Danby, dont le Tribunal ne disposait pas dans l’affaire Rona, ont été un élément essentiel des observations de chacune des parties. Les normes de la CSA contiennent des définitions des termes « réfrigérateur » et « refroidisseur à vin ». S’appuyant sur ces définitions, qui sont abordées en détail plus loin, les parties ont toutes fait valoir que l’expression « réfrigérateurs de type ménager » devrait être interprétée comme signifiant un électroménager utilisé pour conserver de la nourriture. Étant donné que le but des refroidisseurs à vin est de conserver du vin, les parties ont soutenu que les caractéristiques ou les particularités techniques des refroidisseurs à vin les distinguaient des réfrigérateurs. À la suite de la présentation des normes de la CSA, l’ASFC a revu son classement des marchandises en cause et a proposé de les classer dans la sous-position no 8418.50 à titre d’« autres meubles [...] incorporant un équipement pour la production du froid ».

30.              Bien que Cavavin soutienne que les marchandises en cause devraient être classées dans la sous‑position n8418.69 à titre d’« autres [...] appareils pour la production du froid », elle a fait valoir que si le Tribunal en venait à conclure que les marchandises en cause sont bel et bien des réfrigérateurs, ceux-ci ne devraient toutefois pas être classés comme étant de type ménager. Selon Cavavin, l’expression « de type ménager » ne s’applique pas lorsque les marchandises sont destinées à un usage tant domestique que commercial.

31.              Compte tenu des observations des parties, des conclusions tirées par le Tribunal dans l’affaire Rona ainsi que de la nature résiduelle des sous-positions invoquées par les parties dans le présent appel[24], le Tribunal est d’avis qu’il doit d’abord décider si les « réfrigérateurs de type ménager » comprennent les marchandises en cause. Pour trancher cette question, le Tribunal doit se demander s’il y a lieu de tirer des conclusions différentes de celles tirées dans l’affaire Rona en s’appuyant sur :

(i)                 les définitions fournies dans les normes de la CSA;

(ii)               les éléments de preuve concernant les connaissances des consommateurs en matière de réfrigérateurs;

(iii)             les caractéristiques ou particularités techniques distinctives des refroidisseurs à vin;

(iv)             l’usage prévu des marchandises dans un contexte tant domestique que commercial.

32.              Le Tribunal se penchera également sur les autres éléments de preuve qui avaient été présentés à l’ASFC relativement aux marchandises en cause.

33.              Ce n’est que s’il conclut que les marchandises en cause ne devraient pas être classées comme des « réfrigérateurs de type ménager » que le Tribunal examinera la question de savoir si elles doivent être classées dans la sous-position no 8418.69 à titre d’« équipement pour la production du froid », tel que proposé par Cavavin et Danby, ou dans la sous-position no 8418.50 à titre de « meubles incorporant un équipement pour la production du froid », tel que proposé par l’ASFC.

34.              Après examen des facteurs qui précèdent, et pour les raisons qui suivent, le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont des « réfrigérateurs de type ménager ». Par conséquent, il ne lui est pas nécessaire de se pencher sur l’applicabilité des sous-positions no 8418.50 et 8418.69.

L’analyse du Tribunal dans l’affaire Rona

35.              Pour commencer l’analyse, il est important d’énoncer de façon claire les motifs qui sous-tendent les conclusions tirées par le Tribunal dans l’affaire Rona. Le Tribunal a d’abord interprété le terme « réfrigérateurs » et a ensuite étudié l’expression « de type ménager ».

36.              Le terme « réfrigérateurs » n’étant pas défini dans le Tarif des douanes, le Tribunal a examiné les définitions contenues dans les dictionnaires pour en établir le sens courant et ordinaire. Le Tribunal s’est fondé sur les définitions suivantes : « quelque chose qui réfrigère; plus particulièrement : un lieu ou un appareil destiné à garder la nourriture ou d’autres produits au frais » et « une armoire ou un lieu où la nourriture, etc., sont gardés froids »[25]. Après examen de ces définitions, il a conclu qu’un réfrigérateur « peut être destiné à garder [...] le vin au frais »[26]. Cependant, l’analyse ne s’est pas arrêtée là. Le Tribunal a aussi tenu compte de la note explicative de la position no 84.18, qui s’applique tant aux réfrigérateurs qu’à l’équipement pour la production du froid. Il a jugé que la description générique applicable aussi bien aux réfrigérateurs qu’à l’équipement pour la production du froid traitait plutôt « d’une mécanique spécifique aux appareils de refroidissement »[27] et qu’elle ne mentionnait aucune des distinctions établies par Rona, comme les réglages de température et d’humidité particuliers ou les caractéristiques de conception différentes des refroidisseurs à vin. À cet égard, le Tribunal a déclaré ce qui suit :

Bref, bien qu’elles puissent être importantes d’un point de vue commercial, aucune des différences énoncées par Rona n’a d’incidence sur la décision voulant que les marchandises en cause soient des « réfrigérateurs » au sens où on doit l’entendre dans l’annexe du Tarif des douanes, lequel est conforme à son sens ordinaire et à ce qui est mentionné dans les notes explicatives[28].

37.              En outre, le Tribunal a mentionné que, même s’il tenait compte des définitions en usage au sein de l’industrie pour interpréter les termes de l’annexe au Tarif des douanes, les normes de l’industrie qui lui avaient été soumises ne contenaient aucune définition normalisée ayant pour effet de restreindre le sens du terme « réfrigérateur »[29].

38.              Enfin, le Tribunal s’est penché sur la question de savoir si les marchandises en cause étaient « destinées à un usage domestique » et, s’appuyant sur les éléments de preuve dont il disposait, il a conclu que c’était le cas[30].

La question de savoir si les marchandises en cause sont des « réfrigérateurs de type ménager »

Définitions contenues dans les normes de la CSA

39.              Selon les parties, si les normes de la CSA avaient été présentées au Tribunal dans le cadre de l’affaire Rona, celui-ci n’aurait pas conclu que les marchandises en cause dans cette affaire étaient des « réfrigérateurs de type ménager ». Danby a plus précisément soutenu que, puisque la sous-position renvoyait au « type ménager », le sens du terme « réfrigérateur » se limitait aux électroménagers utilisés pour réfrigérer les aliments. À l’appui de sa proposition, Danby a invoqué la distinction faite entre les réfrigérateurs et les refroidisseurs à vin dans les normes de la CSA. Pour les raisons qui suivent, les définitions figurant dans les normes de la CSA ne suffisent pas à convaincre le Tribunal que l’expression « réfrigérateurs de type ménager » ne s’applique qu’aux réfrigérateurs utilisés pour conserver les aliments.

40.              Les normes de la CSA sont incorporées par renvoi dans le Règlement de 2016 sur l’efficacité énergétique[31]. Bien que diverses versions des normes aient été présentées, celle qui s’appliquait au moment de l’importation des marchandises en cause était la norme CSA C300-08[32], qui était incorporée par renvoi dans le Règlement sur l’efficacité énergétique[33] (abrogé). Il convient de noter qu’avant la publication de la norme CSA C300-08, les refroidisseurs à vin n’étaient pas assujettis à la réglementation en matière d’efficacité énergétique[34].

41.              Compte tenu des définitions de « réfrigérateur » et de « refroidisseur à vin » contenues dans les normes de la CSA, les parties ont fait valoir que les réfrigérateurs étaient des produits destinés à la conservation des aliments et que, par conséquent, les « refroidisseurs à vin » étaient des produits distincts puisqu’ils étaient destinés à la conservation du vin uniquement[35].

42.              La norme CSA C300-08 définit « réfrigérateur » comme suit :

un meuble ou une partie d’un meuble muni d’un organe producteur de froid destiné à conserver des denrées au frais à des températures au-dessus de 0 °C (32 °F)[36].

[Traduction]

43.              La même norme définit « refroidisseur à vin » comme suit :

un meuble conçu et commercialisé exclusivement pour le refroidissement et la conservation du vin.

Refroidisseur à vin hybride – un meuble conçu pour la conservation du vin au frais et aussi pour la réfrigération et/ou la congélation d’autres boissons et/ou denrées[37].

[Traduction]

44.              Le Tribunal a examiné les définitions ci-dessus, ainsi que celles contenues dans des versions plus récentes des normes de la série C300, dans lesquelles il est précisé que la plage de température d’un réfrigérateur se situe entre 0 et 3,9 degrés. Les températures applicables sont également mentionnées dans la définition de « refroidisseur à vin » contenue dans la version la plus récente de la norme C300-15, soit « un meuble conçu et commercialiser exclusivement pour le refroidissement et la conservation du vin, qui peut atteindre une température moyenne de 12,8 °C (55 °F) ou moins »[38] [traduction]. En outre, le Tribunal souligne que, dans la norme C300-18, le terme « refroidisseur à vin » n’existe plus. Divers types de « refroidisseurs » [traduction], par exemple les « refroidisseurs, refroidisseurs intégraux, refroidisseurs‑réfrigérateurs » [traduction] y sont plutôt décrits comme des « appareils de réfrigération divers », lesquels sont exclus de la définition de « réfrigérateur (réfrigérateur conventionnel) »[39] [traduction]. Pour les raisons qui suivent, le Tribunal conclut que les définitions fournies dans les normes de la CSA ne permettent pas de trancher la question en litige concernant la signification voulue de l’expression « réfrigérateurs de type ménager ».

45.              Pour soupeser les définitions ci-dessus, dont il a tenu compte dans son interprétation des termes pertinents, le Tribunal doit examiner les objectifs des normes de la CSA ainsi que les définitions pertinentes qui y sont contenues à la lumière de l’objet du Tarif des douanes.

46.              Comme l’a déclaré M. Greg Hall, les normes de la CSA ont pour objectif d’établir, à l’égard des produits, des exigences en matière d’efficacité énergétique que les distributeurs ou les fabricants doivent respecter. Les définitions des produits sont importantes puisque les limites d’énergie sont différentes pour chaque produit, par exemple pour les réfrigérateurs, les congélateurs et les refroidisseurs à vin[40]. Des commentaires de M. Hall, le Tribunal comprend qu’il est important d’établir une distinction entre les produits pour établir des normes en matière d’efficacité énergétique qui tiennent compte des températures et des mécanismes des différents appareils; ces températures et mécanismes dépendent, du moins en partie, du type de produits de consommation que les appareils sont destinés à refroidir.

47.              Le Tarif des douanes englobe un système de classification inclusif, dans lequel toutes les marchandises importées doivent être classées dans un numéro tarifaire précis de la nomenclature aux fins de l’application des droits de douane applicables. Au moment de classer les marchandises, il est bien établi qu’une catégorie résiduelle ne doit être utilisée que si les marchandises ne peuvent être classées dans une catégorie plus précise[41].

48.              Comme indiqué dans Rona, le terme « réfrigérateur » n’est pas défini dans le Tarif des douanes. Par conséquent, le Tribunal applique la règle moderne d’interprétation des lois, qui requiert de « lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur »[42]. Le « sens ordinaire » d’une disposition fait référence à « la première impression du lecteur, c’est-à-dire au sens qui lui vient spontanément à l’esprit lorsqu’il lit les termes dans leur contexte immédiat »[43]. Il est aussi décrit comme « le sens naturel qui se dégage de la simple lecture de la disposition dans son ensemble »[44].

49.              Dans Rona, comme en témoigne l’examen fait par le Tribunal de la note explicative relative à la position no 84.18, celui-ci a conclu que rien, selon le sens courant et ordinaire du terme « réfrigérateur », pris dans le contexte du régime législatif dans lequel il est utilisé, n’indiquait qu’un appareil pouvait ou non être qualifié de « réfrigérateur » en fonction du type de produits de consommation qu’il était destiné à réfrigérer. Le Tribunal demeure convaincu de cette conclusion.

50.              Cavavin a soutenu que la partie de la note explicative qui décrit les différents appareils susceptibles d’être classés dans la position no 84.18 peut faciliter l’interprétation des termes des sous-positions. Plus précisément, la note parle notamment de « réfrigérateurs ménagers » et de « refroidisseurs de bière ». De l’avis du Tribunal, la liste fournit des exemples d’appareils qui relèvent de la position; elle n’est pas déterminante quant au classement dans une sous-position.

51.              Les définitions des produits contenues dans les normes de la CSA visent, comme il a déjà été mentionné, à établir une distinction entre les produits aux fins de l’application des exigences énergétiques. Pour cette raison, les descriptions des produits sont techniques. Rien n’indique que ces définitions sont fondées sur le sens ordinaire ou courant des termes qu’elles définissent; les modifications techniques apportées de façon régulière aux définitions des produits le montrent clairement.

52.              La position du Tribunal à cet égard est conforme à la définition du terme « réfrigérateur » qui est comprise dans la version actuelle du Règlement de 2016 sur l’efficacité énergétique. Selon la définition de ce terme fournie à l’article 39, le « refroidisseur à vin » est considéré comme un réfrigérateur domestique. La définition est ainsi rédigée :

refrigerator means a household refrigerator that has a capacity of 1 100 L (39 cubic feet) or less and that has a defrost system, including a compressor-cycled automatic defrost system. It includes a wine chiller but does not include a household refrigerator that uses an absorption refrigeration system. (réfrigérateur)

réfrigérateur Réfrigérateur domestique qui est muni d’un système de dégivrage – y compris d’un dispositif de dégivrage automatique à cycle du compresseur – et dont la capacité est d’au plus 1 100 L (39 pieds cubes). La présente définition vise le refroidisseur à vin, mais ne vise pas le réfrigérateur domestique muni d’un système de refroidissement par absorption. (refrigerator)

 

53.           En ce qui concerne la définition prévue dans le Règlement, le Tribunal ne la considère pas comme plus importante quant au sens ordinaire du terme « réfrigérateur ». Cependant, l’inclusion explicite du « refroidisseur à vin » dans la signification d’un « réfrigérateur domestique » donne à penser que les définitions figurant dans les normes de la CSA visent à établir une distinction plus précise entre les produits, par exemple aux fins de l’application des exigences énergétiques propres aux produits. Elles n’indiquent pas nécessairement le sens ordinaire des termes. Ainsi, le Tribunal n’est pas convaincu que les définitions prévues par les normes de la CSA ont pour effet d’annuler les définitions du Règlement, ni qu’une plus grande importance devrait leur être accordée au moment d’examiner le sens ordinaire de l’expression « réfrigérateurs de type ménager ».

54.              La mention « de type ménager » accolée au terme « réfrigérateur » aux fins des sous-positions nos 8418.21 et 8418.29, lue dans son sens ordinaire et grammatical, et prise dans son contexte immédiat, associe le terme « réfrigérateur » à un type d’appareil doté de caractéristiques adaptées à l’usage domestique. Bien qu’il soit possible, comme l’a fait valoir Danby, qu’un réfrigérateur servant à conserver des aliments soit « de type ménager », il pourrait également être d’un autre type. Par exemple, une autre caractéristique d’un réfrigérateur dit « de type ménager » peut être sa capacité ou sa taille, comme l’indique la définition de « réfrigérateur » figurant dans le Règlement de 2016 sur l’efficacité énergétique précité[45].

55.              La pertinence de la capacité pour ce qui est de la détermination de la nature domestique ou commerciale des produits a été abordée à l’audience. Le Tribunal a entendu un témoignage selon lequel une distinction est faite entre les produits domestiques et commerciaux aux fins de la réglementation des normes en matière d’énergie et de sécurité. En effet, des normes différentes s’appliquent aux appareils domestiques et commerciaux en raison de leur utilisation particulière et des risques possibles[46]. Les normes tiennent ainsi compte des fonctions et de la consommation d’énergie « radicalement » différentes des appareils de réfrigération de type commercial[47]. Ce témoignage porte le Tribunal à croire qu’établir une distinction entre les réfrigérateurs domestiques et commerciaux constitue également un objectif du cadre de réglementation en matière d’énergie.

56.                          En résumé, la distinction faite entre un « réfrigérateur » et un « refroidisseur à vin » dans les définitions de la CSA n’a pas pour effet, de l’avis du Tribunal, d’exclure un refroidisseur à vin du sens ordinaire d’un réfrigérateur domestique aux fins du classement tarifaire. Autrement dit, le fait qu’une distinction soit faite entre un réfrigérateur et un refroidisseur à vin pour des raisons d’économie d’énergie ne signifie pas que cette distinction est déterminante ou nécessairement pertinente dans le contexte du classement de ces marchandises suivant le Tarif des douanes. Si le législateur avait voulu que l’expression « réfrigérateurs de type ménager » se limite aux réfrigérateurs ne servant à conserver que des aliments ou, de façon générale, qu’elle soit interprétée d’une manière qui concorde avec les normes de la CSA, il l’aurait formulé plus explicitement[48]. Comme ce n’est pas le cas, le Tribunal conclut qu’il serait inapproprié de donner aux termes pertinents un sens aussi étroit que celui suggéré par les parties.

Connaissances des consommateurs à l’égard des produits

57.              Au moment d’étudier la signification de l’expression « réfrigérateurs de type ménager », le Tribunal a aussi tenu compte des éléments de preuve présentés concernant les connaissances des consommateurs.

58.              À ce sujet, Danby a déposé en preuve les résultats d’un sondage d’Ipsos, lesquels montraient que 99 % des répondants (échantillon aléatoire d’adultes de partout au Canada) s’attendaient à ce que des réfrigérateurs de type ménager permettent de conserver des aliments. Le Tribunal n’est pas en désaccord avec les résultats du sondage, mais il est d’avis que la formulation de la question du sondage présentait un risque de biais en raison de la référence faite à la conservation des aliments[49], ce qui a grandement limité la force persuasive de l’élément de preuve.

59.              Le Tribunal a également entendu un témoignage selon lequel les gens ordinaires utilisent le terme « réfrigérateurs » pour parler des refroidisseurs à vin. Monsieur Steve Atkinson, de Danby, a expliqué qu’il lui arrivait souvent d’entendre des consommateurs parler de « réfrigérateurs à vin » [traduction] et que, dans ces cas, il les corrigeait en leur expliquant que le produit devait plutôt être appelé un « refroidisseur à vin » en raison de ses particularités techniques distinctives, notamment en raison de sa structure et de son rendement sur le plan de la température, qui sont adaptés à la réfrigération du vin, et non des aliments. Il a, en outre, affirmé qu’avant de travailler pour Danby, il y a de cela plus de dix ans, il aurait lui-même pu qualifier un refroidisseur à vin de « réfrigérateur »[50].

60.              La confusion qui semble exister sur le marché concernant la façon de désigner un refroidisseur à vin[51] montre au Tribunal que le sens courant et ordinaire de « réfrigérateur domestique » ne se limite pas nécessairement aux réfrigérateurs servant à conserver des aliments. Le Tribunal reconnaît que le marché a considérablement évolué et que, les refroidisseurs à vin étant beaucoup plus courants que par les années passées, la terminologie utilisée sur le marché a évolué elle aussi[52]. Cependant, l’application régulière du Tarif des douanes ne peut être modifiée du simple fait de l’évolution du marché[53]. En outre, bien que les catégories résiduelles, comme celles désignées par le terme « autres », soient utiles pour le traitement des produits nouveaux ou émergents, conformément aux principes établis dans le classement tarifaire tel qu’il a été mentionné précédemment, elles ne doivent être utilisées que si les marchandises ne peuvent être classées dans une catégorie plus précise. Le fait qu’il existe une catégorie résiduelle ne devrait pas entraîner ni encourager une interprétation plus étroite d’une position ou sous-position plus précise[54].

61.              Par conséquent, pour les raisons qui précèdent, les observations présentées quant aux connaissances des consommateurs à l’égard des refroidisseurs à vin et des réfrigérateurs n’ont pas convaincu le Tribunal de limiter la signification de l’expression « réfrigérateurs de type ménager » aux réfrigérateurs servant à conserver des aliments[55].

Caractéristiques ou particularités techniques distinctives des refroidisseurs à vin

62.              Les parties ont soutenu que les marchandises en cause n’étaient pas des réfrigérateurs en raison de leurs différences techniques. Ces différences découlent du fait que les refroidisseurs à vin ne sont pas conçus pour conserver des aliments. En effet, ils sont réglés à des températures[56] et des niveaux d’humidité supérieurs (afin d’empêcher le liège de sécher)[57], ils sont équipés de porte-bouteilles et leur intérieur est sombre de façon à empêcher l’altération du vin.

63.              Comme il a déjà été mentionné, le Tribunal estime que les « réfrigérateurs de type ménager » n’excluent pas les refroidisseurs à vin. Par conséquent, les particularités techniques propres aux refroidisseurs à vin ne justifient pas que les marchandises en cause soient soustraites aux sous-positions pertinentes.

Usage prévu

64.              En faisant valoir que les marchandises en cause n’étaient pas « de type ménager », Cavavin a soutenu qu’elles n’étaient pas destinées à un usage uniquement domestique et qu’elles pouvaient tout autant servir à des fins commerciales. À cet égard, Cavavin a appliqué le cadre établi par le Tribunal dans des affaires comme Ikea, Stylus et Canac pour déterminer si les marchandises pouvaient être classées dans le numéro tarifaire « pour usages domestiques » ou dans la catégorie résiduelle « autres »[58]. Pour s’acquitter de son fardeau de démontrer le double objet, soit domestique et commercial, des marchandises en cause, Cavavin a présenté des observations détaillées concernant les facteurs pris en compte par le Tribunal pour déterminer l’usage prévu des marchandises, c’est-à-dire la conception, les caractéristiques, la commercialisation et le prix de celles-ci.

65.              Pour sa part, l’ASFC a soutenu que les décisions du Tribunal quant au classement des marchandises dans le numéro tarifaire « pour usages domestiques » ne s’appliquaient pas, puisqu’il existait une différence entre la signification des expressions « de type ménager » et « pour usages domestiques ». À cet égard, l’ASFC a mentionné que les termes « ménager » et « domestique » étaient synonymes. Elle a cependant ajouté que, selon les définitions des termes « type » et « usage » contenues dans les dictionnaires, le terme « type » renvoyait à des caractéristiques communes ou à des similarités plutôt qu’à l’usage des marchandises[59].

66.              Le Tribunal est d’avis que l’interprétation de l’ASFC est correcte dans la mesure où l’expression « de type ménager » signifie que les marchandises doivent posséder certaines caractéristiques liées à leur fonctionnalité ou à leur usage dans une résidence. En d’autres mots, dans la mesure où le réfrigérateur est un réfrigérateur domestique, le fait qu’il soit destiné à être utilisé aussi dans un contexte commercial n’empêcherait pas qu’il soit classé comme étant « de type ménager ». Par conséquent, les marchandises en cause sont des réfrigérateurs « de type ménager » malgré les observations présentées par Cavavin à savoir que les marchandises étaient également destinées à un usage non domestique ou commercial.

67.              La position du Tribunal à cet égard est conforme à la preuve testimoniale selon laquelle l’usage prévu des marchandises, que ce soit à des fins commerciales ou domestiques, n’a pas de lien avec leurs caractéristiques inhérentes. En réponse aux questions à savoir si les produits de Cavavin pouvaient se distinguer des refroidisseurs à vin utilisés à des fins commerciales, Mme Nathalie Fortier, de Cavavin, a affirmé qu’une telle distinction ne pouvait être faite. Elle a précisé que la distinction était plutôt liée au type de vin qui pouvait être conservé dans les refroidisseurs à vin[60]. Même la capacité d’un refroidisseur à vin ne permet pas d’établir si celui-ci est destiné à un usage commercial ou domestique. Par exemple, un petit restaurant pourrait n’avoir besoin que d’un refroidisseur à vin généralement utilisé à des fins domestiques, tandis qu’un particulier pourrait quant à lui vouloir un refroidisseur à vin de grande capacité[61]. Ce témoignage porte le Tribunal à croire que la distinction entre les réfrigérateurs de type ménager et de type commercial ne repose pas sur leur usage prévu comme tel, même si l’usage prévu est assurément un facteur pouvant indiquer le type de réfrigérateur aux fins du classement tarifaire. Un réfrigérateur est plutôt désigné comme étant de type ménager en fonction des caractéristiques inhérentes à sa fonctionnalité ou à son usage dans une résidence. Le fait qu’un réfrigérateur domestique puisse être utilisé dans un contexte commercial n’a aucune incidence sur son « type » aux fins du classement tarifaire.

Autres indicateurs montrant que les marchandises en cause sont des réfrigérateurs « de type ménager »

68.              Pour les raisons qui précèdent, le Tribunal ne souscrit pas à la thèse selon laquelle les « réfrigérateurs de type ménager », aux fins des sous-positions nos 8418.21 et 8418.29, se limitent aux réfrigérateurs servant à conserver des aliments, comme les parties l’ont laissé entendre. Le Tribunal doit maintenant se demander s’il y a suffisamment d’éléments de preuve établissant que les marchandises en cause présentent les caractéristiques d’un réfrigérateur « de type ménager ».

69.              D’abord, les parties ont convenu que les marchandises en cause étaient assujetties aux normes de la CSA applicables aux réfrigérateurs, aux réfrigérateurs-congélateurs, aux congélateurs et aux refroidisseurs à vin (C-300), ce qui confirme qu’elles correspondent au sens de l’expression « réfrigérateur domestique » utilisée dans la définition de « réfrigérateur », à l’article 39 du Règlement de 2016 sur l’efficacité énergétique. Bien que le Tribunal demeure d’avis que ce cadre réglementaire ne règle pas la question de la signification de l’expression « de type ménager » aux fins du classement tarifaire, il estime qu’il indique tout de même que les marchandises en cause sont des réfrigérateurs domestiques d’après leur capacité[62]. Il convient de noter que l’ASFC n’a pas jugé que la capacité des marchandises en cause en faisait des appareils « autres que de type ménager »[63].

70.              De plus, lorsqu’elle a initialement établi que les marchandises en cause étaient « de type ménager », l’ASFC a tenu compte de la conception des produits. Elle a fait mention des « matériaux robustes » [traduction] utilisés pour l’extérieur, de l’éclairage intérieur, de la qualité et de la puissance des compresseurs, du système de tablettes, du système de commande de la température, etc. Ayant étudié ces éléments de conception, l’ASFC a conclu que rien n’indiquait que les marchandises en cause étaient autres que de type ménager[64].

71.              L’ASFC a également conclu que les modalités de garantie énoncées dans les manuels d’utilisation confirmaient la nature domestique des marchandises en cause[65].

72.              En outre, l’ASFC a renvoyé aux documents promotionnels publiés par Cavavin sur les sites de médias sociaux, lesquels documents présentaient les marchandises en cause dans un contexte domestique[66]. L’ASFC a aussi renvoyé au site Web de Cavavin et à son catalogue en ligne, où les marchandises en cause étaient annoncées comme des réfrigérateurs domestiques[67].

73.              Enfin, l’ASFC a conclu que les marchandises en cause ne se distinguaient pas des réfrigérateurs autres que de type ménager par leur prix[68].

74.              Il est évident que, lorsqu’elle a initialement examiné les produits susmentionnés et les caractéristiques de marché des marchandises en cause, l’ASFC n’est pas parvenue à la conclusion que ces marchandises se distinguaient des réfrigérateurs de type ménager. En fait, elle a conclu que c’était exactement ce qu’elles étaient. Le Tribunal parvient à une conclusion semblable lorsqu’il examine ces caractéristiques; celles-ci appuient la conclusion selon laquelle les marchandises en cause sont des réfrigérateurs de type ménager.

Conclusion

75.              Compte tenu de l’analyse qui précède, les marchandises en cause devraient être classées respectivement dans les numéros tarifaires 8418.21.00, pour les réfrigérateurs à compression, et 8418.29.00, pour les réfrigérateurs à technologie thermoélectrique.

Abus de procédure

76.                          Comme il a déjà été mentionné, en se fondant sur les normes de la CSA présentées par Danby, l’ASFC a révisé son classement des marchandises en cause et les a placées dans le numéro tarifaire 8418.50.10, soit le même numéro tarifaire qu’elle avait utilisé à l’égard des marchandises visées par l’appel dans l’affaire Rona. Cavavin a demandé au Tribunal de décider si l’ASFC avait commis un abus de procédure selon les principes énoncés dans l’arrêt Bri-chem.

77.                          Dans l’arrêt Bri-chem, la Cour a établi clairement qu’en tant qu’administrateur dont les actions sont régies par le Tribunal, l’ASFC doit tenir compte des décisions de celui-ci. Selon le principe de la prééminence du tribunal, « la décision d’un tribunal lie ceux qui relèvent de sa juridiction, notamment les administrateurs, à moins qu’un tribunal judiciaire ne se prononce ultérieurement »[69]. Cavavin a soutenu que le reclassement des marchandises en cause par l’ASFC de même que les arguments formulés à l’appui de ce reclassement étaient les mêmes que dans l’affaire Rona.

78.              Après avoir examiné les observations des parties, le Tribunal a déclaré, lors de l’audience, que l’ASFC n’avait commis aucun abus de procédure, contrairement à la conclusion tirée dans l’arrêt Bri-chem, puisque les circonstances du présent appel étaient suffisamment différentes[70]. Les définitions contenues dans les normes de la CSA constituaient une preuve factuelle dont le Tribunal ne disposait pas dans l’affaire Rona, et sur laquelle il a pu se fonder en l’espèce pour évaluer l’applicabilité des numéros tarifaires proposés par l’ASFC et par Cavavin. À cet égard, le Tribunal a conclu que l’exception énoncée par la Cour dans l’arrêt Bri-Chem relativement aux faits différents s’appliquait au présent appel[71].

DÉCISION

79.              L’appel est rejeté.

Serge Fréchette

Serge Fréchette
Membre présidant

 



[1].     L.R.C. 1985, ch. 1 (2e suppl.) [Loi].

[2].     Pièce AP-2017-021-58A, vol. 1V, au par. 2.

[9].     Les parties ont convenu que les marchandises en cause pouvaient être désignées comme des celliers/refroidisseurs à vin et mini-bars/mini-refroidisseurs à boissons. Voir l’exposé conjoint des faits, pièce AP-2017-021-58A, vol. 1V, au par. 3. Par conséquent, le Tribunal reconnaît ces termes comme étant des synonymes aux fins du présent appel. À moins d’indication contraire dans le présent exposé des motifs, les marchandises en cause seront appelées « refroidisseurs à vin ».

[10].   Pièce AP-2017-021-58A, vol. 1V, au par. 1-4.

[11].   Pièce AP-2017-021-04A, vol. 1, à la p. 21.

[12].   Pièce AP-2017-021-58A, vol. 1V, au par. 3.

[13].   L.C. 1997, ch. 36.

[14].   Le Canada est l’un des pays signataires de la Convention internationale sur le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, qui régit le Système harmonisé.

[15].   L.C. 1997, ch. 36, annexe [Règles générales].

[16].   L.C. 1997, ch. 36, annexe.

[17].   Organisation mondiale des douanes, 4éd., Bruxelles, 2017.

[18].   Organisation mondiale des douanes, 6e éd., Bruxelles, 2017.

[19].   Voir Canada (Procureur général) c. Suzuki Canada Inc., 2004 CAF 131 (CanLII), aux par. 13, 17, et Canada (Procureur général) c. Best Buy Canada Inc., 2019 CAF 20, au par. 4.

[20].   Canada (Procureur général) c. Igloo Vikski Inc., 2016 CSC 38 [Igloo Vikski], au par. 21.

[21].   Selon la règle 6 des Règles générales, « [l]e classement des marchandises dans les sous-positions d’une même position est déterminé légalement d’après les termes de ces sous-positions et des Notes de sous-positions ainsi que, mutatis mutandis, d’après les Règles [1 à 5] […] » et « les Notes de Sections et de Chapitres sont également applicables sauf dispositions contraires. »

[22].   La règle 1 des Règles canadiennes stipule que « [l]e classement des marchandises dans les numéros tarifaires d’une sous-position ou d’une position est déterminé légalement d’après les termes de ces numéros tarifaires et des Notes supplémentaires ainsi que, mutatis mutandis, d’après les [Règles générales] […] » et que « les Notes de Sections, de Chapitres et de sous-positions sont également applicables sauf dispositions contraires. » Les avis de classement et les notes explicatives ne s’appliquent pas au classement au niveau du numéro tarifaire.

[23].   Rona Corporation c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (17 octobre 2016), AP-2015-021 (TCCE) [Rona].

[24].   Dans Euro-Line Appliances c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (12 août 2013), AP-2012-026 (TCCE), au par. 23, le Tribunal a affirmé ce qui suit : « En utilisant le mot “autres” pour modifier “matériel, machines et appareils pour la production du froid”, la sous-position no 8418.69 devient un classement résiduel englobant le matériel, les machines et les appareils pour la production du froid qui ne sont pas inclus dans l’une des sous‑positions qui la précèdent. »

[25].   Rona, au par. 55.

[26].   Rona, au par. 56.

[27].   Rona, aux par. 57, 58.

[28].   Rona, au par. 59.

[29].   Rona, au par. 60.

[30].   Rona, au par. 62.

[31].   DORS/2016-311. Ce règlement a été promulgué dans le cadre de la Loi sur l’efficacité énergétique, L.C. 1992, ch. 36.

[32].   La norme CAN/CSA-C300-08 intitulée Performance énergétique et capacité des réfrigérateurs, des réfrigérateurs-congélateurs, des congélateurs et des refroidisseurs à vin [CSA C300-08] [traduction]. Voir pièce AP‑2017‑021-64A, vol. 1Z, aux par. 6, 7; Transcription de l’audience publique, aux p. 141, 142.

[33].   DORS/94-651.

[34].   Transcription de l’audience publique, à la p. 77.

[35].   Transcription de l’audience publique, à la p. 88. Le Tribunal a également été saisi d’éléments de preuve indiquant qu’aux fins des attestations de conformité de la CSA en matière de sécurité, aucune distinction n’était faite, dans les catégories de produits mis à l’essai par la CSA, entre les réfrigérateurs, les congélateurs et les refroidisseurs à vin puisque les risques que peuvent présenter ces produits sont identiques. Les trois types de produits s’inscrivent dans la catégorie de l’« équipement de réfrigération ». Voir pièce AP-2017-021-049A, vol. IV, à la p. 816; Transcription de l’audience publique, à la p. 67.

[36].   Pièce AP-2017-021-60, vol. 1W, à la p. 36.

[37].   Pièce AP-2017-021-60, vol. 1W, à la p. 38.

[38].   Voir pièce AP-2017-021-30, vol 1Q, à la p. 426.

[39].   Pièce AP-2017-021-30, vol. 1Q, aux. p. 507, 508, 511.

[40].   Transcription de l’audience publique, aux p. 73, 74.

[41].   Partylite Gifts Ltd. (16 février 2004), AP-2003-008 (TCCE); Canac Marquis Grenier Ltée c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (28 février 2017), AP-2016-005 (TCCE) [Canac].

[42].   Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, 1998 CanLII 837, au par. 21.

[43].   R. Sullivan, Sullivan on the Construction of Statutes, 6e éd., à la p. 30.

[44].   Lignes aériennes Canadien Pacifique Ltée c. Assoc. canadienne des pilotes de lignes Aériennes, [1993] 3 R.C.S. 724, 1993 CanLII 31 (CSC), à la p. 735 (juge Gonthier); voir aussi Pharmascience inc. c. Binet, [2006] 2 R.C.S. 513, 2006 CSC 48 (CanLII), au par. 30.

[45].   Selon la définition de « réfrigérateur » fournie dans le Règlement de 2016 sur l’efficacité énergétique, un réfrigérateur domestique a une capacité d’au plus 1 100 L (39 pieds cubes).

[46].   Transcription de l’audience publique, aux p. 69, 70.

[47].   Transcription de l’audience publique, à la p. 72.

[48].   Par exemple, le numéro tarifaire 1905.40.10 renvoie aux « Diététiques spéciaux, sous réserve des règlements de Santé Canada »; le numéro tarifaire 2207.20.12, à l’« Alcool dénaturé, au sens de la Loi de 2001 sur l’accise »; et le numéro tarifaire 9996.00, au « d) [...] “duvet commercial”, au sens du même règlement ».

[49].   La question du sondage était ainsi formulée : « Lorsque vous pensez à un réfrigérateur de type ménager, vous attendez-vous à ce qu’il permette de conserver des aliments? » [traduction]. Voir pièce AP-2017-021-21A, vol. 1D, au par. 21.

[50].   Transcription de l’audience publique, à la p. 52.

[51].   Transcription de l’audience publique, à la p. 133.

[52].   Transcription de l’audience publique, aux p. 38, 39.

[53].   Monsieur Greg Hall, de Danby, a parlé des tensions qui existent entre la réglementation et les avancées dans l’industrie, ainsi que du fait que les organismes de réglementation doivent rattraper leur retard à cet égard. Transcription de l’audience publique, à la p. 81.

[54].   Cavavin a soutenu qu’un réfrigérateur pouvait se distinguer d’un refroidisseur à vin dans la mesure où il existe des sous-positions précises pour les réfrigérateurs, de même qu’une catégorie résiduelle.

[55].   Le Tribunal estime que le jugement rendu par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Danfoss Manufacturing Ltd. v. Deputy Minister of National Revenue (1972), 1972 CarswellNat 40 (CAF), cité par Danby, n’a qu’une faible valeur de précédent dans le cadre du présent appel étant donné qu’il date d’avant le Tarif des douanes.

[56].   Un réfrigérateur traditionnel utilisé pour la conservation des aliments serait réglé à une température se situant autour de 0 à 1 degré, tandis que les refroidisseurs à vin, qui ne servent pas à conserver des aliments, sont réglés à des températures plus élevées allant de 4 à 18 degrés. Transcription de l’audience publique, aux p. 47, 48.

[57].   Transcription de l’audience publique, aux p. 8, 9.

[58].   IKEA Supply AG c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (18 septembre 2014), AP-2013-053 (TCCE); Canac; Stylus Sofas Inc., Stylus Atlantic, Stylus Ltd. et Terravest (SF Subco) Limited Parternship c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (19 août 2015), AP-2013-021, AP-2013-022, AP-2013-023 et AP-2013-024 (TCCE).

[59].   Le Canadian Oxford Dictionary définit le terme « type » comme « une catégorie de personnes ou de choses qui se distinguent par des caractéristiques essentielles communes » [traduction]. Le Random House Webster’s Unabridged Dictionary le définit comme « un certain nombre de choses ou de personnes qui partagent une caractéristique, ou un ensemble de caractéristiques, qui les amène à être considérées comme un groupe, défini ou désigné plus ou moins précisément » [traduction]. Voir le mémoire de l’intimé, pièce AP-2017-021-08A, aux par. 61, 62.

[60].   Transcription de l’audience publique, aux p. 21, 22.

[61].   Transcription de l’audience publique, à la p. 23.

[62].   Selon l’exposé conjoint des faits, le refroidisseur à vin le plus gros (modèle no CAVA160NSZ) contient 160 bouteilles de vin. Selon le format standard d’une bouteille de vin, soit 750 ml, la capacité de ce modèle serait de 120 l, ce qui est bien en deçà de la capacité précisée pour les réfrigérateurs domestiques dans la définition prévue à l’article 39 du Règlement de 2016 sur l’efficacité énergétique. Voir AP-2018-021-58A, vol. 1V, au par. 2.

[63].   Pièce AP-2017-021-08A, vol. 1B, aux par. 77, 80, 81

[64].   Ibid., aux par. 69-72.

[65].   Ibid., aux par. 74, 75.

[66].   Ibid., aux par. 82, 83, 93.

[67].   Ibid., au par. 93.

[68].   Ibid., aux par. 96, 97.

[69].   Canada (Procureur général) c. Bri-Chem Supply Ltd., 2016 CAF 257 [Bri-Chem], au par. 45.

[70].   Transcription de l’audience publique, aux p. 5, 6.

[71].   La Cour indique : « On ne remet pas en question qu’un administrateur, qui agit de bonne foi et conformément au mandat que lui confère la loi, puisse faire valoir, dans le cas où sa thèse est fondée sur des principes et est justifiée, que la décision antérieure rendue par un tribunal ne s’applique pas à une affaire dont les faits diffèrent. » Voir Bri‑Chem, au par. 47.

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