Appels en matière de douanes et d’accise

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Appel no AP-2018-010

Rona Inc.

c.

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Décision et motifs rendus
le mercredi 24 juin 2020

 



EU ÉGARD À un appel entendu le 27 février 2020, en vertu de l’article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 12 avril 2018, concernant une demande de révision aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

RONA INC

Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

Intimé

DÉCISION

L’appel est rejeté.

Susan D. Beaubien

Susan D. Beaubien
Membre présidant


 

Lieu de l’audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l’audience :

Le 27 février 2020

Membre du Tribunal :

Susan D. Beaubien, membre présidant

Personnel de soutien :

Heidi Lee, conseillère juridique

PARTICIPANTS :

Appelante

Conseillers/représentants

Rona Inc.

Jeffrey Goernert
Marco Ouellet

Intimé

Conseillers/représentants

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Luc Vaillancourt
Rigers Alliu
Émilie Raby-Roussel

TÉMOINS :

Pierre-Olivier Corcos
Ingénieur en chef et responsable des opérations en Asie
OVE Décors ULC

Mathieu Morin
Directeur de catégorie – Plomberie de finition et cuisine
Rona Inc.

Veuillez adresser toutes les communications au :

Greffier
Secrétariat du Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario)  K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

VUE D’ENSEMBLE

[1]  Rona Inc. (Rona) importe des écrans de baignoire en verre pour la vente dans ses magasins de détail et en ligne. L’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a classé les marchandises à titre d’« autres ouvrages en verre » de la position 70.20 aux fins du Tarif des douanes [1] .

[2]  Rona conteste que les écrans de baignoire soient correctement classés dans la position 70.20. Rona interjette appel devant le Tribunal de la décision de l’ASFC et soutient que les écrans de baignoire doivent plutôt être classés dans la position 70.07 à titre de « verre de sécurité, consistant en verres trempés ou formés de feuilles contre‑collées ». Subsidiairement, Rona soutient que les écrans de baignoire doivent être classés dans la position 70.13 à titre d’« objets en verre pour le service de la table, pour la cuisine, la toilette, le bureau, l’ornementation des appartements ou usages similaires (autres que ceux des nos 70.10 ou 70.18) » [2] .

CONTEXTE ET HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

[3]  Rona a commencé à importer les écrans de baignoire au début de 2017. À ce moment, Rona avait déclaré, aux fins des douanes, que les marchandises pouvaient être classées dans le numéro tarifaire 7326.90.90.90 à titre d’« autres ouvrages en fils de fer ou d’acier » [3] .

[4]  En août 2017, Rona a demandé le reclassement des écrans de baignoire à titre d’« autre verre de sécurité » du numéro tarifaire 7007.19.00. Au même moment, Rona a demandé le remboursement des droits de douane versés sous le classement antérieur. L’ASFC a rejeté cette demande et déterminé que les marchandises devaient être classées à titre de « structures en aluminium » [traduction] du numéro tarifaire 7610.10.00 [4] .

[5]  Rona a invoqué le paragraphe 60(1) de la Loi sur les douanes [5] , qui prévoit un processus de révision interne par l’ASFC. Au terme de ce processus, l’ASFC a déterminé que les écrans devaient être classés à titre de « verre de sécurité » du numéro tarifaire 7020.00.90. C’est de cette décision, rendue le 12 avril 2018 [6] , que Rona a interjeté le présent appel auprès du Tribunal le 6 juin 2018 [7] .

[6]  À la demande de Rona et avec le consentement de l’ASFC, le présent appel a été suspendu en attendant qu’une décision soit rendue dans un autre dossier devant le Tribunal (AP-2017-060) [8] , qui concernait le classement de marchandises analogues.

Décision de l’ASFC

[7]  L’ASFC a rendu sa décision le 18 avril 2018, conformément au paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

[8]  Les marchandises en cause sont désignées dans la décision de l’ASFC comme des écrans de baignoire en verre trempé (article no 87775010, écran de baignoire UBERHAUS Design) [9] .

[9]  L’ASFC décrit l’écran de baignoire comme un accessoire de bain conçu pour être utilisé dans une salle de bain domestique. L’écran sert de barrière empêchant l’eau de rejaillir hors de la baignoire [10] .

[10]  L’écran est importé à l’état démonté et comprend ce qui suit :

  • o 2 panneaux en verre trempé (de 6 mm d’épaisseur)

  • § 1 panneau rectangulaire (10" de largeur sur 55" de hauteur)

  • § 1 porte (3 côtés droits et 1 côté recourbé opposé au mur, de 55" de hauteur, le dessus ayant 10" de largeur et le bas 30")

  • o 1 tringle murale en aluminium

  • o 1 pivot avec joint en aluminium pour la porte

  • o 1 barre de stabilisation en aluminium (dessus du panneau rectangulaire jusqu’au mur)

  • o 1 porte-serviettes en aluminium (installé sur la porte)

  • o 1 joint d’étanchéité pour l’écran de baignoire

  • o petites pièces de métal d’usage général (vis et/ou boulons) [11]

[Traduction]

[11]  La décision résume la façon dont l’ASFC a déterminé le classement tarifaire, en commençant par déterminer la bonne position, puis la bonne sous-position et ensuite le bon numéro tarifaire. Ces déterminations se font selon les dispositions des articles 10 et 11 du Tarif des douanes, c’est-à-dire en conformité avec les Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé [12] , les Règles canadiennes [13] et les Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [14] , tout en tenant compte du Recueil des avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [15] . L’ASFC n’est pas liée par les décisions internationales, mais en tient compte [16] .

[12]  L’ASFC a commencé son examen par l’analyse des positions pertinentes, à commencer par la position 70.07, qui couvre le verre de sécurité, consistant en verres trempés ou formés de feuilles contre-collées [17] .

[13]  Bien que les panneaux de verre, individuellement, semblent correspondre aux termes de la position, l’ASFC est arrivée à la conclusion que les marchandises n’avaient pas le même type d’utilisation finale que celles décrites dans les notes explicatives. En particulier, le verre de sécurité sert habituellement à « protéger les personnes de blessures pouvant être causées par l’action d’une force physique ou par l’exposition à d’autres éléments industriels ou environnementaux (généralement en-dehors du cadre domestique) » [traduction]. Bien que le verre utilisé dans les écrans de baignoire soit trempé, sa principale fonction est d’empêcher l’eau de s’échapper d’une baignoire dans un cadre domestique, et non de protéger l’utilisateur de forces extérieures [18] .

[14]  Par conséquent, l’ASFC a établi que l’utilisation finale des marchandises en cause différait de celle décrite dans les notes explicatives. L’ASFC a donc conclu que les écrans de baignoire ne pouvaient pas être classés dans la position 70.07 [19] .

[15]  L’ASFC s’est tournée vers la position 76.10, qui concerne les parties de constructions en aluminium. En s’appuyant sur une définition de dictionnaire du terme anglais « structure » (structure), et compte tenu du fait que l’écran de baignoire comprend une porte sans cadre et que les « portes » sont spécifiquement mentionnées dans la position, l’ASFC est arrivée à la conclusion que les marchandises étaient exclues de la position 76.10 parce qu’elles sont prévues pour une utilisation comme accessoire de salle de bain dans un cadre domestique. Comme ni la baignoire, ni la salle de bain, ni le domicile ne constituent des « structures en aluminium », les écrans de baignoire ne correspondent pas à la description de la position 76.10. Pour arriver à cette conclusion, l’ASFC a également tenu compte des notes explicatives de la position 73.08, qui s’appliquent, mutatis mutandis, à la position 76.10 [20] .

[16]  L’ASFC a ensuite examiné la position 70.20, qui est une catégorie résiduelle. Comme les marchandises en cause ne correspondaient à aucune des autres positions du chapitre 70 et qu’elles avaient les caractéristiques essentielles d’ouvrages en verre, l’ASFC a conclu que c’était dans cette position que devaient être classés les écrans de baignoire [21] .

[17]  Dans l’étape suivante de son analyse, l’ASFC a fait référence aux principes à prendre en considération pour le classement au niveau de la position, conformément aux Règles générales 2a) et b). Constatant que les marchandises étaient constituées d’éléments différents, et présentées à l’état démonté, l’ASFC a conclu que chaque élément (sauf le porte-serviettes) était constitutif de l’ensemble de la structure de l’article, qui a été caractérisé comme ayant les caractéristiques générales d’une « paroi/porte de verre » [traduction] [22] .

[18]  Cela a conduit l’ASFC à la conclusion suivante :

Au niveau de la position, les marchandises sont classées de prime abord dans la position 70.20 (et nulle autre) en vertu des Règles générales 1, 2a) et 2b), en tenant compte des notes explicatives du chapitre 70 et celles des positions 70.07 et 70.20 [23] .

[Traduction]

[19]  L’ASFC a ensuite conclu que les marchandises devaient être classées dans la sous‑position 7020.00. Il existait deux options au niveau du numéro tarifaire : les ouvrages en verre, devant posséder des caractéristiques précises (7020.00.10) et la catégorie résiduelle « autres » (7020.00.90). L’ASFC a opté pour cette dernière et classé les marchandises dans le numéro tarifaire 7020.00.90. [24]

[20]  Rona interjette appel de cette décision auprès du Tribunal.

Dépôt de nouveaux éléments de preuve en appel

[21]  À l’appui de son appel, Rona a déposé les éléments suivants :

  • a) une copie de la décision dont elle interjette appel [25] ;

  • b) une fiche de renseignements sur les marchandises en cause [26] ;

  • c) des copies du Règlement sur les portes et enceintes contenant du verre, DORS/2016-174 [27] ;

  • d) une publication de l’Office des normes générales du Canada cherchant à établir une norme nationale à l’égard du vitrage de sécurité au Canada [28] ;

  • e) la définition des termes « frame » [29] (cadre, chambranle), « glassware » [30] (objets ou ouvrages en verre), « mainly » [31] (surtout), « may » [32] (pouvoir) et « such as » [33] (tel que) tirée de dictionnaires en ligne;

  • f) des articles intitulés « All About Shower Glass » [34] (Tout savoir sur les parois de douche en verre), « What Is Safety Glass » [35] (Qu’est-ce que le verre de sécurité?) et « How Is Tempered Glass Made? » [36] (Comment est fabriqué le verre trempé), un article de Wikipédia intitulé « Tempered Glass » [37] (Verre trempé) et un autre intitulé « What Is Float Glass & How Is It Made? » [38] (Qu’est-ce que le verre flotté et comment est-il fabriqué?), qui tous semblent avoir été téléchargés sur Internet;

  • g) la transcription d’une audience devant le Tribunal dans le dossier OVE Décors [39] ;

  • h) un document daté de mars 2009 présenté comme un guide dans lequel sont décrits les changements apportés au chapitre 3 (Plomberie) du Code de construction du Québec [40] .

[22]  En réponse, l’ASFC a déposé les documents suivants :

  • a) une copie de la réponse de l’ASFC à la demande de reclassement initiale de Rona [41] ;

  • b) une copie de la décision dont Rona interjette appel [42] ;

  • c) des extraits imprimés des sites Web de Rona et de Mecanair [43] ;

  • d) une copie imprimée du guide de l’utilisateur de l’écran de bain Uberhaus Design en question [44] .

[23]  Les deux parties ont déposé des observations écrites, accompagnées d’extraits des dispositions législatives et de la jurisprudence à l’appui.

[24]  Avant l’audience, Rona a déposé un rapport d’expert rédigé par Pierre-Olivier Corcos [45] , directeur de l’exploitation et ingénieur-chef à OVE Décors ULC (OVE). M. Corcos a une maîtrise en génie chimique de l’Université de Sherbrooke [46] .

[25]  Rona a également prévenu qu’elle avait l’intention de faire comparaître Mathieu Morin comme témoin. Avec le consentement de l’ASFC, Rona a aussi déposé des extraits imprimés de son site Web, à savoir les pages de renseignements sur différents produits, soit un écran de baignoire, un porte-savon, un panier de douche, un porte-brosses à dents et un porte‑serviettes, ainsi que des formulaires de déclaration de douane, des factures et des documents commerciaux se rapportant à l’importation des marchandises en cause.

[26]  L’ASFC a fait savoir qu’elle ne ferait comparaître aucun témoin à l’audience, mais qu’elle comptait contester la qualification de M. Corcos comme témoin expert.

[27]  Un exemplaire de l’écran de baignoire en cause, dans sa boîte (à l’état démonté), a été apporté à l’audience. Cependant, aucune des parties n’y a fait référence, car elles étaient d’accord sur le contenu de la boîte [47] .

Audience

[28]  Une audience a eu lieu le 27 février 2020. Les deux parties y étaient représentées.

[29]  Avant que l’audience ne commence, des problèmes techniques imprévus ont affecté les ordinateurs installés dans la salle d’audience. Il semblait s’agir de problèmes logiciels causés par une mise à jour du système d’exploitation. Comme le Tribunal a recours à des audiences virtuelles, ces problèmes de TI auraient pu avoir une incidence sur la capacité du greffe à retrouver des documents et à les afficher pendant l’audience. Par précaution, l’audience a été déplacée dans une autre salle. Cependant, la salle en question n’était pas équipée d’un système d’enregistrement secondaire, qui fournit une copie de sauvegarde au sténographe aux fins de la transcription de l’audience.

[30]  Au début de l’audience, les parties ont été informées de ces problèmes et invitées à exprimer d’éventuelles hésitations à procéder à l’audience en l’absence d’un enregistrement de sauvegarde pouvant être utilisé pour la préparation de la transcription par le sténographe. Les deux parties ont confirmé qu’elles souhaitaient aller de l’avant [48] .

Pierre-Olivier Corcos

[31]  Lors de l’audience, Rona a appelé Pierre-Olivier Corcos à comparaître comme expert. Son rapport écrit a été considéré comme faisant partie de son témoignage devant le Tribunal, sous réserve de sa qualification à titre d’expert et de la tenue d’un contre-interrogatoire [49] .

[32]  M. Corcos travaille chez OVE depuis 2013 [50] . OVE est un distributeur de plomberie de finition présent dans l’ensemble du Canada et des États-Unis [51] . L’entreprise vend plus de 60 000 douches par an par l’intermédiaire de magasins de détail comme Lowes, Home Depot, Costco, Rona et Menards [52] . Selon ce qu’affirme M. Corcos dans son rapport, il a supervisé dans le cadre de son travail la conception, la production, l’expédition et le service après-vente se rapportant à différents types et modèles de cabines de douche [53] .

[33]  En raison de son expérience de travail chez OVE, M. Corcos affirme « posséder une connaissance approfondie et une vaste expérience en ce qui a trait à la fabrication de cabines de douche, de pare‑douches, de portes de baignoire et d’écrans de baignoire, ainsi qu’en matière de distribution, de vente, de marketing, d’installation et de dépannage [54]  » [traduction].

[34]  Le conseiller juridique de Rona souligne que l’employeur de M. Corcos est, à titre de fournisseur des marchandises en cause, un concurrent de Rona. Par conséquent, dit Rona, M. Corcos a les qualifications requises pour donner son opinion sur la conception et la fonction des écrans de baignoire visés, leur processus de fabrication, les mesures de contrôle de la qualité et de sécurité s’y rapportant ainsi que la manière dont ils sont commercialisés et vendus [55] .

[35]  Le conseiller juridique de l’ASFC a contre-interrogé M. Corcos sur ses études et son expérience de travail [56] .

[36]  Une fois le contre-interrogatoire terminé, les parties ont exprimé leur avis sur la qualification de M. Corcos à titre de témoin expert. Elles n’étaient pas tout à fait d’accord sur la portée de l’expertise de M. Corcos. Le conseiller juridique de Rona estime que M. Corcos devrait être reconnu comme expert en fabrication de produits pour salle de bain en verre, leurs canaux de commercialisation et leurs utilisateurs finaux.

[37]  Selon l’ASFC, M. Corcos ne peut pas être reconnu comme expert à l’égard de produits qui ne sont pas fabriqués ou vendus par OVE. L’ASFC reconnaît toutefois son expertise en conception et en fabrication de cabines de douche et d’écrans de baignoire [57] . L’ASFC s’est aussi opposée à ce que M. Corcos puisse donner un témoignage d’opinion à l’égard de la commercialisation et de la vente des marchandises, faisant valoir qu’il n’avait pas fait d’études ni eu d’expérience directe de travail dans ces domaines [58] . Le conseiller juridique de l’ASFC a précisé que cette opposition se limitait aux témoignages d’opinion et ne concernait pas des témoignages sur des questions de fait dans ces domaines [59] .

[38]  L’admission de la preuve d’expert repose sur l’application des quatre critères suivants :

  • a) la pertinence;

  • b) la nécessité d’aider le juge des faits;

  • c) l’absence de toute règle d’exclusion;

  • d) la qualification suffisante de l’expert [60] .

[39]  L’obligation première de l’expert envers la cour ou le tribunal est de rendre un témoignage d’opinion qui soit juste, objectif et impartial [61] .

[40]  Après avoir examiné le rapport de M. Corcos, son curriculum vitae et son témoignage lors de l’interrogatoire préliminaire, le Tribunal est convaincu que les éléments de preuve de M. Corcos sont pertinents à l’égard du litige entre les parties et seront utiles au Tribunal. Le Tribunal constate qu’il n’existe aucune règle d’exclusion applicable aux éléments de preuve présentés par M. Corcos.

[41]  En ce qui concerne le quatrième critère, il n’y avait pas consensus sur la portée de la qualification de M. Corcos. Les parties sont arrivées à une entente lors de l’audience qui a réglé l’essentiel de la question. Le Tribunal a avisé les parties que M. Corcos serait reconnu comme expert, que le Tribunal tiendrait compte de ses éléments de preuve et aborderait au besoin, dans les présents motifs, les éventuels aspects de son témoignage qui pourraient excéder le domaine convenu de son expertise ou susciter des objections dans le cadre de son témoignage [62] .

[42]  Dans son rapport écrit, M. Corcos indique avoir inspecté un échantillon des marchandises en cause et bien connaître ce type de produit (les écrans de baignoire), qui sont courants dans l’industrie. L’employeur de M. Corcos (OVE) a vendu de nombreux modèles d’écrans de baignoire au fil des années [63] .

[43]  Selon M. Corcos, l’écran de baignoire visé est « couramment décrit comme une porte de douche ou un écran sans cadre » [64] [traduction] et est considéré comme un « accessoire de plomberie de finition » [traduction]. Il est généralement présenté comme un accessoire de baignoire [65] qui peut servir de remplacement haut de gamme à un rideau de douche normal [66] .

[44]  En contre-interrogatoire, M. Corcos a qualifié les « accessoires pour baignoire » [traduction] de sous-ensemble de la « plomberie de finition » [traduction]. Les accessoires se distinguent des appareils sanitaires, comme les baignoires, les meubles-lavabos et les toilettes. M. Corcos a décrit les « accessoires » comme un « complément » [traduction] aux appareils sanitaires déjà installés. Les porte-serviettes, supports, rideaux de douche, étagères, tapis de bain, robinets et porte-savons sont des exemples d’« accessoires pour baignoire ». Des articles tels que des « essuie-mains » et du « savon » ne sont pas des articles qui sont considérés comme des « accessoires pour baignoire » [67] .

[45]  De l’avis de M. Corcos, la fonction de l’écran de baignoire est de retenir l’eau dans l’enceinte de la baignoire et de l’empêcher de rejaillir vers l’extérieur lorsqu’un utilisateur prend une douche [68] . Le recours à un accessoire de salle de bain comme un écran de baignoire ou un rideau de douche est facultatif, mais en son absence l’eau éclaboussera le plancher de la salle de bain lorsque la douche est utilisée [69] . Il s’agit de l’unique fonction de l’écran de baignoire [70] .

[46]  Lors de l’audience, M. Corcos a été invité à définir ou décrire certains articles, notamment « bathtub door » (porte de baignoire) et « shower enclosure » (cabine de douche) [71] . Il a expliqué que les cabines de douche se distinguaient des écrans de baignoire tant par leur construction que par leur installation. Un écran de baignoire n’a pas de cadre et ne ferme pas entièrement l’espace situé au‑dessus de la baignoire, il est simplement installé « sur la baignoire » [traduction] [72] . L’écran de baignoire n’est pas utilisé comme support, c’est lui qui est supporté [73] .

[47]  Le modèle d’écran de baignoire visé est constitué de deux panneaux de verre – un panneau mobile (la porte) et un panneau fixe – accompagnés des articles de quincaillerie nécessaires pour leur installation et d’une poignée ornementale [74] . Tant le panneau fixe que la porte sont faits de verre trempé [75] . La porte est posée sur une charnière et supportée par le panneau fixe. L’utilisateur peut ainsi entrer dans la baignoire et en sortir sans difficulté en ouvrant et en refermant la porte [76] .

[48]  Le panneau fixe est installé au mur au moyen d’un rail mural en aluminium. Un mécanisme pivotant relie la porte au panneau fixe. Le panneau fixe est également fixé au mur par un bras de support en alliage de zinc. L’écran n’est muni d’aucun cadre ni d’aucun autre élément d’appui [77] . Le rail en aluminium assure la résistance de la porte aux forces latérales, la baignoire assure un support vers le bas, tandis que le bras de support lui permet de résister à la poussée ou la traction associée au fait d’ouvrir et de fermer la porte [78] .

[49]  Selon M. Corcos, le verre trempé est l’élément le plus important de l’écran de baignoire du point de vue du volume, du poids et de la conception du produit [79] .

[50]  M. Corcos a brièvement décrit la méthode de fabrication du panneau fixe, de la porte, du rail en aluminium et du bras de support. Pour fabriquer le panneau fixe et la porte, du verre recuit est progressivement chauffé, puis rapidement refroidi par trempage, un procédé appelé « trempe thermique » [80] [traduction].

[51]  Par ailleurs, le rapport écrit de M. Corcos décrit le procédé d’installation de l’écran de baignoire [81] . Lors du contre-interrogatoire, M. Corcos a confirmé que les marchandises étaient vendues à l’état démonté, dans une boîte contenant tous les éléments nécessaires pour l’assemblage de l’écran de baignoire [82] . Il a estimé que la boîte contenait environ 44 éléments [83] .

[52]  M. Corcos confirme que l’installation est constituée de plusieurs étapes et qu’il peut être nécessaire d’effectuer des ajustements ou des travaux supplémentaires par la suite pour assurer le bon fonctionnement du produit [84] . Une fois monté, l’écran de baignoire est un article relativement encombrant et lourd [85] .

[53]  Le Tribunal est d’avis que M. Corcos est un témoin crédible et coopératif. Lors de son contre‑interrogatoire, il a admis que la décision du Tribunal dans le dossier pourrait avoir une incidence sur les intérêts d’OVE. Cependant, il ne savait pas avec certitude si OVE serait affecté ni de quelle manière le cas échéant, autrement que par un changement possible dans les déclarations de douane d’OVE lors d’importations d’écrans de baignoire futures [86] . Le Tribunal conclut que cette question est spéculative et, dans tous les cas, n’a pas influencé le témoignage objectif et impartial présenté par M. Corcos au Tribunal.

Mathieu Morin

[54]  Mathieu Morin occupe le poste de directeur de catégorie, plomberie de finition et cuisine, chez Rona [87] . Il est le responsable de la gestion de l’équipe d’approvisionnement de Rona en ce qui concerne ces catégories de produits, y compris en ce qui a trait à la stratégie de commercialisation, à la sélection des produits et aux négociations avec les fournisseurs [88] .

[55]  Rona est une quincaillerie de détail. Le rayon salle de bain des magasins de détail Rona peut atteindre 4 000 pieds carrés, dont environ quatre ou cinq allées sont consacrées aux articles de plomberie de finition [89] .

[56]  Il est entendu que la plomberie de finition comprend les articles qui ne sont pas « à l’abri des regards » [90] [traduction]. M. Morin explique que les articles de plomberie de finition sont ceux qui sont exposés à la vue dans la salle de bain, y compris les baignoires, les toilettes, les meubles-lavabo et les porte-savons [91] .

[57]  M. Morin confirme que Rona importe les marchandises en cause, à l’état démonté, mais autrement entières et prêtes à l’installation au moment de l’achat [92] . Dans les magasins Rona, elles sont catégorisées et présentées dans le rayon salle de bain, et parfois installées sur une baignoire de démonstration [93] . Les écrans de baignoire ne sont pas fabriqués par OVE, mais par un autre fournisseur de Rona [94] .

[58]  Selon M. Morin, les marchandises sont généralement achetées à l’occasion de la rénovation d’une salle de bain afin de remplacer un rideau de douche [95] . Un écran de baignoire n’est pas considéré comme une « cabine de douche », mais plutôt classé dans la catégorie des cloisons ou demi-murs vitrés. Les marchandises en cause ne sont pas commercialisées à titre de « portes » [traduction] ni de « cabines » [traduction], mais simplement comme des « écrans de baignoire » [96] [traduction].

[59]  En contre-interrogatoire, M. Morin a confirmé que la finalité d’un écran de baignoire est d’empêcher l’eau de sortir de la baignoire et que l’écran n’a pas de rôle de support.

[60]  Rona vend également des porte-savons, des paniers de douche/porte-éponges, des porte-brosses à dents et des porte-serviettes [97] . Ces produits sont vendus dans la section « salle de bain » des magasins et du site Web de Rona, lequel propose au moins trois sous-catégories de produits pour la salle de bain : les baignoires, les accessoires de salle de bain et les accessoires de bain et douche [98] . Dans les magasins de détail Rona, les écrans de baignoire visés ne sont pas vendus dans les mêmes allées que les accessoires pour baignoire [99] .

[61]  M. Morin a répondu en contre-interrogatoire à des questions sur les tailles et poids relatifs de différents articles considérés comme des accessoires de salle de bain (porte-savons, panier à éponges, distributeurs de savon liquide, crochets, porte-brosses à dents et porte-serviettes). Il a admis que ces accessoires et tout article qu’ils supportent ou contiennent pouvaient facilement être déplacés à l’intérieur, et même à l’extérieur, de la salle de bain, à l’exception des porte-serviettes fixes [100] .

[62]  M. Morin s’est également avéré un témoin franc et crédible. Certains aspects factuels de son témoignage recoupent celui de M. Corcos. Il existe certaines divergences dans la façon dont les témoins ont décrit la portée de la « plomberie de finition », mais le Tribunal est d’avis que ces divergences sont négligeables pour ce qui est de trancher le présent appel.

[63]  Après les témoignages de M. Corcos et M. Morin, les deux parties ont présenté leur plaidoirie au Tribunal.

POSITIONS DES PARTIES À L’APPEL

Rona

[64]  Rona reconnaît que c’est à elle qu’incombe le fardeau de démontrer, selon la norme civile de preuve, que l’ASFC a fait erreur en classant les écrans de baignoire dans la position 70.20 [101] .

[65]  En s’appuyant sur la règle 1, la description de la position 70.07 et les notes explicatives afférentes, Rona affirme que les marchandises en cause sont du « verre de sécurité ». Rona reconnaît que la position 70.07 ne mentionne pas que d’autres éléments (c.-à-d. la quincaillerie nécessaire pour l’installation, en l’occurrence) peuvent aussi être présents. Cependant, comme le « verre de sécurité » constitue plus de 90 % de l’écran de baignoire, Rona fait valoir que l’application de la règle 2b) permet de classer les écrans de baignoire dans la position 70.20, plus précisément sous le numéro tarifaire 7007.19.00 [102] .

[66]  Rona soutient que les écrans de baignoire en l’espèce se distinguent des marchandises visées dans OVE Décors [103] et de celles visées par l’avis de classement de l’OMC concernant la sous‑position 7020.00, dont il est fait mention dans OVE Décors [104] . Contrairement aux cabines de douche d’OVE Décors, les écrans de baignoire en cause n’ont pas de cadre. Ils sont réputés être conformes au Règlement sur les portes et enceintes contenant du verre.

[67]  Comme argument pour différencier la décision du Tribunal dans OVE Décors de l’espèce, Rona souligne que dans la première, le Tribunal a examiné et jugé pertinentes les notes explicatives d’autres positions (p. ex. 73.08, 76.10) dans sa décision. Ces dispositions ne sont pas pertinentes en l’espèce, étant donné les différences entre les cabines de douche et les écrans de baignoire. Même si les deux produits sont faits de verre, les cabines de douche peuvent être assimilées à des « portes » [traduction] tandis que les écrans de baignoire n’en sont pas [105] . Par ailleurs, dans OVE Décors, la décision s’est fondée sur les règles 1 et 2a), mais il n’a pas été nécessaire de recourir à la règle 3, se rapportant aux notes explicatives des positions et des sous-positions.

[68]  À première vue, Rona reconnaît que le libellé de la position 70.07 ne décrit pas parfaitement les marchandises en cause. La description s’applique plutôt à un matériau, en l’occurrence le verre de sécurité. Toutefois, Rona insiste pour que le Tribunal pousse son analyse plus loin.

[69]  Selon Rona, les exigences des articles 10 et 11 du Tarif des douanes donnent lieu à deux différentes méthodes de classement, chacune aboutissant à un résultat différent dans le Tarif des douanes. L’article 10 se rapporte au classement déterminé conformément aux Règles générales. Par contre, de l’avis de Rona l’article 11 porte sur l’« interprétation », car ce dernier prévoit que les notes explicatives des positions et des sous-positions doivent être prises en compte. Selon la description de Rona, l’article 11 est « étrangement silencieux en ce qui concerne les notes explicatives des Règles générales » [106] [traduction]. Rona avance donc qu’il y a un conflit intrinsèque entre les articles 10 et 11. Selon elle, les exigences de l’article 10 devraient avoir préséance.

[70]  Selon cette théorie, Rona soutient que l’utilisation des Règles générales, en particulier de la règle 2b) se rapportant aux matériaux mélangés, « comble le vide laissé lorsque le classement est fait en n’utilisant que les notes explicatives pour interpréter la position 70.07 et ses sous-positions » [107] [traduction]. D’après Rona, les notes explicatives de la règle 2b) se rapportent aux matériaux mélangés et aux marchandises constituées de deux matériaux ou plus. À l’intérieur du chapitre 70, la position 70.07 décrit un matériau (le verre de sécurité), tandis que d’autres positions (70.13 ou 70.20) se rapportent aux marchandises faites de ce matériau (objets et ouvrages en verre). Forte de quoi Rona évoque Mon-Tex [108] et affirme que le classement des écrans de baignoire implique des positions concurrentes (70.07 ou 70.13), toutes deux applicables aux mêmes marchandises. Selon Rona, la règle 2b) résout ce conflit en élargissant la portée d’une position se rapportant à un matériau (le verre de sécurité de la position 70.07) pour y englober la combinaison de ce matériau et d’autres matériaux (la quincaillerie d’installation de l’écran de baignoire). Rona soutient que cette interprétation de la règle 2b) est étayée par les motifs rédigés par la Cour suprême du Canada dans Igloo Vikski [109] .

[71]  Dans la mesure où les écrans de baignoire sont, par leur fonction, équivalents à un rideau de douche, Rona affirme que c’est le verre de sécurité qui constitue la « raison d’être » [en français dans l’original] de l’écran de baignoire. La quincaillerie d’installation et la poignée sont de moindre importance par rapport à la nature et à la fonction intrinsèques de l’écran de baignoire. Par conséquent, ils sont d’une pertinence mineure ou accessoire dans l’analyse de classement. 

[72]  Ainsi, Rona est d’avis que l’application des règles 1, 2a) et 2b) mène à la conclusion selon laquelle les écrans de baignoire doivent être classés dans la position 70.07, sans qu’il soit nécessaire d’avoir recours à la règle 3.

[73]  Subsidiairement, Rona fait valoir que les écrans de baignoire devraient être classés comme des « objets en verre » (glassware) de la position 70.13. Les sous-positions énumèrent quatre types d’objets en verre – les objets en verre pour le service de la table ou pour la cuisine, les objets pour le service de la toilette, les objets en verre pour le bureau et les objets en verre pour l’ornementation des appartements.

[74]  Rona soutient que le terme « glassware » (objets en verre) est synonyme de « article of glass » (ouvrage en verre). La présence d’autres pièces ou accessoires n’a pas d’importance.

[75]  Selon les notes explicatives pertinentes de la position 70.13, Rona affirme que cinq conditions doivent être satisfaites pour que les marchandises puissent être classées dans la position 70.13 :

  • a) les marchandises doivent être des objets en verre ou des ouvrages en verre;

  • b) les marchandises sont surtout obtenues par pressage ou soufflage;

  • c) les marchandises doivent être utilisées dans les toilettes ou les salles de bain (ou pour des usages similaires);

  • d) si associées à d’autres matières, le verre doit caractériser les marchandises dans leur ensemble;

  • e) les marchandises ne doivent pas être exclues par les notes d’exclusion des notes explicatives.

[76]  Rona affirme que les cinq conditions sont remplies. Puisque l’écran de bain est fait de verre de sécurité (verre trempé), il peut donc être qualifié de « glassware » (objet en verre), que le dictionnaire définit comme un « article of glass » (ouvrage en verre).

[77]  En ce qui concerne la deuxième condition, la note explicative prévoit que l’ouvrage en verre est obtenu surtout par pressage (pressing) ou soufflage (blowing). Le verre trempé dont est fait l’écran de baignoire est obtenu selon le « procédé Pilkington » (floating), mais Rona soutient que l’utilisation du mot « surtout » (mainly) est non exhaustive et doit être interprétée comme une indication que d’autres procédés de production du verre (comme le « procédé Pilkington ») sont couverts par la position 70.13.

[78]  La troisième condition est satisfaite, selon Rona, dans la mesure où l’écran de baignoire est un objet en verre que l’on trouve ou utilise dans les toilettes ou les salles de bain. Rona insiste sur le fait que la note explicative pertinente de la position 70.13 (voir ci-dessous) est non exhaustive. L’utilisation du qualificatif « tels que » montre que la liste des articles n’est pas exhaustive : 

Les objets pour le service de la toilette, tels que porte-savons, porte-éponges, porte-linges, distributeurs de savon liquide, crochets d’attache (pour essuie-mains, etc.), poudriers, corps de vaporisateurs de toilette, flacons de toilette pour parfums, tubes pour brosses à dents.

[Soulignement de Rona]

[79]  Rona souligne que les articles énumérés doivent être considérés comme des exemples, puisque la description de la position évoque les « ouvrages en verre ou objets en verre ayant des “usages similaires” » [traduction]. Les articles mentionnés peuvent être considérés comme des accessoires de salle de bain. Dans la mesure où les écrans de baignoire sont des accessoires de bain, ils constituent des accessoires de salle de bain et tombent sous la portée de la position 70.13 par application de la règle 1.

[80]  Rona fait remarquer que les objets en verre pour l’ornementation des appartements sont mentionnés dans les exemples de la note explicative de la position 70.13. Rona décrit les écrans de baignoire comme un « remplacement haut de gamme » [traduction] pour un rideau de douche, auquel on peut reconnaître « une nature intrinsèquement ornementale » [traduction] [110] . Comme les aspects à la fois fonctionnels et ornementaux des écrans de baignoire sont attribuables au verre, Rona soutient qu’ils correspondent à la description de la note explicative.

[81]  De plus, comme les « aquariums » sont inclus et peuvent être faits de verre trempé, Rona fait valoir qu’il s’agit d’un exemple d’objet en verre qui n’est pas obtenu par soufflage ou pressage, mais qui est tout de même couvert par la position 70.13.

[82]  Comme les marchandises sont importées à l’état démonté, Rona soutient que l’application de la règle 2a) exige de considérer, aux fins du classement, l’écran de bain à l’état démonté (son état à l’importation) comme un écran de baignoire monté et installé.

[83]  À l’intérieur de la position 70.13, Rona est d’avis que la sous-position applicable est « autres », ce qui signifie que les écrans de baignoire devraient être classés dans le numéro tarifaire 7013.99.00.

[84]  Comme la position 70.20 est une position résiduelle, Rona renvoie à une exclusion mentionnée dans les notes explicatives. On y précise que la position 70.20 couvre les articles en verre qui ne sont pas couverts par d’autres positions du chapitre 70 ni d’autres chapitres du tarif. Selon Rona, les écrans de baignoire sont couverts par la position 70.07 ou subsidiairement par la position 70.13. Par conséquent, Rona soutient que la position 70.20 ne peut s’appliquer.

ASFC

[85]  L’ASFC fait valoir que l’application des règles 1 et 2a) suffit pour classer les écrans de baignoire. La règle 1 prévoit que le classement est déterminé d’après les termes des positions; les marchandises doivent donc être examinées à la lumière des descriptions des positions. Selon la règle 2a), toute référence à un article dans une position couvre cet article qu’il soit à l’état monté ou démonté. Il ne fait aucun doute qu’en l’espèce les marchandises sont à l’état démonté et que toutes les pièces requises pour assembler l’écran de baignoire sont comprises dans la boîte. L’ASFC rappelle que selon la note explicative 7 de la règle 2a), la complexité du processus d’assemblage n’est pas une considération.

[86]  Le chapitre 70 comprend le « verre » (glass) et les « ouvrages en verre » (glassware). L’ASFC concède que ces termes ne sont pas des synonymes et que « glassware » (objet en verre) signifie « article of glass » (ouvrage en verre). Elle a souligné au Tribunal le titre de la version française du chapitre 70 – « Verre et ouvrages en verre ».

[87]  L’ASFC fait valoir que la position 70.07 couvre le « verre de sécurité » comme marchandise en soi, mais pas comme élément d’un article. Selon elle, les notes explicatives de la position 70.07 indiquent clairement que les marchandises qui comprennent du verre de sécurité sont classées ailleurs dans le Tarif des douanes. En outre, les notes explicatives ne donnent pas d’indication sur le classement des marchandises dans lesquelles le verre de sécurité est combiné à d’autres matières. De l’avis de l’ASFC, la restriction voulant que le verre de sécurité soit « de dimensions et formats permettant [son] emploi dans les automobiles, véhicules aériens, bateaux ou autres véhicules » ne peut évoquer que la taille et les caractéristiques du verre dont les dimensions ont été décidées en vue d’incorporation à un autre article quelconque. Elle n’indique pas une correspondance potentielle fondée sur la présence d’un autre élément qui n’est pas un verre de sécurité.

[88]  Faisant référence à la décision du Tribunal dans OVE Décors, l’ASFC affirme que le chapitre 70 ne comprend pas nécessairement tous les articles en verre ou ouvrages en verre. Dans OVE Décors, le Tribunal s’est penché sur le classement tarifaire de cabines de douche en verre au cadre en aluminium. Dans cette affaire, le Tribunal est arrivé à la conclusion que les portes de douche ne devaient pas être classées dans la position 70.07.

[89]  L’ASFC concède qu’il existe des différences entre les portes de douche d’OVE Décors et les écrans de baignoire en l’espèce. Les portes de douche d’OVE Décors avaient un cadre, tandis que les écrans de baignoire n’en ont pas. Néanmoins, l’ASFC soutient que les deux produits sont plus semblables qu’ils ne sont différents. Tant les portes de douche que les écrans de baignoire sont faits de verre de sécurité, et accompagnés de pièces, d’accessoires et/ou de quincaillerie afférente. Les deux articles s’installent dans une salle de bain et ont la même finalité, à savoir empêcher l’eau de rejaillir à l’extérieur de la douche. Par conséquent, l’ASFC fait valoir que le raisonnement du Tribunal dans OVE Décors devrait également s’appliquer en l’espèce, à savoir que la position 70.07 ne couvre pas les articles composés à la fois de verre et d’autres matières.

[90]  Même si les écrans de baignoire sont conformes au Règlement sur les portes et enceintes contenant du verre, de l’avis de l’ASFC cette conformité réglementaire n’a aucune pertinence. Elle ne peut pas se substituer à ce que l’ASFC voit comme les instructions claires données dans les notes explicatives, à savoir, le fait que la position 70.07 couvre le « verre de sécurité » comme marchandise en soi, et ne s’étend pas aux marchandises dont le verre de sécurité est un élément constitutif parmi d’autres, comme les marchandises en cause.

[91]  En ce qui concerne la position 70.13, l’ASFC fait valoir qu’elle est restreinte à des objets en verre de relativement petite taille qui servent à supporter d’autres objets ou ont une fonction ornementale, et que les notes explicatives pertinentes étayent cette interprétation.

[92]  Les notes explicatives décrivent quatre catégories d’objets en verre. Pour être classés dans la position 70.13, les écrans de baignoire doivent correspondre à l’une de ces catégories – aucune marge autorisant l’inclusion d’autres articles qui pourraient être décrits comme des « objets en verre » n’est laissée.

[93]  L’ASFC reconnaît que les articles énumérés dans les notes explicatives de la position 70.13 sont représentatifs. Chacune des quatre énumérations est précédée de termes (« par exemple », « notamment », « tels que ») indiquant que la liste ne se veut pas exhaustive. L’ASFC souligne que la deuxième liste porte le descriptif « toilet articles » en anglais et « objets pour les services de la toilette » en français. C’est la seule des listes d’articles qui pourrait s’appliquer aux marchandises en cause.

[94]  Selon l’ASFC, même si d’autres articles non mentionnés peuvent être compris dans chacune des catégories d’articles énumérés, la règle d’interprétation des choses de même genre (ejusdem generis) s’applique. Ainsi, de tels articles « devraient être “du même genre ou de la même classe que les articles énumérés” » [traduction] pour appartenir à la catégorie.

[95]  L’ASFC décrit les articles énumérés comme des objets de petite taille, qui n’exigent aucune installation ou peuvent être installés facilement et sont conçus à des fins ornementales ou pour supporter d’autres articles habituellement trouvés dans les salles de bain, comme des savons, des éponges, des serviettes, des poudres, des parfums, des vaporisateurs ou des brosses à dents.

[96]  À l’opposé, les écrans de baignoire sont des articles lourds, de grandes dimensions, qui ne peuvent être transportés facilement. Ils sont conçus pour être installés dans le cadre d’un processus exigeant plusieurs étapes et ont une finalité distincte et différente, soit celle d’empêcher l’eau de rejaillir à l’extérieur de la baignoire. Les éventuels aspects esthétiques ou ornementaux sont accessoires. Par conséquent, l’ASFC soutient qu’ils n’appartiennent pas au même genre ni à la même classe que les articles énumérés dans la note explicative et ne peuvent pas être classés dans la position 70.13.

[97]  Dans ses activités de vente et de commercialisation, Rona place les écrans de baignoire dans la même catégorie que les baignoires elles-mêmes, tandis que les articles de plus petite taille, comme les porte-savons, porte-brosses à dents et crochets sont placés dans une catégorie distincte, celle des « accessoires » [traduction]. Selon l’ASFC, cela confirme que les écrans de baignoire ne doivent pas être classés dans la position 70.13.

[98]  L’ASFC soutient que les écrans de baignoire doivent donc être classés dans la position résiduelle 70.20. Cette position couvre les ouvrages en verre non compris dans d’autres positions, même associés à d’autres matières, à la condition qu’ils conservent leurs « caractéristiques essentielles d’ouvrages en verre » [111] [traduction]. Cette condition est satisfaite puisque les parties s’entendent sur le fait que les écrans de baignoire sont principalement faits de verre trempé.

[99]  Le classement dans la position 70.20 serait aussi conforme au raisonnement du Tribunal dans OVE Décors [112] et à l’avis de classement de l’OMD [113] sur les cabines de douche en verre, auxquels l’ASFC renvoie dans son mémoire [114] . L’avis de classement de l’OMD n’est pas déterminant et ne lie pas le Tribunal, mais l’ASFC fait valoir qu’il devrait tout de même être considéré comme une jurisprudence de source convaincante [115] .

[100]  L’ASFC reconnaît qu’il existe certaines différences structurelles entre les écrans de bain et les cabines de douche, mais rappelle que les marchandises présentent aussi de nombreuses ressemblances – elles n’ont pas de cadre, elles sont principalement faites de verre trempé, elles sont installées dans une salle de bain et elles ont pour fonction d’empêcher l’eau de rejaillir hors d’un espace délimité où l’on prend une douche.

[101]  Les cabines de douche en verre correspondent à la description d’au moins deux positions, mais sont correctement classées comme « autres ouvrages en verre » de la position 70.20, conformément à la règle 3b), parce que leurs caractéristiques essentielles sont attribuables au verre [116] . L’ASFC exhorte le Tribunal de suivre un raisonnement semblable dans le cas des écrans de baignoire en cause, sans toutefois qu’il soit nécessaire d’avoir recours à la règle 3b). Comme les écrans de baignoire ne correspondent pas à la description d’au moins deux positions, il s’agit d’« autres ouvrages en verre » devant être classés dans la position 70.20, par application des règles 1 et 2a), sans appel à la règle 3b) [117] .

[102]  L’ASFC s’oppose également à l’argumentaire présenté par Rona à l’audience à propos de la règle 2b), faisant valoir que ces arguments n’avaient pas été soulevés auparavant. L’ASFC a demandé la possibilité de présenter des observations additionnelles dans l’éventualité où le Tribunal serait disposé à accepter les arguments prétendument nouveaux présentés par Rona. Toutefois, dans son plaidoyer, l’ASFC a souligné que la règle 2b) ne pouvait pas être utilisée pour élargir la portée de la position 70.07 de façon à lui faire couvrir un objet en verre au lieu du simple verre. Les règles sont hiérarchiques – si une marchandise peut être classée par application de la règle 1 seulement, ou par combinaison de la règle 1 et de la règle 2a) (comme le soutient l’ASFC), il n’est en rien nécessaire de faire appel à la règle 2b), comme le souhaite Rona. En réponse, Rona a souligné que l’ASFC elle‑même s’appuyait sur la règle 2b) dans les motifs de la décision visée par l’appel.

ANALYSE

[103]  Rona a interjeté appel de la décision de l’ASFC au titre du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes, qui précise que toute « personne qui s’estime lésée » par une décision de l’ASFC peut en interjeter appel devant le Tribunal en déposant par écrit un avis d’appel dans le délai prescrit. Rona demande le remboursement partiel des droits de douane précédemment payés pour l’importation des écrans de baignoire, ce qui suffit à en faire une « personne qui s’estime lésée » [118] . Ce fait n’est pas contesté par l’ASFC.

[104]  Les Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur [119] prescrivent la procédure à suivre dans les appels interjetés au titre de l’article 67 de la Loi. En appel, tant l’appelante que l’intimé peuvent déposer des documents supplémentaires, y compris des pièces dont l’ASFC ne disposait pas en première instance. Les parties peuvent également présenter une preuve de fait ou appeler des experts à témoigner devant le Tribunal lors d’une audience. Tout témoin peut être contre-interrogé par la partie adverse et interrogé par le Tribunal [120] .

[105]  Les appels interjetés devant le Tribunal sont instruits de novo, même si une des parties ou les deux peuvent choisir de reprendre la totalité ou une partie du dossier de première instance, de compléter ce dossier par de nouveaux éléments de preuve ou de créer un nouveau dossier. Le Tribunal doit rendre sa propre décision relativement au classement tarifaire approprié pour les marchandises. Ce faisant, il est loisible au Tribunal d’évaluer le dossier dont il dispose, notamment d’apprécier de nouveau les éléments de preuve qui ont été présentés à l’ASFC et d’examiner tout nouvel élément de preuve présenté en appel. Le Tribunal n’a pas à faire preuve de retenue à l’égard de la décision de l’ASFC [121] .

[106]  C’est à l’appelante qu’incombe le fardeau juridique de montrer que l’ASFC a fait erreur dans sa décision de classement. Dans ses observations écrites, Rona renvoie à Hickman Motors Ltd. c. Canada, [1997] 2 R.C.S. 336 [Hickman], qui définit selon elle le fardeau dont elle doit s’acquitter pour avoir gain de cause dans l’appel. Rona affirme qu’une fois qu’elle s’est « acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombait, le fardeau de la preuve passe à l’intimé » [122] [traduction].

[107]  Dans Hickman, la Cour suprême du Canada a noté que différents degrés de preuve peuvent être exigés. Selon le critère formulé dans Hickman, une appelante peut s’acquitter de sa charge de preuve, initialement à tout le moins, lorsqu’elle présente une preuve prima facie.

[108]  Toutefois, le fait de présenter une preuve prima facie ne fait pas en sorte de faire « passer » le fardeau de la preuve à l’autre partie, comme Rona semble le soutenir. La Loi sur les douanes place sur l’appelante le fardeau juridique de montrer que les marchandises ont été classées erronément aux termes du Tarif des douanes [123] .

[109]  Pour s’acquitter du fardeau de preuve qui lui incombe, la partie visée doit démontrer à la cour ou au tribunal qu’il y a plus de chances que le résultat qu’elle souhaite soit juste que le contraire (prépondérance des probabilités), selon l’évaluation de l’ensemble de la preuve disponible [124] .

[110]  Cependant, pour déterminer si une partie portant le fardeau de la preuve s’en est acquittée, la cour ou le tribunal doit soupeser l’ensemble de la preuve et des facteurs pertinents. Une fois que l’appelante a présenté sa preuve ou établi une thèse prima facie, l’intimé a la possibilité d’y répondre en présentant ses propres éléments de preuve ou sa propre thèse. Cela a été décrit selon la jurisprudence comme le fait de faire « passer » [traduction] le fardeau relatif à la preuve à l’autre partie [125] ou comme la création d’un « fardeau tactique » [126] qui, selon la façon dont il est acquitté, peut mener à des inférences défavorables lorsque l’ensemble de la preuve est pris en considération [127] .

[111]  En réalité, le fardeau (ou la charge) juridique de la preuve ne « passe » pas littéralement à l’autre partie, à plus forte raison lorsque ce fardeau est imposé par la loi, comme dans le cas des appels en matière de classification douanière interjetés sous le régime de la Loi [128] . Toutefois, la présentation par l’appelante d’éléments de preuve ou de questions auxquelles l’intimé ne peut répondre aura une incidence au moment de déterminer si ce fardeau juridique a été acquitté ou non.

[112]  Le Tribunal a examiné les éléments de preuve et les arguments présentés par Rona pour appuyer sa thèse selon laquelle les écrans de baignoire devraient être classés soit dans la position 70.07, soit dans la position 70.13. Après avoir soupesé l’ensemble des éléments du dossier, le Tribunal conclut que l’ASFC a répondu à l’argumentaire de Rona. Le Tribunal n’est pas convaincu, selon la prépondérance des probabilités, qu’il était erroné de classer les écrans de baignoire dans la position 70.20. Rona ne s’est donc pas acquittée du fardeau juridique de démontrer que le classement était erroné.

[113]  L’analyse sous-tendant cette conclusion est décrite ci-dessous.

Cadre législatif

[114]  Les marchandises importées au Canada sont assujetties à des droits d’importation. Le taux des droits varie d’un produit à l’autre et est déterminé en fonction d’un système de classification des marchandises établi dans le Tarif des douanes.

[115]  Le Tarif des douanes met aussi en œuvre les obligations du Canada sous le régime de la Convention internationale sur le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (SH), qui cherche à établir un système rationnel et harmonisé de classement des marchandises et des produits échangés dans le cadre du commerce international. Par conséquent, le classement définit dans le Tarif des douanes est fondé sur le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (le Système harmonisé) [129] .

[116]  Le Système harmonisé est un système de classification douanière hiérarchique à huit chiffres. Il figure en annexe au Tarif des douanes et procède du général au spécifique, soit des chapitres aux positions, sous-positions et numéros tarifaires. Les marchandises sont classées au sein de chaque chapitre du Tarif des douanes dans une position, une sous-position et, finalement, un numéro tarifaire. Dans certains cas, le Tarif des douanes peut contenir des notes qui guident l’interprétation du texte et des catégories des chapitres et des positions.

[117]  Les articles 10 et 11 du Tarif des douanes prévoient la méthode d’analyse que doit suivre le Tribunal pour déterminer le classement des marchandises :

 (1)  Sous réserve du paragraphe (2), le classement des marchandises importées dans un numéro tarifaire est effectué, sauf indication contraire, en conformité avec les Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé et les Règles canadiennes énoncées à l’annexe.

(2)  Des marchandises ne peuvent être classées dans un numéro tarifaire comportant la mention « dans les limites de l’engagement d’accès » que dans le cas où leur importation procède d’une licence délivrée en vertu de l’article 8.3 de la Loi sur les licences d’exportation et d’importation et en respecte les conditions.

11  Pour l’interprétation des positions et sous-positions, il est tenu compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises et des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises et de leurs modifications, publiés par le Conseil de coopération douanière (Organisation mondiale des douanes).

[118]  Les Règles générales doivent être appliquées selon une analyse séquentielle et hiérarchique des marchandises, comme l’a décrit la Cour suprême du Canada dans Igloo Vikski [130] .

[119]  Dans le cadre de cette analyse, aux termes de l’article 11, le Tribunal se doit de tenir compte des notes explicatives du Système harmonisé pouvant s’appliquer aux marchandises en cause.

[120]  Dans son avis d’appel, Rona décrit les marchandises en cause comme un « écran de verre trempé importé à l’état démonté avec ses montants, rails et quincaillerie. Il est installé sur une baignoire et sert à empêcher l’eau de rejaillir à l’extérieur. La porte de l’écran pivote pour faciliter l’accès à la baignoire » [131] [traduction].

[121]  La pertinence de décrire les marchandises comme des « écrans de bain » et le fait qu’ils sont vendus sous cette désignation ne sont pas remis en question.

[122]  Le Tribunal doit évaluer les marchandises, aux fins de classement, à la date de leur importation au Canada [132] . Au moment de l’importation, les écrans de bain sont à l’état démonté et se présentent sous forme d’ensemble contenant toutes les pièces nécessaires pour monter et installer le produit sur une baignoire.

[123]  Les parties sont d’accord sur le fait que les écrans de baignoire devraient être classés dans une des positions du chapitre 70 – « Verre ou ouvrages en verre » [133] .

[124]  Le Tribunal a examiné les notes du chapitre 70. Elles énoncent certaines exclusions de la portée du chapitre 70 (par exemple les fibres optiques, les appareils d’éclairage, les jouets), dont aucune ne s’applique aux marchandises en cause ni aux positions qui pourraient être pertinentes. Les notes excluent également les articles en verre qui sont décrits plus précisément par d’autres positions de la nomenclature tarifaire.

[125]  Le Tribunal a souligné qu’un produit identique en tous points à l’écran de baignoire en cause sauf pour le fait qu’il serait fait de plastique acrylique transparent ou d’un matériau semblable (au lieu du verre) pourrait remplir la même fonction, mais être classé ailleurs dans le Tarif des douanes. Les parties en conviennent. Le facteur déterminant en l’occurrence est le matériau principal dont sont constituées les marchandises (le verre), et non leur utilisation ni leur fonction [134] .

[126]  Après examen du Tarif des douanes, le Tribunal se range à l’avis des parties selon lequel seul le chapitre 70 peut s’appliquer aux écrans de baignoire. Il s’agit donc de déterminer si les écrans de baignoire doivent être classés dans la position 70.07 ou, subsidiairement, dans la position 70.13, comme le fait valoir Rona, ou dans la position résiduelle 70.20, comme le soutient l’ASFC.

[127]  Dans son analyse des positions du chapitre 70, le Tribunal doit déterminer si les marchandises peuvent être classées par application de la règle 1 des Règles générales. Il lui faut pour ce faire examiner les termes utilisés dans les positions pertinentes, tout en tenant compte d’éventuelles notes de sections ou de chapitres pertinentes dans le Tarif des douanes. Si le Tribunal n’est pas convaincu que les marchandises peuvent être classées correctement dans une position par application de la règle 1 des Règles générales, il doit alors examiner les règles subséquentes et les appliquer.

Position 70.07

[128]  La position 70.07 comprend le « verre de sécurité, consistant en verres trempés ou formés de feuilles contre-collées ».

[129]  Les notes explicatives de la section A) de la position 70.07 décrivent de la façon suivante les verres de sécurité trempés :

1)  Des verres obtenus en réchauffant du verre à glace ou à vitre jusqu’au point où il se ramollit mais sans se déformer. Le verre est ensuite refroidi rapidement par des procédés appropriés (verre à trempe thermique).

2)  Des verres dont la résistance mécanique à la rupture, la résistance à l’usure et la flexibilité ont été sensiblement accrues par un traitement physico-chimique complexe (par un échange d’ions, par exemple) pouvant entraîner une modification de leur structure superficielle (verres communément appelés à trempe chimique).

Du fait de la tension interne qui résulte de ces traitements, ces verres ne se travaillent pas après fabrication, de sorte qu’ils doivent, toujours, être mis aux formes et dimensions voulues, avant même la trempe.

[...]

Une des caractéristiques du verre trempé est de se briser en menus fragments non coupants ou même de se désintégrer sous l’effet du choc, ce qui réduit le danger résultant de la projection d’éclats. [...]

[130]  Rona s’appuie sur le Règlement sur les portes et enceintes contenant du verre, apparemment pour soutenir que les marchandises en cause représentent du « verre de sécurité » au sens de la position 70.07.

[131]  Le Règlement sur les portes et enceintes contenant du verre, pris en vertu de la Loi canadienne sur la sécurité des produits de consommation [135] , définit les normes réglementaires applicables aux produits en verre de sécurité vendus au Canada. En l’absence d’éléments de preuve à l’effet contraire et dans la mesure où le principe général en droit veut que l’on présume de la bonne foi prima facie [136] , le Tribunal est disposé à accepter, aux seules fins de son examen de l’argumentaire de Rona, que les marchandises en cause sont conformes aux critères du Règlement sur les portes et enceintes contenant du verre. Cela n’est toutefois pas utile à Rona dans le cadre du présent appel.

[132]  La Loi sur les douanes et la Loi canadienne sur la sécurité des produits de consommation sont toutes deux des lois fédérales, mais elles servent des objectifs législatifs distincts – la première traite de taxation, tandis que la deuxième porte sur la protection des consommateurs. Par conséquent, ces lois ne sont pas in pari materia [137] , et les dispositions du Règlement sur les portes et enceintes contenant du verre ne sont pas utiles pour aider le Tribunal à interpréter les dispositions tarifaires faisant l’objet du litige.

[133]  Néanmoins, le Tribunal est convaincu, selon les éléments de preuve, que l’élément de verre des écrans de baignoire constitue du « verre de sécurité ». M. Corcos a confirmé que les marchandises en cause sont faites de verre de sécurité et que le verre trempé est une variété de verre de sécurité. L’utilisation du verre trempé assure une résistance accrue et réduit le risque de blessure dans l’éventualité où le verre se briserait ou éclaterait [138] . Cet élément du témoignage de M. Corcos n’a pas été remis en question.

[134]  Outre le verre de sécurité, les écrans de baignoire sont constitués d’éléments additionnels, soit les autres pièces et la quincaillerie nécessaires pour le montage et l’installation [139] . Ces faits sont admis.

[135]  La première question est celle de savoir si la prépondérance du verre de sécurité dans la composition et le fonctionnement du produit permettent, prima facie, de classer les écrans de baignoire dans la position 70.07 par application de la règle 1.

[136]  Le Tribunal est d’avis que la description de la position 70.07 ne correspond pas aux écrans de baignoire. Selon le texte de la position, celle-ci couvre le « verre de sécurité, consistant en verres trempés ou formés de feuilles contre-collées ». Selon une interprétation téléologique et contextuelle, la présence des mots « consistant en » dans la description de la position (par opposition à une formulation moins restrictive comme « composé de » ou « incluant » [traduction]) définit une liste exhaustive et définitive. Le verre de sécurité correspond soit à du verre trempé ou à du verre formé de feuilles contre-collées.

[137]  Le fait que les notes afférentes décrivent le verre en fonction des procédés utilisés pour le fabriquer ou de ses propriétés physiques n’est pas sans importance.

[138]  Le Tribunal accepte la position de l’ASFC selon laquelle la position 70.07 est par conséquent restreinte à un matériau (le verre de sécurité) et ne couvre pas des articles finis composés de ce matériau, comme les écrans de baignoire en cause. Étant donné que les écrans de baignoire comportent d’autres éléments (la quincaillerie d’installation), les marchandises ne correspondent pas à la description de la position 70.07.

[139]  Rona soutient en gros que la quincaillerie d’installation est un attribut mineur et secondaire des marchandises, qui n’altère pas leur nature essentielle de « verre de sécurité ».

[140]  Il est vrai que la quincaillerie représente un aspect relativement mineur du produit comme il est vendu, par rapport à la taille ou au poids de l’ensemble, comparativement aux éléments en verre de sécurité. Néanmoins, sans la quincaillerie, l’écran de baignoire ne serait pas fonctionnel. Le produit mis en vente n’est pas une simple juxtaposition de produits. Il s’agit plutôt d’une combinaison de pièces qui, une fois assemblées, définissent ensemble un nouvel article dont la construction et la fonction sont très différentes de celles de ses parties prises individuellement ou d’une compilation de pièces à l’état démonté. À moins que l’écran de baignoire ne soit monté et installé sur une baignoire à l’aide de la quincaillerie, le produit ne peut pas être utilisé aux fins pour lesquelles il a été acheté, c’est-à-dire pour empêcher l’eau de rejaillir hors de l’enceinte de la baignoire.

[141]  Ces conclusions du Tribunal s’inscrivent dans la lignée des motifs de la décision OVE Décors et des avis de classement de l’OMD auxquels renvoie OVE Décors (et présentés à l’annexe 4 du mémoire de l’ASFC) ou y font complément [140] .

[142]  Par conséquent, par application de la règle 1, les écrans de baignoire ne doivent pas être classés dans la position 70.07.

Position 70.13

[143]  La position 70.13 comprend les « objets en verre pour le service de la table, pour la cuisine, la toilette, le bureau, l’ornementation des appartements ou usages similaires (autres que ceux des nos 70.10 ou 70.18) ».

[144]  Les notes explicatives pertinentes de la position 70.13 stipulent ce qui suit :

On range dans la présente position les catégories suivantes d’articles, dont la plupart sont obtenus par pressage ou soufflage dans des moules :

1)  La verrerie de table ou de cuisine, et notamment les verres à boire, gobelets, tasses, chopes, carafes, biberons pour bébés, brocs, pichets, assiettes, saladiers, sucriers, saucières, coupes (à fruits, à gâteaux, etc.), raviers, jattes, beurriers, coquetiers, huiliers, plats (de table, à cuire, etc.), cocottes, poêlons, plateaux, salières, poudreuses à sucre, porte-couteaux, mixers, clochettes de table, cafetières et filtres à café, bonbonnières, récipients gradués pour la cuisine, chauffe-plats, dessous de plats, corps pour barattes de ménage, godets pour moulins à café muraux, cloches à fromage, presse-fruits, seaux à glace.

2)  Les objets pour le service de la toilette, tels que porte-savons, porte-éponges, porte-linges, distributeurs de savon liquide, crochets d’attache (pour essuie-mains, etc.), poudriers, corps de vaporisateurs de toilette, flacons de toilette pour parfums, tubes pour brosses à dents.

3)  Les objets pour le bureau, tels que presse-papiers, serre-livres, coupes à épingles, plumiers, cendriers, écritoires et encriers.

4)  La verrerie pour l’ornementation des appartements (y compris les édifices religieux), consistant notamment en vases, coupes, statuettes, sujets divers (animaux, fleurs, feuillages, fruits, etc.), centres de table (autres que ceux du no 70.09), aquariums, brûle‑parfum, articles souvenirs avec vues.

Tous ces articles peuvent être notamment en verre ordinaire, en cristal au plomb, en verre à faible coefficient de dilatation (par exemple, au borosilicate) ou en vitrocérame. Ils peuvent de même être incolores ou colorés, être taillés, dépolis, gravés, plaqués (doublés) (dans le cas de certains plateaux munis de poignées, par exemple). Les centres de tables constitués par un simple miroir sont exclus de cette position (voir à cet égard la Note explicative du no 70.09).

En revanche, relèvent de la présente position les articles décoratifs se présentant sous forme de miroirs, mais ne pouvant être utilisés comme tels en raison de la présence d’illustrations imprimées; dans le cas contraire, ils relèvent du no 70.09.

En ce qui concerne les articles associés à d’autres matières (métaux communs, bois, etc.), il convient d’observer que n’entrent ici que ceux dans lesquels le verre confère à l’ensemble le caractère d’ouvrages en verre, remarque étant faite que s’il s’agit d’une association avec des métaux précieux ou des plaqués ou doublés de métaux précieux, ceux-ci ne peuvent excéder le rôle de simples garnitures ou accessoires de minime importance. Si cette dernière condition n’est pas remplie, ces objets relèvent du no 71.14.

[145]  D’autres notes énoncent des exclusions à la position 70.13, aucune n’étant pertinente en ce qui concerne les marchandises en cause.

[146]  Les parties conviennent qu’« objet en verre » signifie « ouvrage en verre » [141] . Le chapitre 70 comprend le « verre » et les « ouvrages en verre ». Bien que ces termes puissent se chevaucher jusqu’à un certain point, ils ne sont pas synonymes. Bien qu’un « ouvrage en verre » soit constitué de « verre », le « verre » ne constitue pas nécessairement un « ouvrage en verre ».

[147]  La position 70.13 n’est pas limitée aux « objets de verre » en tant que tel, ni même aux « objets en verre pour le service de la table, pour la cuisine, la toilette, le bureau, l’ornementation des appartements ou usages similaires ». La version anglaise de la position indique plutôt qu’il s’agit d’objets de verre « of a kind » (du type) qui sont utilisés pour les usages énumérés susmentionnés.

[148]  Rona énumère cinq critères d’inclusion dans la position 70.13 [142] . Le deuxième de ces critères, selon la description de Rona, est que les marchandises soient obtenues surtout par pressage (dans un moule) ou soufflage. La description de la fabrication du verre de sécurité donnée par M. Corcos [143] ne fait mention ni de « pressage » (pressing) ni de « soufflage » (blowing). Selon les observations écrites de Rona, le verre de sécurité est obtenu par « floating » [144] (le procédé Pilkington), mais M. Corcos n’a pas utilisé ni expliqué cette expression dans son témoignage sur la fabrication du verre de sécurité. Il existe donc une lacune dans la preuve à savoir si, sur le plan scientifique ou technique, le « pressage » ou le « soufflage » comprend le « procédé Pilkington » ou d’autres procédés de fabrication du verre de sécurité.

[149]  Le Tribunal accueille l’observation de Rona selon laquelle la position 70.13 ne se limite pas aux objets de verre obtenus par pressage ou soufflage, étant donné l’utilisation du terme « mainly » (surtout). Par conséquent, des objets de verre produits par un quelconque autre procédé pourraient tomber sous la portée de la position 70.13. Toutefois, ces objets de verre devraient avoir des caractéristiques en faisant des objets de verre du type qui convient aux usages énumérés dans la position 70.13. Ces caractéristiques seraient vraisemblablement attribuables au procédé de fabrication de ces objets de verre, mais aucun élément de preuve n’a été présenté sur ce point. Si n’importe quel type d’objets de verre était visé, sans égard à leurs caractéristiques ni leur méthode de production, alors la mention « du type » serait superflue.

[150]  Ainsi, le classement d’un article dans la position 70.13 dépend à la fois de son utilisation finale (c’est-à-dire pour le service de la table, pour la cuisine, la toilette, le bureau, l’ornementation des appartements) et d’une quelconque propriété inhérente des objets de verre en faisant un objet (« du type » [of a kind]) de ceux destinés à ces usages.

[151]  Les notes explicatives donnent des exemples de verres utilisés pour la fabrication d’objets de verre « du type » pour le service de la table, pour la cuisine, la toilette, le bureau et l’ornementation des appartements. Ces exemples comprennent le verre ordinaire, le verre en cristal au plomb et le verre à faible coefficient de dilatation (c’est-à-dire au borosilicate) ou en vitrocérame.

[152]  Les types de verre considérés comme appropriés pour la production d’objets de verre « du type » pour les utilisations décrites dans les notes explicatives ne comprennent pas le « verre de sécurité ». La liste n’exclut pas non plus catégoriquement le « verre de sécurité », la formulation applicable étant générale et illustrative.

[153]  Cependant, par simple déduction, le fait que le verre de sécurité ne soit pas exclu ne veut pas dire pour autant qu’il est inclus. Le critère n’est pas de savoir si l’« objet de verre » pourrait être utilisé aux fins énumérées dans la note (c’est-à-dire verrerie pour [...]), mais bien de savoir s’il possède certaines caractéristiques ou propriétés inhérentes et conformes aux exemples énumérés qui en ferait un objet de verre « du type » utilisé aux fins définies dans la note explicative. À cet égard, le Tribunal ne dispose d’aucun élément de preuve lui permettant d’atteindre une conclusion.

[154]  La preuve n’offre pas de comparaison entre les propriétés du verre de sécurité et celles des types de verre mentionnés dans la note explicative et servant à fabriquer des objets de verre « du type » pour les utilisations décrites. Aucun élément de preuve ne tend non plus à démontrer que le verre de sécurité (comme matériau) se prête particulièrement bien à la fabrication facile et abordable d’objets de verre pour le service de la table, pour la cuisine, la toilette, le bureau et l’ornementation des appartements. Toute conclusion en ce sens serait de la spéculation.

[155]  La preuve montre que les écrans de baignoire sont commercialisés et vendus dans la section « salle de bain » des magasins et du site Web de Rona, mais n’est pas aussi claire sur le sujet d’éventuelles sous-catégories.

[156]  Tant M. Corcos [145] que M. Morin [146] ont été interrogés lors de l’audience sur la présentation et la catégorisation de différents produits présentés dans la catégorie « Bathroom » (salle de bain) et ses sous-catégories selon des extraits imprimés du site Web de Rona et d’une de ses concurrentes (Lowe’s). M. Morin reconnaît que le site Web de Rona comprend au moins trois catégories de produits pour la salle de bain – les baignoires, les accessoires de salle de bain et les accessoires de bain et douche [147] .

[157]  Le Tribunal accorde relativement peu de poids aux éléments de preuve concernant les différentes catégories sous lesquelles sont présentés divers produits pour la salle de bain sur les sites Web de Rona et Lowe’s. Il existe un certain flou à savoir si le contenu du site Web est stable dans le temps ou si la présentation et la catégorisation des produits peut changer. Même si les deux témoins semblaient connaître assez bien les sites Web (dans la mesure où ils étaient représentés par les extraits imprimés qui leur ont été présentés pendant leur témoignage), ils ont admis que les extraits imprimés correspondaient au contenu actuel du site et que ce contenu aurait pu être différent à la date d’importation des marchandises au Canada, laquelle est la date pertinente pour trancher les litiges de classement tarifaire à des fins douanières [148] .

[158]  L’ASFC fait valoir que les écrans de baignoire ne devraient pas être regroupés, par analogie, avec les « objets pour le service de la toilette » énumérés dans la note explicative de la position 70.13. Même si elle reconnaît que la liste est représentative et non exhaustive, l’ASFC soutient que la règle ejusdem generis empêche d’inclure implicitement les écrans de baignoire à cette liste. 

[159]  La règle ejusdem generis entre en jeu lorsqu’un terme générique vient à la suite d’une liste d’éléments précis. Comme l’a résumé le professeur Côté dans son ouvrage Interprétation des lois à la page 315 :

La règle ejusdem generis signifie que le terme générique ou collectif qui complète une énumération se restreint à des choses de même genre que celles qui sont énumérées, même si, de par sa nature, ce terme générique ou collectif, cette expression générale, est susceptible d’embrasser beaucoup plus [149] .

[160]  En l’espèce, le terme générique « objets pour le service de la toilette » précède les éléments précis énumérés. La règle ejusdem generis n’est habituellement pas pertinente dans ce cas [150] .

[161]  Quant à elle, Rona soutient que les écrans de baignoire font partie des « objets pour le service de la toilette », parce que les écrans de baignoire sont des accessoires de bain, lesquels sont situés dans la salle de bain. La plupart du temps, des toilettes sont situées dans la même pièce que la baignoire (la salle de bain). Rona fait valoir que les exemples d’« objets pour le service de la toilette » énumérés sont tous des articles typiquement trouvés ou utilisés dans une salle de bain.

[162]  Essentiellement, Rona fait correspondre les mots « toilet » (toilette) et « bathroom » (salle de bain). Les articles énumérés dans les notes explicatives ne sont pas décrits comme des « bathroom articles » (objets pour la salle de bain), mais bien comme des « toilet articles » (objets pour le service de la toilette). D’autres endroits de la note explicative utilisent les noms de pièces précises (« cuisine », « bureau ») pour décrire des articles censés être utilisés dans une salle ou un contexte particulier.

[163]  Les textes de loi doivent être interprétés selon le contexte et d’après l’acception courante des mots [151] . Dans son analyse du sens de termes contestés utilisés dans le Tarif des douanes ou les notes explicatives, le Tribunal doit donc utiliser l’interprétation qui est la plus adaptée au libellé de la nomenclature tarifaire et qui correspond le mieux à la définition courante de ces termes dans la mesure où ils s’appliquent aux marchandises en cause [152] .

[164]  Ni l’une ni l’autre partie n’a présenté une définition du mot « toilet » au Tribunal. Néanmoins, le Tribunal doit interpréter le mot « toilet » selon le contexte de la note explicative pour déterminer si les écrans de baignoire doivent être classés dans la position 70.13.

[165]  Les cours de justice et les tribunaux peuvent admettre d’office le sens courant des mots selon le dictionnaire. Comme l’a souligné la Cour suprême du Canada dans R. c. Krymowski :

22  Une cour de justice peut tenir pour avérés sans exiger de preuve à l’appui : « (1) les faits qui sont notoires ou généralement admis au point de ne pas être l’objet de débats entre des personnes raisonnables; (2) ceux dont l’existence peut être démontrée immédiatement et fidèlement en ayant recours à des sources facilement accessibles dont l’exactitude est incontestable » : R. c. Find, [2001] 1 R.C.S. 863, 2001 CSC 32, par. 48. La définition du dictionnaire peut entrer dans cette dernière catégorie : voir J. Sopinka, S. N. Lederman et A. W. Bryant, The Law of Evidence in Canada (2e éd. 1999), § 19.13 et § 19.22 [153] .

[166]  Le mot « toilet » est utilisé dans la langue courante. Sa signification est généralement connue et peut-être vérifiée facilement par recours aux dictionnaires. Le dictionnaire Merriam donne trois principales significations pour le nom « toilet » :

appareil sanitaire consistant généralement en une cuvette munie d’une chasse d’eau et un siège utilisé pour la défécation et la miction

salle de bain, dans le sens de lieux d’aisances

action ou activité de s’habiller, de s’apprêter [154]

[Traduction]

[167]  De fait, lors de leur témoignage à l’audience, les deux témoins de Rona (MM Corcos et Morin) ont fait référence [155] à une « toilet » à titre d’appareil sanitaire vendu au détail comme article de plomberie de finition.

[168]  L’argument de Rona repose essentiellement sur la prémisse que « toilet » est synonyme de « bathroom » (salle de bain), qui est une pièce dans un domicile où se trouvent les appareils sanitaires, notamment la baignoire et les toilettes. Selon Rona, l’utilisation du terme « toilet » comme adjectif dans la version anglaise de la note explicative indique que les articles énumérés sont habituellement placés ou utilisés près de ou dans la même pièce où se trouvent les toilettes, à savoir la salle de bain. Comme les écrans de baignoire sont montés sur une baignoire, qui est un appareil sanitaire à proximité d’un autres appareil sanitaire (toilettes), l’argument de Rona revient à son point de départ – les écrans de baignoire en cause font partie des objets pour le service de la toilette énumérés dans la note explicative, et en conséquence doivent être classés dans la position 70.13.

[169]  Le Tribunal fait observer que si dans certaines pièces les appareils sanitaires sont composés des toilettes et d’une baignoire, d’autres configurations existent où le nombre et le type d’appareils dans une « salle de bain » peuvent différer (c’est-à-dire toilettes/lavabo/douches; toilettes/lavabo) et où il n’y a pas de baignoire. En effet, une gamme de combinaisons et de permutations semble implicite en fonction du terme « plomberie de finition » qui est utilisé pour décrire les articles qui ne sont pas « à l’abri des regards ». À cet égard, le Tribunal fait également observer que les éléments de preuve de Rona comprennent des passages tirés du Code de construction du Québec ayant trait à la plomberie. Une portion de ce document comprend un schéma qui semble décrire les spécifications pour l’installation de toilettes dans une « salle de toilette » (en opposition avec une « salle de bain ») [156] .

[170]  Bien que le terme « toilet » (toilettes) soit défini comme un appareil sanitaire qui se trouve typiquement dans une salle de bain, et qu’il puisse être utilisé comme synonyme de « bathroom » (salle de bain) ou « lavatory » (lieux d’aisances), un troisième sens a trait aux soins personnels et aux soins de beauté. Ce dernier sens est particulièrement suggéré en anglais quand le terme « toilet » est utilisé comme un adjectif (comme en l’espèce) par opposition à un nom.

[171]  Dans son plaidoyer, le conseiller juridique de l’ASFC a fait référence à la version française de la portion pertinente des notes explicatives. La désignation de la sous-catégorie « toilet articles » est rendue en français par « Les objets pour le service de la toilette » [157] . Le Tribunal est d’avis que la version française tend à appuyer l’interprétation selon laquelle les « objets pour le service de la toilette » énumérés dans la note explicative renvoient principalement à des articles de toilette destinés à l’hygiène et aux soins personnels. Aucun des articles énumérés n’est associé au terme « toilet » lorsqu’il est utilisé pour désigner un appareil sanitaire.

[172]  Lorsqu’il y a divergence ou ambiguïté entre les versions anglaise et française des textes de loi, il est préférable d’opter pour une signification commune dans la mesure du possible. Subsidiairement, c’est la version dont le sens est le plus restreint ou le plus limité qui doit être favorisé [158] . Le Tribunal reconnaît l’utilité de ces principes pour l’orientation dans l’interprétation des notes explicatives.

[173]  Selon une lecture contextuelle, la signification de la formulation française « objets pour le service de la toilette » recoupe davantage la version anglaise dans la mesure où l’on interprète cette dernière comme « articles utilisés pour les soins personnels » par opposition à « articles qu’on trouve habituellement dans une salle de bain ». Si le fait de prendre une douche est habituellement considéré comme faisant partie des soins d’hygiène personnelle, les caractéristiques physiques des écrans de baignoire sont néanmoins distinctes de celles des articles énumérés dans la note explicative. Une fois installé, l’écran de baignoire devient un prolongement de la baignoire et devient une installation semi-permanente, sinon permanente dans la salle de bain.

[174]  Par conséquent, le Tribunal accueille la thèse de l’ASFC selon laquelle les objets de verre décrits doivent être caractérisés comme des articles légers, de petite taille. Essentiellement, ils représentent des accessoires aux produits utilisés pour la toilette ou sont utilisés avec eux (c’est-à-dire des savons, parfums). Bien que certains de ces articles puissent être utilisés ou conservés dans la salle de bain, d’autres peuvent être déplacés et utilisés à d’autres endroits. 

[175]  Par conséquent, par application des règles 1 et 2a), le Tribunal conclut que les écrans de baignoire ne peuvent pas être classés dans la position 70.13.

Position 70.20

[176]  Comme il est mentionné précédemment, la position 70.20 est une position résiduelle, qui couvre les « autres ouvrages en verre ».

[177]  Rona fait valoir que la position 70.20 n’est pas applicable parce que les écrans de baignoire peuvent être classés dans d’autres positions (c’est-à-dire 70.07 et 70.13). Comme le Tribunal est arrivé à la conclusion que les écrans de baignoire ne peuvent être classés ni dans la position 70.07 ni dans la position 70.13, cet argument est sans objet.

[178]  Il semble qu’il n’y est aucun différend entre les parties en ce qui concerne les sous-positions et les numéros tarifaires de la position 70.20. Ayant déterminé que la position 70.20 est la bonne, le Tribunal conclut que les écrans de baignoire doivent être classés dans le numéro tarifaire 7020.00.90.

DÉCISION

[179]  Pour les motifs qui précèdent, l’appel est rejeté.

Susan D. Beaubien

Susan D. Beaubien
Membre présidant

 



[1]   L.C. 1997, ch. 36.

[2]   Avis d’appel (Pièce AP-2018-010-01), p. 6; Mémoire de l’appelante (Pièce AP-2018-010-08), p. 5.

[3]   Mémoire de l’intimé (Pièce AP-2018-010-10A), p. 5, par. 6.

[4]   Ibid., p. 5-6, par. 7-8; p. 92-97.

[5]   L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.).

[6]   Avis d’appel (Pièce AP-2018-010-01), p. 9-16.

[7]   Ibid.

[8]   Ibid., p. 6.

[9]   Ibid., p. 10.

[10]   Ibid., p. 11.

[11]   Ibid., p. 10.

[12]   L.C. 1997, ch. 36, annexe [Règles générales].

[13]   L.C. 1997, ch. 36, annexe.

[14]   Organisation mondiale des douanes, 6e éd., Bruxelles, 2017.

[15]   Organisation mondiale des douanes, 4e éd., Bruxelles, 2017.

[16]   Avis d’appel (Pièce AP-2018-010-01), p. 11.

[17]   Ibid., p. 11.

[18]   Ibid., p. 11.

[19]   Ibid., p. 11.

[20]   Ibid., p. 12.

[21]   Ibid., p. 13.

[22]   Ibid., p. 13.

[23]   Ibid., p. 14.

[24]   Ibid., p. 14.

[25]   Ibid., p. 9-16.

[26]   Mémoire de l’appelante (Pièce AP-2018-010-08), p. 17.

[27]   Ibid., p. 124-130.

[28]   Ibid., p. 131-168.

[29]   Ibid., p. 212-222.

[30]   Ibid., p. 223-224.

[31]   Ibid., p. 225-226.

[32]   Ibid., p. 227-229.

[33]   Ibid., p. 230-231.

[34]   Ibid., p. 232-235.

[35]   Ibid., p. 236-239.

[36]   Ibid., p. 312-316.

[37]   Ibid., p. 317-322.

[38]   Ibid., p. 323-325.

[39]   Ibid., p. 256-292.

[40]   Ibid., p. 326.

[41]   Mémoire de l’intimé (Pièce AP-2018-010-10A), p. 92-97.

[42]   Ibid., p. 99-106.

[43]   Ibid., p. 108-115.

[44]   Ibid., p. 116-127.

[45]   Rapport Corcos (Pièce AP-2018-010-16).

[46]   Ibid., p. 2, par. 1.1; Transcription de l’audience publique, p. 12-13.

[47]   Transcription de l’audience publique, p. 109.

[48]   Ibid., p. 1-4, 7-8.

[49]   Ibid., p. 19.

[50]   Rapport Corcos (Pièce AP-2018-010-16), p. 2, par. 1.2.

[51]   Ibid., p. 2, par. 1.2; Transcription de l’audience publique, p. 27.

[52]   Ibid., p. 2, par. 1.3.

[53]   Ibid., p. 2, par. 1.4; Transcription de l’audience publique, p. 27.

[54]   Ibid., p. 2, par. 2.1; Transcription de l’audience publique, p. 15-17, 27-28.

[55]   Transcription de l’audience publique, p. 10-11.

[56]   Ibid., p. 12-19.

[57]   Ibid., p. 24-25.

[58]   Ibid., p. 24-25.

[59]   Ibid., p. 9, 21, 25.

[60]   R. c. Mohan, [1994] 2 R.S.C. 9.

[61]   White Burgess Langille Inman c. Abbott and Haliburton Co., 2015 CSC 23.

[62]   Transcription de l’audience publique, p. 24-26.

[63]   Rapport Corcos (Pièce AP-2018-010-16), p. 2, par. 2.3.

[64]   Ibid., p. 2, par. 2.4.2, 2.4.3.

[65]   Ibid., p. 2, par. 2.4.2.

[66]   Transcription de l’audience publique, p. 34-35.

[67]   Ibid., p. 41-43.

[68]   Rapport Corcos (Pièce AP-2018-010-16), p. 2, par. 2.4; Transcription de l’audience publique, p. 32-33, 43.

[69]   Transcription de l’audience publique, p. 33.

[70]   Ibid., p. 49-50.

[71]   Ibid., p. 28-29.

[72]   Ibid., p. 29.

[73]   Ibid., p. 43.

[74]   Ibid., p. 32.

[75]   Ibid., p. 29-31.

[76]   Rapport Corcos (Pièce AP-2018-010-16), p. 2-3, par. 2.4; Transcription de l’audience publique, p. 32.

[77]   Ibid., p. 3, par. 2.4.5.

[78]   Ibid., p. 3, par. 2.4.6.

[79]   Transcription de l’audience publique, p. 34.

[80]   Rapport Corcos (Pièce AP-2018-010-16), p. 3, par. 3.1.

[81]   Ibid., p. 4, par. 4.

[82]   Transcription de l’audience publique, p. 36.

[83]   Ibid., p. 36-38.

[84]   Ibid., p. 38-40.

[85]   Ibid., p. 41.

[86]   Ibid., p. 19.

[87]   Ibid., p. 52, 60.

[88]   Ibid., p. 52.

[89]   Ibid., p. 52-53.

[90]   Ibid., p. 61.

[91]   Ibid., p. 64-65.

[92]   Ibid., p. 52, 65.

[93]   Ibid., p. 53.

[94]   Ibid., p. 81-82.

[95]   Ibid., p. 54.

[96]   Ibid., p. 55-56, 65.

[97]   Ibid., p. 57.

[98]   Ibid., p. 59, 71, 69, 78.

[99]   Ibid., p. 71.

[100]   Ibid., p. 71-77.

[101]   Mémoire de l’appelante (Pièce AP-2018-010-08), p. 5.

[102]   Ibid., p. 10-11.

[103]   OVE Décors ULC c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (25 juin 2019), AP-2017-060 (TCCE) [OVE Décors].

[104]   Mémoire de l’appelante (Pièce AP-2018-010-08), p. 10, par. 31; Mémoire de l’intimé (Pièce AP-2018-010-10A), p. 86-90; OVE Décors, par. 45-47.

[105]   Transcription de l’audience publique, p. 86-88.

[106]   Ibid., p. 89.

[107]   Ibid., p. 90.

[108]   Industries Mon-Tex Ltée c. Canada (Agence des douanes et du revenu), 2004 CAF 346 (CanLII) [Mon-Tex].

[109]   Canada (Procureur général) c. Igloo Vikski Inc., 2016 CSC 38 (CanLII) [Igloo Vikski].

[110]   Transcription de l’audience publique, p. 96.

[111]   Notes explicatives de la position 70.20; Transcription de l’audience publique, p. 126-127.

[112]   Transcription de l’audience publique, p. 127-128.

[113]   De la sous-position 7020.00 reproduite dans le mémoire de l’intimé. Voir note de bas de page 103, supra.

[114]   Mémoire de l’intimé (Pièce AP-2018-010-10A), p. 16-17, par. 35-37, p. 86-90.

[115]   Canada (Procureur général) c. Best Buy Canada Ltd., 2019 CAF 20.

[116]   Mémoire de l’intimé (Pièce AP-2018-010-10A), p. 16-17, par. 35-38; p. 86-90.

[117]   Transcription de l’audience publique, p. 127-130.

[118]   Danson Décor Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (25 septembre 2019), AP-2018-043 (TCCE) [Danson Décor], par. 75-79.

[119]   DORS/91-499 [Règles].

[120] .  Partie II des Règles.

[121]   Danson Décor, par. 82-93.

[122]   Mémoire de l’appelante (Pièce AP-2018-010-08), p. 5.

[123]   Loi sur les douanes, article 152.

[124]   Par exemple, F.H. c. McDougall, [2008] 3 RCS 41, par. 40-49; Morrison c. La Reine, 2018 CCI 220, par. 65-89.

[125]   Par exemple, Hickman, par. 92-95; Eli Lilly and Co. c. Nu-Pharm Inc., 1996 CanLII 4073 (CAF), [1997] 1 CF 3; House c. Canada, 2011 CAF 234, par. 30-31.

[126]   Snell c. Farrell, [1990] 2 RCS 311 [Snell], par. 32.

[127]   Ibid.

[128]   Loi sur les douanes, article 152; Morrison c. La Reine, 2018 CCI 220; Snell, par. 32.

[129]   Canada (Procureur général) c. Suzuki Canada Inc., 2004 CAF 131, par. 4-5.

[130]   Igloo Vikski, par. 4-8.

[131]   Avis d’appel (Pièce AP-2018-010-01), p. 6.

[132] .  Tiffany Woodworth c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (11 septembre 2007), AP-2006-035 (TCCE), par. 21; Komatsu International (Canada) Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (10 avril 2012), AP-2010-006 (TCCE), par. 22.

[133]   Mémoire de l’appelante (Pièce AP-2018-010-08), p. 5, 9; Mémoire de l’intimé (Pièce AP-2018-010-10A), p. 11.

[134]   Transcription de l’audience publique, p. 109-110.

[135]   L.C. 2010, ch. 21; Mémoire de l’appelante (Pièce AP-2018-010-08), p. 127.

[136]   Par exemple, Monit International Inc. c. Canada, 2004 CF 75, par. 82; Berlucchi c. Prince, 2007 CF 245, par. 52; Charron c. La Reine, 2009 CCI 290, par. 34.

[137]   Par exemple, Toronto Real Estate Board v. Canada (National Revenue), 1982 CanLII 2859, par. 7 (en anglais seulement); Shaklee Canada Inc. c. Canada (Revenu national), 1990 CanLII 3912 (CA TCCE).

[138]   Transcription de l’audience publique, p. 31.

[139]   Ibid.

[140]   OVE Décors; Avis de classement de l’OMD au sujet de la sous-position 7020.00; Mémoire de l’intimé (Pièce AP-2018-010-10A), p. 86-90.

[141]   Transcription de l’audience publique, p. 94, 100, 114-115.

[142]   Mémoire de l’appelante (Pièce AP-2018-010-08), p. 13-15.

[143]   Rapport Corcos (Pièce AP-2018-010-16), p. 3, par. 3.

[144]   Mémoire de l’appelante (Pièce AP-2018-010-08), p. 14, par. 49-50.

[145]   Transcription de l’audience publique, p. 44-49.

[146]   Ibid., p 56, 58-59, 66-71.

[147]   Ibid., p. 69.

[148]   Ibid., p. 79-81.

[149]   Citation dans Bruneau c. Universal Coach Line Ltd., 2017 CF 541, citant Administration portuaire de Montréal c. Montréal (Ville), 2008 CAF 278.

[150]   Banque nationale de Grèce (Canada) c. Katsikonouris, [1990] 2 R.C.S. 1029.

[151]   Pfizer Co. Ltd. c. Sous-ministre du Revenu national, [1977] 1 RCS 456, p. 460; Hills c. Canada (Procureur général), [1988] 1 RCS 513, par. 74.

[152]   Voir par exemple LES INDUSTRIES TOUCH INC., 2017 CanLII 149227 (CA TCCE), par. 37.

[153]   Par exemple, R. c. Krymowski, [2005] 1 R.C.S. 101.

[154]   https://www.merriam-webster.com/dictionary/toilet.

[155]   Transcription de l’audience publique, p. 42, 64.

[156]   Mémoire de l’appelante (Pièce AP-2018-010-08), p. 341.

[157]   Mémoire de l’intimé (Pièce AP-2018-010-10A), p. 80; Transcription de l’audience publique, p. 118.

[158]   Schreiber c. Canada (Procureur général), 2002 CSC 62, par. 56.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.