Appels en matière de douanes et d’accise

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Appel no AP-2018-025

Conair Consumer Products ULC

c.

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Décision et motifs rendus
le mercredi 10 juillet 2019

 



EU ÉGARD À un appel entendu le 5 mars 2019, en vertu de l’article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 16 février 2018, concernant une demande de révision aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

CONAIR CONSUMER PRODUCTS ULC

Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

Intimé

DÉCISION

L’appel est rejeté.








Ann Penner                             
Ann Penner
Membre présidant


Lieu de l’audience :                                               Ottawa (Ontario)
Date de l’audience :                                               Le 5 mars 2019

Membre du Tribunal :                                            Ann Penner, membre présidant

Personnel de soutien :                                            Kalyn Eadie, conseillère juridique

PARTICIPANTS :

Appelante

Conseillers/représentant

Conair Consumer Products ULC

Michael Kaylor

 

Intimé

Conseillers/représentants

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Luc Vaillancourt
Mélyne Félix
David Di Sante

TÉMOINS :

M. P. Sullivan
Vice-président
Conair Consumer Products ULC

Natasha MacDonald
Propriétaire
Natasha’s Looks

Veuillez adresser toutes les communications au :

Greffier
Secrétariat du Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario) K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

INTRODUCTION

1.                  Le présent appel a été interjeté par Conair Consumer Products ULC (Conair) le 18 mai 2018, aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes[1], à l’égard d’une décision rendue le 16 février 2018 par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) aux termes du paragraphe 60(4).

2.                  La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si deux modèles de brosses à air chaud, la « Ionic Hot Air Style Brush » (brosse à coiffer ionique à air chaud) et la « Spin Air Brush » (brosse rotative à air) (les marchandises en cause), sont correctement classées dans le numéro tarifaire 8516.32.90 de l’annexe du Tarif des douanes[2] à titre d’autres autres appareils pour la coiffure, comme l’a déterminé l’ASFC, ou si elles doivent être classées dans le numéro tarifaire 8516.31.00 à titre de sèche‑cheveux, ou dans le numéro tarifaire 8516.32.10 à titre de fers à friser, comme le soutient Conair.

HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

3.                  Les 25 août, 29 septembre et 5 octobre 2016, Conair a importé les marchandises en cause, les classant dans le numéro tarifaire 8516.31.00 à titre de sèche-cheveux.

4.                  À la suite d’une vérification du classement de marchandises semblables effectuée par l’ASFC[3], Conair a apporté trois corrections à ses déclarations du classement tarifaire déposées relativement aux marchandises en cause, aux termes de l’article 32.2 de la Loi, les classant dans le numéro tarifaire 8516.32.90 à titre d’autres appareils pour la coiffure. Le 9 février 2017, l’ASFC a accepté les corrections de Conair et, aux termes du paragraphe 32.2(3), les a assimilées à des révisions tarifaires aux termes de l’alinéa 59(1)a) de la Loi.

5.                  Le 12 mai 2017, aux termes du paragraphe 60(1) de la Loi, Conair a demandé le réexamen du classement tarifaire des marchandises en cause, soutenant qu’elles devaient être classées dans le numéro tarifaire 8516.32.10 à titre de fers à friser.

6.                  Le 16 février 2018, aux termes du paragraphe 60(1) de la Loi, l’ASFC a réexaminé le classement tarifaire des marchandises en cause, confirmant qu’elles étaient correctement classées dans le numéro tarifaire 8516.32.90 à titre d’autres autres appareils pour la coiffure.

7.                  Le 18 mai 2019, Conair a déposé le présent appel auprès du Tribunal[4].

8.                  Le Tribunal a tenu une audience publique le 5 mars 2019. M. M. P. Sullivan, vice-président de la commercialisation chez Conair[5], et Mme Natasha MacDonald, propriétaire de Natasha’s Looks, un salon de coiffure[6], ont témoigné à l’audience.

DESCRIPTION DES MARCHANDISES EN CAUSE

9.                  Les marchandises en cause sont deux modèles de brosses à air chaud. Ils sont des appareils portables, actionnés par l’électricité, munis d’une poignée et d’un cylindre. Le cylindre est fabriqué de métal (recouvert de céramique) ou de plastique en nylon, et les poils sont fabriqués de nylon ou sont naturels (soie de sanglier) ou consistent en un mélange des deux. La poignée renferme un moteur et un ventilateur qui produisent de l’air chaud qui est expulsé par de petits trous sur le cylindre[7].

10.              Les marchandises en cause sont commercialisées en tant qu’appareils « multitâches » qui peuvent servir à « coiffer », « sculpter » et « défriser » les cheveux, ajouter du « volume », de la « brillance » et de la « douceur », « amplifier » la chevelure et créer de « grosses boucles douces »[8]. Les marchandises en cause peuvent aussi sécher les cheveux humides et sont destinées aux cheveux qui ont été partiellement séchés (80 p. 100 à 90 p. 100)[9].

11.              Conair a déposé plusieurs pièces, y compris les marchandises en cause, un modèle de brosse à air chaud non en cause en l’espèce, une pince à défriser, un fer à friser « traditionnel » et un sèche-cheveux[10]. Les manuels d’utilisation qui accompagnent chacun de ces items ont aussi été déposés comme pièces[11]. De plus, trois vidéos dans lesquelles il est démontré comment utiliser les marchandises en cause et un fer à friser ont été déposées comme pièces et visionnées au cours de l’audience[12].

CADRE LÉGISLATIF

12.              La nomenclature tarifaire est énoncée en détail dans l’annexe du Tarif des douanes[13], qui est conforme au Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises élaboré par l’Organisation mondiale des douanes (OMD). L’annexe est divisée en sections et en chapitres et chaque chapitre de l’annexe contient une liste de marchandises classées dans des positions, sous-positions et numéros tarifaires.

13.              Le paragraphe 10(1) du Tarif des douanes prévoit que, conformément au paragraphe 10(2), le classement des marchandises importées est effectué, sauf indication contraire, en conformité avec les Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé[14] et les Règles canadiennes[15] énoncées à l’annexe

14.              Les Règles générales sont composées de six règles. Le classement commence par la règle 1, qui prévoit que le classement doit être déterminé d’après les termes des positions et des notes de section ou de chapitre et, lorsqu’elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et notes, d’après les autres règles.

15.              L’article 11 du Tarif des douanes prévoit que, pour l’interprétation des positions et des sous‑positions, le Tribunal doit tenir compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[16] et des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[17], publiés par l’OMD. Bien que les avis de classement et les notes explicatives n’aient pas force exécutoire pour le Tribunal pour déterminer le classement de marchandises importées, le Tribunal les applique à moins qu’il n’existe un motif valable de ne pas le faire[18].

16.              Par conséquent, le Tribunal doit d’abord déterminer si les marchandises en cause peuvent être classées au niveau de la position conformément à la règle 1 des Règles générales, selon les termes de la position et les notes de section ou de chapitre pertinentes du Tarif des douanes, compte tenu des notes explicatives et des avis de classement applicables. Ce n’est seulement lorsque la règle 1 ne permet pas d’arrêter de manière concluante le classement d’une marchandise qu’il faudra recourir aux autres Règles générales[19].

17.              Une fois que le Tribunal a utilisé cette méthode pour déterminer la position dans laquelle les marchandises en cause doivent être classées, l’étape suivante consiste à utiliser une méthode similaire pour déterminer la sous-position appropriée[20]. L’étape finale consiste à déterminer le numéro tarifaire approprié[21].

Nomenclature tarifaire, notes de chapitre et notes explicatives pertinentes

18.              La nomenclature tarifaire pertinente est la suivante :

Section XVI

MACHINES ET APPAREILS, MATÉRIEL ÉLECTRIQUE ET LEURS PARTIES; APPAREILS D'ENREGISTREMENT OU DE REPRODUCTION DU SON, APPAREILS D'ENREGISTREMENT OU DE REPRODUCTION DES IMAGES ET DU SON EN TÉLÉVISION, ET PARTIES ET ACCESSOIRES DE CES APPAREILS

[...]

Chapitre 85

MACHINES, APPAREILS ET MATÉRIELS ÉLECTRIQUES ET LEURS PARTIES; APPAREILS D'ENREGISTREMENT OU DE REPRODUCTION DU SON, APPAREILS D'ENREGISTREMENT OU DE REPRODUCTION DES IMAGES ET DU SON EN TÉLÉVISION, ET PARTIES ET ACCESSOIRES DE CES APPAREILS

[...]

85.16                Chauffe-eau et thermoplongeurs électriques; appareils électriques pour le chauffage des locaux, du sol ou pour usages similaires; appareils électrothermiques pour la coiffure (sèche-cheveux, appareils à friser, chauffe‑fers à friser, par exemple) ou pour sécher les mains; fers à repasser électriques; autres appareils électrothermiques pour usages domestiques; résistances chauffantes, autres que celles du no 85.45.

[...]

-Appareils électrothermiques pour la coiffure ou pour sécher les mains :

8516.31.00        - -Sèche-cheveux

[...]

8516.32             - -Autres appareils pour la coiffure

8516.32.10        - - -Fers à friser

8516.32.90        - - -Autres

19.              La note 3 de la Section XVI et les notes explicatives pertinentes sont les suivantes :

3.‑ Sauf dispositions contraires, les combinaisons de machines d’espèces différentes destinées à fonctionner ensemble et ne constituant qu’un seul corps, ainsi que les machines conçues pour assurer deux ou plusieurs fonctions différentes, alternatives ou complémentaires, sont classées suivant la fonction principale qui caractérise l’ensemble.

VI.- MACHINES A FONCTIONS MULTIPLES; COMBINAISONS DE MACHINES

(Note 3 de la Section)

En règle générale, une machine conçue pour assurer plusieurs fonctions différentes est classée suivant la fonction principale qui la caractérise.

Les machines à fonctions multiples sont, par exemple, les machines-outils pour le travail des métaux utilisant des outils interchangeables leur permettant d’assurer diverses opérations d’usinage (fraisage, alésage, rodage, par exemple).

Dans le cas où il n’est pas possible de déterminer la fonction principale et en l’absence de dispositions contraires visées dans le libellé de la Note 3 de la Section XVI, il y a lieu de faire application de la Règle générale interprétative 3 c); il en est ainsi, par exemple, des machines à fonctions multiples susceptibles de relever indifféremment de plusieurs des nos 84.25 à 84.30, de plusieurs des nos 84.58 à 84.63 ou de plusieurs des nos 84.69 à 84.72.

Il en est de même des combinaisons de machines formées par l’association, sous la forme d’un seul corps, de plusieurs machines ou appareils d’espèces différentes exerçant, successivement ou simultanément, des fonctions distinctes et généralement complémentaires, visées dans des positions différentes de la Section XVI.

ANALYSE

20.              Le rôle du Tribunal dans une affaire de ce genre est de déterminer le classement tarifaire approprié des marchandises en cause en fonction de leurs caractéristiques au moment de leur importation.

21.              Les parties conviennent, et le Tribunal reconnaît, que les marchandises en cause sont correctement classées dans la position no 85.16 en vertu de la règle 1 des Règles générales. Bien que Conair ait initialement soutenu que les marchandises en cause pouvaient être classées dans la sous-position no 8516.31 à titre de sèche-cheveux, elle a reconnu au cours de l’audience que les marchandises en cause n’étaient pas des sèche-cheveux étant donné leurs caractéristiques différentes et le fait qu’elles n’étaient pas destinées au séchage des cheveux[22]. Par conséquent, le Tribunal n’examinera pas la question de savoir si les marchandises en cause peuvent être classées dans la sous-position no 8516.31 et conclut qu’elles sont classées dans la sous-position no 8516.32 à titre d’autres appareils pour la coiffure.

22.              Ainsi, la seule question qu’il reste à résoudre en l’espèce est celle de déterminer le classement des marchandises en cause au niveau du numéro tarifaire. Le Tribunal examinera donc la question de savoir si les marchandises en cause sont 1) des fers à friser du numéro tarifaire 8516.32.10 ou 2) d’autres autres appareils pour la coiffure du numéro tarifaire 8516.32.90.

Les marchandises en cause sont-elles des fers à friser?

23.              Conair soutient que les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 8516.32.10 à titre de fers à friser et s’appuie sur la décision du Tribunal dans Conair Consumer Products Inc. c. Commissaire de l’Agence des douanes et du revenu du Canada[23] pour étayer son point de vue. Dans cette décision, le Tribunal s’est référé à la définition du dictionnaire du terme « curling iron » (fer à friser), soit « [...] un instrument en métal qui est chauffé et autour duquel on enroule une mèche de cheveu pour la friser ou l’onduler » [traduction]. Dans l’appel en question, le Tribunal a conclu que les pinces à gaufrer et les pinces à défriser en cause ne répondent pas à cette définition puisqu’elles ne sont pas conçues principalement pour friser les cheveux comme un fer à friser le fait. Selon les éléments de preuve dans cet appel, les marchandises en cause sont commercialisées en tant qu’appareils utilisés pour coiffer les cheveux dans de nombreux styles différents, y compris en frisant les cheveux, et le site Web de Conair présente les pinces à gaufrer et les pinces à défriser dans des sections distinctes. Enfin, le Tribunal a indiqué qu’il n’était pas convaincu par les éléments de preuve selon lesquels, en raison de leurs caractéristiques physiques, de leur usage et de leur conception, les marchandises en cause étaient très semblables à des fers à friser et devraient donc être classées à titre de fers à friser[24].

24.              Conair soutient que, contrairement aux pinces à gaufrer et aux pinces à défriser en cause dans Conair I, les marchandises en cause en l’espèce remplissent la même fonction principale qu’un fer à friser, c’est‑à‑dire qu’elles frisent les cheveux au moyen de la chaleur. Conair reconnaît qu’il existe des différences entre les marchandises en cause et les fers à friser « traditionnels » quant à leurs caractéristiques physiques, leur usage et leur conception. Il attribue toutefois ces différences aux développements technologiques et soutient que les marchandises en cause représentent tout simplement une version plus moderne d’un fer à friser.

25.              Conair reconnaît aussi que les marchandises en cause remplissent beaucoup d’autres fonctions que de friser les cheveux, par exemple sécher les cheveux, les lisser et leur ajouter du volume, tout comme le font les pinces à défriser et les pinces à gaufrer en cause dans Conair I. Conair souligne que les combinaisons de machines et les machines à fonctions multiples, telles qu’elles sont définies à la note 3 de la section XVI, doivent être classées suivant la fonction principale qui la caractérise, en application de cette note et des notes explicatives correspondantes, et réitère que la fonction principale des marchandises en question est de friser les cheveux.

26.              En revanche, l’ASFC soutient que les marchandises en cause ne sont pas des fers à friser et que, puisque les parties s’entendent pour dire que les marchandises en cause sont correctement classées dans la sous-position no 8516.32, leur classement dans le numéro tarifaire 8516.32.90 est le seul qui convienne. L’ASFC soutient que, de la même façon que dans Conair I, les marchandises en cause ont comme fonction de coiffer les cheveux de plusieurs façons et ne sont pas conçues principalement pour friser les cheveux de la même façon que le font les fers à friser. L’ASFC a noté plusieurs différences entre les marchandises en cause et les fers à friser quant à leurs caractéristiques physiques, leur conception et leur commercialisation, dont les détails sont précisés plus bas.

27.              Pour ce qui est de la note 3 de la section XVI, l’ASFC soutient que Conair n’a pas démontré que les marchandises en cause sont composées de deux machines ou plus et qu’elles ne peuvent donc pas constituer des combinaisons de machines. De plus, l’ASFC fait valoir que les marchandises en cause ne sont pas des combinaisons de machines ou des machines à fonctions multiples parce qu’elles n’assurent qu’une seule fonction (soit de coiffer les cheveux).

28.              Quant à l’argument de Conair concernant la note 3 de la section XVI, le Tribunal est d’accord avec l’ASFC pour dire que les marchandises en cause n’assurent qu’une seule fonction, soit de coiffer (ou mettre en plis) les cheveux. Comme l’a remarqué l’ASFC, les marchandises en cause sont commercialisées en tant qu’appareils « multitâches » et, selon les éléments de preuve, elles peuvent coiffer les cheveux de diverses façons. La définition du terme « hair-dressing » (coiffure), qui est celle qui est utilisée dans les positions et sous-positions applicables (« appareils pour la coiffure »), englobe toutes ces façons de coiffer les cheveux. Selon le Merriam-Webster’s Collegiate Dictionary, le terme « hair-dressing » est défini comme suit : « 1 a : l’action ou le processus de laver, couper, friser ou mettre en plis les cheveux . . . 2 : une préparation avant de brosser et de coiffer les cheveux »[25] [traduction]. En outre, les marchandises en cause accomplissent diverses coiffures de la même façon, c’est-à-dire en se servant d’air chaud pour manipuler les cheveux au moyen d’une brosse. Le Tribunal est donc d’avis que les marchandises en cause remplissent une fonction qui ne peut être mieux décrite que par le terme « coiffure »; bien que les marchandises en cause permettent de réaliser divers effets avec les cheveux, il n’est pas exact de considérer ces effets comme des fonctions distinctes.

29.              Puisque la note 3 de la section XVI n’est pas pertinente en l’espèce, le Tribunal examinera maintenant la question de savoir si les marchandises en cause peuvent être classées dans le numéro tarifaire 8516.32.10 en vertu de la note 1 des Règles générales, c’est-à-dire si les marchandises en cause sont des fers à friser.

30.              Comme le Tribunal l’a souligné dans Conair I, le terme « fer à friser » n’est pas défini dans la nomenclature tarifaire et il n’y a pas de notes de chapitre ni de notes explicatives qui traitent de ce terme; on doit donc lui attribuer sa signification courante. Dans Conair I, le Tribunal s’est reporté à la définition du dictionnaire du terme « curling iron » (fer à friser), citée plus haut, pour trancher la question[26]. Le Tribunal suivra le même raisonnement en l’espèce et souligne que la définition du dictionnaire du terme « curling iron » (fer à friser), demeure toujours la même depuis 2003, la date de la décision du Tribunal dans Conair I[27].

31.              Le Tribunal conclut que les marchandises en cause ne répondent pas à la définition du terme « fer à friser ». Les éléments de preuve démontrent les marchandises en cause et les fers à friser diffèrent grandement quant à leur fonction, leurs caractéristiques physiques, leur conception et leur commercialisation.

32.              Selon les éléments de preuve, les fers à friser comportent des cylindres en métal, parfois recouverts de céramique, munis d’une cuillère à charnière, qui sert à tenir une mèche de cheveu en place une fois enroulée autour du cylindre[28]. Bien que les marchandises en cause puissent avoir des cylindres en métal[29], ces cylindres sont essentiellement des brosses munies de poils de nylon ou de poils naturels (soie de sanglier) ou d’un mélange des deux[30].

33.              De plus, les marchandises en cause sont munies d’un ventilateur et d’un moteur et fonctionnent à différents réglages de vitesse, alors que les fers à friser n’ont pas ces caractéristiques. Quant aux fers à friser, la chaleur est transférée de l’élément chauffant au cylindre, qui se réchauffe en 15 à 45 secondes; à l’opposé, le ventilateur et le moteur permettent aux marchandises en cause de devenir chaudes instantanément[31].

34.              Pour ce qui est de l’usage auquel ils sont destinés, les éléments de preuve démontrent que les fers à friser ne doivent pas être utilisés tous les jours parce que l’application de chaleur intense (jusqu’à 400 degrés Fahrenheit) directement sur les cheveux peut les endommager; de plus, le manuel d’utilisation qui accompagne le fer à friser contient un avertissement de ne pas laisser le cylindre chaud entrer en contact avec la peau[32]. À l’inverse, il est recommandé d’utiliser les marchandises en cause au quotidien et elles sont commercialisées en tant que façon plus sécuritaire de coiffer les cheveux[33]. En outre, les fers à friser ne doivent être utilisés que sur les cheveux qui ont été séchés complètement, tandis que les marchandises en cause sont destinées à terminer le séchage de cheveux partiellement séchés (80 p. 100 à 90 p. 100)[34].

35.              Comme mentionné antérieurement, quant à leurs effets, les fers à friser servent à friser et à ajouter du volume aux cheveux tandis que les marchandises en cause sont commercialisées en tant qu’appareils « multitâches » qui peuvent servir à friser mais aussi à sécher, amplifier, coiffer, sculpter et onduler les cheveux[35]. Sur son site Web, Conair présente les fers à friser sous l’onglet « fer à friser », tandis qu’il présente les marchandises en cause sous les onglets « brosses chaudes », « brosses à air chaud » et « série volume » [traductions][36].

36.              Conair soutient que la signification que le Tribunal donne au terme « fer à friser » doit être large et se prêter à diverses interprétations. Elle ajoute que, selon cette approche, l’apparence et la fonction des marchandises en cause sont assez similaires pour qu’elles soient assimilées à des fers à friser. Conair soutient aussi que la façon dont les marchandises en cause sont commercialisées, surtout leur emplacement sur son site Web, ne devrait pas peser lourd dans la balance en l’espèce, puisque le facteur primordial est leur fonction principale.

37.              Même en adoptant une interprétation plus large du terme, et indépendamment du fait que les cylindres des marchandises en cause ne sont pas nécessairement en métal, qu’ils ne sont pas chauffés de la même façon qu’un fer à friser, et que la mèche de cheveux n’est pas enroulée autour du cylindre et tenue en place à l’aide d’une cuillère, les marchandises en cause ne peuvent être assimilées à des fers à friser puisque leur fonction principale, comme il est indiqué plus haut, n’est pas seulement de friser les cheveux mais de les coiffer de toutes sortes de façons. Les marchandises en cause sont tout simplement trop différentes des fers à friser « traditionnels » pour répondre à la signification ordinaire de ce terme.

38.              Étant donné ce qui précède, le Tribunal conclut que les marchandises en cause ne sont pas des « fers à friser » du numéro tarifaire 8516.32.10.

39.              Puisque les parties et le Tribunal conviennent que les marchandises en cause sont d’autres appareils pour la coiffure de la sous-position no 8516.32, et que les marchandises en cause ne peuvent être classées dans le numéro tarifaire 8516.32.10, les marchandises en cause doivent être correctement classées dans le numéro tarifaire résiduel 8516.32.90 à titre d’autres autres appareils pour la coiffure.

DÉCISION

40.              L’appel est rejeté.




Ann Penner                             
Ann Penner
Membre présidant



[1].     L.R.C., 1985, ch. 1 (2e suppl.) [Loi].

[2].     L.C. 1997, ch. 36.

[3].     La vérification s’est terminée le 11 août 2016.

[4].     L’avis d’appel de Conair a été déposé un jour après l’expiration du délai de 90 jours pour interjeter appel de la décision du président. Le 13 juin 2019, Conair a déposé une requête en prorogation de délai pour déposer un avis d’appel. Le 20 juillet 2019, le Tribunal a fait droit à la prorogation de délai et a accepté les documents déposés les 18 mai et 13 juin 2018 à titre d’avis d’appel. Conair Consumer Products ULC (20 juillet 2018), EP‑2018‑002 (TCCE).

[5].     Transcription de l’audience publique à la p. 7.

[6].     Ibid. à la p. 49.

[7].     Ibid. à la p. 11.

[8].     Pièce AP-2018-025-10A, vol. 1 aux p. 51‑67.

[9].     Pièces AP-2018-025-A-01 et A-02 (manuels d’utilisation); Transcription de l’audience publique aux p. 21, 28.

[10].   Pièces AP-2018-025-A-01 à A-06.

[11].   Pièce AP-2018-025-15, vol. 1.

[12].   Pièces AP-2018-025-B-01 et B-02; Transcription de l’audience publique aux p. 4, 6.

[13].   L.C. 1997, ch. 36.

[14].   L.C. 1997, ch. 36, annexe [Règles générales].

[15].   L.C. 1997, ch. 36, annexe [Règles canadiennes].

[16].   OMD, 4e éd., Bruxelles, 2017.

[17].   OMD, 6e éd., Bruxelles, 2017.

[18].   Canada (Procureur général) c. Suzuki Canada Inc., 2004 CAF 131 (CanLII) aux par. 13, 17; Canada (Procureur général) c. Best Buy Canada Inc., 2019 CAF 20, au par. 4.

[19].   Canada (Procureur général) c. Igloo Vikski Inc., 2016 CSC 38 (CanLII) au par. 21.

[20].   Les règles 1 à 5 des Règles générales s’appliquent au classement au niveau de la position. Selon le règle 6 des Règles générales, « [l]e classement des marchandises dans les sous-positions d’une même position est déterminé légalement d’après les termes de ces sous-positions et des Notes de sous-positions ainsi que, mutatis mutandis, d’après les règles [1 à 5] […] » et « les Notes de Sections et de Chapitres sont également applicables sauf dispositions contraires. »

[21].   La règle 1 des Règles canadiennes stipule que « [l]e classement des marchandises dans les numéros tarifaires d’une sous-position ou d’une position est déterminé légalement d’après les termes de ces numéros tarifaires et des Notes supplémentaires ainsi que, mutatis mutandis, d’après les [Règles générales] […] » et que « les Notes de Sections, de Chapitres et de sous-positions sont également applicables sauf dispositions contraires. » Les avis de classement et les notes explicatives ne sont pas applicables au classement au niveau du numéro tarifaire.

[22].   Transcription de l’audience publique à la p. 65.

[23].   (20 Octobre 2003), AP-2002-095 (TCCE) [Conair 1].

[24].   Ibid. aux p. 4-5.

[25].   11e éd., s.v. « hair-dressing ».

[26].   Conair I à la p. 5.

[27].   Merriam-Webster’s Collegiate Dictionary, 11e éd., s.v. « curling iron ».

[28].   Pièce AP-2018-025-10A, vol. 1 à la p. 79.

[29].   Selon le témoignage de M. Sullivan, au moins un des accessoires pour le cylindre de la pièce AP-2018-025-A-01 est fabriqué de « plastique en nylon ». Voir Transcription de l’audience publique à la p. 11.

[30].   Pièces AP-2018-025-A-01, A-02 et A-05; Transcription de l’audience publique aux p. 9-10, 15-16, 19, 32.

[31].   Ibid. aux p. 13, 21, 31.

[32].   Pièce AP-2018-025-10A, vol. 1 à la p. 79.

[33].   Ibid.; Transcription de l’audience publique aux p. 13, 31-32, 34-35, 40.

[34].   Pièce AP-2018-025-10A, vol. 1 à la p. 79; pièces AP-2018-025-A-01 et A-02 (manuels d’utilisation); Transcription de l’audience publique aux p. 14, 21, 23, 28, 30.

[35].   Ibid. aux p. 11, 13-14, 19, 27, 51, 53.

[36].   Pièce AP-2018-025-10A, vol. 1 aux p. 50-53, 75-77; Transcription de l’audience publique aux p. 26-27, 29, 33.

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