Appels en matière de douanes et d’accise

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Appel no AP-2019-030

X. Peng

c.

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Ordonnance et motifs rendus
le mardi 4 février 2020

 



EU ÉGARD À un appel interjeté le 11 octobre 2019, aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À une demande présentée le 2 décembre 2019 par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada, aux termes de l’article 23.1 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur, DORS/91-499, demandant au Tribunal canadien du commerce extérieur de rejeter l’appel.

ENTRE

X. PENG

Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

Intimé

ORDONNANCE

La demande est accordée. L’appel est rejeté car il ne révèle aucune cause d’action valable.

Rose Ann Ritcey

Rose Ann Ritcey
Membre présidant

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

RÉSUMÉ

[1]  Le présent appel devant le Tribunal canadien du commerce extérieur concerne une arme de poing Smith & Wesson MOD 910 (la marchandise en cause) importée par l’appelant, M. X. Peng.

[2]  Le 25 juillet 2019, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a déterminé, en vertu de l’article 60 de la Loi sur les douanes [1] , que la marchandise en cause était une « arme à feu prohibée » du numéro tarifaire 9898.00.00 et que son importation au Canada était donc interdite aux termes de l’article 136 du Tarif des douanes [2] .

[3]  Le 11 octobre 2019, M. Peng a fait appel de la décision de l’ASFC auprès du Tribunal aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi [3] .

[4]  Le 2 décembre 2019, l’ASFC a présenté une demande aux termes de l’article 23.1 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur [4] en vue d’obtenir une ordonnance rejetant l’appel au motif qu’il ne révèle aucune cause d’action valable. M. Peng a répondu à la demande le 6 décembre 2019.

[5]  Pour les motifs exposés ci-dessous, le Tribunal donne raison à l’ASFC et accorde la demande.

ANALYSE DU TRIBUNAL

[6]  Le Tribunal a déterminé qu’il a compétence pour rejeter un appel sur une requête préliminaire, mais ne le fera que lorsqu’il est « évident et manifeste » ou « hors de tout doute » qu’il n’y a pas de cause à être entendue :

Il est rare qu’il apparaisse « évident et manifeste » ou « hors de tout doute » qu’un acte de procédure ne révèle aucune cause d’action valable. Cela dit, de temps à autre, le Tribunal est saisi de telles causes. [...] Lorsque l’issue d’une cause ne fait guère de doute, il se peut bien qu’il convienne d’en disposer avant la tenue d’une audience en bonne et due forme [5] .

[7]  Il s’agit d’un seuil très élevé [6] . Dans GFT Mode, le Tribunal a souligné que ce critère peut être rempli lorsqu’aucun fait n’est contesté et que les arguments juridiques présentés par une ou plusieurs des parties n’ont aucune chance d’être accueillis [7] .

[8]  Par conséquent, la question devant le Tribunal en l’espèce est la suivante : est-il évident et manifeste que les observations de M. Peng ne révèlent aucune cause d’action valable? En d’autres termes, est-il hors de tout doute que l’appel de M. Peng n’a aucune chance d’être accueilli?

Fardeau de la preuve

[9]  Comme il est indiqué plus haut, l’ASFC a déterminé que la marchandise en cause est classée dans le numéro tarifaire 9898.00.00, qui prévoit notamment ce qui suit :

9898.00.00  Armes à feu, armes prohibées, armes à autorisation restreinte, dispositifs prohibés, munitions prohibées et éléments ou pièces conçus exclusivement pour être utilisés dans la fabrication ou l’assemblage d’armes automatiques, désignés comme « marchandises prohibées » au présent numéro tarifaire [...]

Pour l’application du présent numéro tarifaire :

b) [...] « arme à feu prohibée » [...] s’entend au sens du paragraphe 84(1) du Code criminel.

[10]  Le paragraphe 84(1) du Code criminel définit, entre autres choses, une « arme prohibée » comme une « [a]rme de poing pourvue d’un canon dont la longueur ne dépasse pas 105 mm ». L’ASFC a établi que la marchandise en cause a un canon d’une longueur de 101,6 mm et qu’il s’agit donc d’une arme à feu prohibée au sens du paragraphe 84(1) du Code criminel.

[11]  Dans les appels devant le Tribunal, il incombe à l’appelant de prouver que le classement tarifaire déterminé par l’ASFC est erroné [8] . En l’espèce, il incombe donc à M. Peng d’établir que l’arme de poing n’est pas une arme à feu prohibée.

Aucune possibilité réelle que l’appel soit accueilli

[12]  De l’avis du Tribunal, les observations de M. Peng dans le cadre du présent appel sont essentiellement des explications des différentes mesures qu’il a prises pour que l’arme de poing soit autorisée à entrer au Canada [9] . M. Peng fait valoir que lorsque la marchandise a été saisie à la frontière, il a été informé qu’il s’agissait d’une arme à feu prohibée dont l’importation était interdite. M. Peng a reconnu dans ses observations qu’il s’était rendu compte que la marchandise en cause était prohibée parce que la longueur du canon est inférieure à 105 mm [10] . À cet égard, l’ASFC fait valoir que M. Peng a admis que la marchandise en cause était une arme à feu prohibée.

[13]  De l’avis du Tribunal, M. Peng a reconnu que la marchandise est une arme à feu prohibée en raison de la longueur de son canon et il n’a fait aucune observation pour contester la décision de l’ASFC [11] . M. Peng ne conteste pas la longueur du canon de la marchandise en cause ni aucun autre aspect de la décision de l’ASFC. En bref, il n’y a pas de faits contestés dans cet appel.

[14]  De plus, la mesure corrective demandée par M. Peng est fondée sur sa reconnaissance du fait que la marchandise en cause est une arme à feu prohibée. M. Peng demande que la marchandise soit remise au fabricant afin de modifier la longueur du canon pour que la marchandise puisse être importée au Canada. À cet égard, l’ASFC a fait valoir que l’intention de M. Peng de modifier l’arme de poing ne s’applique pas au classement tarifaire.

[15]  Il est bien établi que le classement tarifaire doit être déterminé en fonction d’un examen des marchandises, dans leur ensemble, telles qu’elles sont présentées au moment de leur importation au Canada [12] . Ainsi, les intentions de M. Peng de modifier la marchandise, aussi bien intentionnées soient-elles, ne sont pas pertinentes aux fins du classement tarifaire.

[16]  En considérant attentivement ce qui précède, le Tribunal conclut qu’il est évident et manifeste que cet appel ne révèle aucune cause d’action valable.

DÉCISION

[17]  La demande est accordée. L’appel est rejeté car il ne révèle aucune cause d’action valable.

Rose Ann Ritcey

Rose Ann Ritcey
Membre présidant

 



[1]   L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.) [Loi].

[2]   L.C. 1997, ch. 36.

[3]   Dans la même transaction, M. Peng a également importé deux chargeurs de munitions. Dans sa décision du 25 juillet 2019, l’ASFC a aussi établi que les chargeurs de munitions étaient des « dispositifs prohibés » du numéro tarifaire 9898.00.00 et donc interdits d’importation. Toutefois, les observations de M. Peng devant le Tribunal dans le cadre du présent appel ne portent pas sur le classement tarifaire des chargeurs de munitions. À la demande du Tribunal, les parties ont clarifié leurs positions sur ces produits. M. Peng soutient que les chargeurs pourraient être détruits. L’ASFC affirme qu’ils ne sont pas en cause puisque M. Peng n’a pas interjeté appel de leur classement tarifaire devant le Tribunal et que, de toute façon, il n’a soulevé aucun fait ou argument pour contester leur interdiction. Compte tenu des observations des parties, le Tribunal convient que les chargeurs de munitions n’entrent pas dans le champ d’application du présent appel.

[4]   DORS/91-499.

[5]   GFT Mode Canada Inc. c. Sous-ministre du Revenu National (18 mai 2000), AP-96-046 et AP-96-074 (TCCE) [GFT Mode].

[6]   HBC Imports a/s Zellers Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ordonnance rendue le 19 novembre 2010), AP-2010-005 (TCCE) [HBC] au par. 9.

[7]   GFT Mode. Voir aussi HBC au par. 10.

[8]   Paragraphe 152(3) de la Loi et article 12 du Tarif des douanes.

[9]   M. Peng affirme que la GRC lui a conseillé d’enregistrer l’arme de poing, qu’il possédait à l’origine au Kenya, et de l’apporter au Canada, où elle serait conservée à l’aéroport jusqu’à ce que l’enregistrement soit terminé. Une fois l’enregistrement effectué, l’arme de poing pouvait être dédouanée. M. Peng soutient que, malgré le fait qu’il ait suivi ces instructions, lorsqu’il est entré au Canada la marchandise a été saisie par l’ASFC à titre d’arme à feu prohibée. Il soutient qu’il a ensuite été orienté vers le « Contrôle des armes à feu », qui a suggéré au fabricant de modifier l’arme de poing afin qu’elle puisse être importée. Selon M. Peng, la GRC lui a ensuite conseillé de demander au fabricant d’enregistrer l’arme de poing sous un permis d’entreprise prohibée, ce qu’il a fait, afin qu’elle puisse être remise à l’entreprise pour les modifications nécessaires. Cependant, l’ASFC a noté dans sa décision que l’arme de poing ne peut être remise à personne d’autre que l’importateur officiel, c’est-à-dire M. Peng.

[10]   Voir l’avis d’appel public aux p.7-8.

[11]   Le Tribunal souligne que M. Peng n’a pas présenté de nouveaux faits ou arguments en réponse à la demande de rejet de l’ASFC. M. Peng a seulement réitéré la mesure corrective qu’il demandait, soit la remise de l’arme de poing au fabricant afin qu’elle puisse être modifiée en vue de son importation au Canada.

[12]   Par exemple, voir l’avant-dernier paragraphe de la décision Wayne Ericksen c. Commissaire de l’Agence des douances et du revenu du Canada (3 janvier 2002), AP-2000-059 (TCCE); T. Brown c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (17 juin 2019), AP-2018-020 (TCCE) aux par. 27-28.

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