Appels en matière de douanes et d’accise

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Appel no EA-2019-003

2045662 Alberta Inc.

c.

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Ordonnance rendue
le vendredi 27 décembre 2019

Motifs rendus
le mardi 7 janvier 2020

 



EU ÉGARD À un appel interjeté par 2045662 Alberta Inc. le 17 octobre 2019, aux termes du paragraphe 61(1) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, L.R.C. (1985), ch. S-15;

ET EU ÉGARD À une demande présentée par 2045662 Alberta Inc. le 22 novembre 2019, conformément au paragraphe 23.1(1) des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur, DORS/91-499, en vue d’obtenir une ordonnance enjoignant à l’Agence des services frontaliers du Canada de divulguer certains renseignements.

ENTRE

2045662 ALBERTA INC.

Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

Intimé

ORDONNANCE

La demande de 2045662 Alberta Inc. en vue d’obtenir une ordonnance enjoignant à l’Agence des services frontaliers du Canada de divulguer certains renseignements est rejetée.

Serge Fréchette

Serge Fréchette
Membre présidant

L’exposé des motifs suivra à une date ultérieure.


EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

[1]               Le 17 octobre 2019, 2045662 Alberta Inc. (Alberta Inc.) a interjeté le présent appel devant le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal), aux termes du paragraphe 61(1) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation[1], des décisions rendues par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) les 17 et 18 septembre 2019, conformément à l’alinéa 59(1)b) de la LMSI[2]. Le président de l’ASFC a révisé les valeurs normales et les montants de subvention des marchandises importées par Alberta Inc. qui étaient visées par les conclusions du Tribunal dans le cadre des enquêtes nos NQ-2007-001 et NQ-2009-004[3].

[2]               Le 22 novembre 2019, Alberta Inc. a présenté une demande en vertu du paragraphe 23.1(1) des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur[4] en vue d’obtenir une ordonnance enjoignant à l’ASFC de divulguer tous les renseignements en sa possession se rapportant aux révisions faites en application de l’alinéa 59(1)b) de la LMSI[5]. La demande comporte précisément une liste de renseignements demandés par voie d’ordonnance, notamment l’identité de toutes les sources d’information ou des parties concernées par une dénonciation se rapportant à l’espèce ainsi que des copies de leurs déclarations et des détails de ce qu’ils ont dit, des copies de tous les courriels, notes, feuilles de calcul, rapports et résumés préparés par les agents de l’ASFC relativement aux révisions, et toutes les communications entre l’ASFC, la police, les organismes de sécurité et d’autres organismes du gouvernement qui ont été effectuées relativement aux révisions.

[3]               Le 2 décembre 2019, l’ASFC a déposé des observations pour contester la demande qu’Alberta Inc. a présentée en vue d’obtenir une ordonnance de divulgation. Le 9 décembre 2019, Alberta Inc. a déposé des observations en réponse dans lesquelles elle a soulevé des questions pertinentes concernant le fondement sur lequel reposent les révisions faites par le président de l’ASFC.

[4]               Le 11 décembre 2019, le Tribunal a demandé à l’ASFC de répondre aux questions soulevées par Alberta Inc. dans ses observations en réponse. Il a également demandé à Alberta Inc. de spécifier quelles sont les transactions visées par l’appel. Le 17 décembre 2019, les deux parties ont fourni au Tribunal les renseignements demandés. Le même jour, Alberta Inc. a déposé des observations non sollicitées relativement aux renseignements fournis par l’ASFC.

POSITIONS DES PARTIES

[5]               Alberta Inc. soutient que bien que les Règles ne déterminent pas comment, quand et si l’ASFC doit communiquer des renseignements directement à une appelante, dans le cas où le président de l’ASFC conclut à l’existence d’une déclaration trompeuse ou d’une fraude, comme en l’espèce, l’équité procédurale exige que l’ASFC communique tous les faits, circonstances et éléments de preuve qui constituent le fondement de ses révisions. Elle ajoute qu’une divulgation complète de tous les éléments de preuve qui ont été présentés au président de l’ASFC (c’est‑à‑dire, le décideur), y compris les éléments de preuve qui n’étayent pas les révisions, est nécessaire pour qu’elle puisse déposer son mémoire et bénéficier d’une audience équitable. Enfin, elle avance que les renseignements fournis à ce jour par l’ASFC ne sont pas du tout suffisants pour lui permettre de préparer son mémoire.

[6]               L’ASFC soutient que la divulgation fournie à ce jour, y compris les renseignements supplémentaires fournis le 17 décembre 2019, en réponse à la demande du Tribunal, est suffisante pour respecter l’exigence relative à l’équité procédurale et permettre à Alberta Inc. de préparer son mémoire. Elle souligne qu’Alberta Inc. connaît la preuve qu’elle doit réfuter et qu’il n’y a donc aucune raison de s’écarter de l’ordre normal de présentation de la preuve au Tribunal et d’ordonner une divulgation à ce moment‑ci. Elle a ajouté que toute question liée au caractère suffisant de la divulgation peut adéquatement être réexaminée une fois que l’ASFC aura déposé son mémoire.

ANALYSE DU TRIBUNAL

[7]               De l’avis du Tribunal, Alberta Inc. semble mal interpréter, dans ses arguments, la nature de l’instance actuelle et des obligations de divulgation documentaires qui y sont associées. Les appels interjetés en vertu du paragraphe 61(1) de la LMSI ne sont manifestement pas des contrôles judiciaires de révisions faites par le président de l’ASFC et, par conséquent, le Tribunal n’exige pas la production de tous les documents que le président à examinés pour faire ses révisions.

[8]               En outre, comme l’a indiqué la Cour fédérale dans la décision Toyota Tsusho America Inc. c. Canada (Agence des services frontaliers)[6], les appels devant le Tribunal sont des procédures de novo. À ce titre, les parties ne sont pas liées par leurs observations précédentes et peuvent soulever de nouveaux arguments et présenter de nouveaux éléments de preuve dans le cadre d’appels devant le Tribunal[7]. Le Tribunal compte donc sur les parties, en fonction de ce qui est prévu dans les Règles, de déposer tous les renseignements pertinents afin de lui permettre de rendre un jugement approprié dans le cadre d’appels.

[9]               En effet, selon les exigences des Règles, le mémoire aussi bien de l’appelante que de l’intimé « est accompagné d’une copie de tout document utile à l’appui de l’appel et des renseignements relatifs à l’appel exigés par le Tribunal »[8]. Le Tribunal est d’avis que, bien que les Règles ne prévoient pas de processus de communication préalable s’apparentant à celui d’une cour, elles prévoient un processus adéquat de divulgation de documents. En outre, le fait qu’il s’agisse d’un appel interjeté à l’encontre de révisions faites par le président de l’ASFC en application de l’alinéa 59(1)b) de la LMSI, ce qui suppose une conclusion relative à une déclaration trompeuse ou à une fraude, ne change pas la norme qu’exigent les Règles en matière de divulgation de documents.

[10]           En l’espèce, le Tribunal est convaincu que les renseignements supplémentaires fournis par l’ASFC le 17 décembre 2019 permettent à Alberta Inc. de connaître la preuve qu’elle doit réfuter et qu’elle peut donc préparer son mémoire. Une fois qu’Alberta Inc. aura déposé son mémoire, l’ASFC sera alors tenue de signifier et de déposer son mémoire ainsi que tout renseignement ou tout élément de preuve nécessaire pour étayer sa position. Si Alberta Inc. est d’avis qu’une divulgation de renseignements supplémentaires est nécessaire après que l’ASFC aura déposé son mémoire, elle peut présenter une nouvelle demande au Tribunal en vue d’obtenir une ordonnance de divulgation.

DÉCISION

[11]           La demande faite par Alberta Inc. pour une ordonnance enjoignant à l’ASFC de divulguer certains renseignements est rejetée.

Serge Fréchette

Serge Fréchette
Membre présidant

 



[1]      L.R.C. 1985, ch. S-15 [LMSI].

[2]      L’alinéa 59(1)b) de la LMSI permet au président de l’ASFC de réexaminer, en tout temps, toute décision ou révision si l’importateur ou l’exportateur a fait une déclaration trompeuse ou commis une fraude lors de la déclaration en détail des marchandises aux termes de la Loi sur les douanes ou lors de leur dédouanement.

[3]      Les marchandises importées étaient visées par les conclusions du Tribunal concernant le dumping et le subventionnement de certains caissons sans soudure en acier au carbone ou en acier allié pour puits de pétrole et de gaz et de certaines fournitures tubulaires pour puits de pétrole, originaires ou exportés de la République populaire de Chine. Voir Caissons sans soudure en acier au carbone ou en acier allié pour puits de pétrole et de gaz (10 mars 2008), NQ-2007-001 (TCCE); Fournitures tubulaires pour puits de pétrole (23 mars 2010), NQ-2009-004 (TCCE).

[4]      DORS/91‑499 [Règles].

[5]      La demande en vue de l’obtention d’une ordonnance a été présentée conjointement avec Prairie Tubulars (2015) Inc., l’appelante dans l’appel no EA‑2019‑004. Les faits et les questions en litige dans cet appel sont, à tous égards, identiques à ceux en l’espèce. Le Tribunal a également rejeté la demande de l’appelante présentée en vue d’obtenir une ordonnance dans cet appel‑là. Voir la décision Prairie Tubulars (2015) Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (27 décembre 2019), EA‑2019‑004 (TCCE).

[6]      2010 CF 78 (CanLII) au par. 24.

[7]      Voir la décision Toyota Tsusho American Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (27 avril 2011), AP‑2010‑063 (TCCE) au par. 3.

[8]      Voir les alinéas 34(2)e) et 35(2)e) des Règles.

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