Appels en matière de douanes et d’accise

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Appel no AP-2019-004

Cool King Refrigeration Ltd.

c.

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Décision rendue

le mardi 25 février 2020

Motifs rendus
le mercredi 11 mars 2020

 



EU ÉGARD À un appel entendu le 29 octobre 2019 aux termes de l’article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À une décision rendue le 24 avril 2019 par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada concernant une demande de révision aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

COOL KING REFRIGERATION LTD.

Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

Intimé

DÉCISION

L’appel est accueilli.

Serge Fréchette

Serge Fréchette
Membre présidant

 

L’exposé des motifs suivra à une date ultérieure.


 

Lieu de l’audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l’audience :

le 29 octobre 2019

Membre du Tribunal :

Serge Fréchette, membre présidant

Personnel de soutien :

Heidi Lee, conseillère juridique

PARTICIPANTS :

Appelante

Conseiller/représentant

Cool King Refrigeration Ltd.

Kimberley L. D. Cook

 

Intimé

Conseiller/représentant

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Yusuf Khan

TÉMOINS :

H. Douglas Goff, Ph.D.
Professeur
Université de Guelph

Lorenzo Stangarone
Responsable de la gelato – Formation et ventes
Cool King Refrigeration Ltd.

Jacques Goulet, agr. Ph.D.

Professeur

Université Laval

 

Veuillez adresser toutes les communications au :

Greffier
Secrétariat du Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario) K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

VUE D’ENSEMBLE

[1]  L’appel est interjeté par Cool King Refrigeration Ltd. (Cool King), conformément au paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes [1] , contre une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi.

[2]  Il s’agit pour le Tribunal de déterminer si divers mélanges en poudre aromatisés (les marchandises en cause) sont correctement classés dans le numéro tarifaire 1901.90.34 à titre d’« autres préparations alimentaires de produits des nos 04.01 à 04.04, ne contenant pas de cacao ou contenant moins de 5 % en poids de cacao calculés sur une base entièrement dégraissée, non dénommées ni comprises ailleurs, non conditionnées pour la vente au détail », comme l’a déterminé l’ASFC, ou s’ils doivent être classés dans le numéro tarifaire 2106.90.98 à titre de « poudres pour la confection de la crème glacée, non dénommées ni comprises ailleurs », comme le soutient Cool King.

MARCHANDISES EN CAUSE

[3]  Les marchandises en cause sont constituées de 17 mélanges en poudre aromatisés utilisés dans la confection de crème glacée de type « gelato » et de pâtisseries [2] . Les marchandises contiennent des matières solides du lait, des matières grasses, des édulcorants, des stabilisants, des émulsifiants et des arômes. Dans tous les mélanges, l’ingrédient principal en pourcentage sont les sucres.

[4]  Après leur importation, les marchandises sont mélangées à du lait frais pour produire de la crème glacée.

[5]  Les parties conviennent que les marchandises sont des « préparations alimentaires », comme défini dans la nomenclature.

HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

[6]  Cool King a importé les marchandises entre octobre 2015 et août 2017.

[7]  Le 21 décembre 2017, l’ASFC a procédé à une révision aux termes du paragraphe 59(1) de la Loi. Cool King a corrigé le classement tarifaire des marchandises en conformité avec la détermination de l’ASFC, puis a demandé un réexamen des marchandises aux termes du paragraphe 60(1) de la Loi.

[8]  Le 24 avril 2019, l’ASFC a procédé au réexamen et a maintenu que les marchandises étaient correctement classées dans le numéro tarifaire 1901.90.34. Cool King a interjeté appel le 25 avril 2019.

[9]  Une audience publique a eu lieu le 29 octobre 2019, à Ottawa. Cool King a convoqué M. Lorenzo Stangarone, responsable de la « gelato » chez Cool King, à titre de témoin ordinaire, et M. Douglas Goff à titre de témoin expert. L’ASFC a convoqué M. Jacques Goulet à titre de témoin expert [3] .

[10]  Comme aucune des parties ne s’est opposée à la comparution des témoins experts proposés par l’autre partie, le Tribunal n’a pas eu recours à un processus de qualification durant l’audience [4] . Après examen du curriculum vitæ et de l’expérience de chaque témoin, le Tribunal a accepté que MM. Goff et Goulet comparaissent à titre de témoins experts du domaine du lait et des produits laitiers.

CADRE LÉGISLATIF

[11]  La nomenclature tarifaire est énoncée en détail dans l’annexe du Tarif des douanes, qui est conforme au Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (le Système harmonisé) élaboré par l’Organisation mondiale des douanes (OMD) [5] . L’annexe est divisée en sections et en chapitres et chaque chapitre de l’annexe contient une liste de marchandises classées dans des positions, des sous-positions et des numéros tarifaires.

[12]  Le paragraphe 10(1) du Tarif des douanes prévoit que le classement des marchandises importées est effectué, sauf indication contraire, en conformité avec les Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé [6] et les Règles canadiennes [7] énoncées dans l’annexe.

[13]  Les Règles générales sont composées de six règles. Le classement commence par la règle 1, qui prévoit que le classement doit être déterminé d’après les termes des positions et des notes de section ou de chapitre et, lorsqu’elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et notes, d’après les autres règles.

[14]  L’article 11 du Tarif des douanes prévoit que, pour l’interprétation des positions et des sous‑positions, le Tribunal doit tenir compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [8] et des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [9] publiés par l’OMD. Bien que les avis de classement et les notes explicatives n’aient pas force exécutoire pour le Tribunal, le Tribunal les applique à moins qu’il n’existe un motif valable de ne pas le faire. [10]

[15]  Par conséquent, le Tribunal doit d’abord déterminer si les marchandises en cause peuvent être classées au niveau de la position conformément à la règle 1 des Règles générales, selon les termes de la position et les notes de section ou de chapitre pertinentes du Tarif des douanes, compte tenu des notes explicatives et des avis de classement applicables. Comme l’a indiqué la Cour suprême du Canada dans Igloo Vikski, ce n’est « seulement lorsque la Règle 1 ne permet pas d’arrêter de manière concluante le classement d’une marchandise qu’il faudra recourir aux autres Règles générales » [11] .

[16]  Une fois que le Tribunal a utilisé cette méthode pour déterminer la position dans laquelle les marchandises en cause doivent être classées, l’étape suivante consiste à utiliser une méthode similaire pour déterminer la sous-position appropriée [12] . L’étape finale consiste à déterminer le numéro tarifaire approprié [13] .

[17]  Les dispositions pertinentes du Tarif des douanes sont les suivantes :

Chapitre 4

LAIT ET PRODUITS DE LA LAITERIE; ŒUFS D’OISEAUX;
MIEL NATUREL; PRODUITS COMESTIBLES D’ORIGINE ANIMALE,
NON DÉNOMMÉS NI COMPRIS AILLEURS

04.01  Lait et crème de lait, non concentrés ni additionnés de sucre ou d’autres édulcorants.

04.02  Lait et crème de lait, concentrés ou additionnés de sucre ou d’autres édulcorants.

04.03  Babeurre, lait et crème caillés, yoghourt, képhir et autres laits et crèmes fermentés ou acidifiés, même concentrés ou additionnés de sucre ou d’autres édulcorants ou aromatisés ou additionnés de fruits ou de cacao.

04.04  Lactosérum, même concentré ou additionné de sucre ou d’autres édulcorants; produits consistant en composants naturels du lait, même additionnés de sucre ou d’autres édulcorants, non dénommés ni compris ailleurs.

Chapitre 19

PRÉPARATIONS À BASE DE CÉRÉALES, DE FARINES,
D’AMIDONS, DE FÉCULES OU DE LAIT; PÂTISSERIES

19.01  Extraits de malt; préparations alimentaires de farines, gruaux, semoules, amidons, fécules ou extraits de malt, ne contenant pas de cacao ou contenant moins de 40 % en poids de cacao calculés sur une base entièrement dégraissée, non dénommées ni comprises ailleurs; préparations alimentaires de produits des nos 04.01 à 04.04, ne contenant pas de cacao ou contenant moins de 5 % en poids de cacao calculés sur une base entièrement dégraissée, non dénommées ni comprises ailleurs.

1901.90  -Autres

- - -Préparations alimentaires des marchandises des positions 04.01 à 04.04, contenant plus de 10 % mais moins que 50 % de solides de lait en poids sec :

1901.90.34  - - - -Autres, non conditionnées pour la vente au détail, au-dessus de l’engagement d’accès

Chapitre 21

PRÉPARATIONS ALIMENTAIRES DIVERSES

21.06  Préparations alimentaires non dénommées ni comprises ailleurs.

2106.90  -Autres

- - -Autres :

2106.90.98  - - - -Gelées en poudre, poudres pour la confection de la crème glacée et de préparations similaires

[18]  Les notes de chapitre et les notes explicatives pertinentes figurent à l’annexe A des présents motifs.

POSITION DES PARTIES

Cool King

[19]  Cool King fait valoir que les marchandises en cause ne peuvent être classées dans la position no 19.01, car elles ne sont pas des « produits des nos 04.01 à 04.04 ». De l’avis de Cool King, les marchandises en cause ne sont pas des produits des positions nos 04.01 à 04.04, car le lait et les produits laitiers ne sont pas l’ingrédient principal. Cool King affirme que les marchandises en cause sont correctement classées dans la position no 21.06.

ASFC

[20]  L’ASFC soutient que les marchandises en cause doivent être classées dans la position no 19.01, car elles satisfont aux quatre conditions du classement dans cette position, selon la description de l’ASFC : les marchandises sont 1) des préparations alimentaires 2) de produits des positions nos 04.01 à 04.04 3) qui contiennent en poids moins de 5 % de cacao, calculé sur une base entièrement dégraissée, et 4) qui ne sont pas dénommées ni comprises ailleurs.

[21]  Comme les marchandises sont classées dans la position n19.01, l’ASFC affirme qu’elles sont exclues de la position no 21.06, qui comprend les préparations alimentaires non dénommées ni comprises ailleurs.

ANALYSE

[22]  Le litige en l’espèce concerne le classement au niveau de la position.

[23]  Les deux positions invoquées par les parties sont la position no 19.01, dans laquelle figurent les « préparations alimentaires de produits des nos 04.01 à 04.04, ne contenant pas de cacao ou contenant moins de 5 % en poids de cacao calculés sur une base entièrement dégraissée, non dénommées ni comprises ailleurs », et la position no 21.06, laquelle comprend les « préparations alimentaires non dénommées ni comprises ailleurs » [14] .

[24]  En plus des termes des positions, les notes explicatives prévoient d’autres directives sur le classement tarifaire des marchandises en cause.

[25]  Selon les notes explicatives, les poudres pour la confection de crème glacée sont classées dans la position no 19.01 ou dans la position n21.06 [15] . La note explicative d) du chapitre 19 énonce également que les poudres pour la confection de crème glacée qui ne sont pas à base de marchandises des positions nos 04.01 à 04.04 sont exclues du chapitre 19. Par ailleurs, la note explicative 1) de la position no 21.06 exclut les poudres pour la confection de crème glacée à base de produits des positions nos 04.01 à 04.04 [16] .

[26]  Autrement dit, pour ce qui est des poudres pour la confection de crème glacée, les positions nos 19.01 et 21.06 s’excluent mutuellement. Les poudres à base de produits des positions nos 04.01 à 04.04 sont classées dans la position n19.01, tandis que les poudres qui ne sont pas à base de ces produits sont classées dans la position no 21.06.

[27]  Par conséquent, la question que doit trancher le Tribunal est celle de savoir si les marchandises en cause sont « des » produits des positions nos 04.01 à 04.04 [17] .

Les marchandises en cause sont-elles des produits des positions nos 04.01 à 04.04?

[28]  La signification de la phrase « des produits des positions nos 04.01 à 04.04 » est au cœur du litige.

[29]  Dans CDC Foods, le Tribunal a affirmé que, pour que des marchandises soient des préparations alimentaires « de produits des nos 04.01 à 04.04 », elles doivent être « à base de » produits de ces positions [18] . De plus, le Tribunal a affirmé que le terme « of » (« de ») peut aussi être synonyme des termes « containing » (« contenant ») et « made from » (« fait à partir de ») dans le contexte du libellé de la position no 19.01 [19] . Dans cette cause, le Tribunal a conclu que les préparations pour boissons faisant l’objet de l’appel étaient des « produits des nos 04.01 à 04.04 » puisqu’elles contenaient un « pourcentage important » des produits de ces positions.

[30]  En l’espèce, l’ASFC fait valoir qu’il n’existe aucune exigence concernant le pourcentage minimum et que les marchandises en cause contiennent des produits des positions nos 04.01 à 04.04 en quantité suffisante pour être « à base de » ces produits.

[31]  Cool King affirme que l’application de la décision CDC Foods du Tribunal à l’espèce doit se fonder sur la nomenclature. Soulignant que les notes explicatives mentionnent expressément le classement des poudres pour la confection de crème glacée dans la position no 21.06, Cool King soutient que les termes « à base de » et « contenir » sont trop vagues dans le contexte. À cet égard, Cool King s’appuie également sur différents avis de classement de l’Organisation mondiale des douanes (OMD) pour faire valoir que des quantités « importantes » de lait ou de produits laitiers n’excluent pas le classement dans la position n21.06 [20] .

[32]  Au contraire, Cool King soutient que les marchandises en cause doivent être classées en fonction de leur « ingrédient essentiel », comme le prescrivent les notes explicatives de la position no 21.05, qui prévoient que les mélanges et bases pour la confection des glaces de consommation sont classés suivant la nature de l’ingrédient essentiel qu’ils contiennent. Selon Cool King l’« ingrédient essentiel » est un ingrédient qui forme plus de 50 % d’un produit. À cet égard, Cool King s’est de nouveau appuyée sur des avis de classement, lesquels, selon elle, indiquent que les marchandises ne sont classées dans la position no 19.01 que si le lait et les produits laitiers forment plus de 50 % du produit.

[33]  Bien que les parties ne soient pas tout à fait d’accord sur la quantité exacte de lait et de substances laitières dans les produits, elles conviennent que toutes les poudres contiennent moins de 50 % de lait ou de substances laitières [21] . Chaque poudre est composée d’un certain nombre d’ingrédients, composés principalement de sucres.

[34]  L’avis de classement de l’OMD cité par Cool King et la décision CDC Foods [22] indiquent  au Tribunal que les marchandises en cause peuvent être classées dans la position no 21.06, même si elles contiennent des produits des positions nos 04.01 à 04.04 en grande quantité.

[35]  En particulier, les avis de classement 2106.90/12 et 2106.90/14 indiquent que les préparations qui contiennent de la poudre de lait dans une grande proportion, soit 49 % et 44 % respectivement, peuvent tout de même être classées dans la position no 21.06. Le Tribunal convient également que les marchandises en cause sont raisonnablement similaires à celles décrites dans l’avis de classement 2106.90/21 : « Préparation alimentaire présentée à l’état sec et solide, constituée de 69 % de sucre, 29 % de poudre de lait et 2 % de dextrine, employée dans la fabrication de préparations alimentaires et de préparations pour boissons [23] . »

[36]  Dans l’ensemble, le Tribunal est d’avis que, pour que les marchandises en cause soient des marchandises « à base de » produits des positions nos 04.01 à 04.04, le fait qu’elles contiennent ces produits en grande quantité n’est pas suffisant.

[37]  En l’espèce, si la quantité d’un ingrédient en soi n’est pas déterminante, le Tribunal doit tenir compte du rôle et de l’importance relative de chaque ingrédient afin de décider si un ingrédient est plus essentiel que les autres pour ce qui est de l’usage visé et de la fonction de la poudre. Par conséquent, la question de savoir si les marchandises en cause peuvent être considérées comme étant « à base de » certains ingrédients consiste à déterminer si elles sont essentielles [24] . Autrement dit, si le lait ou le produit laitier est plus essentiel à l’usage visé et à la fonction des marchandises en cause que tous les autres ingrédients, les marchandises en cause peuvent être considérées comme étant « à base de » produits des positions nos 04.01 à 04.04.

[38]  Selon le Tribunal, les témoins ont fourni des éléments de preuves sur les fonctions des divers ingrédients [25] . Les édulcorants apportent de la douceur et diminuent le point de congélation, de sorte que le mélange reste mou à des températures inférieures à zéro. Les stabilisateurs prolongent la durée de conservation et les émulsifiants aident à conserver la structure et la forme du produit [26] . Les graisses donnent une texture crémeuse, une structure et une résistance à la fonte et les protéines de lait facilitent l’émulsion des graisses dans l’eau et permettent aux bulles d’air de pénétrer dans le mélange. À cet égard, le Tribunal constate qu’en plus des matières solides du lait et des matières grasses laitières contenues sous forme de poudre dans les marchandises en cause, les mélanges de crème glacée qui en résultent dérivent également des matières grasses et des protéines du lait utilisées dans le processus de réhydratation.

[39]  Selon M. Goff, le témoin expert de Cool King, les formules des marchandises en cause visent à faire en sorte que la crème glacée obtenue ait une structure adéquate et soit de bonne qualité une fois hydratée conformément aux consignes propres à chaque poudre, comme l’ajout de lait ou d’eau, selon ce qui convient. Or, c’est l’équilibre des ingrédients qui donne de la valeur aux poudres [27] . Chaque ingrédient contribue de par sa fonction au goût, à la texture, à la qualité et à la bonne tenue de la crème glacée qui en résulte [28] . Selon M. Goff, le lait et les composants laitiers ne sont pas plus importants que tous les autres composants [29] . M. Goff a plutôt affirmé que le lait et les composants laitiers ainsi que les autres ingrédients sont tous deux « absolument essentiels » [traduction].

[40]  M. Stangarone a également affirmé que tous les ingrédients contenus dans les poudres, ainsi que le lait nécessaire pour les réhydrater, sont fondamentaux pour l’obtention du résultat final [30] .

[41]  Selon M. Goulet, les facteurs essentiels qui contribuent à la structure et à l’obtention de la texture des crèmes glacées sont l’eau, les protéines laitières, le sucre et l’air [31] . À cet égard, le Tribunal souligne que l’eau et l’air sont intégrés au processus de réhydratation et ne font pas partie des marchandises au moment de l’importation. M. Goulet a également affirmé que, bien que le sucre soit absolument essentiel [32] , les produits laitiers jouent un rôle particulièrement important dans la structure et la texture de la crème glacée [33] . Selon lui, l’importance de chaque ingrédient des marchandises en cause n’est pas nécessairement proportionnelle à sa concentration [34] .

[42]  Après un examen attentif des éléments de preuve déposés en l’espèce, le Tribunal n’est pas convaincu que le lait et les composants laitiers des poudres sont plus essentiels que les autres ingrédients, comme les sucres et les stabilisateurs. Comme l’a affirmé M. Goff, la formule des marchandises en cause visent la production d’une crème glacée ayant des propriétés particulières, notamment pour ce qui est de la texture, de la structure et de la sensation en bouche. Le Tribunal accepte la preuve présentée par M. Goff et M. Stangarone selon laquelle chaque ingrédient est essentiel en soi. Or, tous les ingrédients sont essentiels. À cet égard, le Tribunal rappelle que M. Goulet a également affirmé que, outre les produits laitiers, le sucre est également essentiel pour les marchandises en cause. De l’avis du Tribunal, cette conclusion est étayée par les témoignages présentés par les experts, M. Goff et M. Goulet.

[43]  Par conséquent, le Tribunal ne conclut pas que les marchandises en cause sont « à base de » lait ou d’ingrédients laitiers contenus dans les produits visés. Les marchandises en cause ne sont donc pas des produits des positions nos 04.01 à 04.04, et ne sont pas classées dans la position no 19.01.

Position n21.06

[44]  Le classement dans la position n21.06 est soumis à deux conditions : 1) la marchandise doit être une « préparation alimentaire » et 2) elle ne doit pas être dénommée ni comprise ailleurs dans la nomenclature [35] .

[45]  Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que ces conditions sont respectées.

Conclusion

[46]  Pour les motifs qui précèdent, le Tribunal conclut que les marchandises en cause doivent être classées dans la position no 21.06.

[47]  Le Tribunal partage l’avis de Cool King, et l’ASFC ne conteste pas le fait que les marchandises en cause sont correctement classées dans la sous-position no 2106.90 et le numéro tarifaire 2106.90.98.

DÉCISION

[48]  L’appel est accueilli.

Serge Fréchette

Serge Fréchette
Membre présidant

 


 

ANNEXE A

[1]  Les notes pertinentes du chapitre 4 stipulent ce qui suit :

1.  On considère comme lait le lait complet et le lait partiellement ou complètement écrémé.

4.  Le présent Chapitre ne comprend pas : [...]

b) les produits provenant du remplacement dans le lait d’un ou plusieurs de ses constituants naturels (matière grasse du type butyrique, par exemple) par une autre substance (matière grasse du type oléique, par exemple) (nos 19.01 ou 21.06);

[2]  Les notes explicatives pertinentes du chapitre 4 stipulent ce qui suit :

Ce chapitre comprend :

I. Les produits laitiers :

A)  Le lait, à savoir, le lait complet et le lait partiellement ou complètement écrémé.

B)  La crème.

C)  Le babeurre, le lait et la crème caillés, le yoghourt, le képhir et autres laits et crèmes fermentés ou acidifiés.

D)  Le lactosérum.

E)  Les produits à base de constituants naturels du lait, non dénommés ni compris ailleurs.

F)  Le beurre et les autres matières grasses provenant du lait; les pâtes à tartiner laitières.

[...]

Les produits mentionnés aux paragraphes A) à E) ci‑dessus peuvent contenir, indépendamment des constituants naturels du lait (par exemple, le lait enrichi de vitamines ou de sels minéraux), de faibles quantités de stabilisants (phosphate disodique, citrate trisodique et chlorure de calcium, par exemple) qui permettent de conserver la consistance naturelle du lait pendant son transport sous forme de liquide, ainsi que de très faibles quantités d’agents antioxydants ou de vitamines que le lait ne contient pas d’ordinaire. Certains des produits en cause peuvent également être additionnés de petites quantités de produits chimiques (bicarbonate de sodium, par exemple) nécessaires à leur fabrication; les produits sous forme de poudre ou de granulés peuvent contenir des émulsifiants (anticoagulants) tels que phospholipides, dioxyde de silicium amorphe.

Pour l’application de la Note 4 b) du présent Chapitre on entend par matière grasse du type butyrique les matières grasses provenant du lait, et par matière grasse du type oléique les matières grasses autres que celles provenant du lait, notamment celles d’origine végétale (l’huile d’olive, par exemple).

[...]

Sont également exclus du Chapitre, notamment, les produits suivants :

a)  Les préparations alimentaires à base de produits laitiers (notamment du nº 19.01).

b)  Les produits provenant du remplacement dans le lait d’un ou plusieurs de ses constituants naturels (matière grasse du type butyrique, par exemple) par une autre substance (matière grasse du type oléique par exemple) (nos 19.01 ou 21.06).

[3]  Les notes explicatives pertinentes du chapitre 19 stipulent ce qui suit :

CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES

Le présent Chapitre comprend un ensemble de produits ayant généralement le caractère de préparations alimentaires, obtenues [...] à partir de produits des nos 04.01 à 04.04.

Sont exclus du présent Chapitre :

[...]

b) Les préparations alimentaires [...] à base de produits des nos 04.01 à 04.04 contenant en poids 5 % ou plus de cacao calculées sur une base entièrement dégraissée (nº 18.06).

[...]

d) Les poudres pour la fabrication de crèmes, glaces, desserts et préparations analogues, qui ne sont pas à base [...] de produits des nos 04.01 à 04.04 (no 21.06, généralement).

[4]  Les notes explicatives pertinentes de la position no 19.01 stipulent ce qui suit :

III. Préparations alimentaires de produits des nos 04.01 à 04.04, ne contenant pas de cacao ou contenant moins de 5 % en poids de cacao calculés sur une base entièrement dégraissée, non dénommées ni comprises ailleurs.

Les préparations de cette position peuvent être distinguées des produits des nos 04.01 à 04.04 du fait qu’elles contiennent, outre les constituants naturels du lait, d’autres ingrédients dont la présence n’est pas autorisée dans les produits de ces positions. C’est ainsi que le nº 19.01 comprend, par exemple :

1)  Les préparations en poudre ou liquides pour l’alimentation des enfants ou pour usages diététiques dont l’ingrédient principal est le lait auquel ont été ajoutés d’autres ingrédients (flocons de céréales, levure, par exemple).

2)  Les préparations à base de lait obtenues en remplaçant un ou plusieurs constituants du lait (les graisses butyriques, par exemple) par une autre substance (les graisses oléiques, par exemple).

[...]

Sont également rangés ici les mélanges et bases (poudres, par exemple) destinés à la fabrication des glaces de consommation; en sont toutefois exclues les glaces de consommation à base de constituants du lait (nº 21.05).

[5]  Les notes explicatives pertinentes de la position no 21.06 stipulent ce qui suit :

À condition qu’elles ne soient pas reprises dans d’autres positions de la Nomenclature, la présente position comprend :

A) Les préparations destinées à être utilisées, soit en l’état, soit après traitement (cuisson, dissolution ou ébullition dans l’eau ou le lait, etc.), dans l’alimentation humaine.

[...]

Cette position comprend notamment :

1)  Les poudres pour la confection de puddings, crèmes, glaces, entremets, gelées et préparations similaires, même sucrées.

Les poudres à base de [...] produits des nos 04.01 à 04.04 (additionnées ou non de cacao), entrent dans les nos 18.06 ou 19.01, suivant leur teneur en cacao (voir les Considérations générales du Chapitre 19).

[6]  Les notes explicatives pertinentes de la position no 21.05 stipulent ce qui suit :

La présente position comprend les crèmes glacées, préparées le plus souvent à base de lait ou de crème, et les produits glacés similaires (sorbets, sucettes glacées, par exemple), même contenant du cacao en toute proportion. Toutefois, ne sont pas compris dans cette position les mélanges et bases pour la confection des glaces de consommation qui sont classés suivant la nature de l’ingrédient essentiel qu’ils contiennent (nos 18.06, 19.01 ou 21.06, par exemple).

 


 

ANNEXE B

[1]  Les avis de classement de l’OMD invoqués par Cool King sont les suivants :

1901.90

2.  Crème fouettée en aérosol, dégageant une odeur et un goût de vanille, contenant de la crème de lait de vache, du sirop de sucre inverti, du lait condensé, du lait concentré, du glucose, un arôme naturel (vanille) et un stabilisant (E 407).

  Application des RGI 1 et 6.

3.  Préparation destinée à être consommée comme succédané de fromage composée de lait écrémé (81,8 %), d’huiles d’origine végétale (15,65 %) et de petites quantités de sel, de protéine de lait (lactosérum), de présure, d’agent acidifiant, de colorant et de vitamine D, obtenue par mélange de lait écrémé avec des huiles d’origine végétale puis par traitement avec une culture bactérienne et des enzymes, coagulation, séparation de la caséine, chauffage, pressage, moulage, découpage, salage puis affinage pendant 7 à 10 semaines. Cette préparation est parfois dénommée « fromage analogue ».

  Application des RGI 1 et 6.

2106.90

4.  Préparations destinées à être consommées comme boissons après dilution dans du lait, présentées sous forme de poudres fines et constituées essentiellement par des sucres, de la poudre de fruit, de la poudre de lait, du phosphate de calcium et des vitamines.

12.  Préparation composée de 51 % d’huile de noix de coco raffinée et hydrogénée et de 49 % de poudre de lait écrémé, utilisée dans la fabrication de diverses préparations alimentaires (de crèmes glacées, biscuits ou confiseries, par exemple).

14.  Préparation composée de 49 % d’huile butyrique, de 44 % de poudre de lait écrémé et de 7 % d’huile de noix de coco, utilisée dans la fabrication de crèmes glacées.

21.  Préparation alimentaire présentée à l’état sec et solide, constituée de 69 % de sucre, 29 % de poudre de lait et 2 % de dextrine, employée dans la fabrication de préparations alimentaires et de préparations pour boissons.

23.  Crème non laitière, succédané de lait pour boissons chaudes se présentant sous la forme d’une poudre, composé de 55 % de sirop de glucose, de 22 % de graisse végétale solide émulsionnée, de 18 % de lait écrémé en poudre, de 3 % d’eau et de 2 % de stabilisateur (E340).

  Application des RGI 1 et 6.

 



[1]   L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.) [Loi].

[2]   Dix-neuf mélanges faisaient initialement l’objet de l’appel; Cool King en a supprimé deux à l’audience (voir Transcription, p. 4).

[3]   M. Goulet a témoigné en français.

[4]   Voir Transcription, p. 4.

[5]   Le Canada est l’un des pays signataires de la Convention internationale sur le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, qui régit le Système harmonisé.

[6]   L.C. 1997, ch. 36, annexe [Règles générales].

[7]   L.C. 1997, ch. 36, annexe.

[8]   Organisation mondiale des douanes, 4e éd., Bruxelles, 2017.

[9]   Organisation mondiale des douanes, 6e éd., Bruxelles, 2017.

[10]   Voir Canada (Procureur général) c. Suzuki Canada Inc., 2004 CAF 131 (CanLII), aux par. 13, 17, et Canada (Procureur général) c. Best Buy Canada Inc., 2019 CAF 20 (CanLII), au par. 4.

[11]   Canada (Procureur général) c. Igloo Vikski Inc., 2016 CSC 38 (CanLII), au par. 21.

[12]   Selon la règle 6 des Règles générales, « [l]e classement des marchandises dans les sous-positions d’une même position est déterminé légalement d’après les termes de ces sous-positions et des Notes de sous-positions ainsi que, mutatis mutandis, d’après les règles [1 à 5] [...] » et « les Notes de Sections et de Chapitres sont également applicables sauf dispositions contraires ».

[13]   La règle 1 des Règles canadiennes stipule que « [l]e classement des marchandises dans les numéros tarifaires d’une sous-position ou d’une position est déterminé légalement d’après les termes de ces numéros tarifaires et des Notes supplémentaires ainsi que, mutatis mutandis, d’après les [Règles générales] [...] » et que « les Notes de Sections, de Chapitres et de sous-positions sont également applicables sauf dispositions contraires ». Les avis de classement et les notes explicatives ne s’appliquent pas au classement au niveau du numéro tarifaire.

[14]   Comme mentionné ci-dessus, les parties conviennent que les marchandises en cause sont des préparations alimentaires et qu’elles contiennent des ingrédients qui les excluent du classement dans le chapitre 4, comme il est établi dans les notes explicatives générales de ce chapitre. Les parties conviennent également que la teneur en cacao des marchandises n’est pas en cause en l’espèce.

[15]   Les notes explicatives de la position n19.01 et de la position n21.06 prévoient toutes deux que ces positions comprennent les poudres pour crème glacée.

[16]   Ces notes sont conformes aux notes explicatives de la position no 21.05, qui prévoient le classement des mélanges et des bases pour glaces selon leur « ingrédient essentiel ».

[17]   Pour ce qui est de l’ordre dans laquelle l’analyse doit être effectuée, l’ASFC soutient que le Tribunal doit d’abord examiner si les marchandises peuvent être classées dans la position no 19.01 avant de passer à la position no 21.06, en se fondant sur les notes explicatives de la position no 21.06 qui excluent les poudres à base de produits des positions nos 04.01 à 04.04. Selon l’interprétation de la nomenclature par le Tribunal, l’analyse ne doit pas être effectuée selon un ordre particulier.

[18]   CDC Foods c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (14 décembre 2016), AP-2015-035 et AP-2016-015 (TCCE) [CDC Foods] au par. 65. Le Tribunal a aussi affirmé que les marchandises doivent contenir des additifs non permis en vertu des conditions des positions nos 04.01 à 04.04, conformément aux notes explicatives du chapitre 4. En l’espèce, les parties conviennent que cette condition est remplie.

[19]   CDC Foods au par. 68.

[20]   Cool King s’est appuyée sur les avis de classement de l’OMD nos 1901.90/2, 1901.90/3, 2106.90/4, 2106.90/12, 2106.90/14, 2106.90/21 et 2106.90/23. Ces avis de classement figurent à l’annexe B des présents motifs.

[21]   Pièce confidentielle AP-2019-004-11A, par. 21-23, vol. 2; Transcription, p. 33.

[22]   CDC Foods aux par. 57 et 102.

[23]   Transcription, p. 31-33. Le Tribunal souligne que, selon l’ASFC, les avis de classement n’appuient pas la conclusion selon laquelle les marchandises en cause doivent être classées dans la position no 21.06 (voir pièce AP-2019-004-07, par. 67-82, vol. 1). Dans ses observations, l’ASFC soutient que les marchandises en cause se distinguent de celles visées par les avis et essaie d’expliquer l’exercice de classement tarifaire sous-jacent aux avis. Selon le Tribunal, la valeur des avis de classement se limite au fait qu’ils indiquent que des pourcentages élevés de substances laitières n’empêchent pas le classement dans la position no 21.06. Par ailleurs, les observations de l’ASFC n’ont pas convaincu le Tribunal.

[24]   De l’avis du Tribunal, cette façon de procéder cadre avec les directives figurant dans les notes explicatives de la position no 21.05.

[25]   Certains témoignages ont porté sur la question de savoir si le lait utilisé pour réhydrater les produits en question pouvait être remplacé par de l’eau. Bien que le Tribunal apprécie les efforts des témoins, il a finalement conclu que cette question n’était pas pertinente en ce qui concerne l’espèce.

[26]   Voir pièce AP-2019-004-11, par. 17, vol. 1; Transcription, p. 14-15, 52-53, 72, 75; pièce AP-2019-004-13, par. 2, 5-8, vol. 1.

[27]   Transcription, p. 18-19, 23.

[28]   Pièce AP-2019-004-11, par. 17, vol. 1; Transcription, p. 19-20.

[29]   Transcription, p. 27-28; pièce AP-2019-004-11, par. 23, vol. 1.

[30]   Transcription, p. 60.

[31]   Pièce AP-2019-004-13, par. 6 et 13, vol. 1.

[32]   Transcription, p. 72.

[33]   Pièce AP-2019-004-13, par. 1, 4-5, vol. 1.

[34]   Pièce AP-2019-004-13, par. 13, vol. 1.

[35]   Voir CDC Foods au par. 55.

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