Appels en matière de douanes et d’accise

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Appel no AP-2020-006

Mazda Canada Inc.

c.

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Ordonnance et motifs rendus
le mercredi 25 novembre 2020

 



EU ÉGARD À un appel interjeté par Mazda Canada Inc. le 15 juillet 2020, aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes, L.R.C (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À une requête déposée par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada en vue d’obtenir une ordonnance de rejet de l’appel pour défaut de compétence.

ENTRE

MAZDA CANADA INC.

Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

Intimé

ORDONNANCE

La requête est accueillie. Le Tribunal canadien du commerce extérieur n’a pas compétence pour instruire l’appel. L’appel est rejeté.

Peter Burn

Peter Burn
Membre présidant

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

[1]  Les faits ayant trait au contexte sont les suivants.

[2]  Entre le 19 décembre 2019 et le 9 janvier 2020, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a émis 10 relevés détaillés de rajustement (RDR) rejetant la demande de Mazda Canada Inc. (Mazda) pour le remboursement de droits payés sur des pièces de véhicules. L’ASFC a décidé que la demande de remboursement de droits payés sur des pièces de véhicules qui ont été remplacées lorsqu’elles étaient sous garantie ne pouvait être acceptée parce que les marchandises ne satisfaisaient pas aux dispositions du paragraphe 76(1) de la Loi sur les douanes [1] .

[3]  Le 10 mars 2020, Mazda a présenté à l’ASFC une demande de réexamen ayant trait aux 10 RDR aux termes de l’article 60 de la Loi.

[4]  Le 20 avril 2020, l’ASFC a rejeté la demande de réexamen de Mazda étant donné qu’aucun RDR n’avait été émis aux termes de l’article 59 de la Loi. Par conséquent, l’ASFC a déterminé que la demande était sans effet.

[5]  Le 15 juillet 2020, Mazda a interjeté appel auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur.

[6]  Le 10 septembre 2020, l’ASFC a déposé une requête en vue d’obtenir une ordonnance de rejet de l’appel pour défaut de compétence. L’ASFC soutient dans sa requête que le Tribunal na pas compétence pour instruire l’appel. Elle affirme que la compétence du Tribunal se limite à des questions de classement tarifaire, de valeur en douane et d’origine des marchandises importées. L’ASFC réitère qu’aucune décision aux termes de l’article 60 de la Loi n’a été émise qui pourrait faire l’objet d’un appel devant le Tribunal de la part de Mazda.

[7]  En réponse, Mazda convient que le Tribunal n’a pas compétence en la matière [2] .

[8]  Pour les motifs qui suivent, le Tribunal est d’accord avec les parties et conclut qu’il n’a pas compétence pour instruire l’appel.

COMPÉTENCE DU TRIBUNAL POUR INSTRUIRE L’APPEL

[9]  La question soulevée dans la requête et examinée par le Tribunal est celle de savoir si le Tribunal peut instruire un appel concernant une décision de l’ASFC de refuser de rendre une décision aux termes de l’article 60 de la Loi, c’est-à-dire si une telle (non-)décision peut faire l’objet d’un appel devant le Tribunal. Les dispositions pertinentes de la Loi figurent en annexe des présents motifs.

[10]  Une contestation d’une décision de l’ASFC ayant trait au classement tarifaire, à la valeur en douane, à l’origine et au marquage de marchandises importées serait normalement entendue par le Tribunal. Le paragraphe 67(1) de la Loi stipule ce qui suit :

Toute personne qui s’estime lésée par une décision du président rendue conformément aux articles 60 ou 61 peut en interjeter appel devant le Tribunal canadien du commerce extérieur en déposant par écrit un avis d’appel auprès du président et du Tribunal dans les quatre-vingt-dix jours suivant la notification de l’avis de décision.

[11]  La Cour d’appel fédérale a indiqué clairement que les « non-décisions » de l’ASFC ou son refus d’exercer sa compétence en vertu de la Loi étaient des « décisions » qui pouvaient faire l’objet d’un appel devant le Tribunal en affirmant que « [l]e tribunal de première instance a cité à juste titre la décision Mueller, précitée, à l’appui de la proposition que ce qu’il est convenu d’appeler une “non‑décision” ou un refus d’exercer sa compétence dans le cadre du régime prévu par la loi constitue une “décision” susceptible d’appel devant le TCCE » [3] .

[12]  La Cour d’appel fédérale a aussi approuvé l’affirmation du Tribunal qui laissait entendre que des décisions pouvaient être prises en même temps que des décisions expresses et que les premières pouvaient être assujetties à la compétence du Tribunal dans le cadre du processus normal d’instruction des dernières [4] . La question de savoir si une telle situation est présente dans un appel donné a été décrite par la Cour comme étant de nature « factuelle » [5] . Bien qu’il puisse y avoir des situations où le Tribunal conclura que des décisions implicites ont été rendues par l’ASFC, ce n’est pas le cas en l’espèce.

[13]  Simplement dit, le présent appel ne présente aucun litige sous-jacent ayant trait au classement tarifaire, à la valeur en douane, à l’origine ou au marquage qui pourrait donner compétence au Tribunal pour instruire l’appel, c’est-à-dire d’appliquer les dispositions énoncées aux articles 59, 60 et 67 de la Loi. Un litige concernant cette (non-)décision négative en particulier rendue par l’ASFC dans ces circonstances en particulier ne peut faire l’objet d’un appel devant le Tribunal.

[14]  Comme le soutient l’ASFC, l’espèce ne concerne pas un litige ayant trait au classement tarifaire, à la valeur en douane ou à l’origine de marchandises importées; les faits concernent plutôt le rejet d’une demande de remboursement aux termes du paragraphe 76(1) de la Loi. Le Tribunal n’a pas compétence pour examiner la décision de l’ASFC de rejeter la demande de Mazda pour de tels remboursements, et l’ASFC n’a pas non plus compétence de rendre des décisions aux termes des articles 59 et 60 de la Loi ayant trait à un tel litige.

[15]  Le Tribunal n’a pas compétence pour instruire le présent appel étant donné que ses circonstances sont telles qu’il n’y a pas eu, ni ne pourrait y avoir, de décision rendue par l’ASFC aux termes de l’article 60 de la Loi.

[16]  En résumé, il ne peut être dit que l’ASFC a rendu, ou refusé de rendre, des décisions ayant trait au classement tarifaire, à la valeur en douane, à l’origine et au marquage de marchandises importées ou qu’elle a, à tort, refusé d’agir en temps voulu, de telle sorte que le Tribunal pourrait conclure que son action ou son inaction constitue une décision négative qu’il pourrait examiner dans un appel aux termes du paragraphe 67 de la Loi [6] .

DÉCISION

[17]  La requête est accueillie. Le Tribunal n’a pas compétence pour instruire l’appel; par conséquent, l’appel est rejeté.

Peter Burn

Peter Burn
Membre présidant

 


 

ANNEXE

Loi sur les douanes

59 (1)  L’agent chargé par le président, individuellement ou au titre de son appartenance à une catégorie d’agents, de l’application du présent article peut :

a) dans le cas d’une décision prévue à l’article 57.01 ou d’une détermination prévue à l’article 58, réviser l’origine, le classement tarifaire ou la valeur en douane des marchandises importées, ou procéder à la révision de la décision sur la conformité des marques de ces marchandises, dans les délais suivants :

[...]

(ii) dans les quatre années suivant la date de la détermination, si le ministre l’estime indiqué;

[...]

60 (1)  Toute personne avisée en application du paragraphe 59(2) peut, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la notification de l’avis et après avoir versé tous droits et intérêts dus sur des marchandises ou avoir donné la garantie, jugée satisfaisante par le ministre, du versement du montant de ces droits et intérêts, demander la révision ou le réexamen de l’origine, du classement tarifaire ou de la valeur en douane, ou d’une décision sur la conformité des marques.

[...]

(3) La demande prévue au présent article est présentée au président en la forme et selon les modalités réglementaires et avec les renseignements réglementaires.

(4) Sur réception de la demande prévue au présent article, le président procède sans délai à l’une des interventions suivantes :

a) la révision ou le réexamen de l’origine, du classement tarifaire ou de la valeur en douane;

[...]

67 (1)  Toute personne qui s’estime lésée par une décision du président rendue conformément aux articles 60 ou 61 peut en interjeter appel devant le Tribunal canadien du commerce extérieur en déposant par écrit un avis d’appel auprès du président et du Tribunal dans les quatre-vingt-dix jours suivant la notification de l’avis de décision.

[...]

76 (1)  Sous réserve des règlements pris en vertu de l’article 81, le ministre peut, dans les circonstances prévues par règlement, accorder à une personne le remboursement de tout ou partie des droits qu’elle a payés sur des marchandises importées qui, d’une part, sont défectueuses, de qualité inférieure à celle pour laquelle il y a eu paiement ou différentes des marchandises commandées et, d’autre part, après leur importation, ont, sans frais pour Sa Majesté du chef du Canada, été aliénées conformément à des modalités acceptées par le ministre, ou ont été exportées.



[1]   L.R.C. 1985, ch. 1 (2e suppl.) [Loi].

[2]   Bien que Mazda reconnaisse ce fait déterminant, elle n’a pas retiré son appel.

[3]   Canada (Agence des services frontaliers) c. C.B. Powell Limited, 2010 CAF 61, au par. 35.

[4]   C.B. Powel Limited c. Canada (Agence des services frontaliers), 2011 CAF 137, aux par. 31-33.

[5]   Ibid.

[6]   Voir par exemple Tenneco Automotive Operating Company Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (12 mars 2020), AP-2019-019 (TCCE).

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