Appels en matière de douanes et d’accise

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Contenu de la décision

Appel no AP-2018-054

Osiris Inc.

c.

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Décision rendue
le vendredi 26 février 2021

Motifs rendus
le mardi 16 mars 2021

 



EU ÉGARD À un appel entendu le 30 octobre 2020, aux termes de l’article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le président de l’Agences des services frontaliers du Canada le 2 octobre 2018, concernant une demande de révision aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

OSIRIS INC.

Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

Intimé

DÉCISION

L’appel est rejeté.

Susan D. Beaubien

Susan D. Beaubien
Membre présidant

L’exposé des motifs suivra à une date ultérieure


Lieu de l’audience :

Par vidéoconférence

Date de l’audience :

Le 30 octobre 2020

Membre du Tribunal :

Susan D. Beaubien, membre présidant

Personnel de soutien :

Heidi Lee, conseillère juridique

PARTICIPANTS:

Appellante

Conseillers/représentants

Osiris Inc.

Michael Kaylor
Jeffrey Goernert
Marco Ouellet

Intimé

Conseiller/représentant

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Ludovic Sirois

TÉMOINS

Samir Kulkarni

CEO of Showcase

Kate Berry
Registered Occupational Therapist

Veuillez adresser toutes les communications à :

La greffière adjointe
Téléphone : 613-993-3595
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

APERÇU

[1] Il s’agit d’un appel découlant de l’importation par Osiris Inc. (Osiris) de couvertures proprioceptives relaxantes DreamAway (couvertures DreamAway). Le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a classé ces marchandises aux fins de la Loi sur les douanes [1] dans la position tarifaire 9404 à titre d’articles de literie [2] .

[2] Osiris n’a pas contesté ce classement, mais a soutenu que les marchandises peuvent bénéficier de l’exonération des droits de douane prévue au numéro tarifaire 9979.00.00 à titre de « [m]archandises conçues spécifiquement pour assister les personnes handicapées en allégeant les effets de leurs handicaps, et articles et matières devant servir dans ces marchandises ». L’ASFC ne partageait pas cet avis et a refusé l’exonération de droits.

[3] Osiris interjette à présent appel devant le Tribunal.

[4] Tout juste avant l’instruction de l’appel, Osiris a fait valoir que les couvertures DreamAway devraient plutôt être classées dans la position tarifaire 39.26 à titre d’ouvrages en matières plastiques et, à titre subsidiaire seulement, dans le numéro tarifaire 9404.90.10. Dans les deux cas, Osiris soutient que la couverture DreamAway devrait pouvoir bénéficier de l’exonération des droits de douane prévue au numéro tarifaire 9979.00.00.

CONTEXTE FACTUEL

[5] Le 27 décembre 2017, Osiris a demandé une décision anticipée à l’ASFC pour déterminer si la couverture DreamAway pouvait bénéficier de l’exonération des droits de douane [3] .

[6] L’ASFC a conclu que les marchandises ne respectaient pas les exigences prévues au numéro tarifaire 9979.00.00. Osiris a contesté cette conclusion et a demandé une révision à la Direction des recours de l’ASFC le 27 avril 2018, conformément au paragraphe 60(2) de la Loi sur les douanes [4] .

Décision de l’ASFC

[7] L’ASFC a décrit la couverture DreamAway comme étant faite de coton à 100 p. 100 et remplie de boulettes de matière plastique. Elle pèse 10 livres et mesure 74 pouces de longueur et 39 pouces de largeur. L’ASFC a indiqué que, selon la description du produit, les « couvertures proprioceptives sont thérapeutiques et aident les personnes ayant des problèmes de sommeil, notamment en raison d’un trouble du spectre de l’autisme (TSA), de l’apnée du sommeil, du syndrome des jambes sans repos, de la narcolepsie, du décalage horaire, du travail par quarts, des terreurs nocturnes, du stress lié au travail et de l’anxiété. [...] [E]lles imitent une pression sensorielle profonde et ont donc un effet calmant et apaisant [...] » [5] [traduction].

[8] L’ASFC a souligné les déclarations d’Osiris selon lesquelles les couvertures DreamAway « peuvent être achetées sans ordonnance médicale et qu’elles aident [certaines] personnes ayant un handicap tel qu’un trouble déficitaire de l’attention sans ou avec hyperactivité (TDA/TDAH), le syndrome d’Asperger ou un TSA » [6] [traduction]. À l’appui de ces observations, Osiris a déposé des documents de publicité et de marketing portant sur le produit; des articles publiés traitant des propriétés, des utilisations et des effets des couvertures proprioceptives; des extraits du mémorandum D10-15-24 de l’ASFC; et des copies de décisions du Tribunal [7] .

[9] Après avoir examiné ces documents, l’ASFC a conclu que la publicité sur le produit ne fournissait pas suffisamment d’information pertinente pour l’application du numéro tarifaire 9979.00.00. Aucune information n’a été fournie relativement à la manière dont les besoins des personnes handicapées « étaient consciemment pris en compte et délibérément intégrés à la recherche, à la conception et à la production de la marchandise en cause » [traduction]. L’ASFC n’a pas non plus été convaincue par les documents déposés par Osiris selon lesquels la couverture DreamAway « visait précisément » [traduction] à alléger les effets des handicaps ou que le résultat escompté avait été atteint [8] .

[10] L’ASFC a souligné que diverses couvertures proprioceptives sont vendues sur le marché. L’article scientifique présenté par Osiris était financé par une subvention d’un certain fabricant et se limitait à l’examen d’un type particulier de couverture proprioceptive, à savoir une couverture proprioceptive « lestée de chaînes » [traduction].

[11] L’ASFC a jugé que les documents provenant de tiers ne permettaient pas de démontrer que les couvertures DreamAway étaient « conçues spécifiquement pour alléger les effets d’un handicap » [traduction].

[12] Par conséquent, l’ASFC a conclu [9] que la couverture DreamAway ne peut pas bénéficier de l’exonération des droits de douane prévue au numéro tarifaire 9979.00.00 et a confirmé sa décision anticipée [10] .

[13] L’ASFC a rendu sa décision le 2 octobre 2018 [11] , qu’Osiris a portée en appel devant le Tribunal le 14 décembre 2018 [12] .

Questions de procédure

[14] Le libellé de la disposition tarifaire en cause a changé pendant que l’appel était en instance devant le Tribunal. Au moment où les marchandises étaient importées, le libellé du numéro tarifaire 9979.00.00 se lisait comme suit :

9979.00.00 - -Marchandises conçues spécifiquement pour assister les personnes handicapées en allégeant les effets de leurs handicaps, et articles et matières devant servir dans ces marchandises.

9979.00.00 - -Goods specifically designed to assist persons with disabilities in alleviating the effects of those disabilities, and articles and materials for use in such goods.

[15] Au 1er janvier 2019, le libellé du numéro tarifaire 9979.00.00 a été modifié de façon à se lire comme suit :

9979.00.00 - -Marchandises conçues spécifiquement pour alléger les effets spécifiquement d’une invalidité, et articles et matières devant servir dans ces marchandises

9979.00.00 - -Goods specifically designed to alleviate the specific effects of a disability, and articles and materials for use in such goods

[16] L’interprétation du nouveau libellé du numéro tarifaire 9979.00.00 était également en cause dans un appel non lié (AP-2018-052) qui était en instance devant le Tribunal au même moment. Le Tribunal a invité les parties à l’appel à se prononcer sur la question de savoir si elles souhaitaient adopter une procédure semblable à celle appliquée dans l’appel AP-2018-052 relativement à la présentation d’observations concernant le libellé modifié du numéro tarifaire 9979.00.00. Le Tribunal a ajouté que les parties pouvaient demander une suspension de l’appel [13] .

[17] À la demande des parties, le Tribunal a ordonné que l’appel soit suspendu en attendant qu’une décision soit rendue dans l’appel AP-2018-052 [14] . Après l’abandon de l’appel AP‑2018‑052, l’appel a repris et les parties ont encore une fois eu l’occasion de présenter des observations concernant les modifications apportées au numéro tarifaire 9979.00.00 [15] .

[18] À la demande de l’appelante, la date de l’instruction de l’appel a encore été reportée en raison d’un conflit d’horaire [16] . Après consultation des parties, l’instruction a été reportée et s’est déroulée par vidéoconférence compte tenu des restrictions imposées par la pandémie de COVID‑19 [17] .

Dépôt de nouveaux éléments de preuve en appel

[19] À l’appui de son appel, Osiris a déposé les éléments suivants :

  • a) une copie de la décision dont elle interjette appel [18] ;

  • b) une fiche de renseignements sur les marchandises en cause [19] ;

  • c) un article publié en 2015 dans le Journal of Sleep Medicine and Disorders intitulé « Positive Effects of a Weighted Blanket on Insomnia » [20] ;

  • d) une copie imprimée d’un blogue de 2016 tiré du site harkla.co intitulé « What is a Weighted Blanket and What are the Benefits of Them? » [21] ;

  • e) un article intitulé « The Seductive Confinement of a Weighted Blanket in an Anxious Time » publié le 26 février 2018 dans The New Yorker [22] ;

  • f) des documents relatifs à la demande de décision anticipée sur la question de savoir si les marchandises peuvent bénéficier de l’exonération des droits de douane [23] ;

  • g) des documents relatifs à la demande de révision de la décision anticipée déposée auprès de la Direction des recours [24] ;

  • h) une correspondance avec le fabricant chinois de la couverture DreamAway concernant les essais et les certifications du produit [25] ;

  • i) des documents concernant les essais et les certifications du produit [26] ;

  • j) des documents désignés comme des « feuilles de soumission de l’importateur » [traduction] [27] ;

  • k) des documents décrits comme des « documents de marketing du fabricant » [traduction] [28] ;

  • l) des extraits imprimés du site Web de l’importateur [29] ;

  • m) des publications du gouvernement du Québec intitulées « L’utilisation des couvertures, des vestes et autres objets lestés auprès des enfants : information, mise en garde et précautions d’usage » et « Weighted Blankets and Vests: Safety, Efficacy and Issues Related to Their Use in Different Intervention Settings » [30] ;

  • n) des copies d’une présentation de diapositives intitulée « Exploring the Safety and Effectiveness of the Use of Weighted Blankets with Adult Populations » présentée lors de la conférence annuelle de 2007 de l’American Occupational Therapy Association [31] ;

  • o) un article publié en 2018 par Platinum Health et intitulé « The Benefits of Weighted Blankets Against Stress, Anxiety, and Insomnia » [32] ;

  • p) un extrait apparemment tiré du site Web de la National Autistic Society du Royaume-Uni en 2018 intitulé « Weighted Items and Autism » [33] ;

  • q) un résumé tiré de la revue en ligne « Occupational Therapy in Mental Health » publié en 2008 et intitulé « Exploring the Safety and Therapeutic Effects of Deep Pressure Stimulation Using a Weighted Blanket » [34] ;

  • r) un article ou blogue en ligne de source inconnue supposément rédigé en 2019 par Purple Staff intitulé « What is a Weighted Blanket or Heavy Comforter and What are the Benefits? » [35] ;

  • s) un article ou blogue en ligne tiré d’un site Web non identifié supposément rédigé en 2018 par Suzy Cohen intitulé « Ask the Pharmacist: 5 reasons you’ll want a weighted blanket » [36] ;

  • t) un article ou blogue en ligne tiré d’un site Web non identifié supposément rédigé en 2019 par Eleesha Lockett, M. Sc., et « révisé sur le plan médical » [traduction] par Stacy Simpson, D.O., intitulé « Weighted Blankets: Do They Work? » [37] ;

  • u) une copie du mémorandum D10-15-24 de l’ASFC concernant l’interprétation et l’application du numéro tarifaire 9979.00.00 [38] .

[20] Osiris a également déposé un rapport d’expert [39] , un engagement [40] et le curriculum vitæ [41] de Kate Berry. Mme Berry est une ergothérapeute inscrite auprès de la province de l’Ontario. Elle est titulaire d’un baccalauréat ès sciences spécialisé en sciences de l’activité physique de l’Université d’Ottawa et d’une maîtrise ès sciences spécialisée en ergothérapie de l’Université McMaster.

[21] Osiris a également fait part de son intention d’appeler Samir Kulkarni à comparaître comme témoin des faits. M. Kulkarni est le chef de la direction et propriétaire d’Osiris, qui exerce ses activités sous le nom commercial Showcase [42] .

[22] De plus, Osiris a déposé un échantillon de la couverture DreamAway comme pièce.

[23] En réponse, l’ASFC a déposé des copies de la demande de décision anticipée d’Osiris [43] , de la décision anticipée [44] et de la décision faisant l’objet de l’appel [45] . À titre de documents écrits complémentaires [46] , l’ASFC a déposé des copies des définitions du dictionnaire des mots « bedding » et « bedclothes » (literie) [47] .

[24] Les deux parties ont également déposé des observations écrites, accompagnées d’extraits des dispositions législatives et de la jurisprudence à l’appui.

Audience

[25] L’appel a été instruit le 30 octobre 2020 au moyen de la plateforme Cisco Webex. Les deux parties étaient représentées tout au long de l’audience.

Samir Kulkarni

[26] Osiris a appelé M. Kulkarni à comparaître comme témoin. Ce dernier a déclaré qu’Osiris est entre autres un concepteur de produits, un importateur, un commerçant et un détaillant d’articles de santé. Sous le nom commercial Showcase, Osiris exploite 117 magasins partout au Canada et aux États-Unis [48] .

[27] La couverture DreamAway est fabriquée en Chine et importée au Canada par Osiris. M. Kulkarni a décrit les marchandises en cause comme un « instrument qui facilite la stimulation par pression profonde [...] » [traduction] en vue d’aider les personnes ayant des problèmes médicaux « [...] plus précisément un TSA, un TDAH et, dans certains cas, de l’insomnie, le syndrome des jambes sans repos, etc. [...] » [traduction] [49] .

[28] L’emballage de la couverture DreamAway porte la mention suivante :

Pour les personnes qui souffrent d’anxiété, d’insomnie ou qui ont un TSA, les couvertures proprioceptives peuvent constituer un complément sécuritaire aux traitements existants. En offrant une pression sensorielle profonde, les couvertures proprioceptives peuvent favoriser la relaxation et vous aider à vous sentir plus ancré [50] .

[Traduction]

[29] M. Kulkarni a affirmé que le conditionnement de la couverture DreamAway sert de « sac de transport » [traduction], ce qui, selon lui, contribue essentiellement à l’utilité de la couverture DreamAway comme instrument thérapeutique, car il permet d’apporter la couverture à une personne qui en a besoin ou d’en faciliter le transport à des séances de traitement [51] .

[30] M. Kulkarni a indiqué qu’il avait personnellement travaillé à la conception de la couverture DreamAway, de concert avec le fournisseur étranger d’Osiris et les membres de l’équipe de développement des produits d’Osiris. Pour réaliser les objectifs de conception du produit d’Osiris, le directeur et acheteur principal d’Osiris s’est rendu en Chine à plusieurs reprises [52] pour visiter l’installation de fabrication [53] .

[31] En contre-interrogatoire, M. Kulkarni a indiqué que le processus de conception auquel il avait personnellement participé avait donné lieu à de la correspondance, à des dessins, à des photos, à un devis préliminaire et à des dessins industriels. Il ne savait pas pourquoi des copies de ces documents n’avaient pas été déposées à l’appui de l’appel, mais l’avait attribué à une « stratégie juridique » [traduction]. Il a fait valoir que le résultat de ce processus de conception se reflétait dans le contenu des feuilles de soumission du produit [54] .

[32] Selon M. Kulkarni, les dimensions de la couverture DreamAway sont essentielles, puisque le poids doit être réparti uniformément sur tout le corps. Ainsi, les dimensions du produit sont adaptées à la taille et au poids de l’utilisateur, contrairement aux linges de lit classiques. Les coutures constituent également un aspect essentiel du produit. Elles sont étroites et solides pour permettre une répartition égale du poids de la couverture, qui provient de boulettes de polyéthylène à haute densité. L’utilisation d’une matière inorganique comme le polyéthylène est primordiale, selon M. Kulkarni, puisque l’utilisation d’une matière organique comme rembourrage n’est ni sécuritaire ni hygiénique. Le produit est également doté d’attaches qui servent à attacher la couverture à sa housse lavable [55] .

[33] Osiris conserve les coordonnées des clients de la couverture DreamAway, qui, selon M. Kulkarni, se comptent par centaines, dont des gouvernements, des organismes de soins de santé, des services à la jeunesse, des fournisseurs de services aux personnes autistes et des conseils scolaires [56] . Cependant, aucune preuve documentaire en ce sens n’a été présentée.

[34] M. Kulkarni a indiqué que la couverture DreamAway n’est pas un produit de literie, mais un « article de santé très spécialisé » [traduction] qui ne serait pas vendu dans des magasins de détail qui vendent de la literie [57] .

[35] Pendant son témoignage, M. Kulkarni a confirmé que certains documents déposés par Osiris à l’appui de son appel avaient été obtenus auprès du fournisseur d’Osiris, à savoir Hangzhou Kuangs Textile Co., Ltd. (Kuangs), en Chine [58] . La documentation sur les essais et les certifications du produit a été fournie par Kuangs, à la demande des conseillers d’Osiris [59] . En contre-interrogatoire, M. Kulkarni a semblé ne généralement pas connaître les détails de chacun des essais qui sous-tendent les certifications du produit ou ne pas savoir si les certifications avaient été obtenues avant ou après le travail de conception entrepris pour la couverture DreamAway [60] .

[36] Lorsqu’interrogé par les conseillers d’Osiris, M. Kulkarni a lu quelques extraits des documents déposés au dossier par Osiris, notamment des parties des documents de marketing du fabricant, des résultats des essais du produit, des certifications du produit ainsi que des feuilles de soumission d’Osiris qui décrivent les caractéristiques du produit [61] .

[37] Osiris appuie Autisme Canada [62] . Compte tenu de cet appui, M. Kulkarni a indiqué qu’Osiris avait conçu la couverture DreamAway pour qu’elle soit utilisée par les personnes ayant un TSA. Une partie des profits tirés de la vente de chaque couverture DreamAway est remise à Autisme Canada [63] .

[38] En contre-interrogatoire, M. Kulkarni a reconnu qu’Osiris n’avait pas demandé de licence pour instruments médicaux auprès de Santé Canada pour la couverture DreamAway, et ce, même si Osiris considère l’article comme un produit thérapeutique. Selon M. Kulkarni, une telle licence n’était pas nécessaire pour répondre aux besoins des clients, comme ces derniers l’ont communiqué à Osiris [64] .

Kate Berry

[39] Mme Berry est ergothérapeute depuis plus de quinze ans. Elle travaille également comme gestionnaire de cas de réadaptation et enseigne à temps partiel au Collège algonquin dans le programme d’assistant en ergothérapie et d’assistant en physiothérapie [65] .

[40] Les ergothérapeutes sont des professionnels de la santé réglementés. L’ergothérapie a pour but de favoriser le mouvement, l’autonomie et la qualité de vie en vue d’améliorer la performance fonctionnelle dans les activités personnelles ou professionnelles importantes. Ce travail comporte des aspects de soins auto-administrés, de régulation émotionnelle et de productivité dans les divers aspects de la vie d’un client [66] .

[41] Dans le cadre de son travail, Mme Berry travaille avec des personnes ayant des handicaps physiques, sensoriels ou cognitifs. Bon nombre de ses clients ont été blessés dans des accidents d’automobile et doivent composer avec des problèmes : santé mentale, anxiété, dépression, trouble de stress post-traumatique (TSPT) et douleur chronique. Elle a également travaillé auprès d’enfants ayant des problèmes de motricité fine ou des problèmes sensoriels, notamment un TSA [67] .

[42] Mme Berry a de l’expérience pour réaliser des évaluations à domicile exhaustives, pour planifier un congé de l’hôpital et pour effectuer des interventions, notamment l’élaboration et la mise en œuvre de programmes de retour au travail et de reprise des activités quotidiennes. Elle a également de l’expérience dans le traitement de personnes ayant une variété de déficiences physiques, cognitives et psychosociales/comportementales à diverses étapes de leur vie (des soins pédiatriques aux soins gériatriques) [68] .

[43] L’ASFC ne s’est pas opposée à la reconnaissance de Mme Berry à titre de témoin expert. Après avoir tenu compte des facteurs sous-tendant l’admission de la preuve d’expert [69] , le Tribunal a reconnu Mme Berry à titre de témoin expert ayant une expertise en tant qu’ergothérapeute avec de l’expérience dans le traitement du trouble obsessionnel-compulsif, du trouble de déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH) et d’autres problèmes de santé semblables [70] . Son rapport écrit est réputé avoir été intégré à titre de témoignage devant le Tribunal [71] .

[44] Mme Berry a affirmé que l’ergothérapie est axée sur les clients et utilise des techniques et des traitements adaptés aux besoins et aux conditions de vie de la personne traitée [72] . Elle a également présenté un aperçu de la nature et des symptômes d’un éventail de problèmes de santé, notamment les troubles de l’intégration sensorielle, le TSA, le TDAH et les troubles du sommeil. Au cours de sa carrière, Mme Berry a traité des personnes ayant tous ces problèmes de santé [73] .

[45] Dans son rapport écrit, Mme Berry souligne que la preuve scientifique portant sur l’utilisation des couvertures proprioceptives est limitée :

Bien que l’expérience concernant la nature thérapeutique des couvertures proprioceptives soit limitée, un survol des récentes revues d’ergothérapie permet de constater qu’une grande partie de la littérature est liée à l’utilisation de couvertures, vestes, alèses, etc. proprioceptives avec des personnes ayant un TSA et des troubles de l’intégration sensorielle. Il peut également s’agir de personnes ayant un TDAH ou souffrant d’anxiété, d’un trouble neurodéveloppemental et d’un trouble du sommeil. L’application de stratégies de traitement sensoriel aux personnes ayant une lésion cérébrale acquise ou traumatique est embryonnaire, mais semble prometteuse. Une revue de la littérature a révélé que l’utilisation d’une couverture proprioceptive grâce à l’application d’une pression profonde et à l’effet proprioceptif accru semblait permettre d’atteindre des objectifs tels qu’une meilleure hygiène du sommeil, une diminution de l’anxiété et une amélioration de la concentration [74] .

[Traduction]

[46] La théorie sous-jacente est que la couverture proprioceptive a un effet proprioceptif qui ralentit le système nerveux central. La pression constante appliquée sur le corps par la couverture proprioceptive peut avoir un effet sensoriel calmant et apaisant qui remplace, change ou interrompt les circuits de la douleur, ce qui soulage la douleur. Chez les personnes ayant des problèmes de modulation sensorielle, la pression profonde qu’exerce une couverture proprioceptive peut neutraliser les signaux mal interprétés par le cerveau comme étant dangereux ou menaçants, ce qui a un effet calmant [75] .

[47] Mme Berry a également fait part d’une théorie selon laquelle la pression appliquée par une couverture proprioceptive peut augmenter la quantité de sérotonine dans le corps. La sérotonine est un précurseur de la mélatonine, laquelle joue un rôle dans la régulation du système de veille-sommeil du corps. De plus grandes quantités de mélatonine mèneraient à un sommeil de meilleure qualité [76] .

[48] Bien que « l’ensemble des données probantes actuellement liées à l’efficacité des couvertures proprioceptives soit restreint » [77] [traduction], Mme Berry a déclaré que l’utilisation d’une couverture proprioceptive serait une stratégie de traitement relativement courante en ergothérapie. Selon Mme Berry, un ergothérapeute pourrait envisager l’utilisation d’une couverture proprioceptive comme possible stratégie de traitement lorsqu’il traite des clients présentant un éventail de problèmes de santé, notamment de la douleur chronique, des troubles du sommeil, de l’anxiété, un TSA, un TDAH et un TSPT [78] . Comme l’a formulé Mme Berry, une couverture proprioceptive constitue un instrument qui ferait partie de la « boîte à outils » [traduction] d’un ergothérapeute, puisqu’elle est peu invasive, économique et facile à utiliser, bien qu’une certaine prudence soit de mise, particulièrement chez les personnes ayant des difficultés de communication, des difficultés respiratoires ou un déficit cognitif [79] .

[49] Mme Berry a brièvement décrit la manière dont l’utilisation d’une couverture proprioceptive pouvait atténuer les symptômes d’une variété de problèmes de santé [80] . Elle a elle-même utilisé des couvertures proprioceptives dans sa pratique pour traiter des personnes ayant de la douleur chronique, un TSPT, de l’anxiété et des troubles du sommeil [81] .

[50] En contre-interrogatoire, Mme Berry a déclaré que d’autres objets ou stratégies, outre les couvertures proprioceptives, font partie de la boîte à outils d’un ergothérapeute [82] . Elle a reconnu que les avantages des couvertures proprioceptives restent fondés sur une théorie étayée par assez peu de données probantes scientifiques et que l’efficacité possible d’une couverture proprioceptive est évaluée par un ergothérapeute au cas par cas [83] .

[51] Lorsqu’une couverture proprioceptive est utilisée par une personne faisant de l’insomnie ou ayant un trouble du sommeil, elle remplace la literie ou la couverture qui serait par ailleurs utilisée [84] .

[52] Mme Berry remarque que plusieurs types de couvertures proprioceptives sont vendues sur le marché et qu’une recherche sur Internet permet de constater que « de nombreux vendeurs en ligne de couvertures proprioceptives ciblent les parents d’enfants ayant des besoins particuliers et les thérapeutes qui travaillent auprès de personnes ayant des besoins particuliers [...] » [85] [traduction]. Dans son rapport écrit, Mme Berry indique qu’elle a examiné la couverture DreamAway et qu’elle l’a trouvée « semblable » [traduction] aux couvertures proprioceptives qu’elle et certains de ses collègues utilisent [86] .

[53] Pendant l’interrogatoire, les conseillers d’Osiris ont posé des questions à Mme Berry concernant les considérations relatives à la conception de la couverture DreamAway. Ses réponses ont semblé découler, du moins en partie, du témoignage de M. Kulkarni [87] . Comme l’expertise de Mme Berry ne s’étend pas à la conception ou à la fabrication du produit, le Tribunal n’accorde aucun poids à cette petite partie du témoignage de Mme Berry.

[54] Par ailleurs, le Tribunal a trouvé que Mme Berry était une témoin franche et directe qui a témoigné de façon juste et objective.

POSITIONS DES PARTIES À L’APPEL

Osiris

[55] La décision anticipée et les appels en découlant étaient fondés sur la prémisse non contestée selon laquelle la couverture DreamAway était classée à titre d’article de literie dans la position tarifaire 94.04. Peu avant l’audience, Osiris a changé d’avis et a affirmé que le Chapitre 94 (meubles; mobilier médico-chirurgical; articles de literie et similaires [...]) n’était pas pertinente aux marchandises en cause.

[56] Osiris a plutôt soutenu que la couverture DreamAway devait être classée dans le numéro tarifaire 3926.90.90 à titre d’« [a]utres ouvrages en matières plastiques et ouvrages en autres matières des nos 39.01 à 39.14 », car les marchandises sont constituées d’éléments mélangés, à savoir des boulettes de matière plastique dans une enveloppe textile.

[57] Le Chapitre 39 vise les « [m]atières plastiques et ouvrages en ces matières », et la position tarifaire 39.26 vise les « [a]utres ouvrages en matières plastiques ». Le Chapitre 63 vise les « [m]atières textiles et ouvrages en ces matières ». Osiris affirme que, dans le Chapitre 63, la position tarifaire 63.07, « [a]utres articles confectionnés, y compris les patrons de vêtements », s’applique à la couverture DreamAway.

[58] Comme les positions tarifaires 63.07 et 39.26 visent une partie des marchandises, Osiris soutient que les deux positions tarifaires sont également spécifiques pour ce qui est de la description des marchandises. Les boulettes de matière plastique sont utilisées pour le rembourrage de la couverture et servent de poids à l’article complet. Ainsi, les boulettes de matière plastique sont responsables de la fonctionnalité de la couverture et donc de sa caractéristique essentielle. Par conséquent, Osiris soutient que la couverture DreamAway doit être classée dans la position tarifaire 39.26.

[59] Que la couverture DreamAway soit correctement classée ou non dans la position tarifaire 39.26 ou 94.04, Osiris fait valoir que les marchandises peuvent bénéficier de l’exonération des droits de douane prévue au numéro tarifaire 9979.00.00.

[60] Osiris affirme que les couvertures proprioceptives peuvent aider à améliorer la qualité du sommeil : a) en diminuant les taux de cortisol, une hormone qui empêche la production nocturne de mélatonine, ce qui peut avoir pour effet de nuire au sommeil; b) en permettant la production de mélatonine; et c) en favorisant la sécrétion d’« hormones du bonheur » [traduction], telles que la sérotonine et la dopamine, dans le corps.

[61] De plus, l’utilisation d’une couverture proprioceptive peut atténuer le stress et l’anxiété causés par des problèmes de santé tels qu’un TSA, un TDAH et un TSPT.

[62] Osiris soutient que les éléments de preuve dans le cadre de l’appel démontrent que la couverture DreamAway a été conçue spécifiquement pour alléger les effets de plusieurs handicaps, même si le produit peut être utilisé par des personnes sans handicap.

ASFC

[63] Après avoir donné un aperçu du cadre législatif du Tarif des douanes, l’ASFC soutient que la question de savoir si les marchandises peuvent bénéficier de l’exonération des droits de douane prévue au numéro tarifaire 9979.00.00 est une question de fait. Osiris a le fardeau de prouver les faits qui montrent que la couverture DreamAway est visée par le numéro tarifaire 9979.00.00.

[64] L’ASFC affirme qu’un appelant doit faire valoir sa cause du mieux qu’il peut et éviter de la diviser en soulevant de nouvelles questions à la dernière minute, ce qu’a fait Osiris dans le cadre de l’appel, selon l’ASFC.

[65] L’ASFC soutient que pour satisfaire au critère d’exonération des droits de douane, il faut prouver que les marchandises en cause ont été conçues spécifiquement pour assister les personnes handicapées et que les marchandises ont été conçues spécifiquement pour assister ces personnes en allégeant les effets de leurs handicaps. Pour ce faire, il doit exister des éléments de preuve documentaire indiquant une intention dirigée pendant la phase de conception du produit.

[66] L’ASFC ajoute qu’Osiris n’a présenté aucun élément de preuve démontrant l’intention requise. Ses éléments de preuve se limitent à des articles renvoyant aux couvertures proprioceptives en général, plutôt qu’à la couverture DreamAway en particulier. Rien ne prouve que le fabricant a fait des efforts pour étudier, concevoir ou créer un produit pour répondre aux besoins spécifiques d’une personne handicapée ou que la couverture DreamAway est conforme à une norme qui vise à assister les personnes handicapées.

[67] L’ASFC soutient également qu’aucun lien logique n’a été démontré entre la conception de la couverture DreamAway et l’allégement des effets des handicaps, et encore moins que les effets des handicaps ont réellement été allégés.

[68] Ainsi, l’ASFC fait valoir qu’il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve probants ou crédibles pour prouver les faits nécessaires pour satisfaire au critère d’exonération prévue au numéro tarifaire 9979.00.00.

ANALYSE

[69] Osiris interjette appel en vertu du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes, lequel prévoit que toute « personne qui s’estime lésée » par une décision de l’ASFC peut en interjeter appel devant le Tribunal en déposant un avis d’appel dans les délais prescrits.

[70] Au cœur de l’appel se trouve la revendication d’Osiris visant l’exonération des droits de douane prévue au numéro tarifaire 9979.00.00. Si cette revendication est accueillie, elle entraînera vraisemblablement le remboursement de droits payés antérieurement par Osiris à l’ASFC, ce qui est suffisant pour qu’Osiris soit considérée comme une « personne qui s’estime lésée » [88] , ce que l’ASFC ne conteste pas.

[71] La première question à trancher est le classement de la couverture DreamAway dans le Tarif des douanes.

Cadre législatif

[72] Les articles 10 et 11 du Tarif des douanes prévoient la méthode d’analyse que doit suivre le Tribunal pour déterminer le classement des marchandises :

(1) Sous réserve du paragraphe (2), le classement des marchandises importées dans un numéro tarifaire est effectué, sauf indication contraire, en conformité avec les Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé et les Règles canadiennes énoncées à l’annexe.

(2) Des marchandises ne peuvent être classées dans un numéro tarifaire comportant la mention « dans les limites de l’engagement d’accès » que dans le cas où leur importation procède d’une licence délivrée en vertu de l’article 8.3 de la Loi sur les licences d’exportation et d’importation et en respecte les conditions.

11 Pour l’interprétation des positions et sous-positions, il est tenu compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises et des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises et de leurs modifications, publiés par le Conseil de coopération douanière (Organisation mondiale des douanes).

[73] Les Règles générales doivent être appliquées selon une analyse linéaire et hiérarchique des marchandises, comme l’a décrit la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Igloo Vikski Inc. [89]

[74] Dans le cadre de cette analyse, selon l’article 11 du Tarif des douanes, le Tribunal se doit de tenir compte des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises pouvant s’appliquer aux marchandises en cause.

[75] Les positions en cause sont libellées comme suit :

94.04 Sommiers; articles de literie et articles similaires (matelas, couvre-pieds, édredons, coussins, poufs, oreillers, par exemple) comportant des ressorts ou bien rembourrés ou garnis intérieurement de toutes matières, y compris ceux en caoutchouc alvéolaire ou en matières plastiques alvéolaires, recouverts ou non.

39.26 Autres ouvrages en matières plastiques et ouvrages en autres matières des nos 39.01 à 39.14.

63.07 Autres articles confectionnés, y compris les patrons de vêtements.

[76] La règle générale 1 prévoit ce qui suit :

1. Le libellé des titres de Sections, de Chapitres ou de Sous-Chapitres est considéré comme n’ayant qu’une valeur indicative, le classement étant déterminé légalement d’après les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres et, lorsqu’elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et Notes, d’après les Règles suivantes.

[77] En application de la règle générale 1, le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont clairement visées par le libellé de la position tarifaire 94.04. Les marchandises en cause sont une couverture et devraient être étiquetées comme telles. Selon les définitions courantes, une couverture est un article de literie [90] . Il s’agit d’un article qui est placé sur un lit et qui sert à couvrir une personne endormie.

[78] Dans ses éléments de preuve et ses arguments, Osiris a toujours mis l’accent sur le fait que la couverture DreamAway favorise un meilleur sommeil, et peut même atténuer les troubles du sommeil, tels que l’insomnie. Ces arguments sont affaiblis, voire totalement contredits, par une affirmation selon laquelle la couverture DreamAway n’est pas un article de literie, puisqu’une personne souffrant d’insomnie ou d’un autre trouble du sommeil dormirait dans un lit (ou à tout le moins essayerait). Dans son témoignage, Mme Berry a souligné l’importance d’une « hygiène du sommeil » [traduction] dans le traitement des troubles du sommeil [91] . Elle a également confirmé qu’une couverture proprioceptive remplacerait une couverture ou un autre article de literie qu’une personne utiliserait par ailleurs [92] .

[79] La nature de l’article, ou sa description, ne change pas simplement parce qu’il pourrait, dans certaines circonstances, être utilisé ailleurs ou dans d’autres contextes que dans une chambre à coucher ou avoir des utilisations secondaires autres que celle d’être mis sur un lit. Cette constatation s’applique aux couvertures proprioceptives et non proprioceptives.

[80] De plus, le Tribunal convient avec l’ASFC que la couverture DreamAway n’est pas qu’un simple ensemble de matériaux mélangés. La couverture est faite de boulettes de matière plastique dans une enveloppe textile. Ces éléments agissent ensemble pour constituer un article utilitaire dont la fonctionnalité dépasse la somme de ses composantes.

[81] Bien que les marchandises puissent être décrites comme des « articles de literie », elles sont également visées par le libellé de la position tarifaire 94.04 comme étant des « articles similaires (matelas, couvre-pieds, édredons, coussins, poufs, oreillers, par exemple) comportant des ressorts ou bien rembourrés ou garnis intérieurement de toutes matières, y compris ceux en caoutchouc alvéolaire ou en matières plastiques alvéolaires, recouverts ou non ». Chacun de ces articles est caractérisé par une enveloppe extérieure (habituellement faite en matériel textile) qui est rembourrée ou remplie avec un autre matériel, qui peut se composer de plastique. Cette description correspond totalement à la couverture DreamAway.

[82] Aucun chapitre ou aucune note explicative applicable ne contredit ou ne limite cette conclusion. Ainsi, la position tarifaire 94.04 décrit tout à fait la couverture DreamAway dans son ensemble. Lorsque les marchandises correspondent à la description fournie dans une position tarifaire conformément à l’application de la règle générale 1, une telle conclusion est déterminante et il n’est pas nécessaire d’appliquer les autres règles [93] . C’est le cas en l’espèce. Par conséquent, les règles 3a) et b) n’entrent pas en jeu, comme il le faudrait pour conclure au classement proposé par Osiris.

[83] Comme aucune des parties ne conteste les sous-positions et les numéros tarifaires de la position tarifaire 94.04, le Tribunal conclut que la couverture DreamAway est correctement classée dans le numéro tarifaire 9404.90.10.

[84] Le Tribunal se penche maintenant sur la question de savoir si la couverture DreamAway peut bénéficier de l’exonération des droits de douane prévue au numéro tarifaire 9979.00.00. Comme je l’ai déjà mentionné ci-dessus, le libellé de cette disposition a changé le 1er janvier 2019. Les marchandises en cause ont été importées avant cette date.

[85] Il existe une présomption selon laquelle les modifications du libellé d’une disposition législative visent à corriger une erreur ou à modifier la loi [94] . Cependant, cette présomption est réfutable. Dans des documents écrits complémentaires [95] , l’ASFC a fourni des copies de documents présentant le contexte législatif et visant à démontrer que les modifications apportées au numéro tarifaire 9979.00.00 étaient d’ordre administratif et ne visaient pas à modifier le droit substantiel ou la position d’un importateur ou d’un exportateur.

[86] Les parties semblent être d’accord sur le critère à appliquer relativement au numéro tarifaire 9979.00.00, tant en ce qui concerne l’ancienne version que la nouvelle version de cette disposition. Comme les marchandises en cause ont été importées avant que les modifications aient été apportées au numéro tarifaire 9979.00.00, le Tribunal n’a pas à tenir compte de l’effet, le cas échéant, des modifications d’ordre terminologique pour pouvoir trancher l’appel.

[87] Les appels interjetés devant le Tribunal sont instruits de novo [96] , même si une des parties ou les deux peuvent choisir de reprendre la totalité ou une partie du dossier de première instance, de compléter ce dossier par de nouveaux éléments de preuve ou de créer un nouveau dossier. Le Tribunal doit rendre sa propre décision relativement au classement tarifaire approprié pour les marchandises. Ce faisant, il est loisible au Tribunal d’évaluer le dossier dont il dispose, notamment d’apprécier de nouveau les éléments de preuve qui ont été présentés à l’ASFC et d’examiner tout nouvel élément de preuve présenté en appel. Le Tribunal n’a pas à faire preuve de retenue à l’égard de la décision de l’ASFC [97] .

[88] C’est à Osiris qu’incombe la charge de prouver que l’ASFC a eu tort de refuser l’exonération des droits de douane prévue au numéro tarifaire 9979.00.00 [98] .

[89] Pour que des marchandises puissent bénéficier de l’exonération des droits de douane prévue au numéro tarifaire 9979.00.00, il faut démontrer que les marchandises ont été « conçues spécifiquement » pour assister les personnes handicapées, que la conception spécifique vise à alléger les effets des handicaps et que ce résultat est atteint. Dans sa décision Toolway Industries c. Présidence de l’Agence des services frontaliers du Canada, le Tribunal a résumé le critère applicable comme suit [99] :

[32] Comme il a été établi dans Sigvaris[ [100] ], le Tribunal doit déterminer 1) si les marchandises en cause sont conçues spécifiquement pour assister les personnes handicapées et 2) si elles sont conçues spécifiquement pour assister ces personnes en allégeant les effets de leurs handicaps. Autrement dit, il doit y avoir des éléments de preuve qui indiquent un rapport d’intention entre la conception et l’allégement des effets des handicaps, et certains éléments de preuve qui indiquent que les marchandises servent effectivement à leur objectif déclaré.

[33] Pour ce qui est de la deuxième partie du critère, la jurisprudence du Tribunal est constante : le respect des normes généralement reconnues en matière d’accessibilité (aussi appelées normes d’accès facile) peut démontrer que le produit est conçu spécifiquement pour assister les personnes handicapées en allégeant les effets de leurs handicaps. Comme le Tribunal l’a souligné dans Globe Union[ [101] ] :

[L]a preuve au dossier concernant la conformité des marchandises en cause aux normes d’accessibilité est suffisante pour montrer que les marchandises en cause sont conçues spécifiquement pour assister les personnes handicapées en allégeant les effets de leurs handicaps. L’exonération de droits de douane en vertu du numéro tarifaire 9979.00.00 n’a pas pour objectif de récompenser le premier inventeur, mais bien de faire en sorte que les marchandises conçues pour assister les personnes handicapées puissent être importées au Canada en franchise de droits. Il n’est pas nécessaire de réinventer la roue dans chaque cas.

[34] Lorsqu’une marchandise satisfait à la deuxième partie du critère en étant conforme à de telles normes, l’appelante doit aussi démontrer l’intention de se conformer à ces normes, afin de satisfaire à la première partie du critère. La présentation de documents indiquant une intention pendant la phase de conception constitue normalement le meilleur moyen de démontrer une telle intention, mais le Tribunal reconnaît que la preuve peut provenir de différentes sources, et qu’il suffit qu’elle soit probante et convaincante.

[Notes de bas de page omises]

[90] Osiris s’appuie sur des documents anecdotiques obtenus en faisant des recherches sur Internet qui traitent de l’utilisation des couvertures proprioceptives dans un éventail de contextes thérapeutiques pour supposément montrer que les couvertures proprioceptives peuvent aider les personnes handicapées.

[91] L’information qui est accessible au public et facilement récupérable sur Internet n’est pas automatiquement admissible en preuve. Bien que les éléments de preuve obtenus par Internet puissent être admissibles, il faut tout de même vérifier leur fiabilité au moyen d’un examen minutieux. Dans le cas de sites Web non officiels ou d’auteurs inconnus, la fiabilité des renseignements devrait être évaluée compte tenu de la ou des sources et de leur objectivité, de l’existence d’une corroboration indépendante et de la possibilité que le contenu antérieur ait pu être modifié [102] .

[92] Plusieurs des documents déposés par Osiris semblent provenir de sites Web inconnus ou semblent être des documents de marketing de tiers. Le Tribunal accorde peu ou pas de valeur probante à ces documents, puisqu’il est presque impossible d’en vérifier la fiabilité. Le Tribunal accorde un certain poids aux documents qui semblent être des articles publiés dans des revues scientifiques évaluées par des pairs.

[93] Comme il est indiqué dans la décision Sigvaris [103] , l’existence d’un handicap s’évalue en déterminant s’il y a réduction ou absence, chez une personne, de sa capacité d’accomplir ses activités normales. Dans le contexte d’un handicap, le Tribunal a adopté la définition donnée par le dictionnaire du mot « alleviate » (alléger), soit « [...] to lighten, or render more tolerable, or endurable [...] » (alléger, ou rendre davantage tolérable, ou endurable [...]) [104] .

[94] Pour ce qui est du témoignage de Mme Berry, le Tribunal conclut que certains éléments de preuve indiquent que les couvertures proprioceptives peuvent aider à alléger certains aspects d’un handicap chez certaines personnes ayant des problèmes de santé tels qu’un TSA ou un TSPT. Les éléments de preuve sont insuffisants pour étayer une conclusion générale selon laquelle un trouble du sommeil, par exemple l’insomnie, constitue nécessairement un « handicap » [traduction].

[95] La preuve indique également que les couvertures proprioceptives peuvent être utilisées par les personnes sans handicap, pour relaxer et à d’autres fins qui peuvent procurer des bienfaits pour la santé [105] . Le Tribunal souscrit à l’argument d’Osiris selon lequel une utilisation bénéfique des marchandises par des personnes sans handicap n’empêche pas automatiquement les marchandises de bénéficier de l’exonération des droits de douane prévue au numéro tarifaire 9979.00.00 [106] .

[96] Toutefois, il existe une grande variété de marchandises qui peuvent être utilisées avantageusement par des personnes handicapées et qui peuvent également être utiles aux personnes sans handicap dans leur vie quotidienne. Il n’est pas prévu que toutes ces marchandises bénéficient par conséquent de l’exonération des droits de douane [107] .

[97] Le seuil à respecter est que les marchandises soient « conçues spécifiquement » pour assister les personnes handicapées. Les éléments de preuve doivent démontrer une intention de concevoir les marchandises spécifiquement pour assister les personnes handicapées. Si cette intention première est présente, les marchandises peuvent bénéficier de l’exonération des droits de douane, et le fait que les marchandises soient également utiles pour les personnes sans handicap devient alors sans importance ou secondaire [108] .

[98] Autrement dit, les marchandises qui sont spécifiquement conçues pour alléger les effets des handicaps peuvent bénéficier de l’exonération des droits de douane, même si le produit peut également être utile pour les personnes sans handicap. L’inverse n’est pas vrai. Les marchandises utilisées par la population générale ne bénéficient pas de l’exonération des droits de douane simplement en raison d’attributs qui pourraient être bénéfiques pour les personnes handicapées. La première question est de savoir s’il existait une intention démontrée de concevoir spécifiquement un produit pour assister les personnes handicapées en allégeant les effets des handicaps.

[99] Quelques éléments de preuve démontrent que les couvertures proprioceptives sont publicisées auprès de la population générale comme produit de mieux-être [109] . Un produit pouvant améliorer la qualité du sommeil peut être acheté et utilisé par des personnes sans handicap. Comme il existe de nombreux types de couvertures proprioceptives sur le marché, il existe un vide dans la preuve que le Tribunal refuse de combler. Certaines couvertures proprioceptives peuvent être utiles pour alléger les effets des handicaps, mais l’on ne peut pas présumer que toutes les couvertures proprioceptives ont cette utilité, à la lumière des traitements très personnels et adaptés utilisés par les ergothérapeutes.

[100] En l’espèce, le Tribunal conclut que les éléments de preuve sont insuffisants pour démontrer que la couverture DreamAway a été conçue spécifiquement pour assister les personnes handicapées afin d’alléger les effets des handicaps. Le Tribunal accepte qu’Osiris commercialise ce produit auprès des personnes handicapées. Il est également raisonnable de conclure qu’Osiris a obtenu ce produit en particulier pour cibler les clients qui pourraient vouloir acheter une couverture proprioceptive, que ce soit en raison d’un handicap ou non.

[101] Cependant, aucun de ces objectifs ne démontre une intention dirigée de concevoir spécifiquement un produit dans le but précis d’assister les personnes handicapées. Il n’est pas possible de conclure à l’existence d’une intention de « conception spécifique » au moyen d’une analyse rétrospective uniquement. Il doit y avoir des éléments de preuve démontrant l’existence d’une intention requise dès la création du produit [110] .

[102] Aucun élément de preuve probant ne montre qu’Osiris a cerné des problèmes particuliers auxquels sont confrontées les personnes handicapées, puis qu’elle s’est engagée dans un processus pour créer un produit dont les caractéristiques ou attributs visent à régler ou à atténuer ces problèmes.

[103] Comme il est indiqué dans la décision Masai [111] , il faut la preuve d’un rapport rationnel entre la conception spécifique d’un produit, l’objectif déclaré d’allégement des handicaps et les résultats atteints.

[104] La littérature scientifique déposée par Osiris à l’appui de son appel traite des « couvertures proprioceptives » en général. Ces éléments de preuve ne montrent pas de rapport avec le produit particulier (la couverture DreamAway) importé par Osiris, la conception de ce produit en particulier et la manière dont ses attributs sont conçus ou adaptés spécifiquement pour alléger les effets des handicaps. Au moins l’un de ces articles scientifiques mentionne la nécessité de réaliser des recherches plus systématiques et objectives concernant les avantages des couvertures proprioceptives pour le sommeil [112] . De plus, il existe de nombreux types de couvertures proprioceptives et les attributs de conception de ces produits ont probablement une incidence sur les sensations éprouvées par l’utilisateur et donc l’effet global de la couverture :

Il existe de nombreux modèles de couvertures et de vestes proprioceptives sur le marché, par exemple ceux avec des chaînes de métal ou des enveloppes remplies de petites boulettes ou balles de matière plastique. Les couvertures à chaînes et celles à balles peuvent procurer des sensations différentes (p. ex. toucher, isolation thermique) et peser plus ou moins lourd, ce qui doit être adapté à chacun, puisque certains patients peuvent être plus sensibles à la stimulation et donc nécessiter une couverture moins lourde. On a constaté un lien entre l’efficacité d’une couverture proprioceptive et la masse d’une personne [...] [113] [traduction].

[105] Dans le cadre de sa présentation à l’occasion de la conférence annuelle de 2007 de l’American Occupational Therapy Association, Mme Tina Champagne et ses collaborateurs traitent des attributs variables des divers modèles de couvertures proprioceptives vendus sur le marché, notamment :

  • le poids;

  • le choix des tissus;

  • la répartition du poids;

  • la capacité d’adapter (ou non) le poids de chaque couverture;

  • les matériaux utilisés comme poids;

  • la facilité à laver la couverture;

  • la facilité de changer le poids souhaité [114] .

[106] Dans sa présentation, Mme Champagne cerne également divers problèmes de sécurité et risques liés aux couvertures proprioceptives et à leur utilisation, notamment :

  • les considérations relatives au diagnostic;

  • les antécédents de traumatisme;

  • les précautions respiratoires;

  • les précautions cardiaques ou circulatoires;

  • l’influence des signes vitaux;

  • l’intégrité de la peau, notamment des plaies ouvertes ou une peau fragile;

  • les précautions pour le soulèvement;

  • les considérations orthopédiques : fractures [115] .

[107] Mme Champagne mentionne également le manque relatif de recherche et la nécessité d’en faire davantage [116] .

[108] Dans son témoignage, Mme Berry confirme que la recherche et la théorie qui sous-tendent l’utilisation des couvertures proprioceptives sont encore à un stade relativement peu avancé, mais que plusieurs modèles de couvertures proprioceptives sont vendus sur le marché. Elle confirme que la couverture DreamAway est « semblable » [traduction] aux couvertures proprioceptives qu’elle utilise dans le cadre de sa pratique, mais elle ne confirme pas avoir utilisé le modèle spécifique de couverture proprioceptive vendue par Osiris qui est en cause dans le cadre de l’appel.

[109] Rien ne prouve de façon convaincante que les aspects ou variables spécifiques des couvertures proprioceptives, qui sont définis dans la littérature scientifique, ont été examinés ou spécifiquement pris en compte dans la conception des caractéristiques de la couverture DreamAway et, s’ils l’ont été, comment les caractéristiques du produit ont été créées, sélectionnées ou adaptées pour que le produit soit utilisé par des personnes handicapées en vue d’alléger les effets des handicaps, plutôt que par la population générale au sens large [117] .

[110] Osiris souligne les certifications visant la couverture DreamAway qui ont été obtenues de son fournisseur. Cependant, cet élément de preuve n’aide pas Osiris.

[111] Les revendications visant l’exonération des droits de douane prévue au numéro tarifaire 9979.00.00 ont été accueillies dans les cas où un lien est démontré entre les caractéristiques fonctionnelles du produit et une norme reconnue tierce qui prévoit expressément des normes de produit visant à répondre aux besoins des personnes handicapées, comme l’Americans with Disabilities Act (ADA) [118] . Cet élément de preuve est absent en l’espèce.

[112] Les certifications déposées par Osiris ne sont liées à aucune norme adaptée aux besoins particuliers des personnes handicapées ou à l’allégement des effets des handicaps. De plus, elles sont sans pertinence pour démontrer l’intention de concevoir la couverture DreamAway comme produit visé par le numéro tarifaire 9979.00.00 et pouvant bénéficier de l’exonération des droits de douane.

[113] Le certificat accordé par OEKO-Tex® Standard 100 (norme 100 d’OEKO-Tex®) [119] est daté du 6 février 2018. La date est donc postérieure à celle de la demande d’Osiris pour obtenir une décision anticipée auprès de l’ASFC, soit le 27 décembre 2017 [120] . Par conséquent, il ne prouve pas une intention de conception en ce qui concerne l’allégement des effets des handicaps au moment de la création du produit, puisque le produit existait déjà et était l’objet d’une demande de décision anticipée. Même si les dates ne sont pas en cause, le certificat ne fait que confirmer que la matière textile utilisée par le fournisseur d’Osiris respecte une norme de sécurité pour les humains et l’environnement en ce qui a trait aux teintures, aux matières colorantes et à l’absence de plomb dans les matières textiles en contact direct avec la peau. Ces questions de sécurité du produit sont de portée générale et sont conformes aux exigences en matière de protection du consommateur applicables aux produits pouvant être vendus. Il n’y a aucun lien avec des caractéristiques de produit qui visent clairement les handicaps, encore moins l’allégement de leurs effets.

[114] La deuxième certification est un rapport d’essai du laboratoire d’essai SGS [121] . Ce document indique que les boulettes de matière plastique utilisées comme matière de rembourrage pour la couverture DreamAway qui ont fait l’objet d’essais respectent les normes requises pour un matériau de substrat sans plomb. Le Tribunal conclut qu’il s’agit également d’une norme de fabrication générale qui serait respectée (ou à tout le moins qui devrait l’être) dans la fabrication de marchandises, peu importe l’utilisateur final. L’utilisation de boulettes de matière plastique sans plomb ne constitue pas un indicateur unique ou spécial que le produit est spécifiquement conçu pour être utilisé par des personnes handicapées, puisque cela signifierait, du moins par déduction, que l’utilisation d’une matière plastique contenant du plomb serait par ailleurs acceptable pour des produits destinés à être utilisés par des personnes sans handicap. Autrement dit, l’absence de plomb dans les composants en plastique de la couverture DreamAway ne la distingue pas en tant que produit spécifiquement conçu pour alléger les effets des handicaps.

[115] La troisième certification est délivrée par CELAB®. Ce document est daté du 7 juillet 2018 [122] . Cette certification a donc été obtenue bien après l’importation de la couverture DreamAway et alors que l’appel pour nouvel examen de la décision anticipée refusant l’exonération des droits de douane était en instance devant la Direction des recours de l’ASFC. La certification expose la conclusion suivante :

Après examen de la documentation technique délivrée par le client et accompagnant sa demande, nous sommes d’avis que le produit respecte l’exigence technique des directives et normes suivantes : Directive 93/42/EEC relative aux dispositifs médicaux (MDD) (93/42/EEC Medical devices (MDD)) [123]

[Traduction]

[116] Comme il a été mentionné précédemment, les éléments de preuve démontrant que les marchandises sont conçues spécifiquement pour être utilisées par des personnes handicapées afin d’alléger les effets de leurs handicaps doivent exister dès la conception du produit. Les effets de la bonne performance du produit peuvent être démontrés par après, mais la preuve d’une intention de conception dirigée doit exister dans l’esprit du fabricant dès la création du produit et ne peut pas se manifester rétroactivement [124] .

[117] Plus important encore, ce certificat n’établit pas que la couverture DreamAway est un dispositif médical, encore moins que c’est un article qui a été conçu spécifiquement aux fins définies par le numéro tarifaire 9979.00.00. L’essai effectué par CELAB® ne se limite qu’à l’évaluation de la gestion des risques et des mesures de contrôle de la qualité mises en œuvre dans les installations de fabrication de Kuangs.

[118] Des extraits du catalogue de normes de l’Organisation internationale de normalisation (ISO) applicables à la certification de CELAB® ont été déposés auprès du Tribunal [125] . Osiris a surligné divers passages dans ce document [126] , notamment ceux renvoyant à l’expression « dispositif médical ». La présence des mots « dispositif médical » à eux seuls dans le document ne prouve pas que la couverture proprioceptive fabriquée par Kuangs pour Osiris est, en fait, un dispositif médical. Cela équivaut à faire une sélection minutieuse de certains passages d’un document pour créer une mosaïque contextuelle, puis inciter le Tribunal à tirer une conclusion en faveur de l’appelante sur la base de cette compilation. Une telle manière de faire défie la crédulité et mine la crédibilité générale des éléments de preuve déposés.

[119] Une interprétation téléologique en contexte du document de CELAB® montre seulement que Kuangs met en place certaines mesures de gestion des risques et de contrôle de la qualité pour les processus de fabrication exécutés dans ses installations qui respectent certaines normes que doivent respecter les installations dans le cadre de la fabrication de dispositifs médicaux, selon les exigences de la CEE.

[120] La portée de la conclusion exposée par CELAB® est limitée. La conclusion indique seulement que Kuangs utilise un modèle de déclaration de conformité, a produit des rapports d’essai conformément aux normes prescrites, fournit un manuel d’instruction du produit et appose la mention « CE » sur l’étiquette du produit. Ces éléments démontrent que Kuangs fabrique ses produits uniformément, c’est-à-dire que les couvertures proprioceptives seront toujours identiques et uniformes entre elles relativement aux caractéristiques du produit. Il n’est pas établi que ces caractéristiques produisent un effet thérapeutique qui appuierait l’obtention d’une licence réglementaire pour un dispositif médical, et encore moins qui créerait un lien avec une utilisation ou un avantage thérapeutique relativement à tout problème de santé ou handicap particulier.

[121] Par conséquent, les éléments de preuve d’Osiris concernant les normes se rapportent à certains aspects du contrôle de la qualité et des pratiques exemplaires en matière de fabrication. Bien que certaines normes s’appliqueraient à la fabrication d’un appareil médical, la certification ne va pas plus loin. Ces éléments de preuve sont nettement insuffisants pour montrer que Kuangs est réellement un fabricant de dispositifs médicaux ou que les marchandises en cause sont des dispositifs médicaux. L’approbation réglementaire pour les dispositifs médicaux et thérapeutiques est donnée par l’autorité gouvernementale (par exemple Santé Canada), et non par des laboratoires d’essai privés comme CELAB®. M. Kulkarni a témoigné qu’Osiris n’a pas demandé d’approbation réglementaire à Santé Canada pour la couverture DreamAway.

[122] Pour ces motifs, les normes mentionnées par CELAB® sont d’application générale [127] et clairement différentes des normes qui sont prévues pour contrer et atténuer les défis, les symptômes ou les effets liés aux handicaps. Ainsi, les normes invoquées par Osiris diffèrent des normes de l’ADA prises en compte par le Tribunal notamment dans les décisions Globe Union et Wolseley.

[123] En ce qui a trait aux feuilles de soumission de l’importateur présentées par Osiris, le Tribunal conclut que ce sont des documents commerciaux préparés pour obtenir une proposition de prix ou pour passer une commande pour les marchandises. Elles datent de fin 2017 et coïncident plus ou moins avec le moment où la couverture DreamAway a été importée pour la première fois. Bien que les caractéristiques des marchandises qu’il est proposé de commander doivent être décrites à ces fins commerciales, le contenu des documents ne traite pas du processus de conception du produit, ce qui serait nécessairement antérieur au passage d’une commande commerciale.

[124] Bien que M. Kulkarni ait déclaré que les dimensions de la couverture DreamAway sont essentielles, aucune preuve documentaire ne démontre une intention dirigée pendant le processus de conception du produit qui reflète cet aspect du produit et la manière dont il permet de traiter ou d’atténuer des handicaps ou leurs effets.

[125] Osiris a soutenu que la couverture DreamAway vient avec un « sac de transport » [traduction], qui constitue un attribut utile puisqu’il permet de transporter les marchandises facilement d’une place à l’autre, ce qui peut aider les personnes handicapées. Après un examen plus approfondi, le Tribunal conclut que le « sac de transport » [traduction] est le conditionnement d’origine du produit fourni par Kuangs et prend la forme d’un sac en polychlorure de vinyle (PVC) muni d’une fermeture à glissière et de poignées [128] . Ce sac peut être jeté après l’achat ou peut être conservé pour ranger ou transporter la couverture proprioceptive.

[126] La question de savoir si le sac est conçu pour un usage pratique pour une personne handicapée reste sans réponse. Au point de vente, la couverture DreamAway est pliée et emballée dans le sac en PVC muni d’une fermeture à glissière. Le Tribunal se demande si la couverture proprioceptive, une fois sortie du sac, peut être facilement repliée et remise dans le sac en PVC sans difficulté, particulièrement par une personne handicapée, compte tenu de la taille et du poids de l’article. Selon les éléments de preuve, l’utilisation des couvertures proprioceptives exige de la prudence, surtout parce qu’elles peuvent être difficiles à déplacer ou à manipuler.

[127] Le sac en PVC muni d’une fermeture à glissière facilite le transport de la couverture DreamAway du point de vente à la maison ou à la destination de l’utilisateur. Il s’agit d’un aspect pratique qui s’applique d’une façon générale à tous les acheteurs et qui ne vise pas nécessairement les personnes handicapées. Autrement, rien ne prouve que le sac a été conçu pour intégrer des caractéristiques qui facilitent son utilisation par des personnes handicapées.

[128] Pour s’acquitter du fardeau de la preuve qui lui incombe, la partie visée doit démontrer à la cour ou au tribunal qu’il y a plus de chances que le résultat qu’elle souhaite soit probable qu’improbable (prépondérance des probabilités), selon l’appréciation de l’ensemble de la preuve disponible [129] .

[129] Lorsqu’il s’agit de décider si une partie s’est acquittée du fardeau de la preuve, une cour ou un tribunal examine l’information pertinente et l’occasion qu’a une partie de présenter des preuves qui appuient un fait en particulier [130] .

[130] En l’espèce, il existe apparemment d’autres documents concernant la conception de la couverture DreamAway, notamment de la correspondance, des dessins, des photos, des devis préliminaires et des dessins industriels [131] . Osiris n’a déposé aucun de ces documents, pour des raisons soi-disant de « stratégie juridique » [132] [traduction]. En ce qui a trait au critère [133] régissant l’application du numéro tarifaire 9979.00.00, le Tribunal considère que de tels documents seraient très pertinents pour déterminer si l’intention dirigée requise de concevoir spécifiquement une couverture proprioceptive pour assister des personnes handicapées existait au moment visé.

[131] On s’attend qu’une partie puisse prouver des faits relevant directement de ses connaissances ou de ses moyens de connaissance, surtout lorsque les faits ou l’information nécessaires ne sont pas en la possession, sous l’autorité ou sous la garde de la partie adverse [134] . Comme Osiris a affirmé que ses propres employés étaient responsables de concevoir la couverture DreamAway de concert avec Kuangs, la documentation à l’appui serait en la possession ou sous la garde d’Osiris. Le Tribunal tire donc une conclusion défavorable du fait qu’Osiris n’a pas déposé cette documentation.

[132] Osiris a le fardeau de prouver que l’ASFC a eu tort de refuser l’exonération des droits de douane conformément aux dispositions du numéro tarifaire 9979.00.00. Après avoir examiné les éléments de preuve et les observations des parties, le Tribunal n’est pas convaincu qu’Osiris s’est acquitté du fardeau de la preuve. En conséquence, l’appel doit être rejeté.

DÉCISION

[133] L’appel est rejeté.

Susan D. Beaubien

Susan D. Beaubien
Membre présidant

 



[1] L.C. 1997, c. 36.

[2] Plus précisément, les marchandises étaient classées dans le numéro tarifaire 9404. 90.10.

[3] Pièce AP-2018-054-27 aux p. 46-49.

[4] Pièce AP-2018-054-11 à la p. 22.

[5] Pièce AP-2018-054-01 à la p. 9.

[6] Ibid.

[7] Ibid. à la p. 10.

[8] Ibid.

[9] Pièce AP-2018-054-27 aux p. 7-8, 3-6.

[10] Pièce AP-2018-054-01 à la p. 10; pièce AP-2018-054-27 aux p. 3-6.

[11] Pièce AP-2018-054-01 à la p. 9.

[12] Ibid.

[13] Pièce AP-2018-054-05.

[14] Pièce AP-2018-054-09.

[15] Pièce AP-2018-054-10; pièce AP-2018-054-11; pièce AP-2018-054-12; pièce AP-2018-054-13.

[16] Pièce AP-2018-054-15; pièce AP-2018-054-16.

[17] Pièce AP-2018-054-28.

[18] Pièce AP-2018-054-01 aux p. 9-12.

[19] Pièce AP-2018-054-27 aux p. 9-12.

[20] Ibid. aux p. 13-19; pièce AP-2018-054-27 aux p. 240-246.

[21] Pièce AP-2018-054-27 aux p. 20-25.

[22] Ibid. aux p. 26-31.

[23] Ibid. aux p. 42-49.

[24] Ibid. aux p. 32-41.

[25] Ibid. à la p. 50.

[26] Ibid. aux p. 51-100.

[27] Ibid. aux p. 101-106.

[28] Ibid. aux p. 107-130.

[29] Ibid. aux p. 131-134.

[30] Ibid. aux p. 135-146.

[31] Ibid. aux p. 147-228.

[32] Ibid. aux p. 229-232.

[33] Ibid. aux p. 233-234.

[34] Ibid. aux p. 235-239.

[35] Ibid. aux p. 247-258.

[36] Ibid. aux p. 259-260.

[37] Ibid. aux p. 261-266.

[38] Ibid. aux p. 267-269.

[39] Pièce AP-2018-054-18.

[40] Pièce AP-2018-054-19.

[41] Pièce AP-2018-054-27A.

[42] Transcription de l’audience publique aux p. 4, 6.

[43] Pièce AP-2018-054-11 aux p. 22-29.

[44] Ibid. aux p. 18-20.

[45] Ibid. aux p. 31-34.

[46] Pièce AP-2018-054-44.

[47] Ibid. aux p. 52-67.

[48] Transcription de l’audience publique aux p. 4, 6.

[49] Ibid. à la p. 5.

[50] Ibid. à la p. 19.

[51] Ibid. aux p. 19-20.

[52] Approximativement quatre ou cinq fois. Transcription de l’audience publique aux p. 28-29.

[53] Transcription de l’audience publique aux p. 5-6.

[54] Ibid. aux p. 27-28.

[55] Ibid. aux p. 20-22.

[56] Ibid. à la p. 7.

[57] Ibid. aux p. 22-23.

[58] Ibid. aux p. 8, 15.

[59] Ibid. aux p. 29-31.

[60] Ibid. aux p. 31-37.

[61] Ibid. aux p. 8-17.

[62] Ibid. à la p. 18.

[63] Ibid.

[64] Ibid. aux p. 24-27.

[65] Pièce AP-2018-054-27A; pièce AP-2018-054-18; Transcription de l’audience publique aux p. 40-41.

[66] Transcription de l’audience publique à la p. 41.

[67] Ibid. aux p. 41-42.

[68] Pièce AP-2018-054-18 à la p. 2; Transcription de l’audience publique aux p. 41-42.

[69] R. c. Mohan, [1994] 2 R.C.S. 9; White Burgess Langille Inman c. Abbott and Haliburton Co., 2015 CSC 23.

[70] Transcription de l’audience publique à la p. 59.

[71] Ibid. à la p. 58.

[72] Ibid. aux p. 43-44.

[73] Pièce AP-2018-054-18 à la p. 3; Transcription de l’audience publique aux p. 44-47, 49-53.

[74] Pièce AP-2018-054-18 à la p. 3.

[75] Ibid. aux p. 3-4; Transcription de l’audience publique aux p. 51-53.

[76] Transcription de l’audience publique à la p. 49.

[77] Pièce AP-2018-054-18 à la p. 4.

[78] Ibid.; Transcription de l’audience publique aux p. 44-48, 49-53.

[79] Pièce AP-2018-054-18 aux p. 3-4; Transcription de l’audience publique aux p. 45-47.

[80] Transcription de l’audience publique aux p. 56-58.

[81] Pièce AP-2018-054-18 à la p. 3.

[82] Transcription de l’audience publique aux p. 60-61.

[83] Ibid. aux p. 62, 66.

[84] Ibid. aux p. 61-62, 67-68.

[85] Pièce AP-2018-054-18 à la p. 3.

[86] Ibid.

[87] Transcription de l’audience publique aux p. 55-56.

[88] Danson Décor Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (25 septembre 2019), AP-2018-043 (TCCE) [Danson Décor] aux par. 75-79.

[89] 2016 SCC 38 [Igloo Vikski] aux par. 19-29.

[90] Le Tribunal a considéré la définition de l’expression anglaise « bedding » (literie) dans le dictionnaire Merriam‑Webster, c.-à-d. « the sheets and blankets that are used on a bed » (les draps et les couvertures utilisés sur un lit); pièce AP-2018-054-44 à la p. 55.

[91] Pièce AP-2018-054-18 aux p. 3-4; Transcription de l’audience publique aux p. 60-61.

[92] Transcription de l’audience publique aux p. 61-62.

[93] Igloo Vikski au par. 45.

[94] R c. Ulybel Enterprises Ltd. [2001] 2 SCR 867 au par. 34.

[95] Pièce AP-2018-054-44.

[96] Canac Marquis Grenier Ltée, 2017 CanLII 149270 (CA TCCE) au par. 27; Danson Décor aux par. 91-93.

[97] Danson Décor aux par. 82-93.

[98] Loi sur les douanes, s. 152.

[99] AP-2018-056, 2020 CanLII 34938 (CA TCCE).

[100] Sigvaris Corporation c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada, AP-2007-009 (TCCE) [Sigvaris].

[101] Globe Union Canada, 2019 CanLII 110870 (CA TCCE) [Globe Union].

[102] Rona Inc. AP-2018-053 (TCCE) au par. 109.

[103] Au par. 42.

[104] Ibid.

[105] Voir, par exemple, pièce AP-2018-054-27 aux p. 26-30.

[106] Voir Wolseley Canada Inc c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada [Wolseley], 2013 CanLII 91955 (CA TCCE) aux par. 41-45.

[107] Il n’est pas nécessaire que les dispositions du numéro tarifaire 9979.00.00 soient interprétées dans leur sens large. Voir Sigvaris au par. 29.

[108] Masai Canada Limited c. Canada Border Services Agency, 2011 CanLII 93730 (CA TCCE) [Masai] au par. 21; confirmé 2012 CAF 260.

[109] Par exemple, pièce AP-2018-054-27 aux p. 26-30.

[110] Masai aux par. 21-22.

[111] Au par. 21.

[112] Pièce AP-2018-054-27 à la p. 13.

[113] Ibid. aux p. 17-18.

[114] Ibid. à la p. 162.

[115] Ibid. aux p. 160-161.

[116] Ibid. aux p. 163-166.

[117] Selon les documents commerciaux provenant du fournisseur chinois d’Osiris, le produit offert et vendu à Osiris est une copie du produit d’une tierce partie portant le nom de Gravity (gravité) mais il n’y a aucune preuve que ce produit chinois a été spécifiquement conçu pour être utilisé par les personnes handicapées afin d’alléger les effets des handicaps. Voir la pièce 27 à la p. 125.

[118] Wolseley; BSH Home Appliance Ltd., 2014 CanLII 149588 (CA TCCE) [BSH]; Globe Union.

[119] Pièce AP-2018-054-27 à la p. 51.

[120] Ibid. à la p. 46.

[121] Ibid. à la p. 57.

[122] Ibid. aux p. 60, 61-100.

[123] Ibid.

[124] BSH au par. 66; Sigvaris aux par. 35-37.

[125] Pièce AP-2018-054-27 aux p. 61-100.

[126] Ainsi que les deux autres rapports de certifications ou d’essais d’Oeko-Tex® et de SGS.

[127] Éviter l’utilisation du plomb, de produits chimiques, de solvants ou de teintures de nature corrosive ou cancérogène dans les produits de consommation ou dans leur fabrication.

[128] Pièce AP-2018-054-27 à la p. 9.

[129] Par exemple, F.H. c. McDougall, [2008] 3 RCS 41 aux par. 40-49; Morrison c. La Reine, 2018 CCI 220 aux par. 65-89.

[130] Voir, par exemple, Snell c. Farrell, 1990 CanLII 70 (CSC), [1990] 2 RCS 311; Canadian Northern Quebec R. Co. c. Pleet, 1921 CanLII 518 (ON CA), 50 O.L.R. 223, affd 1921 CanLII 564 (CSC), [1923] 4 DLR 1112; Hoffmann-La Roche Ltd. c. Apotex Inc. (1984), 1984 CanLII 1883 (ON CA), 47 O.R. (2d) 287 à la p. 288.

[131] Transcription de l’audience publique à la p. 27.

[132] Ibid. à la p. 28.

[133] Par exemple, Masai; Toolway.

[134] Ibid. Voir aussi, par exemple, Canada c. Anchor Pointe Energy Ltd., 2007 CAF 188 aux par. 35-36; re J. Humber, AP-2018-062 (TCCE) aux par. 84-87.

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