Appels en matière de douanes et d’accise

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Contenu de la décision

Appel no AP-2020-002

Delta Galil USA Inc.

c.

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Décision rendue
le vendredi 5 mars 2021

Motifs rendus
le jeudi 25 mars 2021

 



EU ÉGARD À un appel entendu les 5 et 6 novembre 2020 aux termes de l’article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 11 février 2020 concernant une demande de révision aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

DELTA GALIL USA INC.

Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

Intimé

DÉCISION

L’appel est accueilli.

Cheryl Beckett

Cheryl Beckett
Membre présidant

L’exposé des motifs suivra à une date ultérieure.

Lieu de l’audience :

par vidéoconférence

Dates de l’audience :

les 5 et 6 novembre 2020

Membre du Tribunal :

Cheryl Beckett, membre présidant

Personnel de soutien :

Helen Byon, conseillère juridique
Isaac Turner, étudiant en droit

PARTICIPANTS :

Appelante

Conseillers/représentants

Delta Galil USA Inc.

Darrel H. Pearson
Sabrina A. Bandali
Katrina Crocker

Intimé

Conseiller/représentant

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Kevin Palframan

TÉMOINS :

Stephen Mastropietro
Vice-président principal, Finances
Delta Galil USA Inc.

Gary Silverstein
Vice-président, Ventes
Delta Galil USA Inc.

Nancy Dickey
Vice-présidente, Mise en marché et Conception
Delta Galil USA Inc.

Diane Robinson
Directrice, Production, Contrôle de la qualité et Services aux clients
Delta Galil USA Inc.

Ambi Srithar
Adjointe aux ventes
Dominion Hosiery Inc.

 

Veuillez adresser toutes les communications à :

La greffière adjointe
Téléphone : 613-993-3595
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

INTRODUCTION

[1] Le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) est saisi d’un appel interjeté par Delta Galil USA Inc. (Delta) conformément au paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes [1] à l’égard d’une décision de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) rendue le 11 février 2020 en vertu du paragraphe 60(4).

[2] Les marchandises en cause sont des sous-vêtements, des vêtements de sport et des chaussettes pour hommes et pour femmes ainsi que des vêtements pour enfants et pour bébés, vendus sous différentes marques, qui ont été importés entre le 12 mars 2014 et le 28 février 2018 (la période visée).

[3] La question en litige dans le présent appel est celle de savoir si, aux fins de la détermination de la valeur en douane selon la méthode de la valeur transactionnelle prévue à l’article 48 de la Loi, la vente pour exportation des marchandises en cause est celle intervenue entre les fournisseurs étrangers et Delta à titre d’« acheteur au Canada » au sens du Règlement sur la détermination de la valeur en douane (le Règlement) [2] .

[4] Pour les motifs exposés ci-après, le Tribunal conclut que la vente pour exportation est celle intervenue entre les fournisseurs étrangers et Delta à titre d’acheteur au Canada. L’appel est donc accueilli.

HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

[5] Le 26 juillet 2016, Delta a été avisée par l’ASFC qu’elle mènerait une vérification de l’observation commerciale, en vertu des articles 42 et 42.01 de la Loi, visant la valeur en douane déclarée des marchandises importées du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2015 [3] . L’ASFC a remis un rapport intérimaire le 29 septembre 2017.

[6] Le 11 décembre 2017, l’ASFC a remis son rapport de vérification final [4] , dans lequel elle a conclu que la valeur des marchandises en cause, importées par Delta, devait être déterminée selon la méthode de la valeur transactionnelle énoncée à l’article 48 de la Loi sur la base du prix payé ou à payer dans le cadre de la vente pour exportation entre Delta, à titre de vendeur des marchandises, et le client détaillant canadien, à titre d’acheteur au Canada au sens du Règlement. Delta était tenue d’effectuer des corrections à la valeur en douane de toutes les marchandises importées au cours de la période visée.

[7] En application de l’article 32.2 de la Loi, Delta a effectué des corrections à ses déclarations de la valeur en douane conformément au rapport de vérification final. Les 11 juin 2018 et 21 juin 2018, l’ASFC a envoyé des relevés détaillés de rajustement en vertu du paragraphe 59(2) [5] .

[8] Le 7 septembre 2018, Delta a demandé une révision en vertu du paragraphe 60(1) de la Loi, faisant valoir que la valeur transactionnelle devrait être fondée sur le prix payé ou à payer dans le cadre de la vente pour exportation entre les fabricants étrangers et Delta, à titre d’acheteur au Canada [6] .

[9] Le 16 mai 2019, l’ASFC a rendu sa décision préliminaire selon laquelle Delta n’était pas un « acheteur au Canada ». Le 11 février 2020, l’ASFC a rendu sa décision définitive confirmant sa décision précédente selon laquelle Delta ne répondait pas à la définition d’acheteur au Canada et la vente pour exportation pertinente au Canada était celle entre Delta et les détaillants canadiens [7] .

[10] Le 4 mai 2020, Delta a déposé son avis d’appel auprès du Tribunal. Le 23 juin 2020, un avis d’appel modifié a été déposé.

[11] Le Tribunal a tenu une audience par vidéoconférence les 5 et 6 novembre 2020. Delta a appelé les cinq témoins suivants : M. Stephen Mastropietro, M. Gary Silverstein, Mme Nancy Dickey, Mme Diana Robinson et Mme Ambi Srithar. L’ASFC n’a appelé aucun témoin.

QUESTION PRÉLIMINAIRE

Marchandises à l’égard desquelles Delta retire son appel

[12] Delta a reconnu que pour un petit nombre de transactions, la valeur en douane était à bon droit fondée sur les transactions entre Delta et les détaillants canadiens. Il s’agissait de marchandises qui avaient été exportées au Canada à partir de son entrepôt aux États-Unis. Delta a admis qu’elle n’avait pas acheté ces marchandises dans le cadre d’une vente pour exportation au Canada, mais que ces marchandises lui avaient plutôt été vendues par des fournisseurs étrangers, étaient destinées au marché américain et avaient été expédiées à son entrepôt aux États-Unis. Toutefois, en raison d’une demande imprévue sur le marché canadien, ces marchandises avaient été utilisées pour remplir des commandes canadiennes. Delta a retiré son appel à l’égard de ces marchandises.

[13] Étant donné que l’ASFC n’a pas contesté les observations de Delta sur cette question, le Tribunal en déduit que les marchandises importées directement de l’entrepôt aux États-Unis ne sont pas en cause en l’espèce.

CADRE LÉGISLATIF

[14] En vertu de l’article 44 de la Loi, une valeur doit être attribuée aux marchandises importées au Canada afin de déterminer les droits de douane qui s’appliquent. Selon l’article 46, la valeur en douane des marchandises importées est déterminée conformément aux articles 47 à 55.

[15] La Loi prévoit diverses méthodes de calcul de la valeur en douanes. Le paragraphe 47(1) prévoit que la valeur transactionnelle sert de base principale d’appréciation. Ce paragraphe stipule ce qui suit :

47 (1) La valeur en douane des marchandises est déterminée d’après leur valeur transactionnelle dans les conditions prévues à l’article 48.

[16] Une condition essentielle prévue au paragraphe 48(1) est que les marchandises doivent être vendues pour exportation au Canada à un acheteur au Canada.

48 (1) Sous réserve des paragraphes (6) et (7), la valeur en douane des marchandises est leur valeur transactionnelle si elles sont vendues pour exportation au Canada à un acheteur au Canada, si le prix payé ou à payer est déterminable [...]

[17] Ce n’est que lorsqu’il est impossible d’évaluer la valeur transactionnelle des marchandises importées qu’une des bases secondaires d’appréciation décrites aux articles 49 à 53 peut être utilisée pour déterminer la valeur en douane.

Acheteur au Canada

[18] Aux fins du paragraphe 48(1) de la Loi, l’expression « acheteur au Canada » est définie à l’article 2.1 du Règlement. La partie pertinente prévoit ce qui suit :

2.1 Pour l’application du paragraphe 45(1) de la Loi, acheteur au Canada s’entend :

a) d’un résident;

b) d’une personne, autre qu’un résident, qui a un établissement stable au Canada;

c) d’une personne, autre qu’un résident, qui n’a pas d’établissement stable au Canada et qui importe les marchandises faisant l’objet de la détermination de la valeur en douane :

(i) pour sa consommation ou son utilisation personnelles et qui ne les destinent pas à la vente,

(ii) pour les vendre au Canada pourvu que, avant leur achat, elle n’ait pas passé un accord visant leur vente à un résident.

[Nos italiques]

[19] L’expression « résident » est définie à l’article 2 du Règlement comme suit :

a) une personne physique qui réside habituellement au Canada;

b) une personne morale qui exerce son activité au Canada et dont la gestion et le contrôle s’exercent au Canada;

c) une société de personnes ou autre organisme non constitué en personne morale qui exerce son activité au Canada, si le membre ou la majorité des membres qui en exercent la gestion et le contrôle résident au Canada. (resident)

[20] L’expression “établissement stable” est définie à l’article 2 du Règlement comme suit :

Lieu d’affaires fixe d’une personne, y compris un siège de direction, une succursale, un bureau, une usine ou un atelier par l’intermédiaire duquel elle exerce son activité. (permanent establishment)

ANALYSE

[21] Le présent appel soulève deux questions importantes en ce qui a trait à l’applicabilité de la valeur transactionnelle aux termes du paragraphe 48(1) de la Loi :

a) Pour l’application du paragraphe 48(1), la vente pour exportation pertinente est-elle la transaction intervenue entre les fournisseurs étrangers et Delta, ou celle intervenue entre Delta et les détaillants canadiens?

b) Dans la mesure où la vente pour exportation pertinente est celle intervenue entre les fournisseurs étrangers et Delta, Delta répond-elle à la définition d’« acheteur au Canada » aux termes de l’alinéa 2.1b) du Règlement?

[22] Delta fait valoir que la transaction pertinente pour l’application du paragraphe 48(1) de la Loi est la vente intervenue entre les fournisseurs étrangers et Delta au motif qu’elle détenait le titre relatif aux marchandises au moment de l’importation au Canada et qu’elle a ensuite gardé les marchandises en stock dans son entrepôt au Canada. Le titre a été transféré aux détaillants canadiens une fois que les marchandises ont quitté l’entrepôt. Selon Delta, la transaction entre Delta et les détaillants canadiens constituait donc une vente sur le marché intérieur ne pouvant pas servir de base pour déterminer la valeur transactionnelle aux termes du paragraphe 48(1).

[23] Pour sa part, l’ASFC fait valoir que la vente pour exportation est la transaction entre Delta et les détaillants canadiens. Elle soutient que la valeur transactionnelle doit inclure la vente à l’acheteur final des marchandises au Canada, en l’occurrence les détaillants.

[24] Pour les motifs exposés ci-après, le Tribunal conclut que l’ASFC a déterminé à tort que la vente pour exportation était la transaction entre Delta et les détaillants canadiens parce qu’à son avis, la vente pour exportation devait être une vente faite à l’acheteur final des marchandises et Delta ne répondait pas à la définition d’acheteur au Canada. Compte tenu de l’ensemble des éléments de preuve et des observations des parties, la vente pour exportation était plutôt celle entre les fournisseurs étrangers et Delta.

[25] Quant à la question de savoir si elle répond à la définition d’acheteur au Canada aux termes de l’alinéa 2.1b) du Règlement, Delta fait valoir qu’elle a un « établissement stable » au Canada. Elle soutient en effet qu’elle a un lieu d’affaires fixe, soit un bureau situé au 7035, Ordan Drive, à Mississauga, en Ontario (les installations). Le bureau était sous-loué par son mandataire, Dominion Hosiery Inc. (DHI), une société liée du Nouveau-Brunswick [8] . Delta affirme qu’elle exerçait son activité aux installations par l’intermédiaire des activités de ses employés et de ses mandataires dépendants (parfois appelés mandataires dépendants), soit DHI et deux employés de DHI [9] .

[26] Pour les motifs exposés ci-après, le Tribunal est d’accord avec Delta et conclut que celle-ci a un établissement stable et qu’elle répond donc à la définition d’acheteur au Canada. Par conséquent, la méthode de la valeur transactionnelle était applicable sur la base du prix payé ou à payer par Delta aux fournisseurs étrangers.

Vente pour exportation au Canada

[27] Afin de déterminer la transaction constituant la « vente pour exportation » pour l’application de l’article 48 de la Loi, le Tribunal a évoqué antérieurement l’arrêt Mattel [10] , où la Cour suprême du Canada a souligné que le transfert du titre était un indicateur clé. La Cour suprême du Canada a affirmé ceci :

Aux fins de détermination de la valeur en douane de marchandises pour l’application de l’art. 48 de la Loi sur les douanes, la vente pour exportation pertinente est celle qui a pour effet de transférer à l’importateur le titre relatif aux marchandises. L’importateur est la partie qui détient ce titre au moment où les marchandises sont introduites au Canada. L’importateur peut être l’intermédiaire ou l’acheteur final, selon l’identité de la partie qui importe les marchandises au pays. Pour déterminer si une vente est faite pour exportation, le lieu de résidence de l’acheteur ou de la partie qui transporte les marchandises est sans importance [11] .

[Nos italiques]

[28] Appliquant l’arrêt Mattel dans l’affaire Cherry Stix Ltd., le Tribunal a examiné les stipulations du contrat de vente et la conduite des parties pour déterminer s’il y avait eu une vente pour exportation [12] . Dans l’affaire Pampered Chef Canada, pour établir s’il y avait eu transfert de titre, le Tribunal s’est penché sur la question de savoir si l’acheteur était responsable des droits de douane et assumait le risque de dommage, de perte, de défaut de livraison et de retour, ainsi que les garanties et la responsabilité du fait des produits lors du transit des marchandises vers le Canada [13] .

[29] Comme il est expliqué ci-après, l’ASFC soutient que l’arrêt Mattel devrait être interprété de façon à ne pas supplanter la signification des mots « acheteur au Canada », qui, selon elle, ont été inclus pour préciser l’intention d’englober la valeur totale des marchandises, c’est-à-dire la valeur de toutes les transactions, de la vente des marchandises par le fabricant, en passant par les intermédiaires, à l’acheteur final au Canada [14] . Essentiellement, l’ASFC fait valoir que l’accent mis sur le transfert de titre dans l’affaire Mattel ne devrait pas empêcher la prise en compte de la valeur de toutes les transactions pour déterminer la valeur en douane.

[30] Il convient de souligner que, dans le présent appel, la position de l’ASFC est que Delta ne répond pas à la définition d’« acheteur au Canada » puisqu’elle n’a pas d’établissement stable au Canada aux termes de l’alinéa 2.1b) du Règlement. L’ASFC reconnaît que, si le Tribunal détermine que Delta répond à la définition d’acheteur au Canada, la vente pour exportation serait celle entre les fournisseurs étrangers et Delta, comme cette dernière l’a affirmé.

[31] Le Tribunal ne souscrit pas à l’analyse faite par l’ASFC des exigences du paragraphe 48(1) de la Loi. Selon le Tribunal, la question de savoir si l’importateur est un « acheteur au Canada », au sens du Règlement, ne devrait pas avoir d’incidence sur la désignation de la transaction appropriée, soit « la vente pour exportation », aux fins de la détermination de la valeur en douane. Pour déterminer si la méthode de la valeur transactionnelle est applicable, l’ASFC doit d’abord désigner correctement la vente pour exportation. Pour ce faire, il faut identifier la personne qui a acheté les marchandises dans le cadre d’une transaction de vente et qui détenait le titre relatif aux marchandises au moment de l’importation. Une fois que l’importateur a été identifié, il faut établir si l’importateur répond à la définition d’« acheteur au Canada ». S’il ne répond pas à la définition d’« acheteur au Canada », la valeur en douane ne peut pas alors être déterminée à l’aide de la méthode de la valeur transactionnelle conformément au paragraphe 48(1).

Processus de production et de vente

[32] Pour désigner correctement la vente pour exportation, le Tribunal doit examiner les faits pertinents entourant l’importation des marchandises en cause au cours de la période visée.

[33] Delta a conclu des contrats avec des fabricants étrangers non liés afin de produire les vêtements qu’elle comptait vendre aux détaillants canadiens. Les ordres de production de Delta à l’intention des fournisseurs étrangers étaient fondés sur des commandes concrètes (c’est-à-dire des ventes confirmées de produits aux détaillants canadiens selon une quantité, un prix et une livraison convenus) ou sur des commandes prévues dans le cadre de programmes de réapprovisionnement de détaillants (c’est-à-dire des ventes pour lesquelles le détaillant n’avait pas fourni d’engagement d’achat ferme, mais pour lesquelles les prévisions de Delta permettaient tout de même de maintenir au Canada des stocks à partir desquels les bons de commande étaient remplis) [15] . En ce qui concerne les marchandises commandées pour la production dans le cadre des programmes de réapprovisionnement de détaillants, Delta assumait le risque de stock excédentaire. Delta achetait les produits d’usines à l’étranger sur une base FAB, et les commandes pour le Canada étaient effectuées séparément de celles pour d’autres marchés, comme les États-Unis [16] .

[34] Les produits de Delta étaient vendus en tant que marchandises de marque en vertu de licences de propriété intellectuelle de sociétés tierces et sous des noms de marques appartenant à Delta. Delta vendait également des produits sous une marque maison pour certains détaillants. Toutefois, les processus de production et de vente étaient les mêmes tant pour les produits de marque que les produits vendus sous une marque maison. Les produits étaient vendus aux détaillants canadiens grâce aux efforts des employés de Delta, dont M. Silverstein, vice-président des ventes, et des employés de DHI, dont M. Silver, directeur des ventes, et Mme Srithar, adjointe aux ventes, ainsi que de divers mandataires des ventes indépendants sous la direction de DHI [17] . Les détaillants concluaient des accords-cadres de services de vendeur ou de fournisseur avec Delta, et des transactions de vente précises étaient effectuées suivant les commandes des acheteurs envoyées au moyen du système d’échange de données informatisées de Delta ou par courriel à l’attention de DHI [18] .

[35] Les marchandises que Delta achetait des usines à l’étranger étaient expédiées à son entrepôt à Mississauga, en Ontario, exploité par Coles International (Coles) [19] . Delta obtenait le titre relatif aux marchandises avant que les marchandises ne quittent le pays d’exportation, soit lorsque celles-ci étaient chargées sur le navire au port ou qu’elles étaient autrement reçues par le transitaire au moment de quitter l’usine à l’étranger. Delta conservait le titre lorsque les marchandises étaient déchargées au port de Vancouver et expédiées à l’entrepôt [20] . Delta assumait entièrement le risque de perte ou de dommage à l’égard des marchandises et assurait ces dernières pour son propre bénéfice [21] . Une fois que les marchandises étaient livrées à l’entrepôt, Delta passait en revue les enregistrements de réception et payait les fournisseurs étrangers [22] .

[36] À l’entrepôt, les membres du personnel de Cole « conditionnaient » [23] [traduction] les produits pour remplir les commandes des acheteurs [24] . Ensuite, les produits étaient expédiés aux détaillants. Les membres du personnel de Delta aux États-Unis exécutaient les fonctions liées aux comptes clients et à la facturation relativement à la vente des marchandises importées à l’intention des détaillants canadiens. Les paiements des détaillants étaient effectués à Delta (les frais de taxe sur les produits et services/taxe de vente harmonisée étaient déclarés à l’Agence du revenu du Canada) et les profits des ventes de Delta étaient déclarés à titre de revenu aux États-Unis [25] . Une fois que les marchandises quittaient l’entrepôt, le titre relatif aux marchandises était transféré de Delta aux détaillants au moment où ces derniers les recevaient.

[37] Ayant examiné le cadre de l’achat et de la vente des marchandises par Delta présenté ci-dessus, le Tribunal conclut qu’il doit prendre deux transactions en considération aux fins de la détermination de la vente pour exportation. La première transaction est la vente de marchandises entre les fournisseurs étrangers et Delta. La seconde transaction est la vente de marchandises entre Delta et les détaillants canadiens. Aucune des parties n’a présenté d’observations selon lesquelles DHI était un acheteur des marchandises. Le Tribunal examinera donc laquelle de ces transactions est la vente pour exportation.

Transaction pertinente

[38] Comme il a été indiqué ci-dessus, aucun élément de preuve remettant en question le fait que Delta détenait le titre relatif aux marchandises au moment de leur importation au Canada n’a été déposé. Ce fait n’a pas été contesté [26] . L’application du principe énoncé dans l’affaire Mattel ferait en sorte que la transaction entre les fournisseurs étrangers et Delta serait la vente pour exportation pour l’application du paragraphe 48(1) de la Loi.

[39] Cependant, selon l’ASFC, la vente pour exportation pertinente est la transaction entre Delta et les détaillants canadiens, malgré le fait que Delta détenait le titre relatif aux marchandises au moment de l’importation. La position de l’ASFC à cet égard s’explique par le fait qu’elle est d’avis que l’exigence de l’« acheteur au Canada » dans la Loi vise à englober la valeur de toutes les transactions avant que les marchandises n’arrivent à l’acheteur final (au Canada) [27] .

[40] L’ASFC a cité le commentaire 22.1 du Comité technique de l’évaluation en douane intitulé Signification de l’expression « vendues pour l’exportation à destination du pays d’importation » appliquée à une série de ventes, qui indique que dans une série de transactions, la « dernière vente », c’est-à-dire la vente à l’acheteur/au détaillant dans le pays importateur, et non la première vente entre le distributeur et le fabricant, devrait être celle utilisée pour déterminer la valeur transactionnelle [28] . Pour illustrer ce point, l’ASFC a repris le scénario présenté par le Comité :

1) Le détaillant A est établi dans le pays d’importation I.

2) Le distributeur B est établi dans le pays Y.

3) Le détaillant A et le distributeur B concluent un contrat d’achat/vente de certains stylos.

4) Le distributeur B conclut un contrat avec le fabricant C dans le pays X pour l’achat des stylos.

5) Les stylos seront expédiés directement du pays de fabrication au détaillant A.

[41] Le Comité a indiqué que la dernière vente dans cette série est celle intervenue entre le distributeur B et le détaillant A. L’ASFC fait valoir que ce scénario diffère de la présente affaire dans la mesure où Delta était l’importateur officiel, détenait le titre au moment de l’importation et payait les droits et les taxes au moment de l’importation. Toutefois, elle affirme que ces faits ne sont pas pertinents pour déterminer la « dernière vente » devant être reconnue comme la « vente pour exportation » appropriée.

[42] L’ASFC soutient que l’accent mis par la Cour suprême du Canada sur le transfert de titre dans l’affaire Mattel a été pris hors contexte. Les faits de cette affaire ne concernaient qu’un seul acheteur au Canada, Mattel Canada Inc., qui voulait utiliser la première d’une série de ventes, soit celle entre le vendeur étranger (Mattel É.-U.) et le fournisseur étranger, pour déterminer la valeur transactionnelle. L’ASFC fait donc valoir que la Cour suprême du Canada a mis l’accent sur le fait que Mattel Canada Inc. détenait le titre au moment de l’importation. L’ASFC souligne également que, dans l’affaire Mattel, la Cour suprême du Canada était consciente de l’approche de la « dernière vente » et de la prise en compte de la transaction entière pour déterminer la valeur en douane des marchandises. À cet égard, la Cour suprême du Canada a affirmé ceci :

Lorsque les marchandises ne sont pas transportées en territoire canadien, une vente entre deux sociétés étrangères ne peut généralement pas constituer une exportation. Elle peut constituer la première d’une série de ventes aboutissant à une vente pour exportation, mais elle ne peut généralement pas être une vente pour exportation [...].

Mon analyse du sens ordinaire du mot « exportation » est renforcée par les répercussions insolites que pourrait avoir le fait de considérer qu’une vente entre les fabricants étrangers et l’intermédiaire constituait une vente pour exportation au Canada. Si une telle vente était considérée comme une vente pour exportation au Canada, les importateurs seraient tentés d’adopter, en matière d’importation, une [traduction] « attitude du genre “Multiplions les intermédiaires!” » (M. K. Neville, Jr., « “First‑Sale‑For‑Export” Rule Represents a Major Victory for Importers » (1996), 7 J. Int’l Tax’n 72, p. 75). Plutôt que d’avoir un système de distribution à trois étapes, les importateurs pourraient vouloir établir cinq, six ou sept étapes, le prix appliqué à chacune de ces étapes étant proportionnellement moins élevé qu’à la suivante [29] .

[Nos italiques]

[43] Tant Delta que l’ASFC soutiennent que le paragraphe 48(1) de la Loi a été modifié pour ajouter l’exigence de l’« acheteur au Canada » de façon à préciser l’applicabilité de la méthode de la valeur transactionnelle, et non pour modifier la pratique existante. Cependant, selon l’ASFC, l’ajout des mots « acheteur au Canada » visait à faire en sorte que la valeur à laquelle les droits s’appliquent est celle établie lorsque toutes les transactions ont été effectuées. En revanche, Delta fait valoir que la modification avait pour but d’empêcher que les sociétés étrangères incluent dans la valeur en douane les transactions qui ont lieu entièrement à l’étranger et qui ne visent pas le transport des marchandises au Canada.

[44] Le Tribunal est d’accord avec les observations de Delta quant à l’objectif visé par la modification. L’ajout des mots « acheteur au Canada » visait à préciser que la valeur en douane au paragraphe 48(1) de la Loi doit avoir trait à une transaction dans le cadre de laquelle les marchandises sont introduites au Canada. Il s’ensuit que la vente pour exportation visée au paragraphe 48(1) doit faire intervenir l’importateur détenant le titre relatif aux marchandises au moment de leur entrée au Canada. Le fait que l’importateur puisse ne pas être l’acheteur final des marchandises a été clairement envisagé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Mattel. Il convient de répéter que la Cour suprême du Canada a déclaré que « [l]’importateur est la partie qui détient ce titre au moment où les marchandises sont introduites au Canada. L’importateur peut être l’intermédiaire ou l’acheteur final, selon l’identité de la partie qui importe les marchandises au pays » [30] [nos italiques]. En d’autres termes, si l’intermédiaire est l’importateur, la vente à l’intermédiaire est déterminante quant à la valeur transactionnelle.

[45] Le Tribunal n’est pas persuadé que le principe de la « dernière vente » énoncé par le Comité signifie que la vente entre Delta et les détaillants canadiens devrait être utilisée pour déterminer la valeur en douane. Le Comité a clairement indiqué que la dernière vente doit avoir lieu avant l’importation.

Le Comité technique conclut que, dans une série de ventes, le prix effectivement payé ou à payer pour les marchandises importées lorsqu’elles sont vendues pour l’exportation à destination du pays d’importation est le prix payé pour la dernière vente intervenue avant l’introduction des marchandises dans le pays d’importation, et non celui payé pour la première vente (vente antérieure). Cette interprétation est conforme à l’ensemble du texte et à la portée de l’Accord [31] .

[Nos italiques]

[46] La vente intervenue entre Delta et les détaillants canadiens ne représente pas la dernière vente qui a eu lieu avant l’introduction des marchandises au Canada. À la lumière des faits décrits ci‑dessus, la dernière vente est plutôt celle intervenue entre les fournisseurs étrangers et Delta, qui détenait le titre relatif aux marchandises au moment de leur introduction au Canada et de leur arrivée à l’entrepôt de Delta à Mississauga. Delta a détenu le titre jusqu’au moment où les marchandises ont quitté l’entrepôt pour être livrées aux détaillants canadiens. Par conséquent, le transfert de titre entre Delta et les détaillants canadiens a eu lieu après que les marchandises ont été introduites au Canada. Cette vente ne constituait donc pas une « vente pour exportation ».

[47] Ayant conclu que la vente pour exportation était celle entre les fournisseurs étrangers et Delta, le Tribunal se penchera maintenant sur la question de savoir si Delta est un « acheteur au Canada » au sens du Règlement.

Acheteur au Canada

[48] Le Règlement prévoit trois cas où une entité sera considérée comme un « acheteur au Canada ». Le premier cas (alinéa 2.1a)) exige que l’entité soit un « résident » du Canada, terme défini dans le Règlement. Les parties conviennent que Delta n’est pas une résidente du Canada. En effet, la preuve au dossier confirme que Delta a été constituée dans l’État du Delaware aux États-Unis [32] . Les deuxième et troisième cas (alinéas 2.1b) et c)) définissent les conditions qu’un non-résident doit remplir pour pouvoir être considéré comme un « acheteur au Canada ».

[49] Un non-résident peut être considéré comme un « acheteur au Canada » s’il remplit le critère énoncé à l’alinéa 2.1b), c’est-à-dire s’il a un « établissement stable » au Canada au sens du Règlement, ou s’il remplit le critère énoncé au sous-alinéa 2.1c)(ii), c’est-à-dire s’il n’a pas d’établissement stable au Canada, mais qu’il doit importer les marchandises pour les vendre au Canada, pourvu qu’il n’ait pas passé, avant l’achat, un accord visant leur vente à un résident. Pour les motifs exposés ci-après, le Tribunal conclut que Delta est un « acheteur au Canada » au sens de l’alinéa 2.1b).

[50] En ce qui concerne le concept d’« établissement stable », le Règlement prévoit comme première exigence que la personne ait un « lieu d’affaires fixe » au Canada, qui peut être « un siège de direction, une succursale un bureau, une usine ou un atelier ». La deuxième exigence est que la personne « exerce son activité ». Cependant, l’activité de la personne doit être exercée « par l’intermédiaire » du lieu d’affaires fixe. L’existence d’un établissement stable au Canada est donc déterminée en fonction des faits propres à la situation.

[51] Le concept d’« établissement stable » a été examiné rigoureusement dans la jurisprudence fiscale. Delta renvoie le Tribunal à l’affaire AIL [33] instruite par la Cour canadienne de l’impôt pour son analyse du concept de mandataire dépendant et de l’application de ce concept dans le cadre d’une analyse quant à l’établissement stable. À l’inverse, l’ASFC fait valoir que les décisions où ce concept a été interprété sous le régime de la Loi de l’impôt sur le revenu n’aident pas à interpréter la Loi, car ces deux lois ont des objets différents.

[52] Le Tribunal souligne que la définition d’« établissement stable » dans le Règlement reflète étroitement le libellé initialement élaboré dans le cadre des dispositions législatives fiscales. Pour interpréter le sens d’« établissement stable », le Tribunal juge utile d’examiner la jurisprudence dans laquelle ce concept a été analysé. La Loi et le Règlement ne précisent pas les éléments de la définition d’établissement stable, soit un « [l]ieu d’affaires fixe d’une personne [...] par l’intermédiaire duquel elle exerce son activité ». De même, dans l’affaire FosterGrant [34] , la Cour d’appel fédérale s’est penchée sur les définitions juridiques établies dans d’autres contextes dans le cadre de son examen du sens de l’expression « exercer son activité » aux termes du Règlement. Elle a affirmé ceci :

Il existe bon nombre de précédents sur le sens de l’expression « exercer son activité » [...]. Aucune disposition de la Loi sur les douanes ou du Règlement sur la détermination de la valeur en douane ne donne à entendre que l’expression « exerce son activité » devrait être interprétée d’une manière qui ne s’accorde pas avec ces définitions juridiques officielles [...] [35] .

[53] Le Tribunal examinera donc minutieusement la jurisprudence fiscale, comme il en sera question plus loin, tout en tenant compte de la règle moderne d’interprétation législative telle qu’elle s’applique à l’interprétation du Règlement [36] .

[54] Pour déterminer si une entité non résidente américaine était tenue de payer de l’impôt sur le revenu au Canada, la Cour canadienne de l’impôt, dans l’affaire AIL, a dû examiner si l’entité avait un établissement stable au Canada aux termes de la Convention fiscale entre le Canada et les États-Unis d’Amérique (la Convention fiscale) [37] . La Cour canadienne de l’impôt a souligné que deux analyses distinctes doivent être effectuées pour l’évaluation de l’« établissement stable » aux termes de la Convention fiscale, tel qu’il est exposé ci-dessous :

34. La Convention prévoit une analyse en deux volets quant à la question de l’« établissement stable » : le paragraphe V(1) (installation fixe d’affaires) et les paragraphes V(5) et (7) (mandataire dépendant). Si l’analyse quant à l’installation fixe d’affaires n’entraîne pas une conclusion selon laquelle il existe un établissement stable, alors il faut passer à l’analyse quant à l’établissement stable de l’agent dépendant. Bien qu’il y ait un certain chevauchement entre les facteurs à prendre en compte dans les deux analyses, il est important, dans un souci de clarté, de ne pas perdre de vue laquelle des analyses est effectuée. Les facteurs clés dans l’analyse de l’installation fixe d’affaires sont les suivants :

(i) l’existence d’une installation d’affaires;

(ii) le degré de permanence d’une telle installation;

(iii) l’exercice par AIL d’une activité par l’intermédiaire de cette installation fixe.

35. Les facteurs clés dans l’analyse de l’établissement stable d’un agent dépendant sont les suivants :

  • (a) les pouvoirs permettant à un agent de conclure des contrats au Canada;

  • (b) la question de savoir si l’agent jouissait d’un statut indépendant, tant sur le plan juridique que sur le plan financier;

  • (c) la question de savoir si l’agent agissait dans le cadre ordinaire de son activité.

36. Dans les deux analyses, il faut trancher la question de savoir quelle activité est exercée par les agents. L’appelante soutient que deux activités sont exercées – l’activité de ventes de produits d’assurance d’AIL et l’activité de sollicitation de telles ventes par des agents qui agissent à titre d’entrepreneurs indépendants. L’intimée soutient que la seule activité exercée est celle d’AIL et que les agents, dans l’exercice de leurs fonctions consistant à solliciter des ventes, exercent en fait l’activité d’AIL. Certains peuvent considérer que cet exercice revient à couper les cheveux en quatre, mais, pour le meilleur ou pour le pire, c’est souvent ce que la loi prévoit. Ce qui suit est l’analyse où on coupe les cheveux en quatre [38] .

[55] La définition d’« établissement stable » est plus large et complète dans la Convention fiscale [39] que dans le Règlement. Notamment, en l’absence d’une installation fixe d’affaires (aux termes du paragraphe V(1) de la Convention fiscale) [40] , il peut y avoir un établissement stable découlant de l’existence d’un mandataire dépendant (au titre de l’article V(5) [41] , mais pas de celle d’un mandataire indépendant, qui est expressément exclu en vertu de l’article V(7) [42] ). À titre de comparaison, le Règlement ne prévoit aucune option permettant de satisfaire à l’exigence d’un établissement stable uniquement par l’intermédiaire d’un mandataire dépendant en l’absence d’un lieu d’affaires fixe.

[56] Le Tribunal conclut que le raisonnement de la Cour canadienne de l’impôt relativement au premier volet de l’analyse quant à l’établissement stable devrait être appliqué à la définition d’« établissement stable » prévue par le Règlement. Le Tribunal n’est pas d’avis que ce sont des facteurs propres à un objectif particulier ayant trait à la fiscalité, mais plutôt qu’ils découlent naturellement du sens ordinaire des expressions « lieu d’affaires fixe » et « exercer son activité ».

[57] En tenant compte des dispositions de la Convention fiscale, des commentaires de l’Organisation de coopération et de développement économiques et de la jurisprudence pertinente, la Cour canadienne de l’impôt, dans l’affaire AIL, a décrit ainsi ses « lignes directrices » pour la détermination de ce qui constitue un établissement stable dans le cadre du premier volet :

  1. Un établissement stable requiert une installation fixe d’affaires signifiant :

  • a) qu’il existe une installation d’affaires;

  • b) qu’il y a un degré de stabilité d’une telle installation;

  • c) que l’exercice de l’activité de l’entreprise a lieu par l’intermédiaire d’une telle installation fixe.

  1. Il n’est pas nécessaire que l’entreprise possède ou loue la propriété pour qu’il s’agisse d’une installation fixe d’affaires.

  2. Il n’est pas nécessaire que les locaux soient utilisés exclusivement par AIL.

  3. Il devait être tenu compte des facteurs suivants pour déterminer si l’activité d’AIL est exercée à partir d’une installation fixe d’affaires :

- l’utilisation des locaux par AIL

- le contrôle par AIL à l’égard des locaux

- le droit d’exercer le contrôle sur les locaux

- le degré auquel les locaux sont identifiés à l’activité d’AIL

- qui payait les dépenses liées aux locaux

- qui payait l’équipement utilisé dans les locaux

- qui prenait les décisions administratives

- quels étaient les contrats conclus à partir des locaux

- quels produits AIL gardait-elle dans les locaux

- AIL avait-elle des employés canadiens

- qui assumait les risques liés à l’exploitation à partir de locaux

- combien d’entreprises l’agent représentait-il

- les agents devaient-ils suivre des instructions détaillées ou étaient-ils assujettis à un contrôle complet [43]

[58] Pour ce qui est de son examen de la notion de mandataire dépendant, la Cour canadienne de l’impôt a souligné que l’existence de mandataires dépendants est une indication que l’entreprise exerce son activité à partir d’une installation fixe. En effet, si les mandataires sont dépendants, ils exercent l’activité du mandant, non leur propre activité [44] . Le Tribunal ne voit aucune raison de conclure autrement dans le contexte de l’évaluation en douane [45] . Un importateur non résident peut choisir d’exercer son activité au Canada par l’intermédiaire d’un mandataire dépendant. Il n’y a aucune disposition dans le Règlement qui empêche une telle structure opérationnelle.

[59] Le Tribunal est d’avis que l’examen de la notion de mandataire dépendant est conforme au libellé de l’alinéa 2.1b) du Règlement, qui requiert que l’importateur ait un établissement stable. Comme l’a fait valoir Delta, le Tribunal n’a pas besoin de déterminer si Delta est un établissement stable au Canada, mais seulement si celle-ci en a un. Aucune disposition dans la Loi ou le Règlement n’empêche un importateur non résident de structurer son établissement stable par l’intermédiaire, notamment, d’une personne morale distincte qui en est dépendante. Une interprétation qui restreindrait autrement la forme sous laquelle l’importateur non résident a un lieu d’affaires fixe par l’intermédiaire duquel il exerce son activité n’est pas, selon le Tribunal, étayée par les termes de la définition lus dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical. Dans ce contexte, le Tribunal trouve pertinents les commentaires formulés par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Shell, que la Cour d’appel fédérale a jugé bon appliquer à la Loi.

[40] [...] la jurisprudence fiscale de notre Cour est bien établie : l’examen de la « réalité économique » d’une opération donnée ou de l’objet général et de l’esprit de la disposition en cause ne peut jamais soustraire le tribunal à l’obligation d’appliquer une disposition non équivoque de la Loi à une opération du contribuable. Lorsque la disposition en cause est claire et non équivoque, elle doit simplement être appliquée [...].

[...]

[43] [...] La jurisprudence de notre Cour est constante : les tribunaux doivent par conséquent faire preuve de prudence lorsqu’il s’agit d’attribuer au législateur, à l’égard d’une disposition claire de la Loi, une intention non explicite [...]. En concluant à l’existence d’une intention non exprimée par le législateur sous couvert d’une interprétation fondée sur l’objet, l’on risque de rompre l’équilibre que le législateur a tenté d’établir dans la Loi [46] .

[60] Le Tribunal refuse donc d’imposer d’autres restrictions au sens des mots « exerce son activité », comme l’exigence selon laquelle l’activité de l’importateur non résident doit être exercée par lui-même et non par une entité juridique distincte. La reconnaissance d’un mandataire dépendant en ce qui a trait à la détermination de la question de savoir si le mandant, soit l’importateur non résident, exerce son activité est également conforme aux principes établis par le Tribunal dans l’affaire Brunswick, où le Tribunal a affirmé ceci :

Cependant, la présomption de l’existence d’une entité juridique distincte peut être réfutée dans des circonstances exceptionnelles. Lorsque la structure corporative établie a un caractère fictif, lorsqu’une société est entièrement dépendante de l’autre ou sa marionnette ou lorsqu’une filiale est « à la merci de la compagnie mère et doit lui obéir au doigt et à l’œil », les cours canadiennes ont « levé le voile de la compagnie » et ont conclu que les deux corporations ne formaient qu’une seule entité [47] .

[Nos italiques, note de bas de page omise]

[61] De plus, il n’y a aucune raison de conclure que seules les personnes physiques ont qualité pour agir à titre de mandataires dépendants. À cet égard, Delta a fait valoir que le mémorandum D de l’ASFC prévoit explicitement qu’un importateur non résident peut exercer ses activités par l’intermédiaire de celles de mandataires dépendants, mais ceux-ci se limitent aux personnes physiques, plutôt qu’aux entités juridiques distinctes du non-résident. La partie pertinente du mémorandum D de l’ASFC indique ceci :

Pour déterminer si les activités de l’acheteur au Canada sont en totalité ou en partie exercées par l’intermédiaire d’un lieu d’affaires fixe au Canada, la nature des activités exercées principalement par les employés de l’entité commerciale au Canada doit présenter un lien évident avec celles de l’acheteur au Canada. Le cas échéant, l’acheteur sera considéré comme ayant respecté la définition « d’établissement stable ».

Note : Une relation employeur-employé s’entend d’un employeur qui exerce un contrôle sur les employés grâce à la capacité, l’autorité ou le droit d’un payeur de diriger son personnel quant à la manière dont le travail est fait et au travail qui doit être fait. Les mandataires dépendants qui travaillent au lieu d’affaires fixe d’un acheteur au Canada sont également considérés comme respectant l’exigence en question. Les mandataires dépendants sont définis comme étant des personnes autorisées par l’acheteur à travailler pour lui au lieu d’affaires fixe de la même façon que le ferait un employé [48] .

[Nos italiques]

[62] Pour les motifs exposés ci-dessus, le Tribunal convient qu’il n’y a aucune raison de limiter les mandataires dépendants aux personnes physiques et qu’une telle interprétation limiterait d’une manière qui n’est pas justifiée par le libellé du Règlement la capacité du non-résident d’organiser ses affaires commerciales. Un mandataire peut être une personne morale telle qu’une société.

[63] Ayant déterminé que l’activité exercée par un mandataire dépendant peut être évaluée dans le cadre de l’analyse quant à l’établissement stable pour l’application du Règlement, le Tribunal doit finalement déterminer si l’importateur non résident exerce son activité par l’intermédiaire de son lieu d’affaires fixe. À cet égard, le Tribunal conclut qu’il n’y a aucune raison en l’espèce de déroger à la définition fournie par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire FosterGrant, c’est-à-dire qu’il apparaît évident qu’une entreprise qui achète et vend des marchandises pour son propre compte dans un but lucratif exerce une activité [49] .

Lieu d’affaires fixe

[64] Delta soutient qu’elle a un lieu d’affaires fixe au Canada aux installations sous-louées par DHI [50] . Soulignant les exemples de lieux d’affaires fixes prévus dans le Règlement, c’est-à-dire « un siège de direction, une succursale, un bureau, une usine ou un atelier », Delta affirme que les installations devraient être considérées comme sa succursale, son bureau ou sa division. Le bureau servait de lieu de rencontre, de salle d’exposition et d’espace de travail par l’intermédiaire duquel Delta exploitait sa division Delta Socks au Canada [51] . Les locaux à bureaux étaient utilisés et occupés par des employés à temps plein de DHI, qui exerçaient les activités de Delta au Canada, de même que par des employés de Delta, à l’occasion.

[65] Pour sa part, l’ASFC soutient que Delta n’a pas d’établissement stable au Canada puisque celle-ci n’a pas d’intérêt juridique dans les installations fixes d’où elle exerçait son activité. En d’autres termes, les installations constituaient un lieu d’affaires fixe, mais c’était celui de DHI et non de Delta. L’ASFC fait valoir que le Règlement mentionne un lieu d’affaires fixe d’une personne et que Delta doit avoir un droit reconnu par la loi à l’égard du bien. Le Tribunal n’est pas d’accord. Le fait que Delta ne possède ou ne loue pas les installations, ou qu’elle n’ait pas de droit explicite à son usage exclusif, ne l’empêche pas d’avoir un lieu d’affaires fixe. Le Tribunal souscrit à l’argument de Delta selon lequel le Règlement, qui mentionne simplement un « lieu d’affaires fixe d’une personne », n’impose pas d’obligation légale de propriété ou de tenure à bail à l’égard des biens. L’imposition d’une telle obligation nécessiterait une interprétation du mot « de » qui va au-delà de son sens ordinaire. Selon le Tribunal, il suffit qu’il y ait une relation entre les installations et l’importateur non résident qui permette de remplir le deuxième volet de la définition d’établissement stable, soit que l’activité de la personne est exercée par l’intermédiaire du lieu d’affaires fixe.

[66] Après avoir examiné les éléments de preuve au dossier, le Tribunal conclut que Delta a démontré qu’elle a un lieu d’affaires fixe. D’abord, les locaux à bureaux étaient de nature permanente en vertu du sous-bail de DHI visant les installations. Le fait que Delta ne louait pas directement les biens n’est pas, selon le Tribunal, un motif suffisant pour conclure que les installations ne constituaient pas le lieu d’affaires fixe de Delta. Même si Delta n’était pas la sous-locataire, les éléments de preuve démontrent clairement qu’elle exerçait un contrôle sur les installations. Par exemple, toute modification au bail, y compris au tarif de location, nécessite l’approbation de Delta [52] . Même si les paiements de location étaient effectués par DHI, les fonds visant à payer ces coûts ainsi que d’autres frais de bureau tels que les factures de téléphone et les services de technologie de l’information étaient transférés de Delta à DHI en vertu d’un contrat de constitution en personne morale conclu entre les parties, comme il en sera question plus en détail ci-après [53] .

[67] Delta détenait également une assurance de biens visant les installations [54] . Toutes les dépenses pour DHI et les installations étaient examinées et approuvées par M. Mastropietro, vice-président principal chargé des finances de Delta [55] .

[68] Toutes les zones des installations, y compris le bureau, la salle d’exposition et les salles de réunion, étaient utilisées exclusivement par les employés de DHI [56] pour exercer l’activité de Delta et, à l’occasion, par les employés de Delta [57] . Pour faciliter la vente des produits de Delta, DHI tenait une salle d’exposition et présentait les produits de Delta aux installations. Les salles de conférence étaient utilisées pour tenir des réunions et des présentations de ventes auprès des clients de Delta de même que pour fournir un espace de travail aux employés de Delta lorsque ceux-ci se présentaient au bureau [58] .

[69] Delta avait un accès complet aux installations et pouvait les utiliser entièrement; essentiellement, le bureau était à sa disposition. Même si les employés de Delta n’avaient pas les clés pour accéder aux installations, le Tribunal conclut que cela n’était pas nécessaire compte tenu de la relation entre Delta et DHI. Par exemple, M. Silverstein a indiqué qu’il pouvait toujours communiquer avec les membres du personnel de DHI concernant l’accès au bureau lors de ses visites [59] .

[70] De plus, les éléments de preuve démontrent que les installations étaient reconnues par les clients comme le lieu d’affaires de Delta au Canada. L’adresse des installations figurait dans les accords de vente conclus par Delta avec les détaillants canadiens [60] . Les employés de DHI se présentaient aux clients comme une sous-division de Delta, c’est-à-dire Delta Socks, une division de Delta [61] .

[71] La conclusion du Tribunal selon laquelle les activités exercées aux installations constituaient l’activité de Delta est également confirmée par l’analyse ci-après du Tribunal quant à la relation de mandataire dépendant entre Delta et DHI, ainsi qu’à celle entre Delta et les deux employés, M. Silver et Mme Srithar.

[72] Comme le Tribunal a déterminé que Delta a un lieu d’affaires fixe, il examinera maintenant si la seconde exigence a été satisfaite, plus précisément si Delta exerçait son activité par l’intermédiaire de son lieu d’affaires fixe.

Exercice de son activité

[73] Delta fait valoir qu’elle répond à la définition d’acheteur au Canada, car elle exerce son activité d’achat et de vente de marchandises en vue d’en tirer un profit par l’intermédiaire des actions de ses employés et de ses mandataires dépendants, soit DHI et les employés de cette dernière, M. Silver (directeur des ventes) et Mme Srithar (adjointe aux ventes). Étant donné qu’elle exerçait un contrôle sur DHI et sur ses deux employés, Delta soutient que DHI n’était pas une entité distincte exerçant sa propre activité, mais qu’elle exerçait l’activité de Delta au Canada; DHI était un « prolongement de Delta » [62] [traduction]. Essentiellement, Delta affirme que sa décision de structurer ses activités canadiennes par l’intermédiaire de ses mandataires dépendants était une pratique commerciale légitime qui ne devrait pas l’empêcher d’être considérée comme un « acheteur au Canada ».

[74] L’ASFC fait valoir que Delta n’achetait et ne vendait pas de marchandises dans un but lucratif au Canada. Même si l’ASFC ne conteste pas le fait que Delta exerce une activité, elle soutient que celle-ci n’était pas exercée au Canada au bureau de DHI, mais plutôt à son bureau aux États-Unis. Le fait que les employés de Delta visitaient occasionnellement le bureau ne signifie pas que les ventes étaient effectuées à partir du bureau canadien. Delta exerçait simplement des fonctions de supervision, en fournissant des lignes directrices et des instructions, à l’égard de son mandataire, DHI. De plus, comme les contrats de vente étaient passés entre Delta et les détaillants, les ventes n’étaient pas effectuées au Canada. À cet égard, l’ASFC souligne que les fonctions liées à la facturation et aux comptes clients étaient également exercées par l’intermédiaire du bureau américain et que les profits étaient déclarés aux fins de l’impôt sur le revenu aux États-Unis. De plus, les ordres de production à l’intention des fournisseurs étrangers de Delta provenaient du bureau américain de Delta.

[75] En ce qui concerne les activités de DHI et de ses employés, l’ASFC affirme que DHI est une entité juridique distincte et qu’à ce titre, ses activités ne peuvent être attribuées à Delta. Selon l’ASFC, les faits en l’espèce ne justifient pas que le Tribunal perce le voile de la personnalité morale et fasse abstraction de la façon dont les entreprises ont été fondées, en tant qu’entités juridiques distinctes [63] . D’après l’ASFC, DHI n’exerçait pas une activité au sens où cette expression est définie dans l’affaire FosterGrant, c’est-à-dire qu’elle n’achetait et ne vendait pas de marchandises pour son propre compte dans un but lucratif. DHI fournissait simplement les services d’un mandataire des ventes rémunéré à la commission aux termes de l’accord de représentation commerciale conclu entre les parties. DHI ne tirait pas de profit des ventes et n’assumait pas de responsabilité ou de risque à l’égard de celles-ci. L’ASFC soutient que DHI n’avait pas le pouvoir de conclure des contrats pour le compte de Delta, soulignant qu’il s’agit d’un élément clé de la définition de « mandataire dépendant » aux fins de l’impôt sur le revenu. L’ASFC fait valoir que les activités des employés de DHI se limitaient au soutien aux ventes et que ceux-ci ne touchaient pas aux bons de commande pour les produits devant être vendus par Delta.

[76] Comme il a été mentionné précédemment, le Tribunal est d’avis qu’un importateur non résident peut démontrer qu’il exerce son activité par l’intermédiaire de son lieu d’affaires fixe et d’un mandataire dépendant. Par conséquent, dans la mesure où Delta peut démontrer que DHI et ses employés sont des mandataires dépendants, les activités commerciales des mandataires dépendants sont présumées être celles de Delta. De plus, la question dont est saisi le Tribunal est celle de savoir si Delta exerce son activité par l’intermédiaire du lieu d’affaires fixe grâce aux actions de ses employés et de ses mandataires, soit DHI et les deux employés. L’ensemble de la preuve afférente à chacun de ces éléments doit être pris en considération pour déterminer si Delta a satisfait à l’exigence liée à l’exercice de son activité.

[77] Même si Delta soutient que DHI a conclu des contrats de vente pour le compte de Delta avec les détaillants canadiens, compte tenu des éléments de preuve au dossier, le Tribunal est d’accord avec l’ASFC pour dire que c’est Delta qui était partie à ces contrats et non DHI [64] . Toutefois, bien que la question de savoir si le mandataire a le pouvoir de conclure des contrats pour le compte de son mandant puisse être un facteur pertinent, ce n’est pas un facteur déterminant à l’égard du statut de DHI à titre de mandataire dépendant dans le contexte d’une analyse quant à l’établissement stable pour l’application du Règlement (c’est-à-dire l’analyse quant à l’exercice de son activité par l’intermédiaire d’un lieu d’affaires fixe). Tel qu’il a été mentionné précédemment, le Tribunal distingue le second volet de l’analyse quant à l’établissement stable dans l’affaire AIL de l’analyse pour l’application du Règlement. Dans l’analyse quant à l’établissement stable pour l’application du paragraphe V(5) de la Convention fiscale (analyse relative au mandataire dépendant), il est expressément prévu que le mandataire doit avoir le pouvoir de conclure des contrats. Le Règlement ne contient aucune disposition ou exigence du genre.

[78] Pour ce qui est des arguments de l’ASFC concernant le fait que les impôts sur le revenu de Delta n’étaient pas payés au Canada, le Tribunal n’est pas convaincu que cet élément est déterminant quant au lieu où Delta exerce son activité. Il n’y a pas d’élément de preuve au dossier permettant au Tribunal de déterminer si Delta doit payer des impôts sur le revenu au Canada, et d’ailleurs, une telle question ne relève pas de la compétence du Tribunal. Le Tribunal ne peut donc pas tirer une inférence défavorable fondée sur le fait que Delta déclare son revenu aux fins de l’impôt aux États‑Unis [65] . Le Tribunal doit tenir compte de l’ensemble des éléments de preuve au dossier en l’espèce afin de déterminer si Delta exerce son activité par l’intermédiaire de son lieu d’affaires fixe au sens du Règlement.

[79] Pour les motifs exposés ci-après, le Tribunal conclut que, durant la période visée, DHI et les deux employés étaient des mandataires dépendants de Delta. Par conséquent, toutes leurs activités étaient exercées pour le compte de Delta. De plus, grâce aux activités de ses mandataires dépendants et de ses propres employés, Delta exerçait son activité par l’intermédiaire de son lieu d’affaires fixe.

Statut de mandataire dépendant

[80] Selon l’accord de représentation commerciale conclu entre Delta [66] et DHI en 2006 et modifié en 2013 [67] , DHI était autorisée, sous réserve de l’approbation de Delta, à vendre les produits de Delta au Canada [68] . L’accord prévoyait également la prestation de divers services par DHI, dont l’analyse de marché, le service à la clientèle, le traitement des commandes (les achats), les prévisions de vente et le contrôle des stocks. Essentiellement, comme l’a indiqué M. Mastropietro dans son témoignage de vive voix, l’accord visait la prestation, par DHI, de services permettant à Delta d’exercer son activité au Canada. DHI touchait une rémunération sous la forme d’un revenu de commission fondé sur un pourcentage des ventes au Canada [69] .

[81] En ce qui a trait aux responsabilités de Delta, l’accord prévoyait que Delta établirit les prix, les modalités et les conditions des ventes, et fournirait les devis. Delta avait aussi la responsabilité de fournir un soutien administratif à DHI, notamment en ce qui a trait aux systèmes informatisés pour les achats, au traitement des commandes et à l’inventaire permanent [70] .

[82] L’ASFC renvoie à une clause de l’accord (l’article VIII) pour réfuter la relation de dépendance.

Il est entendu que le mandataire peut se présenter comme étant lié au grossiste, mais qu’il assume par la présente l’entière responsabilité des assertions qui n’ont pas été sanctionnées ou approuvées par le grossiste ou son représentant désigné [71] .

[Traduction]

[83] Le Tribunal estime que l’article VIII de l’accord n’est pas probant quant à la véritable relation entre les parties. Le Tribunal est d’avis que l’accord de représentation commerciale servait d’entente entre deux personnes morales liées, assujetties à une direction et à un contrôle communs [72] . L’article VIII vise à limiter certaines responsabilités d’une partie au contrat pour les assertions faites par l’autre partie. Il ne s’agit pas d’une preuve de facto de l’indépendance du mandataire à l’égard du mandant. Pour évaluer la nature du mandat, le Tribunal peut aller au-delà des dispositions de l’accord. À cet égard, M. Mastropietro a indiqué que même si la relation « était structurée comme une simple entente de services, [DHI] exerçait ses activités en tant que prolongement de Delta » [73] [traduction]. À la lumière des éléments de preuve dont il dispose, le Tribunal est d’accord.

[84] Les éléments de preuve indiquent que le directeur des ventes, M. Silver, et l’adjointe aux ventes, Mme Srithar, de DHI étaient directement et régulièrement supervisés par les cadres de Delta, plus précisément M. Silverstein, vice-président des ventes de Delta [74] . Dans le contexte de toutes les activités exercées par les employés de DHI, tel qu’il sera exposé ci-après, ceux-ci communiquaient fréquemment avec les cadres de Delta et leur présentaient couramment des rapports.

[85] Les éléments de preuve indiquent également que M. Silver et Mme Srithar étaient traités comme des employés de Delta [75] . Toutes les décisions liées à l’emploi et à la rémunération en ce qui concerne les deux employés de DHI étaient prises par Delta conformément à ses politiques en matière de ressources humaines. Par exemple, les augmentations de salaire et les primes étaient accordées selon les politiques et le rendement financier de Delta [76] .

[86] DHI n’exerçait pas ses activités à titre d’entité indépendante. Elle devait obtenir l’approbation de Delta pour conclure des contrats, assumer des obligations et engager des dépenses. Delta détenait un pouvoir de cosignature quant aux comptes bancaires de DHI. Les dépenses engagées par DHI, telles que celles liées aux activités de vente et les frais de bureau, étaient financées par les commissions versées par Delta à DHI en fonction d’un pourcentage des ventes au Canada en vertu de l’accord de représentation commerciale [77] . De plus, l’équipe des finances de Delta collaborait avec un comptable tiers canadien pour produire les formulaires d’impôt requis documentant les états financiers de DHI. DHI ne tirait pas de profit de la vente des marchandises.

[87] Les éléments de preuve indiquent également que toutes les transactions de vente avaient lieu entre Delta et ses clients [78] . Delta établissait le prix des marchandises et approuvait l’ensemble des nouveaux clients et des limites de crédit [79] . L’ASFC conteste la prétention selon laquelle la société mère de Delta, Delta Industries, jouait également un rôle dans l’approbation des nouveaux comptes clients. D’après le Tribunal, le rôle de la société mère ne remplaçait pas celui de Delta à titre de vendeur des marchandises aux détaillants canadiens. Comme au sein de nombreux groupes de sociétés multinationaux, certains services financiers sont confiés en sous-traitance à une personne morale, qui les fournit pour le compte de l’ensemble des entités liées. C’était le cas en l’espèce; Delta Industries fournissait certains services en matière de trésorerie, comme l’approbation des limites de crédit pour les clients de Delta [80] . Tous les contrats de vente étaient conclus avec Delta, y compris les accords-cadres de vendeur ou de fournisseur avec les détaillants [81] .

[88] Compte tenu des éléments de preuve, le Tribunal est convaincu que Delta assumait tous les risques liés aux activités de DHI. Il revenait à la direction de Delta de déterminer s’il était préférable que les revenus des ventes au Canada soient associés aux dépenses encourues par son bureau au Canada ou alloués à l’entité américaine. L’ensemble des risques opérationnels était assumé par Delta. Il revenait à Delta de déterminer si DHI contribuait aux pertes ou aux profits de l’entreprise et à en assumer la responsabilité, car c’est Delta qui finançait les activités de DHI au moyen de leur entente intersociétés.

[89] Comme les faits exposés ci-dessus l’ont montré, l’existence même de DHI se limitait aux activités qui contribuaient au succès de l’entreprise de Delta au Canada, et Delta exerçait un contrôle complet sur DHI et les deux employés, M. Silver et Mme Srithar, lesquels étaient entièrement intégrés à Delta. Autrement dit, DHI et ses employés n’exerçaient pas une activité pour leur propre compte et n’étaient pas indépendants de Delta. Delta avait pour stratégie d’affaires de structurer DHI aux fins de l’emploi de personnel canadien et de l’obtention de locaux à bureaux au Canada pour son activité ainsi que de faciliter la gestion de ses dépenses et de ses obligations à l’égard de ces actifs. Tel qu’il est mentionné dans la résolution d’entreprise de Delta, afin de « réaliser des gains d’efficacité et des économies d’échelle » [traduction], la direction de Delta Industries a pris la décision de regrouper les activités commerciales de Delta et de DHI en transférant l’exploitation à Delta et en réduisant DHI à un bureau des ventes au Canada pour le compte de Delta [82] . Delta avait le droit d’établir une structure organisationnelle optimisant sa stratégie d’affaires, tant sur le plan opérationnel que financier. Le fait que DHI était une personne morale distincte n’affecte pas son rôle dans l’exploitation de Delta. DHI se distinguait clairement des autres mandataires des ventes de Delta, comme il en sera question ci‑après.

[90] En se fondant sur des conclusions précédentes du Tribunal dans les affaires JewelWay [83] et DMG [84] , l’ASFC fait valoir qu’une entité canadienne mandataire d’un mandant étranger ne peut pas, en même temps, être l’acheteur des marchandises. L’ASFC a confondu les questions à trancher en l’espèce et celles dans Jewelway et DMG. Dans ces affaires, les questions dont était saisi le Tribunal étaient celles de savoir si le vendeur étranger pouvait vendre des marchandises à l’acheteur alors que les deux parties entretenaient une relation de mandataire. Le Tribunal avait déterminé qu’étant donné que les appelants étaient les mandataires des vendeurs, il n’y avait pas de vente à l’exportation entre les parties; la transaction pertinente était donc celle entre le vendeur étranger et les distributeurs au Canada. En l’espèce, la question soulevée est différente de celle de savoir si l’entité canadienne est effectivement l’acheteur des marchandises au Canada. La question à trancher ici est celle de savoir si l’importateur non résident peut être considéré comme un acheteur au Canada en raison, du moins en partie, de son activité exercée au Canada et de celle de son mandataire dépendant canadien.

Achat et vente de marchandises dans un but lucratif

[91] Dans le cadre de leur emploi à DHI, M. Silver et Mme Srithar se consacraient à l’exercice de l’activité de Delta au Canada. À titre de directeur des ventes, M. Silver avait la responsabilité de solliciter des commandes auprès des clients canadiens et de les traiter, de donner des conseils sur des questions liées à l’établissement des coûts (c’est-à-dire l’établissement des prix de gros de Delta pour les détaillants et des prix de vente au détail du fabricant pour les produits de Delta) et de négocier les prix avec les clients (sous réserve de l’approbation de M. Silverstein) [85] . Grâce aux efforts de M. Silver, Delta a pu obtenir de nombreux comptes supplémentaires sur le marché canadien [86] . Mme Srithar était responsable des communications quotidiennes avec les clients de Delta au sujet de leurs commandes.

[92] Les employés de DHI prenaient part également à un nombre important d’activités liées aux achats pour Delta. Comme l’a indiqué M. Mastropietro, ces activités de marchandisage, de production et de développement de produits dépassaient le cadre des fonctions prévues par l’accord de représentation commerciale [87] . Il incombait à M. Silver de préparer les prévisions de la demande et de les saisir dans le système de prévisions de Delta (Movex). Les prévisions étaient ultimement approuvées par M. Silverstein et envoyées à la directrice de la production de Delta, Mme Robinson, pour la rédaction d’un rapport de planification de la production qui servait ensuite de fondement aux ordres de production en usine de Delta [88] . M. Silver faisait également partie intégrante du développement de produits de Delta. À cet égard, il préparait les demandes de développement de produits des détaillants, qui étaient envoyées à Delta aux fins de la conception et de la production, et il jouait un rôle clé dans l’expansion du programme de la marque maison de Delta au Canada [89] . Il donnait son avis sur les produits spécialisés pour le marché canadien [90] . M. Silver siégeait également aux comités de valorisation de la marque de Delta et participait aux rencontres portant sur le développement de produits et la marque au bureau de Delta situé au New Jersey, aux États-Unis [91] . De plus, M. Silver examinait les échantillons de production à des fins de contrôle de la qualité et signalait tout problème à Delta [92] . Dans son témoignage de vive voix, M. Silverstein a indiqué que le rôle de M. Silver dépassait le cadre des responsabilités liées aux ventes prévues dans le contrat d’emploi de ce dernier [93] . Après avoir examiné la portée des activités menées par M. Silver, le Tribunal est d’accord.

[93] Mme Srithar donnait des instructions sur l’emballage des produits à l’usine, faisait le suivi de toutes les livraisons en provenance de l’usine [94] et gérait la logistique de l’importation avec Mme Robinson et M. Silver pour le transport des marchandises vers le marché canadien. De plus, elle fournissait des instructions sur le « conditionnement » à l’entrepôt de Delta exploité par Coles pour préparer ou emballer les produits en vue de leur expédition aux détaillants [95] . Mme Srithar surveillait également les niveaux de stocks à l’entrepôt [96] .

[94] En outre, M. Silver était aussi responsable de la gestion des comptes assignés aux mandataires des ventes indépendants externes de Delta au Canada. En ce qui concerne ces mandataires des ventes externes, M. Silverstein a expliqué dans son témoignage qu’ils étaient payés au moyen de commissions versées par DHI qui étaient approuvées par Delta. Selon M. Silverstein, les mandataires externes étaient indépendants dans la mesure ou ni Delta ni DHI n’exerçaient de contrôle sur leur emploi du temps ou sur leurs dépenses. De leur côté, les mandataires externes n’avaient pas de visibilité sur l’établissement des coûts et les marges. Les mandataires des ventes indépendants ne prenaient pas part aux activités liées aux achats telles que le développement de produits. Les prévisions de la demande pour les comptes gérés par les mandataires des ventes externes étaient saisies dans les systèmes de prévisions de la demande de Delta par M. Silver [97] .

[95] En plus des activités de ses mandataires dépendants, Delta fait valoir que les visites de ses propres employés, comme M. Silverstein, démontrent qu’elle exerçait son activité au Canada. À cet égard, M. Silverstein a expliqué qu’il visitait le bureau de DHI trois ou quatre fois par année pour assister à des rencontres avec les clients et les membres du personnel de DHI afin de discuter de stratégies d’affaires et de recueillir des renseignements liés au marché auprès des détaillants [98] .

[96] À elles seules, les activités de M. Silverstein n’étaient pas suffisantes pour conclure que Delta exerçait son activité par l’intermédiaire de son lieu d’affaires fixe. Toutefois, le Tribunal juge approprié de tenir compte de ces activités conjointement avec celles exercées par DHI et ses employés. La présence au Canada, à l’occasion, de M. Silverstein et la supervision régulière des activités de DHI témoignent de l’intégration entre Delta et DHI dans l’exécution des diverses tâches opérationnelles sous-tendant les activités d’approvisionnement de produits auprès de fournisseurs étrangers et de vente des produits en question aux détaillants canadiens de Delta.

[97] Le Tribunal conclut que, tout compte fait, Delta exerçait des activités au Canada au sens du Règlement. Ces activités couvraient un large éventail de tâches qui étaient essentielles à Delta pour ses achats de produits vestimentaires auprès de fournisseurs étrangers et ses ventes de marchandises importées aux détaillants canadiens. Au bureau en location de Mississauga, M. Silver et Mme Srithar, en collaboration avec M. Silverstein, prenaient part à de nombreuses activités liées aux achats et aux ventes, dont le marchandisage, le développement de produits, les prévisions de la demande, la gestion logistique avec les fournisseurs étrangers et l’exploitant de l’entrepôt, la passation de commandes, le contrôle des stocks et le service à la clientèle. Delta exerçait son activité au Canada par l’intermédiaire des installations au cours de la période visée.

DÉCISION

[98] Après avoir examiné tous les éléments de preuve et la jurisprudence, pour les motifs exposés ci-dessus, le Tribunal conclut que Delta a un lieu d’affaires fixe par l’intermédiaire duquel elle exerce son activité, et qu’elle répond donc à la définition d’établissement stable énoncée à l’article 2 du Règlement.

[99] Par conséquent, en tant qu’importateur non résident ayant un établissement stable au Canada, Delta est considérée comme un « acheteur au Canada » aux termes de l’alinéa 2.1b) du Règlement, et la valeur transactionnelle peut donc être appliquée conformément au paragraphe 48(1) de la Loi pour déterminer la valeur en douane des marchandises.

[100] L’appel est accueilli.

Cheryl Beckett

Cheryl Beckett
Membre présidant

 



[1] L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.) [Loi].

[2] DORS/86-792 [Règlement].

[3] Pièce AP-2020-002-16A (protégée) aux p. 28-31.

[4] Pièce AP-2020-002-04 aux p. 108, 119-123.

[5] Ibid. aux p. 109, 117; pièce AP-2020-002-16A (protégée) aux p. 45, 46.

[6] Pièce AP-2020-002-016A (protégée) aux p. 44-78.

[7] Pièce AP-2020-002-41A (protégée) aux p. 108-117.

[8] Pièce AP-2020-002-04 aux p. 159, 161-162. DHI et Delta sont liées en ce qu’elles partagent le même mandataire ultime, soit Delta Galil Industries Ltd., dont le siège social est en Israël (Delta Industries). DHI appartient exclusivement à Delta Galil Holland BV, qui appartient exclusivement à Delta Industries. Pièce AP-2020-002-04 à la p. 125.

[9] DHI appartient exclusivement à Delta Galil Holland BV, qui appartient exclusivement à Delta Industries. Pièce AP-2020-002-04 à la p. 125.

[10] Canada (Sous-ministre du Revenu national) c. Mattel Canada Inc., 2001 CSC 36, [2001] 2 RSC 100 [Mattel].

[11] Mattel au par. 45.

[12] Cherry Stix Ltd. (10 mai 2010) AP-2008-028 (TCCE) aux par. 38, 46.

[13] Pampered Chef Canada (13 février 2008) AP-2006-048 (TCCE) [Pampered Chef Canada] au par. 36.

[14] Comme il est mentionné dans Mattel aux par. 50-51, le paragraphe 48(1) de la Loi a été modifié après l’importation des marchandises en cause dans Mattel mais avant que la décision ne soit rendue dans cette affaire.

[15] Transcription de l’audience publique aux p. 139, 150.

[16] Ibid. à la p. 216.

[17] Ibid. aux p. 20-23, 49.

[18] Ibid. aux p. 31, 134.

[19] Pièce AP-2020-002-04A (protégée) aux p. 293-377; Transcription de l’audience publique aux p. 22-23. L’ASFC, s’appuyant sur le connaissement, soutient que certaines marchandises ont aussi été expédiées au détaillant directement. Le Tribunal constate que, selon le connaissement, les marchandises ont été expédiées à l’entrepôt de Delta, qui est exploitée par Coles. Pièce AP-2020-002-04A (protégée) aux p. 312, 341-346.

[20] Transcription de l’audience publique aux p. 177, 190. Les modalités et les conditions de Cole indiquent que Delta est propriétaire des marchandises entreposées à cet endroit. Pièce AP-2020-002-04 aux p. 178, 179. Delta a fourni deux exemples de transactions effectuées en 2016 et 2017 qui montrent des bons de commande pour des achats faits auprès de manufactures étrangères, la livraison de ces marchandises à partir des fournisseurs à l’entrepôt de Delta situé à Mississauga et la livraison de ces marchandises à des détaillants (exemples de transactions). Voir pièce AP‑202-002-04A (protégée) aux p. 287-377.

[21] Delta a déposé ses « Marine Cargo Policies » (politiques de transport maritime) pour les années 2014 à 2018 à titre de preuve d’assurance. Pièce AP‑2020-002-04 aux p. 181-240.

[22] Voir les exemples de transactions, pièce AP-202-002-04A (protégée) aux p. 287-377.

[23] Transcription de l’audience publique à la p. 192.

[24] Si une rupture de stock survenait, la commande était remplie à partir de produits importés provenant des entrepôts et des centres de distribution de Delta situés aux États-Unis. Transcription de l’audience publique aux p. 32-33. Comme il est indiqué plus haut, Delta a retiré son appel à l’égard des marchandises expédiées aux détaillants canadiens étant donné les circonstances.

[25] Pièce AP-2020-002-04 au par. 51.

[26] Pièce AP-2020-002-16 aux par. 43, 50.

[27] L’ASFC fait référence aux commentaires du Comité technique de l’évaluation en douane de l’OMC (« Comité ») pour ce qui est du sens attribué au terme « vente » pour la détermination de la valeur transactionnelle. Plus précisément, l’ASFC a indiqué que l’opinion du Comité selon laquelle « pour assurer l’uniformité de l’interprétation et de l’application [de la valeur transactionnelle], le mot ‘vente’ doit être compris dans son sens le plus large [...] » [traduction, nos italiques]. Pièce AP-2020-002-16 à la p. 127.

[28] Pièce AP-2020-002-16 à la p. 137.

[29] Mattel aux par. 43, 47.

[30] Ibid. au par. 45.

[31] Pièce AP-2020-002-16 à la p. 139.

[32] Delta a été constituée pour la première fois le 28 janvier 1985. Pièce AP-2020-002-04 aux p. 132-157.

[33] American Income Life Insurance Company c. la Reine, 2008 TCC 306 [AIL].

[34] AAi. FosterGrant of Canada Co. c. Commissaire de l’Agence des Douanes et du Revenu, 2004 FCA 259 [FosterGrant].

[35] FosterGrant aux par. 17, 18.

[36] La règle moderne d’interprétation des lois exige de « [...] lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur ». Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 RCS 27, 1998 CanLII 837 au par. 21. Le « sens ordinaire » d’une disposition renvoie « à la première impression du lecteur, c’est-à-dire au sens qui lui vient spontanément à l’esprit lorsqu’il lit les termes dans leur contexte immédiat » [traduction]. R. Sullivan, Sullivan on the Construction of Statutes, 6e ed. à la p. 30. Cette expression a aussi déjà été décrite comme « le sens naturel qui se dégage de la simple lecture de la disposition dans son ensemble ». Lignes Aériennes Canadien Pacifique Ltée c. Assoc. Canadienne Des Pilotes De Lignes Aériennes, [1993] 3 SCR 724, 1993 CanLII 31 (CSC) à la p. 735 (Gonthier J.); voir aussi Pharmascience Inc. c. Binet, [2006] 2 RCS 513, 2006 CSC 48 (CanLII) au par. 30.

[37] AIL au par. 33.

[38] Ibid. aux par. 34-36.

[39] Paragraphe 400(2) du Règlement sur l’impôt sur le revenu. Voir AIL aux par. 40, 41.

[40] L’article V(1) de la Convention fiscale prévoit ce qui suit : « Au sens de la présente Convention, l’expression « établissement stable » désigne une installation fixe d’affaires par l’intermédiaire de laquelle un résident d’un État contractant exerce tout ou partie de son activité ». Voir AIL, annexe A.

[41] L’article V(5) de la Convention fiscale prévoit ce qui suit (AIL, annexe A) :

Une personne agissant dans un État contractant pour le compte d’un résident de l’autre État contractant - autre qu’un agent jouissant d’un statut indépendant auquel s’applique le paragraphe 7 - est considérée comme un établissement stable dans le premier État si cette personne dispose dans cet État de pouvoirs qu’elle y exerce habituellement lui permettant de conclure des contrats au nom du résident.

[42] L’article V(7) de la Convention fiscale prévoit ce qui suit (AIL, annexe A) :

Un résident d’un État contractant n’est pas considéré comme ayant un établissement stable dans l’autre État contractant du seul fait qu’il y exerce son activité par l’entremise d’un courtier, d’un commissionnaire général ou de tout autre agent jouissant d’un statut indépendant, à condition que ces personnes agissent dans le cadre ordinaire de leur activité.

[43] AIL au par. 47.

[44] Ibid. au par. 45.

[45] Dans Sunbeam Corporation (Canada) Ltd. c. M.R.N. [1963] RCS 45, 1962 CanLII 86 (CSC) à la p. 50, la Cour suprême du Canada a interprété l’expression « établissement stable » à l’alinéa 411(1)a) du Règlement sur l’impôt sur le revenu. La disposition prévoit de qui suit : « Dans cette partie, a) ‘établissement stable’ comprend les succursales, mines, puits de pétrole, fermes, exploitations forestières, manufactures, ateliers, entrepôts, bureaux, agences et autres lieux d’affaires fixes » [traduction, nos italiques]. La Cour a conclu que l’expression « établissement » représentait un lieu d’affaires fixe de la société, son propre lieu d’habitation. Le mot « permanent » signifiait un établissement stable et non de nature temporaire ou tentative. Citant AIL au par. 42. Voir aussi Canada c. Dudney 2000 DTC 6169 (CAF) aux par. 19, 20.

[46] Shell Canada Ltd. c. Canada, [1999] 3 RCS 622 [Shell] aux par. 40, 43; voir FosterGrant aux par. 20, 21.

[47] Brunswick International (Canada) Limited (14 décembre 1999), AP-98-100 (TCCE) [Brunswick].

[48] Pièce AP-2020-002-04 au par. 115. Comme le Tribunal a déjà indiqué, il ne considère pas que les mémorandums D de l’ASFC aient force exécutoire pour lui dans ses décisions. Tenneco Automotive Operating Company (12 mars 2020), AP-2019-019 (TCCE) au par. 23; Costco Wholesale Canada Ltd. (12 janvier 2018), AP‑ 2017‑003 (TCCE) au par. 33; R. S. Abrams (20 janvier 2017), AP-2016-004 (TCCE) au par. 25; La Sagesse de l’Eau (13 novembre 2012), AP-2011-040 et AP-2011-041 (TCCE) au par. 56.

[49] FosterGrant au par. 18.

[50] Pièce AP-2020-002-04 aux p. 171-175, 242.

[51] Dans sa plaidoirie, M. Mastropietro a indiqué que la division Delta Socks faisait antérieurement partie de Auburn Hosiery Inc., qui est ensuite devenue la propriété de Delta. Transcription de l’audience publique aux p. 26, 27, 218-219.

[52] Par exemple, dans un courriel daté du 10 juin 2016, M. Silver de DHI a demandé à M. Ohad Cohn, directeur général de Delta Socks, une division de Delta, d’approuver les modalités du bail. Pièce AP-2020-002-04 aux p. 424, 425. M. Cohn, qui agissait aussi à titre de directeur général de DHI, a signé le renouvellement du sous-bail au nom de DHI en 2016. Pièce AP-2020-002-04 à la p. 175.

[53] Transcription de l’audience publique à la p. 44.

[54] Extrait de l’Énoncé des valeurs pour les installations signé par M. Mastropietro. Pièce AP-2020-002-04 à la p. 246.

[55] Transcription de l’audience publique aux p. 27, 45, 213.

[56] Ibid. à la p. 28.

[57] M. Silverstein a affirmé visiter habituellement les installations de trois à quatre fois par année afin de rencontrer les clients et de discuter de stratégies et d’occasions d’affaires Il rencontrait aussi les employés de DHI pour discuter de l’état des affaires au Canada et de questions d’inventaire et de budget. Transcription de l’audience publique aux p. 101-104.

[58] Transcription de l’audience publique à la p. 137.

[59] Ibid. aux p. 105, 106.

[60] Pièce AP-2020-002-04 aux p. 265, 270, 291, 411; Transcription de l’audience publique aux p. 42, 43.

[61] Voir la carte d’affaires de M. Silver ainsi que sa signature de courriel et celle de Mme Srithar. Pièce AP-2020-002-04 aux p. 253, 443, 444.

[62] Transcription de l’audience publique aux p. 24-25.

[63] Ibid. à la p. 291.

[64] Pièce AP-2020-002-04 aux p. 265-292.

[65] Le Tribunal constate que Delta a indiqué qu’elle et ses conseillers passeraient en revue ses questions. Transcription de l’audience publique à la p. 47.

[66] À l’origine, Auburn Hosiery Mills Inc. (Autumn) était partie à l’accord de représentation commerciale. Celle-ci et Delta se sont amalgamées aux alentours du 1er janvier 2010. Voir le certificat de propriété faisant foi de l’amalgamation de Auburn et Delta. Pièce AP-2020-002-04 aux p. 127-130. Transcription de l’audience publique aux p. 17, 18.

[67] Pièce AP-2020-0020-04 aux p. 164-167. L’exemplaire fourni au Tribunal ne portait pas de date ni de signature mais l’accord fait référence à l’année 2006 à la page de signature. Le moment exact d’entrée en vigueur de cet accord entre les parties est inconnu. Le seul accord qui est signé et qui porte une date est une modification à l’accord de représentation commerciale en date du 1er janvier 2013, en vertu duquel les partie s’entendent pour modifier le montant de la commission à payer. Étant donné ces éléments de preuve, le Tribunal est d’avis que l’accord original est entré en vigueur avant l’importation des marchandises.

[68] Pièce AP-2020-002-04 à la p. 169. Bien que la résolution de la société ne porte pas de date, elle est signée par le principal responsable des finances de Delta Industries et, selon son libellé, il semble qu’elle ait été signée avant la création de l’accord de représentation commerciale.

[69] Transcription de l’audience publique à la p. 27. Delta a présenté des exemplaires des déclarations de revenu de la société DHI pour les années 2014 à 2018 à titre d’éléments de preuve. Pièce AP-2020-002-04A (protégée) aux p. 10-246. Les éléments de preuve indiquent qu’une portion du revenu des magasins de détail vendeurs de denim provenait de DHI; ce revenu ne se rapportait pas à la division Delta Socks mais plutôt à d’autres unités commerciales de Delta. Pièce AP-2020-002-04 aux notes de bas de page 29, 52.

[70] Pièce AP-2020-0020-04 aux p. 164-167.

[71] Ibid. à la p. 165.

[72] En outre, d’autres postes d’agents et de directeurs chez DHI et Delta étaient occupés par les mêmes personnes. M. Mastropietro était à la fois agent et directeur chez DHI en même temps qu’il était Vice-président principal chargé des finances chez Delta. Transcription de l’audience publique à la p. 25. M. Mastropietro a, à titre de directeur de DHI, certifié les déclarations de revenue de DHI déposées pour les années 2016 à 2017. M. Cohn, le directeur général de la division Delta Socks de Delta, était aussi agent et directeur chez DHI, exécutant le sous-bail, les accords d’emploi des employés de DHI, le dépôt des déclarations d’impôt et les accords commerciaux indépendants. Voir pièce AP-2020-002-04 aux p. 175, 250, 298, 299; pièce AP-2020-002-04A (protégée) aux p. 18, 108, 379, 380.

[73] Transcription de l’audience publique à la p. 40.

[74] Par exemple, M. Silverstein recevait des rapports provenant du directeur des ventes au sujet de questions liées aux ventes soulevées au cours des rencontres du directeur des ventes avec les clients. Pièce AP-2020-002-04 aux p. 415, 421, 422; Transcription de l’audience publique aux p. 46, 47, 53-55.

[75] Transcription de l’audience publique aux p. 28, 54-59. M. Cohn et M. Silverstein s’occupaient directement de questions liées à l’emploi concernant Mme Srithar, comme le démontre la correspondance de M. Cohn avec M. Silver et Mme Srithar en février 2016. Le titre du poste de M. Cohn, qui figure à la ligne de signature, est celui de directeur général de diverses entités et divisions chez Delta, dont Auburn Hosiery US, Dominion Hosiery Canada et Delta Galil Brands Europe - UK Socks. Voir pièce AP-2020-002-04 aux p. 298-299.

[76] Voir l’alinéa 3(a) du contrat d’emploi de M. Silver; pièce AP-2020-002-04 aux p. 248, 298, 299. Transcription de l’audience publique aux p. 60, 211-212.

[77] Transcription de l’audience publique aux p. 27, 44, 47, 213; pièce AP-2020-002-04 aux p. 340-360.

[78] Pièce AP-2020-002-04 aux p. 265-292; pièce AP-2020-002-04A (protégée) aux p. 314, 315, 367-375.

[79] M. Silver avait l’autorisation de Delta d’offrir des rabais sur les ventes de stock excédentaire, dans les limites d’un certain pourcentage. Pièce AP-2020-002-04 aux p. 362-363; Transcription de l’audience publique aux p. 46, 47, 73, 74, 199-200.

[80] Transcription de l’audience publique à la p. 135.

[81] Pièce AP-2020-002-04 aux p. 265, 267-268, 291-292, 287-289.

[82] Ibid. à la p. 169.

[83] JewelWay International Canada, Inc. et JewelWay International, Inc. c. le sous-ministre du Revenu national (1 janvier 1980), AP-94-360 (TCCE) [JewelWay].

[84] DMG Trading Co. Ltd. c. le sous-ministre du Revenu national (1 janvier 1980), AP-96-076 (TCCE) [DMG].

[85] Transcription de l’audience publique aux p. 66-73; pièce AP-2020-002-04 aux p. 374-377, 421-422.

[86] Ibid. aux p. 60, 61.

[87] Ibid. à la p. 38.

[88] Selon Mme Robinson, des prévisions de la demande et des commandes pouvaient être fournies mensuellement. Transcription de l’audience publique aux p. 35, 36, 39, 40, 140, 147, 148, 149; pièce AP-2020-002-04 aux p. 381-382, 405, 406.

[89] Des « demandes de développement » présentaient les détails de nouveaux styles ou de modifications apportées à certains produits suivant des discussions avec des détaillants canadiens. M. Gary Silverstein approuvait ces styles nouveaux ou modifiés qui étaient ensuite transmis aux employés de Delta responsables de la conception et de la production en vue d’obtenir des échantillons avant la production. Pièce AP-2020-002-04 aux p. 365-372, 415-419; Transcription de l’audience publique aux p. 39, 59, 60, 131-133.

[90] Transcription de l’audience publique aux p. 38, 59, 120, 126-127.

[91] Ibid. aux p. 79-83, 118-127.

[92] Ibid. à la p. 64; pièce AP-2020-002-04 aux p. 396-397.

[93] Transcription de l’audience publique aux p. 58, 59; pièce AP-2020-002-04 aux p. 248-251.

[94] Transcription de l’audience publique aux p. 177, 181-184.

[95] Ibid. aux p. 170, 171, 182.

[96] Ibid. aux p. 34, 35.

[97] Ibid. aux p. 51, 52, 84-91, 95, 96.

[98] Ibid. aux p. 101-104, 106, 107.

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