Appels en matière de douanes et d’accise

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Contenu de la décision

Appel no AP-2017-029

Gamma Sales Inc.

c.

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Décision et motifs rendus
le jeudi 12 novembre 2020

 



EU ÉGARD À un appel entendu le 14 juillet 2020, en vertu du paragraphe 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 19 juin 2017, concernant une demande de révision d’une décision anticipée en matière de classement tarifaire aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

GAMMA SALES INC.

Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

Intimé

DÉCISION

L’appel est rejeté.

Georges Bujold

Georges Bujold
Membre présidant


 

Lieu de l’audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l’audience :

le 14 juillet 2020

Membre du Tribunal :

Georges Bujold, membre présidant

Personnel de soutien :

Sarah Perlman, conseillère juridique
Zackery Shaver, conseiller juridique

PARTICIPANTS :

Appelante

Conseiller/représentant

Gamma Sales Inc.

M. Trent Cosgrove

Intimé

Conseiller/représentant

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

M. Aman Owais

Veuillez adresser toutes les communications au :

Greffier
Secrétariat du Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario) K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

[1] Le présent appel a été interjeté par Gamma Sales Inc. (Gamma) auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur le 6 septembre 2017, aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes [1] . L’appel découle d’une décision prise par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), conformément au paragraphe 60(4), concernant des demandes de révision d’une décision anticipée relative à l’importation de certains casques certifiés pour la pratique de la motoneige (les marchandises en cause).

[2] Il s’agit pour le Tribunal de déterminer si les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 6506.10.90 de l’annexe du Tarif des douanes [2] à titre d’« autres coiffures de sécurité », comme l’a déterminé l’ASFC, ou si elles doivent être classées dans le numéro tarifaire 6506.10.10 à titre d’« autres casques protecteurs, d’athlétisme », comme le soutient Gamma.

HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

[3] Le 23 août 2016, l’ASFC a rendu une décision anticipée concernant le classement tarifaire des marchandises en cause, les classant dans le numéro tarifaire 6506.10.90 à titre d’« autres coiffures de sécurité » [3] .

[4] Le 15 septembre 2016, Gamma a demandé la révision de la décision anticipée aux termes du paragraphe 60(2) de la Loi, soutenant que les marchandises en cause devaient être classées dans le numéro tarifaire 6506.10.10 à titre d’« autres casques protecteurs, d’athlétisme » [4] .

[5] Le 19 juin 2017, dans une décision prise en vertu du paragraphe 60(4) de la Loi, l’ASFC a maintenu sa décision initiale, confirmant que les marchandises en cause étaient correctement classées dans le numéro tarifaire 6506.10.90 à titre d’« autres coiffures de sécurité » [5] .

[6] Le 6 septembre 2017, Gamma a interjeté le présent appel auprès du Tribunal [6] .

[7] Le 26 septembre 2017, à la demande des parties, le Tribunal a combiné le présent appel avec un autre appel qui avait été interjeté par Gamma, soit l’appel no AP-2017-030, et a mis ces instances en suspens en attendant l’issue de l’appel no AP-2017-024 (Importations Thibault Ltée.), un autre appel portant sur le classement tarifaire de casques protecteurs qui avait été précédemment interjeté auprès du Tribunal. Le 14 décembre 2017, le Tribunal a informé les parties que les procédures dans les instances susmentionnées seraient suspendues en attendant l’issue d’un autre appel concernant le classement tarifaire de marchandises similaires, à savoir Motovan Corporation c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada [7] .

[8] Le Tribunal a rendu sa décision dans l’affaire Motovan le 3 juin 2019. Les parties ont demandé que l’appel reste en suspens en attendant l’issue de leurs discussions en vue d’un possible règlement, ce que le Tribunal a accordé le 2 octobre 2019.

[9] Le 23 décembre 2019, les parties sont parvenues à une entente relativement à l’appel no AP‑2017‑030, qui a par la suite été abandonné, mais aucune entente n’a été conclue à l’égard du présent appel. Le 6 janvier 2020, le Tribunal a avisé les parties de la poursuite de l’appel et a fixé la date de l’audience au 14 juillet 2020.

[10] Le 21 mai 2020, les parties ont demandé à ce que l’appel soit instruit sur la foi des pièces versées au dossier. Le Tribunal a accueilli cette demande le 27 mai 2020. L’étude du dossier a eu lieu le 14 juillet 2020, conformément à l’article 25.1 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur [8] .

DESCRIPTION DES MARCHANDISES EN CAUSE

[11] Les marchandises en cause sont des casques de motoneige modulaires intégraux en carbure GMAX, modèle no GM64. Dans un exposé conjoint des faits, les parties ont affirmé que les marchandises en cause sont des casques de sécurité et sont conçues uniquement ou principalement pour être utilisées comme casques de motoneige [9] .

[12] Les casques sont constitués d’une coque extérieure en alliage thermoplastique, d’une couche absorbant l’énergie à l’intérieur de la coque et d’un mécanisme de mentonnière muni d’un anneau double en forme de D. Ils sont certifiés conformes aux normes du département des Transports des États‑Unis. Les marchandises en cause sont également dotées d’une pièce de mâchoire modulable capable de pivoter verticalement, d’une doublure amovible et lavable, ainsi que d’un pare-soleil amovible.

CADRE LÉGISLATIF

[13] La nomenclature tarifaire est énoncée en détail dans l’annexe du Tarif des douanes, qui est conforme au Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (le Système harmonisé) élaboré par l’Organisation mondiale des douanes (OMD) [10] . L’annexe est divisée en sections et en chapitres et chaque chapitre de l’annexe contient une liste de marchandises classées dans des positions, des sous-positions et des numéros tarifaires.

[14] Le paragraphe 10(1) du Tarif des douanes prévoit que le classement des marchandises importées est effectué, sauf indication contraire, en conformité avec les Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé [11] et les Règles canadiennes [12] énoncées dans l’annexe.

[15] Les Règles générales sont composées de six règles. Le classement commence par la règle 1, qui prévoit que le classement doit être déterminé d’après les termes des positions et des notes de section ou de chapitre et, lorsqu’elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et notes, d’après les autres règles.

[16] L’article 11 du Tarif des douanes prévoit que, pour l’interprétation des positions et des sous‑positions, le Tribunal doit tenir compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [13] et des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [14] publiés par l’OMD. Bien que les avis de classement et les notes explicatives n’aient pas force exécutoire pour le Tribunal, ce dernier les applique à moins qu’il n’existe un motif valable de ne pas le faire [15] .

[17] Par conséquent, le Tribunal doit d’abord déterminer si les marchandises en cause peuvent être classées au niveau de la position conformément à la règle 1 des Règles générales, selon les termes de la position et les notes de section ou de chapitre pertinentes du Tarif des douanes, compte tenu des avis de classement et des notes explicatives et applicables. Si les marchandises en cause ne peuvent être classées au niveau de la position par application de la règle 1, le Tribunal doit alors examiner les autres règles [16] .

[18] Une fois que le Tribunal a déterminé la position dans laquelle les marchandises en cause doivent être classées, l’étape suivante consiste à utiliser une méthode similaire afin de déterminer la sous-position appropriée [17] . La dernière étape consiste à déterminer le numéro tarifaire approprié [18] .

[19] Les dispositions de classement tarifaire en cause dans le présent appel sont les suivantes :

SECTION XII CHAUSSURES, COIFFURES, PARAPLUIES, PARASOLS, CANNES, FOUETS, CRAVACHES ET LEURS PARTIES; PLUMES APPRÊTÉES ET ARTICLES EN PLUMES; FLEURS ARTIFICIELLES; OUVRAGES EN CHEVEUX

SECTION XII: FOOTWEAR, HEADGEAR, UMBRELLAS, SUN UMBRELLAS, WALKING-STICKS, SEAT-STICKS, WHIPS, RIDING-CROPS AND PARTS THEREOF; PREPARED FEATHERS AND ARTICLES MADE THEREWITH; ARTIFICIAL FLOWERS; ARTICLES OF HUMAN HAIR

CHAPITRE 65

CHAPTER 65

COIFFURES ET PARTIES DE COIFFURES

[...]

HEADGEAR AND PARTS THEREOF

. . .

65.06 Autres chapeaux et coiffures, même garnis.

65.06 Other headgear, whether or not lined or trimmed.

6506.10 -Coiffures de sécurité

6506.10 -Safety headgear

6506.10.10 - - -Casques de football; Pour pompiers; D’escalade et d’alpinisme; De sécurité aux fins industrielles; Doublés de plomb, à l’usage des radiographes; Autres casques protecteurs, d’athlétisme

6506.10.10 - - -Football helmets; For firemen; For mountaineering and climbing; Industrial safety helmets; Lead-impregnated or lead-lined, for X-ray operators; Other protective headgear, athletic

6506.10.90 - - -Autres

6506.10.90 - - -Other

[20] La partie pertinente des notes explicatives de la position no 65.06 est la suivante :

La présente position englobe tous les chapeaux et coiffures non repris soit dans les positions précédentes du présent Chapitre, soit dans les Chapitres 63, 68 ou 95. Elle couvre notamment les coiffures de sécurité (celles utilisées pour la pratique des sports, les casques pour militaires, pompiers, motocyclistes ainsi que les casques pour mineurs ou ouvriers du bâtiment, par exemple), qu’elles soient ou non munies de bourrelets protecteurs et même, pour certains casques, de microphones ou d’écouteurs téléphoniques.

This heading covers all hats and headgear not classified in the preceding headings of this Chapter or in Chapter 63, 68, or 95. It covers, in particular safety headgear (e.g., for sporting activities, military or firemen’s helmets, motor-cyclists’, miners’ or construction workers’ helmets), whether or not fitted with protective padding or, in the case of certain helmets, with microphones or earphones.

[21] Il n’y a pas de notes de section ou de chapitre pertinentes.

POSITIONS DES PARTIES

[22] Les parties conviennent, et le Tribunal accepte, que les marchandises en cause doivent être classées dans la sous-position no 6506.10, puisqu’elles sont conçues, fabriquées, homologuées et portées sur la tête pour protéger des blessures ceux qui les portent, et sont donc des « coiffures de sécurité ». La question en litige porte sur le classement approprié des marchandises en cause au niveau du numéro tarifaire. Plus précisément, les parties ne s’entendent pas sur la question de savoir si, conformément à la règle 1 des Règles canadiennes, les marchandises en cause satisfont aux termes du numéro tarifaire 6506.10.10.

[23] Gamma soutient que les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 6506.10.10 parce qu’elles sont utilisées dans la pratique du « sport », soit de la motoneige, et que le terme « sport » est un synonyme du terme « athlétisme » [19] . Gamma fait valoir que le Merriam‑Webster Dictionary, l’Encyclopédie canadienne et le Mémorandum D10-15-27 de l’ASFC reconnaissent la « pratique de la motoneige » comme un sport : le Merriam-Webster Dictionary définit le terme « snowmobiling » (pratique de la motoneige) de la façon suivante : « le sport consistant à conduire une motoneige » [20] [traduction]; sous la rubrique « Motoneige (le sport) » l’Encyclopédie canadienne indique ce qui suit : « [a]près avoir connu un essor [...] la pratique de la motoneige », tandis que sous « hiver », on retrouve la mention suivante : « [d]e nombreux sports d’hiver sont pratiqués : [...] motoneige » [21] ; et le Mémorandum D10-15-27 de l’ASFC indique ce qui suit : « [c]e deuxième numéro tarifaire englobe les coiffures de sécurité qui ne sont pas expressément comprises sous [le numéro tarifaire] 6506.10.10 à savoir celles pour [...] toutes les activités sportives ou autres qui impliquent d’utiliser des véhicules motorisés : motocyclettes, véhicules de motocross, motoneiges, voitures de course, etc. » [22] [nos italiques].

[24] Gamma souligne que dans Motovan, le Tribunal a conclu qu’il n’y avait « aucune raison d’exclure une activité motorisée des “activités athlétiques” » puisque, entre autres, « les définitions des dictionnaires au dossier, lesquelles renvoient à une grande capacité physique, n’excluent pas le recours à de l’équipement motorisé » [23] .

[25] L’ASFC soutient que les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 6506.10.90 parce qu’elles ne sont pas utilisées dans le cadre d’une activité athlétique. Elle fait valoir que l’argument selon lequel toutes les activités liées à la pratique de la motoneige sont athlétiques n’est pas corroboré par les éléments de preuve au dossier et est incompatible avec la décision du Tribunal dans Motovan. S’appuyant sur ce précédent, l’ASFC fait une distinction entre la pratique occasionnelle de la motoneige et la course de motoneiges, et affirme que les marchandises en cause sont destinées à la pratique occasionnelle de la motoneige, qui n’est pas une activité athlétique.

[26] L’ASFC allègue également que la manière dont Gamma généralise la pratique de la motoneige en tant que sport est trop simpliste et ne tient pas compte du fait que les motoneiges peuvent avoir plusieurs usages, lesquels ne sont pas tous de nature athlétique. Selon l’ASFC, la « pratique de la motoneige » fait plus communément référence à un moyen de transport. L’ASFC a également cité des définitions du terme « snowmobiling » qui sont différentes de celles présentées par Gamma à l’appui de ses arguments sur cette question.

ANALYSE

[27] Les parties conviennent que le numéro tarifaire 6506.10.90 est un numéro tarifaire résiduel dans la nomenclature qui est moins spécifique que le classement tarifaire proposé par Gamma. Comme dans Motovan, le Tribunal devrait donc entamer son analyse en déterminant si les marchandises en cause peuvent être classées dans le numéro tarifaire 6506.10.10 à titre d’« autres casques protecteurs, d’athlétisme » [24] .

[28] Tout comme dans Motovan, la seule question en litige en l’espèce consiste à déterminer si les marchandises en cause peuvent constituer des casques protecteurs « d’athlétisme ». À cet égard, Gamma fait valoir que les termes « athlétisme » et « sport » sont des synonymes et qu’étant donné que la pratique de la motoneige est un sport au sens de certains dictionnaires et de certaines encyclopédies, il s’ensuit que les casques conçus uniquement ou principalement pour être utilisés en tant que casques de motoneige, comme les marchandises en cause, sont des casques protecteurs « d’athlétisme ».

[29] De son côté, l’ASFC s’appuie sur la décision du Tribunal dans l’affaire Motovan, qui selon l’ASFC, confirme qu’il existe une distinction entre la conduite occasionnelle ou récréative et la course de motoneiges et que seule la course de motoneiges constitue une activité athlétique aux fins du numéro tarifaire 6506.10.10. Selon l’ASFC, puisque les éléments de preuve démontrent que les marchandises en cause sont destinées à la conduite occasionnelle de la motoneige plutôt qu’à la course, celles-ci ne sont pas des casques protecteurs « d’athlétisme » et sont donc correctement classées dans le numéro tarifaire résiduel de la sous-position no 6506.10, soit le numéro tarifaire 6506.10.90.

[30] Pour les motifs exposés ci-après, le Tribunal partage l’avis de l’ASFC. Lorsqu’il applique le raisonnement suivi dans Motovan aux faits de l’espèce, le Tribunal estime que seule la course de motoneiges pourrait potentiellement constituer une activité athlétique. Puisque les éléments de preuve indiquent que les marchandises en cause sont conçues aux fins de la pratique récréative de la motoneige, plutôt que de la course de motoneiges, le Tribunal ne peut accepter l’argument de Gamma selon lequel elles sont destinées à la pratique d’une activité athlétique. Par conséquent, les marchandises en cause ne peuvent pas être classées à titre d’« autres casques protecteurs, d’athlétisme ».

[31] Avant d’élaborer sur le raisonnement juridique et les éléments de preuve qui sous-tendent cette conclusion, le Tribunal exposera les motifs à l’appui de sa conclusion selon laquelle, en tout état de cause et contrairement aux observations de Gamma, le terme « athlétisme » dans le numéro tarifaire 6506.10.10 n’est pas synonyme du terme « sport ». Selon le Tribunal, correctement interprété, le numéro tarifaire 6506.10.10 n’englobe pas les casques protecteurs utilisés dans tous les sports. Plus particulièrement, en examinant cette disposition à la lumière d’autres dispositions de la nomenclature et en tenant compte de la version française de l’annexe du Tarif des douanes, il devient évident que les termes « other protective headgear, athletic » (« autres casques protecteurs, d’athlétisme ») dans le numéro tarifaire 6506.10.10 ne devraient pas être interprétés comme s’il englobait les casques de motoneige. En d’autres termes, il existe deux ensembles différents de motifs qui peuvent être invoqués pour rejeter le présent appel. Chacun d’eux sera analysé à tour de rôle.

La portée et le sens du numéro tarifaire 6506.10.10

[32] La position de Gamma repose sur la prémisse que les termes « athlétisme » et « sport » sont synonymes, de sorte que le numéro tarifaire 6506.10.10 englobe les casques protecteurs utilisés dans n’importe quel sport, ce qui, de l’avis de Gamma, inclut la « pratique de la motoneige » [25] [traduction]. Gamma s’appuie sur la jurisprudence du Tribunal pour étayer cet argument. Par exemple, Gamma s’appuie sur la décision International Imports, dans laquelle le Tribunal a conclu que « le terme “athletic(s)” (“athlétisme, les sports”) peut être pensé comme étant compris dans le terme “sport(s)” (“sport”) et qu’il n’y a pas, tout compte fait en l’espèce, de distinction entre eux » [26] . S’agissant du sens du terme « athlétisme », Gamma a également cité les propos suivants tenus par le Tribunal dans Motovan :

Au vu de la preuve, le Tribunal ne voit aucune raison d’exclure une activité motorisée des activités « athlétiques ». Le Tribunal estime que les définitions des dictionnaires au dossier, lesquelles renvoient à une grande capacité physique, n’excluent pas le recours à de l’équipement motorisé [27] .

[33] Toutefois, en l’occurrence, le Tribunal ne peut souscrire à l’interprétation précédente. Il y a une importante distinction à faire entre les termes « athlétisme » et « sport », en ce qui a trait à leur sens ordinaire, mais surtout aux fins du classement tarifaire. En bref, « athlétisme » est un sous‑ensemble de la catégorie plus large du « sport ». Autrement dit, bien qu’une activité « athlétique » soit comprise dans le terme « sport », l’inverse n’est pas vrai. Un « sport » n’est pas nécessairement de l’« athlétisme », particulièrement dans le contexte de la nomenclature tarifaire [28] .

[34] Cette distinction est corroborée par l’annexe du Tarif des douanes. Par exemple, la position no 95.06 est libellée comme suit :

95.06 Articles et matériel pour la culture physique, la gymnastique, l’athlétisme, les autres sports (y compris le tennis de table) ou les jeux de plein air, non dénommés ni compris ailleurs dans le présent Chapitre; piscines et pataugeoires.

[Nos italiques]

[35] Par ailleurs, la sous-position no 9506.91 englobe les « [a]rticles et matériel pour la culture physique, la gymnastique ou l’athlétisme », tandis que les autres sous-positions de la position no 95.06 englobent toutes sortes d’articles et de matériel pour « les autres sports ». Il convient également de souligner que la position no 95.06 contient une sous-position résiduelle, à savoir la sous-position no 9506.99 (« Autres »), qui englobe les articles et le matériel pour les sports qui ne sont pas expressément visés par les autres sous-positions, y compris la sous-position no 9506.91, soit celle qui englobe expressément les articles et le matériel pour l’« athlétisme ».

[36] Ces dispositions établissent clairement une distinction entre les articles et le matériel pour « la culture physique, la gymnastique ou l’athlétisme », d’un côté, et les articles et le matériel pour « les autres sports » de l’autre. Par conséquent, aux fins du classement tarifaire, les termes « athlétisme » et « sport » doivent avoir des sens différents. Sinon, les termes « les autres sports » dans la position no 95.06 seraient redondants. Si, comme l’a allégué Gamma et l’a regrettablement affirmé le Tribunal dans International Imports, les termes « athlétisme » et « sport » devaient être interprétés comme ayant le même sens, il n’aurait pas lieu d’avoir deux sous-positions distinctes pour englober les articles utilisés dans la pratique de sports en particulier dans la position no 95.06. Effectivement, les termes « [a]rticles et matériel pour la culture physique, la gymnastique ou l’athlétisme » [nos italiques] dans la sous-position no 9506.91 suffiraient à englober les articles et le matériel pour tous les sports [29] .

[37] Toutefois, le législateur a expressément établi une distinction entre certaines marchandises, aux fins du classement tarifaire, selon qu’il s’agisse de marchandises pour l’« athlétisme » ou pour « les autres sports ». À la lumière de cet élément contextuel, si le législateur avait eu l’intention de faire en sorte que les dispositions de l’annexe du Tarif des douanes incluent les marchandises pour tous les sports, y compris, par exemple, le numéro tarifaire 6506.10.10, il l’aurait fait de manière expresse en utilisant le terme « sport ». En fait, la note 1g) du chapitre 95 appuie cette interprétation. Cette note est libellée comme suit :

  1. Le présent chapitre ne comprend pas :

[...]

(g) les chaussures (à l’exception de celles auxquelles sont fixés des patins à glace ou à roulettes) du Chapitre 64 et les coiffures spéciales pour la pratique des sports du Chapitre 65;

[38] Cette note confirme que le chapitre 65 (qui contient la position no 65.06 et les deux numéros tarifaires concurrents dans le présent appel) englobe certaines « coiffures spéciales pour la pratique des sports » et les exclut du champ d’application du chapitre 95. Elle confirme également que le domaine des coiffures spéciales pour la pratique des sports est plus large que le domaine visé par le numéro tarifaire 6506.10.10, puisqu’on fait référence au chapitre 65 dans son ensemble, ce qui laisse entendre que de multiples dispositions du chapitre 65 englobent divers types de coiffures spéciales pour la pratique des sports.

[39] De plus, et ce point est déterminant, le numéro tarifaire 6506.10.10 ne désigne pas d’« autres casques protecteurs, sport ». Cette disposition fait plutôt référence à des casques de football et à des casques protecteurs pour l’escalade et l’alpinisme, qui sont deux activités sportives, ainsi qu’à d’« autres casques protecteurs, d’athlétisme », qui doivent logiquement se rapporter à une activité sportive précise. Le libellé du chapitre 95 révèle que le législateur soit établit une distinction entre différentes activités sportives en les désignant par leur nom, soit regroupe une partie ou l’ensemble des sports, le cas échéant (p. ex. la sous-position no 9506.99 et la note 1g) du chapitre 95). Si le législateur avait voulu que tous les casques protecteurs pour la pratique de sports soient visés par le numéro tarifaire 6506.10.10, il aurait utilisé le terme générique « sport » dans cette disposition.

[40] Toutefois, le législateur a choisi d’utiliser le terme « d’athlétisme », ce qui donne à penser que son intention était de restreindre la portée du numéro tarifaire 6506.10.10 à des types particuliers de casques protecteurs utilisés seulement pour certaines activités sportives. Le Tribunal souligne également que dans les notes explicatives relatives à la position no 65.06, il est précisé que cette position englobe les coiffures de sécurité utilisées pour la pratique des sports. De pareilles coiffures peuvent donc être visées par différentes sous-positions ou numéros tarifaires de la position no 65.06 et non pas nécessairement par le numéro tarifaire 6506.10.10. Là encore, le fait que le numéro tarifaire 6506.10.10 ne renvoie pas aux activités sportives en général, mais dresse plutôt une liste de types d’activités précises suggère que certaines coiffures de sécurité pour la pratique de sports peuvent être correctement classées ailleurs dans la position no 65.06, notamment dans le numéro tarifaire résiduel 6506.10.90.

[41] En d’autres termes, dans le Tarif des douanes, le terme « d’athlétisme » fait référence à un type précis d’activité, et non pas à l’ensemble des sports. Bien que la position no 95.06 ne soit pas en cause dans le présent appel, selon un principe général d’interprétation, il faut présumer, dans une loi ou dans un règlement, que le même terme a partout le même sens, sauf indication contraire [30] . Or, rien n’indique que le législateur avait l’intention d’élargir la portée du terme « d’athlétisme » de manière à désigner l’ensemble des sports, en mentionnant ce terme dans le numéro tarifaire 6506.10.10.

[42] Le fait que l’on puisse considérer que le terme « athletics » dans la version anglaise du numéro tarifaire 6506.10.10 est utilisé en tant qu’adjectif plutôt qu’en tant que substantif n’a pas pour effet d’élargir la portée du terme de manière à inclure des casques protecteurs destinés à la pratique de n’importe quel sport. Ce raisonnement est confirmé par un examen de la version française de la position no 95.06, de la sous-position no 9506.91 et du numéro tarifaire 6506.10.10. Dans tous les cas, le terme « athletics » ou « athletic » (en ce qui concerne le numéro tarifaire 6506.10.10) est traduit en français par le terme « athlétisme », qui fait clairement référence à un type d’activité précis, et non pas aux sports en général.

[43] Selon le dictionnaire Larousse, le terme « athlétisme » désigne « l’ensemble des exercices physiques se présentant sous forme de jeux » [31] . Le Robert dico en ligne définit le terme « athlétisme » comme un « ensemble d’exercices physiques, de sports individuels : course, gymnastique, lancer (du disque, du poids, du javelot), saut » [32] . Parmi les autres exemples de disciplines visées par la définition d’« athlétisme », mentionnons le décathlon, l’heptathlon, le pentathlon, le triathlon et le marathon. Rien dans ces définitions n’indique que le sens ordinaire du terme « athlétisme » englobe les sports motorisés. En effet, ces définitions précisent clairement que l’« athlétisme » est un sport qui est pratiqué par des personnes qui se servent uniquement de leurs capacités physiques.

[44] De plus, le terme « athlétisme » utilisé par le législateur dans la version française du Tarif des douanes se traduit par « athletics » en anglais. De même, le terme « athletics »désigne des disciplines sportives précises qui n’incluent pas les sports motorisés. Dans le Webster’s Unabridged Dictionary, le terme « athletics » est défini comme suit :

1. (usually used with a plural v.) athletic sports, as running, rowing, or boxing. 2. Brit. track-and-field events. 3. (usually used with a singular v.) the practice of athletic exercises; the principles of athletic training. « 1. (généralement utilisé avec un verbe au pluriel) les sports athlétiques, comme la course, l’aviron ou la boxe. 2. Brit. épreuves d’athlétisme. 3. (généralement utilisé avec un v. singulier) la pratique d’exercices athlétiques; les principes de l’entraînement athlétique) » [traduction]. [33]

[45] Dans International Imports, le Tribunal a souligné que le mot « athlétisme » pouvait être défini comme suit :

“athletics”: exercises of strength, speed, and skill; active games and sports: Athletics include baseball and basketball. (« athlétisme, les sports » : exercices de force, de vitesse et d’habileté; jeux d’exercices et sports : l’athlétisme, les sports, comprend le baseball et le basketball). [34]

[46] À propos de l’adjectif athletic (« athlétique »), le Webster’s Unabridged Dictionary le définit comme suit :

adj. 1. physically active and strong; good at athletics or sports: an athletic child. 2. of, like, or befitting an athlete. 3. of or pertaining to athletes; involving the use of physical skills or capabilities, as strength, agility, or stamina: athletic sports, athletic training. 4. for athletics: an athletic field. 5. Psychol. (of a physical type) having a sturdy build or well-proportioned body structure. (adj. 1. physiquement actif et fort; bon en athlétisme ou en sport : un enfant athlétique. 2. se disant d’un athlète, comme un athlète ou bénéficiant à un athlète. 3. manière de qualifier ou de décrire des athlètes; impliquant l’utilisation d’aptitudes ou de capacités physiques, comme la force, l’agilité ou l’endurance : sports d’athlétisme, entraînement athlétique. 4. pour l’athlétisme : un terrain d’athlétisme. 5. Psychol. [caractéristique de type physique] ayant une structure corporelle robuste ou bien proportionnée) [traduction].

[47] S’appuyant sur ces définitions, le Tribunal conclut que même si, suivant une interprétation large, les termes « athlétisme » ou « athletic »peuvent englober des activités sportives qui vont au‑delà des épreuves d’athlétisme traditionnelles (par exemple la boxe, le baseball ou le basketball), ils ne peuvent raisonnablement pas être interprétés de manière à inclure les sports motorisés. En fait, les sports cités en exemples dans les diverses définitions des termes qui appartiennent à la catégorie de l’« athlétisme » sont complètement différents de la course automobile, du motocyclisme et, naturellement, de la pratique de la motoneige [35] . Aucune des activités sportives mentionnées n’implique l’utilisation d’un véhicule à moteur.

[48] Compte tenu de l’analyse qui précède et en tout respect, le Tribunal ne souscrit pas à la conclusion tirée dans Motovan selon laquelle il n’y a aucune raison d’exclure une activité motorisée des activités « athlétiques ». Cette conclusion dans Motovan est incompatible avec le sens courant du terme, comme on peut le constater à lecture des définitions susmentionnées. Dans Motovan, le Tribunal semble s’être concentré à tort sur ce que les définitions n’excluent apparemment pas et non sur la signification réelle du terme « athlétisme » (ou « athletic(s) »). Selon le Tribunal, la bonne approche sur le plan juridique pour déterminer le sens du terme « athlétisme » consiste à considérer les activités que ce terme inclut réellement selon les définitions du dictionnaire, plutôt que de tirer des conclusions en fonction de ce qu’il n’exclut pas. En clair, dans l’affaire Motovan, le Tribunal n’a cité aucune source qui définit positivement le terme « athlétisme » comme incluant les activités motorisées. Dans le cadre du présent appel, Gamma n’a pas non plus fourni de sources à cet effet. Or, l’absence de pareilles sources jurisprudentielles constitue une raison suffisante pour exclure une activité motorisée des activités « athlétiques ».

[49] Le Tribunal souligne également que dans Motovan, le Tribunal ne semble pas avoir examiné la version française du numéro tarifaire 6506.10.10. À cet égard, il ne fait aucun doute que les sports motorisés, y compris la pratique de la motoneige, ne cadrent pas exactement avec la définition d’« athlétisme ». Dans le langage courant, les casques pour la pratique de la motoneige ne seraient pas qualifiés de « casques protecteurs, d’athlétisme » en français. Dans la mesure où il existe une différence de sens entre le mot « athletic » utilisé en tant qu’adjectif dans la version anglaise du numéro tarifaire 6506.10.10 et le substantif « athlétisme » en français, il convient, en vue de concilier les différences entre les versions anglaise et française d’une disposition législative, de déterminer leur sens commun. En l’occurrence, le sens commun est la version française, qui est plus restreinte.

[50] Par conséquent, contrairement aux observations de Gamma, le critère pour déterminer si les marchandises en cause peuvent être classées dans le numéro tarifaire 6506.10.10 n’est pas de savoir si elles sont utilisées dans la pratique du sport de la motoneige. Le fait que la pratique de la motoneige puisse être définie comme un sport n’est pas déterminant en l’espèce. Ce qui importe est de savoir si la pratique de la motoneige constitue de l’« athlétisme » ou « athletic(s) », selon la façon dont ces termes doivent être interprétés dans le contexte de la nomenclature tarifaire. À cet égard, le Tribunal estime qu’il n’y a aucun élément de preuve ni de source qui laisserait entendre que la pratique de la motoneige est une activité qui peut être considérée comme de l’« athlétisme » conformément au sens qu’il faut donner à ce terme dans l’annexe du Tarif des douanes.

[51] L’appel peut être rejeté pour ce seul motif. On ne peut donc pas dire que les marchandises en cause sont d’« autres casques protecteurs, d’athlétisme ». Par conséquent, comme l’a déterminé l’ASFC, les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire résiduel de la sous-position no 6506.10, à savoir, le numéro tarifaire 6506.10.90, qui englobe d’« autres » coiffures de sécurité. Il importe de souligner que compte tenu de l’analyse qui précède, ce numéro tarifaire résiduel inclut les casques protecteurs pour la pratique de sports autres que l’« athlétisme ».

En tout état de cause, suivant le raisonnement dans Motovan, les marchandises en cause ne sont pas destinées à une activité athlétique

[52] Même si l’analyse qui précède ne permettait pas de trancher la question et qu’une activité motorisée telle que la pratique de la motoneige n’était pas à première vue exclue des activités « d’athlétisme » au sens du numéro tarifaire 6506.10.10, le Tribunal conclurait néanmoins que les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 6506.10.90. En effet, comme l’a correctement fait valoir l’ASFC et comme le démontrent les éléments de preuve au dossier, les activités impliquant l’utilisation d’une motoneige ne sont pas toutes des activités sportives, et ce, même en acceptant une interprétation large et libérale du terme « athlétisme », et les marchandises en cause ne sont pas destinées à la pratique d’un sport motorisé. En d’autres termes, l’analyse du Tribunal dans Motovan appuie la position de l’ASFC dans le cadre du présent appel.

[53] À cet égard, Gamma soutient qu’il n’y a qu’un seul type d’activité en jeu, à savoir la « pratique de la motoneige », qui, selon elle, est un sport. L’ASFC s’appuie toutefois sur Motovan pour distinguer la pratique occasionnelle de la motoneige (qui est un moyen de transport et une activité récréative qui, selon elle, n’est pas une activité « d’athlétisme ») de la course de motoneiges (qui est un sport automobile, avec plusieurs organismes d’accréditation différents), et pour affirmer que les marchandises en cause sont destinées à la pratique occasionnelle de la motoneige plutôt qu’à la course.

[54] Dans Motovan, les parties ont convenu que la conduite à moto sur les voies publiques et la course à moto étaient des activités distinctes. Le Tribunal a conclu que seule la course à moto constituait une activité athlétique aux fins du numéro tarifaire 6506.10.10. Pour arriver à cette conclusion, le Tribunal s’est appuyé sur des éléments de preuve portant sur l’environnement, l’équipement et la réglementation de la course à moto. À la lumière des éléments de preuve déposés dans le cadre du présent appel, le Tribunal conclut qu’une distinction similaire existe entre la conduite occasionnelle de motoneiges et la course de motoneiges et, même s’il devait interpréter le terme « athlétisme » assez largement pour englober les activités qui impliquent des véhicules à moteur, seule la course de motoneiges serait admissible à titre d’activité athlétique aux fins du numéro tarifaire 6506.10.10.

[55] Plus précisément, si on applique le raisonnement exposé dans Motovan à la présente affaire, le Tribunal est d’accord avec l’ASFC pour affirmer que, contrairement à la conduite récréative de motoneiges, la course de motoneiges se déroule sur un circuit fermé où les motoneigistes s’affrontent pour réaliser le meilleur temps [36] .

[56] En ce qui concerne l’équipement utilisé, l’ASFC souligne également à juste titre que la course de motoneiges comporte différentes catégories; chaque catégorie définit le type de motoneige et la mesure dans laquelle elles peuvent être modifiées [37] . Selon les éléments de preuve, certaines de ces modifications peuvent rendre la motoneige illégale pour une utilisation sur les voies ou les sentiers publics [38] . L’équipement utilisé pour la course de motoneiges serait donc différent de celui utilisé pour la motoneige sur les voies et les sentiers publics.

[57] L’ASFC indique également que le paragraphe 18(3) de la Loi sur les motoneiges de l’Ontario reconnaît que les courses de motoneiges et leur équipement sont distincts de la conduite d’une motoneige : « Les paragraphes (1) et (2) ne s’appliquent pas à une motoneige pendant qu’elle est conduite dans un lieu réservé à des courses et autorisé à cette fin par le conseil de la municipalité où est situé ce lieu. »

[58] Enfin, en ce qui concerne la réglementation, l’ASFC précise que divers types de courses de motoneiges relèvent d’organismes d’accréditation nationaux et régionaux qui organisent les courses et en déterminent les règles, tels que la Canadian Snowcross Racing Association (CSRA), la Straightline Snowmobile Racing Association, les Canadian Power Toboggan Championships et International Snowmobile Racing, Inc. (ISR). Cependant, la conduite occasionnelle de motoneiges ne se fait pas dans le cadre d’un événement régi par des règles précises.

[59] Tout bien considéré, les éléments de preuve démontrent que la conduite occasionnelle de motoneiges et la course de motoneiges sont des activités distinctes, et que seule cette dernière peut être considérée comme un sport. Dans la mesure où ce sport constitue une activité athlétique au sens du numéro tarifaire 6506.10.10 [39] , la prochaine question à examiner est celle de savoir si les marchandises en cause sont destinées à la course de motoneiges. Si tel est le cas, selon les arguments présentés par l’ASFC en l’espèce, les marchandises doivent être classées à titre de coiffures de sécurité destinées à des activités d’athlétisme. Toutefois, si les marchandises en cause sont destinées à la conduite occasionnelle de la motoneige, elles resteraient correctement classées dans le numéro tarifaire 6506.10.90.

[60] Sur ce point, à la lumière des éléments de preuve présentés, le Tribunal est convaincu que les marchandises en cause sont conçues pour être utilisées par des motoneigistes occasionnels, et non pas dans le cadre de courses de motoneiges.

[61] Comme il est indiqué dans Motovan, « [d]ans le contexte de l’examen de marchandises à usages multiples, le Tribunal a établi que le produit physique et les caractéristiques du marché, à savoir l’apparence, la conception, la meilleure utilisation, la commercialisation et la distribution des marchandises, sont des facteurs individuels qu’il peut être utile de considérer pour le classement des marchandises. Aucun facteur n’est à lui seul déterminant, et l’importance de chaque facteur varie en fonction du produit en cause [40] ».

[62] Dans son analyse de ces facteurs, l’ASFC soutient que les casques de motoneige sont semblables aux casques de motocyclette en ce qu’ils sont homologués selon les mêmes normes de sécurité [41] , que leur fabrication et leurs matériaux de base sont les mêmes, qu’ils sont commercialisés comme étant interchangeables [42] et qu’ils devraient donc être traités de la même façon que les casques de motocyclette. À ce titre, l’ASFC s’est appuyée sur de nombreuses caractéristiques des casques de motocyclette relevées dans l’affaire Motovan pour formuler ses arguments concernant les casques de motoneige.

[63] Gamma n’est pas d’accord avec cette équivalence, affirmant que bien que le style ou l’apparence d’un modèle de casque de motoneige puisse être semblable à celui d’un casque de motocyclette, les casques de motoneige présentent des caractéristiques uniques (c’est-à-dire une lentille/visière double, un déflecteur d’haleine conçu spécialement pour la motoneige) qui sont associées à un numéro de pièce complet. Gamma souligne que, bien que le même numéro de modèle puisse figurer dans les sections « Snow Helmets » (« casques pour la neige ») et « Street Helmets » (« casques pour la route ») de son site Web, les numéros de pièces complets diffèrent en fonction des caractéristiques spécifiques des casques, lesquels se retrouveraient soit dans le catalogue Snow de Gamma, soit dans son catalogue Motorcycle [43] .

[64] Après examen de la preuve, le Tribunal conclut que compte tenu des caractéristiques suivantes des marchandises en cause, celles-ci ont été conçues pour la pratique de la motoneige à des fins récréatives, plutôt que pour la course de motoneiges.

Homologations

[65] Premièrement, l’ASFC fait remarquer à juste titre que les marchandises en cause ne répondent pas aux homologations requises en matière de course de motoneiges. L’ASFC a fourni des éléments de preuve indiquant qu’il existe trois organismes qui homologuent les casques pour véhicules à moteur destinés à être utilisés en Amérique du Nord : le Department of Transportation (département des Transports des États‑Unis) (DOT), la Commission économique pour l’Europe (CEE) et la Snell Memorial Foundation (Fondation Snell). Dans Motovan, le Tribunal a conclu que les casques pour la course à moto devaient répondre à la norme établie par la CEE ou la Fondation Snell, en plus de la norme du DOT. Le Tribunal a estimé que le fait que l’un des modèles de casque pour motocycliste ne répondait qu’à la norme du DOT suggérait que ce modèle était destiné à la conduite sur route, et a conclu qu’il pouvait être classé dans le numéro tarifaire 6506.10.90 [44] .

[66] En ce qui concerne l’article 20 de la Loi sur les motoneiges et les dispositions réglementaires applicables [45] , une personne qui conduit une motoneige doit porter un casque qui répond à au moins une des normes suivantes, notamment la norme Snell, la norme du DOT ou la norme de la CEE. Toutefois, selon les livres de règlements d’ISR et de la CSRA, seuls les casques homologués par la CEE ou la Fondation Snell peuvent être utilisés pour la course de motoneiges [46] . En l’espèce, les marchandises en cause ne sont homologuées qu’en fonction de la norme du DOT [47] .

Conception et commercialisation

[67] Deuxièmement, l’ASFC soutient que les marchandises en cause ne sont pas conçues ou commercialisées en vue d’être utilisées dans le cadre de courses, soulignant que le matériel promotionnel ne mentionne rien en lien avec la performance ou la compétition. L’ASFC s’est appuyée sur les caractéristiques physiques que doivent posséder les casques pour la course de moto exposées dans Motovan [48] , précisant qu’il n’y a aucun élément de preuve établissant que les marchandises en cause favorisent la « stabilité aérodynamique » ou qu’elles sont fabriquées dans une grande variété de tailles qui visent à réduire leur poids et à favoriser un ajustement optimal.

[68] En ce qui concerne les exigences physiques des casques pour la course de motoneiges, les règles d’ISR et de la CSRA stipulent que la couleur orange vif doit couvrir 75 p. 100 du casque [49] . Les marchandises en cause portent des motifs rouges et noirs, ce qui ne serait pas conforme à cette exigence [50] . L’ASFC a également fourni des indications crédibles selon lesquelles les marchandises en cause sont commercialisées pour leur confort et s’adressent donc aux motoneigistes occasionnels [51] . Après avoir examiné la documentation sur les produits déposée par les parties, le Tribunal ne peut conclure que les marchandises en cause sont conçues pour les rigueurs des courses de motoneige ou commercialisées pour être vendues aux participants des compétitions.

Prix

[69] Troisièmement, l’ASFC soutient que la fourchette de prix des marchandises en cause est bien inférieure à celle des casques destinés à la course, en se fondant sur le prix des casques pour la course pour motocyclistes dans Motovan. Dans cette affaire, Motovan (l’appelante) faisait valoir que le prix des casques de course s’établissait généralement entre 500 $ et 1 500 $, tandis que le prix des casques pour la conduite sur les voies publiques se situait entre 100 $ et 150 $. Le Tribunal a conclu que la fourchette de prix de deux modèles de casques pour motocyclistes, qui se vendaient entre 200 $ et 350 $, était raisonnablement inférieure à celle des casques pour la course, ce qui laissait croire que ces modèles étaient destinés à la conduite sur les voies publiques [52] .

[70] Un examen des éléments de preuve versés au dossier de la présente affaire permet de constater que les casques de motoneige peuvent également contenir des fonctionnalités supplémentaires comme des visières chauffantes, un rembourrage supplémentaire ou des canaux respiratoires qui pourraient sans doute augmenter le prix de base d’un casque par rapport aux casques de motocyclette. En l’espèce, les éléments de preuve démontrent que les marchandises en cause sont vendues à environ 250 $, un prix qui, avec une visière chauffante électrique en option, peut passer à environ 330 $ [53] . Ce prix se situerait dans une fourchette similaire à celle des casques de motocyclette destinés à la conduite récréative. Bien qu’il n’y ait aucun élément de preuve convaincant concernant le prix des casques pour la course de motoneiges, il est raisonnable de déduire que ces casques seraient vendus à des prix plus élevés compte tenu des caractéristiques améliorées requises pour les adapter aux compétitions. Par conséquent, les éléments de preuve relatifs aux prix des marchandises en cause donnent à penser que ces dernières sont destinées à la conduite occasionnelle. En tout état de cause, il ne suffit pas de convaincre le Tribunal que les marchandises en cause peuvent être utilisées pour la course de motoneiges.

[71] En conséquence, à la lumière des éléments de preuve dont il dispose, le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont destinées à un usage récréatif et au transport, plutôt qu’à la pratique d’une activité athlétique, même en supposant, aux fins de l’argumentation, qu’une activité athlétique puisse être interprétée comme incluant le recours à de l’équipement motorisé comme une motoneige.

CONCLUSION

[72] Les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 6506.10.90 à titre d’« autres coiffures de sécurité », comme l’a déterminé l’ASFC.

DÉCISION

[73] L’appel est rejeté.

Georges Bujold

Georges Bujold
Membre présidant

 



[1] L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.) [Loi].

[2] . L.C. 1997, ch. 36.

[3] Pièce AP-2017-029-015, vol. 1 à la p. 20 [Mémoire de l’appelant].

[4] Ibid. à la p. 4.

[5] Ibid. à la p. 13.

[6] Ibid. à la p. 24.

[7] (3 juin 2019), AP-2017-028 (TCCE) [Motovan].

[8] DORS/91-499.

[9] Mémoire de l’appelant, Annexe 10.

[10] Le Canada est l’un des pays signataires de la Convention internationale sur le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, qui régit le Système harmonisé.

[11] . L.C. 1997, ch. 36, annexe [Règles générales].

[12] . Ibid.

[13] . Organisation mondiale des douanes, 4e éd., Bruxelles, 2017.

[14] . Organisation mondiale des douanes, 6e éd., Bruxelles, 2017.

[15] . Voir Canada (Procureur général) c. Suzuki Canada Inc., 2004 CAF 131 (CanLII) aux par. 13, 17, et Canada (Procureur général) c. Best Buy Canada Inc., 2019 CAF 20 (CanLII).

[16] . Canada (Procureur général) c. Igloo Vikski Inc., 2016 CSC 38 (CanLII) au par. 21.

[17] . Les règles 1 à 5 des Règles générales s’appliquent au classement au niveau de la position. La règle 6 des Règles générales prévoit que « [l]e classement des marchandises dans les sous-positions d’une même position est déterminé légalement d’après les termes de ces sous-positions et des Notes de sous-positions ainsi que, mutatis mutandis, d’après les règles [1 à 5] [...] » et « les Notes de Sections et de Chapitres sont également applicables sauf dispositions contraires ».

[18] . La règle 1 des Règles canadiennes stipule que « [l]e classement des marchandises dans les numéros tarifaires d’une sous-position ou d’une position est déterminé légalement d’après les termes de ces numéros tarifaires et des Notes supplémentaires ainsi que, mutatis mutandis, d’après les [Règles générales] [...] » et que « les Notes de Sections, de Chapitres et de sous-positions sont également applicables sauf dispositions contraires ». Les avis de classement et les notes explicatives ne s’appliquent pas au classement au niveau du numéro tarifaire.

[19] À cet égard, Gamma s’appuie sur la décision dans International Imports for Competitive Shooting Equipment Inc. c. Le sous-ministre du Revenu national (26 août 1999), AP-98-076 (TCCE) [International Imports].

[20] Pièce AP-2017-029-15, vol. 1 à la p. 87.

[21] Ibid. aux p. 110, 111 et 116. L’Encyclopédie canadienne indique également que « [a]u Canada et aux États-Unis (qui accaparent à eux seuls 90 p. 100 du marché mondial de l’industrie de la motoneige) on trouve environ 400 000 km de sentiers damés et aménagés spécialement à cette fin » et que « la plupart des motoneigistes apprécient l’aspect “touristique” de ce sport ».

[22] Ibid. à la p. 121. Le Tribunal souligne que le Mémorandum D10-15-27 reflète les politiques de l’ASFC et n’est pas déterminant dans cette affaire. De plus, bien que ce mémorandum n’ait pas été actualisé depuis la décision du Tribunal dans Motovan, il exclut expressément les coiffures conçues pour les activités de sport automobile du numéro tarifaire 6506.10.10, ce qui est contraire à l’avis de Gamma. Dans cette instance, l’ASFC a avancé que le Mémorandum D10-15-27, tel que rédigé, ne sous-entend pas que la motoneige est nécessairement une activité sportive, car la conduite d’une motoneige pourrait également comprendre des activités sans rapport au sport.

[23] Motovan au par. 36.

[24] Motovan au par. 31.

[25] Mémoire de l’appelant aux par. 23-38.

[26] International Imports à la p. 5.

[27] Motovan au par. 36.

[28] Le Tribunal considère donc que la conclusion dans International Imports, selon laquelle il n’y a pas de distinction entre ces termes, est erronée et ne devrait pas être appliquée.

[29] À tout le moins, une interprétation aussi large de la sous-position 9506.91 signifierait que ses termes suffiraient à englober tous les sports qui ne sont pas expressément mentionnés dans d’autres sous-positions de la position 95.06. Une telle interprétation rendrait la sous-position résiduelle de la position 95.06 (c’est-à-dire la sous-position 9506.99) inutile et donc intenable.

[30] Diversco Supply Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (12 août 2005), AP-2004-013 (TCCE) au par. 12.

[31] « Athlétisme », Larousse, consulté le 21 septembre 2020.

[32] « Athlétisme », Le Robert dico en ligne, consulté le 21 septembre 2020.

[33] « Athletics », Philip Babcock Gove, Webster’s Third New International Dictionary Unabridged, 3e éd. (Merriam‑Webster, Springfield, 1993).

[34] International Imports à la p. 5.

[35] De l’avis du Tribunal, une interprétation au sens large de ces termes pourrait tout au plus inclure des jeux et des sports du même type (selon la règle d’interprétation ejusdem generis) que ceux mentionnés à titre d’exemple dans les définitions de dictionnaires.

[36] Pièce AP-2017-029-17, vol. 1 aux p. 183-187.

[37] Voir, par exemple, pièce AP-2017-029-17, vol. 1 aux p. 59-64.

[38] Voir la Loi sur les motoneiges, L.R.O. 1990, chap. M.44, par. 18(2), qui prévoit que « [n]ul ne doit conduire ou autoriser quelqu’un à conduire une motoneige dont une pièce composante ou un dispositif ont été enlevés, ou sur laquelle ils ont été modifiés ou rendus hors d’état de fonctionner, si cette pièce ou ce dispositif étaient requis en vertu de la Loi sur la sécurité des véhicules automobiles (Canada) au moment de sa fabrication ou de son importation au Canada ».

[39] Encore une fois, le Tribunal a déjà conclu que les sports motorisés ne sont pas des activités athlétiques aux fins du numéro tarifaire 6506.10.10. La présente section traite d’une autre justification qui mène également à la conclusion que le présent appel devrait être rejeté.

[40] Motovan au par. 47; Wal-Mart Canada Corporation c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (13 juin 2011), AP-2010-035 (TCCE) au par. 74; Partylite Gifts Ltd. c. Le Commissaire de l’Agence des douanes et du revenu du Canada (16 février 2004), AP-2003-008 (TCCE).

[41] Voir la Loi sur les motoneiges, R.R.O. 1990, Règl. 804, art. 20, qui renvoi aux normes énoncées dans les règlements pris en vertu du Code de la route, R.R.O. 1990, Règl. 610, art. 2, à l’égard des casques utilisés pour la motocyclette.

[42] L’ASFC souligne que Gamma identifie divers casques de motoneige comme des casques de motocyclette dans d’autres parties du site Web de Gamma : voir, par exemple, les casques MD04 Reserve Modular, GM11 Vertical Dual Sport, FF49 Full Face, OF17 Open Face and GM2 Open Face qui sont listés à la fois sous « Snow Helmets » et « Street Helmets »; pièce AP-2017-029-17, vol. 1 aux p. 96-103. La liste ne comprend pas les marchandises en cause.

[43] Pièce AP-2017-029-22, Vol. 1, onglets AR4 à AR11 [Mémoire en réponse de l’appelant].

[44] Motovan aux par. 49, 54 et 55.

[45] Loi sur les motoneiges, R.R.O. 1990, Règl. 804, art. 20; Code de la route, R.R.O. 1990, Règl. 610, art. 2.

[46] Pièce AP-2017-029-17, vol. 1 aux p. 59 et 111.

[47] Gamma semble vendre d’autres modèles de casques de motoneige qui répondent à la fois aux normes du DOT et de la CEE; voir le mémoire en réponse de l’appelant à l’onglet AR6.

[48] Motovan au par. 50.

[49] Pièce AP-2017-029-17, vol. 1 aux p. 59 et 111.

[50] Ibid. à la p. 88 (modèle no 496-4213D, TC-1 Red).

[51] Le contenu marketing fait référence à la « conception du cadre périphérique » [traduction] des marchandises en cause, qui fournit une protection contre le vent et le froid, leur conception étant axée sur la chaleur, le confort et la simplicité, afin de « répondre à la demande des passionnés et des motoneigistes du dimanche » [traduction]; pièce AP-2017-029-15, vol. 1 à la p. 18; pièce AP-2017-029-17, vol. 1 aux p. 88-89.

[52] Motovan au par. 54.

[53] Pièce AP-2017-029-15, vol. 1 à la p. 18; pièce AP-2017-029-17, vol. 1 à la p. 88.

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