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Demande no EP-2020-001

Friul Intagli Industries S.p.A.

Ordonnance et motifs rendus
le vendredi 29 janvier 2021

 



EU ÉGARD À une demande présentée par Friul Intagli Industries S.p.A., aux termes du paragraphe 60.2(1) de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.), pour obtenir une ordonnance de prolongation du délai pour déposer des demandes de réexamen, aux termes de l’article 60 de la Loi sur les douanes.

ORDONNANCE

Ayant examiné la demande de prolongation du délai pour déposer des demandes de réexamen présentée par Friul Intagli Industries S.p.A. (Friul), le Tribunal canadien du commerce extérieur conclut que les exigences et les conditions énoncées à l’article 60.2 de la Loi sur les douanes sont remplies.

Le Tribunal, par la présente, fait droit à la demande et accorde à Friul 30 jours à compter de la date de la présente ordonnance pour déposer des demandes de réexamen, aux termes de l’article 60 de la Loi sur les douanes, ayant trait aux réexamens énumérés dans la demande.

Susan D. Beaubien

Susan D. Beaubien
Membre présidant


EXPOSÉ DES MOTIFS

APERÇU

[1] Friul Intagli Industries S.p.A. (Friul) demande une prorogation du délai pour contester le classement tarifaire de certaines marchandises aux termes de la Loi sur les douanes [1] .

[2] Le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a rejeté une demande présentée par Friul en vertu de l’article 60.1 de la Loi. Friul invoque maintenant l’article 60.2 et demande au Tribunal de faire droit à sa demande de prorogation de délai.

CONTEXTE

[3] Friul est une société italienne qui fabrique et exporte des meubles non assemblés et des éléments de meubles [2] vers de nombreux pays sur quatre continents. Les produits de Friul sont exportés au Canada depuis au moins 2015 [3] .

[4] En novembre 2017, l’ASFC a entrepris une vérification de l’observation commerciale (VOC) relativement au classement tarifaire déclaré lors de l’importation de certains produits de Friul [4] . Celle‑ci a retenu les services de la société Ashron Freight Services (Ashron) pour l’aider à se conformer au processus de vérification de l’ASFC.

[5] Au début de la VOC, Ashron a transmis à l’ASFC des copies des factures et des formulaires B3, Douanes Canada – Formule de codage, pertinents pour la vérification [5] .

[6] Pendant la VOC, un employé de l’ASFC a communiqué directement avec une employée (Marzia) du service de l’exportation de Friul ainsi qu’avec Ashron [6] . Friul affirme qu’elle a coopéré avec l’ASFC pendant toute la durée du processus, et ce, en dépit d’obstacles linguistiques et de certains malentendus concernant la nature et la portée des demandes faites par l’ASFC [7] .

[7] La VOC portait essentiellement sur deux saisies de transactions. Friul a remis à l’ASFC les renseignements et les documents supplémentaires requis pour la VOC [8] . À l’issue de la vérification, l’ASFC a conclu que le classement tarifaire utilisé par Friul pour certaines marchandises importées était incorrect [9] . L’ASFC a déposé son rapport sur le classement tarifaire le 2 mars 2018 [10] . Elle a délivré un relevé détaillé de rajustement (RDR) le 29 mai 2018 pour chacune des deux transactions visées par la vérification [11] .

[8] Par conséquent, des montants supplémentaires au titre des droits de douane et de la taxe sur les produits et services (TPS) ont été imposés pour les deux transactions visées par la vérification. Les droits et la TPS ont été dûment payés par Friul [12] .

[9] Compte tenu de l’issue de la VOC, Friul était tenue de revoir toutes les expéditions faites au Canada avant la vérification. Ainsi, la société devait revoir et corriger toutes les transactions, faites au cours des quatre années précédentes, qui étaient touchées par le classement tarifaire visé par la VOC. Friul était tenue d’apporter ces corrections dans les 90 jours suivant la production du rapport sur le classement tarifaire, c’est‑à‑dire au plus tard le 4 juin 2018 [13] .

[10] Cela concernait 79 transactions supplémentaires, avec les factures connexes et d’autres documents [14] . Friul a ainsi dû modifier le classement tarifaire d’au moins une partie de ses importations précédentes, dans la mesure où elle souscrivait au classement tarifaire révisé de l’ASFC découlant de la VOC [15] .

[11] Pour y parvenir, Friul a examiné et révisé les factures des années 2015, 2016 et 2017 correspondant aux formulaires B3, Douanes Canada – Formule de codage pour ces transactions, et elle a produit les factures corrigées. Selon Friul, cet exercice a nécessité un examen article par article de centaines de lignes de factures [16] . Friul affirme que, pour ce faire, elle a suivi les directives de l’ASFC concernant le classement tarifaire [17] .

[12] Elle n’a cependant pas été en mesure de terminer le travail avant le 4 juin 2018. C’est pourquoi l’ASFC lui a envoyé un avis de cotisation de pénalité [18] . Toutes les transactions nécessitant des corrections à la suite de la VOC étaient recensées dans cet avis [19] .

[13] Friul a présenté les factures corrigées à l’ASFC le 27 juillet 2018 [20] .

[14] L’ASFC s’est opposée au format des factures corrigées, affirmant que Friul aurait dû présenter les corrections au moyen du formulaire prescrit [21] . Elle a également contesté le classement tarifaire non corrigé de certaines marchandises. Friul affirme ne pas avoir corrigé le classement tarifaire des transactions dont elle contestait le classement, qui n’avait pas encore été réglé dans le cadre de discussions avec l’ASFC [22] .

[15] L’agent de l’ASFC chargé du dossier était sur le point de partir en vacances. Il a informé Friul qu’il allait devoir discuter avec son gestionnaire des manquements relevés dans la réponse de cette dernière [23] . Friul a compris que les discussions reprendraient après les vacances de l’agent et que des demandes de révision seraient déposées, dans la mesure où il était impossible de parvenir à un règlement concernant le classement tarifaire contesté [24] .

[16] L’ASFC a plutôt établi une cotisation pour toutes les transactions de marchandises importées par Friul depuis 2015, sans tenir compte, semble‑t‑il, des factures corrigées présentées par celle-ci le 27 juillet 2018. La cotisation établie par l’ASFC a été communiquée à Friul dans une lettre datée du 13 août 2018 (ci‑après, la lettre du 13 août), adressée à l’attention de Marzia et envoyée par poste prioritaire [25] . La lettre a également été transmise par courrier électronique à Marzia, à son adresse chez Friul, et à Ashron [26] .

[17] Toutefois, les détails de la cotisation ont été exposés dans un RDR distinct daté du 6 septembre 2018 [27] . Friul affirme que la personne responsable du dossier chez Friul (Marzia) n’a jamais reçu le RDR, apparemment en raison de la fermeture des bureaux de l’entreprise pour la période des vacances d’été [28] ou d’un mauvais acheminement du courrier [29] . Friul affirme donc qu’elle a reçu le RDR seulement de nombreux mois plus tard (mars 2019) [30] . Elle reconnaît avoir reçu la lettre du 13 août [31] .

[18] La délivrance du RDR marquait le début d’une période de 90 jours au cours de laquelle l’entreprise pouvait demander une révision du classement tarifaire appliqué par l’ASFC. Compte tenu de la décision de l’ASFC, Friul était tenue de payer non seulement des montants supplémentaires (rétroactifs) au titre des droits de douane et de la TPS, mais aussi des intérêts et des pénalités [32] . Selon le RDR, le montant total à payer s’élevait à 665 253,51 $ [33] .

[19] En octobre 2018, un conseiller juridique spécialisé en droit commercial, qui affirmait que ses services étaient « sur le point d’être retenus » [traduction] par Friul, a communiqué avec l’ASFC pour demander des renseignements sur un « important montant prévu par un RDR » [traduction] qui serait payable, y compris sur la possibilité de conclure une entente de paiement partiel, sous toutes réserves [34] . Nul ne sait si ce conseiller juridique a bel et bien été embauché par Friul.

[20] Quoi qu’il en soit, l’agent de l’ASFC qui s’est occupé du dossier depuis le début a répondu ainsi :

Je cherche à confirmer cette information puisque cela ne fait pas partie de mon travail habituel, mais je crois qu’un importateur doit payer tous les droits et intérêts et/ou déposer une garantie. Cette garantie peut prendre de nombreuses formes; le seul exemple dont j’ai entendu parler est le paiement d’un cautionnement d’exécution à une compagnie d’assurances privée. Il est acceptable d’avoir des combinaisons de formes de garanties et de paiements [35] .

[Traduction]

[21] Friul n’a pas pris de mesures supplémentaires pour demander le réexamen, de plein droit, du classement tarifaire avant la date limite du 8 décembre 2018.

[22] Un avis d’arriérés a été délivré le 28 novembre 2018 [36] , et un avis de droit de rétention a été délivré à Friul par l’Agence du revenu du Canada le 9 janvier 2019 [37] .

[23] Friul a ensuite déposé un cautionnement daté du 14 février 2019 d’un montant de 703 677,78 $ à titre de garantie pour le montant à payer établi dans le RDR, ainsi que les pénalités [38] .

[24] Le 4 mars 2019, le nouveau (et actuel) conseiller juridique de Friul a communiqué avec l’ASFC pour obtenir une copie du RDR délivré le 6 septembre 2018 [39] . Ce document a été fourni par l’ASFC le 11 mars 2019 [40] .

[25] Pendant cette période, il semble que l’ASFC ait apporté certaines modifications à la procédure en ce qui concerne les exigences relatives à la réception et au traitement des demandes de réexamen, y compris les demandes de prorogation de délai. Le dossier indique que le conseiller juridique de Friul et l’ASFC ont discuté de ces questions à quelques reprises; l’ASFC considérait apparemment que le dossier semblait complexe, et elle a proposé la tenue d’une discussion téléphonique « avant que [le conseiller juridique de Friul] y consacre trop de temps » [41] [traduction].

[26] Le 17 mars 2019, le conseiller juridique de Friul a informé l’ASFC qu’il préparait un appel. L’ASFC a reçu une copie du cautionnement, ainsi qu’une demande pour qu’elle examine celui‑ci et confirme qu’il satisfaisait aux critères de la garantie. Cette confirmation a été fournie le jour suivant [42] .

[27] En juin et juillet 2019, le conseiller juridique de Friul a communiqué avec l’ASFC pour demander des copies de documents qui avaient été soit égarés, soit non reçus, et pour obtenir des éclaircissements sur des transactions figurant dans le RDR qui semblaient être inscrites en double ou n’avoir aucun rapport avec les transactions de Friul [43] .

[28] Le conseiller juridique de Friul a présenté le 30 août 2019 un formulaire signé intitulé « Entente sur l’échange de renseignements par courriel avec la Direction des recours de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) » [44] . Ce formulaire avait été fourni au conseiller juridique par l’ASFC en mars 2019 [45] .

[29] Une déclaration statutaire datée du 7 octobre 2019 a été fournie par le gestionnaire de l’expédition et de la logistique de Cargo Compass Spa, une société italienne de logistique de la distribution qui s’occupe du chargement et de l’expédition des exportations de Friul vers le Canada. La déclaration statutaire contenait un tableau des exportations de Friul vers le Canada par numéro de facture, lequel renvoyait au numéro du conteneur de fret et au formulaire B3, Douanes Canada – Formule de codage. En outre, des renseignements sur la nature des marchandises et la logistique de leur importation et de leur livraison au Canada ont également été fournis [46] .

[30] Le 21 octobre 2019, Friul a demandé le réexamen du classement tarifaire établi dans le RDR du 6 septembre 2018. Figurait dans cette correspondance un résumé des motifs pour lesquels Friul soutenait que le classement tarifaire et le calcul de la TPS et des droits de douane rétroactifs qu’elle devait payer étaient incorrects. Les objections de Friul portaient principalement sur la méthodologie utilisée par l’ASFC [47] . Friul a également présenté une demande de prorogation du délai pour présenter une demande de réexamen aux termes de l’article 60.1 de la Loi [48] .

[31] L’ASFC a rendu une décision préliminaire le 29 novembre 2019 par laquelle elle a rejeté la demande de prorogation de délai de Friul et demandé des renseignements supplémentaires [49] . En réponse, le conseiller juridique de Friul a présenté des observations écrites détaillées le 19 décembre 2019 [50] .

Décision de l’ASFC relativement à la demande présentée aux termes de l’article 60.1

[32] Le 8 janvier 2020, l’ASFC a rejeté la demande de prorogation de délai de Friul [51] .

[33] Dans sa décision, l’ASFC a conclu que Friul n’avait pas rempli les critères énoncés à l’article 60.1 de la Loi. Plus particulièrement, Friul n’a pas réussi à convaincre l’ASFC qu’elle n’avait pas été en mesure d’agir dans le délai prescrit de 90 jours pour demander une révision; en effet, la raison avancée par Friul (c’est-à-dire la fermeture de ses bureaux pour l’été) ne constituait pas une circonstance exceptionnelle indépendante de sa volonté de la nature décrite dans la politique ou les lignes directrices de l’ASFC [52] .

[34] Bien que Friul ait retenu les services de conseillers expérimentés qui ont entamé une correspondance avec l’ASFC en octobre 2018, l’ASFC a estimé qu’il n’y avait aucune preuve démontrant que des mesures avaient été entreprises par la suite pour véritablement présenter une demande de réexamen dans le délai fixé par la loi. L’ASFC a conclu que les représentants de Friul soit n’étaient pas mandatés pour agir, soit ont omis d’agir puisque toute intention d’interjeter appel n’a été concrétisée qu’après que l’Agence du revenu du Canada eut pris une mesure de recouvrement [53] .

[35] L’ASFC a invoqué les mêmes motifs pour justifier sa conclusion selon laquelle il ne serait pas juste ou équitable d’accorder une prorogation de délai puisqu’il n’y avait pas de « motifs impérieux » [traduction] justifiant le « long retard » [traduction] dans le dépôt de la demande de prorogation. Elle a également estimé qu’il serait « injuste pour l’ensemble du secteur des importations » [traduction] de faire droit à la demande de prorogation en l’absence d’une justification plus convaincante du retard étant donné que les autres importateurs doivent également traiter des transactions complexes et volumineuses lorsqu’ils interjettent appel [54] .

[36] Enfin, l’ASFC a estimé que Friul n’avait pas déposé sa demande « dès que possible », étant donné une apparente période d’inactivité entre octobre 2018 et février 2019 et le fait que l’appel n’a en fait été déposé que le 21 octobre 2019, bien que le conseiller juridique de Friul eût indiqué, à la fin août 2019, que tous les documents nécessaires à l’appel avaient été réunis [55] .

[37] Le 7 avril 2020, Friul a déposé auprès du Tribunal la présente demande de prorogation de délai aux termes de l’article 60.2 de la Loi [56] .

[38] L’ASFC a déposé des observations sur la demande de prorogation le 8 mai 2020 [57] .

[39] Friul a déposé des observations en réponse le 22 mai 2020 [58] . Elle a également déposé des documents supplémentaires avec un jour de retard [59] . Compte tenu du dépôt tardif et des renseignements supplémentaires présentés, l’ASFC a demandé l’autorisation de déposer des observations complémentaires [60] .

[40] Friul s’est opposée à cette demande de l’ASFC [61] . L’ASFC a affirmé que Friul avait tout simplement reformulé sa plaidoirie et que tous les documents déposés après la réponse du 22 mai de Friul devaient être écartés si elle‑même n’avait pas l’autorisation de déposer des observations complémentaires [62] .

[41] Le Tribunal a autorisé l’ASFC à déposer des observations complémentaires se limitant strictement à tout fait nouveau pouvant figurer dans les documents déposés tardivement par Friul le 25 mai 2020 [63] .

[42] L’ASFC a déposé ses observations complémentaires le 8 juin 2020 [64] .

POSITION DES PARTIES

Friul

[43] Friul a fourni une description détaillée du contexte et des événements qui ont mené à la délivrance du RDR le 6 septembre 2018. Elle soutient qu’elle respectait les quatre conditions énoncées à l’article 60.2 pour qu’il soit fait droit à sa demande de prorogation de délai.

[44] Selon Friul, non seulement elle avait l’intention de demander un réexamen, mais elle a également pris des mesures à cet effet avant la fin de la période prescrite de 90 jours. Elle souligne qu’elle a pleinement collaboré avec l’ASFC tout au long de la VOC. Néanmoins, l’ASFC lui a imposé une cotisation sans tenir compte des factures révisées et des révisions de classement tarifaire qu’elle avait présentées. C’est ce qui a donné lieu à la délivrance par l’ASFC d’un RDR que Friul n’a reçu que de nombreux mois plus tard, après la fin de la période de 90 jours.

[45] Friul affirme que le RDR manquant a compromis sa capacité de présenter une demande de réexamen dans le délai prévu par la Loi puisqu’elle ne connaissait pas bien les exigences procédurales d’un appel et qu’elle ne disposait pas des renseignements figurant dans le RDR.

[46] Friul soutient qu’il est juste et équitable de faire droit à sa demande parce que, si elle n’a pas la possibilité de contester le classement tarifaire de l’ASFC, le gouvernement s’enrichira de façon injuste en tirant profit d’un avantage indu découlant de l’utilisation d’un classement tarifaire incorrect. Elle affirme que c’est un droit pour les importateurs que les marchandises qu’ils importent soient correctement classées et qu’il n’existe aucune contrepartie équitable qui justifierait d’empêcher un classement tarifaire incorrect de faire l’objet d’un examen ou d’une correction.

[47] En ce qui concerne la question du retard, Friul soutient qu’elle a fait preuve de prudence et de diligence dans la préparation de ses documents parce qu’elle voulait présenter des renseignements exhaustifs et exacts à l’ASFC. Elle insiste sur le nombre de transactions en cause et précise que son dossier est complexe.

[48] Selon Friul, cette complexité signifie que le processus de localisation, d’examen et d’organisation des renseignements pertinents a demandé du temps, particulièrement parce qu’elle a cherché le RDR en vain puisqu’elle ne l’avait pas reçu.

[49] En outre, Friul souligne qu’elle travaillait à préparer non seulement sa demande de prorogation de délai, mais aussi sa demande de réexamen sur le fond, ce qui a nécessité des recherches et une préparation longue et minutieuse.

[50] Friul soutient également que l’exigence d’un cautionnement par l’ASFC a été un facteur de complication puisqu’il lui a fallu du temps pour trouver une société de cautionnement qui puisse en émettre un conforme aux exigences de l’ASFC. Une fois que cela a été fait, la forme et le contenu du cautionnement ont dû être approuvés par l’ASFC.

[51] Au début de 2019, l’ASFC a mis en place une nouvelle procédure d’appel en ligne. Friul souligne qu’il s’agit d’un facteur supplémentaire qui a eu une incidence sur le moment où elle a déposé sa demande.

ASFC

[52] L’ASFC soutient qu’il incombe à la partie qui demande une prorogation de délai (Friul) de prouver que les conditions légales sont réunies pour qu’il soit fait droit à sa demande. En l’espèce, l’ASFC fait valoir que Friul n’a pas réussi à démontrer qu’elle a présenté sa demande « dès que possible » ni qu’il serait juste et équitable de faire droit à sa demande de prorogation compte tenu des circonstances.

[53] Tout en admettant que chaque affaire doive être tranchée en fonction des faits qui lui sont propres et qu’il n’y a pas de critère nettement défini pour déterminer ce que veut dire « dès que possible », l’ASFC souligne qu’il a fallu 13 mois à Friul à partir de la date du RDR pour demander une prorogation et que plusieurs laps de temps relativement à ce retard restent soit inexpliqués, soit injustifiés. Elle fait valoir que le dossier ne démontre pas que Friul a été « animée par un sentiment d’urgence et de diligence » [65] [traduction].

[54] En fait, l’ASFC soutient que Friul avait connaissance de l’existence du RDR et de son contenu au moins à la mi‑octobre 2018, lorsque son ancien conseiller juridique et Ashron ont communiqué avec elle. À ce moment‑là, le délai prévu par la loi permettait de déposer de plein droit une demande de révision.

[55] L’ASFC reconnaît que Friul prenait des « mesures actives » [traduction] en vue du dépôt de sa demande de réexamen au plus tard en octobre 2018, mais affirme que Friul n’a pas expliqué pourquoi elle n’a pas interjeté appel au plus tard le 5 décembre 2018 ni pourquoi cette date limite n’a pu être respectée. Elle souligne également que, pour des raisons qui demeurent inexpliquées, Friul semble avoir cessé ses activités jusqu’en mars 2019, et ce, malgré l’obtention d’un cautionnement en février qui n’a été présenté à l’ASFC que le 24 octobre 2019.

[56] L’ASFC renvoie à une communication datant de la fin août 2019 dans laquelle le conseiller juridique de Friul a indiqué que le dépôt de la demande de prorogation de délai et de la demande de révision était imminent. Pourtant, ces demandes ont été déposées seulement le 21 octobre 2019.

[57] En outre, l’ASFC fait valoir que Friul n’a pas expliqué pourquoi les documents nécessaires pour appuyer son appel n’étaient pas disponibles plus tôt étant donné qu’elle les aurait eus en sa possession lorsqu’elle a préparé sa réponse au rapport sur le classement tarifaire. Elle note également que Friul aurait dû avoir accès aux photographies des marchandises et obtenir une déclaration statutaire de Cargo Compass Spa beaucoup plus tôt. L’exigence de l’ASFC concernant le dépôt d’une garantie est une règle d’application générale. Par conséquent, cette règle est considérée être de notoriété publique et elle aurait donc dû être connue d’un commerçant international expérimenté comme Friul, en particulier si ce commerçant reçoit des conseils professionnels.

[58] Étant donné qu’il a fallu 10 mois à Friul pour demander une prorogation de délai après l’expiration du délai statutaire, l’ASFC fait valoir qu’il serait injuste et inéquitable envers les autres importateurs qui agissent dans les délais prescrits de faire droit à la demande de prorogation dans de telles circonstances, d’autant plus que Friul n’a pas pleinement expliqué son retard.

[59] L’ASFC reconnaît que le Tribunal doit examiner et soupeser différents facteurs, notamment les conséquences pour le demandeur si sa demande de prorogation est rejetée, l’injustice potentielle pour les autres si la prorogation est accordée et les raisons du retard. Ainsi, l’exercice du pouvoir discrétionnaire est propre à chaque cas. En l’espèce, cependant, l’ASFC soutient que l’ampleur du retard est en soi déraisonnable et l’emporte sur d’autres considérations, y compris les arguments de Friul sur la complexité du dossier.

[60] Dans ses observations complémentaires, l’ASFC souligne que la réponse de Friul avait inutilement compliqué la procédure en se focalisant sur des questions qui n’étaient pas pertinentes en ce qui concerne le processus de sélection des échantillons par l’ASFC lors de la VOC et sur la méthode de calcul des droits dus dont fait état le RDR. Par ailleurs, l’ASFC affirme que les documents supplémentaires déposés par Friul ne faisaient que mettre en évidence des divergences et soulignaient le fait que Friul n’avait pas déposé sa demande dès que les circonstances le permettaient.

ANALYSE

[61] Le paragraphe 60.2(1) de la Loi stipule qu’une personne qui a présenté une demande de prorogation au président de l’ASFC [66] et qui a été refusée par celui-ci peut demander au Tribunal d’y faire droit. Une telle demande auprès du Tribunal doit être faite dans les 90 jours suivant le rejet de la demande par le président. En l’espèce, le président a rejeté la demande de Friul le 8 janvier 2020. La demande a été soumise au Tribunal le 7 avril 2020, c’est‑à‑dire le dernier jour autorisé. La demande a donc été présentée dans les délais, quoique de justesse.

[62] Pour que le Tribunal puisse faire droit à une demande de prorogation de délai, les conditions énoncées au paragraphe 60.2(4) de la Loi doivent être réunies. Le paragraphe 60.2(4) est ainsi libellé :

(4) Il n’est fait droit à la demande que si les conditions suivantes sont réunies :

a) la demande de prorogation visée au paragraphe 60.1(1) a été présentée dans l’année suivant l’expiration du délai prévu à l’article 60;

b) l’auteur de la demande établit ce qui suit :

(i) au cours du délai prévu à l’article 60, il n’a pu ni agir ni mandater quelqu’un pour agir en son nom, ou il avait véritablement l’intention de présenter une demande de révision ou de réexamen,

(ii) il serait juste et équitable de faire droit à la demande,

(iii) la demande a été présentée dès que possible.

[63] Les exigences énoncées au paragraphe 60.2(4) de la Loi sont cumulatives. Chaque condition doit être satisfaite, et le fardeau de la preuve incombe au demandeur. La décision du Tribunal de faire droit ou non à une demande présentée aux termes de l’article 60.2 est prise de novo [67] .

[64] Il est incontestable que les conditions de l’alinéa 60.2(4)a) de la Loi sont réunies. La date limite pour demander une révision aux termes de l’article 60 était le 8 décembre 2018, soit 90 jours après la délivrance du RDR. Par conséquent, toute demande faite aux termes de l’article 60.2 devait être déposée au plus tard le 8 décembre 2019.

[65] Friul a présenté sa demande de prorogation de délai aux termes de l’article 60.1 de la Loi le 21 octobre 2019. Par conséquent, la demande présentée aux termes de l’article 60.2 a été déposée avant la date limite du 8 décembre 2019.

[66] En ce qui concerne le sous‑alinéa 60.2(4)b)(i) de la Loi, rien ne prouve que Friul n’a pu ni agir elle‑même ni mandater quelqu’un pour agir en son nom. L’ASFC convient [68] que les communications faites au nom de Friul en octobre 2018 indiquaient que celle‑ci avait véritablement l’intention de contester le classement tarifaire révisé découlant de la VOC et qui a abouti à la délivrance du RDR.

[67] Le Tribunal convient que la correspondance entre Friul et l’ASFC en octobre 2018 démontre que Friul avait décidé de se prévaloir de son droit d’interjeter appel. La question est de savoir si cette intention a donné lieu à une action ultérieure qui était suffisante pour satisfaire aux exigences des sous‑alinéas 60.2(4)b)(ii) et 60.2(4)b)(iii) de la Loi.

[68] À ce titre, le Tribunal doit décider si la demande de Friul a été présentée dès que les circonstances le permettaient et s’il serait juste et équitable d’y faire droit.

[69] Les parties ont invoqué plusieurs décisions à l’appui de leurs arguments respectifs sur ces questions. Toutefois, une partie de la jurisprudence invoquée concerne des demandes de prorogation de délai présentées aux termes du paragraphe 67.1(4) de la Loi [69] . En plus des conditions énoncées au paragraphe 60.2(4), les critères énoncés au paragraphe 67.1(4) exigent l’examen supplémentaire de la question de savoir si « l’appel est fondé sur des motifs raisonnables ».

[70] À ce titre, dans son examen de la jurisprudence ayant trait au paragraphe 67.1(4) de la Loi dans le contexte des arguments présentés en l’espèce, le Tribunal garde à l’esprit qu’un examen additionnel, c’est‑à‑dire la question de savoir si l’appel était fondé sur des motifs raisonnables, peut avoir été un facteur sous-jacent à ces décisions.

[71] Dans Latoplast, le Tribunal a souligné qu’une décision de faire droit à une demande de prorogation de délai est une décision discrétionnaire fondée sur les faits. Il a affirmé ce qui suit :

18. Il n’y a pas de critère nettement défini pour déterminer si une demande a été « présentée dès que possible ». Le Tribunal doit plutôt trancher au cas par cas selon les faits. La seule date limite pour présenter une telle demande est que celle-ci doit avoir été faite dans un délai d’un an suivant l’expiration du délai d’appel prévu à l’article 67 de la Loi, comme mentionné ci-dessus.

19. Comme l’a affirmé le Tribunal dans le contexte d’une application de l’article 60.2 de la Loi, bien que les délais prévus par la loi ne doivent pas être pris à la légère, la Loi « autorise expressément le Tribunal à modifier et à proroger les délais prévus par la loi pour certaines demandes ». Cela permet au Tribunal d’être une instance administrative accessible pour la résolution de différends, en autant que les conditions énoncées dans la Loi soient remplies [70] .

[Notes de bas de page omises]

[72] Le Tribunal a également souligné qu’une partie qui présente une demande de prorogation de délai est censée agir avec un sentiment d’urgence [71] .

[73] Pour déterminer s’il serait juste et équitable de faire droit à la demande de prorogation, le Tribunal doit évaluer les facteurs pertinents, notamment la durée du retard, les conséquences pour le demandeur s’il n’était pas fait droit à la demande, la possibilité d’une injustice envers les autres importateurs et les motifs du retard. Aucun facteur n’est à lui seul décisif, et il n’est pas nécessaire d’accorder le même poids aux différents facteurs [72] .

[74] En l’espèce, Friul a présenté une volumineuse documentation à l’appui de sa demande de prorogation. Le dossier complet de la demande compte des centaines de pages. Friul soutient qu’il a fallu beaucoup de temps à son conseiller juridique pour rassembler cette documentation, ce qui explique, au moins en partie, le temps qu’il lui a fallu pour déposer formellement sa demande de prorogation.

[75] L’ASFC souligne qu’il a fallu 320 jours à Friul pour déposer sa demande [73] . Elle renvoie à des affaires antérieures dans lesquelles le retard était très léger (c’est-à-dire quelques jours) [74] ainsi qu’à une affaire dans laquelle la durée beaucoup plus courte d’un retard (par exemple 60 jours) a été qualifiée d’excessive malgré le risque de conséquences graves pour le demandeur [75] . Selon l’ASFC, le temps pris par Friul démontre que la demande n’a pas été déposée « dès que possible » et que Friul n’a pas agi avec le sentiment d’urgence requis.

[76] Friul affirme que le processus d’appel a été retardé parce qu’elle n’a reçu le RDR qu’en mars 2019. L’ASFC conteste l’affirmation de Friul selon laquelle le RDR n’a pas été reçu en temps opportun. Renvoyant à la correspondance d’octobre 2018, l’ASFC soutient que les déclarations faites au nom de Friul révèlent que celle‑ci avait bel et bien reçu le RDR à cette date.

[77] La lettre du 13 août a été envoyée par courrier électronique et par poste prioritaire, mais le dossier ne précise pas comment le RDR a été envoyé à Friul. On peut supposer qu’il a été envoyé par courrier ordinaire. Il a été envoyé à l’adresse commerciale de Friul sans lettre d’accompagnement ni précision indiquant que le document devait être remis à une personne ou à un service en particulier au sein de la société. Par conséquent, il est tout à fait possible que le document ait été égaré ou mal acheminé et qu’il ne soit pas parvenu à la personne (Marzia) responsable chez Friul.

[78] La lettre du 13 août contenait suffisamment de renseignements pour que Friul sache qu’elle pourrait subir des conséquences importantes en raison du calcul rétroactif des droits de douane. Le Tribunal conclut que ces renseignements ont poussé Friul à tenter de retenir les services d’un conseiller juridique canadien à l’automne 2018. C’est ce qui a donné lieu à la correspondance avec l’ASFC en octobre 2018.

[79] Le Tribunal conclut que la correspondance d’octobre 2018 démontre que Friul connaissait ces conséquences potentielles, comme le démontre le contenu de la lettre du 13 août, surtout après qu’elle a retenu les services d’un conseiller juridique [76] . Toutefois, la correspondance ne va pas jusqu’à démontrer que Friul avait à sa disposition la ventilation détaillée figurant dans le RDR.

[80] La correspondance d’octobre 2018 révèle également que Friul s’est renseignée sur la possibilité d’avoir des options de paiement, tout en se réservant le droit d’interjeter appel. Il est difficile de déterminer si cette demande de renseignements peut être qualifiée d’ouverture de discussions en vue de parvenir à un règlement, ce qui, en principe, devrait être la solution privilégiée.

[81] L’ASFC a répondu que, sous réserve de confirmation, une demande de révision ne sera prise en compte que si les droits et les intérêts sont entièrement prépayés. Subsidiairement, une garantie pour le montant à payer doit être déposée dans une forme satisfaisante pour l’ASFC. Des renseignements sommaires sur le dépôt de la garantie ont été fournis [77] . Il n’y a rien dans le dossier concernant toute autre confirmation ou discussion entre les parties sur cette question. Il est donc difficile de déterminer si Friul attendait un dialogue ou des renseignements supplémentaires de la part de l’ASFC avant de prendre les mesures suivantes.

[82] L’ASFC a pris des mesures coercitives en janvier 2019. Friul a obtenu un cautionnement en février 2019, et son nouveau conseiller juridique a communiqué avec l’ASFC peu après pour obtenir la confirmation que le cautionnement était satisfaisant.

[83] Selon le sous‑alinéa 60.2(4)b)(iii) de la Loi, la demande doit être présentée « dès que possible ». Le libellé de cette disposition est général. Les circonstances peuvent varier considérablement d’une affaire à l’autre. Le Tribunal a constaté que les affaires citées par l’ASFC impliquaient des retards négligeables de quelques jours causés par des erreurs de consignation ou d’autres erreurs commises par le demandeur ou son conseiller juridique [78] . Ce n’est pas le cas en l’espèce.

[84] Malgré le volumineux dossier déposé par Friul, y compris une déclaration sous serment de son entreprise responsable de la logistique de distribution, aucune déclaration sous serment n’a été déposée par Friul elle‑même pour décrire ou expliquer ce qui s’est passé pendant la période concernée. Cette omission est plutôt troublante. Une telle déclaration aurait été bien plus utile et convaincante pour résoudre la présente affaire que les documents et les observations quelque peu prolixes déposés par Friul et examinés par le Tribunal.

[85] Toutefois, le dossier indique que Friul a pris des mesures pour entamer un processus d’appel puisqu’elle a communiqué avec l’ASFC dans le délai de 90 jours prévu par la loi pendant lequel elle pouvait demander une révision de plein droit. Bien que la demande de prorogation de délai n’ait été déposée que de nombreux mois plus tard, le dossier indique une correspondance continue, bien que périodique, entre Friul et l’ASFC, et que le conseiller juridique de Friul réfléchissait manifestement à la question et préparait la demande. L’ASFC savait donc que Friul avait l’intention d’interjeter appel, ce qui a été mis en évidence par le dépôt d’un cautionnement. En outre, une partie de la correspondance envoyée par l’ASFC était conditionnelle à la transmission d’autres renseignements ou évoquait une telle transmission.

[86] Une partie du retard peut également être attribuable aux mesures nécessaires pour se conformer aux propres exigences procédurales de l’ASFC, notamment l’obligation de prépayer intégralement le montant en cause [79] . Le Tribunal ne se prononce pas sur le bien‑fondé d’une telle exigence, si ce n’est pour faire observer que la charge imposée à un éventuel appelant augmente de manière assez proportionnelle avec le montant en cause. L’appelant éventuel doit soit dépenser une partie de ses liquidités, soit payer un cautionnement comme prérequis. Le Tribunal estime que la marche à suivre pour obtenir un cautionnement d’un montant important dont la forme et le contenu sont satisfaisants pour l’ASFC comporte des complexités qui donnent lieu à des retards, surtout pour une entreprise étrangère qui n’a pas de lieu d’affaires au Canada. Ainsi, une telle exigence devient un facteur pertinent à prendre en compte aux fins du sous‑alinéa 60.2(4)b)(iii) de la Loi.

[87] Compte tenu de ce qui précède, on peut établir une distinction dans les faits concernant les affaires citées par les parties dans leur plaidoirie. Les circonstances décrites dans les affaires citées ne concernaient pas une situation où la partie qui demandait une prorogation de délai avait déposé une garantie pour un montant important (plusieurs centaines de milliers de dollars) après avoir signalé son intention d’interjeter appel dans le cadre d’une correspondance entretenue dans le délai prescrit pour demander un réexamen.

[88] En outre, compte tenu des éléments de preuve présentés au Tribunal, il appert que le conseiller juridique de Friul ait préparé ensemble plutôt que successivement la demande de prorogation de délai et l’appel substantiel.

[89] Le Tribunal accepte que la complexité d’un dossier soit un facteur qui peut être pris en compte pour déterminer si une demande de prorogation a été déposée en temps voulu [80] . Les transactions en cause sont en effet assez complexes, mais le Tribunal estime que Friul a quelque peu exagéré à cet égard.

[90] Friul n’a pas agi avec un empressement optimal, mais le dossier indique qu’elle a toujours eu l’intention d’aller de l’avant et d’interjeter appel. Elle a constamment pris des mesures en ce sens. Comme elle avait engagé les frais d’un cautionnement, Friul a utilisé la plus grande partie du délai accordé par la loi pour parfaire sa demande de prorogation et semble s’être efforcée de respecter le délai statuaire, et non d’en abréger la durée. Toutefois, le Tribunal ne peut fixer arbitrairement un délai (en nombre de jours) dans lequel une demande doit être déposée. Cela reviendrait à fixer une nouvelle fois le délai prévu par la loi pour le dépôt d’une demande.

[91] Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut, après avoir appliqué le critère de la prépondérance des probabilités, que Friul a démontré, quoique de justesse, qu’elle a satisfait à l’exigence du sous‑alinéa 60.4(2)b)(iii) de la Loi.

[92] Friul soutient qu’il serait juste et équitable de faire droit à sa demande. Elle s’appuie sur la décision dans Fritz Marketing et cite la conclusion du Tribunal selon laquelle, s’il n’était pas fait droit à la demande de prorogation, « [...] Fritz Marketing perdrait l’occasion de défendre sa cause; le Tribunal estime qu’il ne serait pas équitable de lui faire perdre cette occasion à cause d’un vice mineur ayant trait à la date de dépôt » [81] .

[93] L’ASFC n’a toutefois pas contesté la demande de prorogation dans cette affaire, qui portait sur une demande faite aux termes de l’article 67.1 de la Loi. Le fond de l’appel semble avoir été un facteur prépondérant. Les motifs du Tribunal portent principalement sur le fond de l’appel de Fritz Marketing, auquel l’ASFC s’opposait. Par conséquent, cette décision n’est pas d’une grande utilité pour statuer sur la présente demande.

[94] Le Tribunal souligne que l’ASFC a apparemment décidé d’établir une nouvelle cotisation pour toutes les importations de marchandises de Friul en faisant une extrapolation fondée sur un nombre restreint de transactions qui ont été examinées et sans tenir compte des documents présentés par Friul parce que celle‑ci n’avait pas utilisé un formulaire en particulier. Le Tribunal estime que cette façon de faire soulève au moins un argument défendable en matière d’équité procédurale et de justice naturelle. Cette question ressort également des allégations selon lesquelles l’ASFC a adopté ou appliqué une méthodologie incorrecte pour déterminer le classement tarifaire des importations de Friul et le montant pertinent des droits exigibles. Les présentes observations du Tribunal ne constituent pas une conclusion sur le bien‑fondé de la demande. Toutefois, le Tribunal estime que ces facteurs ont un poids considérable sur la question de savoir s’il est juste et équitable de faire droit à la présente demande.

[95] L’ASFC soutient qu’il serait injuste à l’égard d’autres importateurs qui agissent avec plus de diligence pour demander le réexamen d’un classement tarifaire de faire droit à la demande de prorogation de Friul. Toutefois, si elle n’est pas contestée, la décision de l’ASFC dans la présente affaire servira de précédent qui pourrait toucher ou désavantager d’autres importateurs de marchandises similaires puisqu’elle s’appuie sur une méthodologie qui pourrait être correcte ou incorrecte.

[96] Le Tribunal est également conscient de la somme d’argent considérable qui est en jeu. Si Friul n’est pas autorisée à achever le processus de révision qui a été entamé en octobre 2018, elle devra payer une somme qu’elle conteste et qui s’élève à plusieurs centaines de milliers de dollars, et ce, sans avoir été entendue. Selon le Tribunal, ce facteur fait pencher la balance en faveur de la conclusion selon laquelle il serait juste et équitable de faire droit à la demande. Il s’agit en fait, dans l’évaluation globale des conditions énoncées à l’alinéa 60.2(4)b) de la Loi, du facteur prédominant eu égard aux circonstances de l’espèce.

DÉCISION

[97] Le paragraphe 60.2(3) de la Loi permet au Tribunal de faire droit à une demande de prorogation de délai et d’imposer les conditions qu’il estime justes. Compte tenu du temps pris par Friul pour préparer ses documents à l’appui de sa demande de révision, le Tribunal s’attend à ce qu’elle soit maintenant en mesure d’agir rapidement.

[98] Pour les motifs qui précèdent, le Tribunal fait droit à la demande de prorogation de délai et accorde à Friul un délai de 30 jours à compter de la date de la présente ordonnance pour déposer ses demandes de réexamen, conformément à l’article 60 de la Loi, visant les révisions mentionnées dans la demande.

Susan D. Beaubien

Susan D. Beaubien
Membre présidant

 



[2] Pièce EP-2020-001-01 aux p. 2, 100-134; pièce EP-2020-001-04A à la p. 2.

[3] Pièce EP-2020-001-01 à la p. 2; pièce EP-2020-001-04A à la p. 18.

[4] Pièce EP-2020-001-01 à la p. 4; pièce EP-2020-001-04A aux p. 2-3, 18.

[5] Pièce EP-2020-001-01 aux p. 20, 158.

[6] Ibid. aux p. 4, 20.

[7] Ibid. aux p. 5, 12, 20, 23.

[8] Ibid. aux p. 4, 20, 151, 158.

[9] Pièce EP-2020-001-04A aux p. 2-3; pièce EP-2020-001-01 aux p. 4, 20.

[10] Pièce EP-2020-001-04A aux p. 2-3, 18-27.

[11] Pièce EP-2020-001-01 aux p. 20, 41; pièce EP-2020-001-04A aux p. 85-86.

[12] Pièce EP-2020-001-01 aux p. 20, 183.

[13] Pièce EP-2020-001-04A aux p. 2-3, 18-19.

[14] Pièce EP-2020-001-01 aux p. 21, 41.

[15] Ibid. aux p. 4-5.

[16] Ibid. aux p. 4, 185-187.

[17] Ibid. aux p. 4-5, 21.

[18] Pièce EP-2020-001-01 aux p. 66-71, 24, 41; pièce EP-2020-001-04A aux p. 3, 28-45.

[19] Pièce EP-2020-001-01 aux p. 66-71; pièce EP-2020-001-04A aux p. 28-45.

[20] Pièce EP-2020-001-01 aux p. 4-5, 21, 73-98; pièce EP-2020-001-04A à la p. 3.

[21] Pièce EP-2020-001-04A aux p. 3, 58-59; pièce EP-2020-001-01 aux p. 5, 21.

[22] Pièce EP-2020-001-01 aux p. 4-5.

[23] Pièce EP-2020-001-04A aux p. 58-59.

[24] Pièce EP-2020-001-01 aux p. 5, 21-22.

[25] Pièce EP-2020-001-04A aux p. 3, 60-61; pièce EP-2020-001-01 à la p. 5.

[26] Pièce EP-2020-001-04A aux p. 3, 60.

[27] Pièce EP-2020-001-01 aux p. 29-34; pièce EP-2020-001-04A aux p. 3-4.

[28] Pièce EP-2020-001-01 aux p. 5, 22-23, 26; pièce EP-2020-001-07.

[29] Pièce EP-2020-001-01 aux p. 5, 23.

[30] Pièce EP-2020-001-01 aux p. 189, 191; pièce EP-2020-001-07 à la p. 3.

[31] Pièce EP-2020-001-07 à la p. 3.

[32] Pièce EP-2020-001-04A à la p. 28.

[33] Ibid. à la p. 68.

[34] Ibid. aux p. 4, 69-70.

[35] Ibid. à la p. 69.

[36] Pièce EP-2020-001-01 à la p. 56; pièce EP-2020-001-04A à la p. 4.

[37] Pièce EP-2020-001-01 à la p. 55; pièce EP-2020-001-04A à la p. 4.

[38] Pièce EP-2020-001-01 aux p. 36-38; pièce EP-2020-001-04A aux p. 82-84.

[39] Pièce EP-2020-001-04A aux p. 4, 71-72.

[40] Pièce EP-2020-001-04A aux p. 4, 73; pièce EP-2020-001-01 aux p. 5, 28.

[41] Pièce EP-2020-001-01 aux p. 168-173; pièce EP-2020-001-04A à la p. 76.

[42] Pièce EP-2020-001-04A aux p. 78-80.

[43] Pièce EP-2020-001-01 aux p. 191-194.

[44] Pièce EP-2020-001-04A aux p. 5, 74-75, 81.

[45] Ibid. aux p. 4-5, 74.

[46] Pièce EP-2020-001-01 aux p. 136-148.

[47] Ibid. aux p. 9, 13, 21, 23, 42-44.

[48] Ibid. à la p. 40.

[49] Pièce EP-2020-001-04A aux p. 85-88.

[50] Pièce EP-2020-001-01 aux p. 150-156.

[51] Ibid. aux p. 177-181.

[52] Mémorandum D11-6-9 – « Demande au Président en vue d’obtenir une prorogation du délai pour présenter une demande fondée sur l’article 60 de la Loi sur les douanes »; pièce EP-2020-001-04A aux p. 94-106; pièce EP-2020-001-01 à la p. 178.

[53] Pièce EP-2020-001-01 aux p. 178-179.

[54] Ibid. à la p. 179.

[55] Ibid. aux p. 180-181.

[56] Ibid. à la p. 1.

[57] Pièce EP-2020-001-04A.

[58] Pièce EP-2020-001-06A.

[59] Pièce EP-2020-001-07.

[60] Pièce EP-2020-001-08.

[61] Pièce EP-2020-001-09.

[62] Pièce EP-2020-001-10.

[63] Pièce EP-2020-001-11.

[64] Pièce EP-2020-001-12A.

[65] Pièce EP-2020-001-04A à la p. 8.

[66] Aux termes de l’article 60.1 de la Loi.

[67] Dealers Ingredients Inc. (29 août 2014), EP-2014-001 (TCCE) [Dealers] aux par. 21-22.

[68] Pièce EP-2020-001-04A à la p. 9.

[69] Ainsi que des dispositions qui l’ont précédé.

[70] Latoplast Ltd. (25 juillet 2019), EP-2019-001 (TCCE).

[71] B. Erickson Manufacturing Limited (3 avril 2017), EP-2016-001 (TCCE) au par. 34.

[72] Full Bore Marketing Inc. (22 août 2018), EP-2018-001 (TCCE) [Full Bore] au par. 13; Dealers au par. 26.

[73] Présentée au président de l’ASFC aux termes de l’article 60.1 de la Loi.

[74] Fritz Marketing Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (2 novembre 2006), AP-2005-029 (TCCE) [Fritz Marketing]; Conair Consumer Products ULC (20 juillet 2018), EP-2018-002 (TCCE) [Conair]; Full Bore.

[75] Dealers au par. 27.

[76] Friul admet avoir reçu cette lettre peu après sa réouverture après la période des vacances d’été (voir pièce EP‑2020-001-07 à la p. 3).

[77] Pièce EP-2020-001-01 aux p. 162-164; pièce EP-2020-001-04A aux p. 69-72.

[78] Voir par exemple Conair, Full Bore, Fritz Marketing.

[79] Voir par exemple pièce EP-2020-001-01 aux p. 163, 170.

[80] Agripack (16 février 2004), EP-2003-002 (TCCE).

[81] Fritz Marketing au par. 9.

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