Appels en matière de douanes et d’accise

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Appel no AP-2020-008

Bed, Bath & Beyond Canada L.P.

c.

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Décision et motifs rendus
le mercredi 18 août 2021

 



EU ÉGARD À un appel entendu le 23 avril 2021, aux termes de l’article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du canada, le 29 juin 2020, concernant une demande de révision aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

BED, BATH & BEYOND CANADA L.P.

Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

Intimé

DÉCISION

L’appel est rejeté.

Cheryl Beckett

Cheryl Beckett
Membre présidant


 

Lieu de l’audience :

par vidéoconférence

Date de l’audience :

le 23 avril 2021

Membre du Tribunal :

Cheryl Beckett, membre présidant

Personnel de soutien :

Jessye Kilburn, conseillère juridique

PARTICIPANTS :

Appelante

Conseiller/représentant

Bed, Bath & Beyond Canada L.P.

Michael Kaylor

Intimé

Conseillère/représentante

President of the Canada Border Services Agency

Emma Gozdzik

TÉMOINS :

Gabriel Minchow
Directeur principal des achats
Bed, Bath & Beyond Inc.

Julie Fischer
RN, CAHP, RRP, COHN(c)

Bruno Rocha
Professeur en technologie du génie mécanique
Collège Algonquin

 

Veuillez adresser toutes les communications à :

La greffière adjointe
Téléphone : 613-993-3595
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

APERÇU

[1] Le présent appel est interjeté par Bed, Bath & Beyond L.P. (BBB) aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes [1] à l’égard d’une décision rendue 29 juin 2020 par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC).

[2] Les marchandises en cause sont communément appelées « vaporisateurs aux ultrasons ». L’ASFC a déterminé que les marchandises devaient être classées dans le numéro tarifaire 8509.80.10 de l’annexe du Tarif des douanes [2] à titre de « vaporisateurs aux ultrasons », alors que BBB soutient qu’elles doivent être classées dans le numéro tarifaire 8509.80.90, soit « autres ». BBB a aussi suggéré aussi que le Tribunal examine la question de savoir si les marchandises peuvent être classées dans la position résiduelle 85.43.

[3] Étant donné les motifs qui suivent, le Tribunal conclut que les marchandises en cause doivent être classées dans le numéro tarifaire 8509.80.10 à titre de « vaporisateurs aux ultrasons », comme le soutien l’ASFC. L’appel est donc rejeté.

MARCHANDISES EN CAUSE

[4] Les marchandises en cause sont cinquante modèles distincts de vaporisateurs aromatiques aux ultrasons, conçus pour diffuser des huiles essentielles. Les différents modèles de marchandises fonctionnent tous de la même manière et se distinguent essentiellement par leur conception extérieure [3] .

[5] Comme il sera expliqué plus en détail dans l’analyse qui suit, les marchandises en cause fonctionnent à l’aide d’un petit disque qui vibre rapidement dans l’eau infusée d’huiles essentielles, ce qui crée des ondes ultrasoniques. La vibration décompose l’huile et l’eau en molécules qui se dispersent dans l’air, sans utilisation de chaleur. Un ventilateur propulse ensuite les molécules dans l’air, diffusant l’arôme des huiles essentielles dans la pièce.

HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

[6] L’ASFC a effectué une vérification de l’observation commerciale des importations de BBB entre mars 2017 et février 2018. Le 15 mars 2019, l’ASFC a constaté que les marchandises en cause avaient été mal classées dans le numéro tarifaire 8414.51.90. L’ASFC a donc classé les marchandises dans le numéro tarifaire 8509.80.10 à titre de « vaporisateurs aux ultrasons ».

[7] BBB a alors déposé elle-même des rajustements globaux et a demandé un réexamen. Le 29 juin 2020, l’ASFC a établi que les diffuseurs étaient correctement classés dans le numéro tarifaire 8509.80.10 à titre de « vaporisateurs aux ultrasons ».

[8] BBB a déposé le présent appel le 22 juillet 2020 et son mémoire le 11 août 2020. L’ASFC a déposé son mémoire le 13 octobre 2020.

[9] Le 1er décembre 2020, BBB a demandé l’autorisation de déposer un mémoire supplémentaire. L’ASFC s’y est opposée le 3 décembre 2020, et BBB a répondu le même jour. Le 4 décembre 2020, le Tribunal a accordé la demande présentée par BBB pour déposer un mémoire supplémentaire, et a également donné à l’ASFC la possibilité d’y répondre.

[10] BBB a déposé son mémoire supplémentaire le 7 décembre 2020, tandis que l’ASFC a déposé le sien le 15 décembre 2020.

[11] Le 14 décembre 2020, le Tribunal a informé les parties que l’audience serait reportée en raison de circonstances imprévues. Le 21 décembre 2020, le Tribunal a demandé aux parties leur avis sur le report de l’audience. Les parties ont indiqué qu’elles étaient disponibles le 19 février 2021, et le Tribunal a reporté l’audience à cette date.

[12] Les parties ont déposé plusieurs documents supplémentaires :

  • a) Le 19 janvier 2021, BBB a déposé le rapport d’expert de Mme Julie Fischer.

  • b) Le 21 janvier 2021, l’ASFC a déposé le rapport d’expert de M. Bruno Rocha.

  • c) Le 27 janvier 2021, BBB a déposé un recueil de jurisprudence et des documents supplémentaires.

  • d) Le 1er février 2021, l’ASFC a déposé d’autres documents.

[13] Le 8 février 2021, BBB a demandé que certaines phrases du rapport d’expert de M. Rocha soient supprimées, au motif qu’elles empiétaient sur le pouvoir du Tribunal de tirer des conclusions sur des questions de classement tarifaire. Le 10 février 2021, l’ASFC a répondu que le rapport relevait de l’expertise de M. Rocha. Le même jour, BBB a déclaré qu’elle maintenait sa position concernant la portée des éléments de preuve présentés par M. Rocha et qu’elle avait l’intention d’aborder cette question au début de l’audience.

[14] Le 11 février 2021, BBB a indiqué que dans son argumentation, elle avait l’intention de s’appuyer sur plusieurs textes supplémentaires faisant autorité (c’est-à-dire des décisions du Tribunal et les notes explicatives se rapportant à la position no 85.43). De plus, elle a fait valoir que le Tribunal pouvait prendre connaissance d’office de ses propres décisions et du droit. Le 12 février 2021, le Tribunal a demandé à BBB de déposer une requête pour obtenir l’autorisation de déposer ces textes supplémentaires en application de l’article 24.1 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur, ce que BBB a fait le même jour. Le 15 février 2021, l’ASFC a indiqué qu’elle ne s’opposait pas au dépôt de la jurisprudence du Tribunal, mais qu’elle s’opposait au dépôt des notes explicatives de la position no 85.43. L’ASFC a précisé qu’elle avait confirmé auprès de l’avocat de BBB que ces notes explicatives avaient été fournies parce que BBB avait l’intention d’invoquer la position no 85.43 en tant que classement tarifaire de rechange pendant les plaidoiries. L’ASFC a demandé que BBB ne soit pas autorisée à soulever un nouvel argument quelques jours seulement avant l’audience. À titre subsidiaire, l’ASFC a suggéré que l’audience soit suspendue, que BBB soit tenue de modifier son mémoire écrit et que l’ASFC ait l’occasion d’y répondre.

[15] Le Tribunal a discuté de la question du dépôt tardif avec les avocats des deux parties lors de l’appel test par vidéoconférence du 16 février 2021. Au cours de cet appel, le Tribunal a demandé à l’avocat de BBB s’il avait l’intention de proposer la position no 85.43 comme autre classement tarifaire pour les marchandises en cause. L’avocat a répondu qu’il n’avait pas l’intention de soulever un autre argument juridique, mais qu’il mentionnerait simplement la position pour que le Tribunal puisse l’examiner à l’audience. L’avocate de l’ASFC a indiqué qu’elle ne voyait pas de différence entre le fait de mentionner la position no 85.43 et le fait de soulever un nouvel argument. En outre, selon elle, répondre à de nouveaux arguments et éléments de preuve qui pourraient n’être présentés qu’à l’audience soulève chez elle des préoccupations sur le plan de l’équité procédurale. Le Tribunal s’est dit disposé à recevoir des observations écrites des deux parties sur l’applicabilité ou la non‑applicabilité de la position no 85.43 et a donc reporté l’audience afin de permettre à l’ASFC de répondre.

[16] Le 19 février 2021, BBB a présenté ses observations sur la position no 85.43, et l’ASFC a répondu le 26 février 2021.

[17] Le 2 mars 2021, après avoir demandé aux parties de lui faire part de leurs préférences quant à la date d’audience, le Tribunal a reporté l’audience au 23 avril 2021.

[18] Le 16 mars 2021, BBB a fait savoir qu’avec le consentement de l’ASFC, elle ajouterait à son argumentation que les marchandises en cause n’ont pas de moteur électrique incorporé comme l’exige la position no 85.09, et qu’elle ferait référence à la position no 84.14, à la position no 84.15, à la sous-position no 8414.51 et à la position no 85.01, ainsi qu’aux notes explicatives s’y rapportant. L’ASFC ne s’est pas opposée à ce que BBB soulève ces arguments aussi tardivement. Néanmoins, compte tenu de la longueur de l’historique de la procédure décrit précédemment, le Tribunal souhaite rappeler à BBB qu’on s’attend habituellement à ce que les parties présentent l’ensemble de leurs arguments dans leur mémoire initial et qu’elles s’abstiennent de réviser leurs arguments à plusieurs reprises avant la date de l’audience, afin d’éviter les retards et les reports inutiles.

[19] Le 23 avril 2021, le Tribunal a tenu une audience par vidéoconférence.

CADRE LÉGISLATIF

[20] La nomenclature tarifaire est énoncée en détail dans l’annexe du Tarif des douanes, qui est conforme au Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (le Système harmonisé) élaboré par l’Organisation mondiale des douanes (OMD) [4] . L’annexe est divisée en sections et en chapitres et chaque chapitre de l’annexe contient une liste de marchandises classées dans des positions, sous-positions et numéros tarifaires.

[21] Le paragraphe 10(1) du Tarif des douanes prévoit que le classement des marchandises importées est effectué, sauf indication contraire, en conformité avec les Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé [5] et les Règles canadiennes [6] énoncées à l’annexe.

[22] Les Règles générales sont composées de six règles. Le classement commence par la règle 1, qui prévoit que le classement doit être déterminé d’après les termes des positions et des notes de section ou de chapitre et, lorsqu’elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et notes, d’après les autres règles.

[23] L’article 11 du Tarif des douanes prévoit que, pour l’interprétation des positions et des souspositions, le Tribunal doit tenir compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [7] et des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [8] , publiés par l’OMD. Bien que les avis de classement et les notes explicatives n’aient pas force exécutoire pour le Tribunal, le Tribunal les applique à moins qu’il n’existe un motif valable de ne pas le faire [9] .

[24] Par conséquent, le Tribunal doit d’abord déterminer si les marchandises en cause peuvent être classées conformément à la règle 1 des Règles générales, selon les termes de la position et les notes de section ou de chapitre pertinentes du Tarif des douanes, compte tenu des notes explicatives et des avis de classement pertinents. Si les marchandises en cause ne peuvent être classées au niveau de la position par application de la règle 1, le Tribunal doit alors examiner les autres règles [10] .

[25] Après que le Tribunal a utilisé cette méthode pour déterminer la position dans laquelle les marchandises en cause doivent être classées, l’étape suivante consiste à utiliser une méthode similaire pour déterminer la sous-position appropriée [11] . La dernière étape consiste à déterminer le numéro tarifaire approprié [12] .

[26] La nomenclature pertinente du Tarif des Douanes est la suivante :

Chapter 85

ELECTRICAL MACHINERY AND EQUIPMENT AND PARTS THEREOF; SOUND RECORDERS AND REPRODUCERS, TELEVISION IMAGE AND SOUND RECORDERS AND REPRODUCERS, AND PARTS AND ACCESSORIES OF SUCH ARTICLES

Chapitre 85

MACHINES, APPAREILS ET MATÉRIELS ÉLECTRIQUES ET LEURS PARTIES; APPAREILS D’ENREGISTREMENT OU DE REPRODUCTION DU SON, APPAREILS D’ENREGISTREMENT OU DE REPRODUCTION DES IMAGES ET DU SON EN TÉLÉVISION, ET PARTIES ET ACCESSOIRES DE CES APPAREILS

85.09 Electro-mechanical domestic appliances, with self-contained electric motor, other than vacuum cleaners of heading 85.08.

85.09 Appareils électromécaniques à moteur électrique incorporé, à usage domestique, autres que les aspirateurs du no 85.08.

8509.80 - Other appliances

8509.80.10 - - - Ultrasonic Vaporizers

8509.80.90 - - - Other

8509.80 -Autres appareils

8509.80.10 - - -Vaporisateurs aux ultrasons

8509.80.90 - - -Autres

85.43 Electrical machines and apparatus, having individual functions, not specified or included elsewhere in this Chapter.

85.43 Machines et appareils électriques ayant une fonction propre, non dénommés ni compris ailleurs dans le présent Chapitre.

8543.70.00 - Other machines and apparatus

8543.70.00 - Autres machines et appareils

ANALYSE DE L’ASFC

Résumé

[27] Essentiellement, BBB avance que les marchandises en cause ne peuvent pas être classées dans le numéro tarifaire 8509.80.10 à titre de « vaporisateurs aux ultrasons », car il s’agit de diffuseurs aux ultrasons qui, selon BBB, relèvent d’une catégorie de marchandises différente de celle des vaporisateurs aux ultrasons. Par conséquent, BBB allègue que les marchandises devraient être classées dans le numéro tarifaire résiduel 8509.80.90, soit « autres ». BBB soutient également que le Tribunal devrait examiner si la position no 85.43 décrit les marchandises de façon plus précise. Enfin, BBB fait valoir que la charge de la preuve devrait alors incomber à l’ASFC.

[28] De son côté, l’ASFC allègue fondamentalement que les marchandises répondent à la définition de « vaporisateur aux ultrasons » parce qu’elles utilisent la technologie des ultrasons et qu’elles servent principalement à vaporiser de l’eau et de l’huile essentielle. L’ASFC reconnaît que les marchandises sont commercialisées en tant que diffuseurs aux ultrasons, mais soutient que les diffuseurs aux ultrasons sont un type de vaporisateur aux ultrasons. L’ASFC soutient que la charge de la preuve incombe à l’appelante.

[29] Pour les motifs qui suivent, le Tribunal conclut que les marchandises sont correctement classées dans le numéro tarifaire 8509.80.10 à titre de « vaporisateurs aux ultrasons ».

Charge de la preuve

[30] BBB soutient que la charge de la preuve dans cette affaire devrait être transférée à l’ASFC. Selon BBB, « [L’ASFC] est au courant de la preuve de l’inexistence du vaporisateur aux ultrasons puisque [l’ASFC] allègue que c’est l’inexistence du vaporisateur aux ultrasons qui l’a amenée à conclure que le terme vaporisateur aux ultrasons doit être considéré suivant un sens générique [13] » [traduction]. BBB a cité de la jurisprudence établissant que la charge de la preuve incombe à la partie qui, pour l’essentiel, affirme qu’une chose existe, parce qu’il est en pratique plus difficile de prouver qu’une chose n’existe pas [14] . L’ASFC a répondu que selon la Loi, la charge de la preuve incombe uniquement à l’appelante [15] .

[31] Le Tribunal conclut que la charge de la preuve incombe à l’appelante et qu’il n’y a aucune raison qu’elle soit transférée à l’ASFC. Rien ne permet d’affirmer avec certitude que l’ASFC demande en fait à BBB de prouver qu’une chose n’existe pas; l’ASFC fait valoir que les vaporisateurs aux ultrasons constituent une catégorie de marchandises plutôt qu’une marchandise en particulier, ce qui est différent que d’alléguer qu’ils n’existent pas. En fait, l’ASFC a fourni des éléments de preuve concrets sur les propriétés des vaporisateurs aux ultrasons. Quoi qu’il en soit, le principe selon lequel la charge de la preuve incombe à l’appelante dans les appels en matière de classement tarifaire est bien établi et clairement prévu par le législateur, à savoir à l’alinéa 152(3)d) de la Loi [16] .

Témoins

[32] Lors de l’audience, le Tribunal a entendu un témoin ordinaire et deux témoins experts, dont les compétences et les témoignages sont abordés ci-après.

M. Gabriel Minchow

[33] M. Minchow est à l’emploi de BBB depuis 19 ans. Il occupe actuellement le poste de directeur principal du marchandisage et, dans le cadre de ses fonctions, il est responsable de certaines catégories de marchandises, dont les marchandises en cause [17] . Il a témoigné en tant que témoin ordinaire ayant une connaissance particulière des marchandises en cause.

[34] M. Minchow a déclaré que les marchandises en cause sont commercialisées en tant que diffuseurs d’huiles essentielles par ultrasons [18] . Il affirme que ces appareils diffusent dans l’air de la vapeur d’huile parfumée grâce aux mouvements rapides d’un diaphragme alimenté par voie électrique [19] .

[35] Selon M. Minchow, les diffuseurs aux ultrasons constituent une catégorie de produits distincte de celle des humidificateurs aux ultrasons, qui contiennent généralement de plus grandes quantités d’eau. Il affirme que les deux produits ajoutent de l’eau dans l’air, mais que l’objectif du diffuseur aux ultrasons est d’ajouter de l’huile dans l’air; l’eau n’est qu’un moyen de transfert [20] . Il a ajouté qu’un humidificateur aux ultrasons n’est pas conçu pour traiter les huiles essentielles et que l’ajout d’huiles essentielles risquerait de l’endommager [21] .

[36] Il a expliqué que, dans la structure interne de BBB, la responsabilité de l’approvisionnement et de la commercialisation des marchandises est répartie en fonction de la disposition du magasin. Les diffuseurs aux ultrasons se trouvent dans la section de la décoration intérieure, tandis que les humidificateurs aux ultrasons se trouvent dans la section des appareils électroniques saisonniers [22] .

[37] M. Minchow a également témoigné qu’à sa connaissance, BBB ne vendait aucun produit étiqueté comme un vaporisateur aux ultrasons [23] . Il a précisé que si un client se présentait au magasin à la recherche d’un vaporisateur aux ultrasons, il demanderait au client à quoi il s’attend quant à l’utilisation du produit [24] .

[38] Le Tribunal a conclu que le témoignage de M. Minchow était crédible. Son témoignage a également permis de mieux comprendre les marchandises en cause et les marchandises connexes du point de vue de la commercialisation et du marchandisage.

Mme Julie Fischer

[39] BBB a proposé Mme Fischer comme experte pour témoigner sur l’utilisation et les bienfaits pour la santé des diffuseurs d’huiles essentielles par ultrasons, et l’ASFC a consenti à cette désignation [25] .

[40] Le Tribunal a pris en considération le curriculum vitæ et les compétences de Mme Fischer, observant qu’elle est professionnelle de la santé agréée en aromathérapie, aromathérapeute agréée, thérapeute par les huiles essentielles, infirmière autorisée, infirmière agréée de l’Ontario et praticienne autorisée en réflexologie [26] . Le Tribunal a jugé approprié de reconnaître Mme Fischer en qualité d’experte pour témoigner sur l’utilisation et les bienfaits pour la santé des diffuseurs d’huiles essentielles par ultrasons [27] .

[41] Mme Fischer n’a pas examiné d’échantillons des produits en cause, mais a témoigné en fonction de son expérience avec des produits similaires, car elle recommande des diffuseurs d’huiles essentielles à ses patients et en utilise personnellement [28] .

[42] Elle a témoigné que les bienfaits de la diffusion et de l’inhalation d’huiles essentielles sont d’ordre psychologique, notamment réduire le stress, améliorer la lucidité, équilibrer l’humeur, favoriser le sommeil et purifier l’air [29] .

[43] En tant qu’aromathérapeute, Mme Fischer sensibilise les gens à l’utilisation des huiles essentielles. Elle a indiqué qu’elle ne recommanderait jamais l’utilisation d’huiles essentielles dans un humidificateur aux ultrasons, qui n’est pas conçu pour contenir des huiles [30] .

[44] Le Tribunal a conclu que le témoignage de Mme Fischer était crédible et instructif. Toutefois, pour les raisons exposées plus en détail dans l’analyse qui suit, le Tribunal a conclu que la portée du témoignage de Mme Fischer était moins pertinente que celle du témoignage de M. Rocha en ce qui concerne le classement des marchandises en cause.

M. Bruno Rocha

[45] L’ASFC a demandé à ce que M. Rocha soit désigné comme expert pour témoigner sur les systèmes mécaniques, électroniques et mécatroniques et leurs composants, y compris les systèmes utilisant des ultrasons. BBB a confirmé qu’elle ne s’opposait pas à cette désignation [31] .

[46] Le Tribunal a examiné le curriculum vitæ et les compétences de M. Rocha, observant qu’il est titulaire d’un doctorat en génie aérospatial, il est professeur de technologie du génie mécanique et il a de l’expérience dans les systèmes utilisant des ultrasons et la thermodynamique [32] . Comme demandé, le Tribunal a reconnu M. Rocha en qualité d’expert pour témoigner sur les systèmes mécaniques, électroniques et mécatroniques et leurs composants, y compris les systèmes utilisant des ultrasons [33] .

[47] M. Rocha a préparé un rapport d’expertise dans lequel il a testé et analysé les marchandises en cause en se concentrant sur leurs composants, leur fonctionnement et leurs fonctions [34] .

[48] Le 8 février 2021, avant l’audience, BBB s’est opposée à certaines phrases du rapport de M. Rocha. Selon BBB, les expressions « main function » (« fonction principale »), « almost as important » (« presque aussi important »), « slightly secondary » (« légèrement secondaire ») et « main » (« principal ») devaient être supprimées, car l’utilisation de ces termes empiète sur le pouvoir du Tribunal de déterminer le classement tarifaire. Le 10 février 2021, l’ASFC a répondu que les commentaires sur les fonctions principales et secondaires des marchandises relèvent de l’expertise de M. Rocha. Le même jour, BBB a déclaré qu’elle maintenait sa position concernant la portée des éléments de preuve présentés par M. Rocha, et qu’elle avait l’intention d’aborder cette question au début de l’audience.

[49] À l’audience, BBB a fait valoir que le seul extrait du rapport auquel elle s’opposait encore était la conclusion de M. Rocha selon laquelle « les marchandises analysées fonctionnent comme des vaporisateurs aux ultrasons [35] » [traduction]. L’ASFC a répondu qu’elle s’appuyait sur l’expertise de M. Rocha en génie mécanique et non pas sur son expertise dans le domaine juridique ou en matière de classement tarifaire. L’ASFC a suggéré qu’il serait peut-être plus facile de répondre à l’opposition soulevée par BBB une fois que M. Rocha aurait témoigné. Après le témoignage de M. Rocha, BBB a indiqué qu’elle retirait son opposition [36] .

[50] Le Tribunal accepte le rapport de M. Rocha au complet et lui accordera le poids qu’il mérite, compte tenu de l’étendue de l’expertise de M. Rocha et du pouvoir qui revient au Tribunal de déterminer le classement tarifaire. Le Tribunal ne considère pas que son rapport porte atteinte à son propre rôle d’interprétation du Tarif des douanes.

[51] En plus de présenter un rapport écrit, M. Rocha a également témoigné à l’audience.

[52] Il a précisé qu’un actionneur à ultrasons correspond à tout type d’actionneur capable de générer des ondes à des fréquences supérieures aux fréquences audibles par l’humain [37] . Il a affirmé que sur le plan de la thermodynamique, la vapeur est habituellement un mélange de liquide et de gaz [38] . Selon M. Rocha, la vaporisation est le processus de création de la vapeur, par exemple en donnant une certaine forme d’énergie à un liquide, ce qui transforme au moins certaines des particules liquides en gaz. Il a témoigné que, du point de vue du génie mécanique, un vaporisateur désigne tout dispositif qui génère de la vapeur (c’est-à-dire qui permet à un liquide de se transformer en gaz ou en un mélange mi-gaz mi-liquide) [39] .

[53] Il a décrit en détail les composants des marchandises, notamment le moteur à courant continu, la carte électronique et l’élément piézocéramique (à savoir l’élément à ultrasons en contact avec l’eau qui est placée dans un bol à l’intérieur du dispositif). Lorsque la marchandise est mise en marche, la carte électronique envoie un courant à l’élément piézocéramique, qui le fait vibrer à une fréquence ultrasonore. L’élément piézocéramique transmet alors cette énergie aux particules liquides de l’eau, les faisant passer de l’état liquide à l’état de vapeur [40] . En même temps, la carte électrique alimente un ventilateur qui aspire l’air de l’extérieur et expulse un mélange d’air et de vapeur par un orifice situé sur le dessus du dispositif.

[54] M. Rocha a conclu que, mécaniquement, les marchandises fonctionnent comme des vaporisateurs aux ultrasons [41] . Il a témoigné qu’il est arrivé à cette conclusion après avoir effectué plusieurs tests. Il a constaté que si aucun liquide n’est en contact avec l’actionneur à ultrasons, le dispositif (y compris le ventilateur) s’arrête [42] . Cependant, lorsqu’il a débranché le ventilateur, il a observé que l’actionneur à ultrasons continuait de produire de la vapeur, mais que celle-ci se dispersait moins. Il en a donc conclu que le composant à ultrasons, qui génère de la vapeur, était plus fondamental que le ventilateur [43] .

[55] M. Rocha a confirmé à l’audience qu’il n’a pas ajouté d’huile essentielle au dispositif pendant la préparation de son rapport, bien qu’il l’ait fait plus tard par intérêt personnel [44] . Par conséquent, il a confirmé qu’il n’avait pas tenu compte de l’effet possible de l’huile essentielle dans son rapport. Le Tribunal aurait souhaité que M. Rocha teste l’appareil en utilisant des huiles essentielles et fournisse des détails sur l’incidence de l’ajout de quelques gouttes d’huiles essentielles sur le fonctionnement électromécanique général de la marchandise. M. Rocha a expliqué que l’ajout de quelques gouttes d’huile ne changerait en rien la viscosité du liquide sur le dessus de l’actionneur à ultrasons, puisque le principal liquide utilisé dans les marchandises est l’eau et que l’impédance de l’actionneur à ultrasons est réglée en fonction de la viscosité globale de l’eau [45] . Le Tribunal conclut que l’explication de M. Rocha est raisonnable et accepte les conclusions énoncées dans son rapport et dans son témoignage, et ce, malgré l’absence de quelques gouttes d’huile essentielle dans l’eau.

[56] Dans l’ensemble, le Tribunal a conclu que le témoignage de M. Rocha était crédible, instructif et directement pertinent pour comprendre le fonctionnement des marchandises en cause.

Classement dans la position

[57] Au départ, les deux parties ont convenu que les marchandises relevaient de la position no 85.09, en tant qu’« appareils électromécaniques à moteur électrique incorporé, à usage domestique, autres que les aspirateurs du no 85.08 ». Plus tard, BBB a soulevé la possibilité que les marchandises puissent être classées dans la position no 85.43, position à laquelle l’ASFC s’est opposée.

[58] La position no 85.43 concerne les « machines et appareils électriques ayant une fonction propre, non dénommés ni compris ailleurs dans le présent Chapitre ».

[59] BBB fait valoir que même si le Tribunal est d’accord avec l’ASFC et conclut que les marchandises sont des vaporisateurs aux ultrasons relevant du numéro tarifaire 8509.80.10, le Tribunal doit également répondre à la question de savoir si la position no 85.43 est plus précise que la position no 85.09 [46] . Selon BBB, la position no 85.43 est plus précise, car elle fait référence à une « fonction propre ».

[60] Le Tribunal ne souscrit à pas cet argument; la position no 85.43 vise clairement les marchandises « non dénommé[e]s ni compris[es] ailleurs dans le présent Chapitre », même si elle exige également que les marchandises aient une fonction propre. Une simple lecture des termes contenus dans la position permet de constater que la position no 85.43 ne peut pas s’appliquer si les marchandises sont conformes aux termes de la position no 85.09.

[61] Pour les raisons ci-dessous, le Tribunal conclut que les diffuseurs sont conformes aux termes de la position no 85.09 : 1) ils sont des appareils électromécaniques à usage domestique, 2) ils ont un moteur électrique incorporé et 3) ils ne sont pas des aspirateurs.

Appareils électromécaniques à usage domestique

[62] BBB ne semble pas contester que les produits sont des appareils électromécaniques à usage domestique.

[63] Selon le rapport de M. Rocha, les produits comportent des aspects électriques et mécaniques puisqu’il y a une carte électrique au centre du diffuseur [47] , et cette énergie électrique est convertie en énergie mécanique grâce à l’actionneur à disque piézocéramique [48] . L’énergie électrique alimente également la mécanique d’un ventilateur.

[64] Les manuels d’instruction et les documents de commercialisation liés aux diffuseurs indiquent que les produits sont destinés à être utilisés dans de petits espaces et qu’ils sont idéals pour la maison [49] .

[65] Le Tribunal conclut donc que les marchandises sont des appareils électromécaniques à usage domestique.

Moteur électrique incorporé

[66] L’ASFC affirme que les marchandises contiennent un moteur électrique incorporé qui sert à alimenter le ventilateur. BBB allègue que ce moteur ne devrait pas être considéré comme un moteur aux fins de la position no 85.09, car le moteur alimente le ventilateur, et non pas l’actionneur à ultrasons qui crée la vaporisation. BBB soutient également que si le ventilateur à moteur était suffisant pour considérer que les marchandises entrent dans la portée de la position no 85.09, le législateur aurait alors utilisé des termes semblables à ceux de la position no 84.15, qui fait référence à un ventilateur à moteur.

[67] Selon le Tribunal, rien n’indique qu’il doive y avoir une corrélation particulière entre le moteur électrique incorporé et la fonction principale de la marchandise. En outre, il n’est pas nécessaire que les termes de la position précisent que le moteur actionne un ventilateur. Il suffit que le produit ait un moteur électrique incorporé.

[68] Dans son rapport, M. Rocha confirme la présence d’un moteur à courant continu, qui se trouve à l’intérieur du diffuseur et alimente le ventilateur [50] . Il a témoigné que dans les marchandises qu’il a examinées, le moteur était situé à l’intérieur du centre du ventilateur [51] . Le Tribunal conclut donc que les marchandises ont un moteur électrique incorporé au sens de la position no 85.09.

Les marchandises ne sont pas des aspirateurs

[69] Les marchandises ne sont manifestement pas des aspirateurs, et BBB n’a pas allégué le contraire.

[70] Par conséquent, le Tribunal conclut que les marchandises remplissent les trois conditions pour être incluses dans la position no 85.09. Elles ne peuvent donc pas relever de la position no 85.43.

Classement dans la sous-position

[71] Les parties conviennent que la sous-position appropriée de la position no 85.09 est la sous position résiduelle no 8509.80.

[72] Le Tribunal est d’accord. Les marchandises ne sont ni des « broyeurs et mélangeurs pour aliments; presse-fruits et presses-légumes [sic] » de la sous-position no 8509.40 ni des « parties » de la sous-position no 8509.90. Les marchandises entrent donc dans la catégorie des « autres appareils » de la sous-position no 8509.80.

Classement dans le numéro tarifaire

[73] Le principal différend entre les parties consiste à déterminer si les diffuseurs doivent être classés dans le numéro tarifaire 8509.80.10 à titre de « vaporisateurs aux ultrasons », comme le soutient l’ASFC, ou dans le numéro tarifaire résiduel 8509.80.90 à titre d’« autres », comme le fait valoir BBB.

[74] Le Tribunal rappelle qu’une catégorie résiduelle n’est utilisée que si les marchandises ne peuvent être classées dans une catégorie plus précise [52] . De plus, « [l]e fait qu’il existe une catégorie résiduelle ne devrait pas entraîner ni encourager une interprétation plus étroite d’une position ou sous-position plus précise » (ou, par extension, d’un numéro tarifaire) [53] . La tâche du Tribunal consiste donc à déterminer d’abord si les marchandises sont des « vaporisateurs aux ultrasons » au titre du numéro tarifaire 8509.80.10.

[75] Le Tribunal a déjà conclu que, dans l’annexe du Tarif des douanes, les marchandises peuvent normalement être décrites d’une ou des façons suivantes : au moyen d’un nom particulier ou générique; en faisant référence à l’aspect physique des marchandises ou à la matière qui les compose; et/ou en faisant référence à l’utilisation ou à la fonction des marchandises [54] . Ce principe est déterminant en l’espèce. Le terme « vaporisateurs aux ultrasons » peut être décrit par une combinaison 1) des composants technologiques (c’est-à-dire la technologie des ultrasons) et 2) de l’utilisation ou de la fonction générique des marchandises (c’est-à-dire vaporiser). En d’autres termes, la simple lecture des mots qui composent le terme « vaporisateurs aux ultrasons » semble indiquer qu’un tel appareil doit utiliser la technologie des « ultrasons » et que celui-ci doit être un « vaporisateur ». Ces deux aspects sont abordés plus en détail ci-après. Le Tribunal se penchera d’abord sur les contre-arguments de BBB concernant la portée du terme « vaporisateurs aux ultrasons ».

Les arguments de BBB

[76] BBB fait valoir que l’entreprise commercialise les marchandises en tant que diffuseurs d’huiles essentielles par ultrasons, ce qui a été confirmé par M. Minchow dans son témoignage [55] . Ce point n’est pas contesté. Toutefois, BBB ajoute que puisque les marchandises sont des « diffuseurs aux ultrasons », elles ne peuvent pas être considérées comme des « vaporisateurs aux ultrasons ».

[77] BBB allègue qu’un diffuseur aux ultrasons, un humidificateur aux ultrasons et un vaporisateur aux ultrasons sont des marchandises distinctes et que ces termes devraient avoir des sens juridiques différents compte tenu de la présomption d’absence de tautologie (c’est-à-dire le principe d’interprétation législative selon lequel chaque mot d’une loi est présumé avoir un sens) [56] .

[78] BBB fait valoir que le numéro tarifaire 8509.80.10 aurait pu se lire « vaporisateurs aux ultrasons et dispositifs similaires » [nos italiques, traduction], si le législateur avait eu l’intention d’inclure les diffuseurs aux ultrasons dans ce numéro tarifaire. Elle laisse entendre qu’en choisissant ne pas prévoir ce sens, le législateur n’avait pas l’intention d’inclure les diffuseurs aux ultrasons dans le numéro tarifaire 8509.80.10, car « lorsqu’il entend limiter le champ d’application d’un article de loi, le législateur s’exprime habituellement de façon claire [57] » [traduction]. Elle fait également remarquer qu’il n’y a aucune mention des vaporisateurs ou humidificateurs aux ultrasons dans les notes explicatives de la position no 85.09, et souligne que le libellé des notes explicatives aurait pu préciser que les « humidificateurs d’air » [traduction] comprennent les diffuseurs aux ultrasons.

[79] BBB a rappelé au Tribunal qu’il doit suivre la disposition législative telle qu’elle a été rédigée et éviter de « manipuler les termes pourtant sans équivoque de la Loi » [traduction] afin de se livrer à des conjectures au sujet de ce qui aurait pu être recherché par le législateur [58] . BBB soutient qu’on ne devrait corriger une disposition législative trop limitative par l’ajout de mots que « lorsqu’il est possible de démontrer que cette erreur aboutit à une absurdité manifeste, qu’il est possible d’en retracer l’origine et qu’il est possible d’y remédier par une correction évidente [59] » [traduction]. BBB a également invoqué un « concept fondamental de droit fiscal portant que, si la loi fiscale n’est pas explicite, l’incertitude raisonnable ou l’ambiguïté des faits découlant du manque de clarté de la loi doit jouer en faveur du contribuable [60] » [traduction].

[80] En réponse aux arguments de BBB concernant l’interprétation des lois, l’ASFC fait valoir que la présomption d’absence de tautologie n’est pas pertinente parce qu’elle s’applique généralement aux mots contenus dans un même texte législatif. L’ASFC a souligné que le terme « diffuseur » [traduction] (diffuser) ne se trouve pas dans le Tarif des douanes; il n’est mentionné que dans les documents de commercialisation.

[81] Le Tribunal rejette l’argument de BBB selon lequel le terme « vaporisateur aux ultrasons » exclut nécessairement les marchandises qui peuvent être communément appelées des « diffuseurs aux ultrasons ». Le Tribunal n’est pas d’accord pour dire qu’un « vaporisateur aux ultrasons » relève d’une catégorie de marchandises distincte de celle à laquelle appartient un « diffuseur aux ultrasons » ou un « humidificateur aux ultrasons ». Selon les éléments de preuve présentés par M. Minchow, il n’existe pas de produit précis communément et largement connu des consommateurs comme étant un vaporisateur aux ultrasons. M. Minchow a reconnu dans son témoignage qu’à sa connaissance, BBB ne vend pas de produits étiquetés comme des vaporisateurs aux ultrasons [61] . Il a précisé que si un client s’était présenté au magasin en lui demandant dans quelle allée se trouvent les vaporisateurs aux ultrasons, il aurait demandé au client à quoi il s’attend à ce que pareil produit serve afin de lui donner des indications adéquates [62] . Les diffuseurs et les humidificateurs sont traditionnellement situés dans des sections différentes du magasin, car leurs fonctions sont très dissemblables : les diffuseurs seraient situés dans la section de la décoration intérieure où sont placés les parfums d’ambiance tandis que les humidificateurs se trouveraient dans la section des appareils électroniques saisonniers [63] .

[82] Comme les éléments de preuve présentés par M. Minchow démontrent qu’il n’y a pas de sens généralement admis au sein du secteur de la vente au détail ou parmi les consommateurs quant à l’interprétation d’un produit distinct appelé « vaporisateur aux ultrasons », le Tribunal doit examiner d’autres caractéristiques du produit pour déterminer si la marchandise doit être qualifiée comme telle aux fins du Tarif des douanes. Étant donné que les termes « aux ultrasons » (ultrasonic), « vaporisateur » (vaporizer) et « vapeur » (vapour) ont des significations techniques et scientifiques précises, le Tribunal s’appuie principalement sur les éléments de preuve présentés par M. Rocha quant au fonctionnement électromécanique d’un vaporisateur aux ultrasons.

[83] Comme l’a expliqué M. Rocha, le terme « vaporisateur » est généralement associé à un produit qui vaporise un liquide en vapeur ou en gaz. Il a témoigné « [...] [qu’]un vaporisateur aux ultrasons est l’effet de la machine elle-même, celle-ci créant de la vapeur en utilisant une fréquence ultrasonore [64] » [traduction].

[84] L’extrait suivant tiré d’un article présenté par BBB corrobore les observations de M. Rocha :

Les vaporisateurs aux ultrasons convertissent l’électricité en vibrations en utilisant un composant appelé un « transducteur piézoélectrique ». Ensuite, l’eau stockée dans le réservoir du vaporisateur sera agitée par ces vibrations, ce qui produira de la vapeur d’eau en raison de la nature des vibrations et des propriétés de l’eau [65] .

[Traduction]

[85] Cette description est très semblable à la façon dont l’appelante a décrit un diffuseur aux ultrasons dans son mémoire :

Un diffuseur aux ultrasons est muni d’un petit disque qui vibre rapidement dans l’eau à laquelle des huiles essentielles ont été ajoutées. Cette vibration décompose l’huile et l’eau en minuscules molécules qui se dispersent ensuite dans l’air. Alors que la transformation d’un liquide en vapeur nécessite généralement de la chaleur, ce procédé permet à un liquide de changer d’état sans qu’aucune chaleur ne soit nécessaire [66] .

[Traduction]

[86] Bien que BBB soutienne que les termes « diffuseurs aux ultrasons » et « vaporisateurs aux ultrasons » devraient avoir des sens différents sur le plan juridique, seul ce dernier terme est utilisé dans le Tarif des douanes. Le Tribunal accepte le témoignage de Mme Fischer selon lequel un diffuseur aux ultrasons est différent d’un humidificateur aux ultrasons puisqu’un diffuseur sert essentiellement à diffuser des huiles essentielles alors qu’un humidificateur vise principalement à ajouter de l’humidité à l’air, et les deux produits ont des caractéristiques différentes en ce qui concerne leur taille et leur fonction [67] . Là encore, toutefois, le numéro tarifaire renvoie à des vaporisateurs aux ultrasons, et c’est ce terme que le Tribunal doit interpréter. Par conséquent, bien que le Tribunal accepte les éléments de preuve présentés par Mme Fischer sur l’usage particulier et les bienfaits pour la santé des diffuseurs aux ultrasons, il accorde peu de poids à ces éléments de preuve dans l’interprétation de la portée du terme « vaporisateurs aux ultrasons ».

[87] Compte tenu de l’ensemble des éléments de preuve, il est évident qu’un diffuseur peut diffuser de l’huile essentielle en produisant de la vapeur par ultrasons, ce qui signifie que le terme « vaporisateur aux ultrasons » et le terme « diffuseur aux ultrasons » peuvent se chevaucher.

[88] Pour parvenir à cette conclusion, le Tribunal n’ajoute pas de mots à la disposition, respectant ainsi la mise en garde formulée par BBB. La disposition législative non plus ne comporte pas d’ambiguïté. Le Tribunal conclut simplement que les « vaporisateurs aux ultrasons » désignent des produits qui produisent de la vapeur par ultrasons.

[89] De plus, le Tribunal conclut que le terme « vaporisateurs aux ultrasons » ne se limite pas à la seule vaporisation d’eau distillée, liquide pouvant aussi être utilisé dans un humidificateur. Le terme doit plutôt être interprété de façon plus large afin d’inclure tout liquide qui pourrait être placé dans un produit qui satisfait par ailleurs aux exigences de la nomenclature tarifaire pertinente. En outre, si l’on tient compte du contexte des dispositions connexes du Tarif des douanes, outre l’exigence selon laquelle les produits de la position no 85.09 doivent être des appareils à usage domestique (point qui a été abordé précédemment), rien ne limite un « vaporisateur aux ultrasons » à une fonction particulière. En d’autres termes, que le produit vaporise de l’eau ou qu’il vaporise de l’eau et une huile essentielle, il s’agit toujours d’un vaporisateur.

[90] À la lumière des considérations susmentionnées, le Tribunal n’est pas convaincu par l’argument de BBB selon lequel, si la fonction principale d’une marchandise est de diffuser des huiles essentielles, cette fonction devrait avoir préséance sur le fait qu’une marchandise utilise la technologie des ultrasons pour vaporiser un liquide.

[91] Suivant le libellé clair du numéro tarifaire, le Tribunal doit plutôt déterminer 1) si la marchandise utilise la technologie des ultrasons et 2) si la marchandise est un vaporisateur. Dans l’analyse qui suit, le Tribunal examinera les éléments de preuve afin de déterminer si les marchandises en cause répondent à ces deux exigences.

L’expression « aux ultrasons »

[92] M. Rocha a expliqué qu’un actionneur à ultrasons génère des ondes à des fréquences supérieures aux fréquences audibles par l’humain [68] . Il a confirmé que les marchandises qu’il a examinées contenaient un actionneur à ultrasons piézocéramique, et que cet actionneur vibrait à une fréquence ultrasonore, communiquant des ondes ultrasoniques à l’eau et provoquant la vaporisation de l’eau [69] .

[93] Il a également confirmé que la technologie des ultrasons était le composant clé du système, car les marchandises ne fonctionneraient pas si l’actionneur à ultrasons était déconnecté [70] . En revanche, lorsqu’il a débranché le ventilateur, l’actionneur à ultrasons a continué de fonctionner. Il a donc conclu que le composant à ultrasons était plus fondamental que le ventilateur [71] .

[94] Le Tribunal conclut que le témoignage de M. Rocha a été utile et directement pertinent pour confirmer que les marchandises utilisent la technologie des ultrasons. M. Rocha a été en mesure d’évaluer objectivement les composants du système, la fonctionnalité et le fonctionnement de ces composants, et la façon dont les composants ont contribué au fonctionnement de l’ensemble du système des marchandises en cause.

[95] À la lumière de ces éléments de preuve, le Tribunal conclut donc que l’expression « aux ultrasons » décrit adéquatement les marchandises en cause.

Le terme « vaporisateurs »

[96] Selon le Tribunal, M. Rocha a également été en mesure de confirmer objectivement que, du point de vue du génie mécanique, les marchandises en cause vaporisent effectivement un liquide. Il a affirmé que la vapeur, au regard de la thermodynamique, est généralement un mélange mi-gaz mi‑liquide, mais peut également être « saturée » ou « surchauffée » [traduction], ce qui signifie que toutes les particules liquides ont été transformées en gaz [72] . Il est possible de générer de la vapeur par l’utilisation d’énergie dans un liquide, ce qui transforme au moins certaines des particules liquides en gaz. M. Rocha a indiqué que, du point de vue du génie mécanique, un vaporisateur désigne tout dispositif qui génère de la vapeur (c’est-à-dire qui permet à un liquide de se transformer en gaz ou en un mélange mi-gaz mi-liquide) [73] .

[97] Du point de vue technique, M. Rocha était clairement en mesure de faire la différence entre la vaporisation et l’humidification. Selon lui, « [...] il y vaporisation quand on génère de la vapeur; l’humidification est la quantité de particules d’eau dans l’air [74] » [traduction].

[98] BBB ne conteste pas le fait qu’il doit y avoir une vaporisation de liquide pour que les marchandises dispersent l’huile essentielle dans l’air [75] . Toutefois, BBB soutient que la vaporisation n’est que le moyen par lequel l’objectif est réalisé, à savoir diffuser l’huile essentielle dans l’air.

[99] M. Rocha s’est exprimé comme suit au sujet des marchandises en cause :

Le dispositif a comme fonction principale de vaporiser par ultrasons et ses autres fonctions sont impossibles – c’est-à-dire diffuser des huiles essentielles ou humidifier l’air – s’il ne génère pas de la vapeur par ultrasons [76] .

[Traduction]

[100] Le Tribunal accepte les éléments de preuve de M. Rocha selon lesquels les marchandises en cause ne peuvent pas diffuser des huiles essentielles ou humidifier l’air sans d’abord générer de la vapeur par ultrasons.

[101] Le Tribunal conclut donc que les marchandises sont des « vaporisateurs » au sens du numéro tarifaire 8509.80.10.

Conclusion

[102] Le Tribunal conclut que les marchandises sont correctement classées dans le numéro tarifaire 8509.80.10 à titre de « vaporisateurs aux ultrasons ».

DÉCISION

[103] L’appel est rejeté.

Cheryl Beckett

Cheryl Beckett
Membre présidant

 



[1] L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.) [Loi].

[2] L.C. 1997, ch. 36.

[3] Pièce AP-2020-008-06 à la p. 27.

[4] Le Canada est l’un des pays signataires de la Convention internationale sur le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, qui régit le Système harmonisé.

[5] L.C. 1997, ch. 36, annexe [Règles générales].

[6] L.C. 1997, ch. 36, annexe [Règles canadiennes].

[7] OMC, 2e éd., Bruxelles, 2003 [Avis de classement].

[8] OMC, 5e éd., Bruxelles, 2012 [Notes explicatives].

[9] Voir Canada (Procureur général) c. Suzuki Canada Inc., 2004 CAF 131 (CanLII) aux par. 13 et 17, où la Cour d’appel fédérale a interprété l’article 11 du Tarif des douanes comme signifiant que les notes explicatives doivent être respectées, à moins qu’il n'existe un motif valable de ne pas le faire. Le Tribunal est d’avis que cette interprétation s’applique également aux avis de classement.

[10] Canada (Procureur général) c. Igloo Vikski Inc., 2016 CSC 38 (CanLII) au par. 21.

[11] Les règles 1 à 5 des Règles générales s’appliquent au classement au niveau de la position. La règle 6 des Règles générales prévoit que « [l]e classement des marchandises dans les sous-positions d’une même position est déterminé légalement d’après les termes de ces sous-positions et des Notes de sous-positions ainsi que, mutatis mutandis, d’après les Règles ci-dessus [c’est-à-dire les règles 1 à 5] [...] » et que « [...] les Notes de Sections et de Chapitres sont également applicables sauf dispositions contraires ».

[12] La règle 1 des Règles canadiennes prévoit que « [l]e classement des marchandises dans les numéros tarifaires d’une sous-position ou d’une position est déterminé légalement d’après les termes de ces numéros tarifaires et des Notes supplémentaires ainsi que, mutatis mutandis, d’après les [Règles générales] [...] » et que « [...] les Notes de Sections, de Chapitres et de sous-positions sont également applicables sauf dispositions contraires ». Les avis de classement et les notes explicatives ne sont pas applicables au classement au niveau du numéro tarifaire.

[13] Pièce AP-2020-008-12 à la p. 5.

[14] Produits Laitiers Advidia Inc. c. Commissaire de l’Agence des douanes et du revenu du Canada (8 mars 2005), AP-2003-040 (TCCE) au par. 13, citant Smith c. Nevins, 1924 CanLII 70 (CSC), [1925] RCS 619.

[15] Alinéa 152(3)d) de la Loi.

[16] Voir aussi Canada (Agence du Revenu du Canada) c. Miner, 2012 CAF 81 aux par. 21-22.

[17] Transcription de l’audience publique à la p. 7.

[18] Ibid. à la p. 8.

[19] Ibid.

[20] Ibid. à la p. 10.

[21] Ibid. à la p. 11.

[22] Ibid. à la p. 18.

[23] Ibid. à la p. 16.

[24] Ibid. à la p. 21.

[25] Ibid. à la p. 25.

[26] Pièce AP-2020-008-21 (protégée) à la p. 2.

[27] Transcription de l’audience publique à la p. 26.

[28] Ibid. à la p. 34.

[29] Ibid. à la p. 32.

[30] Ibid. à la p. 28.

[31] Ibid. à la p. 38.

[32] Pièce AP-2020-008-22 aux p. 31-45.

[33] Transcription de l’audience publique à la p. 38.

[34] Pièce AP-2020-008-22.

[35] Transcription de l’audience publique à la p. 5, citant le rapport du docteur Rocha à la p. 24, c.-à-d. pièce AP‑2020-008-22 à la p. 27.

[36] Transcription de l’audience publique à la p. 81.

[37] Ibid. à la p. 48.

[38] Ibid. à la p. 49.

[39] Ibid. à la p. 50.

[40] Ibid. à la p. 52.

[41] Pièce AP-2020-008-22 à la p. 27.

[42] Transcription de l’audience publique à la p. 54.

[43] Ibid. à la p. 57.

[44] Ibid. à la p. 66.

[45] Ibid. aux p. 79-80.

[46] Pièce AP-2020-008-38 à la p. 2.

[47] Pièce AP-2020-008-22 à la p. 10.

[48] Ibid. à la p. 12.

[49] Pièce AP-2020-008-06 au par. 22; pièce AP-2020-008-06 aux p. 31, 58.

[50] Pièce AP-2020-008-22 aux p. 10, 24.

[51] Transcription de l’audience publique à la p. 61.

[52] Cavavin (2000) Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (4 octobre 2019), AP-2017-021 (TCCE) [Cavavin] au par. 47, citant Partylite Gifts Ltd. (16 février 2004), AP-2003-008 (TCCE); Canac Marquis Grenier Ltée c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (28 février 2017), AP-2016-005 (TCCE). La Cour d’appel fédérale a maintenu la décision rendue dans Caravin dans Danby Products Limited c. Canada (Agence des services frontaliers du Canada), 2021 CAF 82.

[53] Cavavin au par. 60.

[54] Rlogistics Limited Partnership c. Agence des services frontaliers du Canada (25 octobre 2011), AP-2010-057 (TCCE) au par. 94.

[55] Transcription de l’audience publique à la p. 8.

[56] Ruth Sullivan, Sullivan on the Construction of Statutes, 5e éd. (Markham, Ontario) : LexisNexis Canada Inc., 2008 à la p. 210, citant R. c. Proulx, 2000 CSC 5 [CanLII], [2000] 1 RCS 61 au par. 28.

[57] Pharmascience Inc. c. Binet, 2006 CSC 48 (CanLII), [2006] 2 RCS 513 au par. 31.

[58] Canada c. Fording Coal Ltd., 1995 CanLII 3549 (CAF), [1996] 1 CF 518.

[59] Canada (Attorney General) c. Vorobyov, 2014 CAF 102 (CanLII) au par. 29, citant Ruth Sullivan, Sullivan on the Construction of Statutes, 5e éd. (Markham, Ontario) : LexisNexis Canada Inc., 2008).

[60] Johns-Manville Canada c. La Reine, 1985 CanLII 43 (CSC), [1985] 2 RCS 46 au par. 33.

[61] Transcription de l’audience publique à la p. 16.

[62] Ibid. à la p. 21.

[63] Ibid. à la p. 18.

[64] Ibid. à la p. 71.

[65] Pièce AP-2020-008-24 à la p. 35.

[66] Pièce AP-2020-008-03 aux p. 6-7.

[67] Mme Fischer a indiqué dans son témoignage que, même s’il est vrai qu’un consommateur pourrait utiliser un humidificateur pour diffuser des huiles essentielles, il n’est pas recommandé de le faire, et que même si le consommateur pouvait utiliser un humidificateur pour augmenter l’humidité dans une chambre, cela ne serait pas très efficace. Le Tribunal accepte les éléments de preuve selon lesquels cette utilisation secondaire possible des produits ne fait pas en sorte qu’un humidificateur devienne un diffuseur ou qu’un diffuseur devienne un humidificateur (voir Transcription de l’audience publique à la p. 31).

[68] Transcription de l’audience publique à la p. 48.

[69] Ibid. à la p. 52. Voir aussi pièce AP-2020-008-22 à la p. 11.

[70] Transcription de l’audience publique à la p. 55.

[71] Ibid. à la p. 57.

[72] Ibid. à la p. 49.

[73] Ibid. à la p. 50.

[74] Ibid. à la p. 69.

[75] Ibid. à la p. 90.

[76] Ibid. à la p. 113.

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