Appels en matière de douanes et d’accise

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Contenu de la décision

Appel no AP-2020-023

Amcor Flexibles Capsules Canada Inc.

c.

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Décision et motifs rendus
le mardi 2 novembre 2021

 



EU ÉGARD À un appel entendu le 10 juin 2021 en vertu de l’article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À des décisions rendues le 15 septembre 2020 et le 14 octobre 2020 par le président de l’Agence des services frontaliers du canada concernant une demande de réexamen aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

AMCOR FLEXIBLES CAPSULES CANADA INC.

Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

Intimé

DÉCISION

L’appel est admis.

Frédéric Seppey

Frédéric Seppey
Membre présidant


 

Lieu de l’audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l’audience :

le 10 juin 2021

Membre du Tribunal :

Frédéric Seppey, membre présidant

Personnel du Secrétariat du Tribunal :

Jessye Kilburn, conseillère juridique
Isaac Turner, conseiller juridique
Lindsay Vincelli, agente principale du greffe
Kim Gagnon-Lalonde, agente du greffe

PARTICIPANTS :

Appelante

Conseiller/représentant

Amcor Flexibles Capsules Canada Inc.

Michael Kaylor

Intimé

Conseiller/représentant

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

David Di Sante

TÉMOIN :

Lionel Carré
Directeur du développement et de l’innovation
Amcor Flexibles Capsules Inc.

 

Veuillez adresser toutes les communications à :

La greffière adjointe
Téléphone : 613-993-3595
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

APERÇU

[1] Aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes [1] , Amcor Flexibles Capsules Canada Inc. (Amcor) a interjeté appel à l’encontre de réexamens effectués le 15 septembre 2020 et le 14 octobre 2020 par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC).

[2] Les marchandises en cause sont sept modèles de garnitures en plastique en forme de disque pour capsules de bouteille. Six de ces modèles sont composés exclusivement de divers types de matières plastiques. Le septième modèle, quoique principalement composé de matières plastiques, comprend également une couche métallique étamée et une couche en papier.

[3] Le litige concerne le classement au niveau du numéro tarifaire. Amcor fait valoir que les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 3926.90.91 en tant que « joints » (« gaskets » en anglais), alors que l’ASFC soutient qu’elles sont classées dans le numéro tarifaire résiduel 3926.90.99 en tant qu’« autres ouvrages en matières plastiques ».

[4] Pour les motifs qui suivent, le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 3926.90.91 en tant que « joints ».

MARCHANDISES EN CAUSE

[5] Les marchandises en cause sont des disques d’un diamètre de 2,9 cm et d’une épaisseur de 2 mm environ, formés de plusieurs couches. Six des sept modèles sont composés de deux minces couches circulaires en plastique entre lesquelles est intercalée une couche de mousse en plastique cellulaire (modèles en matières plastiques). Le septième modèle (Oenoseal® 2520 Tin PVDC) est composé des trois mêmes couches en matières plastiques que les six autres modèles, en plus d’une couche métallique étamée et d’une couche en papier (modèle en matières mixtes). La couche étamée et la couche en papier forment les couches intérieures des disques, tandis que deux des couches en matières plastiques en constituent les surfaces extérieures. Les couches en matières plastiques contribuent pour 73 p. 100 du poids du modèle en matières mixtes.

[6] Les marchandises en cause sont insérées dans les capsules à vis en métal de bouteilles de vin et autres boissons alcooliques, comme les spiritueux. Lorsque les capsules sont serrées, elles offrent une barrière étanche au liquide entre le bord du goulot et la capsule. Les marchandises en cause recouvrent toute la capsule, et non seulement son pourtour.

[7] Les parties s’entendent pour dire que les marchandises en cause offrent une fermeture étanche qui permet d’éviter que les bouteilles ne coulent, et également qu’elles recouvrent l’ouverture des bouteilles de façon à limiter la quantité d’oxygène pouvant y pénétrer. Les marchandises en cause ont pour autre caractéristique importante de permettre à de faibles quantités d’oxygène de pénétrer dans les bouteilles afin que le vin vieillisse au bon rythme [2] .

HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

[8] Amcor a importé les marchandises en cause entre juillet 2015 et juin 2016 en les déclarant comme « joints en matière plastique » classés dans le numéro tarifaire 3926.90.91 [3] .

[9] Le 2 octobre 2017, en vertu de l’article 59 de la Loi sur les douanes, l’ASFC a révisé le classement tarifaire des marchandises en cause et a déterminé que celles-ci étaient classées dans le numéro tarifaire 3926.90.99 à titre d’« autres ouvrages en plastique ».

[10] Le 22 janvier 2018, Amcor a demandé un réexamen aux termes du paragraphe 60(1) de la Loi sur les douanes, au motif que les marchandises en cause devaient être classées dans le numéro tarifaire 3926.90.91 en tant que « joints ».

[11] Le 15 septembre 2020 et le 14 octobre 2020, aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes, l’ASFC rendait ses décisions concernant les demandes de réexamen, par lesquelles elle maintenait que les marchandises en cause étaient classées dans le numéro tarifaire 3926.90.99 à titre d’« autres ouvrages en matières plastiques » [4] .

[12] Amcor a porté le présent appel devant le Tribunal le 7 décembre 2020, aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes [5] .

[13] Amcor a déposé son mémoire le 9 février 2021, soit avec un jour de retard. L’ASFC a consenti au dépôt tardif, puis le Tribunal a donné son accord, le 10 février 2021 [6] .

[14] L’ASFC a déposé son mémoire le 12 avril 2021 [7] . Comme certaines parties des pièces jointes confidentielles étaient caviardées, le Tribunal en a demandé une version non caviardée le 14 avril 2021. Le 20 avril 2021, l’ASFC a déposé une version confidentielle non caviardée de son mémoire [8] .

[15] Le 14 avril 2021, le Tribunal a consulté les parties quant au format que prendrait l’audience. Le 23 avril 2021, les parties ont demandé que l’audience se déroule par vidéoconférence. Le 26 avril 2021, le Tribunal a confirmé que l’audience aurait lieu par vidéoconférence le 10 juin 2021.

[16] Le 29 avril 2021, Amcor a déposé le rapport de témoin expert de M. Lionel Carré, directeur du développement et de l’innovation à Amcor [9] .

[17] Le 5 mai 2021, l’ASFC a déposé des exemplaires de deux modèles des marchandises en cause [10] . Le même jour, elle a déposé un exposé conjoint des faits au nom des deux parties [11] .

[18] Le 13 mai 2021, Amcor a déposé un dossier des sources invoquées et des documents d’experts [12] . Le 21 mai 2021, l’ASFC a déposé ses autres documents et décisions [13] .

[19] Le 14 mai 2021, l’ASFC s’est opposée à ce que M. Carré agisse en qualité de témoin expert, faisant valoir qu’il s’agissait d’un employé d’Amcor et qu’il risquait de ne pas être parfaitement objectif. Le 17 mai 2021, le Tribunal a demandé les commentaires des parties sur cette question. Le 18 mai 2021, Amcor a fait savoir qu’elle était disposée à accepter que M. Carré participe en tant que témoin ordinaire. Le 21 mai 2021, l’ASFC s’est dite favorable à cette proposition. Par conséquent, le 25 mai 2021, le Tribunal a déterminé que M. Carré témoignerait en tant que témoin ordinaire.

[20] Le 4 juin 2021, l’ASFC a déposé une liste de décisions supplémentaires, à laquelle était jointe la confirmation qu’Amcor consentait à ce dépôt tardif [14] . Le 7 juin 2021, Amcor a déposé une liste de décisions supplémentaires, y compris la confirmation que l’ASFC consentait à ce dépôt tardif [15] . Également le 7 juin 2021, avec le consentement d’Amcor, l’ASFC a fourni des précisions sur la source de certains extraits de sites Web qui figuraient dans son mémoire sans mention des adresses Web. Le 8 juin 2021, le Tribunal a avisé les parties qu’il consentait à leur dépôt tardif de documents au dossier, étant donné que chacune y avait consenti et que les décisions en question n’étaient pas très volumineuses. Le Tribunal a également accepté que les précisions de l’ASFC concernant les sources tirées de sites Web soient versées au dossier, précisant que celles-ci se verraient accorder le poids qui leur revenait.

[21] Le 10 juin 2021, le Tribunal a tenu une audience par vidéoconférence, au cours de laquelle M. Lionel Carré a témoigné pour Amcor.

[22] Le 25 juin 2021, le Tribunal a demandé à Amcor de fournir les citations pour les affaires que son conseiller juridique avait mentionnées au cours de l’audience (principalement aux pages 106 et 109 de la Transcription de l’audience publique) concernant l’interprétation de lois bilingues. Amcor a déposé ses citations supplémentaires le 28 juin 2021, et l’ASFC a déposé des observations en réponse à celles-ci le 6 juillet 2021 [16] .

CADRE LÉGISLATIF

[23] La nomenclature tarifaire est énoncée en détail dans l’annexe du Tarif des douanes, qui est conforme au Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (le Système harmonisé) élaboré par l’Organisation mondiale des douanes (OMD) [17] . L’annexe est divisée en sections et en chapitres et chaque chapitre de l’annexe contient une liste de marchandises classées dans des positions, sous-positions et numéros tarifaires.

[24] Le paragraphe 10(1) du Tarif des douanes prévoit que le classement des marchandises importées est effectué, sauf indication contraire, en conformité avec les Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé [18] et les Règles canadiennes [19] énoncées à l’annexe.

[25] Les Règles générales sont composées de six règles. Le classement commence par la règle 1, qui prévoit que le classement doit être déterminé d’après les termes des positions et des notes de section ou de chapitre et, lorsqu’elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et notes, d’après les autres règles.

[26] L’article 11 du Tarif des douanes prévoit que, pour l’interprétation des positions et des souspositions, le Tribunal doit tenir compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [20] et des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [21] , publiés par l’OMD. Bien que les Avis de classement et les Notes explicatives n’aient pas force exécutoire pour le Tribunal, le Tribunal les applique à moins qu’il n’existe un motif valable de ne pas le faire [22] .

[27] Par conséquent, le Tribunal doit d’abord déterminer si les marchandises en cause peuvent être classées conformément à la règle 1 des Règles générales, selon les termes de la position et les notes de section ou de chapitre pertinentes du Tarif des douanes, compte tenu des notes explicatives et des avis de classement pertinents. C’est seulement lorsque la Règle 1 ne permet pas d’arrêter de manière concluante le classement d’une marchandise qu’il faudra recourir aux autres Règles générales [23] .

[28] Après que le Tribunal a utilisé cette méthode pour déterminer la position dans laquelle les marchandises en cause doivent être classées, l’étape suivante consiste à utiliser une méthode similaire pour déterminer la sous-position appropriée [24] . La dernière étape consiste à déterminer le numéro tarifaire approprié [25] .

[29] Les dispositions pertinentes du Tarif des douanes sont les suivantes :

Section VII
PLASTICS AND ARTICLES THEREOF; RUBBER AND ARTICLES THEREOF

Section VII
MATIÈRES PLASTIQUES OU OUVRAGES EN CES MATIÈRES; CAOUTCHOUC ET OUVRAGES EN CAOUTCHOUC

[...]

[...]

Chapter 39
PLASTICS AND ARTICLES THEREOF

Chapitre 39
MATIÈRES PLASTIQUES ET OUVRAGES EN CES MATIÈRES

[...]

[...]

39.26 Other articles of plastics and articles of other materials of heading 39.01 to 39.14.

39.26 Autres ouvrages en matières plastiques et ouvrages en autres matières des nos 39.01 à 39.14

[...]

[...]

3926.90 -Other

3926.90 -Autres

[...]

[...]

---Other:

---Autres :

3926.90.91 ----Belts and belting for machinery other than conveyor belts; Bolts, nuts, screws and washers; Gaskets

3926.90.91 ----Courroies pour machines autres que les courroies transporteuses; Écrous, boulons, vis et rondelles; Joints

[...]

[...]

3926.90.99 ----Other

3926.90.99 ----Autres

 

ANALYSE

1) Les marchandises en cause sont classées dans le chapitre 39

[30] Les parties s’entendent pour dire que les marchandises en cause sont classées dans le chapitre 39 en tant que « matières plastiques et ouvrages en ces matières ». Comme il est mentionné précédemment, les modèles en matières plastiques sont composés de trois minces couches en plastique entre lesquelles est intercalée une couche plus épaisse de mousse en plastique cellulaire. Le modèle en matières mixtes comprend les mêmes trois couches en matières plastiques, en plus d’une couche métallique étamée et d’une couche en papier.

[31] Selon les notes explicatives du chapitre 39, les marchandises en matières plastiques peuvent être composées de papier et de métal pour autant qu’elles conservent le caractère essentiel d’ouvrages en matières plastiques. Les notes énoncent ce qui suit :

Matières plastiques combinées à des matières textiles

Le présent Chapitre couvre également les produits ci-après, qu'ils aient été obtenus en une seule opération ou par une série d'opérations successives, à la condition qu'ils conservent le caractère essentiel d'ouvrages en matières plastiques:

[...]

b) Les plaques, feuilles, etc., en matières plastiques, comportant une intercalation de matières telles que des feuilles métalliques, des papiers, des cartons .

Sont exclus du présent Chapitre les produits constitués par du papier ou du carton recouvert d'une fine couche protectrice de matières plastiques sur les deux faces pour autant qu'ils conservent le caractère essentiel de papier ou de carton (no 4811 généralement).) [26] .

[32] Étant donné que les couches en matières plastiques contribuent pour 73 p. 100 au poids du modèle en matières mixtes, le Tribunal est d’avis que le modèle en matières mixtes conserve le caractère essentiel d’ouvrages en matières plastiques.

[33] À la lumière de ce qui précède, le Tribunal convient avec les parties que les modèles en matières plastiques et le modèle en matières mixtes sont correctement classés dans le chapitre 39.

2) Les marchandises en cause sont classées dans la position no 39.26

[34] Les parties conviennent également que les marchandises en cause sont classées dans la position no 39.26 à titre d’« autres ouvrages en matières plastiques ».

[35] L’ASFC fait valoir que la règle 1 des Règles générales suffit pour classer les six modèles en matières plastiques dans cette position, étant donné que ces articles sont entièrement faits de matières plastiques. Elle soutient en revanche qu’il faut s’en remettre à la règle 2b) dans le cas du modèle en matières mixtes, car celui-ci comprend une couche métallique étamée et une couche en papier, en plus de couches en matières plastiques [27] . La règle 2b) se lit comme suit :

Toute mention d’une matière dans une position déterminée se rapporte à cette matière soit à l'état pur, soit mélangée ou bien associée à d’autres matières. De même, toute mention d’ouvrages en une matière déterminée se rapporte aux ouvrages constitués entièrement ou partiellement de cette matière. Le classement de ces produits mélangés ou articles composites est effectué suivant les principes énoncés dans la Règle.

[36] Le Tribunal a fourni l’explication suivante par le passé :

La règle 2b) vise principalement à élargir toute sous-position [position, en l’espèce] faisant référence à des marchandises d’une matière donnée pour y inclure les marchandises constituées partiellement de cette matière. Ainsi, par application de la règle 2b), une sous‑position visant des meubles en métal peut être élargie pour y inclure des meubles constitués partiellement de métal et partiellement d’autres matières, et une sous-position visant des meubles en bois peut être élargie pour y inclure des meubles constitués partiellement de bois et partiellement d’autres matières [28] .

[Note de bas de page omise]

[37] Comme il est mentionné précédemment, le modèle en matières mixtes est composé de cinq couches, à savoir trois couches en matières plastiques, une couche étamée et une couche en papier. Les trois couches en matières plastiques contribuent pour 73 p. 100 au poids du modèle en matières mixtes, et ce sont elles qui constituent les faces externes de l’ouvrage. La couche étamée et la couche de papier sont intercalées entre ces couches qui les recouvrent. Selon l’ASFC, au regard de la règle 2b), le contenu de matières plastiques est suffisant pour que le modèle en matières mixtes puisse être classé à première vue dans la position no 39.26. Le Tribunal est du même avis.

[38] Dans l’éventualité où il existerait d’autres positions dans lesquelles les marchandises en cause pourraient également être classées à première vue, il faudrait s’en remettre à la règle 3 pour trancher entre les différentes positions. Les parties n’ont pas proposé d’autres positions. Après avoir passé en revue les autres positions du chapitre 39, le Tribunal est d’avis qu’aucune autre ne s’applique.

[39] Par conséquent, le Tribunal est convaincu que les marchandises en cause sont correctement classées dans la position no 39.26.

3) Les marchandises en cause sont classées dans la sous-position no 3926.90

[40] Les parties conviennent que les marchandises en cause sont décrites dans la sous-position résiduelle no 3926.90 (« autres »), étant donné qu’elles ne sont pas décrites avec plus de précision dans l’une ou l’autre des autres sous-positions de la position no 39.26. Le Tribunal est du même avis que les parties.

[41] Le Tribunal se penchera maintenant sur la principale question en litige en l’espèce, nommément celle de savoir si les marchandises en cause sont des joints ou autre chose.

4) Les marchandises en cause sont classées dans le numéro tarifaire 3926.90.91

[42] Dans la présente affaire, la principale source de litige entre les parties est la question de savoir si les marchandises en cause, qu’Amcor a déclarées en tant que « joints en matière plastique » au moment de l’importation, sont des « joints » (« gaskets »), ce qui les placerait dans le numéro tarifaire 3926.90.91, comme le soutient Amcor. L’ASFC fait valoir que les marchandises en cause ne sont pas des « gaskets » et qu’elles doivent donc être classées en tant que marchandises « autres », dans le numéro tarifaire 3926.90.99.

[43] Étant donné que le numéro tarifaire 3926.90.99 est une catégorie résiduelle, le Tribunal doit d’abord se demander si les marchandises en cause sont des « joints » compris dans le numéro tarifaire 3926.90.91.

[44] Le Tribunal se penchera d’abord sur les principes pertinents d’interprétation des lois, puis il procédera à l’interprétation des termes retenus dans les libellés du numéro tarifaire. Il examinera ensuite les observations des parties concernant les fonctions des marchandises en cause, de même que l’usage qui est fait des termes en question dans le commerce.

Principes d’interprétation des lois

[45] Selon les deux parties, le Tribunal devrait se pencher sur le sens ordinaire des termes employés dans le numéro tarifaire, et non sur le sens technique que ceux-ci pourraient avoir [29] . Le Tribunal est du même avis. Comme il l’a déjà expliqué :

[L]e Tribunal applique la règle moderne d’interprétation des lois, qui requiert de « lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur ». Le « sens ordinaire » d’une disposition fait référence à « la première impression du lecteur, c’est-à-dire au sens qui lui vient spontanément à l’esprit lorsqu’il lit les termes dans leur contexte immédiat ». Il est aussi décrit comme « le sens naturel qui se dégage de la simple lecture de la disposition dans son ensemble » [30] .

[Notes de bas de page omises]

[46] Le Tribunal a précédemment expliqué sa façon de procéder au regard de l’interprétation de lois bilingues :

Le Tribunal remarque que l’article 13 de la Loi sur les langues officielles prévoit que les versions anglaise et française d’une loi du Parlement ont également force de loi ou même valeur. Ainsi, ni la version anglaise ni la version française de l’annexe du Tarif des douanes n’a la priorité sur l’autre version. Si ce que chaque version dit paraît différent, comme cela semble être le cas en l’espèce [dans Great West Van Conversions], l’incohérence ne peut être résolue de façon à donner automatiquement la priorité à l’une ou l’autre des versions [31] .

[Note de bas de page omise]

[47] Tout au long de la procédure, les parties ont fait différentes observations concernant l’interprétation de lois bilingues, en particulier concernant le « principe du sens commun » [32] . Selon ce principe, lorsqu’il existe une incohérence entre un terme anglais et un terme français et qu’une version de l’expression peut avoir un sens plus large que l’autre version, alors le sens commun est habituellement établi à partir de la version ayant le sens le plus étroit ou le plus restreint [33] . Le Tribunal n’est pas d’avis que ces observations, bien qu’intéressantes, puissent être utiles pour son interprétation du numéro tarifaire 3926.90.91. En effet, comme il est mentionné précédemment, le Tribunal ne constate pas à première vue de divergence entre le sens ordinaire du terme anglais « gasket » et le sens ordinaire du terme français « joints » (autrement dit, les termes sont des équivalents).

Interprétation des termes « gaskets » et « joints » dans le numéro tarifaire 3926.90.91

[48] Pour étayer le sens commun du terme « gasket », les parties ont présenté les définitions de dictionnaire suivantes [34] :

i. A material (such as rubber) or a part (such as an O-ring) used to make a joint fluid-tight. (Matériau [tel du caoutchouc] ou partie [tel un joint torique] utilisé pour rendre un assemblage étanche au liquide.)

(Merriam-Webster Dictionary)

ii. A shaped sheet or ring of rubber or other material sealing the junction between two surfaces in an engine or other device (UK). (Feuille ou rondelle en caoutchouc ou autre matériau qui étanchéise le point de jonction entre deux surfaces dans un moteur ou autre dispositif [anglais britannique].)

A shaped piece or ring of rubber or other material sealing the junction between two surfaces in an engine or other device (US). (Pièce ou rondelle en caoutchouc ou autre matériau qui étanchéise le point de jonction entre deux surfaces dans un moteur ou autre dispositif [anglais américain].

(Lexico Dictionary powered by Oxford)

iii. A flat piece of soft material that you put between two joined surfaces in a pipe or engine in order to make sure that gas and oil cannot escape (automotive). (Pièce plate en matériau souple placée à la jonction de deux surfaces dans un tuyau ou un moteur pour prévenir toute fuite de gaz ou d’huile [automobile].)

A piece or ring of rubber, metal, paper, etc. placed at a joint to make it leakproof (American). (Pièce ou rondelle en caoutchouc, métal, papier ou autre matériau placée à un point de jonction pour le rendre étanche [anglais américain].)

A compressible packing piece of paper, rubber, asbestos, etc. sandwiched between the faces or flanges of a joint to provide a seal (British). (Pièce compressible en papier, caoutchouc, amiante ou autre matériau intercalée entre les faces ou les côtés d’un assemblage pour le rendre étanche [anglais britannique].)

(Collins Online English Dictionary)

iv. A flat piece of soft material or rubber that is put between two joined metal surfaces to prevent gas, oil, or steam from escaping (British and American). (Pièce plate en matériau souple ou en caoutchouc intercalée entre deux surfaces en métal pour éviter toute fuite de gaz, d’huile ou de vapeur [anglais britannique et anglais américain].)

(Cambridge Dictionary)

v. (Mechanical Engineering) a compressible packing piece of paper, rubber, asbestos, etc. sandwiched between the faces or flanges of a joint to provide a seal. ([Génie mécanique] pièce compressible en papier, caoutchouc, amiante ou autre matériau intercalée entre les faces ou les côtés d’un assemblage pour le rendre étanche.)

(Free Dictionary)

[49] L’ASFC a également fourni la définition suivante du terme « joint » tirée du Dictionnaire de français Larousse : « pièce interposée entre deux surfaces en regard pour y assurer l’étanchéité [35] ». Le Tribunal a également une connaissance judiciaire de la définition suivante du terme « joint » tirée du dictionnaire Le Robert : « Garniture assurant l’étanchéité d’un assemblage [36] ».

[50] Selon le Tribunal, les caractéristiques communes qui ressortent de l’ensemble de ces définitions du terme « gasket » sont les suivantes : i) pièce composée d’un matériau (sans précision quant à la nature dudit matériau); ii) utilisée à un point de jonction (c’est-à-dire qu’elle est en contact avec deux surfaces); iii) servant à rendre un point de jonction étanche au liquide ou à l’épreuve des fuites. Le Tribunal est également d’avis que les définitions ci-dessus du terme français « joint » évoquent les mêmes trois caractéristiques communes. Par conséquent, à la lumière des exemples qui précèdent, le Tribunal ne voit pas de prime abord de divergence dans ce qu’englobe le sens commun des termes « gasket » et « joint ».

[51] Dans ses observations et dans sa plaidoirie, l’ASFC a fait valoir que le terme « gaskets » dans le numéro tarifaire 3926.90.91 a un sens plus étroit que le terme « joints », et que le Tribunal devrait ainsi s’attarder davantage au libellé anglais du numéro tarifaire [37] . L’argument de l’ASFC repose en grande partie sur une évaluation de ce qu’englobent les termes « gaskets » et « joints » lorsqu’ils sont employés concurremment dans d’autres parties du Tarif des douanes [38] .

[52] Le Tribunal a pris en considération les autres cas où le terme « gasket » figure dans le Tarif des douanes. La position no 84.84 comprend les « gaskets and similar joints of metal sheeting combined with other material or of two or more layers of metal » en anglais et les « joints métalloplastiques » en français. La sous-position no 4016.93 comprend les « gaskets, washers, and other seals » en anglais et les « joints » en français. L’ASFC soutient que les énoncés qui accompagnent le terme « gaskets » ailleurs dans le tarif (c’est-à-dire « similar joints » et « washers, and other seals ») doivent avoir une signification, et donc que dans la mesure où le numéro tarifaire 3926.90.91 fait uniquement mention des « gaskets », on ne peut en conclure qu’il comprend les marchandises qui s’apparentent à des « gaskets » sans en être.

[53] Le Tribunal est du même avis que l’ASFC quand celle-ci affirme que l’interprétation du numéro tarifaire 3926.90.91 devrait se limiter au sens du terme « gaskets » (et « joints »), sans aller plus loin pour inclure les autres marchandises qui sont similaires sans toutefois être nommées dans le numéro tarifaire. Par contre, le Tribunal est réticent à retenir le raisonnement de l’intimée au-delà de ce point. Bien que le Tribunal convienne que le Tarif des douanes doit être lu dans son contexte global, on peut se demander jusqu’où il est possible d’aller dans l’interprétation des libellés de numéros tarifaires spécifiques d’autres chapitres pour dégager l’intention qu’avait le législateur en employant le terme « gasket » ou le terme « joint » dans le numéro tarifaire 3926.90.91. Pour montrer toute la difficulté que pose une telle démarche, on peut notamment examiner la sous-position tarifaire 4016.93, dans laquelle les « washers » semblent être englobés dans le terme « joints », et aussi le numéro tarifaire 3926.90.91, dans lequel les « bolts, nuts, screws and washers » en anglais sont des « écrous, boulons, vis et rondelles » en français (et non pas des « joints », bien que ce terme figure dans la description du numéro tarifaire). Étant donné que les exemples présentés par l’ASFC semblent être de peu d’utilité pour définir la portée du terme « gaskets » dans le numéro tarifaire 3926.90.91, le Tribunal s’en remettra au sens ordinaire des termes « gasket » et « joint ».

[54] Le Tribunal conclut que le sens ordinaire des termes « gasket » et « joint » englobe les trois caractéristiques suivantes : i) pièce composée d’un matériau (sans précision quant à la nature dudit matériau); ii) utilisée à un point de jonction (c’est-à-dire qu’elle est en contact avec deux surfaces, sachant bien entendu que pour être classées dans le numéro tarifaire 3926.90.91, les marchandises en cause doivent être en matières plastiques, étant donné que le chapitre 39 regroupe les « matières plastiques et ouvrages en ces matières »); iii) servant à rendre un point de jonction étanche au liquide ou à l’épreuve des fuites.

[55] Le Tribunal est d’avis que les éléments de preuve fournis dans l’exposé conjoint des faits, corroborés par le témoignage du témoin d’Amcor, M. Carré, et également par l’examen qu’a fait le Tribunal des objets déposés comme pièces, montrent que les marchandises en cause possèdent ces trois caractéristiques. Les marchandises en cause sont formées de petites couches circulaires en matières plastiques principalement, et certains modèles comprennent des couches étamées et en papier [39] . Les marchandises sont utilisées au point de jonction entre la bouteille et sa capsule, et elles sont en contact avec les deux. Lorsque la capsule est serrée, les marchandises en cause sont comprimées à la jonction de la bouteille et de la capsule, ce qui rend l’assemblage étanche au liquide.

Fonction

[56] Les parties ont présenté des arguments détaillés concernant la fonction des marchandises en cause. Selon l’ASFC, le fait que les marchandises ont pour fonction de laisser une certaine quantité d’oxygène pénétrer dans la bouteille les exclut de ce qui est entendu par « joints ».

[57] Globalement, la fonction (ou les fonctions) des marchandises est un facteur parmi d’autres que le Tribunal prend en considération en tant que questions de fait :

Bien qu’un article ayant plusieurs usages ou fonctions puisse être classé sur la base de l’une de ces fonctions, cette conclusion ne s’applique pas automatiquement à toutes les situations. Les caractéristiques du produit en cause, y compris la conception, l’utilisation prévue, la commercialisation et les circuits commerciaux, sont des facteurs pertinents à prendre en considération pour déterminer le classement tarifaire. Il s’agit de questions de fait [40] .

[58] Les parties s’entendent sur plusieurs aspects de la fonction des marchandises, comme en fait état l’exposé conjoint des faits :

8. Les marchandises visées par l’appel servent à recouvrir le fond des capsules en métal utilisées pour les bouteilles de vin ou autres boissons alcooliques.

9. Les marchandises visées par l’appel offrent une fermeture étanche à l’eau, de manière à éviter toute fuite de liquide entre le bord du goulot et la capsule.

10. Lorsque la capsule est serrée, les marchandises visées par l’appel rendent étanche la surface de contact entre le bord du goulot et le fond de la capsule. De plus, les marchandises couvrent l’ouverture de la bouteille et l’étanchéise.

11. Étant donné qu’elles recouvrent la totalité du fonds de la capsule et non seulement son pourtour, les marchandises visées par l’appel préservent la fraîcheur et la qualité de la boisson qui se trouve dans la bouteille, prolongeant sa durée de conservation en limitant la quantité d’oxygène pouvant pénétrer dans le contenant [41] .

[Traduction]

[59] De plus, la preuve montre que les marchandises en cause sont conçues de manière à permettre à une certaine quantité d’oxygène de pénétrer dans la bouteille. À titre d’exemple, l’ASFC a présenté un extrait du site Web d’Amcor qui décrit certains « liners » (« garnitures ») comme étant des « barrières efficaces contre l’oxygène » [traduction] et d’autres comme étant des produits « permettant un échange d’oxygène accru [42] » [traduction]. Lors de son témoignage, le témoin d’Amcor, M. Carré, a expliqué que lorsque les marchandises en cause sont utilisées avec le vin, il doit y avoir un échange d’oxygène pour permettre le vieillissement du produit [43] . Selon lui, les marchandises en cause sont conçues de manière à permettre un certain « taux de transmission d’oxygène » [traduction], en fonction de la quantité d’oxygène requise pour le vin en question. Le témoin a également précisé que la quantité d’oxygène est cruciale dans le cas du vin, mais sans importance dans le cas des spiritueux, qui eux ne vieillissent pas [44] .

[60] Si elles s’entendent pour dire que les marchandises en cause étanchéisent la capsule et permettent à une certaine quantité d’oxygène de passer, les parties ne sont toutefois pas du même avis quant à l’incidence de ces fonctions sur le classement tarifaire des marchandises. Selon Amcor, la fonction de perméabilité des marchandises en cause est accessoire à leur fonction d’étanchéisation, et son importance est donc secondaire aux fins du classement. Selon l’ASFC, les marchandises en cause sont plus que de simples joints, étant donné que leur fonction va au-delà de l’étanchéisation des bouteilles. L’ASFC fait valoir que la perméabilité est une caractéristique principale des marchandises en cause, et non une caractéristique accessoire, car les marchandises permettent un taux de transmission d’oxygène bien précis aux fins du vieillissement du vin et elles sont conçues de manière à recouvrir toute l’ouverture de la bouteille.

[61] À la lumière des éléments de preuve présentés, le Tribunal est d’avis que les fonctions d’étanchéisation et de transmission d’oxygène sont deux fonctions d’égale importance des marchandises en cause. Les documents promotionnels au dossier [45] témoignent de l’importance que revêt la capacité de transmission d’oxygène. Le taux de transmission d’oxygène que doit permettre la garniture diffère selon le type de boisson alcoolique à embouteiller. Dans certains cas, l’absence de transmission d’oxygène est un effet désirable; dans d’autres, elle est sans importance (par exemple, dans le cas des spiritueux). Les marchandises en cause sont fabriquées par différents fabricants hautement spécialisés qui proposent un large éventail de garnitures caractérisées par différents taux de transmission d’oxygène, alors que la capacité d’étanchéisation ne fait pas partie des différences mentionnées. Les documents promotionnels mettent l’accent sur le taux de transmission d’oxygène, lequel diffère d’un modèle à l’autre. La fonction d’étanchéisation des marchandises en cause n’est pas mise en exergue tout autant dans les documents promotionnels, car celle-ci est commune à tous les modèles, mais il reste que cette fonction est une caractéristique non négligeable des marchandises [46] .

[62] C’est pourquoi le Tribunal n’est pas convaincu lorsqu’Amcor affirme que la fonction de perméabilisation est accessoire à la fonction d’étanchéisation. À la lumière d’une définition du mot « incidental » (« accessoire ») citée par Amcor, le Tribunal est d’avis que la capacité de transmission d’oxygène n’est pas quelque chose qui « se produit occasionnellement ou a une importance secondaire [47] » [traduction]. À la lecture des documents promotionnels diffusés dans le commerce, il serait naturel de penser que la fonction d’étanchéisation et celle de transmission d’oxygène ont à tout le moins une importance égale.

[63] Le Tribunal n’adhère pas non plus à l’affirmation de l’ASFC selon laquelle les marchandises en cause ne sauraient être considérées comme des « gaskets », en raison de leur fonction de transmission d’oxygène ou du fait qu’elles n’ont pas une forme de joint torique creux. Les arguments de l’ASFC sur ces points sont résumés ci-après.

[64] L’ASFC fait valoir que les marchandises en cause ne garnissent pas seulement un périmètre à l’endroit où la bouteille et la capsule se rejoignent, mais qu’elles recouvrent aussi l’ouverture de la bouteille. Selon l’ASFC, le recouvrement de l’ouverture de la bouteille est une fonction importante des marchandises en cause, en ce qu’il permet de limiter la quantité d’oxygène qui peut pénétrer dans le contenant. Si elle reconnaît que les définitions de dictionnaire versées au dossier ne limitent pas le terme « joint » à un objet creux ou en forme de rondelle, l’ASFC soutient toutefois que si les marchandises en cause étaient des « gaskets », elles seraient en forme de joint torique, car elles sont conçues pour étanchéiser une surface circulaire [48] . L’ASFC a fourni des extraits d’une recherche du terme « gaskets » sur le Web, et elle a fait remarquer que, dans ces résultats, « presque toutes les marchandises, voire toutes, sont creuses au milieu [49] » [traduction].

[65] L’ASFC soutient par ailleurs que les marchandises en cause ne sont pas des joints, parce qu’elles ne sont pas seulement conçues à des fins d’étanchéisation, c’est-à-dire qu’elles sont aussi conçues pour doser l’apport d’oxygène dans la bouteille. L’ASFC a cité l’affaire Instant Brands [50] pour appuyer sa position. Le Tribunal n’est pas d’avis qu’Instant Brands soit pertinente en l’espèce, étant donné que dans cette affaire, les marchandises en cause étaient des produits électroniques hautement complexes dotés de multiples fonctions.

[66] Le Tribunal tire deux conclusions des résultats de recherche du terme « gasket » que l’ASFC a déposés en preuve et qui montrent généralement des images d’objets creux en leur centre (en forme de joint torique).

[67] En premier lieu, les éléments de preuve montrent peut-être que les « gaskets » prennent le plus souvent la forme d’un joint torique, mais cela ne signifie pas nécessairement qu’ils doivent avoir cette forme. Deux des définitions de dictionnaire dont il a été précédemment question précisent que les formes peuvent varier. Le Lexico Oxford Dictionary mentionne une « sheet or ring » (« feuille ou rondelle ») et le Collins Online Dictionary parle d’une « piece or ring » (« pièce ou rondelle »). Qui plus est, le Merriam-Webster Dictionary souligne qu’un « gasket » peut être une « part (such as an O‑ring) » (« partie [tel un joint torique] »), ce qui veut dire qu’un joint torique est un exemple de forme que peut prendre un gasket, et non un élément incontournable de celui-ci.

[68] En deuxième lieu, les résultats de recherche fournis par l’ASFC montrent que même dans sa forme la plus courante (soit la forme d’un joint torique), un gasket n’a pas à être entièrement étanche. De fait, d’après les résultats de recherche soumis par l’ASFC, les gaskets ne sont normalement pas étanches sur toute la surface, mais plutôt le long du bord du cercle. Les marchandises en cause ont une fonction similaire, c’est-à-dire qu’elles couvrent les bords du cercle, là où la bouteille entre en contact avec la capsule, ce qui comprime la garniture pour rendre l’assemblage étanche [51] .

[69] À la lumière de ce qui précède, le Tribunal conclut qu’un gasket n’a pas à être conçu uniquement à des fins d’étanchéisation, mais qu’il peut avoir pour fonction de laisser passer une substance, et il conclut également qu’un gasket n’a pas à avoir une forme de joint torique. Ces éléments qui caractérisent la fonction et la forme des marchandises en cause n’excluent pas la possibilité que ces dernières soient considérées comme étant des gaskets.

Usage dans le commerce

[70] L’ASFC fait également valoir que les marchandises en cause ne devraient pas être considérées comme étant des gaskets aux fins du classement tarifaire, car elles ne sont pas désignées ainsi dans le commerce.

[71] Comme l’a expliqué la Cour d’appel fédérale par le passé, l’usage des termes pertinents dans le commerce peut jouer dans les éléments de preuve que le Tribunal est appelé à soupeser et à pondérer :

Les définitions du dictionnaire et le sens selon lequel les mots sont utilisés dans le commerce sont tous deux des éléments pertinents dans les affaires comme celle en l’espèce [qui concerne le classement tarifaire de certains produits de coiffure] et il est du ressort du [Tribunal] de soupeser et de pondérer tous ces éléments de preuve afin d'en arriver à une conclusion comme il l’a fait en l’espèce [52] .

[72] Les parties conviennent qu’en anglais, les marchandises en cause « sont désignées comme étant des liners et non des gaskets, et ce dans l’industrie vinicole comme dans celle du conditionnement [53] » [traduction].

[73] L’ASFC souligne que même les documents promotionnels d’Amcor ne décrivent pas les marchandises en cause comme des « gaskets », mais plutôt comme des « liners » ou des « seals » [54] , qu’un brevet dont est titulaire Amcor Flexibles Capsules France décrit les marchandises en cause comme étant des « inserts » ou des « seals » [55] , et que les factures des fabricants désignent également les marchandises en cause en tant que « liners » [56] . L’ASFC fait également valoir que les extraits de site Web obtenus en faisant une recherche du terme « gaskets » (tel qu’il en est fait mention précédemment) montrent qu’un gasket se présente normalement comme un objet creux ou en forme de rondelle [57] .

[74] Amcor convient que les marchandises en cause ne sont pas couramment désignées sous le nom de gaskets dans le commerce, mais elle fait valoir que cela n’empêche pas les marchandises d’être considérées comme des gaskets aux fins du classement tarifaire. Amcor a cité l’affaire B. Erickson, dans laquelle le Tribunal avait conclu que « le fait que les utilisateurs des marchandises en cause ne considèrent pas ces dernières comme des “serre-joints” ni ne les désignent ainsi ne change en rien à ce qu’elles sont essentiellement : elles sont similaires aux serre-joints [58] ».

[75] Le Tribunal conclut que si les utilisateurs des marchandises en cause n’appellent généralement pas ces objets « gaskets » en anglais, cela ne signifie pas nécessairement que les marchandises en cause ne correspondent pas à la définition du terme, en particulier si l’on soupèse d’autres facteurs utiles aux fins du classement.

[76] En outre, le Tribunal est d’avis que les éléments de preuve qui concernent l’usage dans le commerce en français sont particulièrement pertinents. Selon ce qu’a affirmé M. Carré, témoin d’Amcor, le terme employé dans le commerce en français pour désigner les marchandises en cause est « joints » ou « joints d’étanchéité » [59] . Le Tribunal souligne également que la version française du site Web Oenoseal, dont l’intimée a fait mention pendant l’audience [60] (et dans lequel il est question des marchandises en cause), emploie le mot « joint » comme équivalent français du mot anglais « liner » [61] .

[77] Le dictionnaire Le Grand Robert & Collins traduit « joint d’étanchéité » par « seal » [62] . Termium (la banque de données terminologiques et linguistiques du gouvernement du Canada) donne les équivalents suivants pour « joint d’étanchéité » : [63]

  • - « gasket » (dans un contexte général);

  • - « sealing ring » (dans le contexte des composants mécaniques);

  • - « seal ring » (dans le contexte de l’équipement de laboratoire);

  • - « gasket seal » (dans le contexte de la recherche scientifique);

  • - « fluid seal », « pressure seal », « seal » (dans le contexte des accouplements mécaniques);

  • - « lining compound », « sealing compound », « compound » (dans le contexte des emballages en métal).

[78] Ainsi, le terme français couramment utilisé dans le commerce, « joints d’étanchéité », est rendu le plus fidèlement en anglais par les termes « seals », « liners » ou « gaskets ».

[79] De plus, les termes « joint » et « joint d’étanchéité » figurent dans plusieurs traductions en français du terme « gasket », notamment :

- Le Grand Robert & Collins traduit « gasket » par « joint d’étanchéité » [64] .

- Le dictionnaire Larousse traduit « gasket » par « joint (d’étanchéité) » [65] .

- Termium Plus® [66] propose différents équivalents français pour le terme « gasket », notamment :

  • « joint d’étanchéité » (dans un contexte général);

  • « joint » (dans le contexte des machines);

  • « joint d’étanchéité statique » ou « joint statique » (dans le contexte des accouplements mécaniques).

[80] Par conséquent, il semble qu’il y ait d’importants chevauchements et un lien étroit entre les termes « liner », « seal », « gasket », « joint » et « joint d’étanchéité » selon les sites Web de tierces parties, les dictionnaires et les banques de données terminologiques. Le Tribunal conclut qu’il est raisonnable d’affirmer qu’une marchandise connue dans le commerce sous le nom de « joint » ou « joint d’étanchéité » en français et de « liner » en anglais serait classée dans le numéro tarifaire comprenant les « gaskets » et les « joints ». Conjugué à ceux susmentionnés, ce facteur est susceptible de mener à la conclusion que les marchandises en cause peuvent être considérées comme des « gaskets » ou « joints » pour l’application du numéro tarifaire 3926.90.91.

[81] Compte tenu de l’analyse qui précède, le Tribunal n’a pas à pousser plus loin la réflexion concernant le numéro tarifaire 3926.90.99.

Conclusion

[82] Pour les motifs qui précèdent, le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 3926.90.91.

DÉCISION

[83] L’appel est admis.

Frédéric Seppey

Frédéric Seppey
Membre présidant

 



[1] L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.), ch. 1.

[2] Pièce AP-2020-023-14 aux par. 3-12.

[3] Pièce AP-2020-023-06 au par. 9 et aux p. 149-150, 154-155, 159-160.

[4] Pièce AP-2020-023-01 aux p. 9-30; pièce AP-2020-023-04 aux p. 14-35.

[5] Pièce AP-2020-023-01.

[6] Pièce AP-2020-023-04.

[7] Pièce AP-2020-023-06A (protégée).

[8] Pièce AP-2020-023-06.

[9] Pièce AP-2020-023-10A.

[10] Pièce AP-2020-023-B-01; pièce AP-2020-023-B-02.

[11] Pièce AP-2020-023-14.

[12] Pièce AP-2020-023-16.

[13] Pièce AP-2020-023-20.

[14] Pièce AP-2020-023-24.

[15] Pièce AP-2020-023-25.

[16] Pièce AP-2020-023-28; pièce AP-2020-023-29.

[17] Le Canada est l’un des pays signataires de la Convention internationale sur le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, qui régit le Système harmonisé.

[18] L.C. 1997, ch. 36, annexe [Règles générales].

[19] L.C. 1997, ch. 36, annexe.

[20] OMD, 4e éd., Bruxelles, 2017 [Avis de classement].

[21] OMD, 6e éd., Bruxelles, 2017 [Notes explicatives].

[22] Voir Canada (Procureur général) c. Suzuki Canada Inc., 2004 CAF 131 (CanLII) aux par. 13, 17. Dans cette affaire, la Cour d’appel fédérale a interprété l’article 11 du Tarif des douanes comme signifiant que les Notes Explicatives doivent être respectées, à moins qu’il n’existe un motif valable de ne pas le faire. Le Tribunal est d’avis que cette interprétation s’applique également aux Avis de classement.

[23] Canada (Procureur général) c. Igloo Vikski Inc., 2016 CSC 38 (CanLII) au par. 21.

[24] Les règles 1 à 5 des Règles générales s’appliquent au classement au niveau de la position. La règle 6 des Règles générales prévoit que « [l]e classement des marchandises dans les sous-positions d’une même position est déterminé légalement d’après les termes de ces sous-positions et des Notes de sous-positions ainsi que, mutatis mutandis, d’après les Règles ci-dessus [c’est-à-dire les règles 1 à 5] [...] » et que « [...] les Notes de Sections et de Chapitres sont également applicables sauf dispositions contraires ».

[25] La règle 1 des Règles canadiennes prévoit que « [l]e classement des marchandises dans les numéros tarifaires d’une sous-position ou d’une position est déterminé légalement d’après les termes de ces numéros tarifaires et des Notes supplémentaires ainsi que, mutatis mutandis, d’après les [Règles générales] [...] » et que « les Notes de Sections, de Chapitres et de sous-positions sont également applicables sauf dispositions contraires ». Les avis de classement et les notes explicatives ne sont pas applicables au classement au niveau du numéro tarifaire.

[26] Pièce AP-2020-023-06 aux p. 131-132.

[27] La Règle 2a) n’est pas pertinente car les marchandises en cause ne sont pas incomplètes ou inachevées.

[28] Zuo Moderne Canada Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (4 avril 2019), AP‑2018‑013 (TCCE) au par. 44.

[29] Un principe d’interprétation des lois est la présomption en faveur du sens ordinaire et non technique. Voir, par exemple, Philips Electronics Ltd. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (28 février 2017), AP‑2016-003 (TCCE) au par. 87.

[30] Cavavin (2000) Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (4 octobre 2019), AP-2017-021 (TCCE) au par. 48; appel rejeté par la Cours d’appel fédérale : Danby Products Limited c. Canada (Agence des services frontaliers), 2021 CAF 82.

[31] Great West Van Conversions Inc. c. Agence des services frontaliers du Canada (30 novembre 2011), AP‑2010‑037 (TCCE) [Great West Van Conversions] au par. 50. Voir aussi HBC Imports a/s Zellers Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (6 avril 2011), AP-2010-005 (TCCE) au par. 15.

[32] Amcor a fait remarquer qu’il y avait plusieurs « décisions selon lesquelles une version qui décrit plus clairement ou plus adéquatement un produit peut être utilisée même si elle diffère de l’autre version ». Transcription de l’audience publique à la p. 106. Amcor a présenté plusieurs citations appuyant sa position. Voir, par exemple, Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12 au par. 39; Flota Cubana de Pesca c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 1997 CanLII 6387 (CAF), [1998] 2 CF 303. L’ASFC soutient qu’Amcor n’a fourni aucun motif valable pour que le Tribunal doive s’écarter du principe du « sens commun ». Pièce AP-2020-023-29 à la p. 2.

[33] Voir Great West Van Conversions aux par. 50-51.

[34] Pièce AP-2020-023-04 aux p. 5-6; pièce AP-2020-023-06 aux p. 245-268.

[35] Pièce AP-2020-023-06 à la p. 271.

[36] En ligne : ˂https://dictionnaire.lerobert.com/definition/joint˃.

[37] Pièce AP-2020-023-06 au par. 44; Transcription de l’audience publique aux p. 87-88.

[38] Pièce AP-2020-023-06 aux par. 37-28; Transcription de l’audience publique aux p. 83-88.

[39] Pièce AP-2020-023-14.

[40] Instant Brands Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (3 mars 2021), AP-2019-039 (TCCE) [Instant Brands] au par. 56.

[41] Pièce AP-2020-023-14 à la p. 3.

[42] Pièce AP-2020-023-20 à la p. 15.

[43] Transcription de l’audience publique à la p. 10.

[44] Ibid. aux p. 19-20.

[45] Pièce AP-2020-023-06 aux p. 190-227.

[46] Voir, par exemple, le témoignage de M. Carré. Transcription de l’audience publique à la p. 15.

[47] Costco Wholesale Canada Ltd c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (13 février 2014), AP‑2013‑003 (TCCE) au par. 42.

[48] Transcription de l’audience publique à la p. 76.

[49] Ibid. à la p. 78, référence à la pièce AP-2020-023-06 à l’annexe 10.

[50] Instant Brands.

[51] Transcription de l’audience publique à la p. 15. Voir aussi pièce AP-2020-023-06 à la p. 229.

[52] Conair Consumer Products Inc. c. Canada (Agence des douanes et du revenu), 2004 CAF 282 au par. 6.

[53] Pièce AP-2020-023-14 à la p. 3.

[54] Pièce AP-2020-023-06 aux p. 190-227.

[55] Ibid. aux p. 229-243.

[56] Ibid. à la p. 151.

[57] Ibid. aux p. 279-285.

[58] B. Erickson Manufacturing Ltd. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (13 septembre 2019), AP-2018-051 (TCCE) [B. Erickson] au par. 43.

[59] Transcription de l’audience publique à la p. 45.

[60] Ibid. à la p. 80; pièce AP-2020-023-16A à la p. 3.

[61] En ligne : http://www.oenoseal.com/fr.

[62] . En ligne : ˂https://www.lerobert.com/collection-le-grand-robert-collins.html˃.

[63] En ligne : ˂https://www.btb.termiumplus.gca/tpv2alpha/alphaeng.html?lang=eng&i=1&srchtxt=joint+d%27%C3%A9tanch%C3%A9it%C3%A9&index=frt&codom2nd_wet=1#resultrecs˃.

[64] . En ligne : ˂https://www.lerobert.com/collection-le-grand-robert-collins.html˃.

[65] En ligne : ˂https://www.larousse.fr/dictionnaires/anglais-francais/gasket/582943˃.

[66] En ligne : ˂https://www.btb.termiumplus.gca/tpv2alpha/alpha-eng.html?lang=eng˃.

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