Appels en matière de douanes et d’accise

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Appel no AP-2017-022

Tri-ED Distribution Inc.

c.

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Décision et motifs rendus
le mardi 18 décembre 2018

 



EU ÉGARD À un appel entendu le 28 août 2018, en vertu de l’article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 7 juin 2017, concernant une demande de révision aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

TRI-ED DISTRIBUTION INC.

Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

Intimé

DÉCISION

L’appel est rejeté.














Serge Fréchette                         
Serge Fréchette
Membre présidant


Lieu de l’audience :                                                 Ottawa (Ontario)
Date de l’audience :                                                 le 28 août 2018

Membre du Tribunal :                                             Serge Fréchette, membre présidant

Personnel de soutien :                                              Anja Grabundzija, conseillère juridique principale
Sarah Perlman, conseillère juridique

PARTICIPANTS :

Appelante

Conseillers/représentants

Tri-ED Distribution Inc.

Michael R. Smith
Robert MacDonald

 

Intimé

Conseiller/représentant

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Tara DiBenedetto

TÉMOINS :

Adrianna Richards
Administratrice des comptes clés
Tri-ED Distribution Inc.

Dan Maitland
Ingénieur chargé des ventes
Interlogix Canada (une division de United Technologies Corporation)

Bruno Rocha
Professeur et coordonnateur
Collège Algonquin

 

Veuillez adresser toutes les communications au :

Greffier
Secrétariat du Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario) K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

1.                   Le présent appel a été interjeté le 15 août 2017 par Tri-ED Distribution Inc. (Tri-ED) aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes[1] à l’égard d’une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) le 7 juin 2017 aux termes du paragraphe 60(4).

2.                   Il s’agit pour le Tribunal de déterminer si des batteries 12 V AH scellées au plomb (les marchandises en cause), dont les parties conviennent qu’elles sont correctement classées dans le numéro tarifaire 8507.20.90 de l’annexe du Tarif des douanes[2] à titre d’« autres accumulateurs au plomb », peuvent aussi être classées dans le numéro tarifaire 9948.00.00 à titre d’articles devant servir dans des machines automatiques de traitement de l’information (machines ATI) et leurs unités ou dans des appareils de processus industriel (API), à l’exclusion des détecteurs, qui convertissent les signaux analogiques en signaux numériques ou vice-versa.

HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

3.                   Tri-ED a importé les marchandises en cause entre 2009 et 2012 en vertu du numéro tarifaire 8507.20.90.

4.                   L’ASFC avait d’abord approuvé des demandes de remboursement générales présentées par Tri-ED. Toutefois, aux termes du paragraphe 59(2) de la Loi, l’ASFC a émis quatre relevés détaillés de rajustement le 30 août 2016 dans lesquels elle concluait que les marchandises en cause ne pouvaient bénéficier de l’exonération des droits de douane en vertu du numéro tarifaire 9948.00.00.

5.                   Le 16 novembre 2016, Tri-ED a demandé un réexamen aux termes du paragraphe 60(1) de la Loi, faisant valoir que les marchandises hôtes sont des API.

6.                   L’ASFC a rendu une décision préliminaire le 5 janvier 2017, refusant encore les avantages conférés par le numéro tarifaire 9948.00.00.

7.                   En réponse, Tri-ED a soumis d’autres arguments le 23 mars et le 24 avril 2017, soutenant subsidiairement que les marchandises hôtes sont des machines ATI et qu’elles devraient bénéficier de l’exonération des droits de douane en vertu du numéro tarifaire 9948.00.00.

8.                   Le 7 juin 2017, l’ASFC a rendu sa décision définitive en vertu du paragraphe 60(4) de la Loi, dans laquelle elle a confirmé sa décision précédente.

9.                   Le 15 août 2017, Tri-ED a déposé le présent appel auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi.

10.               Le Tribunal a tenu une audience publique à Ottawa, en Ontario, le 28 août 2018.

11.               Tri-ED a appelé Mme Adrianna Richards, administratrice des comptes clés de Tri-ED, à titre de témoin. Tri-ED a aussi appelé M. Dan Maitland, ingénieur chargé des ventes pour Interlogix Canada, à titre de témoin expert. Après avoir examiné ses qualifications et son expérience, le Tribunal a qualifié M. Maitland d’expert dans le domaine de la conception, de l’exploitation, de l’installation et de la programmation de systèmes d’alarme anti-intrusion, et de la formation pour ces systèmes, y compris les tableaux de contrôle et leurs périphériques[3].

12.               L’ASFC a appelé M. Bruno Rocha, professeur et coordonnateur au Collège Algonquin, à titre de témoin expert. Après avoir examiné ses qualifications et son expérience, le Tribunal a qualifié M. Rocha d’expert dans le domaine des systèmes électroniques et mécaniques[4].

DESCRIPTION DES MARCHANDISES EN CAUSE

13.               Les marchandises en cause sont des batteries 12 V AH scellées au plomb. Ces batteries peuvent alimenter diverses applications de type commercial et grand public. En l’espèce, elles ont précisément pour but d’offrir une alimentation électrique ininterrompue aux tableaux de contrôle des systèmes de sécurité (les marchandises hôtes). Les batteries sont physiquement reliées à la carte de circuits imprimés des tableaux de contrôle et elles sont logées dans l’enceinte principale.

CADRE LÉGISLATIF

14.               La nomenclature tarifaire est énoncée en détail dans l’annexe du Tarif des douanes, qui est conforme au Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (le Système harmonisé) élaboré par l’Organisation mondiale des douanes (OMD)[5]. L’annexe est divisée en sections et en chapitres et chaque chapitre de l’annexe contient une liste de marchandises classées dans des positions, sous-positions et numéros tarifaires.

15.               Le paragraphe 10(1) du Tarif des douanes prévoit que le classement des marchandises importées est effectué, sauf indication contraire, en conformité avec les Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé[6] et les Règles canadiennes[7] énoncées dans l’annexe.

16.               Les Règles générales sont composées de six règles. Le classement commence par la règle 1, qui prévoit que le classement doit être déterminé d’après les termes des positions et des notes de section ou de chapitre et, lorsqu’elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et notes, d’après les autres règles.

17.               L’article 11 du Tarif des douanes prévoit que, pour l’interprétation des positions et des sous‑positions, le Tribunal doit tenir compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[8] et des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[9] publiés par l’OMD. Bien que les avis de classement et les notes explicatives n’aient pas force exécutoire pour le Tribunal, le Tribunal les applique à moins qu’il n’existe un motif valable de ne pas le faire[10].

18.               Le chapitre 99, qui comprend le numéro tarifaire 9948.00.00, contient les dispositions de classement spécial adoptées par le Canada qui permettent généralement l’importation de certaines marchandises en franchise de droits. Les dispositions de ce chapitre ne sont pas normalisées à l’échelle internationale. Puisqu’aucune des positions du chapitre 99 n’est subdivisée à l’échelle des sous-positions ou des numéros tarifaires, le Tribunal doit uniquement tenir compte, selon les circonstances, des règles 1 à 5 des Règles générales pour déterminer si les marchandises peuvent être classées dans ce chapitre.

19.               Les notes 3 et 4 du chapitre 99 sont pertinentes. Elles prévoient ce qui suit :

3.         Les marchandises peuvent être classées dans un numéro tarifaire du présent Chapitre et peuvent bénéficier des taux de droits de douane du tarif de la nation la plus favorisée ou du tarif de préférence prévus au présent Chapitre qui s’appliquent à ces marchandises selon le traitement tarifaire applicable selon le pays d’origine, mais ce classement est subordonné au classement préalable de celles-ci dans un numéro tarifaire des Chapitres 1 à 97 et à l’observation des conditions prévues par les textes d’application qui leurs sont applicables.

4.             Les termes utilisés dans ce Chapitre et dans les Chapitres 1 à 97 s’entendent au sens de ces derniers Chapitres.

20.               Étant donné que les parties reconnaissent que les marchandises en cause sont classées dans le numéro tarifaire 8507.20.90, la condition de la note 3 du chapitre 99 exigeant que les marchandises soient d’abord classées dans un numéro tarifaire des chapitres 1 à 97 est respectée.

21.               Tri-ED soutient que les marchandises en cause respectent les exigences du numéro tarifaire 9948.00.00, qui prévoit ce qui suit dans la partie pertinente :

9948.00.00         Articles devant servir dans ce qui suit :

                        [...]

                        Machines automatiques de traitement de l’information et leurs unités [...]

                        [...]

Appareils de processus industriel, à l’exclusion des détecteurs, qui convertissent les signaux analogiques en signaux numériques ou vice-versa [...]

22.               Le paragraphe 2(1) du Tarif des douanes définit « devant servir dans » ou « devant servir à » de la façon suivante :

devant servir dans ou devant servir à Mention dans un numéro tarifaire, applicable aux marchandises qui y sont classées et qui doivent entrer dans la composition d’autres marchandises mentionnées dans ce numéro tarifaire par voie d’ouvraison, de fixation ou d’incorporation.

23.               En ce qui concerne l’interprétation de l’expression « machines automatiques de traitement de l’information » qui figure dans le numéro tarifaire 9948.00.00, la note suivante du chapitre 84 est pertinente :

5. A) On entend par machines automatiques de traitement de l’information au sens du no 84.71 :

1) enregistrer le ou les programmes de traitement et au moins les données immédiatement nécessaires pour l’exécution de ce ou de ces programmes;

2) être librement programmées conformément aux besoins de l’utilisateur;

3) exécuter des traitements arithmétiques définis par l’utilisateur; et

4) exécuter, sans intervention humaine, un programme de traitement dont elles doivent pouvoir, par décision logique, modifier l’exécution au cours du traitement.

24.               De plus amples indications sont données dans les notes explicatives de la position no 84.71, dont les passages suivants sont pertinents :

La présente position couvre les machines [traitement de l’information] dans lesquelles les séquences logiques des opérations peuvent être modifiées selon les travaux à accomplir et dans lesquelles les opérations peuvent s’effectuer automatiquement, c’est-à-dire sans aucune intervention de l’opérateur pendant toute la durée du traitement.

[...]

Les machines automatiques de traitement de l’information de la présente position doivent remplir simultanément les conditions énumérées par la Note 5 A) du présent Chapitre. [...]

Ainsi, les machines qui fonctionnent uniquement à partir de programmes fixes, c’est-à-dire de programmes qui ne peuvent être modifiés par l’utilisateur, sont exclues, même si celui-ci a la faculté de choisir entre plusieurs de ces programmes fixes.

Il s’agit ici de machines automatiques de traitement de l’information pourvues de mémoires et à programmes enregistrés pouvant être modifiés selon le travail à effectuer. [...][11]

[Caractères gras dans l’original]

25.               En ce qui concerne « appareils de processus industriel », cette expression n’est pas définie dans le Tarif des douanes. Toutefois, l’expression « appareils de processus industriel » apparaît dans le numéro tarifaire 9032.89.00, qui prévoit ce qui suit :

90.32                Instruments et appareils pour la régulation ou le contrôle automatiques

[...]

9032.89.00         - -Autres

[...]

- - - - -Autres appareils de processus industriel, à l’exclusion des détecteurs, qui convertissent les signaux analogiques en signaux numériques ou vice-versa :

26.               La note 7b) du chapitre 90 prévoit ce qui suit :

7.  Le no 90.32 comprend uniquement :

[...]

b)   les régulateurs automatiques de grandeurs électriques, ainsi que les régulateurs automatiques d’autres grandeurs dont l’opération a son principe dans un phénomène électrique variable avec le facteur à régler, et qui ont pour fonction d’amener ce facteur à une valeur prescrite et de l’y maintenir sans être influencés par d’éventuelles perturbations, grâce à une mesure continue ou périodique de sa valeur réelle.

27.                              En somme, pour bénéficier de l’exonération de droits de douane en vertu du numéro tarifaire 9948.00.00, les marchandises en cause doivent être :

a.          un « article »;

b.         « devant servir dans »;

c.          des machines ATI et leurs unités ou dans des API, à l’exclusion des détecteurs, qui convertissent les signaux analogiques en signaux numériques ou vice-versa[12].

POSITION DES PARTIES

28.               En ce qui concerne le numéro tarifaire 9948.00.00, les parties reconnaissent que le premier critère est respecté : les marchandises en cause sont des « articles ». Le Tribunal est d’accord.

29.               Comme il sera indiqué ci-dessous, pour déterminer si les marchandises en cause peuvent être classées dans le numéro tarifaire 9948.00.00, le Tribunal doit déterminer (1) si les marchandises hôtes sont des machines ATI ou des API au sens de ces concepts dans le contexte du numéro tarifaire 9948.00.00 et (2) si les marchandises en cause sont des articles « devant servir dans » les marchandises hôtes, selon la définition prévue au paragraphe 2(1) du Tarif des douanes.

Tri-ED

30.               Tri-ED soutient que les marchandises en cause respectent toutes les conditions de classement dans le numéro tarifaire 9948.00.00. Elle fait valoir que les marchandises sont (1) des articles (2) devant servir dans (3) des machines ATI et leurs unités et/ou des API, à l’exclusion des détecteurs, qui convertissent les signaux analogiques en signaux numériques ou vice-versa.

31.               Pour ce qui est des marchandises hôtes, Tri-ED fait valoir que les tableaux de contrôle des systèmes de sécurité sont des « ordinateurs » [traduction][13] et qu’ils respectent les quatre caractéristiques des machines ATI indiquées à la note 5A) du chapitre 84. En ce qui concerne le deuxième critère (qui prévoit qu’une machine ATI doit être librement programmée conformément aux besoins de l’utilisateur), Tri-ED soutient que les tableaux de contrôle des systèmes de sécurité peuvent être programmés pour un « vaste éventail de fonctions [...] comme des codes d’utilisateurs, des horaires, la date et l’heure du système, des scénarios d’événements d’alarmes multiples et de reports dans l’activation d’une alarme » [traduction][14].

32.               Tri-ED soutient que l’expression « librement programmé » n’est pas définie dans la loi et qu’elle devrait se voir attribuer son sens ordinaire[15]. Elle fait également valoir que le fait de limiter l’expression « librement programmé » seulement aux machines qui peuvent être codées au niveau local ne tiendrait pas compte de la décision du Tribunal dans Best Buy en ce sens que cela reviendrait à limiter la portée de l’expression « machines ATI » aux marchandises de la position nº 84.71[16].

33.               Tri-ED soutient que la programmation des tableaux de contrôle des systèmes de sécurité nécessite plus que la simple faculté de choisir entre des programmes fixes; les programmes doivent être modifiés pour exécuter leurs fonctions de façon à respecter les besoins de l’utilisateur[17]. Si les programmes étaient fixes, il ne serait pas possible de modifier la façon dont les tableaux de contrôle exécutent le programme[18].

34.               Tri-ED fait aussi valoir que les tableaux de contrôle des systèmes de sécurité peuvent être considérés comme des API, à l’exclusion des détecteurs, qui convertissent les signaux analogiques en signaux numériques ou vice-versa. Tri-ED renvoie à la décision du Tribunal dans Best Buy, où des décodeurs pour télévision par câble ou par satellite et des enregistreurs vidéo numériques personnels, s’ils ont une interface analogique, étaient considérés comme des API[19].

35.               En ce qui concerne l’exigence selon laquelle les marchandises en cause sont des articles « devant servir dans » les marchandises hôtes, Tri-ED fait valoir que « [l’]objet de la connexion de la batterie au tableau de contrôle central du système de sécurité est de fournir une alimentation grâce à une batterie de secours (amélioration) dans l’éventualité d’une interruption (ou d’une modification) de l’alimentation en courant alternatif à l’immeuble où elle est utilisée » [traduction][20]. Tri-ED soutient aussi que les marchandises en cause « contribuent au fonctionnement des marchandises hôtes en permettant qu’elles fonctionnent dans toutes les conditions » [traduction], puisque les marchandises hôtes perdraient par ailleurs leur capacité de fonctionnement[21].

36.               Afin de démontrer que les marchandises en cause sont en fait des articles « devant servir dans » les marchandises indiquées au numéro tarifaire 9948.00.00, Tri-ED a fourni des extraits de rapports de vente indiquant des renseignements sur les ventes entre 2009 et 2012, qui montrent que les marchandises en cause sont vendues à diverses sociétés spécialisées en sécurité. Tri-ED a aussi fourni des lettres de ces sociétés portant sur l’utilisation finale[22].

ASFC

37.               L’ASFC soutient que les batteries ne peuvent pas être classées dans le numéro tarifaire 9948.00.00 puisqu’elles (1) ne sont pas des articles « devant servir dans » les marchandises hôtes et que (2) les marchandises hôtes ne sont pas des machines ATI ni des API.

38.               Pour ce qui est de la question de savoir si les marchandises hôtes sont des machines ATI ou des API, l’ASFC fait valoir que les tableaux de contrôle des systèmes de sécurité ne respectent pas la définition de l’un ou l’autre des concepts. L’ASFC soutient que les tableaux de contrôle ne sont pas des machines ATI parce qu’ils ne peuvent pas être « librement programmés » conformément aux besoins de l’utilisateur, contrairement à ce qu’exige la note 5A(ii) du chapitre 84. Selon l’ASFC, l’utilisateur peut seulement sélectionner des options pour configurer le système d’alarme ou choisir entre des programmes qui figurent déjà dans le tableau de contrôle. L’utilisateur ne peut pas modifier ces programmes ou en créer de nouveaux[23].

39.               L’ASFC fait aussi valoir que les tableaux de contrôle des systèmes de sécurité ne sont pas des API parce qu’ils ne déterminent pas la valeur réelle d’une variable à contrôler et ne la convertissent pas en un signal électrique[24]. L’ASFC soutient plutôt que les détecteurs reliés au tableau de contrôle servent d’API parce qu’ils surveillent le changement d’une variable et envoient un signal au tableau de contrôle. Le tableau de contrôle ne fait que réagir au signal en déclenchant une alarme ou en allumant des lumières ou des caméras[25]. Étant donné que le type d’API dont il est question au numéro tarifaire 9948.00.00 doit convertir les signaux analogiques en signaux numériques ou vice-versa et ne pas comprendre de détecteurs, l’ASFC fait valoir que les tableaux de contrôle ne respectent pas les critères relatifs aux API[26].

40.               Pour ce qui est de la question de savoir si les marchandises sont des articles « devant servir dans » les marchandises hôtes indiquées au numéro tarifaire 9948.00.00, l’ASFC soutient que les batteries ne sont pas des articles « devant servir dans » le tableau de contrôle du système de sécurité parce qu’elles n’améliorent pas sa fonction[27].

ANALYSE

41.               Le Tribunal doit déterminer si les marchandises en cause sont des articles « devant servir dans » les marchandises hôtes énumérées au numéro tarifaire 9948.00.00, à savoir des machines ATI ou des API.

42.               Comme il est indiqué en détail ci-dessous, après avoir examiné les arguments et les éléments de preuve dont il était saisi, le Tribunal conclut que les marchandises hôtes des marchandises en cause ne sont pas des machines ATI ni des API, à l’exclusion des détecteurs, qui convertissent les signaux analogiques en signaux numériques ou vice-versa.

Les marchandises hôtes sont-elles des machines ATI ou des API?

Les marchandises hôtes ne sont pas des machines ATI

         Signification de machines ATI capables d’« être librement programmées conformément aux besoins de l’utilisateur »

43.               Comme il est indiqué ci-dessus, la note 5A) du chapitre 84 prévoit quatre critères pour que les marchandises soient considérées comme des machines ATI. L’ASFC fait valoir que les tableaux de contrôle des systèmes de sécurité ne respectent pas l’un de ces critères. La principale question dans le présent appel vise donc la signification de la note 5A)(ii) qui exige que les soi-disant machines ATI soient capables d’« être librement programmées conformément aux besoins de l’utilisateur ». Les trois autres critères ne sont pas contestés.

44.               La majeure partie du désaccord entre les parties concerne le sens du terme « programmé » dans le contexte de ce critère. Essentiellement, Tri-ED soutient que le terme doit se voir accorder son sens ordinaire, alors que l’ASFC est d’avis qu’un sens technique du mot est approprié dans ce contexte.

45.               Le Tribunal souligne les définitions suivantes pour le verbe « program » (programmer) de l’Oxford Dictionary : « [f]ournir (à un ordinateur ou à une autre machine) des instructions codées pour la réalisation automatique d’une tâche », « [é]crire des programmes informatiques » ou « [s]aisir (des instructions pour la réalisation automatique d’une tâche) dans un ordinateur ou une autre machine » [traductions][28]. Le Cambridge Dictionary donne les définitions suivantes : « écrire une série d’instructions qui permettent à un ordinateur d’accomplir une opération donnée », « donner à un appareil ou à un système informatique des instructions pour qu’il fonctionne d’une manière précise à un moment précis », « écrire une série d’instructions, en utilisant un langage informatique, pour créer ou exécuter un programme informatique », « utiliser un logiciel pour donner des instructions à un ordinateur ou à un appareil électronique afin qu’il accomplisse une tâche parmi plusieurs autres » ou « dire à un appareil ou à un système de fonctionner d’une manière précise à un moment précis » [traductions][29]. Enfin, le Collins Dictionary donne également les définitions suivantes : « [l]orsque vous programmez un ordinateur, vous lui donnez une série d’instructions pour lui permettre d’accomplir une tâche précise », « intégrer un programme à (un ordinateur) », « arranger (des données) dans une forme convenable pour qu’elles puissent être traitées par un ordinateur », « écrire un programme », « planifier un programme informatique en vue (d’une tâche, d’un problème, etc. », « fournir un programme à (un ordinateur, une puce, etc.) », « intégrer dans un programme informatique » ou « définir le programme (d’un appareil électronique) » [traductions][30].

46.               Ces définitions indiquent que le sens ordinaire du verbe « program » consiste à fournir des instructions codées à une machine. Certaines définitions indiquent toutefois que le verbe peut également avoir le sens élargi de simplement dire à un appareil de fonctionner d’une façon précise à un moment précis.

47.               À l’audience, M. Rocha a témoigné en disant que, du point de vue de l’ingénierie, « programming » (programmation) est synonyme de « coding » (codage) (c’est-à-dire intégrer une série d’instructions à un programme)[31]. Son rapport d’expert indique également ce qui suit :

Un exemple d’un système et de son code d’exécution, conçus pour demander, permettre et accepter un code d’utilisateur, peut être fondé sur un code qui permet à son utilisateur de modifier, de supprimer ou d’introduire un nouveau code ou programme ou de développer des parties ou un code ou un programme complet et/ou ses instructions codées. Cela fait en sorte qu’un code, et donc son système, est programmable[32].

[Traduction]

48.               Cette définition technique proposée par M. Rocha rejoint le sens étroit du mot tiré dans les dictionnaires communs.

49.               Pour sa part, M. Maitland a témoigné au sujet de la signification du mot « programming », utilisé dans l’industrie de la sécurité, plus précisément en ce qui concerne les tableaux de contrôle des systèmes de sécurité[33]. Selon M. Maitland, une telle « programmation » impliquerait que l’installateur intègre le numéro de téléphone de la station centrale, le numéro de compte, les zones, les détecteurs d’ouverture d’une porte, de mouvement, de bris de vitre et de fumée ainsi que la réponse requise[34]. Le Tribunal interprète la position de Tri-ED comme étant que la signification du mot « programming », utilisé dans l’industrie de la sécurité, tient compte du sens ordinaire de ce terme. Le Tribunal remarque que l’utilisation par M. Maitland du mot « programming » est conforme à certaines entrées des dictionnaires pour le verbe « program » qui semblent accepter une signification élargie du terme.

50.               Après avoir examiné la preuve et les observations sur ce point, le Tribunal conclut que le mot « programmé », dans le contexte de la note 5A) du chapitre 84, doit se voir attribuer un sens technique conforme au témoignage de M. Rocha.

51.               La définition technique est appropriée si l’on tient compte du fait que « programmé » est utilisé dans l’expression « librement programmées conformément aux besoins de l’utilisateur ». Le choix par le législateur d’utiliser l’adjectif « librement » et le renvoi aux besoins de l’utilisateur doivent se voir attribuer un sens. Le Tribunal a eu la possibilité d’aborder cette question dans Esden[35]. Dans cette affaire, le Tribunal a fait remarquer qu’une position différente renvoyait aux « commutateurs à programme fixe pour la commande d’appareil » qui étaient utilisés habituellement dans les appareils à usage domestique tels que les machines à laver le linge ou la vaisselle et qui permettaient à l’utilisateur d’introduire des données auxquelles le programme donnerait suite en fonction des instructions préalables ou de choisir entre un certain nombre de programmes existants[36]. Le Tribunal a souligné que, « si des appareils assortis d’instructions fixes sont considérés comme étant “programmés”, les termes “être librement programmées conformément aux besoins de l’utilisateur” doivent signifier davantage que la simple instruction de données de base ou le choix entre des programmes fixes, comme cela se passe avec une machine à laver ou avec d’autres appareils électriques à usage domestique »[37]. Par conséquent, le Tribunal a conclu que, pour qu’une machine soit considérée pouvoir être « librement programmée », l’utilisateur doit être en mesure d’« introduire ou modifier les instructions en fonction desquelles l’ordinateur traitera les données qui y sont introduites », au lieu de seulement entrer des données[38].

52.               En effet, ce raisonnement est compatible avec les notes explicatives de la position no 84.71, qui insistent sur le fait qu’un utilisateur doit pouvoir modifier les programmes d’une machine; il ne suffit pas de choisir entre des programmes fixes[39].

53.               D’autres éléments du contexte dans lequel la note 5A) du chapitre 84 figure appuient le point de vue selon lequel le mot « programmed » a pour but d’adopter son sens technique plus étroit. Les exigences indiquées à la note 5A) du chapitre 84 sont des exigences techniques qui utilisent un langage technique nécessitant un certain degré de connaissances spécialisées. L’expression « machines automatiques de traitement de l’information » elle-même peut difficilement se trouver dans le langage courant. Le Tribunal conclut sur la foi du témoignage de M. Rocha que le terme « programming » a un sens technique dans le domaine de l’ingénierie puisqu’il concerne des systèmes électroniques. Conformément à l’objet et à la terminologie de la note 5A) du chapitre 84, le mot « programmé » figurant dans cette note doit se voir attribuer ce sens technique plutôt que le sens populaire élargi qu’il peut porter dans d’autres contextes[40].

54.               À l’audience, Tri-ED a soutenu que de limiter la portée de l’expression « librement programmés » uniquement aux articles qui peuvent être codés au niveau local ne tiendrait vraisemblablement pas compte de la décision du Tribunal dans Best Buy et qu’elle restreindrait l’expression « machines ATI » aux marchandises de la position no 84.71[41]. Toutefois, la question n’est pas celle de savoir si les marchandises hôtes peuvent être programmées au niveau local, mais bien si elles peuvent être librement programmées conformément aux besoins de l’utilisateur. De plus, il est difficile de voir comment l’interprétation de « programmation » conformément à son sens technique limiterait l’expression « machines ATI » aux marchandises de la position no 84.71. En fait, dans Best Buy, le Tribunal a confirmé que la définition de « machines ATI » indiquée à la note 5A) du chapitre 84 précise le sens de ce terme dans le contexte du numéro tarifaire 9948.00.00[42].

55.               Au bout du compte, la question de savoir si des marchandises données sont capables d’être librement programmées conformément aux besoins de l’utilisateur au sens de la note 5A) de la position no 84.71 est une détermination fondée sur les faits quant à la capacité des marchandises précises en cause. Le Tribunal examinera maintenant la question de savoir si Tri-ED s’est acquittée du fardeau de prouver que les marchandises hôtes en l’espèce respectent ce critère.

         Les tableaux de contrôle des systèmes de sécurité ne sont pas capables d’« être librement programmés conformément aux besoins de l’utilisateur »

56.               Le Tribunal ne peut pas conclure, selon la preuve en l’espèce, que les marchandises hôtes sont capables d’être librement programmées conformément aux besoins de l’utilisateur.

57.               M. Maitland a témoigné en disant que les vendeurs et les installateurs ont des conversations avec l’utilisateur final, à savoir le propriétaire de la maison ou de l’entreprise, pour installer le système, et que la complexité de cette « programmation » varie en fonction du système[43]. Il a témoigné en disant que l’installateur avait accès au tableau de contrôle depuis le site ou à distance, au moyen d’un clavier ou, dans des cas plus complexes, au moyen d’un ordinateur portable connecté au tableau de contrôle[44].

58.               M. Maitland a témoigné en disant que le code de programmation et les fonctions de base sont installés au préalable dans les tableaux de contrôle des systèmes de sécurité par le fabricant. L’utilisateur ne réécrit pas le code installé par le fabricant[45]. Il a témoigné en disant que l’utilisateur est responsable de ses codes d’utilisateur ainsi que d’activer et de désactiver le système d’alarme. De plus, l’utilisateur peut combiner différents programmes ou fonctions qui existent déjà dans le tableau de contrôle, mais M. Maitland a reconnu que l’utilisateur (ni l’installateur) ne peut changer le code[46].

59.               M. Maitland a aussi témoigné en disant que le système situé dans le tableau de contrôle du système de sécurité peut être mis à jour. Toutefois, il ne sollicitera pas automatiquement des mises à jour. Plutôt, lorsqu’une mise à jour est disponible, le technicien ou l’établissement principal doit aller l’obtenir, localement au moyen du clavier ou en se connectant à un site Web, pour y parvenir[47].

60.               Dans son rapport d’expert, M. Rocha s’est fondé en grande partie sur la notion selon laquelle les tableaux de contrôle des systèmes de sécurité sont « configurés » [traduction] plutôt que « programmés » [traduction]. Plus précisément, il a souligné que le code qui avait été développé auparavant et téléchargé dans un système automatisé, comme les tableaux de contrôle, « peut être développé pour demander, permettre et accepter l’entrée des données de l’utilisateur et/ou le code d’utilisateur » [traduction] « configurant » [traduction] ainsi le code et le système[48]. À l’opposé, il ne considérait pas que les tableaux de contrôle étaient « programmables » [traduction], puisqu’ils ne permettaient pas à l’utilisateur de modifier, de supprimer, d’ajouter ou de développer des parties de tout un code ou un programme ou ses instructions codées[49]. Il a donné comme exemple un système qui pouvait être codé de la façon souhaitée par l’utilisateur, avec les fonctionnalités qu’il souhaitait[50]. Le rapport d’expert de M. Rocha indique également que les claviers connectés aux tableaux de contrôle des systèmes de sécurité permettent à l’utilisateur de configurer le programme intégré du système d’alarme « en ajoutant ou en modifiant des codes d’utilisateur, des horaires, des dates et heures, des scénarios d’événements d’alarmes multiples et des reports dans l’activation d’une alarme » [traduction][51]. M. Rocha a également précisé que l’utilisateur peut changer les parties du code à exécuter ou l’ordre dans lequel le code est exécuté, exécuter différentes fonctions ou mettre au point l’exécution du programme intégré, mais que cela est loin de rendre les tableaux de contrôle « programmables »[52].

61.               M. Rocha a affirmé qu’il considérait qu’une personne qui envoie une mise à jour de micrologiciel fait de la « programmation » [traduction][53]. Selon lui, un utilisateur ne fait pas de « programmation » lorsqu’il accepte ou refuse une mise à jour, mais il s’agirait de « programmation » si l’utilisateur ou le technicien décidait des programmes inclus dans la mise à jour[54]. M. Rocha a fait observer qu’il n’y a aucune indication en l’espèce qu’un technicien peut choisir les programmes des mises à jour des tableaux de contrôle des systèmes de sécurité[55].

62.               En résumé, selon le témoignage des témoins, les tableaux de contrôle des systèmes de sécurité ont un ensemble de programmes installés au préalable. Ces programmes sont configurés par l’installateur conformément aux besoins précis de la maison ou de l’entreprise; toutefois, aucun changement n’est apporté à ces programmes installés au préalable. De plus, l’utilisateur est limité dans son utilisation du tableau de contrôle à l’ajout de codes et à la sélection de programmes.

63.               Selon les témoignages, le Tribunal conclut que, comme le fait valoir l’ASFC, les tableaux de contrôle des systèmes de sécurité ne sont pas capables d’être librement programmés conformément aux besoins de l’utilisateur. Comme il est indiqué dans Esden, les marchandises pour lesquelles un utilisateur peut seulement ajouter des données ou choisir entre des programmes fixes ne sont pas librement programmées conformément aux besoins de l’utilisateur. En l’espèce, les tableaux de contrôle sont accompagnés de programmes installés au préalable, que l’installateur et l’utilisateur ne peuvent pas modifier ou auxquels ils ne peuvent pas faire d’ajouts[56]. L’utilisateur et l’installateur peuvent seulement saisir des données et choisir entre des programmes. Les mises à jour ou les mises à niveau peuvent être imposées par le fabricant, mais elles ne peuvent pas être créées conformément aux besoins de l’utilisateur. Le fabricant fournit plutôt des mises à jour lorsqu’il trouve de nouvelles fonctions ou caractéristiques qui permettent au système de fonctionner de façon plus rapide ou fiable[57]. L’utilisateur ou l’installateur peut seulement choisir de chercher et installer ces mises à jour. On ne peut interpréter cette activité comme permettant au système d’être librement programmé conformément aux besoins de l’utilisateur[58].

64.               En conclusion, Tri-ED ayant omis de présenter des éléments de preuve convaincants indiquant que les marchandises hôtes respectent le deuxième critère de la note 5A) de la position no 84.71, elle n’a pas établi que les marchandises hôtes sont des machines ATI au sens du numéro tarifaire 9948.00.00.

Les marchandises hôtes ne sont pas un API, à l’exclusion des détecteurs, qui convertissent les signaux analogiques en signaux numériques ou vice-versa

65.               Subsidiairement, Tri-ED fait valoir que les tableaux de contrôle des systèmes de sécurité sont des API, déclarant qu’ils ont une très grande ressemblance avec les marchandises hôtes dans Best Buy[59].

66.               Dans Best Buy, le Tribunal a conclu, en se fondant sur les éléments de preuve présentés à l’audience, que « les décodeurs pour télévision par câble ou par satellite et les enregistreurs vidéo personnels, s’ils ont une interface analogique, peuvent tous convertir des signaux analogiques en signaux numériques ou vice-versa, grâce au logiciel ou au matériel qu’ils comprennent [...] [et qu’ils peuvent] subsidiairement être considérés comme [...] des appareils de processus industriel, à l’exclusion des détecteurs, qui convertissent les signaux analogiques en signaux numériques ou vice-versa [...] »[60].

67.               Chaque affaire doit être tranchée en fonction des faits qui lui sont propres. En l’espèce, Tri-ED n’a pas présenté d’éléments de preuve convaincants pour persuader le Tribunal que les marchandises hôtes sont des API au sens du numéro tarifaire 9948.00.00.

68.               Le Tribunal a examiné en profondeur la question des API dans Wolseley et a conclu qu’un API est, « aux fins du numéro tarifaire 9948.00.00, un article composé de trois éléments : i) un qui mesure la variable devant être contrôlée (en l’espèce la température); ii) un qui compare la variable mesurée à la valeur souhaitée et qui actionne un dispositif de commande pour corriger tout écart; iii) le dispositif de contrôle lui‑même »[61]. De plus, le Tribunal a souligné que « le type d’[API] dont il est question au numéro tarifaire 9948.00.00 est limité en ce sens qu’il doit convertir des signaux analogiques en signaux numériques et vice‑versa et ne pas comprendre de détecteurs », en ce sens qu’il ne peut pas être un détecteur[62].

69.               M. Maitland a témoigné en disant que les tableaux de contrôle des systèmes de sécurité surveillent constamment les changements de résistance dans toutes les « zones » [traduction], à savoir l’ouverture de portes et les détecteurs de mouvement et de bris de vitre. Lorsque cette résistance change, le tableau de contrôle réagit en conséquence, comme au moyen d’une indication sur le clavier, d’une sonnerie ou d’une alarme[63]. Dans certains cas, cela pourrait également comprendre le déclenchement d’un système de gicleurs dans l’éventualité d’un incendie[64].

70.               M. Rocha a témoigné en disant que les variables, comme la température, la fumée, le monoxyde de carbone ou les mouvements, étaient en fait surveillées par des « détecteurs » [traduction], qui les transforment en un certain type de quantité électrique[65]. Dans son rapport d’expert, M. Rocha a également expliqué que les détecteurs « peuvent envoyer des signaux analogiques ou numériques à l’alarme du tableau de contrôle » [traduction][66]. Il a déclaré ce qui suit :

Le tableau de contrôle reçoit les signaux des détecteurs et grâce à l’exécution d’un programme intégré il peut déclencher un mode alarme, envoyant des signaux numériques et/ou analogiques : pour activer les sirènes [...]; allumer les lumières; déclencher les caméras et envoyer des renseignements numériques par Internet ou téléphone (et probablement au moyen d’une radiofréquence – RF) à une centrale d’alarme. Le tableau de contrôle ne tente pas de contrôler les variables, les biens et/ou les phénomènes perçus par les détecteurs. Il surveille les signaux qui lui sont envoyés par les détecteurs et, après les avoir reçus, il prendra des décisions fondées sur la logique, déclenchant possiblement un résultat, comme des sirènes ou des lumières. Néanmoins, ces résultats ne sont pas activés afin de contrôler ou d’influencer directement les variables, les propriétés et/ou les phénomènes perçus par les détecteurs ou les signaux envoyés par ces derniers. Les sorties ou les positionneurs ne tentent pas d’établir ou de maintenir les signaux surveillés par les détecteurs ou les variables, les propriétés et/ou les phénomènes détectés à des niveaux souhaités, par rapport à des perturbations[67].

[Traduction]

71.               Selon les éléments de preuve présentés par les parties, les tableaux de contrôle des systèmes de sécurité reçoivent des signaux des détecteurs, lesquels sont installés afin de surveiller les diverses variables. Le tableau de contrôle fournit alors une réponse préétablie, comme une sonnerie, une alarme ou un appel à la police ou à une caserne de pompiers[68].

72.               Par conséquent, le Tribunal conclut que les tableaux de contrôle des systèmes de sécurité ne sont pas des API, à l’exclusion des détecteurs, qui convertissent les signaux analogiques en signaux numériques ou vice-versa, parce qu’ils ne mesurent pas ou ne contrôlent pas les variables surveillées.

CONCLUSION

73.               Pour les motifs qui précèdent, le Tribunal conclut que les marchandises en cause ne sont pas des articles devant servir dans des machines ATI et leurs unités ou dans des API, à l’exclusion des détecteurs, qui convertissent les signaux analogiques en signaux numériques ou vice-versa. Pour ces motifs, le Tribunal conclut que les marchandises en cause ne peuvent pas bénéficier des avantages conférés par le numéro tarifaire 9948.00.00. Étant parvenu à cette conclusion, le Tribunal n’a pas à examiner la question de savoir si les marchandises en cause sont des articles « devant servir dans » les marchandises hôtes énumérées au numéro tarifaire 9948.00.00.

DÉCISION

74.               L’appel est rejeté.




Serge Fréchette                         
Serge Fréchette
Membre présidant



[1].     L.R.C., 1985, ch. 1 (2e suppl.) [Loi].

[2].     L.C. 1997, ch. 36.

[3].     Pièce AP-2017-022-33, vol. 1C.

[4].     Ibid.

[5].    Le Canada est l’un des pays signataires de la Convention internationale sur le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, qui régit le Système harmonisé.

[6].     L.C. 1997, ch. 36, annexe [Règles générales].

[7].     L.C. 1997, ch. 36, annexe.

[8].     Organisation mondiale des douanes, 4e éd., Bruxelles, 2017.

[9].     Organisation mondiale des douanes, 6e éd., Bruxelles, 2017 [Notes explicatives].

[10].   Voir Canada (Procureur général) c. Suzuki Canada Inc., 2004 CAF 131 (CanLII) aux par. 13, 17, où la Cour d’appel fédérale a interprété l’article 11 du Tarif des douanes comme signifiant que les notes explicatives doivent être respectées, à moins qu’il n’existe un motif valable de ne pas le faire. Le Tribunal est d’avis que cette interprétation s’applique également aux avis de classement.

[11].   Notes explicatives, 84.71 I. – Machines automatiques de traitement de l’information et leurs unités.

[12].   La Cour d’appel fédérale et le Tribunal ont aussi établi que l’expression « devant servir dans » telle que définie à l’article 2 du Tarif des douanes requiert la preuve que la marchandise est effectivement utilisée dans les marchandises hôtes (par opposition à une simple utilisation prévue): Entrelec Inc. c. Canada (Ministre du Revenu national), 2000 CanLII 16268 (CAF); Best Buy Canada Ltd., P&F USA Inc. et LG Electronics Canada (27 février 2017), AP-2015-034, AP-2015-036 et AP-2016-001 (TCCE) [Best Buy].

[13].   Pièce AP-2017-022-06A au par. 11, vol. 1.

[14].   Ibid. à la p. 71.

[15].   Transcription de l’audience publique aux p. 131, 134.

[16].   Ibid. à la p. 133.

[17].   Ibid. à la p. 132.

[18].   Ibid. à la p. 132.

[19].   Ibid. aux p. 135-136. Voir aussi Best Buy au par. 73.

[20].   Pièce AP-2017-022-06A au par. 39, vol. 1.

[21].   Ibid. au par. 40.

[22].   Ibid. aux p. 118-132, vol. 1; pièce AP-2017-022-34A (protégée), vol. 2.

[23].   Pièce AP-2017-022-13A aux par. 30, 33, vol. 1.

[24].   Ibid. au par. 26.

[25].   Ibid. au par. 27.

[26].   Ibid. au par. 28.

[27].   Ibid. au par. 36.

[28].   Oxford Dictionaries, sub verbo « programme », en ligne : English Oxford Living Dictionaries <https://en.‌oxforddictionaries.com>.

[29].   Cambridge Dictionary, sub verbo « program », en ligne : Cambridge Dictionary <https://dictionary.cambridge.org/‌dictionary/english/program>.

[30].   Collins Dictionary, sub verbo « program », en ligne : Collins <https://www.collinsdictionary.com/dictionary/‌english/program>.

[31].   Transcription de l’audience publique à la p. 99.

[32].   Pièce PR-2017-022-23A au par. 10, vol. 1A.

[33].   Transcription de l’audience publique aux p. 60-62. Tri-ED a fait remarquer à M. Maitland l’utilisation du terme « program » et de ses variantes dans la documentation sur les tableaux de contrôle de systèmes de sécurité qui figure dans son rapport d’expert. Voir pièce PR-2017-022-25A, onglet 2 aux p. 11, 13, vol. 1A.

[34].   Transcription de l’audience publique aux p. 45, 47, 60.

[35].   Esden Limited c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l’accise (30 janvier 1992), AP-90-006 (TCCE) [Esden].

[36].   Les notes explicatives de la position no 85.37 font toujours référence aux « commutateurs à programme fixe pour la commande d’appareil » à usage domestique, comme mentionné dans Esden.

[37].   Esden à la p. 3.

[38].   Voir aussi Callpro Canada Inc. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l’accise (29 juillet 1992), AP-91-165 (TCCE), décision confirmée par la Cour fédérale dans The Deputy Minister of National Revenue for Customs and Excise v. Callpro Canada Inc. (11 août 1994), dossier no T-2583-92, dans laquelle le Tribunal a conclu que « “programmation” pouvait comprendre l’établissement ou la modification d’un programme par un programmeur aussi bien que l’utilisation d’un logiciel commercial contenant un programme tout fait ». Le Tribunal a ensuite examiné des éléments de preuve concernant la programmation « conformément aux besoins de l’utilisateur », comme la capacité d’effectuer des autodiagnostics continus, de signaler automatiquement tout problème au service d’entretien de l’adjudicataire, etc. Dans Electronetic Systems Corp. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l’accise (13 janvier 1994), AP-92-262 (TCCE), le Tribunal s’est penché sur la question de savoir si une matrice de commutation répartie constituait une machine ATI, et a conclu que, même s’il acceptait l’opinion selon laquelle l’appareil n’était pas « librement programmable au sens courant du terme, cela n’[enlevait] rien au fait que [l’appareil] [pouvait] être librement programmé conformément aux besoins de l’utilisateur ». Le fondement de la conclusion dans le deuxième cas n’est pas clair. Bien que des machines ATI aient fait l’objet de décision dans des causes plus récentes, comme dans Best Buy aux par. 67-68 et 72, Apple Canada Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (10 janvier 2018), AP-2017-013 (TCCE) au par. 27 et dans Canadian Tire Corporation Ltd. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (24 août 2018), AP-2017-025 (TCCE) aux par. 25 et 28, la condition énoncée dans la note 5A) du chapitre 84 n’était pas en cause dans ces appels.

[39].   Voir aussi Esden.

[40].   Olympia Floor and Wall Tile Co. v. Canada (Deputy Minister of National Revenue – M.N.R.) [1983] F.C.J. No. 814. Inversement, rien dans le libellé ou le contexte de la position no 84.71 ou de la note 5A) du chapitre 84 n’établit de lien entre cette position et l’industrie de la sécurité en particulier. Le témoignage de M. Maitland avait trait à ce qui est considéré comme de la « programmation » dans l’industrie de la sécurité. Voir par exemple Transcription de l’audience publique aux p. 60-61. Dans la mesure où le témoignage de M. Maitland laisse entendre que le terme « programming » a une signification particulière dans cette industrie, la signification de « programming » proposée par M. Maitland ne peut être retenue pour interpréter la note 5A) du chapitre 84.

[41].   Transcription de l’audience publique à la p. 133.

[42].   Dans Best Buy, le Tribunal a affirmé que « [l]e numéro tarifaire 9948.00.00 fait référence à des “machines automatiques de traitement de l’information et leurs unités” [...] [et qu’]il n’est pas limité aux machines ATI de la position no 84.71 » [italiques dans l’original]. Le Tribunal a expliqué que « certaines machines qui ont toutes les caractéristiques d’une machine ATI telle qu’elle est définie à la note 5A) ou de leurs unités ne sont néanmoins pas classées dans la position no 84.71 » [italiques dans l’original] conformément à toutes les notes sur le classement ayant trait à cette position (par. 66). Toutefois, Best Buy n’appuie pas la proposition selon laquelle la définition de machines ATI qui figure à la note 5A) du chapitre 84 ne doit pas s’appliquer à cette expression dans le numéro tarifaire 9948.00.00; en effet, une telle proposition est en contradiction avec la note 4 du chapitre 99, qui stipule que « [l]es termes utilisés dans ce Chapitre et dans les Chapitres 1 à 97 s’entendent au sens de ces derniers Chapitres ».

Enfin, l’appelante a souligné la conclusion du Tribunal dans Best Buy selon laquelle certaines marchandises autres que des ordinateurs personnels pouvaient être considérées comme des machines ATI (voir par exemple Transcription de l’audience publique à la p. 131). Toutefois, et bien que le Tribunal ne soit pas en désaccord avec cette proposition générale, cette proposition générale à elle seule n’est pas utile à la cause de l’appelante. Best Buy avait trait à des marchandises différentes de celles de l’espèce et la conclusion du Tribunal est fondée sur les éléments de preuve concernant les capacités de ces marchandises.

[43].   Transcription de l’audience publique aux p. 53, 61.

[44].   Ibid. aux p. 50, 57.

[45].   Ibid. aux p. 77-78, 85.

[46].   Ibid. aux p. 47, 85-86.

[47].   Ibid. aux p. 58, 92.

[48].   Pièce AP-2017-022-23A au par. 10, vol. 1A.

[49].   Ibid. au par. 11.

[50].   Transcription de l’audience publique à la p. 100.

[51].   Pièce AP-2017-022-23A aux par. 13, 15, vol. 1A.

[52].   Ibid. aux par. 16, 19.

[53].   Transcription de l’audience publique à la p. 109.

[54].   Ibid. aux p. 114-116.

[55].   Ibid. à la p. 116.

[56].   Voir Transcription de l’audience publique à la p. 155. Tri-ED soutient que les marchandises hôtes doivent être « librement programmées » conformément aux besoins de l’utilisateur, mais que la programmation ne doit pas nécessairement être faite par l’utilisateur lui-même. Il n’est pas nécessaire pour le Tribunal de se prononcer sur cette question de façon concluante en l’espèce étant donné que les éléments de preuve indiquent que les tableaux de contrôle des systèmes de sécurité n’ont pas la capacité d’être librement programmés conformément aux besoins de l’utilisateur, qu’il s’agisse de l’utilisateur lui-même ou de l’installateur.

[57].   Ibid. aux p. 91-92.

[58].   Ibid. aux p. 114-116.

[59].   Ibid. à la p. 136.

[60].   Best Buy au par. 73.

[61].   Wolseley Canada Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (18 janvier 2011), AP-2009-004 (TCCE) au par. 30 [Wolseley]. Dans Wolseley, le Tribunal devait déterminer si une chaudière au gaz à induction d’air atmosphérique était fonctionnellement unie à un API. L’API en l’espèce était un appareil qui contrôlait et surveillait la température. Cet appareil pouvait être utilisé pour ajuster la température de la chaudière. L’appareil a été considéré être un API parce qu’il n’était pas un détecteur et qu’il convertissait les signaux analogiques en signaux numériques. Il remplissait donc les conditions requises d’une marchandise hôte du numéro tarifaire 9948.00.00.

[62].   Ibid. aux par. 31-32.

[63].   Transcription de l’audience publique à la p. 65.

[64].   Ibid. à la p. 74.

[65].   Ibid. à la p. 97.

[66].   Pièce AP-2017-022-23A au par. 8, vol. 1A.

[67].   Ibid. au par. 9.

[68].   Le Tribunal constate que, selon la documentation fournie, aucun des tableaux de contrôle ne peut déclencher un système d’extinction d’incendie. Toutefois, même si ceux-ci pouvaient le faire, ce sont les détecteurs qui surveillent les variables. À ce titre, les tableaux de contrôle ne correspondraient toujours pas à la définition d’API du numéro tarifaire 9948.00.00.

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