Appels en matière de douanes et d’accise

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EXPOSÉ DES MOTIFS

APERÇU

[1] Le présent appel a été interjeté le 6 juillet 2021 par Charoen Pokphand Foods Canada Inc. (Charoen), aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes [1] , à l’égard d’une décision rendue le 15 juin 2021 par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) à la suite d’un réexamen aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi.

[2] La question en litige dans le présent appel est de savoir si les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 2104.10.00 à titre de « préparations pour soupes, potages ou bouillons », comme l’a soutenu Charoen, ou si elles devraient être classées dans le numéro tarifaire 1902.20.00 à titre de « pâtes alimentaires farcies (même cuites ou autrement préparées) », comme l’a déterminé l’ASFC [2] .

MARCHANDISES EN CAUSE

[3] Les marchandises en cause sont des soupes wonton aux crevettes emballées à la main, congelées et conditionnées pour la revente en 6 bols de 145 g de la marque Charoen Pokphand Authentic Asia™. Chaque bol contient 5 wontons congelés, qui sont farcis de crevettes cuites et disposés dans un mélange de soupe liquide concentrée et congelée. Les wontons congelés et la soupe concentrée sont contenus dans le même récipient [3] . Ils ne contiennent pas d’assaisonnement supplémentaire ni d’ingrédients emballés séparément [4] .

HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

[4] Les marchandises en cause ont été importées par Charoen de mai à septembre 2019 et classées dans le numéro tarifaire 1902.30.31 à titre d’« autres [pâtes], contenant 25 % ou plus en poids de froment (blé), sans viande, dans les limites de l’engagement d’accès, en paquets d’un poids n’excédant pas 2,3 kg chacun » [5] .

[5] Le 26 novembre 2020, en vertu de l’article 42 et du paragraphe 42.01 de la Loi, l’ASFC a effectué une vérification de l’observation commerciale et a revu le classement tarifaire des marchandises. L’ASFC a classé les marchandises dans le numéro tarifaire 1902.20.00 à titre de « pâtes alimentaires farcies (même cuites ou autrement préparées) ». Cette détermination a été traitée comme une révision aux termes de l’alinéa 59(1)a) de la Loi [6] .

[6] Le 14 janvier 2021, Charoen a demandé à l’ASFC de revoir la révision effectuée par l’ASFC en vertu du paragraphe 60(1) de la Loi. Charoen soutenait que les marchandises auraient dû être classées dans le numéro tarifaire 2104.10.00 à titre de « préparations pour soupes […] » [7] .

[7] Le 15 juin 2021, en vertu du paragraphe 60(4) de la Loi, l’ASFC a rendu une nouvelle décision concernant le classement tarifaire des marchandises. Les marchandises en cause ont été classées dans le numéro tarifaire 1902.20.00 [8] .

[8] Le 6 juillet 2021, Charoen a interjeté appel auprès du Tribunal conformément au paragraphe 67(1) de la Loi [9] .

[9] Le 17 septembre 2021, Charoen a déposé le mémoire de l’appelant.

[10] Le 19 novembre 2021, l’ASFC a déposé les versions confidentielle et publique du mémoire de l’intimé.

[11] Le 7 décembre 2021, l’ASFC a déposé un rapport d’expert concernant les marchandises en cause.

[12] Le 20 décembre 2021, Charoen a déposé un mémoire de l’appelant complémentaire.

[13] Le 4 janvier 2022, l’ASFC a déposé des versions publiques révisées du mémoire de l’intimé et du rapport d’expert, après avoir enlevé certains caviardages et considéré que les éléments auparavant confidentiels étaient publics.

[14] Aucune des parties n’a déposé de pièces physiques des marchandises en cause. L’ASFC a fait appel à l’expertise de Mme Kelsey Viner, qui a examiné les marchandises aux fins du présent appel.

Témoin expert – Mme Kelsey Viner

[15] Le témoin expert proposé par l’ASFC, Mme Viner, a témoigné sur la composition des marchandises en cause, leur emballage et leur préparation en vue de leur consommation [10] .

[16] Mme Viner est une spécialiste en chimie et travaille dans le sous-groupe des aliments et des produits biologiques de l’ASFC depuis 2019 [11] .

[17] Dans une lettre reçue le 20 décembre 2021, Charoen a indiqué qu’elle n’avait pas l’intention de contester la reconnaissance de Mme Viner comme témoin expert dans le domaine général de la chimie. Toutefois, Charoen demande à l’ASFC de préciser dans quel domaine particulier de la chimie elle a l’intention de reconnaître Mme Viner comme experte [12] .

[18] Dans sa lettre du 23 décembre 2021, le Tribunal a indiqué qu’il considérait disposer de suffisamment de renseignements sur le domaine d’expertise de Mme Viner et que toute autre observation des parties sur cette question pourrait être présentée à l’audience [13] .

[19] Après avoir examiné le curriculum vitæ de Mme Viner et les observations des deux parties à l’audience sur la question de sa reconnaissance comme témoin expert, le Tribunal a accepté de reconnaître Mme Viner comme témoin expert dans le domaine de la composition alimentaire et de l’analyse des aliments.

CADRE LÉGISLATIF

[20] La nomenclature tarifaire est énoncée en détail dans l’annexe du Tarif des douanes [14] , qui est conforme au Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (le Système harmonisé) élaboré par l’Organisation mondiale des douanes (OMD) [15] . L’annexe est divisée en sections et en chapitres et chaque chapitre de l’annexe contient une liste de marchandises classées dans des positions, sous-positions et numéros tarifaires.

[21] Le paragraphe 10(1) du Tarif des douanes prévoit que le classement des marchandises importées est effectué, sauf indication contraire, en conformité avec les Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé [16] (Règles générales) et les Règles canadiennes [17] énoncées à l’annexe.

[22] Les Règles générales sont composées de six règles. Le classement commence par la règle 1, qui prévoit que le classement doit être déterminé d’après les termes des positions et des notes de section ou de chapitre et, lorsqu’elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et notes, d’après les autres règles.

[23] L’article 11 du Tarif des douanes prévoit que, pour l’interprétation des positions et des sous‑positions, le Tribunal doit tenir compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [18] (Avis de classement) et des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [19] (Notes explicatives), publiés par l’OMD. Bien que les Avis de classement et les Notes explicatives n’aient pas force exécutoire, le Tribunal les applique à moins qu’il n’existe un motif valable de ne pas le faire [20] .

[24] Par conséquent, le Tribunal doit d’abord déterminer si les marchandises en cause peuvent être classées conformément à la règle 1 des Règles générales, selon les termes de la position et les notes de section ou de chapitre pertinentes du Tarif des douanes, compte tenu des notes explicatives et des avis de classement pertinents. C’est seulement lorsque la Règle 1 ne permet pas d’arrêter de manière concluante le classement d’une marchandise qu’il faudra recourir aux autres Règles générales [21] .

[25] Après que le Tribunal a utilisé cette méthode pour déterminer la position dans laquelle les marchandises en cause doivent être classées, l’étape suivante consiste à utiliser une méthode similaire pour déterminer la sous-position appropriée [22] . La dernière étape consiste à déterminer le numéro tarifaire approprié [23] .

[26] Les dispositions pertinentes du Tarif des douanes sont les suivantes :

 

Chapitre 19

PRÉPARATIONS À BASE DE CÉRÉALES, DE FARINES, D’AMIDONS, DE FÉCULES OU DE LAIT; PÂTISSERIES

Chapter 19

PREPARATIONS OF CEREALS, FLOUR, STARCH OR MILK; PASTRYCOOKS’ PRODUCTS

19.02

 

 

 

Pâtes alimentaires, même cuites ou farcies (de viande ou d’autres substances) ou bien autrement préparées, telles que spaghetti, macaroni, nouilles, lasagnes, gnocchi, ravioli, cannelloni; couscous, même préparé.

-Pâtes alimentaires non cuites ni farcies ni autrement préparées

Pasta, whether or not cooked or stuffed (with meat or other substances) or otherwise prepared, such as spaghetti, macaroni, noodles, lasagna, gnocchi, ravioli, cannelloni; couscous, whether or not prepared.

-Uncooked pasta, not stuffed or otherwise prepared

1902.20.00

-Pâtes alimentaires farcies (même cuites ou autrement préparées)

-Stuffed pasta, whether or not cooked or otherwise prepared

 

 

Chapitre 21

PRÉPARATIONS ALIMENTAIRES DIVERSES

Chapter 21

MISCELLANEOUS EDIBLE PREPARATIONS

21.04

Préparations pour soupes, potages ou bouillons; soupes, potages ou bouillons préparés; préparations alimentaires composites homogénéisées.

Soups and broths and preparations therefor; homogenized composite food preparations.

2104.10.00

-Préparations pour soupes, potages ou bouillons; soupes, potages ou bouillons préparés

-Soups and broths and preparations therefor

 

[27] Les notes de chapitre pertinentes sont les suivantes :

Note 1a) du Chapitre 19 :

Le présent Chapitre ne comprend pas : a) à l’exception des produits farcis du n° 19.02, les préparations alimentaires contenant plus de 20 % en poids de saucisse, de saucisson, de viande, d’abats, de sang, d’insectes, de poisson ou de crustacés, de mollusques ou d’autres invertébrés aquatiques ou une combinaison de ces produits (Chapitre 16).

Note 1e) du Chapitre 21 :

Le présent Chapitre ne comprend pas : […] e) les préparations alimentaires, autres que les produits décrits aux n°s 21.03 ou 21.04, contenant plus de 20 % en poids de saucisse, de saucisson, de viande, d’abats, de sang, d’insectes, de poisson, de crustacés, de mollusques, d’autres invertébrés aquatiques ou d’une combinaison de ces produits (Chapitre 16).

[28] Les notes explicatives pertinentes de la position 19.02 prévoient ce qui suit :

Les pâtes alimentaires de la présente position sont des produits non fermentés, fabriqués avec des semoules ou des farines de blé, de maïs, de riz, de pommes de terre, etc.

Ces semoules ou farines (ou mélanges des deux) sont d’abord mélangées avec de l’eau et pétries de façon à obtenir une pâte dans laquelle peuvent également être incorporés d’autres ingrédients (par exemple, des légumes très finement hachés, des jus ou purées de légumes, des œufs, du lait, du gluten, des diastases, des vitamines, des colorants, des aromatisants).

[…]

Les pâtes alimentaires de cette position peuvent être cuites, farcies de viande, de poisson, de fromage ou d’autres substances en toutes proportions ou bien autrement préparées (présentées comme plats préparés contenant d’autres ingrédients tels que des légumes, de la sauce, de la viande, par exemple). La cuisson a pour objet de ramollir les pâtes sans en modifier la forme initiale.

Les pâtes farcies peuvent être entièrement fermées (raviolis, par exemple), ouvertes aux extrémités (cannellonis, par exemple) ou présentées en couches superposées, telles que les lasagnes.

[…]

Sont exclus de la position :

a) Les préparations, autres que les pâtes farcies, contenant plus de 20 % en poids de saucisse, de saucisson, de viande, d’abats, de sang, d’insectes, de poisson ou de crustacés, de mollusques, d’autres invertébrés aquatiques ou d’une combinaison de ces produits (Chapitre 16).

b) Les préparations pour soupes, potages ou bouillons ainsi que les soupes, potages et bouillons préparés, contenant des pâtes (n° 21.04).

[29] Les notes explicatives pertinentes de la position 21.04 prévoient ce qui suit :

A.- PRÉPARATIONS POUR SOUPES, POTAGES OU BOUILLONS; SOUPES, POTAGES OU BOUILLONS, PRÉPARÉS

Ce groupe comprend :

1) Les préparations pour la confection de soupes, potages, bouillons ou consommés auxquelles il suffit d’ajouter de l’eau, du lait, etc.

2) Les soupes, potages et bouillons, préparés, prêts à être consommés après simple réchauffage.

Ces produits sont généralement à base de substances végétales (légumes, farines, fécules, tapioca, pâtes alimentaires, riz, extraits de plantes, etc.), de viande, d’extrait de viande, de graisse, de poisson, de crustacés, de mollusques ou autres invertébrés aquatiques, de peptones, d’amino-acides ou d’extrait de levure. Ils peuvent contenir une forte proportion de sel.

Ils se présentent généralement sous forme de tablettes, de pains, de cubes, de poudre ou à l’état liquide.

[30] L’avis de classement pertinent de l’OMD stipule ce qui suit :

1902.20 1. Préparation composée de pâtes farcies aux crevettes (raviolis wonton) et de soupe concentrée. La préparation est congelée et conditionnée pour la vente au détail dans un bol en matières plastiques. Avant de consommer l’ensemble, il convient d’ajouter de l’eau et de la faire réchauffer dans un four à micro-ondes.

Application des RGI 1 et 6.

POSITION DES PARTIES

Charoen

[31] Charoen soutient que les marchandises en cause doivent être classées dans la position 21.04, « préparations pour soupes, potages ou bouillons », par application de la règle 1 [24] .

[32] Charoen soutient que la note d’exclusion de la position 19.02 exige que les marchandises en cause soient classées dans la position 21.04 comme préparations pour soupes contenant des pâtes alimentaires [25] et que l’application de la note d’exclusion rend l’application de l’avis de classement de l’OMD impossible. Étant donné que les marchandises en cause sont plus particulièrement visées par la position 21.04, Charoen fait valoir qu’il y a suffisamment de motifs pour s’écarter de l’avis de classement de l’OMD [26] .

[33] De plus, Charoen soutient que, si le Tribunal tenait compte de la règle 3b) dans le classement des marchandises, il devrait conclure que le poids des wontons aux crevettes par rapport à celui de la soupe concentrée n’est pas déterminant pour déterminer le caractère essentiel des marchandises en cause [27] . En fait, les marchandises en cause sont commercialisées et consommées en tant que soupe, et c’est la soupe qui donne aux marchandises leur caractère essentiel [28] .

ASFC

[34] L’ASFC soutient que les marchandises en cause ne peuvent pas être classées par la seule application de la règle 1, puisqu’elles comprennent deux éléments distincts, à savoir une soupe concentrée et un type de pâtes alimentaires farcies (wontons aux crevettes) [29] .

[35] En fait, l’ASFC soutient que les règles 2b) et 3b) doivent être appliquées. En appliquant la règle 3b), le Tribunal doit tenir compte du caractère essentiel des marchandises en cause, qui, selon l’ASFC, est conféré par les wontons aux crevettes, qui représentent une plus grande proportion des marchandises en termes de volume et de poids. Cela permet alors de classer les marchandises en cause comme pâtes alimentaires farcies dans la position 19.02 [30] .

ANALYSE

[36] En ce qui concerne la séquence d’analyse, il est établi que, lorsqu’il y a une note d’exclusion qui empêche que des marchandises soient classées à première vue dans les deux positions en cause, le Tribunal doit commencer son analyse par la position visée dans cette note explicative [31] . En l’espèce, une note explicative de la position 19.02 exclut les marchandises de la position 21.04 [32] . Le Tribunal commencera donc son analyse par la position 21.04.

[37] Le Tribunal souligne que la note explicative b) de la position 19.02 renvoie aux préparations pour soupes, potages ou bouillons de la position 21.04. L’avis de classement de l’OMD concernant la sous-position 1902.20 a déterminé que les marchandises en cause ne pouvaient pas être classées dans la position 21.04 en réexaminant les termes de la position, conformément à la règle 1. Comme il est expliqué dans la section suivante, le Tribunal arrive à la même conclusion.

Les marchandises en cause ne sont pas des préparations pour soupes ou des soupes de la position 21.04

[38] Les notes explicatives de la position 21.04, qui stipulent ce qui suit, prévoient que la position couvre deux types de produits : 1) les préparations pour soupes; et 2) les soupes :

A.- PRÉPARATIONS POUR SOUPES, POTAGES OU BOUILLONS; SOUPES, POTAGES OU BOUILLONS, PRÉPARÉS

Ce groupe comprend :

1) Les préparations pour la confection de soupes, potages, bouillons ou consommés auxquelles il suffit d’ajouter de l’eau, du lait, etc.

2) Les soupes, potages et bouillons, préparés, prêts à être consommés après simple réchauffage.

Ces produits sont généralement à base de substances végétales (légumes, farines, fécules, tapioca, pâtes alimentaires, riz, extraits de plantes, etc.), de viande, d’extrait de viande, de graisse, de poisson, de crustacés, de mollusques ou autres invertébrés aquatiques, de peptones, d’amino-acides ou d’extrait de levure.

[39] L’analyse du Tribunal dans l’affaire Anderson Watts s’avère utile en l’espèce. Dans la décision Anderson Watts, le Tribunal a analysé des nouilles instantanées sèches, emballées avec des sachets « d’assaisonnement » en poudre destinés à préparer une base de soupe. Dans cet appel, le Tribunal a conclu que les « préparations » et les « mélanges » sont des « marchandises où les ingrédients sont mélangés ensemble » et peuvent être distingués des marchandises qui « consist[ent] en [ou combinent] de multiples ingrédients censés être utilisés et emballés ensemble » [33] .

[40] Charoen soutient que les marchandises en cause n’exigent que l’ajout d’eau avant de pouvoir être consommées [34] . Selon Charoen, les marchandises sont un « mélange d’ingrédients culinaires (à base de wontons et de soupe concentrée), emballés ensemble » [traduction] [35] , qui ne nécessitent que l’ajout d’eau et un temps de cuisson pour pouvoir être consommées. Par conséquent, Charoen fait valoir que les marchandises devraient être considérées comme des préparations pour soupes [36] .

[41] Le Tribunal conclut que les marchandises en cause n’exigent que l’ajout d’eau avant de pouvoir être consommées. Par conséquent, ce ne sont pas des soupes appartenant à la sous-catégorie 2). Cependant, le fait que les marchandises en cause n’exigent que l’ajout d’eau avant la consommation ne permet pas en soi de déterminer que les marchandises sont des préparations pour soupes appartenant à la sous-catégorie 1). En effet, cela les empêche seulement d’être classées comme « soupes » dans la sous-catégorie 2).

[42] L’ASFC soutient que, dans leur état à l’importation, les marchandises ne sont pas prêtes à être consommées immédiatement, puisque de l’eau doit être ajoutée avant qu’elles puissent être cuites et mangées. De plus, l’ASFC fait remarquer que les marchandises ne peuvent pas correspondre à la définition de « préparations », puisque la soupe concentrée et les wontons ne combinent pas deux ingrédients culinaires. Elle soutient plutôt que les wontons congelés se trouvent au-dessus de la soupe concentrée congelée, séparés de celle-ci, et ne sont pas combinés avec le liquide congelé [37] .

[43] Le Tribunal est d’accord que les marchandises ne peuvent pas correspondre à la définition de « préparations », puisque la soupe concentrée et les wontons ne sont pas combinés. Cependant, le Tribunal n’est pas d’accord avec la position de l’ASFC selon laquelle les wontons congelés se trouvent au-dessus de la soupe concentrée. En se fondant sur les éléments de preuve et la vidéo présentés par le témoin expert, le Tribunal conclut que la soupe concentrée et les wontons congelés sont combinés ou entremêlés, puisqu’il n’est pas possible de séparer facilement les wontons de la soupe concentrée sous leur forme congelée. Le Tribunal observe que les wontons sont partiellement immergés dans la base de soupe congelée, puisque la proportion de soupe concentrée n’est pas suffisante pour couvrir entièrement les wontons. Ce n’est qu’en décongelant le produit entier que les wontons peuvent être séparés du produit général.

[44] Les éléments de preuve montrent que les wontons demeurent un élément distinct et ne font pas partie de la soupe concentrée congelée. Les wontons ne sont pas « mélang[és] » dans la soupe concentrée selon l’analyse du Tribunal dans la décision Anderson Watts; ils sont plutôt « autrement prépar[és] » en vue de leur consommation dans un bouillon de soupe.

[45] Par conséquent, étant donné que les marchandises en cause ne sont pas des préparations pour soupes, elles ne sont pas visées par la note d’exclusion de la position 19.02, qui exclut les préparations pour soupes contenant des pâtes alimentaires. Par conséquent, les marchandises en cause ne peuvent être classées dans la position 21.04.

[46] L’avis de classement de l’OMD adopté en 2011 a également rejeté la proposition selon laquelle les marchandises en cause pouvaient être classées dans la position 21.04. L’avis classe les marchandises en cause dans la sous-position 1902.20. Cette question est examinée dans la section suivante.

Avis de classement de l’OMD concernant la sous-position 1902.20

[47] Le Tribunal a examiné attentivement le rapport des discussions tenues par le Comité du Système harmonisé (SH) de l’OMD, qui a conduit à l’adoption de l’avis de classement de l’OMD concernant la sous-position 1902.20, qui se lit comme suit :

1902.20 1. Préparation composée de pâtes farcies aux crevettes (raviolis wonton) et de soupe concentrée. La préparation est congelée et conditionnée pour la vente au détail dans un bol en matières plastiques. Avant de consommer l’ensemble, il convient d’ajouter de l’eau et de la faire réchauffer dans un four à micro-ondes.

Application des RGI 1 et 6.

[48] En 2011, l’Agence des douanes de la Thaïlande a porté l’affaire devant l’OMD en demandant si un produit appelé « wontons aux crevettes » [traduction] [38] devait être classé dans la position 16.05 en tant que « crustacés, mollusques et autres invertébrés aquatiques, préparés ou conservés » ou dans la position 19.02 comme « pâtes alimentaires, même cuites ou farcies (de viande ou d’autres substances) […] ».

[49] Le Comité du SH a conclu que la section pertinente de la note explicative 2 du chapitre 16 indique que les dispositions du chapitre 16 « ne s’appliquent ni aux produits farcis du no 19.02, ni aux préparations des nos 21.03 ou 21.04 » [traduction, nos italiques] [39] .

[50] Le Comité du SH a également noté que la note explicative 1 du chapitre 19 indique que le chapitre ne comprend pas « a) à l’exception des produits farcis du no 19.02, les préparations alimentaires contenant plus de 20 % en poids de saucisse, de saucisson, de viande, d’abats, de sang, d’insectes, de poisson ou de crustacés, de mollusques ou d’autres invertébrés aquatiques ou une combinaison de ces produits (Chapitre 16) » [traduction, nos italiques] [40] .

[51] Le Comité du SH a également expliqué que les notes explicatives de la position 19.02 précisent l’énoncé de la note 1a) du chapitre 19 en indiquant que « [l]es pâtes alimentaires de cette position peuvent être cuites, farcies de viande, de poisson, de fromage ou d’autres substances en toutes proportions ou bien autrement préparées » [traduction, nos italiques] [41] .

[52] Le Comité du SH a également examiné la demande de la Thaïlande d’envisager aussi le classement dans la position 21.04, puisque les wontons sont « généralement servis sous forme de soupe » [traduction] et que le produit étiqueté « Produit 1 est même appelé “soupe de wonton” » [traduction] [42] .

[53] Dans le cadre de l’examen de la position 21.04, le Comité du SH a analysé le terme « soupe » en déclarant ce qui suit :

Bien que le terme « soupe » ne soit pas défini dans le SH, il est communément considéré comme un aliment liquide fabriqué en cuisant différents ingrédients. Dans les produits à l’étude, ce sont toutefois les wontons qui constituent de loin la partie la plus importante de l’ensemble et qui déterminent le caractère des produits, tandis que le liquide dans lequel les wontons sont servis peut sans doute être considéré simplement comme un véhicule conçu pour faciliter l’étape finale de la préparation des wontons avant qu’ils puissent être mangés. Ce véhicule n’est même pas nécessairement consommé lui-même. Par conséquent, le fait que les wontons soient servis dans un liquide avec notamment du sel et des épices n’est pas suffisant pour que l’ensemble soit considéré comme un aliment liquide, ou une soupe, aux fins du classement. [43]

[Traduction; nos italiques; note de bas de page omise]

[54] Dans sa décision, le Comité du SH a d’abord considéré que, par application des règles 1, 2b), 3b) et 6, les marchandises devaient être classées dans la position 19.02. L’analyse fondée sur les règles 2b) et 3b) indiquait que « la présence de deux éléments différents dans les produits en cause devrait être prise en compte : la soupe, qui serait classée dans la position 21.04 si elle est présentée séparément, et les wontons visés dans la position 19.02 » [traduction] [44] . Étant donné que la soupe et les wontons sont destinés à être utilisés ensemble dans la préparation du plat final, les marchandises en cause doivent être considérées comme des « “assortiments pour la vente au détail”, par application du RGI 3b), et classés selon l’élément qui leur confère leur caractère essentiel » [traduction] [45] . En ce qui concerne cette notion, le Comité du SH a conclu que les wontons conféraient aux marchandises leur caractère essentiel compte tenu de la plus grande proportion de wontons dans les produits ainsi que du fait que les produits sont tous deux consommés sous forme de wontons, et non de soupe [46] .

[55] Toutefois, le fondement juridique ultime utilisé par le Comité du SH était de classer les marchandises en renvoyant aux règles 1 et 6 [47] . Le Comité du SH a fondé sa conclusion, en partie, sur sa vision révisée selon laquelle les wontons et la soupe concentrée sont « mélangés » [traduction] avant d’être congelés [48] .

[56] Le Tribunal interprète la conclusion définitive du Comité du SH comme suit : le produit no 1 comprenait un « mélange » d’éléments alimentaires, et non un « mélange » de deux éléments alimentaires distincts.

Les marchandises en cause sont des pâtes autrement préparées visées dans la position 19.02

Les wontons aux crevettes sont des « pâtes farcies »

[57] La preuve d’expert présentée au Tribunal a confirmé que la pâte des wontons est une pâte contenant plus de 25 %, en poids, de farine de blé cuite [49] . Par conséquent, la pâte correspond à la définition de pâtes alimentaires fabriquées avec des farines de blé, comme le prévoient les notes explicatives de la position 19.02. L’ASFC et les avis de classement de l’OMD étayent cette preuve d’expert. Charoen n’a pas contesté que la composition de la pâte des wontons correspond à la définition de pâtes alimentaires [50] .

[58] Étant donné que la pâte des wontons peut être classée comme « pâtes alimentaires », il est évident que les wontons visés dans les marchandises en cause sont des « pâtes farcies », comme le prévoient les notes explicatives de la position 19.02. Plus précisément, ils sont des pâtes farcies aux crevettes. Les deux parties et l’avis de classement de l’OMD étayent le fait que les wontons sont des « pâtes farcies » [51] .

[59] Par conséquent, le Tribunal conclut que les wontons sont des « pâtes farcies », comme l’indique l’analyse effectuée par le Comité du SH dans l’avis de classement.

[60] De plus, le Tribunal conclut que les marchandises en cause ne sont pas, de fait, une préparation pour soupes.

[61] Pour arriver à cette conclusion, le Tribunal tient compte de la composition alimentaire de base des marchandises en cause, plutôt que de mettre l’accent sur l’utilisation finale ou la commercialisation potentielle des marchandises. Une analyse objective des marchandises en cause est cohérente, que ce soit à l’égard de l’étiquetage du produit [52] ou de l’analyse effectuée par le témoin expert : les wontons, qui sont de pâtes farcies, constituent une plus grande proportion du produit. Les marchandises en cause sont une combinaison de wontons et de soupe concentrée (ou, comme l’indique l’avis de classement de l’OMD, une préparation de pâtes farcies aux crevettes, c’est-à-dire des wontons et une soupe concentrée).

Les marchandises en cause sont une combinaison de pâtes alimentaires et de soupe concentrée

[62] L’ASFC soutient que les marchandises en cause sont une « combinaison de pâtes alimentaires et d’autres ingrédients » [traduction] plutôt qu’une simple « préparation de pâtes alimentaires » [traduction]. À ce titre, les marchandises en cause ne peuvent, dans leur ensemble, être classées dans la position 19.02 conformément à la règle 1 [53] . L’ASFC soutient également que l’avis de classement de l’OMD n’a pas bénéficié de la décision Anderson Watts du Tribunal pour l’aider à définir le terme « préparations » et que les marchandises en cause sont une combinaison plutôt qu’une préparation de pâtes alimentaires [54] . L’ASFC convient néanmoins que les marchandises devraient en fin de compte être classées dans la sous-position 1902.20 [55] .

[63] Comme il a été indiqué ci-dessus, le Tribunal conclut que les marchandises en cause ne sont pas mélangées, selon l’analyse du Tribunal dans la décision Anderson Watts. En fait, les wontons aux crevettes et la soupe concentrée sont combinés ou entremêlés et ne peuvent pas être facilement séparés sous leur forme congelée.

[64] Le Tribunal conclut également que l’analyse de l’avis de classement de l’OMD est déroutante parce qu’il a modifié son analyse pour indiquer que les marchandises peuvent être classées en n’utilisant que les règles 1 et 6. En confirmant que seule la règle 1 est nécessaire aux fins du classement, le Comité du SH a déclaré que les marchandises en cause peuvent être classées selon les termes des positions et les notes de section ou de chapitre du Tarif des douanes qui s’y rapportent, compte tenu des notes explicatives et des avis de classement pertinents.

[65] L’avis de classement de l’OMD indique que les wontons et la soupe concentrée sont « mélangés » [traduction] avant d’être congelés et importés. Il semble que ce « mélange » des deux éléments ait modifié l’analyse du Comité du SH, de sorte que la règle 1 était suffisante pour classer les marchandises en cause comme « préparation composée de […] crevettes (raviolis wonton) et de soupe concentrée ». Cependant, si la préparation comprend à la fois des wontons et de la soupe concentrée, selon l’analyse du Tribunal, certaines marchandises en cause devraient être classées dans la position 19.02 et les autres marchandises devraient relever de la position 21.04. Étant donné que deux positions seraient visées, l’analyse exige que le Tribunal examine les règles 2 et 3 pour déterminer le classement approprié.

L’avis de classement de l’OMD devrait être suivi

[66] Charoen soutient qu’elle a des motifs valables de s’écarter de l’avis de classement de l’OMD concernant la sous-position 1902.20 [56] parce qu’elle n’est pas « au courant des faits et des arguments qui ont été présentés pour arriver à cette décision. [Elle] ne sait pas si le no 21.04 a même été considéré » [traduction] [57] . Le Tribunal fait remarquer que les éléments de preuve au dossier confirment que le Comité du SH a examiné la position 21.04 [58] , mais seulement pour déterminer que les « wontons […] constituent de loin la partie la plus importante de l’ensemble » [traduction] et déterminent le caractère des produits parce que « le liquide dans lequel les wontons sont servis peut sans doute être considéré simplement comme un véhicule conçu pour faciliter l’étape finale de la préparation des wontons avant qu’ils puissent être mangés » [traduction] [59] .

[67] Charoen fait également valoir que l’application de l’avis de classement de l’OMD ne tiendrait pas compte de la note explicative b) de la position 19.02, qui exclut les « préparations pour soupes, potages ou bouillons ainsi que les soupes, potages et bouillons préparés, contenant des pâtes » de la position 21.04 [60] . Par conséquent, Charoen soutient que les marchandises sont plus particulièrement visées par la règle 1 et que la note d’exclusion de la position 19.02 donne suffisamment de raisons de s’écarter de l’avis de classement de l’OMD [61] .

[68] Après avoir examiné les conclusions du Comité du SH, et conformément aux conclusions du Tribunal dans la décision Anderson Watts, le Tribunal conclut que les marchandises en cause ne peuvent être classées dans la position 21.04 parce qu’elles ne correspondent pas à la définition d’une soupe ou d’une préparation pour soupe. Même si une partie des marchandises en cause comprennent une soupe concentrée, les marchandises comprennent également un deuxième élément, c’est-à-dire des pâtes farcies, qui, en termes de volume, de poids et de caractère, confère le caractère essentiel à l’ensemble des marchandises en cause.

[69] Bien que les avis de classement et les notes explicatives n’aient pas force exécutoire, comme l’a déclaré la Cour d’appel fédérale, le Tribunal devrait les appliquer, à moins qu’il n’existe un motif valable de ne pas le faire [62] . La Cour d’appel fédérale a fourni des lignes directrices dans les décisions Suzuki et Best Buy au sujet des circonstances dans lesquelles elle a jugé qu’il y avait un « motif valable » de s’écarter des avis de classement et des notes explicatives.

[70] Dans la décision Suzuki, la Cour d’appel fédérale a conclu que, « [d]ans certains cas, la preuve d’expert peut établir [un motif valable de ne pas appliquer les notes explicatives] » [63] . Dans les décisions Best Buy TCCE et Mattel, le Tribunal a conclu que « le même principe s’applique aux avis de classement » [64] .

[71] Dans la décision Best Buy TCCE, le Tribunal a considéré qu’il n’y avait aucun motif valable d’appliquer des « avis de classement [qui n’étaient pas] convaincants pour ce qui est du classement approprié des marchandises en cause » [65] . Dans cet appel, le Tribunal a plus précisément conclu que les marchandises visées par les avis de classement et les marchandises en cause avaient « une forme et une fonction différentes » et que ces distinctions étaient suffisamment importantes pour ne pas appliquer les avis de classement [66] . La Cour d’appel fédérale était d’accord.

[72] À la lumière de ces considérations, le Tribunal conclut que les éléments de preuve au dossier ne fournissent aucun « motif valable » justifiant qu’il s’écarte du classement final du Comité du SH des marchandises en cause dans la sous-position 1902.20. Les marchandises en cause sont identiques à celles visées par le produit no 1 de l’avis de classement de l’OMD, et Charoen n’a fourni aucun motif valable qui justifierait que le Tribunal s’écarte de l’avis de classement de l’OMD.

Les marchandises en cause sont des éléments comestibles distincts emballés ensemble

[73] L’ASFC soutient que ni la position 19.02 ni la position 21.04 ne prévoit l’ensemble des marchandises, puisque les éléments distincts sont à première vue susceptibles d’être classés dans des positions distinctes : les pâtes farcies dans la position 19.02 et la soupe concentrée dans la position 21.04 [67] .

[74] Par conséquent, l’ASFC n’est pas d’accord avec la façon dont le Comité du SH est arrivé à sa conclusion, préférant sa décision initiale en vertu de la règle 3b) à sa décision finale en vertu de la règle 1. Même si le résultat est le même, le Tribunal favorise également un raisonnement fondé sur la règle 3b). Selon le Tribunal, le classement fondé sur la règle 1 n’est pas optimal [68] .

[75] Ayant décidé d’examiner au-delà de la règle 1, le Tribunal fait remarquer que la règle 2a) n’aide pas au classement des marchandises en cause, et il se tourne donc vers la règle 2b) [69] . La règle 2b) « [n’]élargit [pas] les termes d’une position pour inclure les marchandises qui ne répondent pas à la description des termes d’une position » [traduction] [70] . Considérant que les positions 19.02 et 21.04 ne « comprennent pas les pâtes alimentaires ou les soupes qui constituent des combinaisons, et non des mélanges [ou des préparations] d’ingrédients culinaires » [traduction] [71] , le Tribunal poursuit son analyse en examinant la règle 3. Étant donné que les positions 19.02 et 21.04 « renvoient toutes deux à une seule partie des marchandises » [traduction], chaque position est considérée comme étant tout aussi précise aux termes de la règle 3a) et l’analyse doit passer à l’examen de la règle 3b) [72] .

[76] La section VI des notes explicatives de la règle 3b) indique que cette règle ne concerne que les marchandises suivantes : « (i) produits mélangés; (ii) ouvrages composés de matières différentes (iii) ouvrages constitués par l’assemblage d’articles différents; et (iv) marchandises présentées en assortiments conditionnés pour la vente au détail ». Les marchandises en cause sont mises en vente au détail, conformément à la règle 3b), pour les motifs suivants : (1) ils contiennent deux ingrédients culinaires différents, à savoir des pâtes farcies (no 19.02) et une soupe concentrée (no 21.04); (2) les ingrédients sont utilisés ensemble dans la préparation d’un plat prêt à manger; et (3) les marchandises sont importées dans un emballage contenant six plats prêts pour la vente au détail [73] .

[77] Le Tribunal considère que les marchandises comprennent deux éléments qui sont combinés plutôt que mélangés : des pâtes farcies visées dans la position 19.02 et une soupe concentrée visée dans la position 21.04.

[78] Dans la décision Anderson Watts, le Tribunal a conclu que les nouilles instantanées devraient être classées comme « autres pâtes alimentaires » dans la position 19.02, malgré la présence de sachets d’assaisonnement utilisés pour fabriquer un soi-disant « mélange de soupe ». Le Tribunal a déterminé que les marchandises dans leur ensemble n’étaient à première vue susceptibles d’être classées que dans la position 19.02 en se fondant sur l’application des règles 1 et 2b) [74] . En appliquant la règle 2b), le Tribunal a conclu que la portée de la position 19.02 comprenait une marchandise constituée de pâtes alimentaires et d’une autre substance, à savoir des sachets d’assaisonnement. Toutefois, les notes explicatives de la règle 2b) indiquent que la règle 2b) ne peut pas « élarg[ir] […] la portée des positions qu’elle concerne jusqu’à pouvoir y inclure des articles qui ne répondent pas, ainsi que l’exige la Règle 1, aux termes des libellés de ces positions, ce qui est le cas lorsque l’adjonction d’autres matières ou substances a pour effet d’enlever à l’article le caractère d’une marchandise reprise dans ces positions » [75] .

[79] Dans le présent appel, les marchandises en cause sont constituées de deux éléments distincts, qui, à première vue, peuvent être classés dans des positions différentes. Ce n’était pas le cas dans l’affaire Anderson Watts. Le Tribunal doit donc également tenir compte de la règle 3, conformément aux notes explicatives de la règle 2b) [76] .

Les wontons confèrent aux marchandises en cause leur caractère essentiel

[80] La note explicative VIII de la règle 3b) stipule ce qui suit :

Le facteur qui détermine le caractère essentiel varie suivant le genre de marchandises. Il peut, par exemple, ressortir de la nature de la matière constitutive ou des articles qui les composent, de leur volume, leur quantité, leur poids ou leur valeur, de l’importance d’une des matières constitutives en vue de l’utilisation des marchandises.

[81] L’étiquetage et la documentation des produits, ainsi que la preuve d’expert au dossier, montrent que les produits contiennent entre 55 et 60 p. 100 de wontons de crevette et entre 40 p. 100 et 55 p. 100 de soupe concentrée [77] , et 76 p. 100 de wontons aux crevettes et 24 p. 100 de soupe concentrée [78] , respectivement.

[82] Compte tenu des conclusions du Comité du SH et de l’ensemble des éléments de preuve présentés, le Tribunal conclut que l’élément « soupe concentrée » des marchandises en cause est principalement un véhicule facilitant la préparation des wontons avant la consommation [79] .

[83] En appliquant la règle 3b), le Tribunal conclut que les wontons constituent une plus grande proportion des marchandises, comme en témoignent les éléments de preuve selon lesquels les wontons sont le principal élément des marchandises en termes de volume, de quantité, de poids et de valeur. Cela est confirmé par l’étiquetage et la publicité des produits [80] , ainsi que par le rapport d’expert [81] . Le fait que les wontons soient présentés, trempés dans du bouillon, dans un format de repas léger ou d’entrée presque prêt à manger est entièrement secondaire aux fins de la détermination du caractère essentiel.

[84] Le Tribunal conclut, en se fondant sur les règles 1 et 3b), que le caractère essentiel des marchandises en cause est influencé par les pâtes farcies, c’est-à-dire les wontons, et que les marchandises en cause sont donc classées dans la position 19.02.

Classement au niveau de la sous-position et du numéro tarifaire

[85] La seule sous-position appropriée de la position 19.02 qui décrit les marchandises en cause est la sous-position 1902.20.

[86] Étant donné que la sous-position 1902.20 n’est pas sous-divisée, les marchandises sont classées dans le numéro tarifaire 1902.20.00 à titre de « pâtes alimentaires farcies (même cuites ou autrement préparées) ».

DÉCISION

[87] L’appel est rejeté.

 



[11] Le curriculum vitae de Mme Viner figure à la pièce AP-2021-008-14.C aux p. 104–108.

[22] La règle 6 des Règles générales prévoit que « [l]e classement des marchandises dans les sous-positions d’une même position est déterminé légalement d’après les termes de ces sous-positions et des Notes de sous-positions ainsi que, mutatis mutandis, d’après les Règles [1 à 5] […] » et que « les Notes de Sections et de Chapitres sont également applicables sauf dispositions contraires ».

[32] La note explicative b) de la position 19.02 stipule ce qui suit : « Sont exclus de la position […] Les préparations pour soupes, potages ou bouillons ainsi que les soupes, potages et bouillons préparés, contenant des pâtes (no 21.04). »

[64] Voir Mattel Canada Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (19 juin 2019), AP-2018-005 (TCCE) [Mattel] au par. 49; voir aussi Best Buy Canada Ltd. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (4 juillet 2019), AP-2016-027R (TCCE) [Best Buy TCCE] au par. 13.

[76] La note explicative XIII de la règle 2b) stipule ce qui suit : « Il s’ensuit que des matières mélangées ou associées à d’autres matières, et des ouvrages constitués par deux matières ou plus sont susceptibles de relever de deux positions ou plus, et doivent dès lors être classés conformément aux dispositions de la Règle 3. »

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