Appels en matière de douanes et d’accise

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Appel AP-2019-026

8372683 Canada Inc. s/n
Protect Me – Alert Series

c.

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Décision et motifs rendus
le vendredi 5 août 2022

 



EU ÉGARD À un appel entendu le 4 novembre 2021 en vertu de l’article 67 de la Loi sur les douanes;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 20 juin 2019 concernant une demande de révision aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

8372683 CANADA INC. S/N PROTECT ME – ALERT SERIES

Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

Intimé

DÉCISION

L’appel est admis.

Susan D. Beaubien

Susan D. Beaubien
Membre présidant

 

 

Lieu de l’audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l’audience :

le 4 novembre 2021

Membre du Tribunal :

Susan Beaubien, membre présidant

Personnel du Secrétariat du Tribunal :

Heidi Lee, conseillère juridique
Nadja Momcilovic, conseillère juridique
Stephanie Blondeau, agente du greffe

PARTICIPANTS :

Appelante

Conseiller/représentant

8372683 Canada Inc. d.b.a. Protect Me – Alert Series

Ross Corcoran

Intimé

Conseiller/représentant

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Luc Vaillancourt

Veuillez adresser toutes les communications à :

La greffière adjointe
Téléphone : 613-993-3595
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

APERÇU

[1] Le présent appel porte sur le classement, aux fins de la Loi sur les douanes[1] (la Loi), de marchandises décrites comme des « costumes pour animaux de compagnie » [traduction], que le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a classées dans le numéro tarifaire 4201.00.90 comme « Autres », « Autres », « [...] manteaux pour chiens et articles similaires, en toutes matières ». L’appelante, 8372683 Canada Inc. d.b.a. Protect Me – Alert Series (Protect Me)[2], conteste cette conclusion et soutient que les marchandises sont correctement classées dans le numéro tarifaire 9505.90.00 comme « Autres », « Articles pour fêtes, carnaval ou autres divertissements, y compris les articles de magie et articles-surprises ».

CONTEXTE FACTUEL

[2] Protect Me a importé divers manteaux, chandails et t-shirts pour chiens le 17 novembre 2014 et le 27 septembre 2016. Au moment de l’importation, Protect Me a déclaré les marchandises comme « autres manteaux pour chiens et articles similaires », qui relèvent du numéro tarifaire 4201.00.90[3].

[3] Les 4 et 5 mai 2017, Protect Me a demandé le remboursement des droits qui auraient été payés par erreur en raison du classement erroné des marchandises dans la position 42.01. Protect Me a fait valoir que les marchandises auraient dû être classées dans la position tarifaire 9505.10.00 en tant qu’« articles pour fêtes de Noël »[4].

[4] L’ASFC a refusé la demande de remboursement de Protect Me et a confirmé que les marchandises étaient correctement classées dans le numéro tarifaire 4201.00.90[5].

[5] Protect Me a contesté cette conclusion et, le 24 novembre 2017, a demandé une révision à l’ASFC, conformément au paragraphe 60(4) de la Loi[6].

[6] Les marchandises en cause constituaient une gamme de vêtements pour animaux de compagnie faits de matières textiles et décrites sur les factures comme étant « des vestes en pongé, des vestes bouffantes urbaines [avec] capuchon, des chandails à motif jacquard, des chandails à capuchon en molleton, des imperméables à capuchon, des blousons universitaires [avec] impression graphique, des chaussettes pour chiens et du matériel pour harnais »[7] [traduction].

[7] Après avoir examiné les échantillons de produits et les renseignements, l’ASFC a appliqué les règles de classement qu’elle a jugé pertinentes et appropriées[8] et a conclu que les marchandises devaient être classées dans le numéro tarifaire 4201.00.90. Elle a rendu cette décision le 20 juin 2019[9].

[8] Protect Me a interjeté appel de la décision de l’ASFC auprès du Tribunal le 16 septembre 2019[10].

[9] À l’appui de son appel, Protect Me a déposé un mémoire comprenant une copie de la décision de l’ASFC et des observations écrites[11].

[10] Peu après le dépôt du mémoire de Protect Me le 3 décembre 2019, le Tribunal a été informé que les parties étaient engagées dans des discussions en vue de parvenir à un règlement. À la demande de Protect Me, le Tribunal a mis l’appel en suspens. Les parties ont demandé que la période de mise en suspens soit prorogée afin que les discussions visant à arriver à un règlement puissent se poursuivre. Le Tribunal a fait droit à ces demandes.

[11] Les discussions en vue de parvenir à un règlement ont apparemment servi à restreindre les marchandises en cause aux « costumes de fête, de carnaval ou autres divertissements assortis pour humains et animaux de compagnie » [traduction]. Le 31 mai 2021, Protect Me a déposé un mémoire modifié comprenant des observations écrites révisées portant sur le classement tarifaire de ces marchandises. Protect Me a maintenu sa position selon laquelle ces marchandises étaient correctement classées dans la position 95.05[12].

[12] L’ASFC a déposé son mémoire le 20 août 2021[13].

[13] Une audience était prévue le 21 octobre 2021, mais elle a été ajournée avec le consentement des parties, car l’avocat de l’intimé n’était pas disponible en raison d’un conflit d’horaire avec une autre affaire.

[14] L’ASFC a déposé cinq échantillons en tant que pièces. Trois pièces sont des produits vendus par l’appelante sous la marque de commerce SILVER PAW et consistent en un chandail de fête pour chien, un chandail de fête pour humain et un t-shirt pour chien. Les deux autres pièces sont vendues en liaison avec la marque de commerce PROTECT ME-ALERT SERIES et consistent en deux chandails de fête pour chiens, avec des motifs différents[14].

[15] Le Tribunal a tenu une audience par vidéoconférence le 4 novembre 2021. Aucun témoin n’a été appelé. Les deux parties étaient représentées et ont fait des plaidoyers au Tribunal.

[16] Par la suite, à la demande du Tribunal, les parties ont présenté des observations écrites sur la question de savoir si les marchandises pouvaient être classées dans l’une des positions 61.09, 61.14 ou 63.07 ou dans toute autre position des chapitres 61, 62 ou 63 qui pourrait être pertinente[15].

POSITIONS DES PARTIES

Protect Me

[17] Protect Me souligne que la position 42.01 vise pour tous animaux les articles faits de cuir, de cuir reconstitué, de pelleterie naturelle, de textile ou d’autres matières. Bien que cette position comprenne les articles de sellerie ou de bourrellerie[16], elle ne comprend pas, notamment, les accessoires et garnitures de sellerie ou de bourrellerie.

[18] Comme la note 2l) du chapitre 42 précise que les marchandises du chapitre 95 sont exclues, Protect Me soutient que l’analyse du classement doit commencer par l’examen de la question de savoir si les marchandises sont des « articles pour fêtes » suivant la position 95.05. S’appuyant sur la note 1e) du chapitre 95, Protect Me fait valoir que pour être exclues du chapitre 95, les marchandises doivent remplir trois conditions, à savoir être :

i) des travestis;

ii) faits au moins en partie de matières textiles; et

iii) des vêtements ou des accessoires pour vêtements des chapitres 61 ou 62.

[19] Comme les chapitres 61 et 62 ne comprennent pas les vêtements pour animaux, Protect Me fait valoir que les marchandises ne sont pas exclues de la position 95.05 et que les attributs festifs et fantaisistes des marchandises font en sorte qu’elles sont classées à juste titre dans la position 95.05.

[20] Protect Me décrit les marchandises en cause comme des « chandails de Noël moches » [traduction]. Les chandails sont caractérisés par des thèmes liés à l’hiver ou à Noël et sont destinés à être portés en lien avec une occasion, un événement ou un rassemblement de Noël. En tant que tels, les produits ne sont pas utilitaires, mais sont commercialisés et vendus pendant une période limitée en lien avec la période des fêtes de Noël.

[21] Les marchandises qui se rapportent explicitement à un événement ou à une période de festivité en particulier se distinguent des vêtements ordinaires, qui sont utilitaires. Protect Me fait une analogie entre les chandails de Noël « moches » [traduction] et les costumes d’Halloween qui ont fait l’objet d’une décision de classement dans la position 95.05 en tant qu’articles pour « fêtes, carnaval ou autres divertissements »[17].

[22] Protect Me soutient que les chandails de Noël « moches » [traduction] ne sont pas conçus ou destinés à un usage pratique, mais plutôt à un usage festif et transitoire pendant une période limitée. Comme les marchandises sont principalement décoratives, elles ne sont pas destinées à un usage utilitaire. Les marchandises sont commercialisées et vendues comme des articles pour fêtes, et sont vendues à des prix fortement réduits après la période des fêtes.

[23] Tout comme le public distingue les costumes d’Halloween des vêtements ordinaires et de leur fin utilitaire, Protect Me soutient que les chandails de Noël « moches » [traduction] en cause se distinguent de la même façon et devraient donc être classés dans la position 95.05.

[24] Protect Me accorde une grande importance au motif conceptuel festif qui caractérise les marchandises. À son avis, compte tenu de cette caractéristique ornementale, les marchandises doivent être classées dans la position 95.05. Selon Protect Me, le thème des fêtes annule tout aspect utilitaire du produit.

[25] En ce qui a trait aux observations que le Tribunal lui a demandé de fournir concernant l’applicabilité éventuelle des positions 61.09, 61.14, 63.07 ou d’autres positions des chapitres 61, 62 ou 63, Protect Me a informé le Tribunal qu’elle considérait que ces positions n’étaient pas applicables aux marchandises en cause. Elle a fait valoir que les marchandises devraient être classées dans la position 95.05.

ASFC

[26] Le mémoire de l’ASFC comprend des copies des éléments suivants : les factures commerciales et les documents d’importation relatifs aux marchandises en cause[18]; des captures d’écran provenant du site Web de l’appelante[19]; la demande de révision de la décision de classement de l’ASFC qui a été présentée au nom de Protect Me[20] ainsi que la décision de l’ASFC[21]; des extraits de définitions du mot « vêtement » tirées de dictionnaires en ligne[22]; les résultats d’une recherche dans le registraire des entreprises du gouvernement du Québec visant l’appelante[23]; des précédents portant sur des décisions de classement aux États-Unis relativement à des costumes pour fêtes et pour animaux[24]; des extraits de la Loi sur les douanes et du Tarif des douanes[25]; et des observations écrites[26].

[27] Dans son mémoire, l’ASFC indique que seuls cinq « modèles » [traduction] de marchandises décrites comme des « vestes, chandails et t-shirts pour chiens » demeurent en litige. Elle décrit ces marchandises comme étant faites de matières textiles et étant « spécifiquement conçues pour être portées par des [chiens] de différentes tailles, de manière à couvrir leur dos, leur poitrine et leurs pattes avant » [traduction]. Tous les modèles, sauf un, comportent ce que l’ASFC décrit comme un « motif de Noël » [traduction].

[28] L’ASFC souligne que Protect Me « fait également des affaires sous le nom de Silver Paw » [traduction], et vend « des vestes, des chandails et des t-shirts pour chiens en matière textile, avec ou sans motif de Noël ou de fête » [traduction]. Ces marchandises sont annoncées comme étant des vêtements lavables permettant de garder les chiens « au chaud » [traduction]. Par conséquent, l’ASFC considère que la présence d’un motif de Noël sur les marchandises en cause ne change pas leur nature et leur fonction inhérentes.

[29] Étant donné que la note 2l) du Chapitre 42 exclut les « articles du Chapitre 95 » et que la note 1v) du chapitre 95 exclut les « vêtements [...] et articles similaires ayant une fonction utilitaire » sans exclure de manière explicite ou correspondante du chapitre 95 les « manteaux pour chiens et articles similaires », l’ASFC soutient que la position 95.05 est le point de départ de l’analyse.

[30] Compte tenu de la note 1v) du chapitre 95, l’ASFC est d’avis que les marchandises sont exclues du chapitre 95 parce qu’elles sont « des articles similaires à des vêtements ayant une fonction utilitaire » [traduction]. Soulignant que le mot « vêtement » est l’équivalent français du mot « apparel » selon les termes utilisés dans le Tarif des douanes, l’ASFC soutient que la terminologie fait référence aux vêtements utilisés pour couvrir le corps humain et ne s’étend pas spécifiquement aux vêtements pour chiens. À ce titre, les marchandises « s’apparentent » [traduction] à des vêtements, car elles ne se distinguent pas, sur le plan de leur fonction et de leur durabilité, des autres produits vendus par Protect Me comme des « vêtements » pour chiens qui « résistent à 100 lavages ».

[31] L’ASFC fait une distinction entre l’espèce et la décision du Tribunal dans la décision Loblaws Companies Limited c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada[27]. Elle soutient également qu’il faut tenir compte des caractéristiques prédominantes des marchandises afin d’évaluer si les marchandises ont une « fonction utilitaire ». À l’exception du motif des fêtes, les marchandises ne se distinguent pas, quant à leur fonction, des autres vêtements pour chiens vendus par Protect Me à d’autres moments de l’année. Si les marchandises en cause étaient destinées à être portées par des humains, l’ASFC soutient qu’elles ne seraient pas classées dans le chapitre 95, et ce, malgré le motif des fêtes, car les caractéristiques prédominantes sont celles d’une pièce de vêtement. Il n’y a donc aucune raison de conclure autrement pour les vêtements pour chiens.

[32] Selon l’ASFC, étant donné que la caractéristique prédominante des marchandises n’est pas décorative ou ornementale, elles sont exclues du chapitre 95 et relèvent à juste titre du chapitre 42, qui couvre une vaste gamme d’équipements pour animaux, fabriqués en toute matière.

[33] Étant donné que les marchandises sont spécialement conçues pour être portées par un chien afin de couvrir son corps pour lui procurer confort et protection contre les intempéries, l’ASFC considère qu’elles sont expressément décrites par les termes « manteaux pour chiens et articles similaires ». Les t-shirts pour chiens relèvent également de la position 42.01, car ils peuvent être décrits par le libellé général « et autres articles similaires », compte tenu de la règle d’interprétation ejusdem generis, puisqu’ils partagent les mêmes caractéristiques physiques et fonctionnelles générales que les chandails et les manteaux pour chiens.

[34] L’ASFC fait également valoir que Protect Me n’a fourni aucune preuve concernant la nature des marchandises et qu’elle ne s’est donc pas acquittée du fardeau de démontrer que le classement des marchandises par l’ASFC est inexact.

[35] En réponse à l’invitation de la part du Tribunal à présenter des observations supplémentaires concernant les positions 61.09, 61.14 ou 63.07 ou toute autre position potentiellement pertinente à l’intérieur des chapitres 61, 62 ou 63, l’ASFC soutient que les marchandises ne peuvent être classées ni dans la position 61.09 ni dans la position 61.14. À son avis, les notes de chapitre et les notes explicatives limitent les vêtements du chapitre 61 à ceux qui sont portés par des humains (hommes, garçonnets, femmes et fillettes).

[36] L’ASFC reconnaît que les marchandises pourraient être classées dans la position 63.07 si elles satisfaisaient à chacune des trois conditions suivantes : 1) elles constituent des articles « confectionnés »; 2) en tout textile; 3) qui ne sont pas repris dans des positions plus spécifiques du Tarif des douanes.

[37] Les marchandises remplissent les deux premières de ces conditions. Il reste donc à savoir si elles sont reprises dans des positions plus spécifiques du Tarif des douanes. L’ASFC se réfère aux notes explicatives de la position 63.07, qui excluent les marchandises de la position 42.01 ainsi que les jouets, les jeux et les articles de divertissement du chapitre 95. De l’avis de l’ASFC, les marchandises pourraient donc être classées dans la position 63.07, mais seulement si elles ne peuvent pas être classées dans la position 42.01, comme le soutient par ailleurs l’ASFC. La position 63.07 doit être considérée comme une position résiduelle et, si elle était jugée applicable, les marchandises devraient être classées comme « Autres » dans la position tarifaire 6307.90.99.

MARCHANDISES EN CAUSE

[38] La portée initiale des marchandises importées par Protect Me comprenait des centaines de pièces de vêtements pour chiens. Comme il est indiqué précédemment, les parties ont conclu un accord concernant la plupart de ces articles, avant et pendant le déroulement du présent appel. Seuls cinq modèles de produits demeurent en litige. L’ASFC les a décrits comme suit :

Vestes matelassées à col (PCPJ1614) :

- Décrites par le fabricant comme étant en polyester à 100 p. 100;

- Tailles : XS, S, M, L et XL;

- Décrites par le fabricant comme des vestes pour chiens.

Chandails pour fêtes (WP4C293) :

- Déclarés par l’importateur comme étant faits de matière textile (non spécifié);

- Tailles : XS, S, M et L;

- Décrits par le fabricant comme des vêtements pour animaux de compagnie.

Chandails de Noël moches, motif jacquard (PCPW2065) :

- Décrits par le fabricant comme étant en acrylique à 100 p. 100;

- Tailles : XS, S, M, L et XL;

- Décrits par le fabricant comme des chandails pour chiens.

Chandails de Noël avec pingouins (PCPW1626) :

- Décrits par le fabricant comme étant en acrylique à 100 p. 100;

- Tailles : XS, S, M, L et XL;

- Décrits par le fabricant comme des chandails pour chiens.

Tricots de Noël en jersey avec motif de lutin (PCPH1801) :

- Décrits par le fabricant comme étant en polyester à 100 p. 100;

- Tailles : XS, S, M, L et XL;

- Décrits par le fabricant comme des vestes pour chiens[28].

[Traduction]

ANALYSE

[39] Suivant le paragraphe 67(1) de la Loi, toute « personne qui s’estime lésée » par une décision de l’ASFC peut en interjeter appel devant le Tribunal en déposant un avis d’appel dans le délai prescrit. Nul ne conteste que ces exigences ont été respectées et que Protect Me est une « personne qui s’estime lésée »[29].

[40] En appel devant le Tribunal, l’appelante a la charge de prouver que le classement tarifaire déterminé par l’ASFC est inexact[30].

[41] Le Tribunal ne doit pas faire preuve de retenue à l’égard de la décision de l’ASFC. Les appels interjetés devant le Tribunal sont instruits de novo, même si une des parties ou les deux peuvent choisir de reprendre la totalité ou une partie du dossier de première instance, de compléter ce dossier par de nouveaux éléments de preuve ou de créer un nouveau dossier. Le Tribunal doit rendre sa propre décision relativement au classement tarifaire approprié pour les marchandises. Ce faisant, il est loisible au Tribunal d’évaluer le dossier dont il dispose, notamment d’apprécier de nouveau les éléments de preuve qui ont été présentés à l’ASFC et d’examiner tout nouvel élément de preuve présenté en appel[31].

Cadre législatif

[42] Les articles 10 et 11 du Tarif des douanes établissent la démarche analytique que le Tribunal doit suivre pour déterminer le classement des marchandises :

(1) Sous réserve du paragraphe (2), le classement des marchandises importées dans un numéro tarifaire est effectué, sauf indication contraire, en conformité avec les Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé et les Règles canadiennes énoncées à l’annexe.

(2) Des marchandises ne peuvent être classées dans un numéro tarifaire comportant la mention « dans les limites de l’engagement d’accès » que dans le cas où leur importation procède d’une licence délivrée en vertu de l’article 8.3 de la Loi sur les licences d’exportation et d’importation et en respecte les conditions.

Interprétation de la liste des dispositions tarifaires

11 Pour l’interprétation des positions et sous-positions, il est tenu compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises et des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises et de leurs modifications, publiés par le Conseil de coopération douanière (Organisation mondiale des douanes).

[43] Les Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé[32] (les Règles générales) comprennent six règles. Le classement commence par la Règle 1, qui prévoit que le classement doit être déterminé d’après les termes des positions et des notes de section ou de chapitre et, lorsqu’elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et notes, d’après les autres règles.

[44] Les Règles générales doivent être appliquées selon une analyse linéaire et hiérarchique des marchandises, comme l’a décrit la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Igloo Vikski Inc[33].

[45] Par conséquent, le Tribunal doit d’abord déterminer si les marchandises peuvent être classées au niveau de la position conformément à la Règle 1 des Règles générales, selon les termes de la position et les notes de section ou de chapitre pertinentes du Tarif des douanes. Pour ce faire, le Tribunal doit tenir compte des notes explicatives et des avis de classement pertinents. Le Tribunal n’est pas tenu d’appliquer les notes explicatives, mais ne devrait déroger aux directives qui y sont données que lorsqu’il existe une raison valable de le faire. Le Tribunal n’est pas autorisé à rédiger de nouveau ou à laisser de côté ces notes en définissant de nouveau leurs termes[34].

[46] C’est lorsque la Règle 1 ne permet pas d’arrêter de manière concluante le classement d’une marchandise qu’il faudra recourir aux autres Règles générales et en tenir compte[35]. Après que le Tribunal ait utilisé cette méthode pour déterminer la position dans laquelle les marchandises en cause doivent être classées, l’étape suivante consiste à utiliser une méthode similaire pour déterminer la sous-position appropriée[36]. La dernière étape consiste à déterminer le numéro tarifaire approprié[37].

[47] Le Tribunal convient avec les parties que le point de départ de l’analyse est la position 95.05 du chapitre 95 :

Chapitre 95

JOUETS, JEUX, ARTICLES POUR DIVERTISSEMENTS OU POUR SPORTS; LEURS PARTIES ET ACCESSOIRES

95.05 Articles pour fêtes, carnaval ou autres divertissements, y compris les articles de magie et articles-surprises.

[48] Selon la Règle 1, le Tribunal doit d’abord déterminer si les marchandises relèvent de la position 95.05 en tant qu’« articles pour fêtes, carnaval ou autres divertissements ».

[49] Protect Me souligne que le motif décoratif des marchandises fait référence à la période des Fêtes, ce qui signifie que les marchandises sont intrinsèquement liées aux « fêtes ». L’argument de l’ASFC repose sur la prémisse que les marchandises sont fonctionnelles, et non décoratives ou ornementales. Étant donné que les marchandises sont annoncées comme protégeant les chiens contre les intempéries, l’ASFC soutient qu’il s’agit d’articles intrinsèquement fonctionnels et non festifs.

[50] Selon Protect Me, les articles pour chiens peuvent être assortis et vendus avec un chandail ou un autre vêtement qui a le même motif et qui est conçu et fabriqué pour être porté par le propriétaire humain du chien. En effet, l’extrait du site Web de Protect Me présente la « mission » [traduction] de Silver Paw qui consiste à « rapprocher les chiens et les humains grâce à l’utilisation amusante, ludique et technique de leurs produits »[38]. Le Tribunal souligne que ce passage concerne « Silver Paw », alors que les marchandises en cause sont associées à la marque PROTECT ME. Cependant, certains éléments de preuve[39] démontrent que l’appelante revendique la propriété de plusieurs marques de commerce, dont SILVER PAW et PROTECT ME, et/ou fait des affaires en utilisant ces styles comme noms commerciaux. Bien que les produits vendus en liaison avec ces marques de commerce puissent différer à certains égards, les marchandises sont des articles vestimentaires conçus pour être achetés par les propriétaires d’animaux de compagnie comme vêtements de mode pour leurs chiens. Par conséquent, le Tribunal considère que les marchandises possèdent toujours les mêmes caractéristiques essentielles, peu importe la marque de commerce particulière qui a été choisie et employée.

[51] Après avoir examiné les images des marchandises en cause, le Tribunal conclut qu’il s’agit essentiellement d’articles de mode destinés à être achetés par des propriétaires d’animaux de compagnie pour habiller leurs chiens. En ce sens, l’utilisation prévue des marchandises est l’amusement et le bonheur des propriétaires d’animaux de compagnie qui tirent du plaisir à donner à leurs animaux des attributs humains.

[52] Les notes du chapitre 95 prévoient que les « travestis en matières textiles, des Chapitres 61 ou 62 » sont exclus du chapitre 95 et, par conséquent, du champ d’application de la position 95.05.

[53] En conséquence, la question en litige est celle de savoir si les marchandises respectent chacune des trois conditions suivantes pour être exclues du classement dans le chapitre 95, à savoir que les marchandises sont : 1) des travestis; 2) composées au moins en partie de matières textiles; 3) des vêtements ou accessoires du vêtement des chapitres 61 ou 62[40].

[54] Les notes explicatives de la position 95.05 prévoient en outre ce qui suit :

La présente position couvre :

A) Les articles pour fêtes, carnaval ou autres divertissements qui, compte tenu de leur utilisation, sont généralement de fabrication simple et peu robuste. Parmi ceux-ci on peut citer :

[...]

3) Articles de déguisement : masques, faux nez, fausses oreilles, fausses barbes, fausses moustaches, perruques (autres que les postiches du no 67.04) et les chapeaux en papier, par exemple.

Sont exclus de cette position :

[...]

b) Les articles qui comportent un dessin, une décoration, un emblème ou un motif à caractère festif et qui ont une fonction utilitaire tels que les articles de table, les ustensiles de cuisine, les articles de toilette, les tapis et autres revêtements de sol en matières textiles, les vêtements, le linge de lit, de table, de toilette ou de cuisine, par exemple.

[55] Dans l’affaire Loblaws, le Tribunal s’est penché sur la signification du terme « fancy dress » (travesti). S’appuyant sur les définitions des dictionnaires, le Tribunal a conclu que le terme « fancy dress » était synonyme de « costume » (costume)[41]. Toutefois, dans cette affaire, il n’était pas contesté que les marchandises étaient des « costumes » pour l’Halloween. En l’espèce, la nature des marchandises importées par Protect Me peut être décrite de façon moins catégorique, de sorte que le Tribunal estime qu’il y a lieu d’examiner le sens du mot « costume » et sa portée.

[56] Le mot « costume » (costume) est défini ainsi dans le Merriam-Webster Dictionary :

1: « the prevailing fashion in coiffure, jewelry, and apparel of a period, country, or class » (la manière prédominante de se coiffer, de se parer de bijoux et de s’habiller en fonction de l’époque, du pays ou de la classe sociale)

2: « an outfit worn to create the appearance characteristic of a particular period, person, place, or thing, i.e. Halloween costumes » (une tenue portée pour créer l’apparence caractéristique d’une époque, d’une personne, d’un lieu ou d’une chose particulière, par exemple les costumes d’Halloween)

3: « a person’s ensemble of outer garments especiallya woman’s ensemble of dress with coat or jacket » (l’ensemble des vêtements extérieurs d’une personne, en particulier l’ensemble robe et manteau ou veste d’une femme)[42]

[Nos caractères gras]

[57] Compte tenu des photographies des marchandises et des photographies du site Web de Protect Me montrant des chandails pour chiens portés par des mannequins canins[43], le Tribunal est convaincu que les marchandises sont des « costumes ». Il s’agit de tenues utilisées par les propriétaires d’animaux de compagnie pour habiller leurs chiens afin de leur donner une apparence à la mode ou fantaisiste. En effet, le matériel publicitaire de Protect Me indique que les marchandises peuvent être complémentaires ou assorties aux vêtements portés par le propriétaire humain du chien.

[58] Comme il n’est pas contesté que les marchandises sont faites de matière textile, le Tribunal est également convaincu que les marchandises sont des articles de fantaisie qui sont faits de matière textile.

[59] Avant de se pencher sur la question de savoir si les marchandises relèvent des chapitres 61 ou 62, le Tribunal examinera brièvement les arguments des parties quant à la question de savoir si les marchandises sont de fabrication « peu robuste ».

[60] L’ASFC souligne que Protect Me vend des vêtements pour chiens qui ont été traités chimiquement pour permettre au produit d’être lavé des « centaines » [traduction] de fois. Protect Me conteste cette prémisse en invoquant le fait que les marchandises en cause n’ont pas été traitées chimiquement, manifestement pour que l’on puisse conclure que les marchandises sont « peu robustes » et qu’elles relèvent donc de la position 95.05, qui vise les marchandises de fabrication « peu robuste ».

[61] Bien que les notes explicatives indiquent que les marchandises de la position 95.05 sont « généralement » de fabrication « peu robuste », le Tribunal ne considère pas que cette précision soit concluante ou déterminante. L’utilisation du mot « généralement » indique que, bien que la plupart des « articles pour fêtes, carnaval ou autres divertissements » soient de fabrication peu robuste, rien n’empêche les articles de fabrication robuste d’être ainsi classés, pourvu que les conditions de la position 95.05 soient par ailleurs remplies.

[62] Compte tenu des faits de la présente affaire, le Tribunal ne considère pas que la « robustesse » [traduction] soit déterminante. Il n’est pas nécessaire que les marchandises soient jetables ou limitées à un usage unique pour être classées dans le chapitre 95. D’ailleurs, dans l’affaire Loblaws, le Tribunal a conclu ce qui suit relativement à des costumes d’Halloween :

Néanmoins, le Tribunal conclut que même si les questions de durabilité et de port répété sont importantes, elles ne constituent pas des facteurs déterminants du classement des marchandises en cause. Si elles sont bien entretenues, les marchandises en cause peuvent être considérées comme étant durables et pouvant être utilisées à maintes reprises. D’ailleurs, bien que Mme Scott ait déclaré que les marchandises en cause, lorsque comparées à des costumes de location, ne pourraient probablement être portées que quelques fois, soit parce qu’elles se démodent ou s’usent facilement, elle a également déclaré que les marchandises en cause peuvent être portées plus fréquemment, dans d’autres occasions ou pour l’Halloween subséquente[44].

[63] Le Tribunal est d’avis que le raisonnement ci-dessus dans la décision Loblaws s’applique aux marchandises en cause. La présence d’un motif décoratif de Noël n’empêche pas les marchandises d’avoir une robustesse suffisante pour qu’elles puissent être utilisées à de multiples occasions pendant la période des Fêtes, ou même être utilisées pendant une période des Fêtes ultérieure.

[64] L’analyse porte maintenant sur la question de savoir si les marchandises sont exclues de la position 95.05 parce qu’elles sont des vêtements du chapitre 61 ou du chapitre 62 :

Chapitre 61 - Vêtements et accessoires du vêtement, en bonneterie

Chapitre 62 - Vêtements et accessoires du vêtement, autres qu’en bonneterie

[65] L’ASFC fait valoir que selon le sens qu’en donnent les dictionnaires, le mot « apparel » (vêtement) se limite aux articles vestimentaires qui sont portés par des humains. Le Tribunal ne considère pas que les définitions du mot « apparel » dans les dictionnaires sont convaincantes dans les présentes circonstances. Le sens donné au mot « apparel » par le dictionnaire cité est indûment restrictif, compte tenu de la façon dont les marchandises sont décrites, tant dans les documents douaniers que dans les documents de marketing[45].

[66] Au soutien de son argument selon lequel les chapitres 61 et 62 se limitent aux vêtements destinés à être portés par des humains et qu’ils excluent donc les vêtements pour animaux de compagnie, l’ASFC invoque la note 9 du chapitre 61 et la note 8 du chapitre 62. Ces notes sont respectivement rédigées ainsi :

9. Les vêtements du présent Chapitre se fermant sur le devant, gauche sur droite, sont à considérer comme des vêtements pour hommes ou garçonnets et ceux se fermant sur le devant, droite sur gauche, comme des vêtements pour femmes ou fillettes. Ces dispositions ne s’appliquent pas dans le cas où la coupe du vêtement indique clairement qu’il est conçu pour l’un ou l’autre sexe.

Les vêtements qui ne sont pas reconnaissables comme étant des vêtements d’hommes ou de garçonnets ou des vêtements de femmes ou de fillettes doivent être classés avec ces derniers.

8. Les vêtements du présent Chapitre se fermant sur le devant, gauche sur droite, sont à considérer comme des vêtements pour hommes ou garçonnets et ceux se fermant sur le devant, droite sur gauche, comme des vêtements pour femmes ou fillettes. Ces dispositions ne s’appliquent pas dans le cas où la coupe du vêtement indique clairement qu’il est conçu pour l’un ou l’autre sexe.

Les vêtements qui ne sont pas reconnaissables comme étant des vêtements d’hommes ou de garçonnets ou des vêtements de femmes ou de fillettes doivent être classés avec ces derniers.

[67] Ces notes particulières sont les seules du chapitre 61 ou du chapitre 62 qui sont pertinentes dans les circonstances actuelles. Comme ces notes utilisent des qualificatifs (pour hommes ou garçonnets et pour femmes ou fillettes) qui sont couramment utilisés pour désigner le sexe des êtres humains, l’ASFC invite le Tribunal à conclure que la portée globale des chapitres 61 et 62 doit donc être interprétée comme étant limitée aux vêtements pour humains.

[68] En effet, de nombreuses positions spécifiques des chapitres 61 et 62 sont spécialement applicables aux vêtements pour hommes, femmes, garçonnets ou fillettes. À titre d’exemple, mentionnons les positions suivantes :

61.01 Manteaux, cabans, capes, anoraks, blousons et articles similaires en bonneterie, pour hommes ou garçonnets, à l’exclusion des articles du no 61.03.

61.02 Manteaux, cabans, capes, anoraks, blousons et articles similaires, en bonneterie, pour femmes ou fillettes, à l’exclusion des articles du no 61.04.

61.05 Chemises et chemisettes, en bonneterie, pour hommes ou garçonnets.

61.06 Chemisiers, blouses, blouses-chemisiers et chemisettes, en bonneterie, pour femmes ou fillettes.

62.03 Costumes ou complets, ensembles, vestons, pantalons, salopettes à bretelles, culottes et shorts (autres que pour le bain), pour hommes ou garçonnets.

62.04 Costumes tailleurs, ensembles, vestes, robes, jupes, jupes-culottes, pantalons, salopettes à bretelles, culottes et shorts (autres que pour le bain), pour femmes ou fillettes.

62.05 Chemises et chemisettes, pour hommes ou garçonnets.

62.06 Chemisiers, blouses, blouses-chemisiers et chemisettes, pour femmes ou fillettes.

[69] Par leur nature même, au moins certains de ces vêtements sont semblables, à plusieurs égards, aux vêtements pour animaux de compagnie qui sont en cause, sauf que ces marchandises sont conçues pour le corps d’un chien et adaptées à celui-ci.

[70] Les notes de chapitre traitent du porteur du vêtement en faisant référence aux vêtements se « fermant » dans une direction, à savoir présumément « gauche sur droite » pour les vêtements masculins et « droite sur gauche » pour les vêtements féminins. Ces dispositions des notes de chapitre ne s’appliquent pas dans le cas où « la coupe du vêtement indique clairement qu’il est conçu pour l’un ou l’autre sexe ». Si la coupe du vêtement « indique clairement » que ce dernier est destiné à être porté par des hommes ou par des femmes, la conception ou la coupe du vêtement est déterminante aux fins du classement. Si ce n’est pas le cas, la fermeture directionnelle du vêtement est déterminante.

[71] Les notes de chapitre précisent également que « [l]es vêtements qui ne sont pas reconnaissables comme étant des vêtements d’hommes ou de garçonnets ou des vêtements de femmes ou de fillettes doivent être classés avec ces derniers ». Cela présuppose un vêtement qui ne peut être identifié comme étant un vêtement pour hommes ou pour femmes. Dans ces circonstances, la position applicable aux vêtements pour femmes ou fillettes devient la position par défaut aux fins de classement.

[72] Néanmoins, il existe des positions du chapitre 61 qui ne mentionnent aucunement les qualificatifs « pour hommes », « pour femmes », « pour garçonnets » ou « pour fillettes » pour décrire des vêtements qui ne seraient pas nécessairement munis de mécanismes de fermeture, tels que les suivants :

61.09 T-shirts et maillots de corps, en bonneterie.

61.10 Chandails, pull-overs, cardigans, gilets et articles similaires, y compris les sous-pulls, en bonneterie.

[73] L’absence de qualificatifs tels que « pour hommes », « pour femmes », « pour garçonnets » ou « pour fillettes » dans les positions 61.09 et 61.10 doit être interprétée comme une indication que le sexe de la personne destinée à porter les vêtements n’est pas pertinent aux fins du classement dans ces positions. Dans la mesure où la présence d’un qualificatif parmi « pour hommes », « pour femmes », « pour garçonnets » ou « pour fillettes » indique que les marchandises sont limitées aux vêtements humains, l’inverse doit également être vrai.

[74] Cette approche est conforme aux principes généraux d’interprétation des lois, qui exigent une interprétation contextuelle et téléologique de la disposition, en tenant compte du sens ordinaire des mots utilisés et du contexte global[46]. Il existe une présomption selon laquelle le législateur choisit le libellé d’une loi ou d’un autre instrument législatif de manière minutieuse et cohérente. Par conséquent, les mêmes termes doivent être interprétés comme ayant le même sens et des termes différents doivent être interprétés différemment. La décision d’utiliser les qualificatifs « pour hommes », « pour femmes », « pour garçonnets » ou « pour fillettes » dans certaines positions, mais pas dans d’autres, indique donc une intention d’attribuer une portée et un sens sémantique différents au porteur du vêtement aux fins de ces positions[47].

[75] Le Tribunal considère que les positions 61.09 et 61.10 décrivent les marchandises en cause, dans la mesure où elles sont en bonneterie. Ce libellé est conforme à la façon dont les marchandises sont vendues, commercialisées et décrites ainsi qu’à la façon dont elles seraient perçues par le grand public, à savoir comme des vêtements à la mode pour chiens qui sont analogues ou complémentaires aux vêtements portés par le propriétaire du chien.

[76] Comme il n’existe pas de position pertinente ou analogue dans le chapitre 62, l’analyse doit se limiter au chapitre 61.

[77] Une note explicative générale du Chapitre 61 prévoit ce qui suit :

Sous réserve qu’il s’agisse d’articles confectionnés en bonneterie, le présent Chapitre couvre les vêtements et accessoires du vêtement, c’est-à-dire les articles destinés à l’habillement des hommes ou garçonnets, des femmes ou fillettes, ainsi que les accessoires servant à garnir ou à compléter lesdits articles.

[78] Contrairement aux notes de chapitre qui font partie du tarif et qui établissent donc le contexte nécessaire à l’examen des positions pertinentes, les notes explicatives servent de guide d’interprétation aux fins du classement tarifaire. Le Tribunal est tenu d’appliquer les notes explicatives dans le cadre du classement, à moins qu’il existe une raison valable de déroger aux directives qui y sont données[48].

[79] À cette étape de l’analyse, le Tribunal détermine si les marchandises sont catégoriquement exclues du classement dans la position 95.05 parce qu’elles sont des travestis en matières textiles du chapitre 61. Compte tenu des motifs susmentionnés, la question de savoir si les marchandises peuvent être classées dans une position du chapitre 61 présente une certaine ambiguïté.

[80] Le libellé de la note explicative générale soulève la même question abordée en lien avec la note de chapitre, mais ne la résout pas de prime abord, compte tenu des termes employés dans les positions 61.09 et 61.10.

[81] Par conséquent, le Tribunal ne peut conclure que les marchandises sont nécessairement exclues du chapitre 61 au motif que ce chapitre se limite aux vêtements pour humains. La mesure dans laquelle il peut y avoir une raison valable (ou non) de s’écarter des directives de la note explicative générale sera examinée après que le Tribunal aura examiné un autre motif d’exclusion possible de la position 95.05 et l’autre classement proposé par l’ASFC.

[82] La note v) du Chapitre 95 apporte un autre fondement à l’exclusion de la position 95.05, à savoir :

Le présent Chapitre ne comprend pas :

[...]

v) les articles de table, les ustensiles de cuisine, les articles de toilette, les tapis et autres revêtements de sol en matières textiles, les vêtements, le linge de lit, de table, de toilette ou de cuisine et articles similaires ayant une fonction utilitaire (régime de la matière constitutive).

[83] La note explicative pertinente de la position 95.05 indique également que les articles ayant une fonction « utilitaire » sont censés être exclus de la position 95.05.

Sont exclus de cette position les articles qui comportent un dessin, une décoration, un emblème ou un motif à caractère festif et qui ont une fonction utilitaire tels que les articles de table, les ustensiles de cuisine, les articles de toilette, les tapis et autres revêtements de sol en matières textiles, les vêtements, le linge de lit, de table, de toilette ou de cuisine, par exemple.

[84] À une exception près, chaque modèle de vêtement pour animaux de compagnie en cause peut être considéré comme un article qui peut être orné ou agrémenté d’un motif lié à une fête ou à une période de l’année, mais qui a également un but fonctionnel, en particulier dans un contexte domestique.

[85] Protect Me fait valoir que les marchandises ne sont pas utilitaires parce qu’elles ne sont vendues que pendant une période limitée correspondant à la période de vente au détail pendant les fêtes de Noël. Après cette période, les marchandises sont vendues à un prix très réduit. Toutefois, rien ne prouve que cette considération soit propre aux vêtements pour animaux en cause. On peut également s’attendre à ce que les articles de table, les linges et les autres articles qui sont mentionnés à la note 1v) et qui arborent un motif saisonnier ou décoratif aient une durée de placement sur les rayons ou une utilisation souhaitée qui se limite à la période des fêtes. Toutefois, cette caractéristique n’est pas déterminante relativement à la fonction du produit ou à la façon dont il est utilisé, même si cette utilisation est limitée dans le temps.

[86] Le Tribunal reconnaît que les marchandises en cause puissent, dans certains cas, être utilisées à des fins de divertissement ou de fantaisie, comme lorsque les vêtements pour chiens sont portés uniquement à l’intérieur. Toutefois, la nature des marchandises montre également qu’elles peuvent servir, et servent effectivement, à protéger un chien contre les rigueurs du climat, soit le froid et la neige, qui sont les conditions météorologiques caractéristiques de la période de Noël. Cela étant dit, une telle utilisation dépend des conditions météorologiques et du fait que les marchandises sont effectivement portées à l’extérieur, ce qui est un choix qui appartient au consommateur. Il est possible d’inférer qu’un chandail pour chien peut offrir une certaine protection aux chiens vivant dans des régions du Canada où les chutes de neige abondantes et les températures froides sont souvent courantes pendant la période de Noël. La même conclusion est plus difficile à tirer si l’acheteur vit dans une région du Canada où le temps est plus doux ou plus tempéré, même pendant la période des Fêtes. Le Tribunal doit déterminer un seul classement qui s’applique à l’échelle nationale.

[87] Dans l’affaire Rona Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada[49], le Tribunal s’est penché sur le sens de l’expression « fonction utilitaire » dans le cadre de la position 95.05. Le Tribunal a retenu la définition suivante : « conçu pour être utile en pratique plutôt qu’attrayant, fonctionnel »[50]. De plus, le Tribunal a jugé que :

En évaluant si les marchandises ont une fonction utilitaire, le Tribunal devrait examiner si la fonction utilitaire est l’aspect prédominant du produit. Les marchandises utilitaires peuvent quand même présenter d’autres caractéristiques secondaires, comme une valeur ludique, des propriétés esthétiques ou des effets décoratifs[51].

[88] La question de la fonction utilitaire a également été examinée dans l’affaire Avon Canada Inc. c. Le sous-ministre du Revenu national[52], dans laquelle le Tribunal a conclu que les horloges carillonnant des airs de Noël n’étaient pas classées dans la position 95.05. Ce faisant, le Tribunal a affirmé ceci : « Bien qu’elles aient un rôle décoratif ou d’ornementation durant la période des fêtes de Noël, elles ont aussi une fonction très utilitaire. Le Tribunal est d’avis que la caractéristique prédominante des marchandises en cause se rapporte à leur composante de mesure du temps. »

Les articles ayant une fonction utilitaire qui ont une conception ou une décoration qui convient à une fête précise ou les articles qui ne se rattachent pas explicitement à une fête et qui peuvent être utilisés à l’année longue doivent être classés dans leur propre position et non dans la position no 95.05. Les marchandises qui doivent être exclues de ladite position comprendraient « les marchandises dont la fonction utilitaire est prédominante, ou qui sont utilisables à l’année longue, comportant différents motifs (lesquels peuvent être amusants ou inhabituels), comme les ensembles de salles de bains, la vaisselle, les gobelets, la verrerie »[53].

[Caractères gras dans l’original, notes emises]

[89] Tout compte fait, les éléments de preuve sont insuffisants pour que le Tribunal puisse conclure que l’utilisation des marchandises à des fins de divertissement et d’ornementation ou leur utilisation fonctionnelle est de toute évidence prédominante. Par conséquent, les circonstances se distinguent de celles de l’affaire Rona, où les marchandises étaient clairement conçues et destinées à un usage prédominant, à savoir créer des effets lumineux à l’extérieur, et de l’affaire Avon, dans laquelle la fonction de mesure du temps était la caractéristique prédominante des marchandises.

[90] Compte tenu des motifs qui précèdent, l’application de la Règle 1 à elle seule ne permet pas de conclure clairement que les marchandises doivent être classées dans la position 95.05. De même, l’analyse ne permet pas de conclure que les marchandises sont exclues de la position 95.05.

[91] Le Tribunal passe donc à l’examen de l’argument de l’ASFC selon lequel les marchandises devraient être classées dans la position 42.01 à titre de « manteaux pour chiens et articles similaires ».

Chapitre 42

OUVRAGES EN CUIR; ARTICLES DE BOURRELLERIE OU DE SELLERIE; ARTICLES DE VOYAGE, SACS À MAIN ET CONTENANTS SIMILAIRES; OUVRAGES EN BOYAUX

42.01 Articles de sellerie ou de bourrellerie pour tous animaux (y compris les traits, laisses, genouillères, muselières, tapis de selles, fontes, manteaux pour chiens et articles similaires), en toutes matières.

[92] Les notes de chapitre pertinentes du Chapitre 42 prévoient ce qui suit :

Le présent Chapitre ne comprend pas :

[...]

l) les articles du Chapitre 95 (jouets, jeux, engins sportifs, par exemple);

[93] Essentiellement, si les marchandises relèvent de la position 95.05, elles sont exclues de la position 42.01. En revanche, si les marchandises sont exclues de la position 95.05, l’ASFC soutient que la position 42.01 est le classement tarifaire approprié.

[94] Selon l’ASFC, les marchandises doivent être classées dans la position 42.01 à titre de « manteaux pour chiens et articles similaires [...] en toutes matières ». Comme les vêtements, les marchandises servent à couvrir les chiens afin de les garder au chaud et de les protéger des intempéries.

[95] Toutefois, cet argument a pour effet de dissocier les termes « manteaux pour chiens et articles similaires » de leur contexte global relativement à la position 42.01. Les termes « manteaux pour chiens et articles similaires » sont présentés comme un élément, parmi une liste non exhaustive, servant à illustrer les « [a]rticles de sellerie ou de bourrellerie pour tous animaux ». Pour conclure que les marchandises doivent être classées dans la position 42.01, le Tribunal doit être convaincu que les marchandises possèdent les attributs des « [a]rticles de sellerie ou de bourrellerie ». Toute autre approche reviendrait à remplacer le libellé général de la position par un libellé plus étroit de nature démonstrative et non définitive.

[96] Le mot « saddlery » (sellerie) est défini ainsi dans le Merriam-Webster Dictionary : « the trade, articles of trade, or shop of a saddler » (le métier, les objets du métier, ou la boutique d’un sellier)[54]. Le mot « saddler » (sellier), quant à lui, est défini ainsi : « one that makes, repairs, or sells saddles and other furnishings for horses » (qui fabrique, répare ou vend des selles et autres équipements pour chevaux)[55] et le mot « saddle » (selle) est défini ainsi : « (1): a girthed usually padded and leather-covered seat for the rider of an animal (such as a horse); (2): a part of a driving harness comparable to a saddle that is used to keep the breeching in place; b: a seat to be straddled by the rider of a vehicle (such as a bicycle) » (1) siège à ceinture généralement rembourré et recouvert de cuir pour le cavalier d’un animal [par exemple un cheval]; 2) partie d’un harnais d’attelage comparable à une selle qui sert à maintenir le siège en place; b : siège destiné à être enjambé par le conducteur d’un véhicule [par exemple une bicyclette])[56].

[97] Suivant leur apparence et leur conception, les marchandises en cause ne sont manifestement pas des « articles de sellerie » Elles ne sont pas conçues comme un siège, rembourré ou non, qui permettrait de transporter une personne ou une charge sur le dos d’un chien de compagnie, comme on peut le faire avec un cheval.

[98] Le mot « harness » (harnais) est défini ainsi dans le Merriam-Webster Dictionary : « (a) the equipment other than a yoke of a draft animal (b): gear, equipment especially: military equipment for a horse or man » (a) l’équipement autre que le joug d’un animal de trait; b) équipement, matériel notamment : équipement militaire pour un cheval ou un homme)[57]. Un animal de trait est un animal de travail, généralement un animal qui tire une charge. Il s’agit de conditions très différentes de celles d’un chien de compagnie qui est vêtu d’un pull, d’un manteau ou d’un T-shirt.

[99] Les notes explicatives pertinentes de la position 42.01 prévoient ce qui suit :

La présente position comprend les articles d’équipement ou de harnachement pour tous animaux, en cuir naturel ou reconstitué, en pelleteries, en tissus ou en autres matières.

Elle couvre notamment les selles, harnais et colliers (y compris les rênes, brides et traits) pour animaux de selle, de trait ou de bât, les genouillères, œillères et autres articles de protection, les harnachements spéciaux pour animaux de cirque, les muselières pour tous animaux, les colliers, laisses et harnachements pour chiens ou chats, les bissacs, fontes, tapis et coussins de selle, les couvertures de cheval de forme spéciale, les paletots pour chiens, etc.

[100] Les marchandises énumérées comme pouvant relever de la position 42.01 ont pour caractéristique commune d’être nécessaires ou requises pour l’utilisation ou la protection d’un animal de travail. Les marchandises protègent l’animal lorsque ce dernier transporte ou porte une charge, ou servent d’une autre manière à retenir l’animal pour lui permettre de contrôler ou de guider ses mouvements. Cette interprétation est étayée par la description générale de la note explicative qui prescrit que la position « comprend les articles d’équipement ou de harnachement pour tous animaux » [nos italiques].

[101] Les marchandises en cause ne font rien de tout cela et ne peuvent être décrites comme des « articles d’équipement ou de harnachement ». Comme il est indiqué dans l’arrêt Keurig Canada Inc. c. Canada (Agence des services frontaliers), « l’apparence, la conception, l’utilisation optimale, la commercialisation et la distribution d’une marchandise peuvent être utilisés comme facteurs de référence aux fins du classement »[58] [traduction]. En l’espèce, les marchandises sont décrites et commercialisées comme des vêtements ou des articles de mode pour les animaux domestiques. Bien que les marchandises puissent avoir pour attribut fonctionnel de protéger un chien de la neige et du froid caractéristiques du climat hivernal associé à la période des Fêtes, ces avantages sont facultatifs pour un chien de compagnie et dépendent en fait des préférences du propriétaire de l’animal et des conditions hivernales de son lieu de résidence.

[102] En revanche, les articles décrits par la position 42.01 et les notes connexes se rapportent à l’équipement nécessaire pour protéger un animal des blessures lorsqu’il est utilisé pour effectuer des travaux ou pour contrôler l’animal pendant les travaux. À cet égard, les marchandises en cause sont totalement différentes. Aucun élément de preuve ne montre que les vêtements pour chiens en cause sont conçus, utilisés ou commercialisés pour des animaux de travail. Bien que l’utilisation d’une muselière, d’un collier, d’une laisse ou d’un harnachement ne soit pas limitée aux animaux de travail, cette considération n’est pas pertinente en l’espèce. Les marchandises en cause ne peuvent être décrites comme des muselières, des colliers, des laisses ou des harnachements servant à retenir ou à contrôler l’animal, et ne présentent pas pareille caractéristique.

[103] En ce qui concerne les termes « vêtements pour chiens et articles similaires », le Tribunal considère que ce libellé doit être examiné dans son contexte global. Suivant la règle d’interprétation ejusdem generis, les vêtements pour chiens en cause sont assez différents des articles inclus dans la position 42.01. La différence est encore plus frappante lorsque l’on compare des chandails ou des t‑shirts pour chiens (par opposition à une « veste matelassée » [traduction]) avec les marchandises de la position 42.01. Ces articles sont qualifiés d’« articles d’équipement ou de harnachement », des termes qui peuvent difficilement décrire un chandail.

[104] Bien que l’un des articles en cause soit décrit comme une « veste matelassée » [traduction], l’apparence, les caractéristiques, la description du produit et sa commercialisation s’apparentent davantage à celles d’un vêtement ou d’un article de mode qu’à celles d’un article « d’équipement ou de harnachement ».

[105] Il peut y avoir des circonstances où les « manteaux pour chiens », tels que ceux destinés à être utilisés par les chiens de traîneau, les chiens d’assistance ou autres chiens de travail, ou, d’ailleurs, d’autres types de chiens, peuvent être classés à juste titre dans la position 42.01. Ces circonstances ne sont pas présentes à la lumière des faits de l’espèce.

[106] En conséquence, le Tribunal conclut que les marchandises ne peuvent pas être classées dans la position 42.01.

[107] Après avoir invité les parties à traiter des positions de classement possibles dans les chapitres 61, 62 ou 63, le Tribunal se penche maintenant sur l’argument de l’ASFC selon lequel les marchandises peuvent être classées dans la position résiduelle, à savoir 63.07.

[108] Le Tribunal convient avec l’ASFC que trois conditions doivent être remplies pour que les marchandises soient classées dans la position 63.07[59]. Deux de ces conditions sont remplies. Les marchandises sont des articles « confectionnés »[60] et elles sont en tous textiles. La troisième condition, à savoir si les marchandises sont reprises dans des positions plus spécifiques du tarif, dépend de l’analyse par le Tribunal des autres positions de classement possibles.

[109] Par conséquent, à cette étape de l’analyse, le Tribunal se retrouve avec les options suivantes aux fins du classement :

  • i)la position 95.05, car les marchandises ne sont pas exclues du fait qu’elles ne peuvent pas être classées dans le chapitre 61 (ou le chapitre 62);

  • ii)les positions 61.09 ou 61.10, dont le libellé décrit convenablement les marchandises, bien que celles-ci semblent incompatibles avec les directives données dans les notes explicatives générales du chapitre 61; ou

  • iii)la position résiduelle 63.07.

[110] Compte tenu de ce qui précède, le classement ne peut être effectué en appliquant la Règle 1 à elle seule. Le Tribunal se tourne donc vers les autres Règles générales, qui doivent être appliquées de manière hiérarchique, comme l’indique l’arrêt Igloo Vikski.

[111] La Règle 2 prévoit ce qui suit :

a) Toute référence à un article dans une position déterminée couvre cet article même incomplet ou non fini à la condition qu’il présente, en l’état, les caractéristiques essentielles de l’article complet ou fini. Elle couvre également l’article complet ou fini, ou à considérer comme tel en vertu des dispositions qui précèdent, lorsqu’il est présenté à l’état démonté ou non monté.

b) Toute mention d’une matière dans une position déterminée se rapporte à cette matière soit à l’état pur, soit mélangée ou bien associée à d’autres matières. De même, toute mention d’ouvrages en une matière déterminée se rapporte aux ouvrages constitués entièrement ou partiellement de cette matière. Le classement de ces produits mélangés ou articles composites est effectué suivant les principes énoncés dans la Règle 3.

[112] Aucune question ne se pose quant au fait que les marchandises sont incomplètes ou non finies ou quant à un quelconque aspect composite des marchandises. La Règle 2 n’est donc d’aucune utilité.

[113] Le Tribunal se penche maintenant sur les dispositions de la Règle 3, qui est libellée ainsi :

3. Lorsque des marchandises paraissent devoir être classées sous deux ou plusieurs positions par application de la Règle 2 b) ou dans tout autre cas, le classement s’opère comme suit :

a) La position la plus spécifique doit avoir la priorité sur les positions d’une portée plus générale. Toutefois, lorsque deux ou plusieurs positions se rapportent chacune à une partie seulement des matières constituant un produit mélangé ou un article composite ou à une partie seulement des articles dans le cas de marchandises présentées en assortiments conditionnés pour la vente au détail, ces positions sont à considérer, au regard de ce produit ou de cet article, comme également spécifiques même si l’une d’elles en donne par ailleurs une description plus précise ou plus complète.

b) Les produits mélangés, les ouvrages composés de matières différentes ou constitués par l’assemblage d’articles différents et les marchandises présentées en assortiments conditionnés pour la vente au détail, dont le classement ne peut être effectué en application de la Règle 3 a), sont classés d’après la matière ou l’article qui leur confère leur caractère essentiel lorsqu’il est possible d’opérer cette détermination.

c) Dans les cas où les Règles 3 a) et 3 b) ne permettent pas d’effectuer le classement, la marchandise est classée dans la position placée la dernière par ordre de numérotation parmi celles susceptibles d’être valablement prises en considération.

[114] Par application de la Règle 3a), le Tribunal considère que la position résiduelle 63.07 est moins spécifique que les positions 61.09, 61.10 ou 95.05.

[115] Le Tribunal examine maintenant si l’ambiguïté entourant la possibilité de classer les marchandises dans la position 61.09 ou 61.10 peut être dissipée. Comme il a été mentionné précédemment, le Tribunal estime que les positions 61.09 et 61.10 décrivent avec le plus de justesse les marchandises, compte tenu de leur apparence, de leur description, de leurs caractéristiques et de leur commercialisation. Toutefois, un tel classement peut être exclu si le classement dans le chapitre 61 se limite aux vêtements portés par les humains et exclut les vêtements pour animaux.

[116] Cette détermination dépend de la question de savoir si les notes explicatives sont formulées de manière suffisamment large pour permettre le classement des vêtements pour chiens dans le chapitre 61 ou, à titre subsidiaire, si le Tribunal a une raison valable de déroger aux directives qui sont données dans les notes explicatives.

[117] Le Tribunal affirme qu’il doit s’appuyer sur les principes généraux d’interprétation des lois pour interpréter la note explicative pertinente[61].

[118] Lorsque la note explicative générale est lue dans son contexte global, l’absence de libellé non limitatif, comme l’emploi du mot « comprend » [traduction], est significative. La note est libellée ainsi :

Sous réserve qu’il s’agisse d’articles confectionnés en bonneterie, le présent Chapitre couvre les vêtements et accessoires du vêtement, c’est-à-dire les articles destinés à l’habillement des hommes ou garçonnets, des femmes ou fillettes, ainsi que les accessoires servant à garnir ou à compléter lesdits articles.

[119] L’expression « articles destinés à l’habillement » est modifiée et donc limitée dans sa portée par l’utilisation des qualificatifs « des hommes ou garçonnets, des femmes ou fillettes ». Sans la présence de ces qualificatifs, le mot « vêtement » ou l’expression « articles destinés à l’habillement » seraient suffisamment larges, à eux seuls, pour s’étendre aux vêtements destinés aux êtres autres que les humains.

[120] La note explicative n’utilise pas non plus un libellé qui suggérerait une définition non limitative des « articles destinés à l’habillement ». La note n’indique pas que le chapitre 61 « comprend » [traduction] les vêtements pour hommes, garçonnets, femmes ou fillettes. Si tel avait été le cas, l’utilisation de pareil libellé inclusif aurait laissé entendre que d’autres types de vêtements (c’est-à-dire destinés aux êtres autres que les humains) puissent être visés. En utilisant le mot « couvre », par opposition à un libellé non limitatif et moins catégorique tel que « comprend » [traduction], la note explicative indique que le champ d’application du chapitre 61 est limité aux vêtements pour les humains.

[121] En conséquence, le Tribunal devrait déroger à la note explicative pour classer les marchandises dans la position 61.09 ou 61.10.

[122] Dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Suzuki Canada Inc., la Cour d’appel fédérale a indiqué que la preuve d’expert peut établir l’existence d’une raison valable de déroger au libellé des notes explicatives. Aucune preuve de ce genre n’a été déposée par l’une ou l’autre des parties dans cette affaire.

[123] Pour conclure que les marchandises peuvent être classées dans l’une ou l’autre des positions 61.09 ou 61.10, le Tribunal devrait en fait reformuler le libellé de la note explicative générale en remplaçant le mot « couvre » par le mot « comprend » [traduction]. Une telle approche serait contraire aux principes énoncés dans l’arrêt Suzuki :

[17] Comme il en a été fait mention au paragraphe 13 des présents motifs, le Tribunal n’est pas tenu d’appliquer les Notes explicatives lorsqu’il existe une raison valable de déroger aux directives qui y sont données. Dans certains cas, la preuve d’expert peut établir l’existence d’une telle raison. Toutefois, même dans le cas où il pourrait avec raison décider de ne pas appliquer les Notes explicatives, le Tribunal n’est pas autorisé à rédiger de nouveau ou à laisser de côté ces notes en définissant de nouveau leurs termes.

[124] En conséquence, les marchandises ne peuvent être classées ni dans la position 61.09 ni dans la position 61.10.

[125] Même si la note explicative générale pouvait être considérée comme ambiguë relativement à son application aux positions 61.09 ou 61.10, le Tribunal devait tout de même évaluer le classement entre deux possibilités de poids égal, même si celles-ci ne définissaient pas tout à fait adéquatement les marchandises. À ce moment, par application de la Règle 3c), le Tribunal devrait classer les marchandises « dans la position placée la dernière par ordre de numérotation parmi celles susceptibles d’être valablement prises en considération ». En l’espèce, il s’agit de la position 95.05.

[126] Les parties ne contestent pas leurs positions respectives en ce qui concerne les sous-positions ou les numéros tarifaires. La seule question en litige dans le présent appel est la détermination de la position appropriée.

[127] Pour l’ensemble des motifs qui précèdent, le Tribunal conclut que les marchandises doivent être classées dans la position 95.05 et dans le numéro tarifaire 9505.90.00.

DÉCISION

[128] L’appel est admis.

Susan D. Beaubien

Susan D. Beaubien
Membre présidant

 



[1] L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.).

[2] Dans l’avis d’appel, l’appelante est désignée sous le nom de « Protect Me-Alert Series », lequel semble être un nom commercial ou une marque de commerce utilisé par l’appelante dans le cadre de ses activités. Le présent appel porte sur une décision de l’ASFC. Les documents présentés à l’ASFC montrent que les marchandises en cause ont été importées par la personne morale 8372683 Canada Inc. s/n Protect Me – Alert Series et que la contestation du classement tarifaire a été faite par cette dernière. Le Tribunal estime que l’intérêt de la justice serait servi par une correction de l’erreur évidente de dénomination dans l’avis d’appel et son intitulé et a exercé en conséquence son pouvoir discrétionnaire conformément à l’article 5 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur.

[3] Pièce AP-2019-026-24.A aux p. 112–114, 139.

[4] Ibid. aux p. 139–140.

[5] Ibid. aux p. 142–145.

[6] Ibid. aux p. 147–148.

[7] Pièce AP-2019-026-01 à la p. 9.

[8] Règle générale interprétative 1, règle canadienne 1 et note explicative 42.01; pièce AP-2019-026-01 à la p. 9.

[9] Pièce AP-2019-026-01 à la p. 9.

[10] Ibid. à la p. 1.

[11] Pièce AP-2019-026-05.

[12] Pièce AP-2019-026-17.

[13] Pièce AP-2019-026-24.A.

[14] Pièce AP-2019-026-34; pièce AP-2019-026-35.

[15] Pièce AP-2019-026-41; pièce AP-2019-026-45; pièce AP-2019-026-46; pièce AP-2019-026-47.

[16] Sont couverts les rênes, brides et traits pour animaux de selle, de trait ou de bât; les genouillères, œillères et autres articles de protection, les harnachements spéciaux pour animaux de cirque; les muselières pour tous animaux; les colliers, laisses et harnachements pour chiens ou chats; les bissacs, fontes, tapis et coussins de selle; les couvertures de cheval de forme spéciale; et les paletots pour chiens.

[17] Voir Les Compagnies Loblaws limitée c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (3 août 2011), AP‑2010‑022 (TCCE) [Loblaws].

[18] Pièce AP-2019-026-24.A aux p. 112–114, 139.

[19] Ibid. aux p. 116–136.

[20] Ibid. aux p. 147–148.

[21] Ibid. aux p. 150–156.

[22] Ibid. aux p. 82–84.

[23] Ibid. aux p. 105–110.

[24] Ibid. aux p. 86–103.

[25] Ibid. aux p. 31–53.

[26] Ibid. aux p. 4–24.

[27] Loblaws.

[28] Pièce AP-2019-026-24A à la p. 5. Protect Me est en accord avec la description faite par l’ASFC des différents modèles qui demeurent en litige. Voir la pièce AP-2019-026-27.

[29] Danson Décor Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (25 septembre 2019), AP-2018-043 (TCCE) [Danson Décor] aux par. 75–79.

[30] Article 152 de la Loi.

[31] Danson Décor aux par. 82–93.

[32] L.C. 1997, ch. 36, annexe.

[33] Canada (Procureur général) c. Igloo Vikski Inc., 2016 CSC 38 [Igloo Vikski] aux par. 1929.

[34] Canada (Procureur général) c. Suzuki Canada Inc. (2 avril 2004), 2004 CAF 131 [Suzuki] aux par. 13, 17.

[35] Igloo Vikski au par. 21.

[36] Les règles 1 à 5 des Règles générales s’appliquent au classement au niveau de la position. La règle 6 des Règles générales prévoit que « [l]e classement des marchandises dans les sous-positions d’une même position est déterminé légalement d’après les termes de ces sous-positions et des Notes de sous-positions ainsi que, mutatis mutandis, d’après les Règles [1 à 5] [...] » et que « les Notes de Sections et de Chapitres sont également applicables sauf dispositions contraires ».

[37] La règle 1 des Règles canadiennes prévoit que « [l]e classement des marchandises dans les numéros tarifaires d’une sous-position ou d’une position est déterminé légalement d’après les termes de ces numéros tarifaires et des Notes supplémentaires ainsi que, mutatis mutandis, d’après les [Règles générales] [...] » et que « les Notes de Sections, de Chapitres et de sous-positions sont également applicables sauf dispositions contraires ». Les avis de classement et les notes explicatives ne sont pas applicables au classement au niveau du numéro tarifaire.

[38] Pièce AP-2019-026-24A aux p. 117, 119.

[39] Ibid. aux p. 109110.

[40] Loblaws au par. 61.

[41] Loblaws au par. 62.

[42] Merriam-Webster Dictionary, en ligne : <https://www.merriam-webster.com/dictionary/costume>.

[43] Pièce AP-2019-026-24A aux p. 116, 117, 123.

[44] Loblaws au par. 70.

[45] Pièce AP-2019-026-24A aux p. 112–114, 135–136.

[46] Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54 [Trustco] au par. 10; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] aux par. 117–123.

[47] Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36 au par. 81; H.M.B. Holdings Ltd. c. Antigua-et-Barbuda, 2021 CSC 44.

[48] Suzuki aux par. 13, 17.

[49] (18 octobre 2019), AP-2018-053 (TCCE) [Rona].

[50] Rona au par. 113.

[51] Rona au par. 114.

[52] (30 août 2000), AP-99-074 (TCCE) [Avon] à la p. 3.

[53] Avon à la p. 1.

[54] Merriam-Webster Dictionary, en ligne : <https://www.merriam-webster.com/dictionary/saddlery>.

[55] Merriam-Webster Dictionary, en ligne : <https://www.merriam-webster.com/dictionary/saddler>.

[56] Merriam-Webster Dictionary, en ligne : <https://www.merriam-webster.com/dictionary/saddle>.

[57] Merriam-Webster Dictionary, en ligne : <https://www.merriam-webster.com/dictionary/harness>.

[58] Keurig Canada Inc. c. Canada (Agence des services frontaliers) (2 juin 2022), 2022 CAF 100.

[59] La Société Canadian Tire Limitée c. Agence des services frontaliers du Canada (22 mai 2012), AP-2011-024 (TCCE).

[60] Rui Royal International Corp c. Agence des services frontaliers du Canada (30 mars 2011), AP-2010-003 (TCCE).

[61] Trustco au par. 10; Vavilov aux par. 117–123.

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