Appels en matière de douanes et d’accise

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Contenu de la décision

Appels EA-2019-008 et
EA-2019-010

Hyundai Canada Inc.

c.

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Décision et motifs rendus
le jeudi 12 mai 2022

 



EU ÉGARD À des appels entendus les 25 et 26 novembre 2020, en vertu de l’article 61 de la Loi sur les mesures spéciales d’importation;

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 20 septembre 2019, le 5 novembre 2019 et le 2 décembre 2019, concernant des réexamens aux termes de l’article 59 de la Loi sur les mesures spéciales d’importation.

ENTRE

HYUNDAI CANADA INC.

Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

Intimé

DÉCISION

Les appels sont accueillis en partie. Le Tribunal canadien du commerce extérieur renvoie la décision du président dans chaque appel à l’Agence des services frontaliers du Canada pour réexamen.

Serge Fréchette

Serge Fréchette
Membre présidant


 

Lieu de l’audience :

Ottawa (Ontario)

Dates de l’audience :

Les 25 et 26 novembre 2020

Membre du Tribunal :

Serge Fréchette, membre présidant

Personnel du Secrétariat du Tribunal :

Peter Jarosz, conseiller juridique
Kalyn Eadie, conseillère juridique
Isaac Turner, conseiller juridique
Stephanie Blondeau, agente du greffe

PARTICIPANTS :

Appelante

Conseillers/représentants

Hyundai Canada Inc.

Darrel Pearson
George Reid
Ethan Gordon

 

Intimé

Conseillers/représentants

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Jennifer Bond
Marshall Jeske
Peter Nostbakken

Partie intervenante

Conseillers/représentants

ABB Power Grids Canada Inc.

Christopher J. Kent
Christopher J. Cochlin
Marc McLaren-Caux
Andrew M. Lanouette
Gerry Stobo
Andrew Paterson
Susana May Yon Lee
Alexander Hobbs

Veuillez adresser toutes les communications à :

La greffière adjointe
Téléphone : 613-993-3595
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

RÉSUMÉ

[1] Les présents appels ont été interjetés par Hyundai Canada Inc. (Hyundai Canada) à la suite de réexamens de droits antidumping par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC). Ces appels ont été traités en même temps qu’un appel connexe interjeté par Remington Sales Co. s/n Hyundai Heavy Industries (Canada)[1].

[2] Hyundai Canada importe des transformateurs de puissance produits en République de Corée (la Corée) par une partie liée, Hyundai Electric & Energy Systems (Hyundai Electric), afin de les revendre à des acheteurs non liés au Canada. Une évaluation des droits antidumping au titre de la Loi sur les mesures spéciales d’importation (LMSI) a été effectuée à l’égard de ces importations, en fonction d’une comparaison des prix à l’exportation et des valeurs normales. Hyundai Canada conteste les réexamens par l’ASFC des prix à l’exportation des importations en cause.

[3] Hyundai Canada interjette appel au motif que le président de l’ASFC a commis une erreur dans ses réexamens des prix à l’exportation au titre des articles 24 et 25 de la LMSI, précisément au sujet de ce qui suit :

i) la fiabilité des prix à l’exportation établis au titre de l’article 24;

ii) les déductions appliquées en réexaminant des prix à l’exportation au titre des articles 24 et 25.

[4] Pour les motifs exposés ci-dessous, le Tribunal conclut que le président de l’ASFC a commis une erreur dans ses réexamens des prix à l’exportation et renvoie les décisions du président à l’ASFC pour réexamen.

HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

[5] Le 22 octobre 2012, le président de l’ASFC a rendu une décision définitive de dumping aux termes de l’alinéa 41(1)a) de la LMSI concernant les transformateurs à liquide diélectrique (transformateurs de puissance) avec une puissance admissible maximale égale ou supérieure à 60 000 kilovolts-ampères (60 mégavolts-ampères), assemblés ou non, complets ou incomplets, originaires ou exportés de la Corée.

[6] Le 20 novembre 2012, le Tribunal a conclu que le dumping avait causé un dommage à la branche de production nationale[2].

[7] Le 15 novembre 2018, l’ASFC a lancé une révision des valeurs normales et des prix à l’exportation des transformateurs de puissance que Hyundai Electric exportait au Canada de la Corée afin de mettre ces valeurs à jour. La période visée par l’enquête s’étendait du 1er novembre 2016 au 31 octobre 2018[3].

[8] Le 25 juillet 2019, l’ASFC a conclu la révision des valeurs normales et des prix à l’exportation. Dans le cadre de cette révision, l’ASFC a déterminé que Hyundai Canada était liée à Hyundai Electric, conformément à la définition de « liée » donnée au paragraphe 2(3) de la LMSI, et que les deux entreprises étaient ainsi des personnes associées au sens de l’alinéa 25(1)b). L’ASFC a donc effectué un « test de fiabilité » et a conclu que les prix des transformateurs de puissance exportés de Hyundai Electric à Hyundai Canada étaient sujets à caution. Par conséquent, Hyundai Canada a été informée que tous les prix à l’exportation des transformateurs de puissance en cause importés à l’avenir seraient établis conformément à l’alinéa 25(1)d). L’ASFC a précisé que ces paramètres révisés s’appliquaient aux marchandises dédouanées à compter du 25 juillet 2019[4].

[9] Le 7 août 2019, l’ASFC a informé Hyundai Canada qu’elle avait terminé de calculer les droits rétroactifs applicables et que les cotisations rétroactives de droits antidumping s’appliqueraient aux ventes de marchandises sous-évaluées réalisées au cours des deux années précédentes (c.-à-d. à compter du 25 juillet 2017)[5].

[10] Le 20 septembre, le 5 novembre et le 2 décembre 2019, conformément à l’article 59 de la LMSI, le président de l’ASFC a procédé à une cotisation rétroactive des droits antidumping exigibles sur les transformateurs de puissance importés par Hyundai Canada à compter du 25 juillet 2017[6].

[11] Le 17 décembre 2019 (EA-2019-008) et le 7 février 2020 (EA-2019-010), Hyundai Canada a déposé des appels auprès du Tribunal conformément à l’article 61 de la LMSI.

[12] Le 17 février 2020, le Tribunal a accordé la demande des parties, datée du 13 février 2020, de joindre les appels EA-2019-008 et EA-2019-010, conformément à l’article 6.1 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur (les Règles)[7].

[13] Le 23 mars 2020, ABB Power Grids Canada Inc. (ABB) a demandé à participer à titre d’intervenante[8]. Le 26 mars 2020, l’ASFC a informé le Tribunal qu’elle était d’accord que ABB obtienne le statut de partie intervenante à l’instance[9]. Le 30 mars 2020, Hyundai Canada a demandé au Tribunal de ne pas accéder à la demande d’ABB au motif qu’elle n’était pas suffisamment précise pour que le Tribunal puisse déterminer si l’intervention d’ABB satisfaisait aux exigences énoncées à l’article 40.1 des Règles. Elle a aussi demandé au Tribunal, s’il choisissait d’accorder le statut de partie intervenante à ABB, de limiter les droits d’intervention au seul dépôt d’un mémoire écrit[10]. Le 2 avril 2020, le Tribunal a accordé à ABB le statut de partie intervenante à l’instance, étant convaincu qu’elle avait un intérêt direct et substantiel dans les appels. Le Tribunal a cependant donné à ABB la directive de limiter ses observations et ses éléments de preuve à ceux qui étaient pertinents et d’éviter d’élargir la portée des appels au-delà de celle exposée par Hyundai Canada dans ses avis d’appel[11].

[14] Le 2 juin 2020, le Tribunal a informé les parties qu’en raison de la COVID-19, l’audience, qui devait avoir lieu le 22 juillet 2020, était annulée et serait remise à une date ultérieure[12].

[15] Le 3 juin 2020, le Tribunal a demandé aux parties de présenter des observations supplémentaires sur ce que seraient les bons prix à l’exportation pour les importations en cause et la méthode à suivre pour établir ces prix[13]. Les observations ont été reçues le 3 juillet 2020 et les observations en réponse, le 24 août 2020.

[16] Le 31 août 2020, le Tribunal a informé les parties que l’audience aurait lieu par vidéoconférence et leur a demandé de choisir une date qui leur conviendrait[14].

[17] Le Tribunal a tenu une audience publique par vidéoconférence et une audience à huis clos par téléconférence les 25 et 26 novembre 2020.

CADRE LÉGISLATIF ET STRATÉGIQUE

[18] Les droits antidumping sont établis en comparant la valeur normale (le prix de vente sur le marché de l’exportateur ou un prix de vente profitable reconstitué) et le prix à l’exportation des marchandises en cause. Si le prix à l’exportation est inférieur à la valeur normale, les marchandises sont sous-évaluées et la différence entre les deux représente le montant des droits à payer.

[19] Les prix à l’exportation peuvent être déterminés au titre de l’article 24 ou, dans certains cas, de l’article 25 de la LMSI.

[20] S’il est établi d’après l’article 24, le prix à l’exportation est simplement le prix convenu par l’importateur et l’exportateur, rectifié par déduction de montants liés à l’exportation et à l’importation. Voici le libellé de l’article 24 :

24 Le prix à l’exportation de marchandises vendues à un importateur se trouvant au Canada est, malgré toute facture ou affidavit incompatible, égal au moindre des deux montants suivants :

a) le prix auquel l’exportateur a vendu les marchandises et rectifié par déduction des montants suivants :

(i) les frais entraînés par la préparation des marchandises en vue de leur expédition vers le Canada et venant en sus de ceux habituellement entraînés par des ventes de marchandises similaires pour consommation dans le pays d’exportation,

(ii) les droits et taxes imposés en vertu d’une loi fédérale ou provinciale et payés par l’exportateur, en son nom ou à sa demande,

(iii) tous les autres frais découlant de l’exportation des marchandises ou découlant de leur expédition, depuis le lieu désigné à l’alinéa 15e) ou le lieu qui lui a été substitué en vertu de l’alinéa 16(1)a);

b) le prix auquel l’importateur a acheté ou s’est engagé à acheter les marchandises et rectifié par déduction des montants visés aux sous-alinéas a)(i) à (iii).

[Nos italiques]

[21] Cependant, il arrive parfois que le prix à l’exportation soit établi selon l’article 25. Le cas échéant, il est basé sur le prix auquel l’importateur a vendu la marchandise à un acheteur non lié au Canada, et les mêmes déductions que celles prévues à l’article 24 s’appliquent. De plus, les coûts engagés par l’importateur en lien avec la vente des marchandises et un montant pour les bénéfices sont aussi déduits du prix. Voici le libellé de l’article 25 :

25 (1) Si, pour des marchandises vendues à un importateur se trouvant au Canada, selon le cas :

a) il n’y a pas de prix auquel l’exportateur a vendu les marchandises ou de prix auquel l’importateur se trouvant au Canada les a achetées ou s’est engagé à les acheter;

b) le président est d’avis que le prix à l’exportation des marchandises importées, établi selon l’article 24, est sujet à caution parce que, selon le cas :

(i) la vente des marchandises en vue de leur exportation vers le Canada a eu lieu entre personnes associées,

(ii) un arrangement de nature compensatoire, d’une part, a eu lieu entre au moins deux des personnes suivantes : le fabricant, le producteur, le vendeur, l’exportateur, l’importateur se trouvant au Canada, l’acheteur subséquent et toute autre personne, et, d’autre part, a un effet ou porte sur, selon le cas :

(A) le prix des marchandises,

(B) la vente des marchandises,

(C) le profit net réalisé par le fabricant, le producteur, le vendeur ou l’exportateur des marchandises,

(D) le coût net des marchandises pour l’importateur,

le prix à l’exportation des marchandises est, selon le cas :

c) si les marchandises ont été vendues par l’importateur dans le même état que lors de leur importation effective ou future et à une personne à laquelle il n’était pas associé au moment de la vente, leur prix de vente moins un montant égal à la somme des montants suivants :

(i) tous les frais, notamment les droits imposés en vertu de la présente loi ou du Tarif des douanes, et les taxes :

(A) soit engagés lors de l’importation des marchandises ou par la suite et lors de leur vente par l’importateur ou avant cette vente,

(B) soit découlant de leur vente par l’importateur,

(ii) un montant pour les bénéfices réalisés par l’importateur sur la vente,

(iii) les frais que la préparation des marchandises en vue de leur expédition vers le Canada a entraînés, entre autres pour l’exportateur ou l’importateur, et venant en sus de ceux habituellement entraînés par des ventes de marchandises similaires pour consommation dans le pays d’exportation,

(iv) tous les autres frais engagés, entre autres par l’exportateur ou l’importateur, et découlant de l’exportation des marchandises importées ou découlant de leur expédition depuis le lieu désigné à l’alinéa 15e) ou le lieu qui lui a été substitué en vertu de l’alinéa 16(1)a);

d) si les marchandises sont importées pour une étape ultérieure de fabrication, pour montage ou pour conditionnement au Canada ou comme biens entrant dans la fabrication ou la production au Canada d’autres marchandises, leur prix de vente après ces opérations, ou le prix de vente des marchandises dans la fabrication desquelles elles ont été incorporées, à une personne à laquelle le vendeur n’est pas associé au moment de la vente, moins un montant égal à la somme des montants suivants :

(i) un montant pour les bénéfices réalisés sur la vente,

(ii) les frais, notamment les frais administratifs et les frais de vente,

(iii) tous les autres frais entraînés par les opérations en cause ou par la fabrication ou production des marchandises dans la fabrication desquelles elles ont été incorporées,

(iv) les frais engagés, notamment par l’exportateur ou l’importateur, pour la préparation des marchandises en vue de leur expédition vers le Canada et venant en sus de ceux habituellement entraînés par la vente de marchandises similaires pour consommation dans le pays d’exportation,

(v) tous les autres frais, y compris les droits imposés en vertu de la présente loi ou du Tarif des douanes, et les taxes :

(A) soit découlant de l’exportation des marchandises importées ou découlant de leur expédition vers le Canada depuis le lieu désigné à l’alinéa 15e) ou le lieu qui lui a été substitué en vertu de l’alinéa 16(1)a) et engagés, notamment par l’exportateur ou l’importateur,

(B) soit engagés lors de l’importation des marchandises ou par la suite et lors de la vente des marchandises ayant subi ces opérations ou des marchandises dans lesquelles les marchandises importées ont été incorporées ou avant cette vente;

e) dans les cas que ne prévoient pas les alinéas c) et d), le prix établi conformément aux modalités que fixe le ministre.

(2) Aucune déduction ne peut être faite au titre des droits imposés en vertu de la présente loi en vertu du sous-alinéa (1)c)(i), dans le cas d’un prix à l’exportation déterminé en vertu de l’alinéa (1)c), ou en vertu du sous-alinéa (1)d)(v), dans le cas d’un prix à l’exportation déterminé en vertu de l’alinéa (1)d), si, de l’avis du président, la détermination du prix à l’exportation faite en vertu de l’un ou l’autre de ces alinéas, compte non tenu de cette déduction, donne un résultat qui n’est pas inférieur à la valeur normale des marchandises.

[Nos italiques]

[22] En l’instance, le scénario applicable est celui selon lequel le prix à l’exportation peut être déterminé selon l’article 25 (prix à l’exportation établi selon l’article 25) puisque le président de l’ASFC est d’avis que le prix à l’exportation établi au titre de l’article 24 (prix à l’exportation établi selon l’article 24) est « sujet à caution » au motif que la vente des marchandises en vue de leur exportation vers le Canada a eu lieu entre personnes associées.

[23] La LMSI ne définit pas l’expression « sujet à caution ». L’ASFC a adopté une procédure appelée « test de fiabilité », qui est décrite dans le Guide LMSI comme étant l’« "instrument" habituel qui aide le président à savoir si des prix à l’exportation établis selon l’article 24 sont sujets à caution, au sens de la LMSI[15] ». Pour effectuer le test de fiabilité, l’ASFC prélève un échantillon représentatif d’opérations et calcule le prix à l’exportation à l’aide des méthodes décrites aux articles 24 et 25, puis compare les deux résultats. Si le prix à l’exportation selon l’article 25 est égal ou supérieur, en termes de volume ou de valeur, à celui établi selon l’article 24 dans au moins 80 p. 100 des opérations sélectionnées, alors le prix à l’exportation selon l’article 24 sera généralement considéré comme étant fiable. À l’inverse, si le prix à l’exportation selon l’article 25 est inférieur à celui établi selon l’article 24 dans plus de 20 p. 100 des opérations sélectionnées, alors le prix à l’exportation établi selon l’article 24 sera généralement considéré comme sujet à caution, et c’est le prix à l’exportation établi selon l’article 25 qui servira à déterminer les prix à l’exportation pour l’exportateur concerné. Le Guide LMSI donne par ailleurs certaines exceptions, dont il sera question plus loin.

[24] Le recours à ces deux méthodes de calcul a pour objectif d’établir le prix à la sortie d’usine des marchandises. Ainsi, l’article 24 énonce que les frais associés à la vente des marchandises à un importateur au Canada doivent être déduits du prix que l’exportateur facture à cet importateur. En application de l’article 25, tous les autres frais associés à la revente, ainsi que le montant pour les bénéfices, sont aussi déduits. Toutefois, selon les articles 20 à 22 du Règlement sur les mesures spéciales d’importation (Règlement), le montant pour les bénéfices qui doit être déduit du prix de revente de l’importateur, conformément à l’article 25 de la LMSI, ne correspond pas aux bénéfices réalisés par l’importateur lors de la vente, mais plutôt à un montant égal aux bénéfices moyens de l’industrie au Canada. En définitive, le test de fiabilité permet de déterminer si l’importateur a obtenu en fait un montant pour les bénéfices inférieur à la moyenne de l’industrie dans plus de 20 p. 100 des ventes de l’échantillon. L’ASFC décrit une telle situation comme étant un dumping occulte ou secondaire. Selon l’ASFC :

L’article 25 de la Loi cherche surtout à faire en sorte que la protection devant être accordée par une mesure antidumping ne soit pas menacée du fait que son incidence est atténuée en quelque sorte, intentionnellement ou non, par les liens entre les exportateurs et les importateurs. En pareil cas, l’article 25 garantit que le prix de revente au Canada du produit importé augmente de manière à éliminer l’effet dommageable sur les producteurs nationaux[16].

[25] Il convient de noter que l’application de l’article 25 peut entraîner d’autres conséquences que le seul changement du montant des prix à l’exportation. Le prix à l’exportation établi selon l’article 25 peut être supérieur, inférieur ou égal au prix à l’exportation établi selon l’article 24, mais il y a d’autres conséquences importantes. Elles sont décrites comme suit dans le Guide LMSI :

Il importe de noter que, abstraction faite du paragraphe précédent, le paragraphe 25(2) de la LMSI stipule qu’aucune déduction des droits LMSI ne peut être faite lorsque, de l’avis du président, le prix à l’exportation établi selon l’alinéa 25(1)c) ou d) sans une telle déduction est égal ou supérieur à la valeur normale des marchandises. Donc, après le test de fiabilité, s’il est déterminé que les prix à l’exportation doivent être établis selon l’article 25, pareil prix doit être comparé à la valeur normale pour voir s’il y a dumping avant la déduction des droits LMSI. S’il n’y en a pas, la démarche prend alors fin. Toutefois, si un dumping est constaté, les droits antidumping payés ou à payer sont déduits. Le prix à l’exportation inférieur selon l’article 25 qui en résulte est comparé à la valeur normale pour déterminer la marge de dumping et le montant définitif des droits LMSI à payer.

Comme il a été mentionné précédemment, les droits LMSI ne sont jamais déduits lors du test de fiabilité[17].

[Nos italiques]

[26] Par conséquent, la question de savoir lequel de l’article 24 ou 25 sera appliqué pour établir les prix à l’exportation peut avoir des répercussions allant bien au-delà des montants, et le choix de l’article à appliquer doit être fait soigneusement même s’il n’y a aucune différence entre les prix à l’exportation calculés selon l’un ou l’autre article.

POSITIONS DES PARTIES

Hyundai Canada

[27] Hyundai Canada prétend que le président de l’ASFC a commis une erreur dans le réexamen des droits antidumping en concluant que les prix à l’exportation de Hyundai Canada établis selon l’article 24 de la LMSI étaient sujets à caution.

[28] Hyundai Canada soutient que le test dont l’ASFC s’est servi pour déterminer la fiabilité du prix entrave le président dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire et confond le résultat d’une conclusion portant sur la fiabilité et le degré de fiabilité.

[29] Hyundai Canada soutient que le test, tel qu’il a été appliqué, mesure les bénéfices que réalise un importateur sur la revente de marchandises par rapport au montant pour les bénéfices calculé selon le sous-alinéa 25(1)d)(i) de la LMSI plutôt que la fiabilité des prix à l’exportation établis selon l’article 24. Hyundai Canada affirme que ce test est basé sur des facteurs non pertinents ou qui dépassent le mandat du président et que ce dernier a par conséquent formulé un avis qui n’est ni juste ni impartial.

[30] Hyundai Canada fait également valoir que, si le Tribunal devait accepter le test de fiabilité tel que le président l’a appliqué, alors ce dernier a conclu à tort que les prix à l’exportation de Hyundai Canada ont échoué au test. L’entreprise ajoute que l’ASFC aurait dû évaluer la différence entre les prix à l’exportation établis selon les articles 24 et 25 de la LMSI au regard de la valeur totale des opérations de l’échantillon, plutôt qu’au regard du volume, et qu’une évaluation de la valeur aurait produit un résultat « diamétralement opposé » [traduction]. Hyundai Canada soutient qu’en l’espèce, il convenait de s’appuyer sur la valeur pour déterminer la fiabilité, parce que les transformateurs de puissance sont des marchandises faites sur mesure dont les prix de vente varient en fonction de la gamme de caractéristiques sur mesure que l’acheteur peut choisir.

[31] Hyundai Canada affirme également que le président a appliqué des déductions incorrectes lorsqu’il a réexaminé les prix à l’exportation établis selon l’article 25 de la LMSI. À ce propos, Hyundai Canada a présenté plusieurs arguments.

[32] Premièrement, Hyundai Canada soutient qu’il ne fallait pas déduire les revenus de services, parce que l’alinéa 25(1)d) de la LMSI exige la déduction d’un montant pour les bénéfices et les frais engagés par l’importateur (c.-à-d. les frais directs et les frais de vente indirects) pour vendre une marchandise assemblée et non pas la déduction des revenus.

[33] Deuxièmement, Hyundai Canada prétend (mais sans contester en soi le montant pour les bénéfices utilisé par l’ASFC) qu’il y a un « décalage manifeste » [traduction] lorsque les revenus de services sont déduits dans le calcul effectué selon l’alinéa 25(1)d), mais que le montant pour les bénéfices est calculé en fonction des bénéfices de fabrication, qui comprennent les revenus de services.

[34] Troisièmement, Hyundai Canada soutient que l’ASFC a pour politique injuste de déduire le montant le plus élevé entre les frais et les revenus de service (la règle du plus élevé) afin de faire baisser les prix à l’exportation établis selon l’article 25.

[35] Quatrièmement, Hyundai Canada fait valoir que les frais déduits devraient être ceux engagés par l’importateur et non pas les frais de tiers, parce que le calcul effectué selon l’alinéa 25(1)d) vise à donner une estimation de ce que l’importateur aurait payé pour les marchandises.

[36] Cinquièmement, Hyundai Canada prétend qu’au même titre qu’elle déduit le montant le plus élevé entre les frais et les revenus de services, l’ASFC adopte aussi une politique injuste selon laquelle elle déduit le montant le plus élevé entre les frais et les revenus de tiers.

[37] Hyundai Canada prétend que si toutes ces erreurs étaient corrigées, on en viendrait à conclure que ses prix à l’exportation établis selon l’article 24 étaient fiables.

[38] De plus, Hyundai Canada prétend que la déduction des revenus de services était inéquitable sur le plan de la procédure et des faits, et contraire à la justice naturelle, parce que l’ASFC l’avait informée, à l’occasion d’une instance précédente, que le président avait déduit, et déduirait, les frais du prix à l’exportation selon l’alinéa 25(1)d). Ces erreurs de procédure n’ont pas été soulevées à titre de motifs d’appel distincts, mais ont plutôt été présentées comme étant pertinentes dans la mesure où elles sont liées à des erreurs de droit substantielles.

ASFC

[39] Pour sa part, l’ASFC soutient que le président a correctement exercé son pouvoir discrétionnaire pour conclure que les prix à l’exportation établis selon l’article 24 étaient sujets à caution. L’ASFC prétend que la LMSI ne définit pas explicitement ni ne limite ce que signifie « sujet à caution » et que le Parlement a expressément accordé au président un vaste pouvoir discrétionnaire pour déterminer la fiabilité des prix à l’exportation établis selon l’article 24. De plus, l’ASFC affirme que le test de fiabilité donne aux importateurs la possibilité de montrer que leurs prix à l’exportation établis selon l’article 24 sont fiables, malgré le fait que la vente a lieu entre personnes associées, et qu’il garantit que l’avis du président s’appuie sur des faits, en plus d’être transparent et cohérent.

[40] L’ASFC soutient que la fiabilité des prix à l’exportation établis selon l’article 24 ne peut être établie que lorsque les prix à l’exportation établis selon les articles 24 et 25 sont comparés, car le méfait que l’enquête sur la fiabilité vise à exposer (dumping occulte ou secondaire) ne pourra être connu que si l’on examine le prix auquel l’importateur revend les marchandises au Canada. De plus, en réponse à l’argument de Hyundai Canada selon lequel l’échantillon aurait dû être évalué en fonction de la différence de valeur totale, l’ASFC prétend que le test de fiabilité ne fonctionne pas de cette façon. Elle ajoute que le test de fiabilité ne permet pas de dire à quel point les prix à l’exportation établis selon l’article 25 sont inférieurs à ceux établis selon l’article 24, mais plutôt à quelle fréquence les premiers sont plus bas que les deuxièmes.

[41] L’ASFC soutient aussi que le président n’a pas commis d’erreur en excluant les revenus de services non en cause du calcul des prix à l’exportation établis selon l’article 25. Elle prétend que l’argument de Hyundai Canada selon lequel il aurait fallu déduire les frais plutôt que les revenus démontre que l’entreprise a mal compris les calculs du président. En effet, le président n’a pas déduit les revenus ou les frais des services non en cause : il a plutôt éliminé les montants facturés pour ces services du prix de vente calculé, de sorte que le point de départ du calcul selon l’article 25 soit le véritable prix de vente des transformateurs.

[42] L’ASFC ajoute que le président n’a pas commis d’erreur en déduisant les dépenses de tiers lors du calcul des prix à l’exportation selon les articles 24 et 25. En ce qui concerne le calcul selon l’article 24, l’ASFC soutient, d’une part, que la raison d’être des déductions est de soustraire les coûts associés au transport et à l’exportation des marchandises en cause pour parvenir à un prix de vente à la sortie d’usine comparable aux valeurs normales et, d’autre part, que le libellé de la LMSI ne limite pas les déductions aux frais engagés par l’importateur. Au sujet du calcul selon l’article 25, l’ASFC prétend que l’affirmation de Hyundai Canada selon laquelle la référence explicite à « entre autres l’exportateur ou l’importateur » ne devrait pas s’appliquer et que seuls les frais engagés directement par l’importateur devraient être déduits est sans fondement. À ce propos, l’ASFC ajoute qu’étant donné que les trois parties sont associées, le président devait tenir compte des frais engagés par chacune d’elles pour garantir qu’elles ne contournaient pas les mesures antidumping par le truchement d’opérations entre parties apparentées.

[43] Concernant les allégations de Hyundai Canada selon lesquelles la déduction des revenus de services était inéquitable sur le plan de la procédure et des faits, l’ASFC soutient qu’elles ne sont pas fondées et que, de toute façon, il est de jurisprudence constante que le Tribunal n’a pas compétence pour entendre des appels portant sur des questions d’équité procédurale ou de justice naturelle.

ABB

[44] ABB soutient que la disposition de la LMSI pertinente pour ce qui est d’établir les prix à l’exportation en l’espèce est l’alinéa 25(1)c) plutôt que l’alinéa 25(1)d), parce que les marchandises ont été vendues « dans le même état que lors de leur importation effective ou future » (c.-à-d. non montées) plutôt que « pour montage ». ABB reconnaît que le calcul prévu à cette disposition mènerait aux mêmes prix à l’exportation ainsi qu’aux mêmes conclusions sur la fiabilité auxquelles l’ASFC est parvenue et qu’il reflète essentiellement déjà l’approche de cette dernière.

[45] ABB soutient que la LMSI confère au président un grand pouvoir discrétionnaire lorsqu’il s’agit de déterminer la fiabilité et que ni la LMSI ni le Règlement ne précisent de quelle manière il doit s’y prendre pour forger son opinion. ABB soutient qu’il n’y a aucune raison de principe pour accepter le « test de valeur » proposé par Hyundai Canada et qu’il était raisonnable pour l’ASFC d’appliquer le test fondé sur le volume. En ce qui concerne la conclusion de non-fiabilité comme telle, ABB soutient que la seule existence d’une association suffit à conclure que le prix à l’exportation établi selon l’article 24 de la LMSI est sujet à caution.

[46] Au sujet de la déduction des revenus de services, ABB soutient que l’ASFC a eu raison d’examiner les marchandises et les services non en cause pour établir le prix des marchandises plutôt que de s’appuyer sur les frais liés à ces marchandises et à ces services. ABB prétend que l’argument de Hyundai Canada au sujet de la différence entre les revenus et les coûts est un faux-fuyant et que le nœud du litige est plutôt la mauvaise compréhension, par Hyundai Canada, des calculs de l’ASFC. ABB soutient aussi que Hyundai Canada a tort d’affirmer que l’ASFC a déduit en double les profits, puisque ni les frais ni les revenus associés aux sources de revenus non visées n’ont été inclus dans les valeurs normales ou les prix à l’exportation dans l’approche de l’ASFC.

[47] En ce qui concerne l’argument sur la déduction des frais engagés par des tiers, ABB soutient que les arguments de Hyundai Canada, comme ceux qu’elle a fait au sujet de la déduction des revenus de services, sont sans fondement. ABB soutient qu’aux termes de la LMSI, l’ASFC doit déduire les frais engagés par l’exportateur, l’importateur ou autre pour parvenir au prix à la sortie d’usine et que le fait de ne pas effectuer ces déductions empêcherait une comparaison juste des valeurs normales et des prix à l’exportation.

ANALYSE

Compétence et norme de contrôle dans le cadre de l’appel

[48] Dans un appel interjeté en vertu de l’article 61 de la LMSI, le Tribunal instruit une nouvelle instance. Il ne s’agit pas de faire le contrôle d’une décision antérieure sur la foi du dossier de l’ASFC et selon la norme de la décision raisonnable. La décision du Tribunal peut en contrepartie être portée en appel devant la CAF « sur une question de droit » et elle est soumise à la norme de la décision correcte conformément aux principes énoncés dans l’arrêt Vavilov[18].

[49] À la lumière de ce qui précède, ce qui est vraiment pertinent n’est pas de savoir comment l’ASFC en est arrivée aux décisions contestées, mais plutôt si ces décisions étaient correctes. En particulier, comme il en est question plus en détail ci-après, toute politique de l’ASFC appliquée pour déterminer des prix à l’exportation n’est pas décisive. La tâche du Tribunal est d’interpréter correctement la LMSI et de rendre sa décision en conséquence.

Le régime législatif général de la LMSI

[50] Selon la règle moderne d’interprétation des lois, « il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur[19] ». Ainsi, il convient de fournir un certain contexte législatif pour apprécier pleinement la nature des appels et les arguments présentés par les parties.

[51] La LMSI met l’accent sur la comparaison des prix à l’exportation et des valeurs normales pour déterminer si des droits antidumping devraient être imposés à l’importateur. Fait à souligner, l’un des principes de base établit que la comparaison doit se faire équitablement dans le contexte des faits commerciaux applicables.

[52] Ce principe est énoncé de manière succincte dans l’Accord sur la mise en œuvre de l’article VI de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) (Accord antidumping), qui est le traité multilatéral énonçant les principes acceptés internationalement en matière de lois antidumping. La LMSI met en œuvre l’Accord antidumping au Canada au moyen de dispositions dont la formulation lui est propre. Les articles 2.1, 2.3 et 2.4 de l’Accord antidumping sont tout particulièrement pertinents dans le contexte qui nous occupe et se lisent comme suit :

2.1 Aux fins du présent accord, un produit doit être considéré comme faisant l’objet d’un dumping, c’est-à-dire comme étant introduit sur le marché d’un autre pays à un prix inférieur à sa valeur normale, si le prix à l’exportation de ce produit, lorsqu’il est exporté d’un pays vers un autre, est inférieur au prix comparable pratiqué au cours d’opérations commerciales normales pour le produit similaire destiné à la consommation dans le pays exportateur.

2.3 Lorsqu’il n’y a pas de prix à l’exportation, ou lorsqu’il apparaît aux autorités concernées que l’on ne peut se fonder sur le prix à l’exportation du fait de l’existence d’une association ou d’un arrangement de compensation entre l’exportateur et l’importateur ou une tierce partie, le prix à l’exportation pourra être construit sur la base du prix auquel les produits importés sont revendus pour la première fois à un acheteur indépendant, ou, si les produits ne sont pas revendus à un acheteur indépendant ou ne sont pas revendus dans l’état où ils ont été importés, sur toute base raisonnable que les autorités pourront déterminer.

2.4 Il sera procédé à une comparaison équitable entre le prix d’exportation et la valeur normale. Elle sera faite au même niveau commercial, qui sera normalement le stade sortie usine, et pour des ventes effectuées à des dates aussi voisines que possible. […] Dans les cas visés au paragraphe 3, il devrait être tenu compte également des frais, droits et taxes compris, intervenus entre l’importation et la revente, ainsi que des bénéfices. Si, dans ces cas, la comparabilité des prix a été affectée, les autorités établiront la valeur normale à un niveau commercial équivalant au niveau commercial du prix à l’exportation construit, ou tiendront dûment compte des éléments que le présent paragraphe permet de prendre en considération. […]

[Nos italiques]

[53] Les détails de ces principes sont à l’œuvre dans la législation canadienne et se trouvent dans les dispositions de la LMSI aux articles 15 à 19 (concernant les valeurs normales), 24 et 25 (concernant les prix à l’exportation), 30.1 (concernant la marge de dumping), ainsi que dans le Règlement[20].

[54] Il suffit de résumer ces dispositions en disant qu’elles prévoient différentes méthodes de calcul des valeurs normales et des prix à l’exportation pour en arriver à une évaluation des droits antidumping exigibles. La méthode qui convient pour calculer les prix à l’exportation fait l’objet des présents appels.

[55] L’alinéa 25(1)b) de la LMSI prévoit que : « [s]i […] b) le président est d’avis que le prix à l’exportation des marchandises importées, établi selon l’article 24, est sujet à caution parce que […] (i) la vente des marchandises en vue de leur exportation vers le Canada a eu lieu entre personnes associées […] ».

[56] La première portion de cette disposition fait référence au pouvoir qu’a le président d’avoir pour avis qu’un prix à l’exportation établi selon l’article 24 est sujet à caution. La deuxième portion de la disposition établit les conditions juridiques et factuelles dans lesquelles cet avis peut être formé, c’est-à-dire s’il y a eu vente entre personnes associées. Les parties ne contestent pas que les appels font intervenir des ventes entre personnes associées.

[57] Le mot anglais « opinion » (« avis ») se définit en partie comme « a belief or assessment based on grounds short of proof; a view held as probable[21] » (une croyance ou une appréciation fondée sur des motifs qui ne peuvent être prouvés; un avis considéré comme probable). Il n’y a pas de désaccord entre les parties pour ce qui est de la nature du pouvoir que ce choix de mot confère au président. Ce pouvoir est discrétionnaire et, en définitive, il permet au président soit d’accepter le prix à l’exportation établi selon l’article 24, soit de le rejeter s’il croit que ce prix est « sujet à caution ».

[58] À ce stade, il importe de rappeler les positions des parties sur cette question. Hyundai Canada fait valoir que pour déterminer si le prix à l’exportation établi selon l’article 24 était fiable, le président a simplement fait une comparaison des prix à l’exportation établis selon l’article 24 et l’alinéa 25(1)d), sans prendre en considération les autres facteurs pertinents qui auraient mené à une conclusion différente au sujet de la fiabilité du prix à l’exportation établi selon l’article 24.

[59] L’ASFC soutient qu’il est conforme à la politique énoncée dans le Guide LMSI qu’il y ait une comparaison du prix à l’exportation établi selon l’article 24 et du prix à l’exportation établi selon l’article 25, et que le président se serve de cette comparaison pour se faire un avis. L’ASFC soutient que le test fiabilité est valide en l’espèce.

[60] ABB affirme que le président n’avait pas à comparer les prix pour être d’avis que le prix à l’exportation établi selon l’article 24 était sujet à caution. La seule existence de l’association suffit pour se faire un avis (l’ASFC n’adopte pas cette position).

[61] Le Tribunal convient avec Hyundai Canada et l’ASFC que peu importe comment son avis est décrit ou formé, le président doit parvenir à une conclusion sur la question de savoir si le prix à l’exportation est sujet à caution. Le Tribunal conclut que la seule existence d’une association ne signifie pas que le prix à l’exportation pertinent est sujet à caution. Si tel était le cas, l’expression « sujet à caution » serait éliminée, car entièrement superflue, étant donné que le législateur dicterait au président de déterminer le prix à l’exportation établi selon l’article 25 dès lors qu’il y aurait existence d’une vente entre des personnes associées, sans qu’il y ait lieu de se demander si le prix est fiable.

[62] Par conséquent, la première question en litige en l’espèce est le fondement sur lequel le président peut s’appuyer pour se faire un avis sur la fiabilité du prix à l’exportation.

[63] En l’espèce, l’avis du président, comme l’a mentionné l’ASFC dans sa décision et dans ses arguments, repose entièrement sur une comparaison du prix à l’exportation établi selon la méthode énoncée à l’article 24 de la LMSI avec le prix à l’exportation établi par le président au moyen de la méthode prévue à l’alinéa 25(1)d) de la LMSI. Comme il est mentionné précédemment, cette comparaison permet de mesurer si les bénéfices réels tirés de la revente étaient égaux ou supérieurs aux bénéfices moyens réalisés dans l’industrie canadienne dans le cadre de ventes similaires dans au moins 80 p. 100 des opérations.

[64] Le Tribunal reconnaît que la LMSI n’impose pas de démarche ou de méthode particulière pour en arriver à un avis sur la question de savoir si un prix à l’exportation est sujet à caution. Elle précise seulement que l’avis selon lequel le prix est sujet à caution doit avoir été formé « parce que […] (i) la vente des marchandises en vue de leur exportation vers le Canada a eu lieu entre personnes associées ». D’apparence large, ce pouvoir discrétionnaire n’est toutefois pas sans limites.

[65] Une réserve administrative s’impose dans les limites de la loi habilitante. Ainsi, il y a lieu de prendre en considération tous les facteurs pertinents, sans entrave à l’exercice du pouvoir discrétionnaire, c’est-à-dire sans limiter ou abandonner le pouvoir discrétionnaire conféré par le législateur[22].

[66] Le recours à des lignes directrices ou à des politiques administratives comme le Guide LMSI pour orienter l’exercice du pouvoir discrétionnaire est bien établi en droit public administratif, mais l’existence de telles lignes directrices ou politiques ne signifie pas nécessairement que les décisions prises conformément à celles-ci sont correctes. Leur contenu et leur application doivent être conformes à la loi habilitante. Bien que valide en tant que telle (de jure), une ligne directrice ou une politique peut être non valide telle qu’appliquée (de facto). Tel est le critère à appliquer lorsque le président exerce le pouvoir qui lui est conféré à l’article 25.

[67] Cela dit, avant de se demander si le président a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière conforme à ce que prévoit l’article 25 de la LMSI, le Tribunal doit déterminer ce que les différents termes employés dans la disposition signifient et ce qu’ils prévoient globalement.

Signification de « sujet à caution »

[68] Selon le sens donné par les dictionnaires, « reliable » (fiable) signifie « that may be relied upon » (à quoi l’on peut se fier) ou « of sound and consistent character or quality[23] » (possédant un caractère ou une qualité valable de manière constante). Le terme peut également être défini comme « in which reliance or confidence may be put, trustworthy[24] » (ce en quoi on peut se fier ou avoir confiance, digne de foi).

[69] La définition donne un aspect qualitatif à la notion de fiabilité. Il doit y avoir, dans le caractère ou les qualités de l’élément, quelque chose qui joue sur le caractère valable ou constant de ce dernier et détermine sa fiabilité.

[70] Vues dans le contexte de l’article 24 de la LMSI, ces définitions signifient manifestement que, pour déterminer si un prix à l’exportation est sujet à caution, le président doit se faire un avis sur le caractère ou les qualités du prix à l’exportation.

[71] Il semble évident que l’établissement d’un prix à l’exportation selon l’article 25 de la LMSI a pour objectif de tenir compte de situations dans lesquelles le prix réel pratiqué entre l’exportateur et l’importateur ne reflète pas les considérations normales d’ordre commercial, notamment dans le cas où la vente a lieu entre parties associées, et qu’il pourrait ainsi être sujet à caution. Les dispositions susmentionnées de l’Accord antidumping et de l’article 25 de la LMSI étayent cette interprétation, tout comme les décisions de l’OMC citées par les parties[25].

[72] La notion de prix fiable en droit antidumping doit être associée au fait de recourir à un prix approprié pour parvenir à une évaluation des droits antidumping exigibles et, inversement, d’éviter d’avoir recours à des prix non appropriés. Pour éviter d’éventuels abus, les dispositions de la LMSI prévoient que le prix soit construit de manière à obtenir un montant n’étant vraisemblablement pas de nature à entraîner de tels abus.

[73] Or, il convient de souligner que les opérations entre parties associées ou reliées n’entraînent pas nécessairement des prix inappropriés ou sujets à caution au sens de la LMSI. En d’autres termes, l’association n’est pas l’abus en soi. Une telle conclusion serait tout à fait déconnectée du contexte commercial ainsi que de l’objet et du but du régime législatif. En l’espèce, l’on peut souligner que l’article 25 de la LMSI pose des objectifs similaires pour ce qui est des opérations entre parties non liées. Par exemple, le sous-alinéa 25(1)b)(ii) traite des arrangements de nature compensatoire qui peuvent intervenir lors d’opérations effectuées ou de prix pratiqués entre parties sans lien de dépendance.

[74] L’association entre parties est seulement une condition devant être remplie pour que soit entreprise une analyse des prix dans l’opération pertinente, contrairement à ce que prétend ABB en l’espèce. Une opération entre parties « associées » ne signifie pas en soi que le prix est « sujet à caution » au sens de la LMSI. Comme il en a été question précédemment, les dispositions législatives elles-mêmes l’établissent clairement en exigeant que les deux termes soient observés pour que le président applique l’article 25. Autrement, le terme « sujet à caution » serait superflu dans la disposition.

[75] Pour trancher la question de savoir si un prix est juste pour les besoins de la LMSI, il y a lieu de prendre en considération tous les facteurs pertinents dans l’opération. Par conséquent, pour déterminer si un prix à l’exportation établi selon l’article 24 est sujet à caution au sens de l’alinéa 25(1)b), il y a lieu d’examiner tous les facteurs qui entrent en jeu dans l’opération d’exportation en question.

[76] Comme il est mentionné précédemment, le Guide LMSI énonce que le président se fonde « habituellement » [traduction] sur les résultats de la comparaison des prix à l’exportation établis selon l’article 24 et l’article 25 pour déterminer si le prix à l’exportation établi en fonction de l’article 24 est sujet à caution, ce qui, selon ce qui est indiqué dans le guide, permet de mettre en lumière les cas de dumping « occulte » [traduction] ou de « dumping secondaire » [traduction]. Selon la définition donnée par l’ASFC, il y a dumping occulte lorsque l’importateur et l’exportateur absorbent les effets du dumping entre eux (présumément parce qu’ils sont liés et en sont venus à un arrangement), mais que l’importateur vend ensuite les marchandises à un prix non rentable sur le marché canadien.

[77] La politique et les arguments de l’ASFC donnent à penser que la seule raison pour laquelle il y a lieu de construire un prix à l’exportation en vertu de l’article 25 est de tenir compte des cas de dumping occulte. Or, une telle interprétation n’est pas étayée par le libellé clair que l’on trouve dans la loi. À titre d’exemple évident, l’article 25 de la LMSI sert également à tenir compte des cas où les parties ont conclu des arrangements compensatoires. Le Tribunal souligne que l’ASFC n’a pas présenté de contexte législatif ou tout autre document étayant sa prétention selon laquelle l’abus que l’article 25 vise à corriger est celui du dumping occulte.

[78] Par ailleurs, en adoptant un test de fiabilité consistant à comparer les prix à l’exportation établis selon l’article 24 et selon l’article 25, l’ASFC a essentiellement adopté une interprétation du terme « fiable » qui se limite à « ne pas pratiquer de dumping occulte » [traduction] ou, plus précisément, à la situation « où l’importateur réalise des bénéfices qui sont égaux ou supérieurs aux bénéfices moyens réalisés par l’industrie dans la majorité de ses opérations ». Une telle interprétation n’est pas conforme à celle qui a été faite de ce terme précédemment, à savoir que celui-ci doit concerner le caractère et les qualités du prix à l’exportation dans le cadre de l’opération entre l’exportateur et l’importateur. Bien que le fait d’augmenter artificiellement le prix de vente entre l’importateur et l’exportateur pour camoufler tout dumping serait assurément un exemple de cas où le prix pratiqué entre l’exportateur et l’importateur ne reflète pas les considérations commerciales, il ne s’agit pas de la seule possibilité et, encore une fois, le test de fiabilité ne permet pas de le mesurer directement, mais mesure plutôt la rentabilité de la revente des marchandises par l’importateur, en comparaison des bénéfices moyens réalisés dans l’industrie.

[79] Dans la mesure où la politique de l’ASFC traduit une interprétation du terme « fiable », le Tribunal est d’avis que l’ASFC a donné à ce terme un sens trop restreint et non pas son sens ordinaire, dont il a été question dans les paragraphes précédents. Bien que le président bénéficie d’un large pouvoir discrétionnaire pour en venir à dire que les prix ne sont pas fiables, il ne peut adopter une interprétation qui n’est pas étayée par le libellé législatif.

[80] Par ailleurs, s’agissant de la fiabilité des prix, le fait de tirer une conclusion qui repose exclusivement sur une formule mathématique permettant de comparer les prix à l’exportation établis selon l’article 24 et selon l’article 25 dans le but de déterminer les bénéfices qui seraient appropriés au moment de la revente des marchandises par l’importateur ne constitue pas une analyse en bonne et due forme des facteurs pertinents qui jouent sur la fiabilité du prix à l’exportation établi selon l’article 24.

[81] Une méthode qui repose seulement sur un tel test ne tient pas compte des autres aspects qui, selon toute logique, devraient vraisemblablement être pertinents au regard de l’établissement d’un prix à l’exportation fiable. En l’espèce, la méthode retenue ne fait que produire des prix de référence reposant sur des critères établis de façon arbitraire. Cela dit, comme il en a été question précédemment, le test utilisé en l’espèce pour déterminer si un prix à l’exportation est sujet à caution pose problème, parce qu’il ne permet pas en soi d’apprécier le caractère et la qualité du prix à l’exportation établi selon l’article 24. Le test permet seulement de comparer deux ensembles de prix, à savoir le prix à l’exportation établi selon l’article 24 et le prix à l’exportation établi selon l’article 25, ce qui ne suffit pas en soi pour se faire un avis sur la « fiabilité » du prix à l’exportation établi selon l’article 24.

[82] Le Tribunal fait remarquer que la politique de l’ASFC indique également que d’autres facteurs peuvent être pertinents et devraient être pris en considération :

Dans le cas de ventes entre exportateurs et importateurs associés, il y a normalement un test de fiabilité, et, suivant les résultats, l’article 24 ou 25 de la LMSI sert à déterminer le prix à l’exportation. Toutefois, il est à noter que selon les circonstances propres au cas, d’autres facteurs peuvent être pris en considération par le président dans son étude sur la fiabilité du prix à l’exportation établi selon l’article 24 de la LMSI. Cela étant dit, lorsque les résultats du test de fiabilité révèlent que le prix à l’exportation établi selon l’article 25 de la LMSI est inférieur au résultat obtenu en application de l’article 24, le président conclut (se dit d’avis) habituellement que le prix à l’exportation selon l’article 24 est sujet à caution[26]. […]

[Nos italiques]

[83] Cela dit, aucun élément de preuve ne donne à penser que de tels autres facteurs ont été pris en considération par le président en l’espèce.

[84] Ayant conclu ce qui précède, le Tribunal doit maintenant énoncer les critères qu’il convient de prendre en considération pour en venir à un avis selon lequel les prix sont « sujets à caution ».

Critères valables au regard de l’avis sur la fiabilité des prix

[85] Pour être valable, un test de fiabilité doit permettre d’examiner le prix à l’exportation établi selon l’article 24 au regard de son caractère ou de sa qualité. Il doit permettre d’évaluer la fiabilité à la lumière de tous les facteurs pertinents, comme les conditions économiques et commerciales pertinentes et spécifiques qui avaient cours au moment de l’opération, la cohérence et l’exactitude des livres et registres financiers faisant normalement état de la situation financière des parties à l’opération, la nature particulière des marchandises échangées et le contexte commercial dans lequel l’opération s’est déroulée. Le test de fiabilité doit viser les abus spécifiques à prévenir, comme la manipulation des prix.

[86] Or, le test utilisé en l’espèce pour déterminer la fiabilité d’un prix à l’exportation ne permettait pas d’apprécier le caractère et la qualité du prix à l’exportation établi selon l’article 24. De fait, il ne comparait que deux ensembles de prix, à savoir le prix à l’exportation établi selon l’article 24 et le prix à l’exportation établi selon l’article 25, ce qui ne suffit pas en soi pour se faire un avis sur la « fiabilité » des prix à l’exportation établis selon l’article 24.

[87] Comme le Tribunal conclut que tel est le cas dans le cadre des présents appels, les lignes directrices et la politique énoncées dans le Guide LMSI ayant été interprétées par l’ASFC d’une façon qui restreint le test de fiabilité à une simple comparaison du prix à l’exportation établi selon l’article 24 et du prix à l’exportation établi selon l’article 25, le Tribunal est d’avis qu’il s’agit d’une interprétation erronée du texte de loi.

[88] En adoptant cette interprétation, l’ASFC a limité la portée des éléments que le président doit prendre en considération pour se faire un avis sur la fiabilité du prix à l’exportation établi selon l’article 24, conformément à l’alinéa 25(1)b). Il ne s’agit pas d’une interprétation correcte, et celle-ci a mené à un résultat qui pourrait ne pas être bien fondé au regard des faits.

[89] Toutefois, le Tribunal ne sait pas ce que l’ASFC a pris en considération pour rendre sa décision. Dans ces circonstances, il doit donc renvoyer l’affaire à l’ASFC pour qu’elle réexamine la question à la lumière des motifs du Tribunal.

[90] Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal souhaite formuler l’orientation qui suit pour le calcul des prix à l’exportation selon l’article 25, en cas de besoin.

Déductions appliquées au réexamen des prix à l’exportation au titre des articles 24 et 25 de la LMSI

Déduction des revenus de services (par rapport aux frais)

[91] Hyundai Canada fait valoir ce qui suit :

i) il ne fallait pas déduire les revenus de services, parce que l’application de l’alinéa 25(1)d) exige la déduction d’un montant pour les bénéfices et les frais engagés par l’importateur (c.-à-d. les frais directs et les frais de vente indirects) pour vendre une marchandise assemblée et non pas la déduction des revenus;

ii) il y a un « décalage manifeste » [traduction] lorsque les revenus de services sont déduits dans le calcul effectué selon l’alinéa 25(1)d), mais que le montant pour les bénéfices est calculé en fonction des bénéfices de fabrication, qui comprennent les revenus de services;

iii) l’ASFC a pour politique injuste de déduire le montant le plus élevé entre les frais et les revenus de services (la règle du plus élevé) afin de faire baisser les prix à l’exportation établis selon l’article 25.

[92] Dans son argumentation supplémentaire, Hyundai Canada affirme que l’ASFC n’a pas le droit de retirer les services du prix des marchandises en question.

a. Déduction des revenus de services

[93] L’objet fondamental de la LMSI est de prendre des mesures à l’égard du dumping de marchandises. L’intention de la loi ne concerne pas le dumping de services. Ce fait est manifeste à la lecture de la LMSI en général, et de l’article 25 en particulier.

[94] Le retrait des services du calcul du prix à l’exportation des marchandises n’a pas à être prévu expressément par la LMSI, contrairement à ce que laisse entendre Hyundai Canada. Il est implicite, car toutes les dispositions pertinentes de la loi concernent les « marchandises[27] » plutôt que les « marchandises et services ». L’article 25 vise la détermination de la valeur réelle des marchandises importées. Il concerne les éléments (bénéfices et coûts) qui composent la valeur des marchandises en tant qu’objet du commerce.

[95] Cet aspect des présents appels fait intervenir la valeur des services achetés séparément aux transformateurs[28] et la question de savoir si, en application de l’alinéa 25(1)d) de la LMSI, cette valeur devrait faire partie du « prix de vente des marchandises » vendues par l’importateur. L’expression « prix de vente des marchandises » employée dans le libellé nomme clairement les deux éléments constitutifs de l’opération en question, à savoir le « prix » et les « marchandises » ayant fait l’objet du commerce. Le mot « prix » s’entend généralement de « la somme d’argent ou la quantité de marchandises en échange de laquelle une chose est achetée ou vendue[29] » [traduction]. Il est aussi généralement entendu que le prix d’un article reflète sa valeur et qu’il correspond au coût de production et de vente plus une marge de profit[30]. En ce sens, quand la loi parle du « prix de vente des marchandises », il est entendu qu’il est question de la valeur des marchandises qui ont été vendues, et il n’existe aucun doute que le prix envisagé est celui de « marchandises », et non tout autre objet du commerce comme les services ou la propriété intellectuelle.

[96] Par conséquent, la valeur des services qui sont des objets du commerce distinct et qui ne contribuent pas à la valeur des marchandises en cause ne devrait pas être incluse dans « le prix de vente des marchandises ». Il serait erroné de la part de l’ASFC d’inclure le prix des services dans ses calculs, dans la mesure où il n’est pas établi que ces services faisaient partie de la même opération que les transformateurs et que leur valeur contribue à celle des marchandises en cause elles‑mêmes. Les prix de ces services ont été établis séparément de ceux des marchandises, et la preuve montre qu’il n’y a pas de lien entre la valeur des transformateurs importés et celle des services ayant été exclus par l’ASFC au début de son calcul. Selon toute vraisemblance, ces services étaient distincts et ne faisaient pas partie des aspects pris en considération lorsque le prix des transformateurs a été établi[31].

[97] Pour ces motifs, le Tribunal conclut que ces déductions ne sont pas des déductions applicables au prix à l’exportation établi selon l’article 25. Plutôt, cette somme correspond à la valeur des services, laquelle a été écartée dès le départ du calcul du prix selon l’article 25, comme il se devait, car elle n’est pas liée à la valeur ou au prix des marchandises en cause.

b. Déduction des bénéfices

[98] Hyundai Canada semble également remettre en question la déduction d’un montant pour les bénéfices du prix de revente établi selon l’article 25, tout en affirmant ce qui suit :

Aucune des parties aux présents appels ne conteste la décision du président de se servir du montant pour les bénéfices de 2017 dans son calcul du prix à l’exportation au titre de l’alinéa 25(1)d) lors de la révision de 2019 et des droits antidumping exigibles faisant l’objet des appels. Cela dit, les faits relatifs au calcul du montant pour les bénéfices, en particulier la question de savoir si la déduction pour les bénéfices inclut les bénéfices réalisés sur les services fournis relativement à la revente des transformateurs, sont pertinents pour déterminer si le président a erronément déduit des bénéfices des prix à l’exportation de l’appelante établis selon l’alinéa 25(1)d)[32].

[Traduction, nos italiques]

[99] Étant donné que le montant pour les bénéfices n’est pas remis en question, la déduction de celui-ci ne peut être en cause, peu importe si des montants pour les services sont inclus dans le calcul des bénéfices. Quoi qu’il en soit, le Tribunal accueille les observations de l’ASFC et d’ABB sur le fond de cette question[33]. Le montant pour les bénéfices est calculé en appliquant un ratio au coût de production des marchandises en cause, ce qui ne comprend pas les marchandises non en cause ni les services.

c. Déduction de frais ou de revenus, selon le montant le plus élevé

[100] Hyundai Canada fait valoir que l’ASFC a pour politique injuste de retenir le montant le plus élevé entre les frais et les revenus de services pour faire baisser le prix à l’exportation établi selon l’article 25.

[101] Le Tribunal rappelle que l’article 25 permet de déduire les frais, et non les revenus, du prix de revente. Cette règle s’applique peu importe si les frais ont été remboursés à un moment où à un autre. Bien que le remboursement puisse effectivement faire partie du prix de revente, c’est-à-dire être ajouté au montant de départ du calcul, il ne peut jamais être déduit.

[102] En outre, le Tribunal rappelle que l’ASFC a dit avoir retiré tous les montants liés aux services du calcul effectué selon l’article 25. Si des « frais » mentionnés ci-dessus n’étaient pas réellement des déductions liées aux marchandises, mais ont été retirés parce qu’ils concernaient des services, la question a déjà été examinée par le Tribunal en l’espèce. Par ailleurs, bien que le Tribunal ne soit pas convaincu que la preuve démontre que l’ASFC ait emprunté cette voie, il s’attend de l’ASFC qu’elle emprunte la voie tracée par le Tribunal pour calculer le prix à l’exportation selon l’article 25.

Déduction des frais de tiers

[103] Hyundai Canada fait valoir que les frais déduits devraient être ceux engagés par l’importateur, sans inclure ceux de tiers, étant donné que le calcul effectué en vertu de l’alinéa 25(1)d) vise à faire une estimation de ce que l’importateur aurait payé pour les marchandises. Hyundai Canada soutient également que la « règle du plus élevé » dont il a été question précédemment a été appliquée aux frais de tiers et non aux revenus connexes.

[104] Il ne s’agit pas d’une interprétation juste de la partie pertinente de l’article 25. Il est bien établi que le mot « ou » sert à faire le lien entre différentes possibilités en langage ordinaire, mais qu’on peut lui conférer une valeur conjonctive ou disjonctive en interprétation législative. En l’espèce, l’interprétation disjonctive serait contraire à l’esprit de la Loi, qui vise une comparaison juste des valeurs normales et des prix à l’exportation à un niveau commercial donné, entre autres critères. C’est ce qu’a fait à juste titre l’ASFC en déduisant tous les frais pour remonter au prix à la sortie d’usine.

Application de l’alinéa 25(1)c) plutôt que l’alinéa 25(1)d)

[105] ABB fait valoir que l’alinéa 25(1)c) devrait être appliqué, plutôt que l’alinéa 25(1)d), étant donné que les marchandises ont été vendues « dans le même état que lors de leur importation effective ou future » (c.-à-d. non assemblées) et non « pour montage ». Toutefois, toutes les parties s’entendent pour dire que cela ne change en rien le résultat du calcul.

[106] Par souci d’économie des ressources judiciaires, étant donné que l’issue de cette question n’a aucune incidence dans le contexte de la présente affaire, le Tribunal ne se demandera pas si l’alinéa 25(1)c), plutôt que l’alinéa 25(1)d), devrait être appliqué.

DÉCISION

[107] Chacun des appels est accueilli en partie. Le Tribunal renvoie la décision du président dans chaque appel à l’ASFC pour un réexamen fondé sur les motifs énoncés précédemment.

Serge Fréchette

Serge Fréchette
Membre présidant

 



[1] Voir EA-2019-009.

[2] Voir Transformateurs à liquide diélectrique (20 novembre 2012), NQ-2012-001 (TCCE). Le 21 novembre 2012, une demande de contrôle judiciaire de la décision définitive de dumping de l’ASFC a été présentée à la Cour d’appel fédérale (CAF) par Hyundai Heavy Industries. Le 6 décembre 2013, la CAF a annulé la décision définitive de l’ASFC et a renvoyé l’affaire au président de l’ASFC pour un réexamen selon les motifs de la CAF. Le 6 mars 2014, le président a rendu une nouvelle décision définitive aux termes de l’alinéa 41.1(1)a) de la LMSI. Le 31 mai 2016, le Tribunal a décidé, dans le contexte de la tenue d’un réexamen intermédiaire visant à déterminer si ses conclusions antérieures étaient touchées par la nouvelle décision définitive de dumping, de maintenir sans modification ses conclusions selon lesquelles le dumping avait causé un dommage à la branche de production nationale.

[3] Pièce EA-2019-008-07A aux p. 6, 8.

[4] Pièce EA-2019-008-07E (protégée) aux p. 1752–1753, 1758–1759.

[5] Ibid. aux p. 1764–1765.

[6] Ibid. aux p. 1784–1837, 1899–1902.

[7] Pièce EA-2019-008-06.

[9] Pièce EA-2019-008-12.

[11] Pièce EA-2019-008-14.

[13] Pièce EA-2019-008-21.

[14] Pièce EA-2019-008-41.

[15] Pièce EA-2019-008-07B à la p. 1313.

[16] Ibid.

[17] Ibid. à la p. 1324.

[18] Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov (19 décembre 2019), 2019 CSC 65 [Vavilov].

[19] Elmer A. Driedger, Construction of Statutes, 2e éd. (Toronto : Butterworths, 1983), cité dans Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re) [1998] 1 R.C.S. 27 à la p. 41. Voir aussi Barres d’armature pour béton (14 octobre 2020), RR-2019-003 (TCCE) au par. 42.

[20] Voir, par exemple, l’article 7 du Règlement concernant les frais de livraison et l’article 9 concernant le remplacement du niveau du circuit de distribution.

[21] Family and Social Services (Re), 1997 (AB OIPC) à la p. 42, citant The Concise Oxford Dictionary; en ligne : <https://www.canlii.org/en/ab/aboipc/doc/1997/1997canlii15913/1997canlii15913.pdf> [en anglais seulement]. Cette définition a également été admise dans des conclusions plus récentes du Bureau du commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de l’Alberta et d’autres organismes provinciaux similaires. Voir, par exemple, Workers’ Compensation Board (Re), 2018 (AB OIPC) à la p. 37; en ligne : <https://www.canlii.org/en/ab/aboipc/doc/2018/2018canlii128504/2018canlii128504.pdf> [en anglais seulement].

[22] Voir, par exemple, Tenneco Automotive Operating Company Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (12 mars 2020), AP-2019-019 (TCCE) au par. 23.

[23] Pièce EA-2019-008-07B à la p. 906.

[24] États-Unis – Mesures antidumping visant certains produits tubulaires pour champs pétrolifères en provenance de Corée (WT/DS488/R) au par. 7.147.

[25] Rapport du Groupe spécial, Union européenne – Biodiesel (Indonésie), WT/DS480/R; Rapport du Groupe spécial, États-Unis Acier inoxydable (Corée), WT/DS179/R; Rapport du Groupe spécial, États-Unis Produits tubulaires (Corée), WT/DS488/R; pièce EA‑2019‑008‑38 aux p. 10–12.

[26] Pièce EA-2019-008-07B à la p. 1314.

[27] La LMSI régit les pratiques de dumping et de subventionnement au Canada. Il a été déterminé que les marchandises en cause dans le présent appel faisaient l’objet d’un dumping et avaient causé un dommage et, par conséquent, elles ont été assujetties à des droits antidumping. À l’article 2, le terme « sous-évalué » est défini à l’égard de marchandises « dont la valeur normale est supérieure à leur prix à l’exportation ». L’article 25 établit des règles spéciales pour déterminer le prix à l’exportation des marchandises en cause dans certaines circonstances particulières. Dans ses passages pertinents, le paragraphe 25(1) stipule que lorsque, à l’égard de marchandises vendues à un importateur se trouvant au Canada, le président est d’avis que le prix à l’exportation, tel qu’il est déterminé en vertu de l’article 24, est sujet à caution, le prix à l’exportation des marchandises est, si les marchandises sont importées en vue d’être montées, le prix des marchandises telles qu’elles sont montées moins un montant égal à la somme de certains montants pour les profits et les coûts des marchandises en cause.

[28] Le prix facturé pour ces services n’avait rien à voir avec le prix de revente des transformateurs eux-mêmes. Le fait que ces services étaient parfois mentionnés séparément sur les bons de commande, les factures et les contrats en est la preuve. Voir, par exemple, la pièce EA-2019-008-16A (protégée) aux p. 922, 935, 936.

[29] Pièce EA-2019-008-07B à la p. 910.

[30] La LMSI est un texte de loi de nature économique, et rien n’indique que le législateur aurait voulu donner au mot « prix » un sens qui ne reflète pas son sens ordinaire sur le plan économique.

[31] Le Tribunal ne remet pas en question le fait qu’il peut y avoir des situations où la valeur des services fait partie du prix pour lequel les marchandises sont vendues en vertu de l’alinéa 25(1)d) de la LMSI. Cela semble ressortir clairement du libellé de la disposition elle-même, qui prévoit la déduction de certains coûts qui pourraient être liés aux services. Voir, par exemple, le sous-alinéa 25(1)d)(iii), qui porte sur « tous les autres frais entraînés par la fabrication des marchandises », ou la division 25(1)d)(v)(A), qui porte sur les coûts, frais et dépenses « découlant de l’exportation des marchandises importées ou découlant de leur expédition […] engagés, notamment l’exportateur ou l’importateur ». Cette formulation, par voie de conséquence, indique que la valeur des éléments liés aux services peut faire partie du prix pour lequel les marchandises ont été vendues. Toutefois, comme indiqué ci-dessus, il faudrait démontrer que cette valeur contribue à la valeur des marchandises vendues. Il faudrait également qu’elle ait été prise en compte dans la détermination du prix des marchandises vendues.

[32] Pièce EA-2019-008-27B au par. 68.

[33] Pièce EA-2019-008-39 aux p. 11–20; pièce EA-2019-008-38 aux p. 6–9.

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