Appels en matière de douanes et d’accise

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Appel AP-2020-010

J. Ward

c.

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Décision et motifs rendus
le vendredi 14 octobre 2022

 



EU ÉGARD À un appel entendu le 21 juin 2022 en vertu du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 27 mai 2020 concernant une demande de révision aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

J. WARD

Appelant

ET

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

Intimé

DÉCISION

L’appel est rejeté.

Frédéric Seppey

Frédéric Seppey
Membre présidant


 

Lieu de l’audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l’audience :

le 21 juin 2022

Membre du Tribunal :

Frédéric Seppey, membre présidant

Personnel du Secrétariat du Tribunal :

Isaac Turner, conseiller juridique
Charlotte Saintonge, stagiaire en droit
Kim Gagnon-Lalonde, agente du greffe

PARTICIPANTS :

Appelant

 

J. Ward

 

Intimé

Conseillère/représentante

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Emma Gozdzik

Veuillez adresser toutes les communications à :

La greffière adjointe
Téléphone : 613-993-3595
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

INTRODUCTION

[1] Avant le 30 décembre 2019, Monsieur J. Ward a commandé deux couteaux[1]. Au moment de l’importation au Canada, le 30 décembre 2019, les couteaux ont été interceptés par l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC)[2], et ils ont été consignés au motif qu’ils étaient classés comme « armes prohibées » dans le numéro tarifaire 9898.00.00 de l’annexe du Tarif des douanes, conformément au paragraphe 84(1) du Code criminel[3], et que, par conséquent, leur importation au Canada était interdite aux termes du paragraphe 136(1) du Tarif des douanes[4].

[2] M. Ward conteste la saisie des deux couteaux par l’ASFC, parce qu’il est d’avis qu’ils ne devraient pas être considérés comme des « armes prohibées ». Le 17 mars 2020, le président de l’ASFC a reçu la demande de révision présentée par M. Ward en vertu du paragraphe 60(1) de la Loi sur les douanes[5]. Le 27 mai 2020, le président de l’ASFC a maintenu la décision initiale, et il a rejeté la demande aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi[6].

[3] Le 17 août 2020, M. Ward a interjeté appel de la décision en vertu du paragraphe 67(1) de la Loi. À son avis, les deux couteaux ne devraient pas être classés comme des « armes prohibées », conformément au paragraphe 84(1) du Code criminel. Il demande que les couteaux soient dédouanés puis lui soient envoyés[7].

[4] Pour les motifs qui suivent, l’appel est rejeté. Les deux couteaux sont adéquatement classés comme « armes prohibées » dans le numéro tarifaire 9898.00.00.

LES MARCHANDISES EN CAUSE

[5] Les marchandises en cause consistent en deux couteaux : le premier est le couteau Kershaw et le deuxième est le couteau Cold Steel.

Le couteau Kershaw

[6] Le couteau Kershaw est un couteau pliant Kershaw Zing - Stainless[8] comportant une saillie ou un levier (« flipper ») placé au dos de la lame, qui glisse à l’intérieur du manche du couteau lorsque celui‑ci est ouvert. Lorsque la lame est en position fermée, une pression manuelle sur le levier la déploie entièrement et la verrouille. La lame du couteau comporte aussi un ergot, et son manche est doté d’une agrafe. Le couteau utilise un mécanisme breveté d’ouverture assistée, connu sous le nom d’« Assisted SpeedSafe », au moyen duquel une barre de torsion maintient la lame fermée et la déploie au moment du déclenchement.

Le couteau Cold Steel

[7] Le couteau Cold Steel est un couteau pliant Cold Steel Spartan doté d’une lame qui peut se déployer par pression sur un ergot placé au dos de la lame, en effectuant une rotation ou en donnant un « coup de poignet » rapide. L’ergot est également conçu de façon à s’accrocher au rebord d’une poche lorsque le couteau est tiré, ce qui déclenche le déploiement de la lame en position verrouillée.

POSITIONS DES PARTIES

J. Ward

[8] M. Ward affirme que l’ASFC a classé à tort les marchandises en cause comme armes prohibées en vertu du paragraphe 84(1) du Code criminel[9]. Il soutient qu’un tel classement et les conclusions antérieures du Tribunal excèdent le critère standard confirmé par la Cour suprême du Canada lorsqu’il s’agit de déterminer si un couteau est prohibé[10]. M. Ward soutient que le Tribunal se fonde sur un critère axé sur sa « propre interprétation subjective » [traduction] de certains éléments du Code criminel, à savoir le paragraphe 84(1), sans tenir compte du contexte fourni par d’autres dispositions du Code criminel et de la jurisprudence de la Cour suprême du Canada et des tribunaux provinciaux[11].

[9] M. Ward est d’avis qu’il existe un critère à deux volets qu’il faut appliquer pour déterminer si un article est une arme prohibée. Selon M. Ward, la première étape consiste à établir que l’article est une arme, et la deuxième étape, à déterminer si cette arme est prohibée[12]. M. Ward présente en preuve des photos de couteaux qui ne font pas l’objet du présent appel, et il soutient que ces couteaux s’ouvrent automatiquement par pression sur un bouton placé sur le manche lorsqu’on applique la force centrifuge, mais que ces couteaux ne sont pas classés comme armes et, par conséquent, qu’ils ne sont pas prohibés[13].

[10] M. Ward affirme que même si le Tribunal a clairement indiqué que la présence d’articles « illicites » dans des magasins canadiens ne permet pas de justifier leur importation, dans ce cas précis il s’agit d’un argument valable. À cet égard, M. Ward fait remarquer que les couteaux Kershaw et Cold Steel sont vendus dans les boutiques d’articles de sport au Canada[14].

[11] M. Ward affirme qu’à son avis, ces couteaux sont non classés (plutôt que non restreints, restreints ou prohibés) en vertu du Code criminel, et qu’il ne s’agit tout simplement pas d’armes prohibées[15]. À l’appui de cette position, M. Ward a demandé des renseignements au laboratoire d’armes à feu de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) (à son avis, l’organisme de référence lorsqu’il s’agit d’établir des classifications d’armes au Canada), lequel, selon lui, indique que les couteaux Kershaw Speedsafe n’ont jamais été classés comme armes prohibées[16].

[12] M. Ward soutient que d’après la description du fabricant, le couteau Kershaw se veut un outil et non une arme[17]. Dans le même ordre d’idées, M. Ward affirme qu’il a clairement exprimé son intention d’utiliser ces articles comme outils dans ses fonctions quotidiennes d’agent de police. M. Ward ajoute que les membres de la GRC sont autorisés à porter sur eux un couteau de poche dans l’exercice de leurs fonctions, et que ces couteaux sont des outils utilisés aux fins des tâches quotidiennes, par exemple, découper des sacs contenant des éléments de preuve ou couper des ceintures de sécurité[18].

[13] M. Ward affirme qu’il serait également inexact de classer un simple couteau pliant dont la lame comporte un ergot comme arme prohibée ou comme couteau dont la lame s’ouvre par force centrifuge. Il existe un grand nombre de couteaux qui peuvent passer, grâce à un mouvement rapide, de la position fermée à la position ouverte, et cela n’en fait pas des couteaux prohibés. M. Ward soutient que dans beaucoup de cas, il pourrait y avoir des différences dans le processus de fabrication, l’assemblage ou l’entretien d’un couteau, ce qui pourrait avoir un effet sur son ouverture grâce à un mouvement rapide. M. Ward affirme que le fait que la lame d’un couteau jaillisse hors du manche ne veut pas dire que ce couteau doit être classé comme couteau dont la lame s’ouvre par force centrifuge. M. Ward soutient que si on le heurte, le frappe ou le secoue suffisamment fort, n’importe quel couteau pliant va surmonter la friction et la lame va jaillir[19]. M. Ward soutient aussi que la définition d’une arme prohibée énoncée dans le Code criminel ne renferme aucune disposition ni aucun critère indiquant qu’un couteau devient prohibé s’il peut s’ouvrir d’une main, et qu’il n’y est pas prévu non plus qu’un couteau soit prohibé s’il s’ouvre rapidement[20].

[14] En ce qui concerne le couteau Kershaw, plus particulièrement, M. Ward affirme que la fonction de vitesse assistée n’en fait pas un couteau à ressort ou un couteau dont la lame s’ouvre par force centrifuge. M. Ward remarque que les couteaux Kershaw à vitesse assistée sont dotés d’un dispositif de prévention, qu’on appelle communément une barre de torsion, qui sert à maintenir la lame en position fermée et à en déclencher le déploiement. M. Ward soutient qu’en vertu du Code criminel, ce mécanisme n’est pas prohibé, contrairement aux ressorts[21]. La lame du couteau Kershaw ne s’ouvre pas automatiquement par pression manuelle sur un bouton, par gravité ou force centrifuge, il faut plutôt la sortir du manche par un effet de levier. Selon M. Ward, lorsqu’on déplie la lame on peut donner un coup de poignet et faire intervenir la force centrifuge dans le processus d’ouverture, mais ce n’est pas nécessaire[22].

[15] De l’avis de M. Ward, la saillie ou l’ergot au dos de la lame d’un couteau n’est pas attaché au manche, mais plutôt à la lame. M. Ward affirme que le Tribunal a commis des erreurs à l’égard de cette définition dans ses décisions antérieures[23]. M. Ward soutient également dans ses observations en réponse qu’un « levier » fait partie de l’assemblage de la lame et qu’il ne s’agit pas d’un bouton ou dispositif attaché au manche. À cet égard, M. Ward remarque que le Tribunal a rejeté des appels portant sur des couteaux Kershaw à ouverture assistée qui utilisent une barre de torsion et comportent un levier, mais qu’il a accueilli un appel portant sur un couteau Kershaw à ouverture assistée qui était doté d’une barre de torsion et d’un ergot placé sur la lame. M. Ward allègue que la seule différence entre les deux, c’est qu’un « levier » a été classé comme dispositif prohibé. Il soutient qu’il n’y a aucun précédent fondé sur le Code criminel à l’appui de ce classement[24].

[16] M. Ward n’a pas abordé en détail les caractéristiques du couteau Cold Steel au vu des critères applicables à une arme prohibée qui sont énoncés au paragraphe 84(1) du Code criminel.

[17] Enfin, dans ses observations en réponse, M. Ward soutient que le Tribunal a un intérêt direct à l’égard de l’ASFC. M. Ward allègue que cela constitue un conflit d’intérêts, une partialité inhérente, un affront aux principes de la justice naturelle et un manquement à l’équité procédurale. M. Ward fait valoir, par exemple, une suite d’événements lors desquels le Tribunal a rendu une décision qui était compatible avec une politique énoncée dans un mémorandum de l’ASFC, que celle‑ci invoque maintenant[25].

ASFC

[18] L’ASFC affirme que les marchandises en cause sont manifestement toutes deux des couteaux comportant une lame et que les fabricants en font l’annonce à ce titre. Par conséquent, le mémoire de l’ASFC se concentre sur la question de savoir si les autres critères prévus au paragraphe 84(1) du Code criminel sont satisfaits pour chacune des marchandises en cause (c’est‑à‑dire si le couteau Kershaw s’ouvre automatiquement par pression manuelle sur un dispositif et si le couteau Cold Steel s’ouvre automatiquement par force centrifuge).

[19] En ce qui concerne le couteau Kershaw, l’ASFC affirme qu’il comporte une lame qui s’ouvre automatiquement par pression manuelle sur un « autre dispositif », un levier. L’ASFC soutient que l’enregistrement vidéo de l’ouverture du couteau Kershaw montre qu’aucune autre manipulation humaine n’est nécessaire pour déployer la lame une fois qu’une pression suffisante est appliquée sur le levier[26]. L’ASFC soutient aussi que le site Web du fabricant confirme la présence et la fonctionnalité du levier qui est conçu pour faciliter l’ouverture rapide du couteau[27].

[20] L’ASFC affirme que tout comme le couteau en cause dans La Sagesse de l’Eau, une fois que le levier du couteau Kershaw traverse le manche, le mécanisme d’ouverture est suffisamment solide pour que la lame s’ouvre d’elle‑même, sans que l’intervention humaine ne s’avère nécessaire[28]. L’ASFC soutient en outre que, comme le Tribunal l’a reconnu dans M. Abbas, ce type de « levier » correspond à la définition d’un « autre dispositif » incorporé ou attaché au manche, étant donné que sa raison d’être est de déclencher le jaillissement automatique de la lame par pression manuelle sur lui[29]. De plus, l’ASFC remarque que le Tribunal a conclu que d’autres couteaux similaires, qui utilisent le même mécanisme d’ouverture « Assisted Speedsafe » breveté par Kershaw que les marchandises en cause, sont des armes prohibées[30].

[21] L’ASFC affirme aussi, en réponse à l’argument de M. Ward selon lequel le couteau Kershaw se veut un outil et non une arme, que dans J. Humber le Tribunal a conclu que l’intention d’un fabricant lorsqu’il annonce la fonction des marchandises est sans pertinence pour déterminer si ses caractéristiques physiques correspondent à la définition d’une « arme prohibée » aux fins du classement tarifaire[31].

[22] Au sujet du couteau Cold Steel, l’ASFC affirme que celui‑ci comporte une lame qui s’ouvre automatiquement par force centrifuge. L’ASFC soutient que l’enregistrement vidéo de l’ouverture du couteau montre que si on applique une pression sur l’ergot, tout en effectuant un mouvement centrifuge ou en donnant un coup de poignet, la lame s’ouvre rapidement et se met automatiquement en position totalement déployée et verrouillée, dans un mouvement simultané effectué d’une seule main[32]. L’ASFC soutient que cette fonctionnalité est confirmée par le site Web du fabricant, qui décrit le couteau en indiquant qu’il « s’ouvre d’une seule main » [traduction] et peut déployer sa lame rapidement si on applique une pression sur l’ergot[33].

[23] L’ASFC soutient que dans T. Laplante, le Tribunal a conclu qu’un couteau comportant un mécanisme d’ouverture analogue à celui du couteau Cold Steel est prohibé au sens du paragraphe 84(1) du Code criminel. Dans cette affaire, le Tribunal a conclu que le couteau s’ouvrait « automatiquement par force centrifuge », puisque si l’on « pouss[ait] doucement vers l’extérieur sur le goujon de pouce », tout en effectuant un « léger mouvement du poignet », la lame s’ouvrait et se verrouillait en position complètement ouverte. Le Tribunal remarque aussi que, comme dans le cas du couteau Cold Steel, cela peut être exécuté « d’un seul mouvement simultané du poignet, du pouce et de l’index, à l’aide d’une seule main[34] ».

[24] L’ASFC soutient que le couteau Cold Steel est conçu pour s’ouvrir rapidement. Dans J. Humber, le Tribunal remarque que l’intention derrière la conception des méthodes d’ouverture, et la question de savoir si celles‑ci visent à faciliter le déploiement rapide, sont des questions pertinentes pour déterminer si un couteau s’ouvre « automatiquement[35] ». L’ASFC remarque que les documents commerciaux du couteau Cold Steel indiquent expressément que les mécanismes d’ouverture sont conçus de manière à permettre que le couteau s’ouvre à la « vitesse de l’éclair[36] » [traduction].

[25] En plus de ce qui précède, l’ASFC affirme que M. Ward n’a pas établi qu’il importe les marchandises en cause dans le cadre de son emploi ou sous les ordres d’une force policière. L’ASFC soutient que le fait qu’une personne soit employée comme agent de police ne permet pas, en soi, d’importer des armes prohibées. L’agent doit plutôt agir dans le cadre de ses « fonctions ou son emploi » ou sous « les ordres d’une force policière ».

[26] L’ASFC remarque que sa politique relative à l’exclusion énoncée dans le numéro tarifaire 9898.00.00 prévoit ce qui suit :

146. Les fonctionnaires publics agissant dans le cadre de leurs fonctions et les particuliers agissant pour le compte et sous l’autorité de forces de police nationales, des Forces armées canadiennes, de forces étrangères en visite au Canada ou d’un ministère fédéral ou provincial peuvent importer des armes ou dispositifs prohibés ou les transporter en transit au Canada. Leur importation doit être à des fins officielles. Les permis, autorisations, licences ou certificats d’enregistrement d’armes à feu ne sont pas nécessaires, mais la preuve du statut du fonctionnaire et l’approbation du supérieur du fonctionnaire public doivent être fournies. Les fonctionnaires publics ou d’autres personnes de ce type ne peuvent pas importer des armes ou des dispositifs prohibés par la poste[37].

[Nos italiques]

[27] L’ASFC soutient que même si le Tribunal n’est pas lié par cette politique, celle‑ci est instructive parce qu’elle énumère le genre de documents qui permettraient d’établir que M. Ward peut se prévaloir de cette exclusion. L’ASFC affirme qu’en plus de ne pas avoir fourni la preuve de son statut officiel, l’approbation de ses supérieurs pour importer des marchandises ou tout autre élément de preuve indiquant que les marchandises étaient nécessaires à des fins policières officielles, M. Ward a tenté d’importer ces articles pour lui‑même, par la poste, à titre personnel et à son adresse résidentielle personnelle[38].

[28] Enfin, l’ASFC affirme que le simple fait que M. Ward n’ait pas l’intention d’utiliser les marchandises comme armes est sans pertinence aux fins du classement tarifaire, et que le classement tarifaire des marchandises n’est pas subordonné à l’intention ni à la bonne foi de la personne qui tente d’importer les couteaux. L’ASFC avance aussi, en réponse aux observations présentées par M. Ward, que la disponibilité de marchandises similaires au Canada et les pratiques des forces policières en matière d’armes prohibées ne sont pas pertinentes aux fins du classement tarifaire. L’ASFC affirme aussi que la déclaration de M. Ward, selon laquelle « le laboratoire d’armes à feu de la GRC n’a jamais classé les couteaux Kershaw Speedsafe comme armes prohibées » [traduction], est trompeuse, puisque la lettre indique seulement qu’on n’avait trouvé aucun dossier permettant de répondre à la demande de M. Ward[39].

QUESTION PRÉLIMINAIRE : ALLÉGATIONS SELON LESQUELLES LE TRIBUNAL NE RESPECTE PAS LES PRINCIPES DE LA JUSTICE NATURELLE ET FAVORISE L’ASFC

[29] Avant d’analyser les arguments de fond présentés par les parties, le Tribunal estime nécessaire d’examiner les allégations de M. Ward selon lesquelles « le Tribunal a un intérêt direct à l’égard de l’ASFC et de ses actes » [traduction] et les décisions antérieures du Tribunal constituent « un affront aux principes de la justice naturelle et un manquement à l’équité procédurale » [traduction]. À certains endroits dans ses observations, M. Ward semblait croire que la décision du Tribunal en l’espèce était déjà prise[40].

[30] Le Tribunal est un organisme quasi judiciaire impartial et indépendant qui relève du Parlement. Entre autres choses, il entend et tranche des appels interjetés devant lui en vertu de la Loi sur les douanes par des personnes lésées par une décision de l’ASFC. Les principes de la justice naturelle font partie intégrante du cadre procédural et législatif dans lequel le Tribunal fonctionne. Dans tous ses mandats, y compris les appels de décisions prises par l’ASFC en vertu de la Loi, le Tribunal offre à chacune des parties la possibilité de présenter des éléments de preuve, leurs points de vue, et de répondre à d’autres parties avant de rendre une décision définitive. Enfin, le ou les membres du Tribunal qui sont saisis d’une cause particulière rendent leur décision en se fondant sur le dossier de preuve et les arguments des parties, et ils fournissent des motifs à l’appui de cette décision.

[31] En outre, le Tribunal est une cour d’archives[41] et ses membres prêtent serment avant d’entrer en fonction. La jurisprudence reconnaît que la solennité du serment renforce la présomption d’impartialité[42].

[32] Le critère applicable à la crainte raisonnable de partialité consiste à se demander si une personne bien renseignée, ayant connaissance de toutes les circonstances pertinentes, croirait que, selon toute vraisemblance, le décideur, consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste[43]. Ce faisant, la personne doit envisager la situation de façon réaliste et pratique.

[33] La notion de « partialité » a été définie ainsi :

[…] une tendance, une inclination ou une prédisposition conduisant à privilégier une partie plutôt qu’une autre ou un résultat particulier. Dans le domaine des procédures judiciaires, c’est la prédisposition à trancher une question ou une affaire d’une certaine façon qui ne permet pas au juge d’être parfaitement ouvert à la persuasion. La partialité est un état d’esprit qui infléchit le jugement et rend l’officier judiciaire inapte à exercer ses fonctions impartialement dans une affaire donnée[44].

[34] Il incombe à une partie qui allègue la crainte de partialité de réfuter la présomption selon laquelle le juge agira de manière impartiale. Les doutes, les insinuations, les conjectures, les impressions ou les opinions n’établiront pas l’existence de partialité[45]. La contestation doit se fonder sur des motifs de fond sérieux et s’appuyer sur une preuve convaincante[46].

[35] M. Ward n’a avancé aucun motif, et encore moins d’éléments de preuve, pour indiquer que le soussigné est incapable de faire montre d’un esprit impartial dans les procédures. L’argument est entièrement spéculatif. Par conséquent, le Tribunal n’approfondira pas cet aspect de l’argumentation de M. Ward et il concentrera son analyse sur les arguments de fond présentés par les parties.

CADRE LÉGISLATIF

[36] Le paragraphe 136(1) du Tarif des douanes prévoit ce qui suit :

L’importation des marchandises des nos tarifaires 9897.00.00, 9898.00.00 ou 9899.00.00 est interdite.

The importation of goods of tariff item No. 9897.00.00, 9898.00.00 or 9899.00.00 is prohibited.

[37] Le numéro tarifaire 9898.00.00 prévoit ce qui suit :

Armes à feu, armes prohibées, armes à autorisation restreinte, dispositifs prohibés, munitions prohibées et éléments ou pièces conçus exclusivement pour être utilisés dans la fabrication ou l’assemblage d’armes automatiques, désignés comme « marchandises prohibées » au présent numéro tarifaire, sauf :

Firearms, prohibited weapons, restricted weapons, prohibited devices, prohibited ammunition and components or parts designed exclusively for use in the manufacture of or assembly into automatic firearms, in this tariff item referred to as prohibited goods, but does not include the following:

a) les marchandises prohibées importées par l’une ou l’autre des personnes suivantes :

(i) un fonctionnaire public dans le cadre de ses fonctions,

(ii) un particulier pour le compte et sous les ordres d’une force policière, […]

(a) prohibited goods imported by

(i) a public officer in the course of the public officer’s duties or employment,

(ii) an individual on behalf of and under the authority of a police force, . . .

Pour l’application du présent numéro tarifaire :

For the purposes of this tariff item,

[...]

. . .

b) « arme à autorisation restreinte », « arme à feu à autorisation restreinte », « arme à feu prohibée », « arme automatique », « arme prohibée », « dispositif prohibé », « munitions prohibées » et « permis » s’entendent au sens du paragraphe 84(1) du Code criminel;

c) « fonctionnaire public » s’entend au sens du paragraphe 117.07(2) du Code criminel; […]

(b) ”automatic firearm”, “licence”, “prohibited ammunition”, “prohibited device”, “prohibited firearm”, prohibited weapon, restricted firearm and “restricted weapon” have the same meanings as in subsection 84(1) of the Criminal Code;

(c) “public officer” has the same meaning as in subsection 117.07(2) of the Criminal Code; . . .

[38] Lorsqu’il est question du classement de marchandises dans le numéro tarifaire 9898.00.00, les Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé[47] ne s’appliquent pas[48]. Par conséquent, il n’y a aucun paragraphe ni aucune note de chapitre qui se rapportent au classement en cause. De même, il n’y a aucun avis de classement pertinent de l’Organisation mondiale des douanes, ni aucune note explicative dont le Tribunal doit tenir compte.

[39] Le numéro tarifaire 9898.00.00 prévoit que l’expression « arme prohibée » s’entend au sens du paragraphe 84(1) du Code criminel, qui définit « arme prohibée » comme suit :

« arme prohibée »

a) Couteau dont la lame s’ouvre automatiquement par gravité ou force centrifuge ou par pression manuelle sur un bouton, un ressort ou autre dispositif incorporé ou attaché au manche; […]

“Prohibited weapon” means

(a) a knife that has a blade that opens automatically by gravity or centrifugal force or by hand pressure applied to a button, spring or other device in or attached to the handle of the knife . . .

[40] En somme, pour déterminer si les marchandises en cause sont correctement classées à titre d’arme prohibée dans le numéro tarifaire 9898.00.00 et, par conséquent, comme des marchandises dont l’importation est interdite au Canada, le Tribunal doit déterminer si elles correspondent à la définition ci-dessus du paragraphe 84(1) du Code criminel.

[41] Si le Tribunal détermine que les marchandises en cause sont des armes prohibées, le Tribunal doit également déterminer si les marchandises en cause sont exclues du numéro tarifaire 9898.00.00 à titre de marchandises prohibées qui sont importées (i) par un fonctionnaire public dans le cadre de ses fonctions ou (ii) par un particulier pour le compte et sous les ordres d’une force policière.

[42] À cet égard, le numéro tarifaire 9898.00.00 stipule que le terme « fonctionnaire public » s’entend au sens du paragraphe 117.07(2) du Code criminel, lequel prévoit ce qui suit :

a) les agents de la paix;

[…]

e) les personnes qui reçoivent la formation pour devenir agents de la paix ou officiers de police sous l’autorité et la surveillance soit d’une force policière […]

ANALYSE

[43] Les appels interjetés auprès du Tribunal aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes sont instruits de novo[49], ce qui signifie que le Tribunal ne se limite pas à examiner la décision de l’ASFC pour déterminer si elle est déraisonnable ou si elle présente des erreurs manifestes. Le Tribunal doit rendre sa propre décision sur le classement tarifaire approprié des marchandises.

[44] Pour ce faire, le Tribunal n’est tenu à aucune déférence envers la décision de l’ASFC. Il lui est loisible de réexaminer le dossier, y compris de réévaluer les éléments de preuve dont disposait l’ASFC et de les apprécier à nouveau, ainsi que de prendre en considération les nouveaux éléments de preuve et les nouvelles observations déposées en appel, le cas échéant[50]. Cela dit, il incombe à l’appelant de démontrer que la marchandise n’est pas correctement classée[51].

[45] Il est également important de souligner que la compétence du Tribunal pour examiner la question en litige est très bien définie. Elle se limite strictement au classement tarifaire[52]. Cela veut dire qu’en l’espèce, le Tribunal doit déterminer si les marchandises en cause sont correctement (ou a contrario, incorrectement) classées dans le numéro tarifaire 9898.00.00 à titre d’armes prohibées.

[46] Lorsque le Tribunal effectue cette analyse, en règle générale, il examine successivement deux questions. En premier lieu, le Tribunal se penche sur un point de droit, à savoir le critère qui doit être satisfait pour que les marchandises en cause soient classées comme armes prohibées dans le numéro tarifaire 9898.00.00. Une fois que ce point de droit est établi, le Tribunal doit ensuite déterminer, à titre de question factuelle, si la preuve démontre que le critère juridique est satisfait et, par conséquent, si les marchandises en cause sont correctement classées comme armes prohibées dans le numéro tarifaire 9898.00.00.

Point de droit : le numéro tarifaire 9898.00.00 prévoit que l’expression « arme prohibée » s’entend au sens du paragraphe 84(1) du Code criminel

[47] En ce qui concerne le point de droit mentionné ci‑dessus, une simple lecture séquentielle des dispositions pertinentes du Tarif des douanes laisse peu de marge au Tribunal pour déroger à son approche de longue date lorsqu’il s’agit de déterminer le classement approprié de marchandises à titre d’armes prohibées :

a) Le paragraphe 136(1) du Tarif des douanes stipule que l’importation des marchandises du numéro tarifaire 9898.00.00 est interdite;

b) Le numéro tarifaire 9898.00.00 comprend explicitement les « armes prohibées »;

c) Le même numéro tarifaire spécifie que le terme « arme prohibée » s’entend au sens du paragraphe 84(1) du Code criminel;

d) Le paragraphe 84(1) du Code criminel définit en partie une « arme prohibée » en ces termes pertinents[53] :

a) Couteau dont la lame s’ouvre automatiquement par gravité ou force centrifuge ou par pression manuelle sur un bouton, un ressort ou autre dispositif incorporé ou attaché au manche; […]

[48] Un examen attentif des observations de M. Ward semble indiquer que la question en litige se pose entre les étapes c) et d) ci‑dessus. L’ASFC affirme qu’aux fins de l’application du numéro tarifaire 9898.00.00, la définition d’une « arme prohibée » devrait correspondre, mot à mot, au libellé du paragraphe 84(1) du Code criminel. Au contraire, M. Ward laisse entendre que les mots qui figurent au paragraphe 84(1) doivent se comprendre dans le contexte de l’interprétation du Code criminel, dans son ensemble – en tenant compte, entre autres, de la définition d’une « arme » à l’article 2 du Code criminel, au paragraphe 88(1) qui traite du port d’arme dans un dessein dangereux, à l’article 91 portant sur la possession non autorisée d’une arme, ainsi que dans la jurisprudence pénale qui fait renvoi à la notion de mens rea. Autrement dit, M. Ward soutient qu’il ne suffit pas qu’un couteau corresponde à la définition énoncée au paragraphe 84(1) pour être classé dans le numéro tarifaire 9898.00.00, mais qu’il doit d’abord être considéré comme une arme à la lumière de l’article 2 du Code criminel, d’autres dispositions du Code criminel et de la jurisprudence pénale. La position de M. Ward est exprimée dans une phrase de ses observations en réponse au mémoire de l’intimé : « Le Code criminel est le fondement et le texte faisant autorité dont découle le numéro tarifaire 9898.00.00[54] » [traduction].

[49] Le Tribunal n’est pas d’accord avec la position de M. Ward. En se référant au processus analytique étape par étape qui est précisé ci‑dessus, pour le dire simplement, si un couteau correspond à la définition d’une arme prohibée qui apparaît au paragraphe 84(1) du Code criminel, il doit être classé dans le numéro tarifaire 9898.00.00 et son importation est interdite (à condition que son exclusion ne soit pas établie par d’autres parties du numéro tarifaire 9898.00.00).

[50] Le numéro tarifaire 9898.00.00 utilise l’expression « arme prohibée » et fait expressément un renvoi au paragraphe 84(1) du Code criminel pour définir ce qui constitue une « arme prohibée » aux fins de son application. Le paragraphe 84(1) du Code criminel, à son tour, présente une définition précise de l’expression « arme prohibée », qui est reproduite ci‑dessus, à l’égard de certains types de couteaux. Alors que d’autres dispositions du Code criminel peuvent être pertinentes pour interpréter d’autres aspects du numéro tarifaire 9898.00.00[55], le Tribunal conclut qu’il n’existe en droit aucun fondement permettant de tenir compte d’autres dispositions du Code criminel pour déterminer si les marchandises correspondent à la définition pertinente du terme « arme prohibée » qui est énoncée au paragraphe 84(1). Le Tribunal ne peut pas accepter les arguments de M. Ward à cet égard.

[51] Le Tribunal analysera maintenant chacune des marchandises en cause afin de voir si la preuve indique que l’une ou l’autre des marchandises a été classée incorrectement dans le numéro tarifaire 9898.00.00. Ensuite, le Tribunal examinera aussi, s’il y a lieu, l’applicabilité de l’exclusion prévue dans le numéro tarifaire 9898.00.00 en ce qui concerne l’importation d’armes prohibées par une personne dans le cadre de son emploi ou sous les ordres d’une force policière.

La lame du couteau Kershaw s’ouvre automatiquement par pression manuelle sur un dispositif attaché au manche

[52] Compte tenu de la section qui précède, il est clair qu’un couteau est une « arme prohibée » au sens du paragraphe 84(1) du Code criminel lorsque sa lame s’ouvre automatiquement de l’une des deux façons suivantes : 1) par gravité ou force centrifuge, ou 2) par pression manuelle sur un bouton, un ressort ou autre dispositif incorporé ou attaché au manche[56]. L’exigence selon laquelle le couteau doit s’ouvrir « automatiquement » s’applique aux deux catégories de mécanismes d’ouverture du couteau.

[53] Il n’est pas allégué que le couteau Kershaw s’ouvre automatiquement « par gravité ou force centrifuge ». Par conséquent, la question dont le Tribunal est saisi se limite au deuxième volet de la définition d’une « arme prohibée » qui est énoncée au paragraphe 84(1) du Code criminel, à savoir si le couteau Kershaw s’ouvre « automatiquement » par pression manuelle sur un bouton, un ressort ou autre dispositif incorporé ou attaché au manche.

[54] Le Tribunal a déjà établi qu’un couteau est considéré comme s’ouvrant automatiquement si la lame s’ouvre par pression manuelle sur un dispositif nécessitant une manipulation minimale[57]. Le Tribunal a établi dans le même ordre d’idées que dans le contexte du paragraphe 84(1) du Code criminel, le terme « automatiquement » signifie « de manière essentiellement ou entièrement involontaire », et que la nécessité d’un minimum de manipulations n’enlève pas forcément le caractère automatique de l’ouverture de la lame[58]. Autrement dit, le mot « automatiquement » ne signifie pas sans aucune intervention humaine.

[55] En ce qui concerne la question de savoir si un couteau comporte « un bouton, un ressort ou autre dispositif incorporé ou attaché au manche », un dispositif est défini de façon générale dans la jurisprudence du Tribunal comme étant un « objet destiné ou adapté à une fin particulière » ou une « pièce d’équipement ou [un] mécanisme conçu à une fin déterminée ou pour remplir une fonction particulière[59] ». Comme le souligne l’ASFC, dans M. Abbas, le Tribunal a déterminé que la saillie ou le levier en cause était incorporé ou attaché au manche parce qu’il se trouvait à l’intérieur de la fente du manche et qu’il servait à relâcher la tension mécanique générée dans le manche pour retenir la lame en position fermée et verrouillée[60].

[56] En l’espèce, comme il est indiqué ci‑dessus, M. Ward allègue que la lame fixée au couteau ne s’ouvre pas automatiquement par pression manuelle sur un bouton, par gravité ou par force centrifuge, mais qu’il faut plutôt la sortir du manche par un effet de levier. M. Ward soutient aussi qu’un « levier » fait partie de l’assemblage de la lame et qu’il ne s’agit pas d’un bouton ou dispositif attaché au manche.

[57] Les éléments de preuve déposés par l’ASFC démontrent clairement que la pression manuelle sur le levier du couteau Kershaw met automatiquement la lame en position totalement déployée et verrouillée. Dans la même veine, il est clair que le levier est un dispositif incorporé ou attaché au manche du couteau, puisqu’il est inséré dans une fente à l’intérieur du manche lorsque la lame est fermée et que, par pression, il active le mécanisme à déploiement assisté d’une barre de torsion et ouvre la lame du couteau[61]. La description du couteau affichée sur le site Web du fabricant confirme aussi la raison d’être du levier[62].

[58] Le Tribunal a aussi mené son propre examen du couteau Kershaw, qui a consisté à ouvrir et fermer le couteau à plusieurs reprises. Ce faisant, le soussigné a constaté à quel point il était facile de déployer la lame par pression manuelle sur le levier.

[59] En ce qui concerne l’argument de M. Ward selon lequel il n’est pas fait allusion au mécanisme à déploiement assisté d’une barre de torsion en vertu du paragraphe 84(1) du Code criminel, contrairement aux ressorts, le Tribunal remarque que la présence d’un ressort n’est pas une condition nécessaire pour qu’un couteau corresponde à la définition d’une « arme prohibée », laquelle prévoit, notamment, « un bouton, un ressort ou autre dispositif incorporé ou attaché au manche » [nos italiques][63]. À cet égard, le Tribunal rappelle, comme le remarque l’ASFC, que dans des causes antérieures le Tribunal a conclu que les couteaux comportant des mécanismes similaires étaient des armes prohibées. Le Tribunal remarque aussi qu’il a déjà conclu que puisque le mécanisme à déploiement assisté d’une barre de torsion est incorporé au manche, il pourrait relever de la définition du dispositif dans un cas où il sert à déployer la lame d’un couteau par pression manuelle sur une saillie ou un levier[64].

[60] En ce qui concerne les observations de M. Ward selon lesquelles le Tribunal a rejeté des appels portant sur des couteaux Kershaw à déploiement assisté qui comportent une barre de torsion et un levier, mais a admis un appel portant sur un couteau Kershaw à déploiement assisté qui comportait une barre de torsion et un ergot placé sur la lame, le Tribunal fait remarquer que dans cette dernière cause le couteau présentait des caractéristiques distinctives. Dans A. Cowan, le Tribunal a conclu que l’ergot se trouvait sur la lame et n’était pas incorporé ou attaché au manche et que : « [l]e ressort n’[était] pas conçu pour activer un mécanisme d’ouverture, mais [aidait] à un déploiement contrôlé de la lame par l’utilisateur[65] ». En l’espèce, le levier est incorporé ou attaché au manche et il ne permet pas le déploiement contrôlé de la lame.

[61] Enfin, quant aux observations de M. Ward selon lesquelles le couteau Kershaw est vendu dans les boutiques d’articles de sport au Canada et se veut un outil et non une arme, le Tribunal souligne que ces considérations ne sont pas pertinentes lorsqu’il s’agit de déterminer le classement tarifaire adéquat des marchandises en vertu du Tarif des douanes. Le Tribunal a régulièrement établi que les critères visant l’interdiction de certains types de couteaux se rapportent aux caractéristiques du couteau en cause seulement et ne dépendent en rien des intentions ni de la bonne foi de la personne voulant importer le couteau[66].

[62] Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que le couteau Kershaw est adéquatement classé comme arme prohibée dans le numéro tarifaire 9898.00.00.

La lame du couteau Cold Steel s’ouvre par force centrifuge

[63] En grande partie, les observations de M. Ward n’expliquent pas pourquoi le couteau Cold Steel n’est pas adéquatement classé comme « arme prohibée » dans le numéro tarifaire 9898.00.00. Les renseignements contenus dans le mémoire de l’appelant de M. Ward indiquent que le couteau Cold Steel est vendu dans les boutiques d’articles de sport au Canada, mais pour le reste, elles font peu allusion à ce couteau. Les mentions du couteau Cold Steel dans la réponse de M. Ward au mémoire de l’intimé présenté par l’ASFC se limitent à une description du couteau provenant du site Web du fabricant et à des citations tirées du mémoire de l’ASFC.

[64] Le Tribunal tient à rappeler que M. Ward a le fardeau de démontrer que la marchandise en cause n’est pas adéquatement classée par l’ASFC. Selon le paragraphe 152(3) de la Loi, la charge de la preuve incombe à M. Ward, soit d’établir que les marchandises sont incorrectement classées dans le numéro tarifaire 9898.00.00 à titre d’armes prohibées[67].

[65] Compte tenu de l’argumentation et de la preuve dont il est saisi, le Tribunal conclut que M. Ward ne s’est pas acquitté de la charge de la preuve.

[66] Comme le Tribunal l’a remarqué ci‑dessus, un couteau est une « arme prohibée » au sens du paragraphe 84(1) du Code criminel si sa lame s’ouvre de l’une des deux façons suivantes : 1) par gravité ou force centrifuge, ou 2) par pression manuelle sur un bouton, un ressort ou autre dispositif incorporé ou attaché au manche. L’exigence selon laquelle le couteau doit s’ouvrir « automatiquement » s’applique aux deux catégories de mécanismes d’ouverture du couteau.

[67] Il n’est pas allégué que le couteau Cold Steel s’ouvre « automatiquement » par pression manuelle sur un bouton, un ressort ou autre dispositif incorporé ou attaché au manche. Ainsi, la question dont le Tribunal est saisi se limite au premier volet de la définition d’une « arme prohibée » qui est énoncée au paragraphe 84(1) du Code criminel, à savoir si le couteau s’ouvre « automatiquement » par gravité ou force centrifuge.

[68] Le Tribunal a établi que la « force centrifuge » suppose un mouvement rapide du poignet tel qu’un coup de poignet entraînant l’ouverture automatique du couteau[68]. Le Tribunal a aussi établi qu’un couteau peut tout de même s’ouvrir automatiquement par force centrifuge même s’il requiert une certaine manipulation préliminaire ou simultanée d’un levier ou d’une partie de la lame[69].

[69] Il ressort clairement de la preuve que le couteau Cold Steel s’ouvre automatiquement par force centrifuge nécessitant une manipulation minimale. Si l’on exerce une pression manuelle sur l’ergot tout en secouant le poignet vers l’extérieur, le couteau se met automatiquement en position totalement déployée et verrouillée. Cela peut être exécuté d’un seul mouvement, à l’aide d’une seule main[70]. La description du couteau sur le site Web du fabricant indique aussi clairement que le couteau est conçu pour fonctionner de cette façon[71].

[70] Les éléments de preuve mentionnés ci‑dessus concernant le mode d’ouverture du couteau sont corroborés par l’examen minutieux du couteau Cold Steel que le Tribunal a lui‑même effectué. Lorsqu’il a fait l’essai du couteau, le soussigné a pu en déployer la lame sans effort dès la première tentative, juste en écartant la main du corps.

[71] Le Tribunal fait également remarquer, pour les mêmes motifs que ceux présentés à l’égard du couteau Kershaw ci‑dessus, que le fait que le couteau Cold Steel puisse être vendu dans les boutiques d’articles de sport au Canada n’est pas pertinent pour déterminer le classement tarifaire adéquat des marchandises dans le Tarif des douanes.

[72] Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que le couteau Cold Steel est adéquatement classé comme arme prohibée dans le numéro tarifaire 9898.00.00.

L’appelant n’a pas importé les marchandises dans le cadre de son emploi ou sous les ordres d’une force policière

[73] Dans ses observations, M. Ward ne suggère pas qu’il a importé les marchandises dans le cadre de son emploi d’agent de la GRC. Il a plutôt justifié sa familiarité avec les couteaux du type qu’il a tenté d’importer et sa connaissance de ce qui constitue vraiment, à son avis, une arme prohibée, par son emploi de longue date comme agent de la GRC. Ces considérations ne sont pas pertinentes lorsqu’il s’agit d’examiner l’applicabilité de l’exclusion prévue dans le numéro tarifaire 9898.00.00.

[74] Comme l’ASFC le soutient, le libellé du Tarif des douanes indique clairement que le fait qu’une personne soit employée comme agent de police n’autorise pas en soi cette personne à importer des armes prohibées. Pour que l’exclusion prévue dans le numéro tarifaire 9898.00.00 puisse s’appliquer lorsqu’une personne importe de telles marchandises, il faut que la personne agisse dans le cadre de « ses fonctions ou son emploi » ou sous « l’autorité d’une force policière ».

[75] Même si les éléments de preuve avancés par M. Ward indiquent clairement qu’il est agent de police, et qu’ils laissent penser qu’une fois qu’il aurait obtenu les marchandises en cause il les utiliserait comme outils dans le cadre de ses fonctions d’agent de police, ils n’établissent pas que M. Ward ait importé ces marchandises dans le cadre de son emploi ou sous l’autorité d’une force policière[72]. Les éléments de preuve produits par l’ASFC, selon lesquels M. Ward a tenté d’importer ces articles par la poste, à titre personnel et à son adresse résidentielle personnelle, appuient cette appréciation[73].

[76] Par conséquent, le Tribunal conclut que l’exclusion prévue dans le numéro tarifaire 9898.00.00 concernant l’importation d’armes prohibées par des particuliers dans le cadre de leur emploi ou sous l’autorité de forces de police ne s’applique pas.

DÉCISION

[77] Pour les motifs susmentionnés, l’appel est rejeté. Les deux couteaux en cause sont adéquatement classés comme armes prohibées dans le numéro tarifaire 9898.00.00.

Frédéric Seppey

Frédéric Seppey
Membre présidant

 



[1] Pièce AP-2020-010-29A à la p. 8.

[2] Pièce AP-2020-010-31 à la p. 31.

[3] L.R.C. (1985), ch. C-46.

[4] L.C. 1997, ch. 36.

[5] L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.) [Loi].

[6] Pièce AP-2020-010-31 aux p. 33–38.

[7] Pièce AP-2020-010-01.

[8] Il semble y avoir un désaccord quant au modèle de couteau Kershaw, car l’appelant et l’intimé ont fait référence à des modèles différents dans leurs observations. M. Ward a fait référence au couteau pliant Kershaw Cryo II et l’ASFC a fait référence au couteau pliant Kershaw Zing - Stainless. Comme il est expliqué ci-dessous, le Tribunal a eu l’occasion d’examiner le véritable couteau en cause. Après coup, le Tribunal est d’avis que le couteau est un couteau pliant Kershaw Zing - Stainless. Quoi qu’il en soit, le nom du modèle de couteau n’est pas pertinent aux fins de l’examen du Tribunal de la question de savoir si le couteau doit être classé comme une arme prohibée aux termes du paragraphe 84(1) du Code criminel.

[9] Pièce AP-2020-010-29A à la p. 1.

[10] Pièce AP-2020-010-29A. Dans ses observations, M. Ward fait référence à la décision R. v. Archer, (1983) 1983 CanLII 3510 (ON CA), 6 C.C.C. (3d) [en anglais seulement] [R. v. Archer]. Dans cette affaire, la Cour d’appel de l’Ontario a accueilli l’appel d’une condamnation pour possession d’une arme prohibée parce qu’il n’a pas été démontré que l’appelant avait une intention criminelle, laquelle consistait soit en une connaissance soit en une insouciance concernant les caractéristiques du couteau en question, pour constituer l’infraction, même si le couteau pouvait être une arme prohibée.

[11] Pièce AP-2020-010-29A aux p. 1–2.

[12] Pièce AP-2020-010-29A à la p. 3. Le Tribunal fait remarquer que dans l’affaire citée par M. Ward à l’appui de ce point de vue, R. v. Chan, 2005 ONCJ 360 (CanLii) [en anglais seulement], la Cour de justice de l’Ontario a conclu que le couteau en cause s’ouvrait par force centrifuge et correspondait donc à la définition d’une arme prohibée au paragraphe 84(1), mais qu’un article doit correspondre à la définition d’« arme » donnée à l’article 2 en plus de celle du paragraphe 84(1) pour qu’une condamnation pour possession d’une arme prohibée soit justifiée.

[13] Pièce AP-2020-010-29A aux p. 3–5.

[14] Pièce AP-2020-010-29A à la p. 2.

[15] Pièce AP-2020-010-29A aux p. 1–2.

[16] Pièce AP-2020-010-29A à la p. 2. Voir aussi la pièce AP-2020-010-29 à la p. 14 (protégée).

[17] Pièce AP-2020-010-29A à la p. 5.

[18] Pièce AP-2020-010-29A à la p. 6. Le Tribunal fait remarquer que M. Ward a également fourni une copie d’un diplôme attestant qu’il a terminé le programme de formation des cadets de la GRC, une lettre de son superviseur indiquant qu’il est policier et qu’il est autorisé au port de couteaux de poche pliants dans le cadre de ses fonctions, et un curriculum vitae. Pièce AP-2020-010-34A (protégée).

[19] Pièce AP-2020-010-29A aux p. 9–11.

[20] Pièce AP-2022-010-34 à la p. 9.

[21] Pièce AP-2020-010-29A aux p. 2, 9. M. Ward a présenté, comme élément de preuve, une copie d’un brevet pour un couteau pliant qui, selon lui, montre qu’il n’y a pas de ressort. Pièce AP-2020-010-29A à la p. 15.

[22] Pièce AP-2020-010-29A à la p. 12.

[23] Pièce AP-2020-010-29A à la p. 11.

[24] Pièce AP-2020-010-34 à la p. 9. M. Ward fait référence A. Cowan (22 août 2017), AP-2016-046 (TCCE) [A. Cowan]. Dans cette affaire, le Tribunal a conclu que la marchandise en cause ne répondait pas à la définition d’une arme prohibée telle que formulée dans le Code criminel parce que l’ergot se trouvait sur la lame et non à l’intérieur du manche ou sur le manche lui-même. Le Tribunal a ajouté que l’ergot n’était pas destiné à activer un mécanisme d’ouverture, mais plutôt à faciliter le déploiement contrôlé de la lame par l’utilisateur.

[25] Pièce AP-2020-010-34 à la p. 2.

[26] Pièce AP-2020-010-31 aux par. 25–26. Voir la pièce AP-2020-010-31A pour l’enregistrement vidéo de l’ouverture de la marchandise en cause par l’ASFC.

[27] Pièce AP-2020-010-31 au par. 27.

[28] Pièce AP-2020-010-31 au par. 26, référant à La Sagesse de l’Eau (13 novembre 2012), AP-2011-040 et AP-2011-041 (TCCE) [La Sagesse de l’Eau] au par. 51.

[29] Pièce AP-2020-010-31 au par. 28, référant à M. Abbas (29 novembre 2019), AP-2018-060 (TCCE) [M. Abbas] aux par. 28, 82. Voir aussi D. Liu (22 novembre 2019), AP-2018-058 (TCCE) aux par. 79–83.

[30] Pièce AP-2020-010-31 au par. 30, citant les causes suivantes : R.S. Abrams (21 décembre 2016), AP-2016-004 (TCCE) [R.S. Abrams] au par. 24; Digital Canoe Inc (22 août 2016), AP-2015-026 (TCCE) [Digital Canoe] aux par. 21–25.

[31] Pièce AP-2020-010-31 au par. 31, référant à J. Humber (13 décembre 2019), AP-2018-062 (TCCE) [J. Humber] au par. 63.

[32] Pièce AP-2020-010-31 au par. 36. Voir la pièce AP-2020-010-31A pour l’enregistrement vidéo de l’ouverture de la marchandise en cause par l’ASFC.

[34] Pièce AP-2020-010-31 au par. 38, citant T. LaPlante (16 novembre 2017), AP-2017-012 (TCCE) [T. LaPlante] aux par. 29–30.

[35] Pièce AP-2020-010-31 au par. 39, référant à J. Humber au par. 78.

[36] Pièce AP-2020-010-31 au par. 39.

[37] Pièce AP-2020-010-31 au par. 44, citant le Mémorandum D19-13-2 de l’ASFC intitulé « Importation et exportation d’armes à feu, d’armes et de dispositifs ».

[38] Pièce AP-2020-010-31 au par. 45.

[39] Pièce AP-2020-010-31 au par. 51.

[40] Par exemple, l’appelant demande au Tribunal de « changer le classement des deux couteaux saisis en tant qu’armes prohibées » [traduction] (pièce AP-2020-010-29A à la p. 7). De même, l’appelant affirme que la décision du Tribunal a été rendue dans une affaire qui « va à l’encontre des principes d’équité procédurale applicables ». (pièce AP-2020-010-34 à la p. 1).

[41] Paragraphe 17(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.).

[42] R. c. S. (R.D.), [1997] 3 R.C.S. 484 aux par. 116–117; Lee c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 617 au par. 14; Sanofi-Aventis Canada Inc. c. Novopharm Limited, 2006 CF 1473 au par. 24.

[43] Bande indienne Wewaykum c. Canada, 2003 CSC 45 [Wewaykum] au par. 60.

[44] Wewaykum au par. 58. Also see R. v. S. (R.D.) au par. 106.

[45] Agnaou c. Canada (Procureur général), 2014 CF 850 au par. 51.

[46] Gulia c. Canada (Procureur général), 2021 CAF 106 au par. 23.

[47] L.C. 1997, ch. 36, annexe.

[48] Paragraphe 136(2) du Tarif des douanes.

[49] Digital Canoe au par. 15; Danson Décor Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (6 septembre 2019) AP-2018-043 (TCCE) [Danson Décor] aux par. 82–93.

[50] Danson Décor aux par. 82–93.

[51] J. Humber au par. 45.

[52] La compétence du Tribunal est restreinte par le paragraphe 67(1) de la Loi, lequel prévoit que toute personne qui s’estime lésée par une décision du président de l’ASFC rendue en vertu des articles 60 ou 61 peut en interjeter appel devant le Tribunal. En l’espèce, la décision faisant l’objet de l’appel porte sur le classement tarifaire des marchandises en cause.

[53] L’alinéa b), où l’on définit une « arme prohibée » comme « toute arme — qui n’est pas une arme à feu — désignée comme telle par règlement », n’est pas pertinent dans le cadre du présent appel.

[54] Pièce AP-2020-010-34 à la p. 11.

[55] Par exemple, le numéro tarifaire 9898.00.00 prévoit, comme il est indiqué dans la section du cadre législatif ci-dessus, que le terme « fonctionnaire public » a le même sens qu’au paragraphe 117.07(2) du Code criminel. Il prévoit également que le terme « arme » s’entend au sens de l’article 2 du Code criminel.

[56] Voir, par exemple, J. Humber au par. 51, Digital Canoe au par. 16; Knife & Key Corner Ltd. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (14 septembre 2015), AP-2014-030 (TCCE) [Knife & Key] au par. 20.

[57] M. Abbas au par. 54, citant T. LaPlante aux par. 25–28.

[58] Ibid. au par. 53, citant La Sagesse de l’Eau aux par. 46–48.

[59] Ibid. au par. 55, citant La Sagesse de l’Eau aux par. 41–42; Knife & Key au par. 30.

[60] M. Abbas au par. 82.

[61] Pièce AP-2020-010-31A.

[62] Pièce AP-2020-010-31 à la p. 21.

[63] La définition pertinente d’une arme prohibée aux termes du paragraphe 84(1) du Code criminel est la suivante : « a) Couteau dont la lame s’ouvre automatiquement par gravité ou force centrifuge ou par pression manuelle sur un bouton, un ressort ou autre dispositif » [nos italiques].

[64] R.S. Abrams aux par. 22, 24; Digital Canoe aux par. 19–20; Knife & Key au par. 33.

[65] A. Cowan au par. 32.

[66] M. Abbas au par. 56.

[67] J. Humber au par. 83, citant Digital Canoe au par. 15 et Canada (Agence des services frontaliers) c. Miner, 2012 CAF 81 aux par. 7, 21.

[68] J. Humber au par. 56, citant en exemples, Wayne Ericksen (3 janvier 2002), AP-2000-059 (TCCE) et R. Christie (15 janvier 2014), AP-2012-072 (TCCE) au par. 59.

[69] T. Laplante au par. 31, citant Digital Canoe aux par. 13–15.

[70] Pièce AP-2020-010-31A.

[71] Pièce AP-2020-010-31 à la p. 26.

[72] Pièce AP-2020-010-034 aux p. 19–23; pièce AP-2020-010-34A (protégée).

[73] Pièce AP-2020-010-31 à la p. 31.

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