Appels en matière de douanes et d’accise

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Contenu de la décision

Appel AP-2021-039

Georgian Bay Leisure Distributors Ltd.

c.

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Décision et motifs rendus
le mercredi 7 décembre 2022

 



EU ÉGARD À un appel entendu le 8 septembre 2022 en vertu de l’article 67 de la Loi sur les douanes;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes, le 31 janvier 2022, concernant une demande de révision.

ENTRE

GEORGIAN BAY LEISURE DISTRIBUTORS LTD.

Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

Intimé

DÉCISION

L’appel est accueilli.

Eric Wildhaber

Eric Wildhaber
Membre présidant


 

Lieu de l’audience :

Par vidéoconférence

Date de l’audience :

le 8 septembre 2022

Membre du Tribunal :

Eric Wildhaber, membre présidant

Personnel du Secrétariat du Tribunal :

Michael Carfagnini, conseiller juridique
Jennifer Mulligan, parajuriste principale
Matthew Riopelle, agent du greffe

PARTICIPANTS :

Appelante

Conseillers/représentants

Georgian Bay Leisure Distributors Ltd.

Michael Sherbo
Andrew Simkins

Intimé

Conseillère/représentante

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Sarah Chênevert-Beaudoin

TÉMOINS :

Garry Trotter
Propriétaire/
président
Georgian Bay Leisure Distributors Ltd.
Barrie (Ontario)
L4N 6H4

 

 

 

Veuillez adresser toutes les communications à :

La greffière adjointe
Téléphone : 613-993-3595
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

APERÇU

[1] Le présent appel est interjeté par Georgian Bay Leisure Distributors Ltd. (Georgian Bay) aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes (la Loi)[1] relativement à une révision effectuée par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC) le 3 mars 2022.

[2] Georgian Bay soutient que les marchandises en cause doivent être classées dans le numéro tarifaire 8479.89.90 à titre d’« autres machines et appareils mécaniques ayant une fonction propre, non dénommés ni compris ailleurs dans le [chapitre 84] ».

[3] L’ASFC fait valoir que les marchandises en cause sont visées par le numéro tarifaire 7321.19.90, à savoir « [p]oêles, chaudières à foyer, cuisinières (y compris ceux pouvant être utilisés accessoirement pour le chauffage central), barbecues, braseros, réchauds à gaz, chauffe-plats et appareils non électriques similaires, à usage domestique, ainsi que leurs parties, en fonte, fer ou acier » [nos italiques].

[4] La question en litige en l’espèce se résume à savoir si les marchandises en cause sont « électriques » ou « non électriques ». À la lumière de l’analyse qui suit, le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont des appareils « électriques » à usage domestique et qu’elles ne peuvent donc pas être classées dans le numéro tarifaire proposé par l’ASFC. Si elles avaient pesé au plus 20 kilogrammes (kg), les marchandises en cause auraient été classées dans la position 85.09. Toutefois, comme elles pèsent plus de 20 kg, elles sont classées dans le numéro tarifaire 8479.89.90, comme le propose Georgian Bay. Par conséquent, l’appel est accueilli.

MARCHANDISE EN CAUSE

[5] Les marchandises en cause sont deux modèles de grils en acier de type barbecue : le Traeger Pellet Grill Pro Series 22 (no de modèle TFB57PZBO – le « gril Traeger ») et le Timberline 850 (no de modèle TFB85WLE – le « gril Timberline »).

HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

[6] Le 9 septembre 2020, Georgian Bay a demandé, en vertu de l’article 43.1 de la Loi sur les douanes[2], qu’une décision anticipée soit rendue à l’égard des marchandises en cause.

[7] Le 1er décembre 2020, l’ASFC a accédé à cette demande et a conclu que les marchandises en cause devaient être classées dans le numéro tarifaire 8516.60.90[3].

[8] Le 19 décembre 2020, Georgian Bay a demandé la révision de la décision anticipée rendue par l’ASFC le 1er décembre 2020, au motif que les marchandises en cause ne sont pas électrothermiques étant donné que ce sont les granules de bois, et non l’électricité, qui constituent la source de chaleur pour la cuisson. Georgian Bay a demandé que les marchandises en cause soient classées dans le numéro tarifaire 8479.89.90[4].

[9] Le 31 janvier 2022, l’ASFC a révisé la décision anticipée rendue le 1er décembre 2020 et a classé les marchandises en cause dans le numéro tarifaire 7321.19.90[5].

[10] Le 2 mars 2022, Georgian Bay a interjeté le présent appel en vertu du paragraphe 67(1) de la Loi[6]. Elle a déposé son mémoire le 27 avril 2022[7].

[11] L’ASFC a déposé son mémoire le 11 juillet 2022[8].

[12] Le Tribunal a tenu une audience par vidéoconférence le 8 septembre 2022. Gary Trotter, propriétaire et président de Georgian Bay, a témoigné pour le compte de la société. L’ASFC n’a appelé aucun témoin.

Question de procédure

[13] À l’audience, l’avocat de Georgian Bay s’est opposé à certains arguments avancés par l’ASFC qui n’avaient pas été soulevés dans son mémoire[9]. En fait, le mémoire de l’ASFC ne traitait que des raisons pour lesquelles celle-ci croyait que les marchandises en cause devaient être classées dans la position 73.21. La seule remarque concernant la position 84.79 était que, puisque la position 84.79 est de nature résiduelle, le Tribunal doit d’abord déterminer si les marchandises en cause peuvent être classées dans la position 73.21[10]. L’ASFC a indiqué qu’elle adoptait la même position dans le présent appel que celle qu’elle avait adoptée dans l’affaire Rona Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada[11], à savoir que les marchandises en cause devraient être classées dans la position 73.21, et non la position 84.79 comme le soutient Georgian Bay[12]. Hormis ce qui précède, aucun argument n’a été formulé dans le mémoire de l’ASFC pour contredire la position que Georgian Bay a exposée en détail dans son mémoire, à savoir que les marchandises en cause devraient être classées dans la position 84.79.

[14] À l’audience, l’ASFC a admis qu’elle soulevait de nouveaux arguments qui n’étaient pas inclus dans son mémoire. Elle a toutefois soutenu que ces arguments étaient fondés sur les similitudes qui existeraient entre le présent appel et la décision du Tribunal dans l’affaire Canac Marquis Grenier Ltée c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada[13], décision qu’elle a mentionnée dans son mémoire, mais dans le contexte d’autres arguments[14]. Le Tribunal a fait remarquer qu’il s’attendait à ce que les parties présentent leurs meilleurs arguments dans leurs actes de procédure, de façon à ne pas prendre la partie adverse par surprise à un stade avancé de la procédure. Il a toutefois indiqué que Georgian Bay aurait la possibilité, au besoin, de répondre par écrit, à une date ultérieure, aux nouveaux arguments présentés par l’ASFC à l’audience[15].

[15] Plus tard au cours de l’audience, Georgian Bay a indiqué qu’elle renonçait à la possibilité de répondre aux nouveaux arguments soulevés tardivement par l’ASFC[16].

[16] Le 14 septembre 2022, le Tribunal a écrit à Georgian Bay pour lui demander d’identifier le précédent auquel son avocat avait fait référence de façon générale à l’audience pour justifier son opposition, mais dont il n’arrivait pas à se souvenir, sur le coup, de l’intitulé ou de la référence[17]. Le même jour, Georgian Bay a répondu au Tribunal et a dit qu’il s’agissait de la décision Andritz Hydro Canada Inc. et VA Tech Hydro Canada Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada[18]. Le 15 septembre 2022, le Tribunal a demandé à l’ASFC de présenter des observations, le cas échéant, sur la décision Andritz et a fait remarquer que la décision du Tribunal avait été confirmée par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Andritz Hydro Canada Inc. c. Canada (Agence des services frontaliers), lequel portait sur une question liée à celle dans le cadre de laquelle Georgian Bay invoque la décision dans la présente instance[19]. Le 20 septembre 2022, l’ASFC a écrit au Tribunal pour indiquer qu’elle n’avait pas d’autres commentaires à formuler[20]. Le dossier a été clos ce jour-là.

[17] Le Tribunal fait remarquer que l’ASFC n’a pas non plus examiné les arguments avancés par Georgian Bay à l’appui du classement des marchandises en cause dans la position 84.79 lorsqu’elle a rendu sa décision du 31 janvier 2022, alors que Georgian Bay avait présenté des arguments détaillés pour faire valoir, dans sa demande du 19 décembre 2021, que les marchandises en cause devraient être classées dans la position 84.79. La décision de l’ASFC du 31 janvier 2022, à l’instar de son mémoire d’appel, ne portait que sur les raisons pour lesquelles elle avait déterminé que les marchandises devaient être classées dans la position 73.21. Le Tribunal se demande pourquoi l’ASFC a attendu jusqu’à l’audience devant lui pour présenter ses arguments concernant le classement dans la position 84.79. Quoi qu’il en soit, le Tribunal ne croit pas qu’il soit nécessaire de radier du dossier les arguments que l’ASFC a formulés pour la première fois à l’audience (comme le Tribunal avait décidé de le faire dans l’affaire Andritz; la décision du Tribunal sur cette question a été confirmée par l’arrêt Andritz de la Cour d’appel fédérale), parce qu’ils étaient en fin de compte assez courts et, de toute façon, n’ont pas convaincu le Tribunal.

[18] Le Tribunal rappelle aux avocats qu’ils doivent inclure dans leurs mémoires à tout le moins les grandes lignes de leur argumentation pour des raisons évidentes liées à l’équité procédurale et au bon déroulement des procédures du Tribunal, parce que les avocats et les représentants qui comparaissent devant lui sont des officiers de justice et parce que l’objectif ultime du Tribunal est d’arriver au classement tarifaire approprié des marchandises visées par un appel. Par conséquent, le Tribunal compte sur les parties pour qu’elles présentent des arguments à l’appui et à l’encontre de toutes les options de classement tarifaire concurrentes, ce qu’elles doivent faire en temps opportun et de manière ordonnée, comme le Tribunal et la Cour d’appel fédérale l’ont reconnu dans leur décision respective dans l’affaire Andritz.

CADRE LÉGISLATIF

[19] La nomenclature tarifaire est énoncée en détail dans l’annexe du Tarif des douanes, qui est conforme au Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (le Système harmonisé) élaboré par l’Organisation mondiale des douanes (OMD)[21]. L’annexe est divisée en sections et en chapitres et chaque chapitre de l’annexe contient une liste de marchandises classées dans des positions, sous-positions et numéros tarifaires.

[20] Le paragraphe 10(1) du Tarif des douanes prévoit que le classement des marchandises importées est effectué, sauf indication contraire, en conformité avec les Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé[22] (Règles générales) et les Règles canadiennes[23] énoncées à l’annexe.

[21] Les Règles générales sont composées de six règles. Le classement commence par la règle 1, qui prévoit que le classement doit être déterminé d’après les termes des positions et des notes de section ou de chapitre et, lorsqu’elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et notes, d’après les autres règles.

[22] L’article 11 du Tarif des douanes prévoit que, pour l’interprétation des positions et des sous‑positions, le Tribunal doit tenir compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[24] (Avis de classement) et des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[25] (Notes explicatives), publiés par l’OMD. Bien que les Avis de classement et les Notes explicatives n’aient pas force exécutoire, le Tribunal les applique à moins qu’il n’existe un motif valable de ne pas le faire[26].

[23] Par conséquent, le Tribunal doit d’abord déterminer si les marchandises en cause peuvent être classées conformément à la règle 1 des Règles générales, selon les termes de la position et les notes de section ou de chapitre pertinentes du Tarif des douanes, compte tenu des notes explicatives et des avis de classement pertinents. C’est seulement lorsque la Règle 1 ne permet pas d’arrêter de manière concluante le classement d’une marchandise qu’il faudra recourir aux autres Règles générales[27].

[24] Après que le Tribunal a utilisé cette méthode pour déterminer la position dans laquelle les marchandises en cause doivent être classées, l’étape suivante consiste à utiliser une méthode similaire pour déterminer la sous-position appropriée[28]. La dernière étape consiste à déterminer le numéro tarifaire approprié[29].

[25] La nomenclature tarifaire pertinente du numéro tarifaire 7321.19.90 est la suivante :

Section XV

MÉTAUX COMMUNS ET OUVRAGES EN CES MÉTAUX

Chapitre 73

Ouvrages en fonte, fer ou acier

73.21 Poêles, chaudières à foyer, cuisinières (y compris ceux pouvant être utilisés accessoirement pour le chauffage central), barbecues, braseros, réchauds à gaz, chauffe-plats et appareils non électriques similaires, à usage domestique, ainsi que leurs parties, en fonte, fer ou acier.

[…]

7321.19 - -Autres, y compris les appareils à combustibles solides

[…]

7321.19.90 - - -Autres

[26] La nomenclature tarifaire pertinente du numéro tarifaire 8479.89.90 est la suivante :

Section XVI

MACHINES ET APPAREILS, MATÉRIEL ÉLECTRIQUE ET LEURS PARTIES; APPAREILS D’ENREGISTREMENT OU DE REPRODUCTION DU SON, APPAREILS D’ENREGISTREMENT OU DE REPRODUCTION DES IMAGES ET DU SON EN TÉLÉVISION, ET PARTIES ET ACCESSOIRES DE CES APPAREILS

Chapitre 84

RÉACTEURS NUCLÉAIRES, CHAUDIÈRES, MACHINES, APPAREILS ET ENGINS MÉCANIQUES; PARTIES DE CES MACHINES OU APPAREILS

[…]

84.79 Machines et appareils mécaniques ayant une fonction propre, non dénommés ni compris ailleurs dans le présent Chapitre.

[…]

8479.89.90 - - -Autres

[27] La nomenclature tarifaire pertinente de la position 85.09 est la suivante :

Chapitre 85

MACHINES, APPAREILS ET MATÉRIELS ÉLECTRIQUES ET LEURS PARTIES; APPAREILS D’ENREGISTREMENT OU DE REPRODUCTION DU SON, APPAREILS D’ENREGISTREMENT OU DE REPRODUCTION DES IMAGES ET DU SON EN TÉLÉVISION, ET PARTIES ET ACCESSOIRES DE CES APPAREILS

[…]

85.09 Appareils électromécaniques à moteur électrique incorporé, à usage domestique, autres que les aspirateurs du no 85.08.

[…]

8509.80 -Autres appareils

8509.80.10 - - -Vaporisateurs aux ultrasons

8509.80.90 - - -Autres

[28] La nomenclature tarifaire pertinente de la position 85.16 jusqu’au numéro tarifaire 8516.60.90 est la suivante :

85.16 Chauffe-eau et thermoplongeurs électriques; appareils électriques pour le chauffage des locaux, du sol ou pour usages similaires; appareils électrothermiques pour la coiffure (sèche-cheveux, appareils à friser, chauffe-fers à friser, par exemple) ou pour sécher les mains; fers à repasser électriques; autres appareils électrothermiques pour usages domestiques; résistances chauffantes, autres que celles du no 85.45.

[…]

8516.60 -Autres fours; cuisinières, réchauds (y compris les tables de cuisson), grils et rôtissoires

8516.60.10 - - -Fours à pain;

Barbecues d’intérieur sans fumée;

Cuiseurs à vapeur pour le riz

[…]

8516.60.20 - - --Fours et cuisinières

[…]

8516.60.90 - - -Autres

[29] Les notes de section, les notes de chapitre et les notes explicatives pertinentes se trouvent à l’annexe I.

ÉLÉMENTS DE PREUVE

[30] Georgian Bay a présenté au Tribunal une vidéo qui expliquait le fonctionnement du gril Timberline. La narration complète de la vidéo est transcrite ci-dessous, parce qu’elle permet de comprendre le fonctionnement des marchandises en cause :

Le Timberline 850, ou comment je me suis mis au Traeger pendant mes vacances d’été. Voici le Traeger dans son habitat naturel [la vidéo montre le produit à l’extérieur, sur une terrasse dans la cour arrière d’une maison].

Principes de base – Comment ça fonctionne? Fournir l’alimentation [des images animées du gril Traeger et du symbole d’un câble d’alimentation apparaissent sur la vidéo pour indiquer que le gril doit être branché dans une prise; l’animation continue avec les descriptions narratives suivantes superposées aux images].

Le fonctionnement du Traeger est commandé par son « cerveau électronique ». Il doit donc être branché dans une prise murale standard. Le cerveau commande une tarière à entraînement électrique. La tarière transporte les granules de bois de la trémie à la chambre à combustion. Le cerveau commande également un ventilateur électrique qui fournit de l’air pulsé à la chambre à combustion. La « tige chaude » est un élément de chauffage électrique qui enflamme les granules de bois pendant le cycle de démarrage; elle est elle aussi commandée par le cerveau Traeger. Le cerveau surveille les données d’un capteur de température et s’ajuste en conséquence pour atteindre la température cible.

Fourniture des granules. Remplissez la trémie de granules de bois de qualité alimentaire. Le cerveau contrôle l’expérience de cuisson dans son entièreté, du démarrage à l’arrêt [l’image montre le câble d’alimentation qui active le cerveau, et le lien de commande avec la tarière, le ventilateur, la tige chaude et le capteur de température]. Voyons maintenant ça en action dans le monde réel!

[La vidéo retourne à des scènes d’action dans le monde réel.] Branchez-le [une personne branche le produit dans une prise extérieure, puis soulève le couvercle du gril pour exposer l’intérieur du produit avec les mots suivants qui apparaissent de façon superposée].

Voici la chambre à combustion de ce Traeger bien utilisé. Nous avons retiré certaines pièces à l’intérieur afin que vous puissiez voir. [L’image change et effectue un zoom sur ce qui s’agit de toute évidence d’une nouvelle chambre à combustion non utilisée.] L’extrémité de la tarière est visible dans cette nouvelle chambre à combustion. L’allumeur à « tige chaude » se trouve au bas de la chambre à combustion. [La vidéo retourne à une scène extérieure réelle où une personne fait basculer l’interrupteur ON/OFF à la position ON.]

Le bouton d’alimentation principal se trouve à l’arrière de la trémie. [On voit le doigt de l’opérateur enfoncer le bouton d’alimentation du cerveau, puis effectuer divers réglages.] Activez le cerveau. [Le cerveau est en marche.] Faites tourner la roulette à la température souhaitée [elle est réglée à 275 degrés Fahrenheit dans la vidéo]. Enfoncez la roulette pour régler la température, la verrouillant dans la mémoire du cerveau. Enfoncez le bouton IGNITE pour allumer le gril. [L’écran du cerveau affiche : « Igniting… ».] Le cerveau actionne le moteur de la tarière électrique [la scène montre le moteur, puis change pour montrer la main de l’opérateur ouvrant la trémie; les scènes ou les actions mécaniques sont décrites ci-après]. Un coup d’œil à l’intérieur de la trémie vide révèle la tarière tournant lentement. La tarière transporte les granules de la trémie à la chambre à combustion. Le cerveau active la tige chaude et actionne le ventilateur. Après quelques instants, les granules commencent à dégager de la fumée. [Le cerveau apparaît de nouveau, affichant maintenant 150 degrés Fahrenheit (et augmentant) et la mention « … Pre-heating… ».] La température commence à grimper vers la température cible. [La scène change et retourne à la chambre à combustion.

Le cerveau commande la tarière et le ventilateur pour créer un environnement semblable à une forge à l’intérieur de la chambre à combustion. [L’image effectue un zoom arrière pour montrer le baril du produit avec la protection thermique maintenant placée au-dessus de la chambre à combustion et le plateau d’égouttement placé au-dessus de la protection thermique, puis l’opérateur qui pose la grille en place.] La protection thermique est normalement en place. Il en va de même pour le plateau d’égouttement et la grille de cuisson. [La caméra se porte de nouveau sur le cerveau, dont l’écran affiche maintenant une température de 211 degrés Fahrenheit; souvenez-vous que la température était réglée à 275 degrés Fahrenheit.] Nous y sommes presque!

Le cerveau continue d’envoyer des granules et de l’air vers la chambre à combustion. Le capteur de température est surveillé de façon constante. Une fois la température cible atteinte, l’alimentation en granules et en air est ajustée pour conserver la température pendant la cuisson.

Une fois la cuisson terminée, appuyez sur le bouton pour enclencher le cycle d’arrêt. Le cerveau immobilise la tarière, mais laisse le ventilateur électrique en marche. Tout granule résiduel dans la chambre à combustion est consumé par l’air pulsé du ventilateur qui entretient le feu, laissant la chambre à combustion pratiquement vide. Une fois le cycle d’arrêt terminé, le cerveau s’éteint de lui-même. [La caméra montre l’opérateur faisant basculer l’interrupteur à l’arrière de la trémie à la position OFF.] L’alimentation est coupée et vous avez terminé!

Pannes de courant – Vais-je pouvoir continuer d’utiliser mon Traeger? Que se passe-t-il si l’alimentation est interrompue pendant que j’utilise mon Traeger? Simulons ce qui se passe en le débranchant. [L’opérateur coupe l’alimentation.] Puisque votre Traeger dépend de son cerveau, une perte d’alimentation entraînera un arrêt complet. Tout granule dans la chambre à combustion continuera de brûler, mais ce ne sera pas suffisant pour poursuivre la cuisson. La tarière s’arrêtera. Le ventilateur s’arrêtera. Une fois l’alimentation restaurée, vous devrez recommencer. [Fin de la vidéo].[30]

[Traduction]

[31] Il ne fait aucun doute que le gril Traeger fonctionne de la même manière que le gril Timberline et, par conséquent, que la vidéo de démonstration explique le fonctionnement des deux grils.

[32] Gary Trotter a témoigné que c’est sa société qui a développé la présence de Traeger au Canada, à compter de 2005, en s’occupant des ventes, de la commercialisation, du développement d’un réseau de distribution et de l’entretien. Elle fournit également le soutien technique et le soutien couvert par la garantie, des services de réparation sur place et des démonstrations, entre autres[31]. Le témoignage de Gary Trotter sur le fonctionnement des marchandises en cause concordait avec la description faite dans la vidéo au dossier. Voici les extraits importants de son témoignage :

[…] c’est un four extérieur sophistiqué […] Il suffit de marcher jusqu’au gril et de l’allumer[…] J’utilise le contrôleur électrique magique pour contrôler la chaleur. Donc, c’est comme un four extérieur[32].

[…]

[…] à mesure que les granules sont acheminés dans[…] ce que j’appelle la boîte de conserve, l’air du ventilateur va[…] maintenir le feu. Il faut donc que l’air touche les granules et le feu pour que la flamme soit assez chaude pour maintenir la température[33].

[…]

Le feu se trouve en fait dans la chambre à combustion, ou la boîte de conserve, et les granules sont acheminés de [la] trémie à [la] boîte de conserve, qui est perforée pour laisser l’air circuler, et le ventilateur envoie de l’air dans [la] boîte de conserve, vers les granules[…] [La boîte de conserve ne doit] jamais être surchargée de granules parce qu’il est impossible[…] vous ne voulez pas que le feu s’éteigne. Donc la tarière transporte la quantité requise de granules [vers la boîte de conserve] pour maintenir le feu et atteindre la température désirée. [Le contrôleur électrique], c’est là où la magie opère. Il ressemble à un ordinateur. Il détecte la température du baril du barbecue et ordonne ensuite aux composants de faire ce qu’ils sont censés faire. Il dirige l’air du ventilateur. Il allume et éteint la tarière[34].

[…]

[…] [S]i ce ventilateur s’arrête, la chaleur est perdue; il n’y a tout simplement pas assez d’air pour la chambre à combustion. [Le ventilateur] fait circuler l’air à travers la chambre du gril afin d’obtenir une chaleur constante, comme par convection[35].

[Traduction]

 

ANALYSE

[33] La question en litige en l’espèce se résume à savoir si les marchandises en cause sont « électriques » ou « non électriques », parce que la position 73.21 (proposée par l’ASFC) s’applique uniquement aux appareils « non électriques » à usage domestique[36].

[34] Pour les motifs qui suivent, le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont des marchandises électriques. Elles ne sont donc pas « non électriques », comme le prévoit la position 73.21, puisqu’elles doivent rester raccordées à une prise de courant à usage domestique pour fonctionner. Les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 8479.89.90 à titre d’« autres machines et appareils mécaniques ayant une fonction propre, non dénommés ni compris ailleurs dans le [chapitre 84] ».

Conclusions de fait

[35] Le Tribunal conclut que le témoignage de Gary Trotter était entièrement franc et crédible. Fait important, les éléments de preuve fournis par Georgian Bay sont incontestés, parce que l’ASFC n’a appelé aucun témoin pour contester les faits au dossier.

[36] Les éléments de preuve indiquent que les marchandises en cause nécessitent beaucoup moins d’effort ou d’attention que les barbecues traditionnels au charbon de bois ou au propane. Gary Trotter a témoigné que l’intervention humaine est tellement minime que certains traditionalistes semblent s’opposer à ce qu’elles soient qualifiées de barbecues. Il a entre autres mentionné que ses produits ne sont pas admissibles dans certains concours de barbecue parce qu’ils sont « électriques et […] trop faciles à utiliser[37] ». Comme il l’a indiqué, on peut « le régler et le laisser aller[38] » [traduction]. Les gens utilisent ce type d’appareil, essentiellement sans surveillance, pour griller ou fumer à basse température pendant plusieurs heures, voire « toute la nuit » [traduction].

[37] La température est surveillée et maintenue de façon électronique par le transport mécanique des granules de bois à la chambre à combustion par l’intermédiaire de la tarière et la diffusion de chaleur par convection au moyen d’un ventilateur. Un allumeur à tige chaude électrique fonctionne pendant les premières minutes d’utilisation pour allumer le combustible de granules de bois dans la chambre à combustion, puis s’éteint, après quoi la chambre à combustion continue de fournir de la chaleur en brûlant le combustible des granules de bois transportés par la tarière, tant que suffisamment de granules de bois ont été chargés dans la trémie de granules (réservoir de stockage). Le ventilateur fait circuler la chaleur et la fumée de la chambre à combustion à la chambre du gril pour cuire la nourriture. Le contrôleur électronique, essentiellement un ordinateur, surveille en permanence la température à l’intérieur du gril à l’aide d’une sonde de type « détecteur de température à résistance » et ajuste le fonctionnement de la tarière et du ventilateur au besoin pour maintenir la température désirée. La tarière et le ventilateur sont tous deux alimentés par des moteurs électriques[39]. Cet appareil assure un grillage automatique mécanisé à commande électrique contrôlé par ordinateur, ce qui implique délibérément une intervention humaine minimale. Les marchandises en cause ne fonctionnent pas sans électricité.

[38] Les parties s’entendent sur le fait que les marchandises en cause sont des appareils à usage domestique faits essentiellement d’acier[40]. Elles doivent être utilisées à l’extérieur et doivent être branchées dans une prise électrique domestique standard de 110 v[41].

[39] Les marchandises en cause sont commandées par un contrôleur informatique/électronique (appelé le « cerveau » dans la vidéo de démonstration), qui coordonne : 1) l’alimentation en granules de bois par la tarière mécanique, de la trémie de stockage de granules vers la chambre à combustion, un foyer de la taille d’une boîte de conserve; 2) l’activation de la « tige chaude » pour l’allumage initial des premières granules qui ont été transportés dans la chambre à combustion par la tarière; après le démarrage, la tige chaude s’éteint et le feu reste allumé par la suite grâce à l’arrivée continue de granules supplémentaires transportés par la tarière pour alimenter le feu, selon les besoins déterminés par le cerveau; et (3) le ventilateur à tirage induit qui transporte la chaleur et la fumée générées par le matériau brûlé dans toute la chambre de cuisson.

[40] La tarière est une vis continue logée dans un cylindre qui relie la trémie et la chambre à combustion. Les granules sont attirés de la trémie à la tarière grâce à la gravité et aux filets de vis de la tarière. Les granules avancent ensuite sur toute la longueur de la tarière entre les filets de la vis et les parois du cylindre jusqu’à la chambre à combustion à mesure que la mèche de la tarière mécanique tourne.

[41] L’ordinateur coordonne la mécanique de l’appareil conformément aux instructions de « contrôle numérique du thermostat » [traduction] fournies par l’utilisateur quant aux réglages de température et de cuisson souhaités. Ces instructions commandées par ordinateur activent l’alimentation mécanique automatique des granules pour maintenir la température désirée tout au long du cycle de cuisson. Le démarrage et l’arrêt sont effectués par l’ordinateur, qui fonctionne également par Wi-Fi pour la télécommande au moyen d’un appareil mobile.

[42] La température programmée est maintenue grâce au débit d’alimentation automatisé variable des granules, où le mouvement de la tarière augmente ou diminue délibérément par l’entremise de la commande informatique tout au long du cycle de cuisson souhaité, selon les relevés d’une sonde de type « détecteur de température à résistance » (ou thermostat).

[43] À l’intérieur de la chambre de cuisson, la nourriture est placée sur une grille, en dessous de laquelle se trouve un espace vide, puis un plateau d’égouttage en acier (ou bac de vidange de graisse). La chambre à combustion est située à quelques centimètres sous le plateau d’égouttage et recouverte d’un « écran thermique ». La chambre à combustion n’est ni visible ni facilement accessible pendant que le produit est utilisé parce qu’elle est protégée et en effet cachée par l’écran thermique (juste au-dessus de la chambre à combustion) et le plateau d’égouttage (au-dessus de l’écran thermique, mais au-dessous de la grille de cuisson). Il est évident qu’il n’y a aucune façon d’alimenter manuellement la chambre à combustion avec les granules de bois à tout moment pendant le cycle de cuisson.

[44] Le plateau d’égouttage sert de « point secondaire de distribution de chaleur » [traduction] (l’écran thermique et le ventilateur à tirage induit sont d’autres mécanismes ou points de distribution de chaleur) en « canalisant la chaleur vers l’avant et l’arrière de la chambre de cuisson[42] » [traduction]. Autrement dit, la cuisson se fait par convection indirecte par l’intermédiaire du ventilateur (par opposition à la chaleur directe qui se produit, par exemple, lorsque la nourriture est placée sur un feu ouvert).

[45] Fait important, les marchandises cessent de fonctionner si l’alimentation électrique est interrompue, par exemple en cas de panne d’électricité. Sans électricité, l’ordinateur cesse de fonctionner et la tarière cesse l’alimentation en granules, de sorte que le feu s’éteint à mesure que les granules sont consommés et qu’aucune nouvelle n’arrive pour l’alimenter. Le ventilateur et le thermostat arrêtent aussi de fonctionner[43].

[46] C’est simple : les marchandises ne peuvent fonctionner sans électricité. Il n’y a pas de mode non électrique ou manuel pour utiliser ces marchandises. Gary Trotter a témoigné que son entreprise perd parfois des ventes pour cette raison, en particulier dans les zones où il y a régulièrement des pannes de courant intermittentes[44]. Des gens ont même parfois demandé le remboursement du coût de leur nourriture dans les cas où des aliments qui devaient cuire toute la nuit se sont gâtés après l’arrêt du barbecue à cause d’une panne d’électricité[45]. Gary Trotter a témoigné qu’un problème électrique avec un composant avait déjà entraîné un rappel de produit. Les produits ont dû être testés pour assurer la sécurité électrique avant la reprise des ventes[46].

[47] Les marchandises produisent de la chaleur, mais cette chaleur provient de la combustion des granules de bois, pas de l’électricité. Ainsi, les marchandises ne sont pas « électrothermiques ». Les marchandises en cause contiennent diverses pièces mécaniques mobiles alimentées par l’électricité et, en effet, dans leur ensemble, constituent une machine à cuisson. Par conséquent, les marchandises en cause sont correctement décrites comme étant « électromécaniques ».

Les marchandises en cause ne sont pas classées dans la position 73.21 parce qu’elles sont électriques

[48] Le Tribunal n’a pas été convaincu par les arguments de l’ASFC concernant la décision Canac Marquis[47] et il est d’avis que celle-ci n’est d’aucune utilité dans la présente instance. Les parties dans cette affaire s’entendaient sur le fait que les marchandises étaient non électriques, comme l’exige la position 73.21[48]. En l’espèce, toutefois, les conclusions du Tribunal selon lesquelles les marchandises en cause ont besoin d’électricité pour fonctionner font partie du fondement de sa décision. Dans la décision Canac Marquis, le Tribunal a également conclu que les chauffes-terrasses au gaz en cause ne pouvaient être classés comme des machines parce qu’ils n’avaient pas de pièces mobiles ni la capacité de transmettre de la force[49]. En l’espèce, le fonctionnement des marchandises en cause dépend de pièces mobiles, dont le ventilateur et, surtout, la tarière, qui fournit du combustible à la chambre à combustion. Même si les pièces mobiles ne créent pas de chaleur, elles sont essentielles au fonctionnement des marchandises, qui, les parties en conviennent, servent à cuire des aliments.

[49] Dans la décision Rona Inc., le Tribunal a refusé de conclure que le bouton d’allumage électrique d’un barbecue suffisait pour qualifier l’appareil d’« électrique ». Dans cette décision, le Tribunal a conclu que le bouton d’allumage électrique ne permettait pas de retirer le barbecue au propane en cause de la catégorie des appareils « non électriques », au sens de la position 73.21. L’interrupteur d’allumage était un composant mineur et non essentiel, parce qu’il n’était pas nécessaire pour allumer le barbecue et parce qu’une fois allumé, le barbecue n’avait pas besoin d’électricité pour continuer à fonctionner[50]. Une distinction claire peut être opérée en l’espèce, puisque les marchandises en cause ont besoin d’une alimentation électrique continue pour fonctionner, même une fois que les granules de bois dans la chambre à combustion sont allumés.

[50] En l’espèce, l’ASFC invoque la décision Rona Inc. pour affirmer qu’un barbecue doit être classé en fonction du matériau combustible qui fournit la source de chaleur pour la cuisson. Le Tribunal n’est pas d’accord. Selon lui, la décision Rona Inc. permet simplement d’affirmer qu’un petit allumeur alimenté en courant continu par des piles AA ne transforme pas un barbecue au propane en appareil électrique. La position 73.21 vise les appareils « non électriques » et exclut implicitement les appareils électriques. L’argument avancé par l’appelante dans l’affaire Rona Inc. demandait un effort d’imagination. Par conséquent, la valeur de précédent de la décision Rona Inc. est limitée.

[51] La seule question en litige dans le présent appel est de savoir si les marchandises en cause sont des appareils électriques.

[52] Certes, les marchandises en cause utilisent des granules de bois pour produire de la chaleur, mais cette chaleur est rendue efficace à des fins de cuisson uniquement grâce à la force de diffusion de la chaleur et à l’effet de convection de l’air fourni par le ventilateur mécanique actionné de façon électrique. Le ventilateur n’aurait rien à diffuser sans la chaleur du feu. Or, le feu dans la chambre à combustion ne peut être maintenu que s’il est alimenté en granules de bois par une tarière mécanique actionnée de façon électrique. La tarière est contrôlée par un ordinateur (alimenté lui aussi par l’électricité) qui prend des relevés à partir d’un capteur électronique de température[51]. Tous ces composants fonctionnent en tandem mécanique programmé électroniquement, mais seulement si la fiche à trois broches des marchandises en cause est branchée à une prise de courant à disjoncteur différentiel à usage domestique, qui assure une alimentation continue en courant alternatif de 110 v. Les éléments de preuve non contestés montrent que, si l’alimentation en électricité est interrompue pour quelque raison que ce soit, les marchandises en cause deviennent totalement inutiles.

[53] Par conséquent, en termes très simples, les marchandises ont besoin d’électricité pour remplir la fonction pour laquelle elles ont été conçues et ne peuvent donc entrer dans aucune des catégories de marchandises « non électriques » énumérées dans la position 73.21. Elles ne peuvent donc pas être classées dans cette position.

Classement

[54] Compte tenu de cette conclusion, le Tribunal doit examiner les autres positions pertinentes.

[55] La position 85.09 vise les « appareils électromécaniques à moteur électrique incorporé ». Les marchandises en cause correspondent parfaitement à cette description. Toutefois, la note 4b) du chapitre 85 exclut de la position 85.09 les appareils dont le poids est supérieur à 20 kg. La décision de l’ASFC du 31 janvier 2022 indique que le gril Timberline pèse 213 lb (96,6 kg) et le gril Traeger pèse 103 lb (46,72 kg), et Gary Trotter a confirmé dans son témoignage que les marchandises en cause pèsent bien plus de 20 kg[52]. Elles sont par conséquent exclues de la position 85.09.

[56] La position 85.16 a été écartée par Georgian Bay et par l’ASFC. Le Tribunal est d’accord[53]. En ce qui a trait à l’allégation de l’ASFC selon laquelle Georgian Bay a modifié sa position quant à la question de savoir si une alimentation en électricité était nécessaire pour faire fonctionner les marchandises[54], le Tribunal estime qu’il suffit de réitérer que l’analyse menée dans la décision Rona Inc. ne s’applique pas aux marchandises en cause en l’espèce. Même une fois allumé, le gril ne peut fonctionner sans les composants électromécaniques qui dépendent du courant électrique pour fonctionner, y compris la tarière qui alimente continuellement le combustible de granules de bois dans la chambre à combustion.

[57] Il reste donc la position résiduelle 84.79. Selon le libellé de cette position, ainsi que des notes de section, des notes de chapitre et des notes explicatives pertinentes, les marchandises doivent satisfaire aux critères suivants pour être classées dans la position 84.79 :

(i) elles doivent être des machines ou des appareils mécaniques;

(ii) elles doivent avoir une fonction propre;

(iii) elles ne doivent pas être exclues du chapitre 84 aux termes d’une autre note de section ou de chapitre;

(iv) elles ne doivent pas être décrites plus précisément ailleurs dans le chapitre 84 ou dans un autre chapitre de la nomenclature[55].

[58] Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont des machines ou des appareils mécaniques, puisqu’elles comprennent des pièces mobiles qui sont essentielles à leur fonction propre. Les deux parties ont avancé que la fonction propre des marchandises en cause est la cuisson des aliments. Comme les marchandises en cause ne peuvent être classées dans la position 73.21, elles ne sont pas exclues du chapitre 84 par la note 1d) de ce chapitre. Elles ne sont pas non plus décrites plus précisément dans un autre chapitre de la nomenclature et ne peuvent être classées dans aucune autre position du chapitre 84. Tous les faits pertinents et les éléments du critère juridique requis à l’appui de cette conclusion, qui ont été traités ci-dessus, ont été prouvés ou démontrés par Georgian Bay.

[59] Le Tribunal conclut en outre que les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 8479.89.90 à titre d’« autres » machines ou appareils mécaniques de la position 84.79, car elles ne sont pas décrites précisément dans une autre sous-position ou dans un autre numéro tarifaire de cette position.

[60] Conformément à la règle 1 des Règles générales et des Règles canadiennes, les marchandises en cause sont classées dans le numéro tarifaire 8479.89.90 à titre d’autres machines et appareils mécaniques ayant une fonction propre, non dénommés ni compris ailleurs dans le chapitre 84.

DÉCISION

[61] L’appel est accueilli.

Eric Wildhaber

Eric Wildhaber
Membre présidant


 

ANNEXE I

Sections, chapitres et notes explicatives à prendre en considération

L’extrait pertinent de la note 1 de la section XV prévoit ce qui suit :

  1. La présente Section ne comprend pas :

[…]

f) les articles de la Section XVI (machines et appareils; matériel électrique);

L’extrait pertinent des notes explicatives de la position 73.21 prévoit ce qui suit :

La présente position englobe un ensemble d’appareils qui satisfont à la fois aux conditions suivantes :

1) être conçus pour la production et l’utilisation de la chaleur pour le chauffage ou la cuisson;

2) fonctionner au moyen de combustibles solides, liquides ou gazeux ou au moyen d’autres sources d’énergie (énergie solaire, par exemple);

3) être utilisés normalement dans les ménages ou pour le camping.

Ces appareils sont reconnaissables, selon leur type, à l’aide d’une ou de plusieurs caractéristiques, telles que : encombrement, agencement, puissance calorifique maximum, capacité du foyer dans le cas de combustibles solides, importance du réservoir lorsque des combustibles liquides sont utilisés. Ces caractéristiques doivent être jugées par référence au fait que l’importance de la fonction assurée par les appareils considérés ne doit pas dépasser celle nécessaire pour satisfaire les besoins ou les exigences des ménages.

La présente position comprend, en particulier :

1) Les poêles, calorifères, cheminées et grilles à feu nu pour le chauffage des appartements, ainsi que les braseros.

2) Les radiateurs pour le même usage, à gaz, à pétrole et similaires, comportant leur propre source de chauffage.

3) Les cuisinières, potagers et fourneaux de cuisine.

4) Les fours-rôtissoirs, grils-rôtissoirs, fours à pâtisserie et fours à pain, ainsi que les barbecues.

5) Les réchauds de tout genre pour la chambre, le voyage, le camping, etc., y compris les chauffe-plats comportant une source de chauffage.

6) Les foyers de lessiveuses et les chaudières avec foyer pour la lessive.

Les poêles et cuisinières combinés avec une chaudière et pouvant être utilisés accessoirement pour le chauffage central restent compris ici. En revanche sont exclus de la présente position les appareils utilisant aussi l’électricité comme moyen de chauffage, comme c’est le cas des cuisinières mixtes gaz-électricité par exemple (n° 85.16).

L’extrait pertinent de la note 1 du chapitre 84 prévoit ce qui suit :

  1. Sont exclus de ce Chapitre :

[…]

  • d)les articles des n°s 73.21 ou 73.22, ainsi que les articles similaires en autres métaux communs (Chapitres 74 à 76 ou 78 à 81);

[…]

La note 7 du chapitre 84 prévoit ce qui suit :

7. Sauf dispositions contraires et sous réserve des prescriptions de la Note 2 ci-dessus, ainsi que de la Note 3 de la Section XVI, les machines à utilisations multiples sont classées à la position visant leur utilisation principale. Si une telle position n’existe pas ou lorsqu’il n’est pas possible de déterminer l’utilisation principale, les machines à utilisations multiples sont classées au no 84.79.

Relèvent également, en tout état de cause, du no 84.79 les machines de corderie ou de câblerie (toronneuses, commetteuses, machines à câbler, par exemple) pour toutes matières.

L’extrait pertinent des notes explicatives du chapitre 84 prévoit ce qui suit :

CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES

A. PORTÉE GÉNÉRALE DU CHAPITRE

Sous réserve des dispositions des Considérations générales de la Section XVI, le présent Chapitre couvre l’ensemble des machines, appareils, engins et leurs parties qui ne sont pas repris plus spécifiquement au Chapitre 85, à l’exclusion :

[…]

e) Des poêles, calorifères, radiateurs de chauffage central et autres appareils des n°s 73.21 et 73.22, ainsi que des articles similaires en autres métaux communs,

[…]

En règle générale, les appareils électriques relèvent du Chapitre 85. Toutefois, les machines et appareils de la nature de ceux visés au présent Chapitre y restent compris, même s’ils sont électriques, qu’il s’agisse notamment :

  • 1)De machines ou d’appareils utilisant l’électricité comme force motrice.

2) De machines ou d’appareils chauffés électriquement, tels que les chaudières électriques pour le chauffage central du n° 84.03, les appareils du n° 84.19, les calandres, les cuves de lavage, de blanchiment ou similaires utilisées dans l’industrie textile, les presses, etc., équipés d’éléments chauffants électriques.

3) De machines ou d’appareils à fonctionnement électromagnétique (valves électromagnétiques, par exemple) ou, a fortiori, comportant de simples dispositifs électromagnétiques, tels que les grues à plots de levage électromagnétiques, les tours à mandrins électromagnétiques, les métiers à tisser à casse-trames ou casse-chaînes électromagnétiques, etc.

4) De machines ou d’appareils à fonctionnement électronique (machines à calculer et machines de traitement de l’information, par exemple) ou comportant de simples dispositifs photoélectriques ou électroniques, tels que les laminoirs munis de dispositifs de contrôle à cellule photoélectrique, les machines-outils pourvues de dispositifs électroniques de contrôle.

L’extrait pertinent des notes explicatives de la position 84.79 prévoit ce qui suit :

La présente position englobe les machines et appareils mécaniques ayant une fonction propre qui ne sont pas :

  • a)Exclus de ce Chapitre par les Notes légales.

  • b)Repris plus spécifiquement à d’autres Chapitres.

  • c)Classés dans d’autres positions plus spécifiques du présent Chapitre parce que :

  • 1)Ils n’y sont pas spécialisés par leur fonction ou leur type.

  • 2)Ils ne sont pas spécifiques de l’une des industries visées dans ces positions et qu’ils ne trouvent en conséquence leur application dans aucune desdites industries.

  • 3)Ils peuvent, au contraire, être utilisés indifféremment dans deux (ou plus de deux) de ces industries (machines d’emploi général).

L’extrait pertinent de la note 4 du chapitre 85 prévoit ce qui suit :

4. Le n° 85.09 couvre, sous réserve qu’il s’agisse d’appareils électromécaniques des types communément utilisés à des usages domestiques :

a) les cireuses à parquets, broyeurs et mélangeurs pour aliments, presse-fruits et presse-légumes, de tous poids;

b) les autres appareils d’un poids maximal de 20 kg.

 



[1] L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.).

[2] Pièce AP-2021-039-07 à la p. 130.

[3] Ibid. à la p. 131.

[4] Ibid. à la p. 134.

[5] Ibid. à la p. 139.

[6] Pièce AP-2021-039-01.

[7] Pièce AP-2021-039-03.

[8] Pièce AP-2021-039-07.

[9] Transcription de l’audience publique aux p. 79–80.

[10] Pièce AP-2021-039-07 aux par. 22–26.

[11] (5 juin 2018), AP-2017-026 (TCCE) [Rona Inc.].

[12] Pièce AP-2021-039-07 au par. 44.

[13] (11 septembre 2017), AP-2016-026 (TCCE) [Canac Marquis].

[14] Transcription de l’audience publique aux p. 80–81; pièce AP-2021-039-07 au par. 50, note 42.

[15] Les arguments présentés jusqu’au moment de l’opposition présentée par Georgian Bay se trouvent dans la Transcription de l’audience publique aux p. 78–79; l’opposition, les échanges concernant l’opposition et les instructions du Tribunal sont dans la Transcription de l’audience publique aux p. 80–84; d’autres nouveaux arguments ont été présentés après le traitement de l’opposition (voir Transcription de l’audience publique aux p. 84–85).

[16] Transcription de l’audience publique à la p. 89.

[17] Voir Transcription de l’audience publique à la p. 81; pièce AP-2021-039-18.

[18] (21 juin 2013), AP-2012-022 (TCCE) [Andritz TCCE]; voir la pièce AP-2021-039-19.

[19] 2014 CAF 217 [Andritz FCA]; voir la pièce AP-2021-039-20.

[20] Pièce AP-2021-039-21.

[21] Le Canada est signataire de la Convention internationale sur le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, qui régit le Système harmonisé.

[22] L.C. 1997, ch. 36, annexe.

[23] L.C. 1997, ch. 36, annexe.

[24] OMD, 2e éd., Bruxelles, 2003.

[25] OMD, 5e éd., Bruxelles, 2012.

[26] Voir Canada (Procureur général) c. Suzuki Canada Inc., 2004 CAF 131 (CanLII) aux par. 13, 17. Dans cette affaire, la Cour d’appel fédérale a interprété l’article 11 du Tarif des douanes comme signifiant que les Notes Explicatives doivent être respectées, à moins qu’il n’existe un motif valable de ne pas le faire. Le Tribunal est d’avis que cette interprétation s’applique également aux Avis de classement.

[27] Canada (Procureur général) c. Igloo Vikski Inc., 2016 CSC 38 (CanLII) au par. 21.

[28] Les règles 1 à 5 des Règles générales s’appliquent au classement au niveau de la position. La règle 6 des Règles générales prévoit que « [l]e classement des marchandises dans les sous-positions d’une même position est déterminé légalement d’après les termes de ces sous-positions et des Notes de sous-positions ainsi que, mutatis mutandis, d’après les Règles ci-dessus [c’est-à-dire les règles 1 à 5] […] » et que « […] les Notes de Sections et de Chapitres sont également applicables sauf dispositions contraires ».

[29] La règle 1 des Règles canadiennes prévoit que « [l]e classement des marchandises dans les numéros tarifaires d’une sous-position ou d’une position est déterminé légalement d’après les termes de ces numéros tarifaires et des Notes supplémentaires ainsi que, mutatis mutandis, d’après les [Règles générales] […] » et que « les Notes de Sections, de Chapitres et de sous-positions sont également applicables sauf dispositions contraires ». Les avis de classement et les notes explicatives ne sont pas applicables au classement au niveau du numéro tarifaire.

[30] Voir la pièce AP-2021-039-15.A et la pièce AP-2021-039-15.B pour la vidéo [vidéo de démonstration].

[31] Transcription de l’audience publique à la p. 8.

[32] Transcription de l’audience publique à la p. 9.

[33] Transcription de l’audience publique à la p. 10.

[34] Transcription de l’audience publique aux p. 11–12.

[35] Transcription de l’audience publique à la p. 14.

[36] Cette conclusion concorde avec l’analyse du Tribunal dans Canac Marquis et Rona Inc. et avec les arguments de toutes les parties dans ces décisions et dans le présent appel.

[37] Transcription de l’audience publique à la p. 18.

[38] Transcription de l’audience publique à la p. 19.

[39] Transcription de l’audience publique aux p. 10–14; pièce AP-2021-039-14 aux p. 14, 22–28; voir aussi la vidéo de démonstration.

[40] Transcription de l’audience publique aux p. 38–40, 67.

[42] Pièce AP-2021-039-03 à la p. 14.

[43] Transcription de l’audience publique aux p. 16–18; vidéo de démonstration.

[44] Transcription de l’audience publique à la p. 16.

[46] Transcription de l’audience publique à la p. 18.

[47] Ces arguments ont été soulevés de manière inappropriée et tardive au cours de la procédure.

[48] Canac Marquis aux par. 42, 60–61.

[49] Canac Marquis aux par. 35–39.

[50] Rona Inc. aux par. 20–29.

[52] Pièce AP-2021-039-03 à la p. 49; Transcription de l’audience publique à la p. 10.

[53] Pièce AP-2021-039-03 aux p. 49–50.

[54] Transcription de l’audience publique aux p. 32–36; pièce AP-2021-039-07 aux p. 136–137.

[55] Voir les notes explicatives a), b) et c) de la position 84.79. Voir aussi Canac Marquis aux par. 34, 40.

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