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Appel AP-2021-037

K. Tang

c.

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Décision et motifs rendus
le vendredi 17 février 2023

 



EU ÉGARD À un appel entendu le 12 janvier 2023 en vertu du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes;

ET EU ÉGARD À une décision rendue le 21 décembre 2021 par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

K. TANG

Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

Intimé

DÉCISION

L’appel est rejeté.

Eric Wildhaber

Eric Wildhaber
Membre présidant


 

Lieu de l’audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l’audience :

le 12 janvier 2023

Membre du Tribunal :

Eric Wildhaber, membre présidant

Personnel du Secrétariat du Tribunal :

Isaac Turner, conseiller juridique
Jennifer Mulligan, parajuriste experte
Kim Gagnon-Lalonde, agente du greffe

PARTICIPANTS :

Appelante

Conseiller/représentant

K. Tang

Représenté par lui-même

Intimé

Conseillère/représentante

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Maryse Piché Bénard

Veuillez adresser toutes les communications à :

La greffière adjointe
Téléphone : 613-993-3595
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

[1] Il s’agit d’un appel interjeté auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur par K. Tang en vertu du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes[1] (la Loi) d’une décision prise par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) en date du 21 décembre 2021 aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi.

[2] La question en litige est de savoir si le couteau pliant Browning DA77 Hunter Series (la marchandise en cause), importé par K. Tang, est correctement classé dans le numéro tarifaire 9898.00.00 de l’annexe du Tarif des douanes[2] à titre d’arme prohibée en vertu du paragraphe 84(1) du Code criminel[3] et, par conséquent, interdit d’importation au Canada aux termes du paragraphe 136(1) du Tarif des douanes.

HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

[3] Le 1er mai 2021, l’ASFC a retenu la marchandise en cause à son arrivée au Canada. Le même jour, l’ASFC a déterminé que la marchandise en cause était une arme prohibée au sens du numéro tarifaire 9898.00.00 et a refusé son importation au Canada[4].

[4] Le 7 juillet 2021, l’ASFC a reçu la demande de révision de K. Tang aux termes du paragraphe 60(1) de la Loi[5].

[5] Le 21 décembre 2021, l’ASFC a rendu une décision aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi qui maintenait le classement de la marchandise en cause comme arme prohibée[6].

[6] Le 15 février 2022, K. Tang a interjeté appel devant le Tribunal aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi[7].

[7] Le 12 janvier 2023, le Tribunal a tenu une audience sur pièces, conformément aux articles 25 et 25.1 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur[8].

CADRE LÉGISLATIF

[8] Le paragraphe 136(1) du Tarif des douanes prévoit ce qui suit :

L’importation des marchandises des nos tarifaires 9897.00.00, 9898.00.00 ou 9899.00.00 est interdite.

[9] Les dispositions pertinentes du numéro tarifaire 9898.00.00 sont les suivantes :

Armes à feu, armes prohibées, armes à autorisation restreinte, dispositifs prohibés, munitions prohibées et éléments ou pièces conçus exclusivement pour être utilisés dans la fabrication ou l’assemblage d’armes automatiques, désignés comme « marchandises prohibées » au présent numéro tarifaire […]

Pour l’application du présent numéro tarifaire :

[…]

b) « arme à autorisation restreinte », « arme à feu à autorisation restreinte », « arme à feu prohibée », « arme automatique », « arme prohibée », « dispositif prohibé », « munitions prohibées » et « permis » s’entendent au sens du paragraphe 84(1) du Code criminel;

[10] Lorsqu’il est question du classement de marchandises dans le numéro tarifaire 9898.00.00, le paragraphe 136(2) du Tarif des douanes prévoit que les Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé[9] ne s’appliquent pas. De plus, la note 1 du chapitre 98 de l’annexe du Tarif des douanes prévoit que « [l]es marchandises qui sont décrites dans une disposition du présent Chapitre peuvent être classées dans ladite disposition si les conditions et les exigences de celle-ci et de tout autre règlement applicable sont respectées ».

[11] La question de savoir si la marchandise en cause est correctement classée dans le numéro tarifaire 9898.00.00 doit donc être tranchée selon les termes de ce numéro tarifaire et les dispositions applicables du Code criminel.

[12] Le numéro tarifaire 9898.00.00 prévoit que le terme « arme prohibée » a la même signification que celle donnée au paragraphe 84(1) du Code criminel, qui définit ce terme, notamment, de la façon suivante :

Couteau dont la lame s’ouvre automatiquement par gravité ou force centrifuge ou par pression manuelle sur un bouton, un ressort ou autre dispositif incorporé ou attaché au manche; […]

[13] Afin de déterminer si la marchandise en cause est correctement classée dans le numéro tarifaire 9898.00.00 à titre d’arme prohibée et, par conséquent, à titre de marchandise dont l’importation est interdite au Canada, le Tribunal doit déterminer si elle correspond à la définition ci‑dessus du paragraphe 84(1) du Code criminel.

POSITIONS DES PARTIES

K. Tang

[14] K. Tang a expliqué qu’il avait pour passe-temps de collectionner des lames depuis une vingtaine d’années. K. Tang a indiqué qu’il avait acheté la marchandise en question pour ajouter à sa collection.

[15] K. Tang a en outre indiqué dans ses observations qu’il était âgé de 76 ans et qu’il souffrait de graves problèmes de santé. Par conséquent, le Tribunal a offert diverses mesures d’adaptation à K. Tang afin de faciliter ses communications avec le Tribunal et sa compréhension des procédures dans cette affaire.

ASFC

[16] L’ASFC a soutenu que K. Tang ne s’était pas acquitté de la charge de preuve consistant à démontrer que l’ASFC avait incorrectement classé la marchandise en cause comme arme prohibée. L’ASFC a fait valoir que l’intégralité des observations de K. Tang est contenue dans sa lettre au Tribunal datée du 15 février 2022, et que ces observations ne traitent pas des caractéristiques pertinentes de la marchandise. L’ASFC a fait valoir que les observations de K. Tang concernant son passe-temps de collectionneur de couteaux, son âge et son état de santé ne sont pas pertinentes pour déterminer si la marchandise a été correctement classée comme arme prohibée.

[17] L’ASFC a en outre fait valoir que, même si l’appel pouvait être rejeté au seul motif de ce qui précède, la marchandise en cause répond à la définition d’une arme prohibée selon le libellé clair du Code criminel, ainsi que selon plusieurs décisions du Tribunal. L’ASFC a fait valoir que, dans M. Abbas c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada, le Tribunal a examiné un couteau doté d’un mécanisme flipper (protubérance) très similaire et a conclu qu’il avait été correctement classé comme arme prohibée[10]. Selon l’ASFC, la marchandise est un couteau dont la lame s’ouvre automatiquement sous l’effet d’une pression manuelle exercée sur un dispositif situé dans le manche ou fixé à celui-ci. À cet égard, l’ASFC a fait valoir ce qui suit : le couteau s’ouvre automatiquement parce que l’utilisateur n’a qu’à exercer une pression minimale sur la protubérance pour qu’il s’ouvre; la protubérance a manifestement pour but de faciliter l’ouverture de la lame, ce qui signifie que la protubérance est visée par la définition de dispositif du Tribunal; la protubérance passe à travers l’ouverture en forme de fente dans le manche et repose à l’intérieur de celle-ci.

ANALYSE

L’appelante ne s’est pas acquittée de sa charge de preuve

[18] Le paragraphe 152(3) de la Loi impose à K. Tang la charge de la preuve de démontrer que la marchandise en cause est incorrectement classée dans le numéro tarifaire 9898.00.00 à titre d’arme prohibée[11].

[19] K. Tang ne s’est pas acquitté de cette charge. Les oppositions qu’il a soulevées à l’égard de la décision de l’ASFC ne concernent que sa situation personnelle; elles ne fournissent pas d’éléments de preuve ou d’arguments expliquant pourquoi le Tribunal devrait envisager de classer la marchandise ailleurs dans la nomenclature tarifaire, ou autrement que ne l’a fait l’ASFC. Cela est suffisant pour régler cette question, ce que le Tribunal fait en conséquence. Le Tribunal présente néanmoins l’analyse qui suit pour en assurer l’exhaustivité.

La marchandise en cause est une arme prohibée

[20] Le Tribunal a examiné et manipulé la marchandise en cause et en est venu aux conclusions de fait et de droit suivantes.

[21] Le Tribunal a confirmé que la marchandise en cause est un couteau pliant Browning DA77 Hunter Series[12]. Le couteau mesure environ 12,5 centimètres (cm) lorsqu’il est fermé et environ 22,5 cm lorsqu’il est ouvert[13].

[22] La marchandise en cause est munie d’un ergot de chaque côté de la lame, ainsi que d’un flipper, ou protubérance, relié au dos de la lame. Lorsque la lame est en position fermée, le flipper repose dans une ouverture du manche du couteau, et l’application d’une pression de la main ou du doigt sur ce flipper entraîne l’ouverture immédiate de la lame en position complètement déployée et verrouillée. Ainsi, la marchandise en cause peut être ouverte automatiquement par une pression manuelle exercée de la manière décrite dans le présent paragraphe.

[23] Le Tribunal fait remarquer que son examen et sa manipulation de la marchandise en cause concordaient parfaitement avec ce qu’il a pu observer à partir de la démonstration vidéo versée au dossier par l’ASFC[14].

[24] Le numéro tarifaire 9898.00.00 renvoie à la définition d’« arme prohibée » qui figure au paragraphe 84(1) du Code criminel. La partie pertinente de cette définition aux fins du présent appel concerne les couteaux qui « s’ouvre[nt] automatiquement […] par pression manuelle sur un […] dispositif incorporé ou attaché au manche ».

[25] C’est précisément ce que fait la marchandise en cause. Il s’agit d’un couteau de poche à lame d’acier qui se déploie automatiquement comme décrit ci-dessus. Encore une fois, une manipulation rapide de la main ou du doigt appliquée à un dispositif qui est contenu dans le manche du couteau déploie immédiatement la lame dans sa position verrouillée, prête à l’emploi et ouverte[15].

[26] Étant donné que la marchandise en cause répond à la description pertinente d’une « arme prohibée » que l’on trouve dans le Code criminel, elle est correctement classée comme telle dans le numéro tarifaire 9898.00.00.

[27] Les observations présentées par K. Tang concernant ses intentions en tant que collectionneur ou d’autres situations personnelles ne sont pas des facteurs qui sont pris en compte lors du classement tarifaire. Le Tribunal examine les marchandises pour ce qu’elles sont, indépendamment de facteurs hors sujet comme ceux qui ont été présentés par K. Tang[16].

DÉCISION

[28] L’appel est rejeté.

Eric Wildhaber

Eric Wildhaber
Membre présidant

 



[1] L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.).

[2] L.C. 1997, ch. 36.

[3] L.R.C. (1985), ch. C-46.

[4] Pièce AP-2021-037-14 aux p. 14–17.

[5] Ibid. à la p. 19.

[6] Ibid. aux p. 21–23.

[7] Pièce AP-2021-037-01.

[8] DORS/91-499.

[9] L.C. 1997, ch. 36, annexe.

[10] M. Abbas c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (13 novembre 2019), AP-2018-060 (TCCE) [M. Abbas].

[11] J. Humber c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (27 novembre 2019), AP-2018-062 (TCCE) au par. 83, citant Digital Canoe Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (22 août 2016), AP‑2015‑026 (TCCE) au par. 15 et Canada (Agence des services frontaliers) c. Miner, 2012 CAF 81 aux par. 7, 21.

[12] Pièce AP-2021-037-B-01.

[13] Pièce AP-2021-037-14 à la p. 4.

[14] Pièce AP-2021-037-14.A.

[15] À propos du sens des termes « automatiquement » et « dispositif » dans le contexte du paragraphe 84(1) du Code criminel, voir M. Abbas aux par. 53-55. Dans M. Abbas, voir les références à La Sagesse de l’Eau (13 novembre 2012), AP‑2011‑040 et AP-2011-041 (TCCE) aux par. 41, 46–48; T. Laplante c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (16 novembre 2017), AP-2017-012 (TCCE) aux par. 25–28; Knife & Key Corner Ltd. (14 septembre 2015), AP-2014-030 (TCCE) aux par. 30–31.

[16] M. Abbas au par. 56.

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