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Appel AP-2021-023

M. Quinn

c.

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Décision et motifs rendus
le vendredi 25 novembre 2022

 



EU ÉGARD À un appel entendu au moyen d’une audience sur pièces le 27 juillet 2022 en vertu de l’article 67 de la Loi sur les douanes;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes, le 23 août 2021, concernant une demande de remboursement de droits payés.

ENTRE

M. QUINN

Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

Intimé

DÉCISION

L’appel est rejeté; les marchandises ont été dûment assujetties aux droits de douane par l’Agence des services frontaliers du Canada.

Frédéric Seppey

Frédéric Seppey
Membre présidant


 

Lieu de l’audience :

Audience sur pièces

Date de l’audience :

le 27 juillet 2021

Membre du Tribunal :

Frédéric Seppey, membre présidant

Personnel du Secrétariat du Tribunal :

Nadja Momcilovic, conseillère juridique
Kaitlin Fortier, agente du greffe

PARTICIPANTS :

Appelante

Conseiller/représentant

M. Quinn

Représenté par lui-même

Intimé

Conseillère/représentante

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Sarah Rajguru

Veuillez adresser toutes les communications à :

La greffière adjointe
Téléphone : 613-993-3595
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

APERÇU

[1] Au fil des ans, M. Quinn a séjourné en Floride pendant de longues périodes, jusqu’à ce qu’en juillet 2015, il fasse l’objet d’une ordonnance d’expulsion de la part des autorités américaines et revienne au Canada[1]. En quittant la Floride, il a laissé derrière lui trois véhicules automobiles qu’il avait achetés au fil des années aux États-Unis[2].

[2] Par la suite, M. Quinn a été autorisé à retourner aux États-Unis pour se défaire de sa propriété en Floride et pour ramener ses véhicules au Canada[3]. Entre le 15 mai et le 8 août 2019, M. Quinn a importé trois véhicules au Canada, qui ont tous été déclarés comme des « marchandises occasionnelles » ou des marchandises pour usage personnel[4] :

  • Hyundai Genesis 2014 : À son entrée le 15 mai 2019, il a été déterminé que le véhicule bénéficiait du tarif douanier américain, et son importation en franchise de droits a été autorisée[5].

  • Hyundai Genesis 2012 (la marchandise en cause) : À son entrée au Canada le 19 juin 2019, le véhicule a été classé dans la position tarifaire 8703.24.00 à titre d’« autres véhicules principalement conçus pour le transport de personnes, uniquement à moteur à piston alternatif à allumage par étincelles, d’une cylindrée excédant 3 000 cm³ » et il a été déterminé qu’il bénéficiait du traitement tarifaire de la nation la plus favorisée (NPF); il a, par conséquent, été assujetti à des droits au taux 6,1 %, pour un total de 568,39 $[6].

  • Hyundai Sonata 2006 : À son entrée le 8 août 2019, il a été déterminé que le véhicule bénéficiait du tarif douanier américain, et son importation en franchise de droits a été autorisée[7].

[3] Le 20 décembre 2019, M. Quinn a présenté une demande à l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC) en vertu de l’article 74 de la Loi sur les douanes (la Loi) en vue d’obtenir le remboursement des droits payés sur la marchandise en cause[8].

[4] Le 26 novembre 2020, un agent de l’ASFC a écrit à M. Quinn pour l’informer que sa demande était toujours en cours d’évaluation. L’agent lui a également expliqué qu’il pourrait avoir droit à une exemption de droits en application du numéro tarifaire 9805.00.00, qui dispose qu’un ancien résident du Canada qui revient résider au pays après avoir résidé dans un autre pays pendant au moins une année peut importer des marchandises au Canada pour son usage personnel en franchise de droits. L’agent de l’ASFC a demandé à M. Quinn de lui fournir tout renseignement supplémentaire qui permettrait de démontrer que son intention en 2015 était de faire suivre ses biens à usage personnel plus tard[9].

[5] Le 6 janvier 2021, l’ASFC a rejeté la demande, qui a été traitée comme une révision aux termes du sous-alinéa 59(1)a)(ii) de la Loi. L’ASFC a indiqué que la marchandise en cause ne satisfaisait pas aux conditions du numéro tarifaire 9805.00.00[10].

[6] Le 3 mai 2021, M. Quinn a demandé un réexamen en vertu du paragraphe 60(1) de la Loi au motif que des difficultés personnelles l’avaient empêché de produire la documentation à temps (c’est-à-dire dans les 90 jours suivant la décision du 6 janvier 2021) et que la marchandise en cause faisait clairement partie de ses effets personnels[11]. Dans sa demande, M. Quinn souhaitait connaître en particulier la raison pour laquelle deux de ses trois voitures avaient été considérées comme en franchise de droits, tandis que des droits avaient été imposés sur la marchandise en cause. M. Quinn a attribué ces différences dans le traitement des marchandises par différents agents des douanes à un manque d’empathie à l’égard des circonstances qui l’ont contraint à ramener la marchandise en cause au Canada.

[7] Le 23 août 2021, l’ASFC a confirmé, en application du paragraphe 60(4) de la Loi, sa décision antérieure selon laquelle la marchandise en cause était correctement classée dans la position tarifaire 8703.24.00 et qu’elle bénéficiait du traitement tarifaire de la NPF au taux de 6,1 %[12].

[8] Le 15 novembre 2021, M. Quinn a interjeté le présent appel devant le Tribunal en vertu du paragraphe 67(1) de la Loi[13]. Le 19 mars 2022, M. Quinn a présenté son mémoire sur la question faisant l’objet de l’appel[14].

[9] Le 20 avril 2022, l’ASFC a déposé une requête visant à faire rejeter l’appel au motif que les observations de M. Quinn ne contenaient aucun argument concernant le classement tarifaire et le traitement tarifaire approprié qui seraient applicables à la marchandise en cause[15].

[10] Le 26 avril et le 12 mai 2022, le Tribunal a demandé aux parties de présenter des observations supplémentaires, qui ont été déposées entre le 10 et le 24 mai 2022.

[11] Dans une ordonnance rendue le 16 juin 2022, le Tribunal a rejeté la requête en rejet d’appel présentée par l’ASFC et a demandé aux parties de présenter d’autres observations sur la question du traitement tarifaire approprié[16].

[12] Le 29 juin 2022, les deux parties avaient déposé leurs observations finales. Le Tribunal a instruit l’appel le 27 juillet 2022 sur la foi des pièces versées au dossier. Au cours de l’audience, il a examiné l’affaire à la lumière des éléments de preuve présentés par les parties.

[13] Après un examen minutieux des éléments de preuve au dossier et pour les motifs qui suivent, le Tribunal doit rejeter l’appel. La marchandise en cause est correctement classée dans la position tarifaire 8703.24.00 et est assujettie à des droits au taux de 6,1 % au titre du tarif de la NPF.

MARCHANDISE EN CAUSE

[14] La marchandise en cause est une voiture Hyundai Genesis 2012. Selon le numéro d’identification du véhicule qui figure sur celle-ci, elle est d’origine sud-coréenne. L’ASFC décrit la marchandise en cause comme une « berline à quatre portes équipée d’un moteur de 5 litres et pouvant transporter 5 passagers[17] » [traduction].

[15] Lors de son importation, la marchandise en cause a été classée dans le numéro tarifaire 8703.24.00, dans la catégorie des autres véhicules principalement conçus pour le transport de personnes, uniquement à moteur à piston alternatif à allumage par étincelles, d’une cylindrée excédant 3 000 cm³[18]. Au même moment, l’ASFC a déterminé que la marchandise en cause était assujettie au traitement tarifaire de la NPF et a appliqué un tarif de 6,1 %.

QUESTION PRÉLIMINAIRE : LA COMPÉTENCE DU TRIBUNAL ET LA REQUÊTE EN REJET D’APPEL DE L’ASFC

[16] À titre préliminaire, le Tribunal devait examiner la requête présentée par l’ASFC le 20 avril 2021 en vertu de l’article 23.1 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur, dans laquelle elle lui demandait de rendre une ordonnance rejetant l’appel au motif qu’il « ne révélait aucune cause d’action valable[19] » [traduction]. Le 16 juin 2022, le Tribunal a rejeté la requête de l’ASFC pour les motifs qui suivent.

[17] Dans son mémoire, l’ASFC faisait valoir que M. Quinn n’avait présenté aucun argument concernant le classement tarifaire de la marchandise en cause ou l’imposition des droits applicables en découlant, les deux éléments fondamentaux de la décision de l’ASFC portée en appel par M. Quinn. L’ASFC faisait également remarquer que puisque le Tribunal n’est pas un tribunal d’equity, il n’a pas compétence pour accorder le redressement demandé par M. Quinn. En conséquence, l’appel n’avait tout simplement aucune chance d’être accueilli, ce qui justifiait son rejet[20].

[18] En réponse, M. Quinn faisait valoir que « le renvoi forcé de tous [ses] effets personnels de [sa] propriété en Floride en 2019, la vente forcée de [sa] propriété en Floride en 2020 ainsi que tous les frais de déménagement associés au transport de [ses] biens personnels au Canada [étaient] d’emblée tous attribuables aux actions de l’ASFC, du fait qu’elle a[vait] transmis des renseignements erronés aux services des douanes et de la protection des frontières des États-Unis (USCBP)[21] » [traduction]. Selon lui, les arguments invoqués par l’ASFC à l’appui de sa requête avaient pour effet de « contourner la question plus importante et se concentr[ai]ent sur la question d’importance secondaire, à savoir les droits de douane sur l’un de [ses] véhicules[22] » [traduction].

[19] Avant d’examiner le fond de la requête présentée par l’ASFC, le Tribunal est d’avis qu’il est important d’expliquer son rôle et sa compétence relativement à l’instruction des appels de décisions rendues par l’ASFC. Le paragraphe 67(1) de la Loi définit très bien sa compétence. Il est libellé ainsi :

Toute personne qui s’estime lésée par une décision du président rendue conformément aux articles 60 ou 61 peut en interjeter appel devant le Tribunal canadien du commerce extérieur en déposant par écrit un avis d’appel auprès du président et du Tribunal dans les quatre-vingt-dix jours suivant la notification de l’avis de décision[23].

[20] Lorsqu’il examine un appel déposé en vertu du paragraphe 67(1), le Tribunal doit se limiter aux questions portant sur des éléments relevant de la compétence de l’ASFC aux termes de l’article 60 ou 61, à savoir l’origine, le classement tarifaire, la valeur en douane ou le marquage des marchandises importées[24]. Il ne peut pas élargir sa compétence.

[21] Comme il a déjà été mentionné à plusieurs reprises, le Tribunal n’est pas un tribunal d’equity, ce qui signifie qu’il doit veiller à l’application de la loi telle qu’elle est rédigée et qu’il n’a pas compétence pour accorder un redressement fondé sur l’equity, qui irait au-delà de ce qui est prévu par la loi[25]. Le Tribunal ne peut qu’être d’accord avec l’ASFC sur ce point précis. Bien que le Tribunal comprenne le sentiment de M. Quinn à l’égard des difficultés auxquelles il a dû faire face en raison de son retour forcé au Canada et du fait qu’il a été tenu de laisser ses effets personnels aux États-Unis, il ne peut pas tenir compte, dans le contexte du présent appel, des actions ou des événements qui ont précédé l’importation de la marchandise en cause au Canada.

[22] Cela dit, et en réponse à la requête présentée par l’ASFC, le Tribunal juge qu’il a compétence pour examiner la question soulevée dans l’avis d’appel déposé par M. Quinn. Dans son avis, M. Quinn indique clairement qu’il vise à interjeter appel « des droits perçus sur l’importation involontaire de [son] véhicule Hyundai le 19 juin 2019 [26] » [traduction]. De plus, M. Quinn y précise que le recours à un appel est justifié parce « qu’un précédent a été établi par un agent de l’ASFC, qui a autorisé une voiture similaire à entrer au Canada en franchise de droits deux mois avant le moment de l’importation de [son] véhicule » [traduction]. En conclusion, M. Quinn s’exprime comme suit dans son avis d’appel : « Je demande respectueusement le remboursement des droits payés (568,39 $ plus les intérêts) sur la voiture Hyundai Genesis 2012[27] » [traduction].

[23] Le Tribunal considère que M. Quinn a cherché, dans ses propres mots, à contester le traitement tarifaire appliqué à la marchandise en cause dans son avis d’appel. Le traitement tarifaire d’une marchandise importée est fonction du classement tarifaire de la marchandise et de son origine[28]. Comme le Tribunal a compétence pour instruire les appels relatifs au classement tarifaire et à l’origine, il peut également instruire un appel portant sur le traitement tarifaire appliqué à la marchandise importée par M. Quinn. C’est pour ce motif que le Tribunal a rejeté la requête en rejet d’appel présentée par l’ASFC pour absence de compétence.

CADRE LÉGISLATIF

[24] En ce qui concerne l’imposition et le paiement des droits de douane, le paragraphe 20(1) du Tarif des douanes est rédigé ainsi :

20 (1) Sauf disposition contraire des Chapitres 98 et 99 de la liste des dispositions tarifaires, est perçu — en plus des autres droits imposés en vertu de la présente loi et des autres lois fédérales en matière douanière — sur les marchandises énumérées dans cette liste, au moment de leur importation, un droit de douane, payable en conformité avec la Loi sur les douanes, aux taux applicables figurant à cette liste, au tableau des échelonnements ou à l’article 29.

[25] Le numéro tarifaire 9805.00.00 prévoit une exemption tarifaire sur les marchandises occasionnelles importées pour un résident ou un ancien résident du Canada qui revient résider au pays après avoir résidé dans un autre pays après une absence du Canada d’au moins une année. Il est libellé comme suit :

Marchandises importées par […] un résident qui revient au pays après une absence du Canada d’au moins une année, et acquises par lui pour son usage personnel ou domestique et lui ayant effectivement appartenu, ayant été en sa possession et lui ayant servi à l’étranger pendant au moins six mois avant son retour au Canada, et l’accompagnant au moment de son arrivée de l’étranger.

[26] En l’espèce, l’ASFC a classé la marchandise en cause dans le numéro tarifaire 8703.24.00 après avoir déterminé qu’elle ne pouvait être classée dans le numéro tarifaire 9805.00.00.

[27] Les dispositions pertinentes de classement tarifaire sont les suivantes :

CLASSEMENT TARIFAIRE DE LA MARCHANDISE EN CAUSE

Numéro tarifaire

Dénomination des marchandises

Tarif de la N.P.F.

Tarif de préférence applicable

87

Voitures automobiles, tracteurs,

cycles et autres véhicules terrestres,

leurs parties et accessoires

 

 

87.03

Voitures de tourisme et autres véhicules automobiles principalement

conçus pour le transport de personnes (autres que ceux du no 87.02), y

compris les voitures du type « break » et les voitures de course.

 

 

8703.24.00

- - D’une cylindrée excédant 3 000 cm³

6,1 %

TAU, TNZ, TPAC,

TPMD, TÉU, TXM, TACI,

TC, TCR, TI, TN, TSL,

TP, TCOL, TJ, TPA,

THN, TKR : En fr.
TPG : 6 %
TCUE : 3,8 %
TUA : 3,8 %
TPTGP : 5 %

 

[28] Comme il est indiqué précédemment, la marchandise en cause a été importée au Canada en tant que marchandise occasionnelle. À moins qu’un produit n’ait droit à un traitement tarifaire préférentiel, le tarif de la NPF s’applique[29]. En l’espèce, la marchandise en cause a été fabriquée en Corée du Sud, puis a été exportée aux États-Unis, où elle a été achetée par M. Quinn avant 2020[30].

[29] L’origine des marchandises détermine le taux tarifaire applicable et le droit aux traitements tarifaires préférentiels[31]. Pour que le véhicule importé par M. Quinn puisse bénéficier d’un traitement préférentiel en vertu de l’Accord de libre-échange Canada-Corée (ALÉCRC) ou de l’Accord de libre‑échange nord-américain (ALÉNA), le Tribunal doit déterminer si les dispositions suivantes s’appliquent à la marchandise en cause :

[30] L’article 3.16 de l’ALÉCRC prévoit ce qui suit :

Article 3.16 : Transit et réexpédition

Un produit originaire qui transite par le territoire d’un État tiers est non originaire, à moins qu’il puisse être démontré que le produit remplit les conditions suivantes :

a) il ne fait l’objet d’aucune autre production ou autre opération sur le territoire de cet État tiers, autre qu’un déchargement, un fractionnement des chargements pour des motifs de transport, un rechargement ou toute autre opération nécessaire pour le maintenir en bon état;

b) il demeure sous contrôle douanier pendant qu’il est à l’extérieur du territoire d’une ou des deux Parties;

c) il n’est pas commercialisé ni consommé sur le territoire de cet État tiers.

[31] Aux termes de l’alinéa 1c) du Règlement sur les règles d’origine (ALÉCRC) (le Règlement sur l’ALÉCRC)[32] les articles 3.8 à 3.17 de l’ALÉCRC ont force de loi au Canada. Par conséquent, l’article 3.16 de l’ALÉCRC est applicable au Canada.

[32] L’article 2 du Règlement sur les règles d’origine des marchandises occasionnelles (ALÉCRC) (le Règlement sur les marchandises occasionnelles au titre de l’ALÉCRC)[33] prévoit ce qui suit :

2 Les marchandises occasionnelles acquises en Corée sont considérées comme originaires de ce pays et bénéficient du tarif de la Corée dans l’un ou l’autre des cas suivants :

  • a)le marquage des marchandises est conforme aux lois sur le marquage de la Corée et indique qu’elles sont des produits de la Corée ou du Canada;

  • b)les marchandises ne portent pas de marque et rien n’indique qu’elles ne sont pas des produits de la Corée ou du Canada.

[33] L’alinéa 3a) du Règlement sur les règles d’origine des marchandises occasionnelles (ALÉNA) (le Règlement sur les marchandises occasionnelles au titre de l’ALÉNA)[34] est rédigé ainsi :

3 Les marchandises occasionnelles acquises aux États-Unis :

a) sont assimilées à des marchandises originaires des États-Unis et bénéficient du tarif des États-Unis dans lun ou lautre des cas suivants :

(i) le marquage des marchandises est conforme aux lois des États-Unis et indique que les marchandises sont des produits des États-Unis ou du Canada,

(ii) les marchandises ne portent pas de marque et il nexiste pas de preuve établissant quelles ne sont pas des produits des États-Unis ou du Canada; […]

[34] Dans le cadre du présent appel, le Tribunal examinera si la marchandise en cause :

· est admissible à une exemption tarifaire en vertu du numéro tarifaire 9805.00.00;

· est correctement classé dans la position tarifaire 8703.24.00;

· peut bénéficier d’un traitement tarifaire préférentiel, plutôt que du traitement tarifaire de la NPF, à savoir :

o le traitement tarifaire américain, conformément au Règlement sur les marchandises occasionnelles au titre de l’ALÉNA; ou

o le traitement tarifaire de la Corée, conformément au Règlement sur les marchandises occasionnelles au titre de l’ALÉCRC et au Règlement sur l’ALÉCRC.

ANALYSE

La marchandise en cause n’est pas admissible à une exemption tarifaire en vertu du numéro tarifaire 9805.00.00

[35] M. Quinn a demandé à être exempté du paiement des droits et des taxes sur la marchandise en cause parce qu’il a dû importer de force ses véhicules et autres biens en raison de son expulsion des États-Unis.

[36] Le Tribunal doit donc déterminer si M. Quinn a droit à une exemption en vertu du paragraphe 20(1) du Tarif des douanes, qui indique que les exemptions de droits de douane sont applicables aux marchandises relevant des chapitres 98 ou 99.

[37] L’ASFC soutient que lorsqu’elle a examiné les demandes de révision présentées par M. Quinn en application des articles 59 et 60 de la Loi, elle a évalué si l’exemption prévue au numéro tarifaire 9805.00.00 s’appliquait au cas de M. Quinn. Le numéro tarifaire 9805.00.00 est ainsi libellé[35] :

Marchandises importées par […] un résident qui revient au pays après une absence du Canada d’au moins une année, et acquises par lui pour son usage personnel ou domestique et lui ayant effectivement appartenu, ayant été en sa possession et lui ayant servi à l’étranger pendant au moins six mois avant son retour au Canada, et l’accompagnant au moment de son arrivée de l’étranger.

[38] L’ASFC soutient que M. Quinn n’était pas absent du Canada depuis au moins une année lorsqu’il a importé la marchandise en cause le 19 juin 2019. De plus, l’ASFC fait valoir que M. Quinn n’a pas présenté de preuve démontrant qu’il était admissible à cette exemption[36].

[39] Dans ses observations du 29 juin 2022, M. Quinn affirme avoir été expulsé des États-Unis le 7 juillet 2015. Il n’a donc pu entrer aux États-Unis pour récupérer ses effets personnels qu’à partir du 6 février 2019[37].

[40] Le Tribunal doit donner effet au libellé de la position tarifaire 9805.00.00 et appliquer le droit aux faits. Il n’y a aucune possibilité pour le Tribunal de tenir compte d’autres facteurs qui auraient pu empêcher M. Quinn de satisfaire aux exigences du numéro tarifaire 9805.00.00 et de bénéficier de l’exemption. Étant donné que M. Quinn a vécu au Canada entre le 7 juillet 2015 et le 6 février 2019, le Tribunal est d’avis qu’il n’était pas absent du Canada depuis au moins une année lorsqu’il a importé la marchandise en cause au pays. M. Quinn ne satisfait donc pas aux conditions pour bénéficier de l’exemption prévue par la loi.

[41] Par conséquent, le Tribunal conclut que le véhicule n’est pas admissible à une exemption tarifaire en vertu du numéro tarifaire 9805.00.00.

La marchandise en cause relève de la position tarifaire 8703.24.00

[42] L’ASFC a classé la marchandise en cause dans le numéro tarifaire 8703.24.00. Une fois que la question de savoir si la marchandise en cause est admissible à une exemption tarifaire est tranchée, celle de savoir si la marchandise en cause relève du numéro tarifaire 8703.24.00 (en faisant abstraction, pour l’instant, de la question du traitement tarifaire applicable) ne se pose pas. Dans ses observations, M. Quinn n’a présenté aucun élément de preuve en faveur d’un classement différent. Le Tribunal considérera donc que la marchandise en cause est correctement classée dans la position tarifaire 8703.24.00, à titre d’« autres véhicules principalement conçus pour le transport de personnes, uniquement à moteur à piston alternatif à allumage par étincelles, d’une cylindrée excédant 3 000 cm³ ».

La marchandise en cause ne peut bénéficier d’un traitement tarifaire préférentiel

Le traitement tarifaire préférentiel de la Corée ne s’applique pas

[43] Selon les éléments de preuve versés au dossier, la marchandise en cause a été fabriquée en Corée du Sud, ce que M. Quinn a reconnu[38]. Malgré ce fait, la marchandise en cause n’est pas assujettie au traitement tarifaire préférentiel de la Corée, car les conditions énoncées dans le Règlement sur l’ALÉCRC et le Règlement sur les marchandises occasionnelles au titre de l’ALÉCRC pour déterminer l’origine d’une marchandise ne sont pas remplies.

[44] Selon l’article 3.16 de l’ALÉCRC[39], un produit importé originaire de Corée du Sud est considéré comme non originaire s’il transite par le territoire d’un État tiers, à moins qu’il puisse être démontré que le produit, entre autres, « b) […] demeure sous contrôle douanier pendant qu’il est à l’extérieur du territoire d’une ou des deux Parties; c) […] n’est pas commercialisé ni consommé sur le territoire de cet État tiers ».

[45] La marchandise en cause a transité par les États-Unis, un pays qui n’est pas partie à l’ALÉCRC. Pendant qu’elle était aux États-Unis, la marchandise en cause n’est pas demeurée sous contrôle douanier et a été vendue à M. Quinn en tant que voiture d’occasion. Comme la marchandise en cause pouvait être commercialisée ou consommée dans un pays qui n’est pas partie à l’ALÉCRC, elle est considérée comme non originaire aux termes de l’article 3.16 de l’ALÉCRC.

[46] De plus, conformément à l’article 2 du Règlement sur les marchandises occasionnelles au titre de l’ALÉCRC, étant donné que M. Quinn n’a pas acquis la marchandise en cause en Corée, celle-ci ne peut être considérée comme originaire de ce pays.

[47] Compte tenu de l’analyse qui précède, le tarif coréen n’est pas applicable, car la marchandise en cause n’est pas originaire de Corée.

Le traitement tarifaire préférentiel des États-Unis ne s’applique pas

[48] Étant donné que M. Quinn a acheté la marchandise en cause aux États-Unis, on pourrait penser que cette dernière pourrait être importée au Canada en franchise de droits, après avoir été dédouanée aux États-Unis. Or, ce n’est pas le cas. Là encore, le traitement tarifaire préférentiel des États-Unis est déterminé en fonction de l’application des dispositions pertinentes du Règlement sur les marchandises occasionnelles au titre de l’ALÉNA.

[49] Selon l’alinéa 3a) du Règlement sur les marchandises occasionnelles au titre de l’ALÉNA, les marchandises sont assimilées à des marchandises originaires des États-Unis dans l’un ou l’autre des cas suivants : « (i) le marquage des marchandises […] indique que les marchandises sont des produits des États-Unis ou du Canada, (ii) les marchandises ne portent pas de marque et il n’existe pas de preuve établissant qu’elles ne sont pas des produits des États-Unis […] ».

[50] Le numéro d’identification inscrit sur le véhicule est un numéro sud-coréen, ce qui signifie que le véhicule ne peut être assimilé à une marchandise originaire des États-Unis. En effet, bien que la marchandise en cause ait été acquise aux États-Unis, elle ne satisfait pas aux critères de l’alinéa 3a) du Règlement sur les marchandises occasionnelles au titre de l’ALÉNA. Par conséquent, elle ne peut bénéficier du traitement tarifaire préférentiel des États-Unis.

[51] Pour déterminer si le tarif américain était applicable, l’ASFC a uniquement examiné si le Règlement sur les marchandises occasionnelles au titre de l’ALÉNA s’appliquait. Puisque M. Quinn n’a présenté aucun argument sur ce point et que rien n’indique que le raisonnement de l’ASFC est erroné, le Tribunal est d’avis qu’il n’est pas nécessaire d’analyser cette question davantage.

[52] En conséquence, le Tribunal conclut qu’aucun traitement tarifaire préférentiel n’est applicable à la marchandise en cause.

Le traitement tarifaire de la NPF est applicable

[53] La marchandise en cause a été classée dans la position tarifaire 8703.24.00, qui prévoit l’imposition de droits de 6,1 % au titre du tarif de la NPF.

[54] Étant donné que les traitements tarifaires préférentiels au titre du Règlement sur l’ALÉCRC, du Règlement sur les marchandises occasionnelles au titre de l’ALÉCRC et du Règlement sur les marchandises occasionnelles au titre de l’ALÉNA ne s’appliquent pas et que M. Quinn n’est pas admissible à une exemption en vertu du numéro tarifaire 9805.00.00, le Tribunal conclut que le traitement tarifaire de la NPF qui a été appliqué à la marchandise en cause était adéquat.

DÉCISION

[55] À la lumière de l’analyse du Tribunal, l’appel est rejeté.

Frédéric Seppey

Frédéric Seppey
Membre présidant

 



[1] Pièce AP-2021-023-01 à la p. 1.

[2] Ibid. à la p. 2; pièce AP-2021-023-04 à la p. 1.

[3] Pièce AP-2021-023-04 à la p. 12.

[4] Pièce AP-2021-023-01 à la p. 1; pièce AP-2021-023-04 à la p. 12.

[5] Pièce AP-2021-023-01A à la p. 13.

[6] Ibid. à la p. 12.

[7] Ibid. à la p. 11.

[8] L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.); pièce AP-2021-023-23 à la p. 33.

[9] Pièce AP-2021-023-23 aux p. 35–36.

[10] Pièce AP-2021-023-23 à la p. 38.

[11] Ibid. aux p. 40–41.

[12] Ibid. aux p. 43–44.

[13] Pièce AP-2021-023-01.

[14] Pièce AP-2021-023-04.

[15] Pièce AP-2021-023-08.

[16] Pièce AP-2021-023-15.

[17] Pièce AP-2021-023-23 au par. 4.

[18] Ibid. à la p. 24.

[19] Pièce AP-2021-023-08 à la p. 1.

[20] Ibid. aux p. 2–3.

[21] Pièce AP-2021-023-13.A au par. 9.

[22] Ibid. au par. 10.

[23] Paragraphe 67(1) de la Loi, en ligne : <https://laws-lois.justice.gc.ca/fra/lois/c-52.6/page-11.html>.

[24] Loi sur les douanes, paragraphes 60(1) et 61(1).

[25] G. Thériault c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (12 mars 2013), AP-2012-013 (TCCE) au par. 35; R. Christie c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (15 janvier 2014), AP-2012-072 (TCCE) au par. 63; T. Shannon c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (30 janvier 2008), AP-2006-059 (TCCE) au par. 15; W. Ericksen c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (3 janvier 2002), AP-2000-059 (TCCE) à la p. 3; R. L. Klaasen c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (18 octobre 2005), AP-2004-007 (TCCE) à la p. 2.

[26] Pièce AP-2021-023-01 à la p. 1.

[27] Ibid. aux p. 3–4.

Bri-Chem Supply Ltd. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (2 octobre 2015), AP-2014-017 (TCCE) au par. 5.

[29] Voir le paragraphe 30(1) du Tarif des douanes L.C. 1997, ch. 36. Le traitement tarifaire de la NPF est accordé aux marchandises originaires des 164 pays membres de l’Organisation mondiale du commerce. Lorsqu’il n’y a pas d’accord commercial entre le Canada et un autre pays, le taux tarifaire général de 35 p. 100 s’applique. Voir M. Prabhu, Canada’s Laws on Import and Export: an Overview (Toronto: Irwin Law, 2014), 229–231 [en anglais seulement].

[30] L’ALÉNA était en vigueur lorsque la marchandise en cause a été importée au Canada. L’Accord Canada–États‑Unis–Mexique n’est entré en vigueur que le 1er juillet 2020.

[31] Prabhu à la p. 224.

[32] D.O.R.S./2014-299.

[33] D.O.R.S./2014-300.

[34] D.O.R.S./93-593.

[35] Pièce AP-2021-023-23 au par. 35.

[36] Ibid. au par. 36.

[37] Pièce AP-2021-023-22 au par. 3.

[38] Pièce AP-2021-023-23 aux p. 19, 21, 53.

[39] Comme il est indiqué précédemment, l’article 3.16 de l’ALÉCRC a force de loi au Canada aux termes de l’article 1c) du Règlement sur l’ALÉCRC.

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