Appels en matière de douanes et d’accise

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Appel AP-2021-004

Centric Brands s/n KHQ Investments LLC

c.

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Décision et motifs rendus
le jeudi 23 mai 2023

 



EU ÉGARD À un appel entendu le 7 juin 2022 en vertu de l’article 67 de la Loi sur les douanes;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes, le 15 mars 2021, concernant une demande de révision.

ENTRE

CENTRIC BRANDS S/N KHQ INVESTMENTS LLC

Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

Intimé

DÉCISION

L’appel est accueilli.

La question est renvoyée à l’Agence des services frontaliers du Canada pour une réévaluation de l’appréciation de la valeur en douane des marchandises en cause d’une façon conforme aux motifs de la présente décision.

Frédéric Seppey

Peter Burn
Membre présidant


 

Lieu de l’audience :

Vidéoconférence

Date de l’audience :

Le 7 juin 2022

Membre du Tribunal :

Peter Burn, membre présidant

Personnel du Secrétariat du Tribunal :

Kirsten Goodwin, conseillère juridique
Morgan Oda, agente du greffe
Stephanie Blondeau, agente du greffe

PARTICIPANTS :

Appelante

Conseillers/représentants

Centric Brands s/n KHQ Investments LLC

Michael Kaylor
Lawrence N. James

Intimé

Conseillers/représentants

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Aman Owais
Brooklynne Eeuwes

TÉMOINS :

Patricia Carroll
Centric Brands s/n. KHQ Investments LLC
Vice-présidente principale, Ventes

Carl Yesalavage
Centric Brands s/n KHQ Investments LLC
Vice-président, Finances

Veuillez adresser toutes les communications à :

La greffière adjointe
Téléphone : 613-993-3595
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

INTRODUCTION

[1] En vertu du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes (la Loi)[1], Centric Brands s/n KHQ Investments LLC (KHQ) interjette appel d’une décision relative à une demande de révision de la valeur en douane rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC) conformément au paragraphe 60(4) de la Loi.

[2] La principale question en litige consiste à savoir si, pour déterminer la valeur de référence des marchandises importées en cause conformément au paragraphe 51(1) de la Loi, certains bénéfices peuvent être retranchés lors de l’ajustement du prix unitaire des marchandises en application du sous-alinéa 51(4)a)(ii) de la Loi.

CONTEXTE ET HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

[3] KHQ est basée aux États-Unis. Entre 2014 et 2018, elle importait au Canada des vêtements et accessoires pour enfants. Au moyen de feuilles de confirmation de commande, elle émettait des bons de commande à des vendeurs étrangers par suite de commandes passées par Costco Wholesale Canada Ltd. (Costco Canada). Les feuilles de confirmation de commande n’étaient pas des bons de commande et n’obligeaient pas Costco Canada à acheter les marchandises.

[4] Les vendeurs étrangers expédiaient les marchandises à KHQ à l’installation de logistique d’un tiers située à Vancouver, en Colombie-Britannique, ou à Toronto, en Ontario. KHQ était l’importateur officiel et détenait le titre relatif aux marchandises lorsque celles-ci étaient importées au Canada. KHQ n’était pas une société résidente du Canada et n’avait pas d’établissement stable au Canada.

[5] Une fois les marchandises déposées dans l’installation de logistique du tiers, Costco Canada émettait des bons de commande précisant la quantité de marchandises voulue. Le reste des marchandises, le cas échéant, restait dans l’installation. Les marchandises ne faisaient l’objet d’aucun travail au Canada, et elles étaient généralement vendues à Costco Canada dans les 90 jours suivant leur importation. Si Costco Canada n’achetait pas une partie ou la totalité des marchandises, KHQ en disposait (p. ex. en détruisant les marchandises endommagées)[2]. Sur les factures des marchandises, KHQ désignait Costco Canada comme étant le « client facturé[3] » [traduction]. Les factures étaient envoyées à la société mère américaine de Costco Canada (Costco USA), laquelle les payait en dollars américains[4]. Les transactions étaient comptabilisées dans les livres comptables de KHQ, de sorte que les bénéfices en découlant étaient imposables aux États-Unis.

[6] En juin 2016, l’ASFC a entrepris une vérification de l’observation commerciale visant les marchandises importées par KHQ entre le 1er avril 2015 et le 31 mars 2016. L’ASFC a produit son rapport final de vérification en octobre 2017, dans lequel elle a révisé la valeur en douane des marchandises à l’aide de la méthode de la valeur transactionnelle visée à l’article 48 de la Loi[5].

[7] En juin 2018, KHQ a demandé à l’ASFC de réviser la valeur en douane. Elle soutenait que la méthode de la valeur transactionnelle ne s’appliquait pas. En septembre 2020, l’ASFC a demandé à KHQ de lui fournir des renseignements pour lui permettre de calculer la valeur en douane selon d’autres méthodes d’appréciation, dont la méthode de la valeur transactionnelle des marchandises identiques visée à l’article 49 de la Loi, la méthode de la valeur transactionnelle des marchandises semblables visée à l’article 50 de la Loi et la méthode de la valeur de référence visée à l’article 51 de la Loi[6]. Concernant la méthode de la valeur de référence, l’ASFC a indiqué que certains bénéfices désignés par KHQ (considérés par l’ASFC comme des « bénéfices réalisés à l’extérieur du Canada » [traduction]) ne pouvaient pas être retranchés[7]. KHQ n’a fourni aucun renseignement supplémentaire pour justifier les bénéfices[8].

[8] En mars 2021, l’ASFC a rendu sa décision relative à la demande de révision en application du paragraphe 60(4) de la Loi[9]. Elle a conclu que la méthode de la valeur transactionnelle ne s’appliquait pas[10]. En l’absence de renseignements supplémentaires concernant les bénéfices en cause, l’ASFC a décidé d’appliquer avec souplesse la méthode de la valeur de référence, conformément à l’article 53 de la Loi[11].

[9] KHQ a interjeté appel le 10 juin 2021. Le Tribunal a tenu une audience par vidéoconférence le 7 juin 2022.

CADRE LÉGISLATIF

[10] Le Canada détermine la valeur des marchandises importées conformément à la Loi, laquelle intègre dans le droit canadien les règles contenues dans l’Accord sur l’évaluation en douane de l’Organisation mondiale du commerce (officiellement appelé l’Accord sur la mise en œuvre de l’article VII de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994), entre autres. La valeur en douane ainsi déterminée sert de base à l’application des taxes à la valeur ajoutée sur les marchandises importées, telles que la taxe de vente harmonisée (contrairement à la valeur en douane, l’assiette de la taxe de vente sur les marchandises importées comprend non seulement la valeur en douane, mais également le montant des droits et de la taxe d’accise, le cas échéant).

[11] Suivant la Loi, la valeur en douane peut être calculée selon l’une des six méthodes prévues à cet effet. L’article 46 de la Loi exige que la valeur en douane des marchandises importées soit déterminée conformément aux méthodes d’appréciation énoncées aux articles 47 à 55. Les méthodes doivent être appliquées dans l’ordre prévu à l’article 47.

[12] Les articles 47 et 48 disposent que la première méthode d’appréciation (à privilégier) est la méthode de la valeur transactionnelle, qui est suivie de deux méthodes d’appréciation secondaires (fondées sur la valeur transactionnelle de marchandises identiques et sur la valeur transactionnelle de marchandises semblables). Les parties soutiennent, et le Tribunal en convient, que ces trois méthodes d’appréciation ne s’appliquent pas aux marchandises en cause, car les ventes entre KHQ et Costco Canada ne constituent pas des ventes pour exportation, ce qui est une condition préalable à l’application de la méthode de la valeur transactionnelle[12].

[13] L’alinéa 47(2)c) de la Loi prévoit que la méthode d’appréciation suivante (la quatrième) est la méthode de la valeur de référence, qui vise à déterminer la valeur des marchandises au point d’entrée au Canada en retranchant du prix de vente unitaire certains coûts engagés après leur entrée au Canada. La méthode de la valeur de référence s’applique conformément à l’article 51, qui est ainsi libellé :

Valeur en douane fondée sur la valeur de référence

51 (1) Sous réserve des paragraphes (5) et 47(3), la valeur en douane des marchandises est, dans les cas où elle n’est pas déterminée par application des articles 48 à 50, leur valeur de référence, si elle est déterminable.

Détermination de la valeur de référence

(2) La valeur de référence des marchandises à apprécier est un prix unitaire, déterminé conformément au paragraphe (3), ajusté conformément au paragraphe (4), choisi selon les modalités suivantes :

a) lorsque, au moment de l’importation des marchandises à apprécier ou à peu près à ce moment, ces marchandises, des marchandises identiques ou semblables sont vendues au Canada dans l’état où elles ont été importées, c’est le prix unitaire de vente du plus grand nombre de marchandises des trois catégories au moment sus-indiqué qui est retenu;

b) lorsque les marchandises à apprécier, des marchandises identiques ou semblables sont vendues au Canada, non dans les situations visées à l’alinéa a), mais dans l’état où elles ont été importées dans les quatre-vingt-dix jours suivant l’importation des marchandises à apprécier, c’est le prix unitaire de vente du plus grand nombre de marchandises des trois catégories à la date la plus proche de l’importation des marchandises à apprécier qui est retenu;

c) lorsque les marchandises à apprécier, des marchandises identiques ou semblables ne sont pas vendues au Canada dans les situations visées aux alinéas a) ou b), que les marchandises à apprécier, après assemblage, emballage ou transformation complémentaire, y sont vendues dans les cent quatre-vingts jours suivant leur importation et que l’importateur des marchandises à apprécier demande l’application du présent alinéa à la détermination de leur valeur en douane, c’est le prix unitaire de vente du plus grand nombre des marchandises à apprécier qui est retenu.

Prix unitaire

(3) Pour l’application du paragraphe (2), le prix unitaire des marchandises à apprécier, de marchandises identiques ou de marchandises semblables désigne le prix unitaire auquel ces marchandises sont vendues, au premier niveau commercial après leur importation, à des personnes qui, à la fois :

a) ne sont pas liées, au moment de la vente, aux vendeurs des marchandises en question;

b) n’ont fourni, directement ou indirectement, sans frais ou à coût réduit, aucune des marchandises ou aucun des services visés au sous-alinéa 48(5)a)(iii) pour être utilisés lors de la production et de la vente à l’exportation des marchandises en question.

Le prix unitaire retenu à cet égard est le prix unitaire de vente du plus grand nombre de ces marchandises lorsque, selon le ministre ou son délégué, ce nombre est suffisamment important pour permettre la détermination de ce prix.

Ajustement du prix unitaire

(4) Pour l’application du paragraphe (2), le prix unitaire qui y est visé est ajusté en en retranchant la somme des montants suivants :

a) le montant, déterminé de la manière réglementaire, représentant, dans le cadre de la vente au Canada de marchandises de même nature ou de même espèce que les marchandises en question :

(i) soit le montant de la commission normale payée sur une base unitaire,

(ii) soit le montant pour les bénéfices et frais généraux, considérés comme un tout et comprenant tous les frais de commercialisation, normalement inclus dans le prix unitaire;

b) les coûts et frais de transport et d’assurance des marchandises à l’intérieur du Canada, y compris les coûts et frais connexes, généralement supportés lors de la vente au Canada des marchandises à apprécier, des marchandises identiques ou des marchandises semblables, dans la mesure où ils ne sont pas déduits avec les frais généraux visés à l’alinéa a);

c) les coûts et frais supportés afférents aux marchandises en question et visés au sous-alinéa 48(5)b)(i), dans la mesure où ils ne sont pas déduits avec les frais généraux visés à l’alinéa a);

d) les droits et taxes visés à la division 48(5)b)(ii)(B), dans la mesure où ils ne sont pas déduits avec les frais généraux visés à l’alinéa a);

e) dans le cas visé à l’alinéa (2)c), la valeur ajoutée aux marchandises en question par suite de leur assemblage, emballage ou transformation complémentaire au Canada.

Rejet de la valeur de référence

(5) Si, en l’absence de renseignements suffisants, la valeur visée à l’alinéa (4)e) n’est pas déterminable, la valeur en douane des marchandises à apprécier ne doit pas se fonder sur l’alinéa (2)c).

Date d’importation

(6) Dans le présent article, la date de l’importation des marchandises est, selon le cas :

a) à l’égard de marchandises autres que celles visées à l’alinéa 32(2)b), la date à laquelle leur dédouanement est autorisé en application de la présente loi par un agent ou selon les modalités réglementaires;

b) à l’égard de marchandises visées à l’alinéa 32(2)b), la date de réception de celles-ci à l’établissement de l’importateur, du propriétaire ou du destinataire.

[14] La méthode de la valeur de référence s’applique conformément au Règlement sur la détermination de la valeur en douane (le Règlement)[13]. L’article 5 est ainsi rédigé :

5 (1) Pour l’application de l’alinéa 51(4)a) de la Loi, en matière d’appréciation de marchandises importées, le montant qui y est visé et qui représente le montant de la commission ou le montant pour les bénéfices et frais généraux est un pourcentage calculé à partir des renseignements suffisants établis conformément aux principes de comptabilité généralement acceptés et, sous réserve du paragraphe (2), fournis par l’importateur des marchandises à apprécier ou en son nom.

(2) Dans le cas où le montant déterminé d’après les renseignements suffisants fournis par un importateur visé au paragraphe (1) ou en son nom ne correspond pas au montant normalement gagné ou noté à l’égard des ventes effectuées au Canada par des importateurs qui traitent avec leurs vendeurs au même titre que des personnes non liées, les renseignements suffisants sont fondés sur l’examen des ventes au Canada :

a) de marchandises d’un groupe le plus restreint possible ou d’une gamme la plus restreinte possible qui sont de même nature ou de même espèce que les marchandises à apprécier, y inclus les marchandises à apprécier;

b) effectuées par des importateurs qui traitent avec leurs vendeurs au même titre que des personnes non liées;

c) sur lesquelles des renseignements suffisants peuvent être obtenus.

[15] Comme le Tribunal l’a déjà mentionné, la méthode de la valeur de référence est la quatrième des six méthodes d’appréciation de la valeur en douane. Si la valeur en douane ne peut être déterminée à l’aide de la méthode de la valeur de référence, la cinquième méthode est la méthode de la valeur reconstituée, qui consiste à établir la valeur selon la somme des divers coûts décrits à l’article 52 de la Loi. Si cette méthode ne peut être appliquée, la dernière méthode d’appréciation, visée à l’article 53, prévoit une application souple de l’une des méthodes énoncées aux articles 48 à 52.

ANALYSE

[16] La première étape de l’analyse consiste à déterminer la méthode d’appréciation applicable. Les deux parties conviennent que la méthode de la valeur de référence s’applique. Pour les motifs qui suivent, le Tribunal est du même avis. La deuxième étape est d’établir si la méthode de la valeur de référence permet de retrancher certains bénéfices lors de l’ajustement du prix unitaire des marchandises en cause en application de l’alinéa 51(4)a) de la Loi.

La méthode de la valeur de référence est la méthode d’appréciation applicable

[17] Le Tribunal a conclu ci-dessus que ni la première méthode, soit celle de la valeur transactionnelle, ni les méthodes secondaires d’appréciation fondées sur la méthode de la valeur transactionnelle ne s’appliquent. La méthode d’appréciation suivante est la méthode de la valeur de référence, prévue à l’article 51 de la Loi. Cette méthode permet d’estimer la valeur des marchandises au moment de leur importation en retranchant certains coûts engagés au Canada après leur importation. Suivant le paragraphe 51(2), la valeur des marchandises vendues au Canada après leur importation est fondée sur le prix unitaire établi conformément au paragraphe 51(3) et ajusté conformément au paragraphe 51(4).

[18] Des éléments de preuve non contestés démontrent que les marchandises en cause ont été vendues à Costco Canada dans l’état où elles ont été importées et que les ventes ont été effectuées dans les 90 jours suivant l’importation, conformément à l’alinéa 51(2)b) de la Loi. En ce qui a trait au paragraphe 51(3), les éléments de preuve versés au dossier montrent que les marchandises en cause ont été vendues, au premier niveau commercial après leur importation, par KHQ à Costco Canada, à titre de parties sans lien de dépendance. Rien n’indique que Costco Canada a fourni des marchandises ou des services pour être utilisés lors de la production et de la vente à l’exportation des marchandises en cause. Les deux parties conviennent qu’un prix unitaire peut être déterminé en application du paragraphe 51(3). Bien que les parties ne s’entendent pas sur la question de savoir si certains bénéfices peuvent être retranchés du prix unitaire en application du paragraphe 51(4), nul ne conteste que des ajustements du prix unitaire peuvent être effectués suivant cette disposition, et les parties conviennent que la méthode de la valeur de référence s’applique.

[19] Compte tenu de la preuve et comme les parties en conviennent, le Tribunal conclut que la méthode de la valeur de référence est la méthode d’appréciation applicable.

Les bénéfices réalisés au Canada peuvent être retranchés lors de l’ajustement du prix unitaire des marchandises en cause

[20] Selon le paragraphe 51(4) de la Loi, le prix unitaire des marchandises importées est ajusté en en retranchant certains montants. Dans le cadre du présent appel, la principale question en litige consiste à savoir si les bénéfices découlant des ventes de KHQ à Costco Canada peuvent être retranchés lors de l’ajustement du prix unitaire en application du sous-alinéa 51(4)a)(ii)[14]. Les parties ne s’entendent pas sur la question de savoir si les bénéfices allégués par KHQ ont été réalisés « dans le cadre de la vente au Canada » et s’ils pouvaient donc être retranchés du prix unitaire en application du sous-alinéa 51(4)a)(ii).

[21] KHQ soutient que les ventes effectuées à Costco Canada ont donné lieu à un seul type de bénéfices. Ainsi, les bénéfices ont été réalisés dans le cadre de la vente au Canada, sans égard à la question de savoir si KHQ était un importateur non résident et si la facturation et le paiement des marchandises ont été effectués aux États-Unis. KHQ fait valoir que « simplement dit, il suffit qu’il y ait un lien entre la vente au Canada et les bénéfices réalisés sur cette vente[15] » [traduction].

[22] L’ASFC soutient que les bénéfices pouvant être retranchés en application du paragraphe 51(4) de la Loi ne visent que les bénéfices réalisés au Canada. Selon elle, les bénéfices en cause n’ont pas été réalisés au Canada, mais plutôt aux États-Unis, puisque KHQ a facturé Costco Canada à l’adresse de Costco USA, que KHQ a reçu le paiement de Costco USA aux États-Unis et que les bénéfices n’étaient imposables qu’aux États-Unis. L’ASFC affirme donc que les bénéfices sont des « bénéfices étrangers » [traduction] qui ne constituent pas des bénéfices dans le cadre de la vente au Canada et qui ne peuvent pas être retranchés en application du sous-alinéa 51(4)a)(ii). De plus, selon l’ASFC, puisque KHQ n’a fourni aucune documentation à l’appui des bénéfices allégués qu’elle souhaitait retrancher, elle est considérée comme ayant renoncé à son droit à cette déduction[16].

[23] Le Tribunal commence son analyse par l’interprétation de l’alinéa 51(4)a) de la Loi et insiste plus particulièrement sur les termes suivants mis en italiques :

51(4) Pour l’application du paragraphe (2), le prix unitaire qui y est visé est ajusté en en retranchant la somme des montants suivants :

a) le montant, déterminé de la manière réglementaire, représentant, dans le cadre de la vente au Canada de marchandises de même nature ou de même espèce que les marchandises en question :

(i) soit le montant de la commission normale payée sur une base unitaire,

(ii) soit le montant pour les bénéfices et frais généraux, considérés comme un tout et comprenant tous les frais de commercialisation, normalement inclus dans le prix unitaire;

[Nos italiques]

[24] Selon les principes d’interprétation des lois, il faut lire les termes d’une loi « dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur »[17]. Lorsque « le libellé d’une disposition législative est précis et non équivoque, le sens ordinaire des mots joue un rôle primordial dans le processus d’interprétation »[18]. Bien que l’objet et le contexte de la loi soient tout de même examinés[19], ils « ne permet[tent] pas de faire fi d’un texte qui est véritablement clair et exempt de toute ambiguïté. On ne peut pas non plus exciper de l’objet de la loi pour étendre le sens d’une disposition législative au-delà de ce que son libellé clair et exempt de toute ambiguïté permet.[20] » Il est bien établi que « les tribunaux devraient être réticents à adopter, sous le couvert d’interprétation législative, des notions de politique ou de principe qui ne sont pas exprimées »[21].

[25] Le paragraphe 51(4) de la Loi exige que le prix unitaire soit ajusté en en retranchant la somme des montants visés aux alinéas 51(4)a) à e). Dans le cadre du présent appel, la disposition applicable est le sous-alinéa 51(4)a)(ii), qui permet de retrancher le montant représentant, dans le cadre de la vente au Canada, le montant pour les bénéfices.

[26] À première vue, ces termes sont clairs et exempts de toute ambiguïté et peuvent se définir ainsi : « amount » (montant) s’entend d’une « quantité, en particulier le total d’une chose ou de choses, en nombre, en taille, en valeur, en étendue, etc. »[22] [traduction]; « profit » (bénéfice) s’entend d’un « gain financier; excédent du rendement sur les débours »[23] [traduction]; « connection » (dans le cadre de) signifie « dans les limites de, dans le contexte de »[24] [traduction]; « connect » (cadre) s’entend de « contexte »[25] [traduction]; et « sale » (vente) s’entend du « fait d’échanger (une marchandise) contre son prix »[26] [traduction]. Aucune de ces définitions ne comprend d’élément géographique. Cependant, le terme « vente » (c.-à-d. le « fait d’échanger [une marchandise] contre son prix ») est qualifié par les mots « au Canada ».

[27] La prochaine étape de l’analyse consiste à interpréter ces termes dans leur contexte global. Le Tribunal a précédemment affirmé que l’application successive des méthodes d’appréciation prévues par la Loi vise à prévoir les différents scénarios dans lesquels des marchandises sont importées au Canada[27]. Les calculs effectués selon les diverses méthodes d’appréciation devraient donner approximativement la même valeur en douane[28]. Le Tribunal a déclaré que « les méthodes d’appréciation, à l’exception de la méthode de la valeur transactionnelle, visent à obtenir une estimation d’une transaction entre deux parties sans lien de dépendance »[29] [italiques dans l’original].

[28] La méthode de la valeur de référence vise à estimer la valeur des marchandises au moment de leur importation en retranchant certains montants liés aux ventes au Canada qui ont été engagés après l’importation[30]. La lecture du sous-alinéa 51(4)a)(ii) de la Loi dans ce contexte permet de conclure que, lorsque vient le temps d’estimer la valeur de ces marchandises au moment de leur importation, le prix unitaire des marchandises importées peut être ajusté en en retranchant le montant pour les bénéfices réalisés dans le cadre de la vente au Canada. Cette conclusion est conforme à la décision Armstrong Bros. Tool Co. c. Canada (Revenu national) (Armstrong), dans laquelle le Tribunal affirme ce qui suit[31] :

Pour comprendre le sens de l’expression « dans le cadre de la vente au Canada », le Tribunal a tenu compte du contexte plus vaste dans lequel cette expression figure, ainsi que de l’objet du rajustement du prix unitaire des marchandises et de l’intention qu’avait le Parlement en le prévoyant. Le Tribunal est d’avis que les rajustements au prix unitaire que prévoit le paragraphe 51(4) visent « à déduire la majoration qui est habituellement appliquée au [Canada], de manière à ramener le prix de vente à une valeur qui peut être décrite comme s’appliquant au stade de l’importation, plutôt qu’au stade ultérieur de la revente » [traduction]. De l’avis du Tribunal, la déduction pour la majoration se limite aux bénéfices réalisés et aux frais engagés au Canada. De cette façon, le prix unitaire des marchandises est ramené à une approximation raisonnable de leur valeur au moment de l’importation.

Il ressort clairement de l’article 51 que la méthode de la valeur de référence pour déterminer la valeur en douane est articulée sur les « marchandises [...] vendues, au premier niveau commercial après leur importation ». C’est cette transaction qui détermine le prix unitaire prédominant et les rajustements qui y sont apportés. De l’avis du Tribunal, par conséquent, les rajustements permis aux termes du paragraphe 51(4) ont trait à des majorations raisonnables qui tiennent compte des bénéfices et des frais pour cette transaction. Ainsi, pour qu’ils soient « dans le cadre de la vente au Canada », les bénéfices et frais doivent être survenus au Canada, tout comme la transaction a eu lieu au Canada. Cela dit, bien qu’ils aient été engagés au Canada, les frais ont pu être réglés de l’étranger.

[Note de bas de page omise, nos italiques]

[29] Bien que les arguments des parties concordent avec certains aspects de l’analyse interprétative du Tribunal dans Armstrong, ils divergent sur d’autres. KHQ soutient que le fait d’interpréter l’expression « dans le cadre de » de manière à exiger que les bénéfices soient « réalisés au Canada » [traduction] constitue une interprétation indûment restrictive et donc erronée de la Loi. Selon l’ASFC, Armstrong défend le principe selon lequel les bénéfices réalisés « dans le cadre de la vente au Canada » n’incluent pas les bénéfices comptabilisés à l’extérieur du Canada, dans la mesure où les ventes en cause ont été facturées et payées à l’extérieur du Canada, et que ces bénéfices ne peuvent pas être retranchés aux fins de l’application de la méthode de la valeur de référence, car ils constituent des « bénéfices étrangers » [traduction] qui n’ont pas été « réalisés » [traduction] au Canada. De plus, l’ASFC soutient que le fait de permettre de retrancher du prix unitaire les bénéfices comptabilisés à l’extérieur du Canada en application du sous-alinéa 51(4)a)(ii) de la Loi serait contraire à l’objet de la Loi et à l’intention du législateur qui s’en dégage.

[30] Les positions défendues par les parties ne sont peut-être pas surprenantes, étant donné qu’elles cherchent respectivement à augmenter et à diminuer au maximum le montant des bénéfices pouvant être retranché, et donc la valeur en douane (et la taxe de vente). Cependant, les deux parties semblent avoir mal interprété l’analyse interprétative exposée dans Armstrong. En effet, le Tribunal est d’avis que les deux positions sont contraires à l’objet de la Loi.

[31] L’objectif stratégique fondamental des multiples méthodes d’appréciation prévues par la Loi est d’augmenter les chances d’en arriver à une valeur en douane qui s’approche de celle d’une transaction entre deux parties sans lien de dépendance (selon la première méthode d’appréciation à privilégier dans la mesure du possible). Dans une transaction d’importation entre deux parties sans lien de dépendance, selon la méthode de la valeur transactionnelle, la valeur en douane comprend toujours une majoration pour les coûts engagés avant l’importation. Cependant, aucune majoration n’est appliquée après l’importation pour couvrir les coûts engagés au Canada. Les positions défendues par l’ASFC et KHQ ne répondraient pas à cet objectif fondamental. KHQ soutient essentiellement que les bénéfices couvrant tous les coûts engagés au Canada et à l’étranger avant l’importation devraient pouvoir être retranchés à titre de bénéfices réalisés au Canada aux fins de l’application de la méthode de la valeur de référence. Pour sa part, l’ASFC fait valoir qu’aucun bénéfice ne peut être retranché si les bénéfices sont comptabilisés à l’extérieur du Canada dans les livres comptables de la société mère étrangère, et ce, même lorsque les bénéfices et les dépenses sont survenus au Canada.

[32] Contrairement à ce qu’affirme KHQ, Armstrong n’appuie pas le principe selon lequel un simple lien entre la vente au Canada et les bénéfices comptabilisés sur cette vente est suffisant pour que l’ensemble des bénéfices comptabilisés par KHQ à l’extérieur du Canada puissent être retranchés à titre de « bénéfices réalisés au Canada » [traduction] aux fins de l’application de la méthode de la valeur de référence. Par contre, et contrairement à la position défendue par l’ASFC, Armstrong ne permet pas non plus d’affirmer que le simple fait de facturer et de comptabiliser aux États-Unis des ventes effectuées au Canada fait en sorte que les bénéfices réalisés sur ces ventes sont des bénéfices entièrement réalisés aux États-Unis, et non en partie du moins réalisés au Canada ou dans le cadre de ventes au Canada[32].

[33] Le Tribunal a affirmé dans Armstrong que la « déduction pour la majoration se limite aux bénéfices réalisés […] au Canada ». Le Tribunal a également affirmé que les ajustements visés au paragraphe 51(4) de la Loi se rapportent à des majorations effectuées pour tenir compte des bénéfices réalisés « pour » des transactions de vente au Canada. Il a ajouté que, pour pouvoir être retranchés, les bénéfices devaient être « survenus » au Canada. Enfin, il a conclu que seuls les bénéfices « engagés au Canada qui étaient reliés aux ventes au Canada sont admis » [nos italiques][33]. Lorsque l’on examine globalement l’interprétation du Tribunal dans Armstrong, l’expression « réalisés » au Canada n’est qu’une façon de décrire la position du Tribunal selon laquelle le prix unitaire peut être ajusté aux fins de l’application de la méthode de la valeur de référence en retranchant les coûts engagés au Canada et une partie appropriée des bénéfices, de manière à ramener le prix de vente au Canada à une valeur qui peut être décrite comme s’appliquant au stade de l’importation, plutôt qu’au stade ultérieur de la revente ou à un stade antérieur à l’entrée au Canada.

[34] Seul le montant des bénéfices réalisés au Canada peut être retranché en vertu du paragraphe 51(4) de la Loi. Ce montant n’est pas nécessairement le même que la majoration appliquée au Canada. Le montant des bénéfices retranché aux fins de l’application de la méthode de la valeur de référence devrait correspondre à la partie des coûts totaux engagés pour la production, la livraison et la vente des marchandises qui est raisonnablement liée aux ventes au Canada. Il appartient à l’ASFC d’évaluer si une partie des bénéfices est imputable à juste titre aux coûts engagés et aux bénéfices réalisés à l’extérieur du Canada avant l’importation au Canada.

[35] L’ASFC soutient également que le sous-alinéa 51(4)a)(ii) de la Loi devrait être interprété d’une manière conforme à la Convention entre le Canada et les États-Unis d’Amérique en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune (la Convention)[34]. Suivant l’article VII de la Convention, les bénéfices des résidents du Canada et des États-Unis sont imposables dans le pays où ils résident, à moins qu’ils n’exercent leur activité par l’intermédiaire d’un établissement stable dans l’autre État. Si tel est le cas, certains bénéfices peuvent être imputables à cet établissement stable. Par conséquent, si le sous-alinéa 51(4)a)(ii) et la Convention devaient être lus ensemble, les importateurs non résidents basés aux États-Unis et n’ayant pas d’établissement stable au Canada, comme KHQ, ne pourraient jamais retrancher de bénéfices découlant de ventes au Canada. Bien qu’il reconnaisse que les conventions, les lois et la jurisprudence en matière fiscale peuvent constituer des outils d’interprétation dans certaines circonstances, le Tribunal n’a pas à tenir compte de la Convention pour interpréter le sous-alinéa 51(4)a)(ii). Premièrement, la disposition est claire et exempte de toute ambiguïté, et le contexte d’interprétation de la disposition découle de la Loi elle-même (comme l’explique le Tribunal plus haut). Deuxièmement, la Convention porte sur l’évasion fiscale et la double imposition entre le Canada et les États-Unis, et le lien entre les bénéfices, la résidence et les établissements stables dont il est question à l’article VII reflète ce contexte. La méthode de la valeur de référence prévue par la Loi ne comporte aucune exigence liée à la résidence ou à l’existence d’un établissement stable. Le Tribunal ne voit donc aucune raison d’en intégrer dans son interprétation du sous-alinéa 51(4)a)(ii).

[36] L’ASFC soutient également que le fait de permettre de retrancher des bénéfices comptabilisés dans des livres et registres comptables tenus à l’extérieur du Canada « risquerait de rendre impossible la détermination de la valeur en douane pour les importateurs non-résidents, puisque l’ASFC n’a pas le pouvoir de pénétrer dans des lieux à l’étranger pour vérifier l’information ou comparer les bénéfices indiqués dans des déclarations de revenus de pays étrangers » [traduction]. Cet argument est insoutenable. L’ASFC est une organisation spécialisée qui mène régulièrement des vérifications et des audits approfondis de documents d’importation de résidents et de non-résidents (et qui incite les entreprises basées aux États-Unis à devenir membre de son programme pour les importateurs non résidents). Quoi qu’il en soit, rien dans le paragraphe 51(4) de la Loi n’interdit de retrancher les bénéfices simplement parce que les livres comptables sont tenus à l’extérieur du Canada, surtout lorsque ces livres peuvent être vérifiés, du moins potentiellement. Dans la mesure où l’ASFC propose encore là une interprétation lui permettant d’atteindre un de ses objectifs malgré le libellé clair et exempt de toute ambiguïté du sous-alinéa 51(4)a)(ii), le Tribunal réitère qu’il est réticent à adopter, sous le couvert d’interprétation législative, des notions de politique et de principe qui sont exprimées par l’ASFC[35].

[37] L’ASFC affirme également que le fait d’interpréter le sous-alinéa 51(4)a)(ii) de la Loi de manière à permettre de retrancher du prix unitaire les bénéfices « étrangers » fausserait la valeur en douane comparativement à celle obtenue à l’aide des autres méthodes d’appréciation prévues par la Loi et que la valeur en douane ainsi calculée au moyen de la valeur de référence ne correspondrait pas approximativement à la valeur qui serait obtenue à l’aide des autres méthodes[36]. À l’appui de cet argument, l’ASFC a déposé des scénarios hypothétiques d’appréciation à titre de comparaison[37]. Le Tribunal n’a pas été convaincu par les scénarios hypothétiques, bien qu’il soit conscient du risque de fausser la valeur s’il devait souscrire à la position défendue par KHQ. Cependant, le Tribunal reconnaît également les fausses valeurs qui pourraient être obtenues s’il souscrivait à la position de l’ASFC selon laquelle les bénéfices réalisés au Canada pourraient devenir des « bénéfices étrangers » ne pouvant pas être retranchés aux fins de l’application de la méthode de la valeur de référence simplement parce qu’ils ont été facturés et comptabilisés à l’extérieur du Canada.

[38] Enfin, selon l’ASFC, comme KHQ n’a fourni aucune documentation à l’appui des bénéfices allégués qu’elle souhaitait retrancher, elle est considérée comme ayant renoncé à son droit à cette déduction. Compte tenu des circonstances particulières du présent appel, le Tribunal n’est pas de cet avis. Avant même de recevoir les documents à l’appui des bénéfices de la part de KHQ, l’ASFC a décidé que les bénéfices en cause ne pouvaient pas être retranchés. Après avoir pris cette décision, l’ASFC en a avisé KHQ. En réaction à l’orientation claire adoptée par l’ASFC de ne pas retrancher les bénéfices, KHQ n’a fourni aucun document à l’appui. En réalité, l’ASFC a amené KHQ à réagir ainsi. Si l’ASFC n’avait pas pris sa décision et ne l’avait pas communiquée à KHQ avant de recevoir les documents à l’appui et que KHQ avait refusé de fournir les documents, la situation pourrait être différente. Mais tel n’est pas le cas en l’espèce.

[39] Finalement, dans le cadre du présent appel, KHQ a présenté une ventilation de ses ventes annuelles à Costco Canada, y compris les marques, les catégories de produit, les montants pour les prix de vente unitaires ainsi que les montants pour les bénéfices par unité[38]. L’ASFC ne conteste pas la présentation de ces renseignements en soi. Il est bien établi que les appels interjetés en vertu de l’article 67 de la Loi sont menés de novo et que le dossier peut être complété par de nouveaux éléments de preuve[39]. Cependant, l’ASFC soutient que la preuve au dossier, surtout les nouveaux renseignements, n’est pas suffisamment détaillée et qu’elle aurait besoin de renseignements supplémentaires pour calculer correctement la valeur en douane à l’aide de la méthode de la valeur de référence. Comme l’ASFC a demandé au Tribunal de lui renvoyer l’affaire pour nouvelle décision s’il conclut que les bénéfices en cause peuvent être retranchés, le Tribunal n’a pas demandé de renseignements supplémentaires à KHQ dans le cadre du présent appel. Les parties conviennent généralement que les renseignements sont suffisants[40].

[40] Le Tribunal est d’avis que l’interprétation de la Loi exposée dans la présente décision reflète le libellé et l’objet de la loi en vigueur. Une telle interprétation réduit les risques de fausser injustement les valeurs en fonction des méthodes d’appréciation, protège contre une possible érosion de l’assiette de la taxe de vente sur la valeur ajoutée et respecte les principes de base qui sous-tendent les règles de l’Organisation mondiale du commerce.

[41] Le Tribunal conclut qu’au moins une partie des bénéfices de KHQ, voire peut-être la totalité, avait été réalisée dans le cadre de la vente au Canada au sens du sous-alinéa 51(4)a)(ii) de la Loi. Ce qui doit maintenant être déterminé est le montant des bénéfices comptabilisés par KHQ qui peut être retranché aux fins de l’application de la méthode de la valeur de référence, de manière à ce que le prix de vente au Canada soit ramené à une valeur qui peut être décrite comme s’appliquant au stade de l’importation.

DÉCISION

[42] L’appel est accueilli.

[43] La question est renvoyée à l’intimé pour une réévaluation de l’appréciation de la valeur en douane des marchandises en cause d’une façon conforme aux motifs de la présente décision.

Frédéric Seppey

Pour Peter Burn*
Membre présidant

 

*Le 30 janvier 2023, le mandat de M. Peter Burn a pris fin. La traduction des motifs du Tribunal, rendus en anglais dans le présent dossier le 18 mai 2023, n’a été disponible qu’après la fin de son mandat. En l’espèce, et avec l’accord préalable de M. Burn, je soussigné, Frédéric Seppey, président du Tribunal, atteste que la traduction des motifs reflète adéquatement la version anglaise et que j’ai signé l’original de ce document pour M. Burn.



[1] L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.).

[2] Pièce AP-2021-004-07 au par. 13. Transcription de l’audience publique aux p. 15–16.

[3] Pièce AP-2021-004-11.A (protégée) aux p. 10–37.

[4] Transcription de l’audience publique à la p. 28. Pièce AP-2021-004-11 au par. 2.

[5] Pièce AP-2021-004-11 au par. 8; pièce AP-2021-004-11.A (protégée) aux p. 45–50.

[6] Pièce AP-2021-004-07 à la p. 45.

[7] Ibid. aux p. 46–47.

[8] Ibid.; Transcription de l’audience à huis clos aux p. 89–90.

[9] Pièce AP-2021-004-01 aux p. 8−17; pièce AP-2021-004-07 aux p. 41–48.

[10] Pièce AP-2021-004-01 à la p. 11; pièce AP-2021-004-07 à la p. 42.

[11] Pièce AP-2021-004-01 à la p. 11; pièce AP-2021-004-07 à la p. 47.

[12] Cherry Stix Ltd. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (10 mai 2010), AP-2008-028 (TCCE) au par. 35.

[13] DORS/86-792.

[14] KHQ a confirmé que son appel ne vise que le caractère déductible des bénéfices. Transcription de l’audience publique aux p. 34, 41.

[15] Pièce AP-2021-004-07 au par. 51.

[16] L’ASFC demande également au Tribunal de conclure qu’elle n’est pas tenue d’appliquer la méthode de la valeur de référence avec souplesse seulement parce qu’un importateur refuse de respecter ses obligations prévues par la Loi. Le Tribunal est d’avis qu’il est inutile de se pencher sur cette demande dans les circonstances du présent appel.

[17] Canada (Procureur général) c. Burke, 2022 CAF 44 [Burke] au par. 32, citant Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54 [Hypothèques Trustco] au par. 10.

[18] Burke au par. 33, citant Hypothèques Trustco au par. 10.

[19] Hillier c. Canada (Procureur général), 2019 CAF 44 [Hillier] au par. 24.

[20] Hillier au par.25, citant Canada c. Cheema, 2018 CAF 45 aux par. 74–75.

[21] 65302 British Columbia Ltd. c. Canada, [1999] 3 RCS 804 au par. 51. Voir aussi AAi. FosterGrant of Canada Co. c. Canada (Commissaire de l’Agence des Douanes et du Revenu), 2004 CAF 259 au par. 20, citant Shell Canada Ltd. c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 622 aux par. 40, 43.

[22] The Canadian Oxford Dictionary, 2e éd., s.v. « amount ».

[23] The Canadian Oxford Dictionary, 2e éd., s.v. « profit ».

[24] The Canadian Oxford Dictionary, 2e éd., s.v. « connection ».

[25] The Canadian Oxford Dictionary, 2e éd., s.v. « connect ».

[26] The Canadian Oxford Dictionary, 2e éd., s.v. « sale ».

[27] Tootsie Roll of Canada Ltd. c. Le sous-ministre du Revenu national (16 septembre 1997), AP-96-114 (TCCE) [Tootsie Roll] à la p. 4. Pier 1 Imports (U.S.), Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (16 décembre 2021), AP-2019-047 (TCCE) [Pier 1 Imports] au par. 17. Voir aussi Bluestein Enterprises Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (31 mars 2014), AP-2013-028 (TCCE) [Bluestein Enterprises] au par. 49.

[28] Tootsie Roll à la p. 4; Pier 1 Imports au par. 17. Voir aussi Bluestein Enterprises au par. 49.

[29] Pier 1 Imports au par. 17.

[30] Pier 1 Imports (U.S.), Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (2 septembre 2021), AP-2019-047 (TCCE) au par. 21; Bluestein Enterprises à la note 27.

[31] (15 août 1997), AP-96-105 (TCCE) aux p. 6–7, confirmée par la Cour d’appel fédérale le 22 juin 1999 (A-818-97).

[32] Dans Armstrong, le Tribunal n’a pas été en mesure d’évaluer les bénéfices (et les dépenses) allégués par l’appelante et a renvoyé l’affaire à l’intimé pour nouvelle appréciation; Armstrong à la p. 9, confirmée par la Cour d’appel fédérale le 22 juin 1999 (A-818-97).

[33] Armstrong à la p. 2, confirmée par la Cour d’appel fédérale le 22 juin 1999 (A-818-97).

[34] Loi de 1984 sur la Convention Canada-États-Unis en matière d’impôts, 1984, S.C. 1984, ch. 20, annexe I.

[35] Hillier au par. 25, citant Canada c. Cheema, 2018 CAF 45 aux par. 74–75; 65302 British Columbia Ltd. c. Canada, [1999] 3 RCS 804 au par. 51.

[36] Tootsie Roll à la p. 4. Pier 1 Imports au par. 17. Voir aussi Bluestein Enterprises au par. 49.

[37] Pièce AP-2021-004-11.A (protégée) aux p. 115–118.

[38] Pièce AP-2021-004-07.A (protégée) aux p. 66–73.

[39] Canada (Procureur général) c. Best Buy Canada Ltd., 2021 CAF 161 au par. 43; Instant Brands Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (26 mars 2021), AP-2019-039 (TCCE) au par. 45.

[40] Le paragraphe 45(1) de la Loi prévoit que « renseignements suffisants » s’entend de « [r]enseignements objectifs et quantifiables permettant, quand il s’agit de déterminer un montant, une différence ou un ajustement, de les chiffrer avec exactitude ». L’article 5 du Règlement prévoit que « [p]our l’application de l’alinéa 51(4)a) de la Loi, en matière d’appréciation de marchandises importées, le montant qui y est visé et qui représente le montant de la commission ou le montant pour les bénéfices et frais généraux est un pourcentage calculé à partir des renseignements suffisants […] ».

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