Appels en matière de douanes et d’accise

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Appel AP-2022-001

9311-3652 Québec Inc.

c.

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Décision et motifs rendus
le mardi 26 mars 2024

 



EU ÉGARD À un appel entendu les 19 septembre et 2 novembre 2023 en vertu de l’article 67 de la Loi sur les douanes;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes, le 19 janvier 2022, concernant une demande de réexamen.

ENTRE

9311-3652 QUÉBEC INC.

Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

Intimé

DÉCISION

L’appel est accueilli. Les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 1901.90.39 de l’annexe du Tarif des douanes.

Eric Wildhaber

Eric Wildhaber
Membre présidant


 

Lieu de l’audience :

Ottawa (Ontario)

Dates de l’audience :

les 19 septembre et 2 novembre 2023

Membre du Tribunal :

Eric Wildhaber, membre présidant

Personnel du Secrétariat du Tribunal :

Yannick Trudel, conseiller juridique
Claire Hall, conseillère juridique
Badih Abboud, agent du greffe
Geneviève Bruneau, agente du greffe

PARTICIPANTS :

Appelante

Conseiller/représentant

9311-3652 Québec Inc.

Fatah Mekideche

Intimé

Conseillers/représentants

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Michaël Fortier
Patrick Visintini

TÉMOINS :

Martin Michaud
Expert-conseil en agriculture et en agroalimentaire
MMNA Consultants

Andrea O’Brien
Conseillère scientifique principale
Agence des services frontaliers du Canada

 

Jacques Goulet
Consultant en sciences et technologie des aliments
Costal Inc.

Veuillez adresser toutes les communications à :

La greffière adjointe
Téléphone : 613-993-3595
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

SOMMAIRE

[1] Le présent appel est interjeté devant le Tribunal canadien du commerce extérieur, aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes[1] (Loi), et concerne l’importation de préparations alimentaires commercialisées sous le nom « La Jeune Vache » (les marchandises en cause), un produit qui est parfois décrit comme étant « la Vache qui rit algérienne[2] ». Une description des marchandises en cause, l’historique de la procédure et la législation pertinente se trouvent en annexe.

[2] Des informations qui ont été communiquées uniquement au moment de l’instruction de l’affaire ont permis au Tribunal de constater que l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) aurait pu régler le litige sans que le Tribunal en soit saisi. En bref, la position principale de l’ASFC dans cette affaire était que les marchandises en cause devaient être classées dans le numéro tarifaire 1901.90.39. Cela dit, ce numéro tarifaire ne prévoit pas de droits de douane à payer[3].

[3] Le classement dans le numéro tarifaire 1901.90.39 était donc évidemment favorable à 9311‑3652 Québec Inc., car cela impliquait nécessairement que l’ASFC lui rembourse la totalité des droits de douane en litige. Sans surprise, 9311-3652 Québec Inc. consentait à ce dénouement. Or, l’ASFC n’a jamais cru bon l’informer de ce dénouement avant l’audience. Plutôt, l’ASFC s’est permis de laisser le litige se poursuivre sous la prémisse que le Tribunal devait faire la lumière sur une prétendue controverse venant de courtes affirmations dans deux appels précédemment instruits par le Tribunal (« la prétendue controverse jurisprudentielle »)[4].

[4] Le litige pouvant être réglé sans aborder la prétendue controverse jurisprudentielle, cette question est conséquemment sans objet et donc théorique. Si l’ASFC s’était rendu compte, avant l’audience, de la situation inhabituelle qu’elle créait en laissant l’affaire se poursuivre devant le Tribunal, elle aurait pu épargner à 9311-3652 Québec Inc. des coûts importants. Il faut préciser que 9311-3652 Québec Inc. est une partie non représentée par un avocat[5].

[5] L’approche de l’ASFC a non seulement nui à 9311-3652 Québec Inc., mais aussi au bon déroulement du système quasi judiciaire, car elle a par ailleurs engagé les ressources limitées du Tribunal alors que l’ASFC aurait dû résoudre l’affaire elle-même. Parce que l’ASFC n’a pas exercé son pouvoir administratif en agissant en temps opportun, le Tribunal n’a d’autre choix que de rendre cette décision et les présents motifs, car, dès qu’une affaire comme celle-ci est instruite, la Loi ne permet plus à l’ASFC de rendre la décision qui s’impose. À ce stade-ci, seul le Tribunal a compétence, et donc doit agir, pour clore l’affaire.

[6] Pour les motifs qui suivent, le Tribunal constate la concordance des points de vue des parties quant au classement des marchandises en cause dans le numéro tarifaire 1901.90.39 de l’annexe du Tarif des douanes[6] à titre d’« autres préparations alimentaires des positions 04.01 à 04.04, contenant plus de 10 % mais moins que 50 % de solides de lait en poids sec ». Le Tribunal n’a aucune raison de remettre en question ce classement et aurait classé les marchandises en cause de la même manière que les parties, même si le Tribunal ne souscrit pas au raisonnement formulé par l’une ou l’autre des parties pour en arriver à cette conclusion.

[7] L’appel est donc accueilli.

ANALYSE

L’ASFC n’aurait pas dû laisser le Tribunal instruire l’appel

[8] L’ASFC s’est présentée à l’audience en ayant pour position principale que les marchandises en cause devaient être classées dans le numéro tarifaire 1901.90.39[7].

[9] Ce numéro tarifaire permet l’importation des marchandises en cause en franchise de douane (aucuns frais de douane à payer).

[10] L’ASFC n’a aucune raison légitime de laisser une entreprise poursuivre un appel dans de telles circonstances. L’ASFC ne réclamait plus rien à 9311-3652 Québec Inc. et de ce fait elle reconnaissait, en effet, devoir rembourser à 9311-3652 Québec Inc. des droits de douane qui n’auraient jamais dû être perçus. C’est dire que l’ASFC a laissé 9311-3652 Québec Inc. poursuivre un appel alors que l’ASFC lui devait de l’argent. Il s’agit vraisemblablement d’une situation malencontreuse et inusitée qui passera à l’histoire pour le Tribunal.

L’ASFC aurait dû rendre la décision qui s’imposait en temps opportun

[11] Le problème fondamental dans la présente affaire vient du fait que dès lors que l’ASFC avait déterminé que les marchandises en cause pouvaient entrer au Canada en franchise de douane dans le numéro tarifaire 1901.90.39, elle n’avait qu’à rendre une décision en ce sens.

[12] En effet, le sous-alinéa 61(1)a)(i) de la Loi permet à l’ASFC, sur recommandation du procureur général du Canada, de réviser une décision portant sur le classement tarifaire de marchandises importées dans le cas où la révision réduirait les droits exigibles. À plus forte raison, cette option s’offrait nécessairement à l’ASFC pour les marchandises en cause, car le numéro tarifaire 1901.90.39 résulte en l’élimination complète des droits exigibles étant donné que ce numéro tarifaire permet l’importation en franchise de douane.

[13] Par contre, ce pouvoir conféré par la Loi est soumis à une condition : la révision ou le réexamen est permis « en tout temps […] mais avant l’audition » [nos italiques] d’un appel par le Tribunal[8].

[14] En définitive, l’ASFC s’est essentiellement présentée devant le Tribunal alors que l’issue de ce litige était déjà décidée. L’ASFC aurait donc dû rendre la décision qui s’imposait en temps opportun. Par contre, l’ASFC ne peut désormais plus agir en temps opportun, car une audition a maintenant eu lieu. Le Tribunal se voit donc maintenant forcé d’accomplir le travail que l’ASFC aurait dû faire par elle-même.

La position inhabituelle de l’ASFC était cachée

[15] Avant l’instruction de l’affaire, le Tribunal aurait peut-être pu constater par lui-même la position inhabituelle de l’ASFC eu égard aux intérêts de 9311-3652 Québec Inc. et se désole de ne l’avoir pas fait plus tôt.

[16] Le Tribunal n’a d’ordinaire pas l’habitude de porter une attention particulière aux pourcentages de douane applicables aux numéros tarifaires en cause. Normalement, il n’y a pas de litige devant le Tribunal à moins que les parties aient un intérêt commercial réel en jeu; cet intérêt découle nécessairement des pourcentages de douane applicables des numéros tarifaires en cause, car c’est sur cette base que les droits exigibles sont calculés lorsqu’il est question d’un litige qui se limite au classement tarifaire de marchandises[9].

[17] Le Tribunal ne s’adonne pas au classement tarifaire de marchandises pour le simple plaisir de faire une analyse suivant les articles 10 et 11 du Tarif des douanes. Dans l’abstrait, un numéro tarifaire n’a aucun intérêt en soi. En réalité, un exercice de classement tarifaire n’a de sens que parce que les numéros tarifaires de l’annexe du Tarif des douanes ont un tarif douanier applicable à une marchandise suivant son origine. Si l’ASFC préconise le classement d’une marchandise dans un numéro tarifaire qui est en franchise de douane (c’est-à-dire un tarif douanier nul) alors il n’y a pas de litige possible entre l’ASFC et l’importateur et le Tribunal n’a aucune raison d’intervenir.

[18] Dans le cadre d’un appel interjeté en vertu du paragraphe 67(1) de la Loi, le Tribunal ne verse pas dans la théorie; il a seulement pour objectif de régler un différend ayant une incidence commerciale concrète[10]. Cela est si élémentaire que d’ordinaire le Tribunal tient pour acquis qu’il existe un intérêt commercial réel en jeu entre les parties. Il n’a pas fait autrement dans la présente affaire puisque depuis le début, les parties se sont comportées comme s’il y avait effectivement un intérêt financier en jeu; or, dans les faits, le Tribunal a pris connaissance tardivement que l’ASFC préconisait un numéro tarifaire qui en définitive l’obligeait à rembourser 9311-3652 Québec Inc. Si l’ASFC reconnaît devoir de l’argent à un contribuable, il n’a pas besoin de la permission du Tribunal pour effectuer le remboursement.

[19] La présente affaire démontre que l’ASFC ne devrait pas laisser un litige aboutir devant le Tribunal à moins qu’il n’y ait une incidence commerciale concrète. Un questionnement qui ne porte que sur une question de droit, sans incidence sur l’issue d’une affaire, ne suffit normalement pas pour engager le temps et l’attention du Tribunal aux termes de l’article 67 de la Loi. L’ambition de l’ASFC concernant la prétendue controverse jurisprudentielle n’avait pas sa place en l’espèce. Comme il en sera question plus bas, il aurait pu en être tout autrement suivant l’article 70 de la Loi.

[20] En définitive, ce n’est qu’en toute fin d’audience le 19 septembre 2023, que le Tribunal a pu constater que l’ASFC semblait avoir laissé le présent litige se poursuivre uniquement pour avoir une réponse sur la prétendue controverse jurisprudentielle. Or, si le litige pouvait se régler autrement, cette question n’était d’aucun intérêt dans l’immédiat, et donc théorique. Interrogés sur le sujet et pressés par le Tribunal afin qu’ils identifient la raison concrète pour laquelle l’ASFC n’avait pas réglé ce différend sans l’intervention du Tribunal, les avocats de l’ASFC ont fourni des réponses lors de l’audience du 19 septembre 2023[11]. Elles n’ont pas satisfait le Tribunal.

[21] Afin de faire la lumière sur le sujet, le Tribunal a communiqué avec les parties entre le 26 septembre et le 17 octobre 2023 et a rappelé les parties pour une reprise d’audience qui s’est déroulée le 2 novembre 2023. En outre, le Tribunal a demandé et a reçu des parties un tableau indiquant les tarifs douaniers applicables à chacun des numéros tarifaires proposés de part et d’autre[12]. Le Tribunal a pu confirmer les positions principales et secondaires préconisées par les parties. Enfin, le Tribunal a également pu confirmer qu’il y avait une concordance de points de vue quant au classement des marchandises dans le numéro tarifaire 1901.90.39[13].

[22] En somme, l’ASFC et 9311-3652 Québec Inc. n’avaient plus intérêt à obtenir une audience devant le Tribunal dès lors que l’ASFC a déterminé que l’importation des marchandises en cause serait en franchise de douane, et que 9311-3652 Québec Inc. obtienne de ce fait même le remboursement des droits de douane que l’ASFC reconnaît désormais n’avoir jamais été exigibles. En pareilles circonstances, la prétendue controverse jurisprudentielle, seule motivation de l’ASFC, n’avait plus de valeur pour l’issue de l’affaire, était théorique et par conséquent n’aurait pas dû être présentée au Tribunal.

L’ASFC ne semblait pas saisir les conséquences de son approche pour 9311-3652 Québec Inc.

[23] Le Tribunal compte sur l’ASFC afin de mener judicieusement les causes qui l’opposent à une partie non représentée par un avocat, ce qui est le cas en l’espèce.

[24] Le Tribunal est donc prêt à accepter que l’ASFC a fait preuve d’aveuglement momentané et exceptionnel en l’espèce et que ce n’était pas à dessein qu’elle s’est présentée devant le Tribunal dans une affaire qu’elle savait (ou aurait dû savoir) être théorique, sans vraisemblablement avoir considéré ce que cela pouvait impliquer pour l’importateur. En définitive, le Tribunal ne pense pas que l’ASFC saisissait l’incidence de sa position inhabituelle ni l’ampleur des conséquences de son approche pour 9311-3652 Québec Inc.

[25] L’ASFC semble avoir pris connaissance du non-sens de la situation à l’audience alors que le Tribunal interrogeait l’ASFC sur l’incongruité apparente de son approche. Le caractère théorique du litige semble avoir échappé à l’ASFC par erreur ou par omission de bonne foi.

[26] Par conséquent, le Tribunal conclut qu’il s’agit ici d’une erreur de la part de l’ASFC due à un concours de circonstances malheureux. Le Tribunal suggère néanmoins que l’ASFC procède d’elle-même à une révision de ses pratiques de contrôle interne afin d’éviter qu’une telle situation ne se reproduise de nouveau, aussi exceptionnelle soit-elle.

9311-3652 Québec Inc. avait le droit de recevoir une explication

[27] Afin de favoriser l’accès à la justice, le Tribunal doit parfois offrir un certain accompagnement ou secours équitable aux entreprises et aux particuliers qui ne sont pas représentés par un avocat et qui se présentent devant lui[14]. La Loi leur impose déjà une barrière économique à l’accès à la justice. En effet, les importateurs doivent payer les sommes prétendument dues avant d’avoir accès aux recours administratifs et au Tribunal[15]. Par ailleurs, la Loi et la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur ne permettent pas au Tribunal d’indemniser, même partiellement, la partie qui a gain de cause dans un appel pour ses frais judiciaires ou extrajudiciaires engagés à faire valoir son point de vue en opposition à la partie adverse[16]. Néanmoins, la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur préconise tout de même l’accessibilité à la justice[17].

[28] La réalité des particuliers et des entreprises qui interjettent appel devant le Tribunal en vertu de la Loi se résume en général ainsi : ce sont des acteurs économiques rationnels qui pensent avoir de bonnes raisons de ne pas payer une taxe à l’importation. Toutefois, lorsqu’il s’agit de parties non représentées par avocat, elles n’ont souvent pas l’habitude des « affaires légales » ni du cadre unique d’une « salle de cour ». Elles méritent donc d’être accompagnées un tant soit peu à travers les étapes du système quasi judiciaire lorsqu’elles sont incertaines du processus, ou ne saisissent pas d’emblée la situation dans laquelle elles se trouvent. Au cours de la procédure, le Tribunal a offert un certain accompagnement ou secours équitable à 9311-3652 Québec Inc. afin qu’elle comprenne les étapes de la procédure en audience et la nature des sujets abordés[18].

[29] En l’espèce, il y avait une incongruité qui a failli échapper au Tribunal et que 9311-3652 Québec Inc. ne comprenait vraisemblablement pas du tout. Par conséquent, le Tribunal avait le devoir de clarifier la situation dès qu’elle est survenue, car sinon le Tribunal aurait cautionné la démarche inhabituelle de l’ASFC. En effet, la position de l’ASFC dans cette affaire revenait à tenir 9311-3652 Québec Inc. en otage afin que l’ASFC obtienne du Tribunal un éclaircissement sur la question de la prétendue controverse jurisprudentielle.

[30] En définitive, le Tribunal s’est aperçu que quelque chose ne tournait pas rond seulement lorsqu’il a constaté au dernier moment que 9311-3652 Québec Inc. était désormais d’accord avec la proposition principale de classement tarifaire de l’ASFC dans le numéro tarifaire 1901.90.39 (en franchise de douane) seulement si le Tribunal ne retenait pas la position principale de classement préconisée par 9311-3652 Québec Inc. dans le numéro tarifaire 2106.90.95 (8 % de douane)[19]. Dès lors qu’il y a eu cet éclaircissement, la question évidente qui se posait était forcément la suivante : pourquoi 9311-3652 Québec Inc. insisterait-elle à payer 8 % de douane (numéro tarifaire 2106.90.95) alors que l’ASFC donnait un classement tarifaire en franchise de douane (numéro tarifaire 1901.90.39)? Habituellement, un contribuable n’insiste pas à contribuer au trésor public lorsque le gouvernement ne lui réclame rien.

[31] Cette situation n’était pas cohérente et par conséquent il importait que le Tribunal l’explique à 9311-3652 Québec Inc. Elle serait vraisemblablement enchantée de découvrir que la position de l’ASFC lui était favorable : l’ASFC allait lui rembourser l’ensemble des droits de douane qu’elle avait payés depuis 2018 étant donné que l’ASFC préconisait désormais l’importation des marchandises en franchise de douane. En effet, 9311-3652 Québec Inc. ne pouvait demander mieux comme résultat. Lorsqu’il lui a expliqué la situation en ces termes, le Tribunal a pu constater que 9311-3652 Québec Inc. consentait bien à ne pas payer de droits de douane, à recevoir un remboursement total, et à mettre fin au litige.

[32] Il s’avère donc que toute discussion entourant la prétendue controverse jurisprudentielle est inexorablement sans objet et théorique pour conclure le dossier dès lors que le Tribunal constatait que les parties partageaient le point de vue que les marchandises en cause pouvaient se classer dans le numéro tarifaire 1901.90.39 (en franchise de douane). 9311-3652 Québec Inc. obtient l’issue la plus favorable qu’elle aurait jamais pu espérer (le remboursement de toutes les sommes payées), et l’ASFC obtient, de son propre aval, le classement dans le numéro tarifaire qu’elle préconise.

L’ASFC ne peut tenir un importateur en otage pour une question de jurisprudence

[33] Le Tribunal constate que l’ASFC voyait, en l’espèce, l’occasion de débattre de la prétendue controverse jurisprudentielle. Le Tribunal comprend ainsi que l’ASFC ne s’était pas attardée à comment elle faisait perdurer inutilement ce litige pour 9311-3652 Québec Inc. Or, le Tribunal est d’avis que l’ASFC devrait toujours être sensible à l’intérêt fondamental d’une entreprise étant donné que l’ASFC travaille avant tout pour le bien des contribuables. Le Tribunal considère donc que l’ASFC aurait dû comprendre que la poursuite de cette affaire causait un dommage à 9311-3652 Québec Inc.[20] et qu’il valait donc mieux attendre un autre moment pour soulever la question de la prétendue controverse jurisprudentielle.

[34] Ainsi, si l’ASFC avait voulu débattre de la prétendue controverse jurisprudentielle, elle aurait dû attendre un litige dans lequel cette question pouvait être déterminante. Interrogée à savoir s’il n’y avait pas une autre affaire au registre du Tribunal où une telle question pouvait faire l’objet d’un débat entre l’ASFC et une autre partie où il y avait un intérêt en jeu, l’ASFC n’a pas pu en identifier une[21]. C’est donc dire, de l’avis du Tribunal, qu’il n’y avait pas d’intérêt, ni d’urgence, à aborder la question dans le cadre de cette affaire.

[35] En outre, il s’agit de dire que jusqu’à ce qu’une telle affaire se manifeste, la question demeure théorique et ne mérite pas de mobiliser les ressources du Tribunal ou d’une partie comme 9311-3652 Québec Inc. par l’entremise d’une affaire comme celle-ci.

[36] En l’espèce, la question n’était pas déterminante étant donné le numéro tarifaire préconisé par l’ASFC. Par conséquent, l’ASFC aurait dû corriger son erreur et rendre une décision de classement des marchandises en cause en franchise de douane dans le numéro tarifaire 1901.90.39 et, aux termes de l’article 61 de la Loi, rembourser 9311-3652 Québec Inc. pour les droits de douane qui n’auraient en définitive jamais dû être perçus, et ainsi libérer 9311-3652 Québec Inc. afin qu’elle puisse poursuivre ses activités commerciales habituelles[22].

[37] Le Tribunal ne peut accepter que le débat voulu par l’ASFC aboutisse devant lui, car cela reviendrait à cautionner la prise en otage de 9311-3652 Québec Inc. par l’ASFC relativement à un sujet qui n’aurait jamais dû être abordé par l’entremise d’un appel interjeté aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi. Par conséquent, pour des raisons d’économie judiciaire, la question de la prétendue controverse jurisprudentielle soulevée par l’ASFC n’a pas été examinée par le Tribunal.

[38] Le Tribunal fait valoir que l’article 70 de la Loi prévoit une procédure selon laquelle l’ASFC peut consulter le Tribunal « sur toute question se rapportant […] au classement […] d’une marchandise ou catégorie de marchandises ». Il s’agit là d’une procédure qui n’engage pas de tierce partie à moins qu’il n’y en ait qui se joigne volontairement à l’instance. Cette procédure de consultation prévue à l’article 70 de la Loi ne peut se produire dans le cadre d’un appel interjeté en vertu de l’article 67 de la Loi. Il s’agit de deux procédures distinctes. 9311-3652 Québec Inc. n’était pas concerné par les visées ou les questionnements de l’ASFC quant à la prétendue controverse jurisprudentielle; 9311-3652 Québec Inc. n’aurait pas dû être entraînée par l’ASFC dans ce litige, car le débat n’était d’aucun intérêt pour 9311-3652 Québec Inc. puisque les marchandises en cause pouvaient être classées autrement, comme le Tribunal l’indique ci-dessous.

[39] Quand un importateur est entraîné dans un litige qui ne le concerne pas, la réputation de l’administration publique aux yeux de ce dernier et du public est minée. Si l’ASFC voulait discuter de la prétendue controverse jurisprudentielle, elle aurait pu en faire la demande par l’entremise d’une procédure suivant l’article 70 de la Loi; sans aucun doute, une telle procédure n’aurait pas inquiété 9311-3652 Québec Inc. comme en l’espèce; elle aurait volontiers laissé à d’autres le soin de débattre de la chose.

Le Tribunal classe les marchandises dans la position 19.01

[40] Le Tribunal a tout de même procédé à une analyse de la preuve et des arguments présentés par les parties dans cette affaire eu égard au classement des marchandises en cause.

[41] Sans toutefois adopter le raisonnement exprimé par l’une ou l’autre des parties sur le sujet, le Tribunal classe aussi les marchandises en cause dans la position 19.01. Le raisonnement du Tribunal appuyant cette décision est le suivant.

[42] Le Tribunal est d’avis que les marchandises en cause peuvent être classées dans la position 19.01 suivant la règle 1 étant donné qu’elles rencontrent les termes de cette position[23].

[43] Le Tribunal n’est pas convaincu que les marchandises en cause satisfont également aux termes de la position 21.06, comme l’a fait valoir l’ASFC.[24]

[44] Par conséquent, suivant la règle 1 et la règle canadienne 1, étant donné que seule la position 19.01 mérite d’être considérée en l’espèce, les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 1901.90.39, car il n’y a pas d’autre sous-position ou numéro tarifaire de la position 19.01 qui soit pertinente.

Conclusions

[45] Le Tribunal constate la concordance des points de vue des parties quant au classement des marchandises en cause dans le numéro tarifaire 1901.90.39 de l’annexe du Tarif des douanes à titre d’« autres préparations alimentaires des positions 04.01 à 04.04, contenant plus de 10 % mais moins que 50 % de solides de lait en poids sec ». Par ailleurs, de sa propre analyse, le Tribunal conclut, tout comme les parties, que les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 1901.90.39.

DÉCISION

[46] L’appel est accueilli. Les marchandises en cause sont classées dans le numéro tarifaire 1901.90.39 de l’annexe du Tarif des douanes.

Eric Wildhaber

Eric Wildhaber
Membre présidant


 

ANNEXE

MARCHANDISES EN CAUSE

[1] Les marchandises en cause, les produits « La Jeune Vache », sont des préparations alimentaires conditionnées pour la vente au détail. La ou les transactions d’importation ont eu lieu au cours de la période de vérification allant du 1er novembre 2018 au 30 avril 2019. Les produits sont originaires et exportés de l’Algérie. Ils sont livrés en paquets de quatre formats : 8 portions, 16 portions, 400 g et 1 kg[25].

[2] Du commun accord des parties, les marchandises en cause se composent comme suit[26] :

Ingrédients

Proportion

Cheddar

12,5 %

Poudre de lait

9 %

Graisse végétale

15,5 %

Protéine de lait

3,5 %

Polyphosphates

2,6 %

Citrates Sin 331

0,5 %

Acide citrique Sin 330

0,4 %

Gélifiant Sin 407

2 %

Épaississant Sin 1422

5 %

Eau

49 %

Total

100 %

HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

[3] Le 3 décembre 2018, 9311-3652 Québec Inc. importe 14 263,60 kg de marchandises et les classent dans le numéro tarifaire 2106.90.41 à titre de « [f]ondue au fromage », lequel est assujetti à un tarif douanier de 6 % suivant le tarif de la nation la plus favorisée (NPF)[27]. 9311-3652 Québec Inc. s’acquitte des droits de douane applicables.

[4] Le 8 août 2019, l’ASFC informe 9311-3652 Québec Inc. qu’elle effectue des vérifications relativement à certaines marchandises importées entre le 1er novembre 2018 et le 30 avril 2019, dont les marchandises en cause, en vertu des articles 42 et 42.01 de la Loi[28]. À cette date, la preuve au dossier semble indiquer que l’ASFC avait déjà effectué une analyse des marchandises en cause par son laboratoire, lequel a consigné ses conclusions dans un rapport daté du 20 juin 2019, soit environ un mois et demi avant que l’ASFC n’écrive à 9311-3652 Québec Inc. le 8 août 2019 qu’elle effectuait des vérifications sur ses importations.

[5] Le 4 décembre 2019, l’ASFC transmet à 9311-3652 Québec Inc. un document intitulé « [Premier] Rapport final de la vérification de l’observation commerciale – Classement tarifaire ». Dans ce rapport, l’ASFC conclut que les marchandises en cause sont classées dans le numéro tarifaire 0406.30.20 à titre de « fromages fondus, autres que râpés ou en poudre, au-dessus de l’engagement d’accès », car 9311-3652 Québec Inc. ne dispose pas d’une licence lui octroyant un engagement d’accès au titre des paragraphes 32(1), (3) ou (5) de la Loi[29]. Avec cette nouvelle décision de classement, le tarif douanier applicable passe à 245,5 % (mais pas moins de 4,34 $/kg).

[6] Le 23 janvier 2020, le laboratoire de l’ASFC produit un second rapport d’analyse rectifiant un constat important du premier rapport d’analyse : le second rapport mentionne que les marchandises en cause contiennent du gras végétal (de type oléique)[30]. Le 28 janvier 2020, l’ASFC transmet à 9311-3652 Québec Inc. un « Rapport final AMENDÉ de vérification » qui précise que les marchandises en cause ne seront pas classées dans le numéro tarifaire 0406.30.20 étant donné qu’ils contiennent du gras végétal (de type oléique) ce qui les exclut d’emblée du chapitre 4 du Tarif des Douanes et par conséquent du numéro tarifaire 0406.30.20.

[7] Le « Rapport final AMENDÉ de vérification » précise en outre que les marchandises contiennent plus de 50 % en poids de contenu laitier. Par conséquent, l’ASFC modifie encore une fois le classement tarifaire des marchandises : elle les classe désormais dans le numéro tarifaire 2106.90.94 à titre d’« autres préparations alimentaires contenant plus de 50 % de contenu laitier, au-dessus de l’engagement d’accès ». Avec cette nouvelle décision de classement, le tarif douanier applicable passe à 274,5 % (mais pas moins de 2,88 $/kg).

[8] Il s’ensuit que le 11 février 2020, l’ASFC transmet à 9311-3652 Québec Inc. un relevé détaillé de rajustement confirmant les conclusions du « Rapport final AMENDÉ de vérification » du 28 janvier 2020.

[9] Le 15 avril 2020, 9311-3652 Québec Inc. présente une demande de réexamen du classement tarifaire aux termes du paragraphe 60(1) de la Loi. Cette demande est corrigée plus d’un an après, soit le 28 avril 2021. À ce moment-là, 9311-3652 Québec Inc. était représenté par un premier avocat. Celui-ci fait valoir, au nom de 9311-3652 Québec Inc., que les marchandises en cause devraient plutôt être classées dans le numéro tarifaire 1901.90.20 à titre de « préparations, contenant plus de 10 % mais moins de 50 % en poids de solide de lait ». Il est primordial en l’espèce de comprendre que la référence au numéro tarifaire 1901.90.20 faite par l’avocat de 9311-3652 Québec Inc. est nécessairement erronée, car ce numéro tarifaire ne correspond pas au texte qui vient d’être cité. Ce texte correspond plutôt au numéro tarifaire 1901.90.39 qui se situe dans le numéro tarifaire dit « supprimé » 1901.90.30. L’ASFC identifiera cette erreur au paragraphe 17 de son mémoire, mais pas au moment de considérer la demande de réexamen de 9311-3652 Québec Inc. du 15 avril 2020. N’en demeure, le tarif douanier applicable au numéro tarifaire 1901.90.39 permet l’importation de produits en franchise de douane (c’est-à-dire à un tarif douanier nul).

[10] Le 19 janvier 2022, l’ASFC rejette la demande de réexamen et confirme le classement des marchandises dans le numéro tarifaire 2106.90.94[31].

[11] Le 18 avril 2022, 9311-3652 Québec Inc. dépose un avis d’appel auprès du Tribunal aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi. 9311-3652 Québec Inc. fait alors valoir à nouveau, comme elle l’a fait le 28 avril 2021 lors de sa demande de réexamen, que les marchandises en cause devraient être classées dans le numéro tarifaire 1901.90.20. Il n’est pas clair si l’avis d’appel a été préparé par 9311-3652 Québec Inc. ou un avocat. Il n’en demeure pas moins qu’il s’agissait là de la reproduction de la même erreur d’identification du numéro tarifaire 1901.90.39 mentionnée précédemment.

[12] Le 16 mai 2023, 9311-3652 Québec Inc. dépose son mémoire, lequel contient le rapport de son témoin expert Martin Michaud.

[13] Le 17 juillet 2023, l’ASFC dépose son mémoire. Elle préconise désormais que les marchandises en cause soient classées dans le numéro tarifaire 1901.90.39. Cette position inhabituelle, telle que décrite dans les présents motifs, passe sous silence jusqu’à ce qu’elle soit entièrement connue lors de la reprise d’audience du 2 novembre 2023 (comme il en question dans les présents motifs et ci-après).

[14] Le 18 août 2023, l’ASFC dépose le rapport de son témoin expert Jacques Goulet.

[15] Le 20 août 2023, 9311-3652 Québec Inc. dépose une version révisée du rapport de son témoin expert M. Michaud.

[16] Le 19 septembre 2023, une audience a lieu par vidéoconférence afin de traiter du fond de cette affaire. Les parties font entendre leurs témoins respectifs et font des plaidoiries. Tant les témoins que les parties répondent à diverses questions du Tribunal.

[17] Certains éléments de l’affaire suscitent l’initiative chez le Tribunal d’entreprendre une correspondance avec les parties entre le 26 septembre et le 17 octobre 2023, et de convoquer les parties en reprise d’audience le 2 novembre 2023[32].

[18] Lors de la reprise d’audience le 2 novembre 2023, le Tribunal peut enfin poser toutes ses questions en suspens et saisit pleinement les positions, les motivations et les arguments respectifs des parties. Le Tribunal prend l’affaire en délibéré ce jour-là.

CADRE LÉGISLATIF ET DISPOSITIONS TARIFAIRES

[19] La nomenclature tarifaire est énoncée en détail dans l’annexe du Tarif des douanes[33], qui est conforme au Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (le Système harmonisé) élaboré par l’Organisation mondiale des douanes (OMD)[34]. L’annexe est divisée en sections et en chapitres et chaque chapitre de l’annexe contient une liste de marchandises classées dans des positions, sous-positions et numéros tarifaires.

[20] Le paragraphe 10(1) du Tarif des douanes prévoit que le classement des marchandises importées est effectué, sauf indication contraire, en conformité avec les Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé[35] (Règles générales) et les Règles canadiennes[36] énoncées à l’annexe.

[21] Les Règles générales sont composées de six règles. Le classement commence par la règle 1, qui prévoit que le classement doit être déterminé d’après les termes des positions et des notes de section ou de chapitre et, lorsqu’elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et notes, d’après les autres règles.

[22] L’article 11 du Tarif des douanes prévoit que, pour l’interprétation des positions et des souspositions, le Tribunal doit tenir compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[37] et des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[38], publiés par l’OMD. Bien que les avis de classement et les notes explicatives n’aient pas force exécutoire pour le Tribunal, le Tribunal les applique à moins qu’il n’existe un motif valable de ne pas le faire[39].

[23] Les dispositions tarifaires pertinentes sont les suivantes :

Chapitre 4

LAIT ET PRODUITS DE LA LAITERIE; OEUFS D’OISEAUX; MIEL NATUREL; PRODUITS COMESTIBLES D’ORIGINE ANIMALE, NON DÉNOMMÉS NI COMPRIS AILLEURS

 

 

4. Le présent Chapitre ne comprend pas : […]

 

b) les produits provenant du remplacement dans le lait d’un ou plusieurs de ses constituants naturels (matière grasse du type butyrique, par exemple) par une autre substance (matière grasse du type oléique, par exemple) (nos 19.01 ou 21.06);

 

 

04.01 Lait et crème de lait, non concentrés ni additionnés de sucre ou d’autres édulcorants.

 

 

04.04 Lactosérum, même concentré ou additionné de sucre ou d’autres édulcorants; produits consistant en composants naturels du lait, même additionnés de sucre ou d’autres édulcorants, non dénommés ni compris ailleurs.

 

Chapitre 19

PRÉPARATIONS À BASE DE CÉRÉALES, DE FARINES, D’AMIDONS, DE FÉCULES OU DE LAIT; PÂTISSERIES

 

19.01 Extraits de malt; préparations alimentaires de farines, gruaux, semoules, amidons, fécules ou extraits de malt, ne contenant pas de cacao ou contenant moins de 40 % en poids de cacao calculés sur une base entièrement dégraissée, non dénommées ni comprises ailleurs; préparations alimentaires de produits des nos 04.01 à 04.04, ne contenant pas de cacao ou contenant moins de 5 % en poids de cacao calculés sur une base entièrement dégraissée, non dénommées ni comprises ailleurs.

 

 

1901.90 - Autres

- - - Préparations alimentaires des marchandises des positions 04.01 à 04.04, contenant plus de 10 % mais moins que 50 % de solides de lait en poids sec :

 

 

1901.90.39 - - - - Autres

 

Chapitre 21

PRÉPARATIONS ALIMENTAIRES DIVERSES

 

 

21.06 Préparations alimentaires non dénommées ni comprises ailleurs.

 

2106.90 – Autres

 

2106.90.94.00 - - - - Contenant 50 % ou plus en poids de contenu laitier, au-dessus de l’engagement d’accès

 

2106.90.95 - - - - Autres préparations, contenant à l’état sec plus de 10 % de solides de lait en poids mais moins de 50 % en poids de contenu laitier

Tarif douanier applicable au moment de l’importation

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En franchise de droit

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

274,5 % mais pas moins de 2,88 $/kg

 

 

8 %

 

[24] Les notes explicatives pertinentes de la position 04.02 sont les suivantes :

Cette position comprend le lait, tel qu’il est défini dans la Note 1 du présent Chapitre et la crème, concentrés (évaporés, par exemple), ou additionnés de sucre ou d’autres édulcorants, à l’état liquide, pâteux ou solide (en blocs, en poudre ou en granulés), même conservés ou reconstitués.

Le lait en poudre peut être additionné de petites quantités d’amidon (n’excédant pas 5 % en poids), notamment pour maintenir le lait reconstitué dans son état physique normal.

Sont exclus de la présente position :

a) Le lait et la crème caillés, fermentés ou acidifiés (n° 04.03).

b) Les boissons constituées de lait aromatisé ou chocolaté (n° 22.02)[40].

[25] Les notes explicatives pertinentes de la position 04.04 sont les suivantes :

La présente position comprend le lactosérum (c’est-à-dire, les constituants naturels qui demeurent lorsque les matières grasses et la caséine ont été éliminées du lait) et le lactosérum modifié (voir la Note 1 de sous-positions du présent Chapitre). Ces produits peuvent se présenter à l’état liquide, pâteux ou solide, (y compris congelé), même partiellement délactosés ou déminéralisés et peuvent être concentrés (en poudre, par exemple) ou conservés.

Cette position couvre également les produits frais ou conservés consistant en constituants naturels du lait, de composition autre que celle du produit naturel, pour autant qu’ils ne soient pas visés plus spécifiquement ailleurs. La position comprend donc les produits dans lesquels un ou plusieurs constituants naturels du lait ont été retirés, le lait auquel des constituants naturels de ce dernier ont été ajoutés (pour obtenir un produit à teneur élevée en protéines, par exemple). Indépendamment des constituants naturels du lait et des additifs mentionnés dans les Considérations générales du présent Chapitre, les produits de cette position peuvent être additionnés de sucre ou d’autres édulcorants.

Les produits en poudre de cette position, le lactosérum notamment, peuvent être additionnés de faibles quantités de ferments lactiques, pour être utilisés dans la préparation de produits de la charcuterie ou comme additifs dans l’alimentation des animaux.

La présente position ne comprend pas :

a) Le lait écrémé et le lait reconstitué dont la composition qualitative et quantitative est la même que celle du lait naturel (n°s 04.01 ou 04.02).

b) Le fromage à base de lactosérum (n° 04.06).

c) Les produits obtenus à partir de lactosérum et contenant en poids plus de 95 % de lactose, exprimés en lactose anhydre calculé sur matière sèche (n° 17.02).

d) Les préparations alimentaires à base de constituants naturels du lait, mais contenant d’autres substances dont la présence dans les produits du présent Chapitre n’est pas autorisée (n° 19.01, notamment).

e) Les albumines (y compris les concentrats de plusieurs protéines de lactosérum, contenant, en poids calculé sur matière sèche, plus de 80 % de protéines de lactosérum) (n° 35.02) ainsi que les globulines (n° 35.04)[41].

 



[1] L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.).

[3] La position principale de l’ASFC est que les marchandises en cause devraient être classées à titre d’« autres préparations alimentaires des marchandises des positions 04.01 à 04.04, contenant plus de 10 % mais moins que 50 % de solides de lait en poids sec » dans le numéro tarifaire 1901.90.39 (voir la pièce AP-2022-001-30, entre autres, aux par. 5, 21, 76 et 89). Subsidiairement, l’ASFC préconisait le classement à titre d’« autres préparations alimentaires contenant 50 % ou plus en poids de contenu laitier, au-dessus de l’engagement d’accès » dans le numéro tarifaire 2106.90.94 (voir la pièce AP-2022-001-30, notamment aux par. 6, 77, 88 et 90). Les marchandises en cause sont originaires d’Algérie; ce pays est en processus d’accession à l’Organisation mondiale du commerce et n’en est donc pas encore membre (voir OMC | Accession : Algérie (wto.org)), ce qui ne lui donne en principe pas accès au bénéfice du tarif de la nation la plus favorisée (NPF). Cependant, le Canada accorde néanmoins aux biens en provenance de l’Algérie le bénéfice de ce tarif : voir https://www.cbsa-asfc.gc.ca/trade-commerce/tariff-tarif/2018/html/countries-pays-3-fra.html.

[4] CDC Foods c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (21 décembre 2016), AP- 2015-035 et AP-2016-015 (TCCE) [CDC Foods] et Cool King Refrigeration Ltd. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (11 mars 2020), AP-2019-004 (TCCE); voir la pièce AP-2022-001-30 au par. 3 pour un sommaire de la question.

[5] Des précisions sur ce statut sont nécessaires. 9311-3652 Québec Inc. était représentée par un premier avocat pendant un certain temps lors de certaines de ses interactions avec l’ASFC (mais vraisemblablement pas toutes) avant que le présent appel ne soit interjeté devant le Tribunal. 9311-3652 Québec Inc. n’était pas représentée par un avocat au moment du dépôt de l’avis d’appel le 18 avril 2022. Un second avocat a ensuite représenté 9311‑3652 Québec Inc. entre le 10 juin et le 7 novembre 2022 (pièces AP-2022-011-03 et AP-2022-011-12). Aucun acte de procédure n’a été déposé durant cette période. Il faut retenir que 9311-3652 Québec Inc. n’était pas représentée par un avocat lorsqu’elle a déposé son mémoire, lorsque l’ASFC a déposé son mémoire et lors de l’instruction de l’affaire. À l’audience, l’ASFC a soulevé la question de savoir si M. Michaud agissait à la fois comme représentant de 9311-3652 Québec Inc. et comme témoin expert. Le Tribunal a statué que M. Michaud n’avait pas joué ces deux rôles incompatibles, même s’il avait appuyé d’une certaine façon 9311-3652 Québec Inc. à divers moments au cours de cette affaire; voir Transcription de l’audience du 19 septembre 2023 aux p. 26–34.

[6] L.C. 1997, ch. 36.

[7] Cette position diffère des classements imposés par l’ASFC aux marchandises en cause durant les contestations qui ont eu lieu aux étapes du processus administratif. Voir la section Historique de la procédure en annexe.

[8] En définitive, l’ASFC n’avait même pas à communiquer avec 9311-3652 Québec Inc. pour mettre fin à l’appel. L’ASFC n’avait qu’à agir seule en temps opportun et tout simplement rendre la décision administrative qui concordait avec la position principale qu’elle préconisait devant le Tribunal : classer les marchandises en cause dans le numéro tarifaire 1901.90.39 et effectuer le remboursement qui s’ensuivait. Si l’ASFC avait agi suivant la logique qui découle nécessairement de sa position dans ce litige, l’affaire aurait été par le fait même sans objet et purement théorique. Par conséquent, l’appel aurait été sommairement rejeté par le Tribunal si jamais 9311-3652 Québec Inc. avait subséquemment refusé de retirer son appel. Mais le Tribunal et les parties ne se seraient jamais rendu là : 9311-3652 Québec Inc. aurait été sans doute plus qu’enchantée de retirer son appel si l’ASFC lui avait remboursé la totalité des sommes payées en droits de douane depuis 2018. D’ailleurs, 9311-3652 Québec Inc. n’en demandait même pas autant; elle avait volontairement payé des droits de douane au moment de l’importation.

[9] Il en va autrement d’un litige qui concerne à la fois le classement tarifaire ainsi que l’origine ou l’indication d’origine de marchandises, car l’origine d’une marchandise est également un facteur qui a une incidence financière pour un importateur en litige avec l’ASFC.

[10] Le droit du commerce international et des douanes ne fonctionnent pas en vase clos; au contraire, il s’agit en définitive pour le Tribunal d’opérer dans un cadre réel et concret exigeant une analyse du commerce et du droit d’un angle économique afin de déterminer si la Loi permet ou non la perception de droits de douane, au nom de l’État, par les fonctionnaires qui « font la tenue de livres » pour l’État.

[11] Transcription de l’audience du 19 septembre 2023 aux p. 165–168.

[12] Voir la pièce AP-2022-001-51. Ces démarches n’auraient sans doute pas été nécessaires si les Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur comportaient une disposition en ce sens. En l’absence d’une telle disposition, le Tribunal suggère que les parties qui se présentent devant lui fournissent néanmoins cette information dans leurs mémoires. Cette pratique empêcherait probablement que cette situation malencontreuse se reproduise à nouveau, car elle servirait de balise à l’identification de l’existence ou non d’un intérêt réel à une intervention du Tribunal dans un litige.

[13] Transcription de l’audience du 2 novembre 2023 à la p. 48.

[14] Certaines juridictions ont légiféré sur cette notion de droit fondamental d’accès à la justice : toute personne qui se présente devant une cour de justice a le droit de comprendre ce qui se passe et d’être entendu, et d’être traité avec respect. Le décideur doit donc parfois accompagner une partie, ne serait-ce que pour clarifier le jargon du droit. Voir la Loi sur la justice administrative du Québec, L.R.Q. ch. J-3, articles 9 à 13 et en particulier le paragraphe 12(3) pour la notion de « secours équitable ».

[15] Les dispositions relatives au paiement en cas d’appel ont été jugées légales; voir Prairies Tubulars (2015) Inc. c. Canada (Agence des services frontaliers), 2022 CAF 92 où une demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême du Canada a été rejetée le 16 mars 2023; cette affaire examinait les alinéas 56(1.01)a), 56(1.1)a), 58(1.1)a) et 58(2)a) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, L.R.C. (1985), ch. S-15; ces articles sont similaires au par. 60(1) de la Loi.

[16] Voir Bri-Chem Supply Ltd. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (18 septembre 2015), AP-2014-017 (TCCE) au par. 36.

[17] Voir notamment l’article 35 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.), et les articles 6 et 7 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur.

[18] Par exemple, voir Transcription de l’audience du 19 septembre 2023 aux p. 1012 (explication du « voir-dire ») et aux p. 3033 (explication de l’opposition présentée par le conseiller juridique de l’ASFC relativement à l’expertise du témoin expert de l’appelante).

[19] Transcription de l’audience du 19 septembre 2023 aux p. 167170.

[20] Concernant l’ampleur des coûts engagés par 9311-3652 Québec Inc. dans cette affaire, voir Transcription de l’audience du 2 novembre 2023 aux p. 33 à 44.

[21] Transcription de l’audience du 2 novembre 2023 à la p. 45.

[22] À l’audience, le Tribunal a demandé à l’ASFC pourquoi elle n’avait pas envisagé de discuter d’un règlement de l’affaire avec 9311-3652 Québec Inc.; voir Transcription de l’audience du 2 novembre 2023 aux p. 24–25. À vrai dire, il était inexact de parler d’un règlement, car 9311-3652 Québec Inc. n’aurait pas subi de dommage si l’ASFC avait rendu à une décision unilatérale, suivant l’article 61 de la Loi, en révisant de son propre chef le classement dans le numéro tarifaire 1901.90.30 (une importation des marchandises en cause en franchise de douane). Dans ce scénario que l’ASFC aurait dû suivre, plutôt que de se présenter au Tribunal, le présent appel aurait été sans objet et l’affaire aurait été close. En effet, 9311-3652 Québec Inc. n’aurait désormais plus été capable de s’estimer « lésée » par une décision de l’ASFC, au sens du paragraphe 67(1) de la Loi, car elle aurait obtenu gain de cause. De toute manière, et de toute évidence, elle aurait obtenu davantage qu’elle ne réclamait, car, il faut le rappeler, 9311-3652 Québec Inc. avait déjà payé 6 % de frais de douane et prétendait ne pas devoir payer davantage mais ne réclamait pas le remboursement des frais déjà payés. En définitive, la position de l’ASFC était inespérée par 9311-3652 Québec Inc. car, ironiquement, ce classement des marchandises en franchise de douane dans le numéro tarifaire 1901.90.39 faisait que 9311-3652 Québec Inc. avait droit à un remboursement complet des frais de douane payés, plutôt que de voir les sommes déjà payées être retenues dans le scénario où l’ASFC n’avait pas vérifié les transactions en litige.

[23] Pièce AP-2022-001-30 aux par. 58–62.

[24] La question de savoir si les positions 19.01 et 21.06 sont résiduelles a été abordée au paragraphe 53 de CDC Foods. Le Tribunal n’est pas convaincu de l’application en l’espèce des énoncés de ce paragraphe et n’est pas disposé à les adopter, car il n’est pas convaincu de leur exactitude. Parce que la question est théorique, le Tribunal n’a pas à préciser son propos sur ce sujet. En ce qui a trait à la présente affaire, les éléments retenus par le Tribunal pour arriver à sa conclusion de classement tarifaire en l’espèce sont : (i) les termes de la position 19.01 font précisément référence aux préparations alimentaires des positions 04.01 et 04.04; (ii) les marchandises en cause sont précisément de telles préparations; (iii) en effet, les experts qui ont témoigné de part et d’autre ont confirmé pour le Tribunal que les marchandises en cause sont constituées de telle manière qu’elles répondent à la description de la position 19.01; donc (iv) il s’ensuit que les termes de la position 19.01 décrivent les marchandises en cause, alors que les termes de la position 21.06 ne les décrivent pas. En somme, de l’avis du Tribunal, les marchandises en cause doivent, à première vue, être classées uniquement dans la position 19.01 en application de la Règle 1 et aucune autre analyse n’est requise. En somme, une partie importante des avis recherchés par les parties auprès de leurs experts étaient hors sujet pour les fins de la démarche de classement retenue par le Tribunal.

[25] Pièce AP-2022-001-18 aux par. 18-20; pièce AP-2022-001-18 aux p. 2 et 4. Voir aussi la pièce AP-2022-001-18 aux p. 84–88.

[26] Pièce AP-2022-001-30 à la p. 6.

[27] Pièce AP-2022-001-18 à la p. 16.

[28] Pièce AP-2022-001-30 au par. 12.

[29] Pièce AP-2022-001-30 aux p. 167–172.

[30] Pièce AP-2022-001-30 aux p. 173–177.

[31] Pièce AP-2022-001-30 aux p. 198–202.

[32] La correspondance entre les parties et le Tribunal fait état de cette rencontre comme une conférence de gestion; il est plus exact de la décrire comme une rencontre en reprise d’audience; pièce AP-2022-001-55; ce terme a donc été retenu pour les présents motifs.

[33] L.C. 1997, ch. 36.

[34] Le Canada est l’un des pays signataires de la Convention internationale sur le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, laquelle régit le Système harmonisé.

[35] L.C. 1997, ch. 36, annexe.

[36] Ibid.

[37] Organisation mondiale des douanes, 4e éd., Bruxelles, 2017.

[38] Organisation mondiale des douanes, 6e éd., Bruxelles, 2017.

[40] Pièce AP-2022-001-30 à la p. 102.

[41] Pièce AP-2022-001-30 aux p. 104–105.

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