VIREO NETWORK INC.

VIREO NETWORK INC.
c.
MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX
Dossier no PR-2013-037

Décision et motifs rendus
le mercredi 23 avril 2014

TABLE DES MATIÈRES

DÉCISION

EXPOSÉ DES MOTIFS

 

EU ÉGARD À une plainte déposée par Vireo Network Inc. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.);

ET À LA SUITE D’une décision d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

ENTRE

VIREO NETWORK INC. Partie plaignante

ET

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX Institution fédérale

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte n’est pas fondée.

Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur accorde au ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux le remboursement des frais raisonnables qu’il a engagés pour répondre à la plainte, ces frais devant être payés par Vireo Network Inc. La détermination provisoire du Tribunal canadien du commerce extérieur quant au degré de complexité de la plainte est le degré 1, et le montant provisoire de l’indemnité est de 1 000 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui a trait à la détermination provisoire du degré de complexité ou au montant provisoire de l’indemnité, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur, en conformité avec l’article 4.2 de la Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public. Il relève de la compétence du Tribunal canadien du commerce extérieur de fixer le montant définitif de l’indemnité.

Ann Penner
Ann Penner
Membre présidant

Gillian Burnett
Gillian Burnett
Secrétaire

Membre du Tribunal : Ann Penner, membre présidant

Conseiller juridique pour le Tribunal : Laura Little

Agent du greffe : Ekaterina Pavlova

Partie plaignante : Vireo Network Inc.

Institution fédérale : ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

Conseillers juridiques pour l’institution fédérale : Susan D. Clarke
Ian McLeod
Roy Chamoun

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario) K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : secretaire@tcce-citt.gc.ca

EXPOSÉ DES MOTIFS

PLAINTE

  1. Le 3 février 2014, Vireo Network Inc. (Vireo) a déposé une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal), aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur[1], concernant une demande pour un arrangement en matière d’approvisionnement (DAMA) (invitation no EN578-09264/C) passée par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) pour la prestation de services de production de films, de vidéos et d’audiovisuels à l’intention de la Direction de l’approvisionnement en communications (DAC) de TPSGC.
  2. Les motifs de la plainte de Vireo sont les suivants :
  • L’équipe d’évaluation technique a incorrectement évalué la proposition de Vireo sur la foi de renseignements ambigus, non pertinents et faux et en se fondant sur des critères techniques non divulgués. Par conséquent, l’équipe d’évaluation technique a fait preuve de mauvaise foi et de partialité, ce qui l’a amenée à rejeter indûment la proposition de Vireo et à lui attribuer une note technique insuffisante.
  • TPSGC n’a pas respecté les exigences procédurales de l’invitation à soumissionner en ne fournissant pas les signatures d’une équipe d’évaluation par les pairs sur la grille d’évaluation technique qui a été remplie relativement à la proposition de Vireo.
  1. À titre de mesure corrective, Vireo demande d’être ajoutée à la liste des détenteurs d’un arrangement en matière d’approvisionnement (AMA) pour cette invitation, avec dispositions conditionnelles. Subsidiairement, Vireo demande une indemnité pour l’occasion perdue de réaliser un profit. Vireo demande également que TPSGC lui verse une indemnité punitive étant donné qu’elle est d’avis que l’équipe d’évaluation technique a agi de mauvaise foi dans l’évaluation de sa soumission.

CONTEXTE DE LA PLAINTE

  1. Le 2 octobre 2013, TPSGC a publié une mise à jour de la DAMA faisant l’objet de la plainte de Vireo pour la prestation de services de production de films, de vidéos et d’audiovisuels. La DAMA initiale et la première mise à jour, publiées respectivement le 3 septembre 2010 et le 24 septembre 2012, ont donné lieu à l’établissement d’une liste de 34 détenteurs d’un AMA remplissant les conditions requises.
  2. La deuxième mise à jour de la DAMA indiquait l’intention de TPSGC de sélectionner une liste de fournisseurs[2] capables de fournir une vaste gamme de services, selon les besoins, à la DAC de TPSGC pour le compte de certains ministères et organismes fédéraux.
  3. Le paragraphe 2.1 de la partie 4 de la DAMA prévoyait que, pour être déclarée recevable, la soumission d’un fournisseur devait respecter toutes les exigences de la DAMA, satisfaire à tous les critères techniques obligatoires et obtenir au minimum 70 p. 100 des points alloués à chaque critère coté et une note de passage globale de 80 points sur 100. Les cinq premiers fournisseurs ayant obtenu les cotations les plus élevées et dont la soumission avait été déclarée recevable figureraient sur la liste des « principaux » [traduction] détenteurs d’un AMA et tous les autres fournisseurs dont la soumission avait été déclarée recevable figureraient sur la liste des détenteurs « ordinaires » [traduction] d’un AMA.
  4. La période d’invitation s’est terminée le 22 octobre 2013. TPSGC a reçu 19 soumissions en réponse à la DAMA, y compris celle de Vireo. Il s’agissait de la première soumission de Vireo pour l’AMA car elle n’avait pas participé à la DAMA initiale ni au processus de la première mise à jour.
  5. Une équipe d’évaluation composée de trois membres[3] a effectué les évaluations techniques entre le 5 novembre et le 4 décembre 2013.
  6. Dans une lettre datée du 23 décembre 2013 et envoyée le 7 janvier 2014, TPSGC a avisé Vireo qu’aucune des 19 soumissions ne respectait les exigences minimums de la DAMA et que, par conséquent, aucun AMA n’avait été adjugé. TPSGC a également expliqué qu’un AMA ne serait pas adjugé à Vireo car sa soumission n’avait pas obtenu la note de passage globale de 80 points.
  7. Le 20 janvier 2014, Vireo a présenté une opposition à TPSGC concernant l’évaluation technique de sa soumission. Plus particulièrement, Vireo contestait les notes et les commentaires connexes qu’elle avait obtenus pour trois des quatre critères techniques cotés énoncés à la partie 4 de la DAMA, soit les critères C.1.1, C.1.2 et C.1.3. Vireo contestait également le fait que sa grille d’évaluation n’avait pas été signée par les membres de l’équipe d’évaluation. Vireo a demandé à TPSGC de divulguer tous les documents relatifs à l’évaluation et de lui présenter lesdits documents dans le cadre d’une réunion de compte rendu.
  8. Le 21 janvier 2014, TPSGC a répondu à l’opposition de Vireo et a confirmé les résultats de l’évaluation. TPSGC a affirmé que toutes les soumissions avaient été évaluées conformément aux exigences relatives aux procédures d’évaluation et à la méthode de sélection de la partie 4 de la DAMA. TPSGC a également invité Vireo à communiquer avec ses fonctionnaires si elle avait d’autres questions. Il n’y a aucun élément de preuve ni renseignement au dossier indiquant qu’une réunion de compte rendu ait été tenue entre Vireo et TPSGC concernant cette question.
  9. Comme indiqué ci-dessus, Vireo a déposé sa plainte auprès du Tribunal le 3 février 2014. Le 6 février 2014, le Tribunal a avisé les parties qu’il avait décidé d’enquêter sur la plainte, puisque cette dernière répondait aux exigences du paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et aux conditions énoncées au paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics[4].
  10. Le 3 mars 2014, TPSGC a déposé un rapport de l’institution fédérale (RIF) auprès du Tribunal aux termes de l’article 103 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur[5]. Vireo a demandé et a obtenu, en partie, trois prorogations de délai distinctes pour déposer ses commentaires sur le RIF. Les commentaires de Vireo ont été déposés le 24 mars 2014.
  11. Puisque les renseignements au dossier étaient suffisants pour déterminer la validité de la plainte, le Tribunal a décidé qu’il n’était pas nécessaire de tenir une audience et a statué sur la plainte sur la foi des renseignements contenus au dossier.

ANALYSE DU TRIBUNAL

  1. Aux termes du paragraphe 30.14(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit, dans son enquête, limiter son étude à l’objet de la plainte. Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal détermine la validité de la plainte en fonction des procédures et autres critères établis par règlement pour un contrat spécifique.
  2. L’article 11 du Règlement prévoit de plus que le Tribunal doit déterminer si la procédure du marché public a été suivie conformément aux exigences des accords commerciaux applicables, soit, en l’espèce, l’Accord sur le commerce intérieur[6].
  3. Par conséquent, le Tribunal examinera les deux motifs de plainte de Vireo en tenant compte des exigences de la DAMA et de l’ACI.

Premier motif : l’évaluation de TPSGC de la proposition de Vireo est-elle raisonnable eu égard aux critères techniques cotés C.1.1, C.1.2 et C.1.3?

Position des parties

  1. Vireo soutient que ses échantillons de vidéos ont été incorrectement évalués en fonction des critères techniques cotés C.1.1, C.1.2 et C.1.3 car les commentaires formulés par l’équipe d’évaluation technique étaient ambigus, non pertinents et faux et, dans certains cas, indiquaient que des normes non divulguées dans la DAMA ont pu être appliquées. À son avis, les échantillons respectaient les critères techniques minimums ainsi que les normes techniques standard de l’industrie et auraient dû recevoir une note technique de passage.
  2. Selon le RIF, l’équipe d’évaluation technique a effectué « [...] des évaluations techniques des échantillons de vidéos fournis par les soumissionnaires, qui sont par nature subjectives » [traduction], étant donné la nature qualitative du critère[7]. TPSGC soutient que, compte tenu du fait que l’évaluation était par nature subjective et que les évaluateurs ont abordé tous les éléments des critères techniques cotés dans leurs commentaires sur les échantillons de vidéos fournis par Vireo, rien n’indique que TPSGC ait agi de manière déraisonnable en concluant que la proposition de Vireo n’était pas recevable car elle n’avait pas obtenu la note minimale pour les critères techniques cotés. Par conséquent, TPSGC soutient qu’il n’y a aucun motif d’intervenir dans le processus d’évaluation ni dans les conclusions des évaluateurs.
  3. Dans ses commentaires sur le RIF, Vireo soutient que « [...] l’équipe d’évaluation a clairement appliqué des méthodes objectives et quantitatives dans leur évaluation »[8] [traduction] pour déterminer si les échantillons de vidéos fournis par Vireo respectaient le niveau minimum requis pour les normes techniques, en plus d’éléments purement subjectifs, et que la non-divulgation de ces normes techniques a rendu le processus d’évaluation inéquitable.
  4. Pour appuyer son argument selon lequel le processus d’évaluation était ambigu et incohérent, Vireo a comparé la note qu’elle a obtenue pour le critère C.1.4 (10 points sur 10) aux notes plus faibles qu’elle a obtenues pour les critères C.1.1, C.1.2 et C.1.3. Selon Vireo, cette contradiction prouve que les évaluateurs n’étaient pas impartiaux et qu’ils n’ont pas évalué sa soumission de manière équitable sur le plan de la procédure.

Dispositions pertinentes de la DAMA

PARTIE 4

PROCÉDURES D’ÉVALUATION ET MÉTHODE DE SÉLECTION

1. PROCÉDURES D’ÉVALUATION

[...]

1.1.1 CRITÈRES TECHNIQUES OBLIGATOIRES

[...]

O.4 EXPÉRIENCE DE L’ENTREPRISE (les échantillons démo seront évalués conformément au critère coté C.1)

Le fournisseur DOIT démontrer l’expérience qu’il a acquise en présentant un (1) DVD ou un (1) disque Blu-ray contenant au moins quatre (4) échantillons produits et achevés  au cours des cinq (5) dernières années. La durée totale des échantillons DOIT être d’au plus vingt (20) minutes. Les productions DOIVENT avoir été faites entièrement par le fournisseur dans sa langue d’origine dans le cadre d’un contrat conclu avec le secteur public ou privé.

  • Un (1) des échantillons DOIT démontrer la capacité du fournisseur à produire un document audiovisuel sur support vidéo destiné à un auditoire interne ou externe du gouvernement (fédéral, provincial ou municipal), à des organismes non gouvernementaux (ONG) ou à des entreprises.
  • Un (1) des échantillons DOIT démontrer la capacité du fournisseur à produire un document audiovisuel ayant été conçu et affiché sur Internet ou adapté à des fins d’utilisation sur Internet.
  • Un (1) des échantillons DOIT démontrer la capacité du fournisseur à travailler dans les deux langues officielles (anglais et français). Les productions qui utilisent la voix hors champ, qui font appel strictement à la narration ou qui sont sous-titrées ne constituent pas des exemples valables de la capacité à travailler dans les deux langues officielles. Plus précisément, une production bilingue est une production où la langue anglaise et la langue française sont toutes deux très présentes et utilisées à parts égales dans une seule et même production. Une adaptation est une production qui, une fois qu’elle a été réalisée dans une langue, est adaptée dans l’autre langue en tenant compte des différences sociales et culturelles de la population qui s’exprime dans la langue cible. Une adaptation n’est pas qu’une simple traduction.

LES OFFRES QUI NE SATISFONT PAS À TOUTES LES EXIGENCES OBLIGATOIRES NE SERONT PAS RETENUES.

1.1.2 CRITÈRES TECHNIQUES COTÉS

C.1 EXPÉRIENCE DE L’ENTREPRISE ET QUALITÉ DES ÉCHANTILLONS FOURNIS

(Maximum 100 points – note de passage 70 points)

Le fournisseur sera évalué en fonction des échantillons fournis conformément au critère obligatoire O.4.

Le DVD démo doit pouvoir être lu par un ordinateur ou par un lecteur autonome.

La démo doit comporter un menu.

Pour mieux comprendre les échantillons fournis pour le critère obligatoire O4, les renseignements suivants doivent accompagner chacun des échantillons. Veuillez remplir la « Fiche de renseignements concernant le projet proposé » – vidéo démo, qui se trouve à l’annexe 2.

  • Client
  • Coordonnées du client
  • Description et objet de la production
  • Auditoires cibles
  • Approche créative
  • Dates de production
  • Budget de production
  • Compte rendu du projet

La démo vidéo sera évaluée en fonction des critères cotés suivants :

C.1.1 Les échantillons font preuve d’une grande créativité et d’une excellence technique. (40 points)

Nous tenons compte, au minimum, des critères suivants : votre approche (la production est-elle attrayante et appropriée? fait-elle preuve de créativité et d’innovation?), la qualité des images, la qualité et l’efficacité de la cinématographie, l’utilisation d’effets spéciaux et de graphiques, l’utilisation des angles de la caméra, l’éclairage, le montage, l’efficacité de l’utilisation de la musique et du son.

Facteurs, exprimés en pourcentage, utilisés lors de l’évaluation des échantillons de production :

[...]

Passable (0,5) : Le critère a été pris en compte, mais les informations sont insuffisantes ou la production est techniquement inacceptable. Résultat inférieur aux critères minimums établis.

Acceptable (0,7) : Il s’agit de la cote minimum établie. Tous les critères indiqués ci-dessus sont satisfaits de manière acceptable. Satisfait aux exigences techniques minimums. L’échantillon démo fait preuve d’un certain degré de créativité et d’innovation.

[...]

C.1.2 L’utilisation efficace du traitement, des scripts, de la langue et des techniques visuelles pour communiquer les thèmes et les messages. (40 points)

Nous tenons compte, au minimum, des critères suivants : scénario convaincant et complet, script clair, utilisation appropriée de la langue, qualité de la traduction, communication efficace du contenu et des messages dans la narration et à la caméra et utilisation d’autres techniques visant à faire passer le message. Le message passe aussi bien en anglais qu’en français.

Facteurs, exprimés en pourcentage, utilisés lors de l’évaluation du traitement, des scripts, de la langue et des techniques visuelles :

[...]

Passable (0,5) : Le critère a été pris en compte, mais les informations sont insuffisantes ou la production est techniquement inacceptable. Résultat inférieur aux critères minimums établis.

Acceptable (0,7) : Il s’agit de la cote minimum établie. Tous les critères indiqués ci-dessus sont satisfaits de manière acceptable; satisfait aux exigences techniques minimums. Le traitement, les scripts, la langue et les techniques visuelles contribuent à véhiculer les thèmes et les messages.

[...]

C.1.3 Démontrer une grande variété de techniques visuelles et scéniques, comme les séquences d’animation graphique, la typographie et l’affichage de texte à l’écran, l’animation, les images fixes, l’intégration de séquence filmée (d’archives), la voix hors champ ou la narration devant la caméra, la musique, le son et les effets spéciaux. (10 points)

Nous nous attendons à observer l’utilisation d’au moins six (6) des dix (10) techniques visuelles et scéniques mentionnées ci-dessus.

Facteurs, exprimés en pourcentage, utilisés lors de l’évaluation des techniques visuelles et scéniques :

[...]

Passable (0,5) : Le critère a été pris en compte, mais les informations sont insuffisantes ou la production est techniquement inacceptable. Résultat inférieur aux critères minimums établis.

Acceptable (0,7) : Il s’agit de la cote minimum établie. Au moins six (6) des techniques spécifiées sont utilisées de manière efficace et l’échantillon satisfait aux exigences minimums établies.

[...]

C.1.4 Les résultats de la production audiovisuelle. (10 points)

Le fournisseur doit, au minimum, décrire les résultats des projets. Quelle a été la réaction de l’auditoire, s’il y a lieu? Nous savons que plusieurs fournisseurs ne sont pas en mesure d’évaluer le succès ou l’utilisation des productions ou de juger de la réaction de l’auditoire, cependant il suffit de présenter un témoignage écrit et signé par un client sur l’utilisation de la production vidéo et sur les réactions qu’elle a suscitées.

Facteurs, exprimés en pourcentage, utilisés lors de l’évaluation des résultats de la production audiovisuelle :

[...]

Acceptable (0,7) : Il s’agit de la cote minimum établie. Le fournisseur a présenté les résultats des projets de manière appropriée.

[...]

Exceptionnel (1) : Le fournisseur a présenté les résultats des projets d’une manière excellente et appropriée. Des renseignements supplémentaires sont fournis. Le témoignage du client a confirmé que l’auditoire a réagi très favorablement.

[Traduction]

Analyse du premier motif

  1. Vireo soutient que les alinéas 504(1)b) et 504(3)b) de l’ACI s’appliquent à sa plainte. L’alinéa 504(1)b) prévoit que, en ce qui concerne les mesures visées par le chapitre cinq de l’ACI, chaque partie accorde aux produits et services des autres parties un traitement non moins favorable que le meilleur traitement qu’elle accorde à ses propres produits et services. Le paragraphe 504(3) donne une liste illustrant des mesures qui sont contraires à l’obligation réciproque de non-discrimination, notamment « b) la rédaction des spécifications techniques de façon soit à favoriser ou à défavoriser [...] des fournisseurs de [...] produits ou services [particuliers] en vue de se soustraire aux obligations prévues par le présent chapitre ».
  2. Le Tribunal n’est pas convaincu que les alinéas 504(1)b) et 504(3)b) de l’ACI sont applicables en l’espèce. Vireo n’a présenté aucun argument ou élément de preuve pour démontrer qu’elle a fait l’objet de discrimination par rapport aux autres fournisseurs potentiels, comme cela aurait été nécessaire pour pouvoir invoquer l’alinéa 504(1)b). De même, l’alinéa 504(3)b) ne s’applique pas, car la plainte ne contient aucune allégation selon laquelle les spécifications techniques, telles qu’elles étaient présentées dans la DAMA, ont été rédigées de façon à défavoriser Vireo en particulier.
  3. Néanmoins, le Tribunal est d’avis que les actions de TPSGC doivent être examinées dans le contexte du paragraphe 506(6) de l’ACI, comme le soutient Vireo dans ses commentaires sur le RIF, et dans le contexte du paragraphe 514(2). Le paragraphe 506(6) prévoit que « [l]es documents d’appel d’offres doivent indiquer clairement les conditions du marché public, les critères qui seront appliqués dans l’évaluation des soumissions et les méthodes de pondération et d’évaluation des critères ». Le paragraphe 514(2) prévoit que le gouvernement fédéral adoptera et maintiendra des procédures de traitement des plaintes « [a]fin de favoriser des procédures équitables, ouvertes et impartiales en matière de marchés publics [...] ».
  4. Le Tribunal a constamment appliqué le critère du caractère raisonnable pour évaluer le bien-fondé d’une plainte concernant la manière dont une soumission a été évaluée[9]. Il a aussi clairement indiqué qu’il ne substituerait pas son jugement à celui des évaluateurs, sauf si les évaluateurs ne se sont pas appliqués à bien évaluer la proposition d’un soumissionnaire, n’ont pas tenu compte de renseignements d’importance cruciale contenus dans une soumission, ont mal interprété la portée d’une exigence, ont fondé leur évaluation sur des critères non divulgués ou n’ont pas, pour une autre raison, procédé à une évaluation équitable sur le plan de la procédure[10].
  5. En outre, selon la jurisprudence du Tribunal, une évaluation est considérée comme raisonnable si elle repose sur une explication défendable, même si cette explication en n’est pas une que le Tribunal lui‑même juge convaincante[11].
  6. Avant d’examiner la question de savoir si l’équipe d’évaluation a effectué une évaluation raisonnable des échantillons de vidéos fournis par Vireo conformément aux exigences techniques obligatoires de la DAMA et à l’ACI, le Tribunal doit d’abord examiner la question de savoir si TPSGC a clairement indiqué les critères techniques de son invitation à soumissionner et la manière dont ces critères seraient évalués.
–        Les critères techniques étaient-il clairement indiqués dans la DAMA?
  1. Comme indiqué ci-dessus, la partie 4 de la DAMA prévoit des critères techniques cotés en fonction desquels les échantillons de vidéos seraient évalués, y compris les trois critères en cause dans la présente plainte (C.1.1, C.1.2 et C.1.3). La partie 4 comprend une description des différentes cotes (« facteurs, exprimés en pourcentage ») pour chaque critère et indique la note qui représente la cote minimum établie.
  2. Une simple lecture des critères C.1.1, C.1.2 et C.1.3 montre qu’ils sont subjectifs par nature. Par exemple le critère C.1.1 prévoit que les échantillons de vidéos doivent faire preuve « d’une grande créativité et d’une excellence technique » et que les critères suivants soient satisfaits : « votre approche (la production est-elle attrayante et appropriée? fait-elle preuve de créativité et d’innovation?) », « la qualité et l’efficacité de la cinématographie, l’utilisation d’effets spéciaux et de graphiques » et « l’efficacité de l’utilisation de la musique et du son ». Même s’il était certainement possible d’établir des normes précises et objectivement mesurables pour certains de ces éléments techniques, comme l’éclairage, les effets spéciaux et le son, le libellé du critère C.1.1 renvoie à un processus d’évaluation subjectif car il comporte l’évaluation de « l’efficacité » et de « l’efficacité de l’utilisation » de ces éléments techniques.
  3. De toute évidence, le critère C.1.2 devait également être évalué sur une base subjective. Selon le libellé de ce critère, l’équipe d’évaluation technique devait évaluer les échantillons de vidéos en fonction de facteurs comme « l’utilisation efficace » de diverses techniques, le fait que le scénario soit « convaincant », « l’utilisation appropriée » de la langue, la « qualité » de la traduction et la communication « efficace » du contenu et des messages.
  4. De même, la description de la note technique pour le critère C.1.3 prévoit qu’« [a]u moins six (6) des techniques spécifiées [doivent être] utilisées de manière efficace et l’échantillon [doit satisfaire] aux exigences minimums établies ». Hormis les mots « de manière efficace », il aurait été raisonnable d’interpréter ce critère comme exigeant simplement que les échantillons de vidéos démontrent l’utilisation d’un certain nombre de techniques visuelles et scéniques; toutefois, l’emploi de ces mots introduit un élément subjectif dans l’évaluation de telles techniques.
  5. Le Tribunal est d’avis qu’il est raisonnable que la DAMA exige que l’équipe d’évaluation utilisent des critères de nature subjective pour évaluer la créativité, l’excellence technique, l’efficacité et les techniques visuelles et scéniques car ces concepts sont également subjectifs par nature. Ce qui est créatif, efficace ou scénique pour une personne peut ne pas l’être pour une autre. En outre, les critères subjectifs en cause dans la présente plainte sont appropriés compte tenu que l’objectif de la DAMA est d’établir une liste de fournisseurs remplissant les conditions requises pouvant éventuellement être appelés à fournir des services de production audiovisuelle à divers ministères et organismes gouvernementaux qui ont tous des besoins (subjectifs) et des objectifs différents et qui nécessitent probablement différentes normes techniques en fonction de l’envergure et du budget d’un contrat subséquent. Essentiellement, la procédure d’invitation a permis d’effectuer un triage initial afin de s’assurer que les détenteurs d’un AMA atteignent un seuil minimum en termes de qualité, dans le contexte où un contrat subséquent prévoirait ultérieurement des normes techniques et des spécifications plus précises.
  6. Le Tribunal reconnaît qu’une analyse purement subjective et qualitative peut devenir problématique dans le cadre d’un processus d’appel d’offres puisque l’évaluation dépend de chacun. En l’absence de critères entièrement divulgués ou énumérés et d’évaluations quantifiées d’une façon quelconque (même sous forme de commentaires documentés), des allégations de partialité pourraient raisonnablement, et même à juste titre, être faites. En l’espèce, toutefois, les exigences techniques obligatoires sont énumérées de même que les critères selon lesquels les soumissions devaient être évaluées. Plus particulièrement, la DAMA énonce la manière dont les critères techniques qualitatifs subjectifs devaient être quantifiés ou mesurés puisqu’un barème de notation était fourni pour expliquer comment et pourquoi une note particulière était appropriée.
  7. Le fait que TPSGC n’ait pas fourni de normes ou de spécifications techniques objectivement mesurables dans la DAMA en ce qui concerne les procédures d’évaluation ou la méthode de sélection indique son intention que les échantillons de vidéos soient évalués uniquement en fonction du libellé des critères techniques cotés.
  8. Cette interprétation est appuyée par les réponses suivantes fournies par TPSGC aux questions 12 et 36 publiées au cours de la DAMA initiale en 2010 et comprises dans l’annexe 3 de la deuxième mise à jour de la DAMA :

Question 12 : Serons-nous évalués en fonction de l’annexe A – Énoncé des travaux? Devons-nous tenir compte des critères énoncés dans l’Énoncé des travaux pour que notre soumission soit déclarée recevable? Ou l’Énoncé des travaux est-il un échantillon des travaux qui pourraient éventuellement être demandés par les ministères clients?

Réponse 12 : Vous serez évalués uniquement en fonction des spécifications indiquées à la partie 4 – « Procédures d’évaluation et méthodes de sélection ». Toutefois, l’Énoncé des travaux vous indique l’étendue des travaux qui seront demandés.

Question 36 : Les critères d’évaluation de la démo seront-ils appliqués à la démo vidéo entière dans son ensemble ou est-ce que chacun des échantillons sera évalué selon l’ensemble des critères. [...]

Réponse 36 : Nous évaluerons les démos en fonction des critères spécifiés pour chaque critère technique coté (C.1.1 à C.1.4). Nous utiliserons également les renseignements fournis dans la « Feuille de renseignements concernant le projet proposé » incluse dans les documents d’appel d’offres à l’annexe 2 pour mieux comprendre les démos fournies. Le comité d’évaluation évaluera également les échantillons fournis dans leur ensemble.

[Nos italiques, traduction]

  1. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal est convaincu que les documents d’appel d’offres prévoyaient clairement que l’évaluation serait fondée uniquement sur le libellé des critères techniques cotés et le barème de notation connexe. La réponse de TPSGC à la question 36 confirme que l’équipe d’évaluation évaluerait les échantillons de vidéos « dans leur ensemble ». De plus, la réponse à la question 12 indique que l’Énoncé des travaux, qui comprend des normes techniques générales pour la couleur, le son et l’éclairage, s’appliquent aux contrats subséquents aux termes de l’AMA et non à l’évaluation des soumissions. Cela témoigne du fait que TPSGC a expressément choisi de ne pas inclure de normes précises, objectivement mesurables, pour les fins de l’évaluation en vertu de la partie 4 de la DAMA.
–        Les échantillons de vidéos fournis par Vireo ont-ils été évalués de manière raisonnable?
  1. Puisque le Tribunal a conclu que les documents d’appel d’offres indiquaient clairement les exigences de l’invitation à soumissionner conformément au paragraphe 506(6) de l’ACI, le Tribunal évaluera maintenant la question de savoir si TPSGC a évalué les échantillons de vidéos fournis par Vireo de manière raisonnable eu égard aux exigences de la DAMA.
  2. Vireo s’oppose aux commentaires et aux notes suivantes qui ont été attribués à ses échantillons de vidéos pour les critères C.1.1, C.1.2 et C.1.3 :

C.1.1 (note 20/40)

Démonstration inacceptable des habiletés techniques.

Problèmes d’éclairage, de montage, d’angles de la caméra, de choix de musique et de son.

Approche très simple et limitée – ne fait pas preuve de créativité ou d’innovation ou n’est pas appropriée.

Ne respecte pas les normes techniques minimums.

Globalement de qualité d’amateur.

[...]

C.1.2 (note 20/40)

Le traitement des clips de démo n’était pas particulièrement convaincant.

Le choix des acteurs était mauvais car ceux-ci ne possédaient clairement pas une formation professionnelle.

Les techniques visuelles étaient dans l’ensemble très simples.

L’échantillon en français n’était pas de qualité acceptable.

[...]

C.1.3 (note 5/10)

Mauvaise utilisation des effets graphiques et de la musique.

La typographie était très simple, limitée et inintéressante.

La voix hors champ et la narration devant la caméra étaient limitées et exécutées de manière non professionnelle.

Utilisation limitée ou inexistante d’images fixes, de séquences filmées d’archives ou de séquences d’animation.

[Traduction]

  1. Il n’y a aucun doute que les commentaires de l’équipe d’évaluation étaient brefs et même vagues dans certains cas. Toutefois, les commentaires indiquent que l’équipe d’évaluation a effectivement tenu compte de tous les éléments des critères cotés en question. L’analyse subjective et qualitative de l’équipe d’évaluation est également expliquée par les notes attribuées à la soumission de Vireo, notes qui quantifient la mesure dans laquelle les exigences de la DAMA ont (ou n’ont pas) été respectées. Par conséquent, le Tribunal est d’accord avec TPSGC que les évaluateurs ont examiné et pris en considération les éléments énoncés dans chacun des critères[12].
  2. De même, les notes manuscrites de chaque évaluateur, déposées au dossier confidentiel, sont brèves et ne contiennent pas de commentaires détaillés sur les échantillons de vidéos fournis par Vireo. Néanmoins, le Tribunal conclut que plusieurs des éléments de chacun des critères sont abordés dans le contenu des notes, ce qui indique une fois de plus que les évaluateurs ont tenu compte des critères pertinents conformément à la DAMA. Il est important de noter que ni les commentaires ni les notes manuscrites ne font même allusion au fait que des normes ou des spécifications techniques non divulguées auraient été appliquées dans l’évaluation des échantillons de vidéos fournis par Vireo.
  3. Par conséquent, il n’y a tout simplement aucun élément de preuve à l’appui de l’allégation de Vireo selon laquelle les évaluateurs auraient appliqué des critères non divulgués[13]. En fait, les éléments de preuve indiquent le contraire : les évaluateurs ont raisonnablement appliqué leur jugement dans l’évaluation des échantillons de vidéos fournis par Vireo pour chacun des critères techniques cotés. En outre, rien dans le dossier n’indique qu’ils n’ont pas tenu compte de renseignements cruciaux ou qu’ils ont donné une interprétation erronée de la portée d’une exigence obligatoire de la DAMA.
  4. Pour soutenir que les commentaires formulés par l’équipe d’évaluation étaient ambigus, non pertinents et faux, Vireo s’est appuyée principalement sur sa propre analyse subjective et qualitative de ses échantillons de vidéos. Par exemple, en ce qui concerne le critère C.1.1, Vireo défend ses habiletés techniques en soutenant que les échantillons de vidéos respectaient les « normes de l’industrie » [traduction] en ce qui a trait notamment au son, à l’étalonnage couleur et à l’éclairage, et en utilisant des expressions comme « haute qualité » [traduction], « qualité professionnelle » [traduction], « distance focale optimale » [traduction], « positionnement acceptable » [traduction] et « mixage approprié » [traduction][14].
  5. En ce qui concerne le critère C.1.2, Vireo soutient que le libellé du critère ne permettait pas aux évaluateurs de commenter sur la qualité des acteurs ou leur niveau de formation. Elle soutient de plus que l’échantillon de vidéo bilingue respecte les « normes de l’industrie » [traduction] en ce qui a trait à la langue et que des techniques visuelles et d’éclairage « avancées » [traduction] ont été utilisées pour « [...] créer une vidéo ayant un plus grand dynamisme » [traduction] et pour « [...] augmenter les qualités esthétiques de la vidéo [...] »[15].
  6. Vireo s’appuie aussi particulièrement sur des témoignages positifs, bien que subjectifs par nature, d’anciens clients comme « preuve » [traduction] que ses échantillons de vidéos auraient dû recevoir une note de passage. Vireo s’appuie sur ces commentaires positifs de ses clients pour soutenir que l’évaluation était empreinte de mauvaise foi ou de partialité. Plus particulièrement, elle demande comment elle a pu recevoir 10 points sur 10 pour le critère C.1.4 comparativement aux notes beaucoup plus faibles qui lui ont été attribuées pour les trois critères en question. Par exemple, en ce qui concerne le critère C.1.2, Vireo soutient que les témoignages positifs des clients contredisent le commentaire selon lequel le traitement de son clip de démo n’était pas particulièrement convaincant, surtout parce que ces témoignages indiquent que les objectifs de qualité de ces clients avaient été satisfaits[16]. De même, elle conteste le commentaire « mauvaise utilisation des effets graphiques et de la musique » concernant le critère C.1.3 au motif que ces éléments avaient répondu aux besoins de ses clients et respectaient les « normes de l’industrie ».
  7. En ce qui concerne la note attribuée à Vireo pour le critère C.1.3, le Tribunal constate que l’équipe d’évaluation a donné la note de 0,5 parce que les échantillons de vidéos fournis par Vireo ne démontraient pas l’utilisation efficace d’au moins six des techniques spécifiées, ne contenaient pas d’informations suffisantes concernant l’utilisation de ces techniques et/ou l’utilisation de ces techniques était techniquement inacceptable. En outre, le Tribunal constate que les commentaires de l’équipe d’évaluation précisent davantage les raisons pour lesquelles le note de 0,5 a été attribuée à Vireo, car ils ont souligné le fait que les échantillons de Vireo démontraient l’utilisation de quatre techniques (c’est-à-dire les effets graphiques, la musique, la typographie ainsi que la voix hors champ et la narration devant la caméra) mais une « utilisation limitée ou inexistante » de trois techniques (c’est-à-dire les images fixes, les séquences filmées d’archives et les séquences d’animation). Même si les commentaires n’indiquent pas expressément que Vireo n’a pas utilisé le nombre minimum de six techniques, il ressort clairement des commentaires que, selon les évaluateurs, aucune des quatre techniques mentionnées n’a été utilisée de manière efficace. Cela est appuyé, bien que dans une mesure restreinte, par leurs notes manuscrites confidentielles[17].
  8. Le Tribunal est d’avis que les commentaires des évaluateurs et les objections de Vireo sont fondés sur le caractère subjectif de leur analyse respective. Même si Vireo peut tout à fait soutenir que ses clients étaient entièrement satisfaits de ses vidéos, leur niveau de satisfaction ne prouve pas en soi que les échantillons de vidéos fournis par Vireo auraient dû être réputés acceptables ou appropriés dans le contexte des critères techniques établis par TPSGC. Cela ne prouve pas non plus que l’évaluation faite par TPSGC était empreinte de mauvaise foi ou de partialité. Ce n’est pas parce qu’un auditoire a jugé une vidéo satisfaisante qu’un autre auditoire en fera autant.
  9. De même, le fait qu’une note plus élevée ait été attribuée pour un critère ne signifie pas que les évaluateurs aient agi de manière inéquitable ou avec partialité en attribuant des notes plus faibles pour les autres critères. Chacun des critères techniques de la DAMA a été défini séparément et doit être évalué séparément. Contrairement aux trois autres critères en question, le critère C.1.4 est le seul qui est fondé en partie sur une composante extérieure, c’est-à-dire les témoignages des clients. Par conséquent, on peut raisonnablement s’attendre à ce que la note pour le critère C.1.4 soit différente de celle attribuée aux trois autres (c’est-à-dire les critères C.1.1, C.1.2 et C.1.3).
  10. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal est convaincu que les commentaires de l’équipe d’évaluation portaient sur les facteurs énumérés dans les critères techniques obligatoires en question. Les échantillons de vidéos fournis par Vireo ont effectivement été notés en fonction d’éléments précis des critères techniques énoncés dans la DAMA. L’évaluation a été effectuée de manière raisonnable, puisque des critères subjectifs et qualitatifs ont été quantifiés afin d’assurer la transparence et l’équité de la procédure de passation du marché public. En fait, Vireo reconnaît elle-même qu’« [i]l appert clairement [des commentaires de l’équipe d’évaluation] qu’ils ont pris en considération les éléments techniques du critère. [...] [L]es évaluateurs n’ont considéré que l’aspect subjectif du critère C.1.1 [...] il n’y a aucun doute que l’équipe d’évaluation a utilisé des méthodes objectives et quantitatives dans leur évaluation [...] »[18] [traduction].
  11. Par conséquent, et selon ce qu’a déclaré Vireo elle-même, l’équipe d’évaluation s’est appliquée à évaluer pleinement les exigences techniques spécifiées en utilisant le barème de notation prévu dans la DAMA afin d’appliquer une mesure quantitative aux concepts autrement subjectifs et qualitatifs énoncés dans les critères techniques cotés. Sa notation est raisonnable et repose sur une explication défendable. Par conséquent, le Tribunal ne substituera pas son jugement à celui des évaluateurs.

Deuxième motif : TPSGC a-t-il contrevenu aux exigences procédurales prescrites en remettant une copie non signée de la grille d’évaluation technique à Vireo?

Position des parties

  1. Vireo soutient que TPSGC a contrevenu aux exigences procédurales de l’invitation à soumissionner en ne fournissant pas les signatures de l’équipe d’évaluation sur la grille d’évaluation technique de la DAMA. Cette allégation découle de la lettre de refus de TPSGC datée du 23 décembre 2013 à laquelle était jointe une copie de la grille d’évaluation de Vireo où figuraient les commentaires de l’équipe d’évaluation, mais dont la section « Signatures de l’équipe d’évaluation » [traduction] n’était pas remplie. Vireo soutient qu’elle croyait que l’inclusion de cette section signifiait que des signatures seraient fournies, et qu’en l’absence de telles signatures elle n’aurait aucune preuve que sa soumission avait été correctement évaluée. Pour appuyer sa position, Vireo renvoie à une clause du « Guide des approvisionnements » de TPSGC qui prévoit que « [c]haque personne ayant participé à l’évaluation technique en tant qu’évaluateur doit signer le rapport »[19].
  2. Dans le RIF, TPSGC n’a pas répondu directement à l’allégation de Vireo concernant les signatures manquantes sur la grille d’évaluation. Toutefois, il a déposé une copie de la grille d’évaluation signée par les trois membres de l’équipe d’évaluation technique et datée du 4 décembre 2013[20]. TPSGC a reconnu avoir fourni une version non signée de la grille à Vireo[21]. Dans sa lettre à Vireo datée du 21 janvier 2014 (réponse à l’opposition), TPSGC a indiqué que les noms des évaluateurs avaient été intentionnellement supprimés de la copie envoyée à Vireo car TPSGC assumait l’entière responsabilité à l’égard des résultats de l’évaluation[22].
  3. Dans ses commentaires sur le RIF, Vireo soutient que TPSGC pouvait avoir créé une copie signée du rapport d’évaluation après la date de clôture des soumissions, ce qui constituerait un acte frauduleux. Vireo ajoute que l’équipe d’évaluation ne s’est peut-être même jamais réunie pour examiner sa soumission[23].

Analyse du deuxième motif

  1. Le Tribunal constate qu’on ne retrouve nulle part dans la DAMA d’exigence expresse que le rapport d’évaluation technique soit signé par les membres de l’équipe d’évaluation. La section 1 de la partie 4 de la DAMA, « Procédures d’évaluation » [traduction], prévoit simplement que « ii. [u]ne équipe d’évaluation composée de représentants du Canada évaluera les arrangements » [traduction]. De même, la DAMA n’intègre pas expressément les lignes directrices générales du « Guide des approvisionnements » de TPSGC[24]. Néanmoins, puisque la grille d’évaluation à l’annexe E de la DAMA contient une section intitulée « Signature de l’équipe d’évaluation » [traduction], le Tribunal considère que cela laisse entendre que chaque membre de l’équipe d’évaluation signerait et daterait le rapport une fois rempli, comme le soutient Vireo.
  2. Les éléments de preuve déposés avec le RIF indiquent que chaque membre de l’équipe d’évaluation technique a effectivement signé le rapport, ainsi que deux membres de l’autorité contractante, le 4 décembre 2013, date qui entre clairement dans la période d’évaluation technique prescrite[25]. Par conséquent, le Tribunal est convaincu que cette exigence implicite aux termes de la DAMA a été respectée.
  3. Le Tribunal est d’avis qu’il aurait été préférable que TPSGC divulgue la version signée en réponse à l’opposition de Vireo, par souci d’équité et pour une plus grande transparence. Toutefois, le Tribunal n’est pas convaincu par les éléments de preuve au dossier indiquent que les actions de TPSGC constituent un manquement à ses obligations en vertu de l’ACI, puisque TPSGC a répondu promptement à Vireo, c’est-à-dire le jour suivant la réception de l’opposition de Vireo, pour lui fournir des éclaircissements. TPSGC a expressément attesté de l’authenticité du rapport d’évaluation et a garanti à Vireo que l’évaluation avait été effectuée conformément aux dispositions de la partie 4 de la DAMA.
  4. En outre, Vireo n’a fourni aucun élément de preuve convaincant (à part de simples spéculations) pour appuyer son argument selon lequel l’équipe d’évaluation ne s’est jamais réellement réunie ou qu’une version signée du rapport d’évaluation a été frauduleusement créée par TPSGC après la date de clôture des soumissions.
  5. Pour les motifs qui précèdent, le Tribunal conclut que TPSGC n’a pas contrevenu aux exigences procédurales de l’invitation à soumissionner en cause en fournissant initialement à Vireo une copie non signée de la grille d’évaluation technique.
  6. Enfin, le Tribunal constate que le mémoire de Vireo contenait plusieurs demandes de divulgation de documents additionnels par TPSGC. Par exemple, Vireo demandait la divulgation de tous les documents relatifs à l’évaluation de sa soumission ainsi que les renseignements concernant tous les autres soumissionnaires dans le processus de la DAMA afin que le Tribunal « puisse enquêter davantage » [traduction] sur la question de savoir s’ils ont été « traités de la même manière que Vireo » [26] [traduction]. Le Tribunal a le pouvoir discrétionnaire de décider si une demande de divulgation de renseignements ou de documents particuliers présentée par une partie est justifiée dans le contexte d’une enquête. Le Tribunal est d’avis qu’une telle divulgation n’est pas nécessaire en l’espèce car les renseignements au dossier étaient suffisants pour lui permettre de statuer sur le bien-fondé des motifs de la plainte. Des allégations non fondées et spéculatives de mauvaise foi et de partialité ne constituent pas un fondement qui permette à une partie plaignante d’avoir accès à des documents en possession d’une institution fédérale[27]. De plus, il n’est pas approprié d’avoir recours au processus de divulgation comme moyen pour une partie plaignante « d’aller à la pêche » aux éléments de preuve afin de trouver d’autres motifs de plainte[28].

FRAIS

  1. Le Tribunal accorde à TPSGC le remboursement des frais raisonnables qu’il a engagés pour répondre à la plainte. Pour décider du montant de l’indemnité en l’espèce, le Tribunal a tenu compte de sa Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public (la Ligne directrice), qui fonde l’évaluation du degré de complexité d’une plainte sur trois critères : la complexité du marché public, la complexité de la plainte et la complexité de la procédure.
  2. Selon l’avis provisoire du Tribunal, la présente plainte a un degré de complexité correspondant au premier degré de complexité mentionné à l’annexe A de la Ligne directrice, car celle-ci porte sur une simple mise à jour d’un arrangement en matière d’approvisionnement. La complexité de la plainte elle-même est modérée, étant donné les nombreuses allégations concernant la question de l’évaluation fondée sur des critères cotés comportant plusieurs éléments de nature subjective. Enfin, la complexité de la procédure est faible, car il n’y a eu ni requêtes, ni audience, ni observations supplémentaires de la part des parties.

DÉCISION DU TRIBUNAL

  1. Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal détermine que la plainte n’est pas fondée.
  2. Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal accorde à TPSGC le remboursement des frais raisonnables qu’il a engagés pour répondre à la plainte, ces frais devant être payés par Vireo. La détermination provisoire du Tribunal quant au degré de complexité de la plainte est le degré 1, et le montant provisoire de l’indemnité est de 1 000 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui a trait à la détermination provisoire du degré de complexité ou au montant provisoire de l’indemnité, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal, en conformité avec l’article 4.2 de la Ligne directrice. Il relève de la compétence du Tribunal de fixer le montant définitif de l’indemnité.
 

[1].     L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.) [Loi sur le TCCE].

[2].     La DAMA était, en fait, structurée de façon à établir deux listes distinctes d’AMA avec des fournisseurs autochtones et non autochtones. Les questions pertinentes dans le cadre de la présente plainte ont trait à l’établissement d’une liste de fournisseurs non autochtones remplissant les conditions requises aux termes de la DAMA.

[3].     Selon le RIF, l’équipe d’évaluation était composée de trois préposés possédant une expérience dans la production, la gestion de projets et l’évaluation de vidéos et d’autres formes de multimédia pour les fins du gouvernement. Voir la pièce PR-2013-037-08B à la p. 11, vol. 1C.

[4].     D.O.R.S./93-602 [Règlement].

[5].     D.O.R.S./91-499.

[6].     18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.ait-aci.ca/index_fr/ait.htm> [ACI].

[7].     Pièce PR-2013-037-08B à la p. 2, vol. 1C.

[8].     Pièce PR-2013-037-16 à la p. 3, vol. 1C.

[9].     BRC Business Enterprises Ltd. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (27 septembre 2010), PR-2010-012 (TCCE) au par. 43; Global Upholstery Co. Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (6 juillet 2009), PR-2008-052 (TCCE) aux par. 40-41.

[10].   Voir aussi Excel Human Resources Inc. c. Ministère de l’Environnement (2 mars 2012), PR-2011-043 (TCCE) au par. 33; Valcom Ltd. (Ottawa) (2 décembre 2002), PR-2002-014 (TCCE).

[11].   Samson & Associés c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (19 octobre 2012), PR‑2012-012 (TCCE) au par. 27.

[12].   Pièce PR-2013-037-08B à la p. 16, vol. 1C.

[13].   Voir par exemple Femme Cachee Productions Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (25 novembre 2009), PR-2009-031 (TCCE) au par. 33, où le Tribunal a conclu que les éléments de preuve indiquaient que des critères non divulgués avaient été utilisés dans une évaluation.

[14].   Pièce PR-2013-037-08, pièce 11 à la p. 3, vol. 1B; pièce PR-2013-037-16 à la p. 26, vol. 1C.

[15].   Pièce PR-2013-037-08, pièce 11 à la p. 4, vol. 1B.

[16].   Vireo a soumis des témoignages d’anciens clients avec sa soumission en réponse au critère obligatoire C.1.4, « Les résultats de la production audiovisuelle ». Voir pièce PR-2013-037-08A (protégée), pièce 5, vol. 2; pièce PR-2013-037-08, pièce 11, vol. 1B.

[17].   Pièce PR-2013-037-08A (protégée), pièce 6, vol. 2.

[18].   Pièce PR-2013-037-16 à la p. 3, vol. 1C.

[19].   Direction des politiques du Programme des approvisionnements, TPSGC, « Guide des approvisionnements », version 2014-2 (13 mars 2013), paragraphe 5.40(b), en ligne : https://achatsetventes.gc.ca/politiques-et-lignes-directrices/guide-des-....

[20].   Pièce PR-2013-037-08B à la p. 12, vol. 1C; pièce PR-2013-037-08, pièce 7, vol. 1B.

[21].   Pièce PR-2013-037-08, pièce 8, vol. 1B.

[22].   Ibid., pièce 10.

[23].   Pièce PR-2013-037-16 à la p. 19, 26, vol. 1C.

[24].   Le Tribunal a déjà conclu que le non-respect de la part d’une autorité contractante des lignes directrices énoncées dans le Guide des approvisionnements ne constitue pas, en soi, une violation des accords commerciaux, sauf si les documents d’appel d’offres exigent expressément que les procédures spécifiées dans ces lignes directrices soient respectées. Voir par exemple ML Wilson Management c. Agence Parcs Canada (6 juin 2013), PR-2012-047 (TCCE) au par. 41; Giamac Inc. s/n AutoRail Forwarders c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (25 novembre 2009), PR-2009-037 (TCCE) au par. 53.

[25].   Pièce PR-2013-037-08, pièce 7, vol. 1B.

[26].   Pièce PR-2013-037-16 aux pp. 25-26, vol. 1C.

[27].   Voir Chamber of Shipping of British Columbia c. Ministère des Pêches et des Océans (24 mars 2010), PR-2009-069 (TCCE) au par. 15.

[28].   Tel qu’énoncé dans Enterasys Networks of Canada Ltd. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (9 août 2010), PR-2009-132 à PR-2009-153 (TCCE) au par. 67, « [le Tribunal] ne permettrait pas à des parties plaignantes d’avoir accès à des documents lorsque le seul objectif consiste à trouver des éléments de preuve pouvant être utilisés au soutien d’une plainte. De l’avis du Tribunal, la simple inclusion d’allégations générales dans une plainte ne donne pas à la partie plaignante un droit d’accès illimité à des documents en possession d’institutions fédérales. Cela permettrait des “expéditions de pêche” pour recueillir des renseignements dans les dossiers des institutions fédérales, ce qui serait inadmissible. »