SUPER CHANNEL INTERNATIONAL CORP.

SUPER CHANNEL INTERNATIONAL CORP.
Dossier no PR-2013-042

Décision prise
le vendredi 21 février 2014

Décision rendue
le vendredi 21 février 2014

Motifs rendus
le vendredi 7 mars 2014

TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À une plainte déposée aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.).

PAR

SUPER CHANNEL INTERNATIONAL CORP.

CONTRE

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur décide de ne pas enquêter sur la plainte.

Ann Penner
Ann Penner
Membre présidant

Dominique Laporte
Dominique Laporte
Secrétaire

L’exposé des motifs suivra à une date ultérieure.

EXPOSÉ DES MOTIFS

  1. En vertu du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur[1], tout fournisseur potentiel peut, sous réserve du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics[2], déposer une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) concernant la procédure des marchés publics suivie relativement à un contrat spécifique et lui demander d’enquêter sur cette plainte. En vertu du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, après avoir jugé la plainte conforme au paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et sous réserve du Règlement, le Tribunal détermine s’il y a lieu d’enquêter.

RÉSUMÉ DE LA PLAINTE

  1. La plainte porte sur une demande de propositions (DP) (invitation no 21120-142286/A) publiée par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) au nom du Service correctionnel du Canada pour la fourniture de tuques bleues.
  2. Super Channel International Corp. (Super Channel) soutient que TPSGC a incorrectement déclaré sa proposition non conforme au motif qu’elle n’avait pas fourni le certificat de conformité exigé de la part du fabricant des fils qui serviraient à produire les tuques.
  3. À titre de mesure corrective, Super Channel demande à TPSGC de modifier sa décision et de lui adjuger le contrat. Subsidiairement, Super Channel demande une indemnisation d’un montant de 28 080 $ en reconnaissance de sa perte du contrat.

CONTEXTE

  1. Le 1er novembre 2013, TPSGC a publié la DP, dont la date de clôture des soumissions était le 16 décembre 2013. Le 4 novembre 2013, l’invitation à soumissionner a été publiée sur MERX[3].
  2. Super Channel a présenté une proposition en réponse à l’invitation.
  3. Le 20 janvier 2014, TPSGC a demandé à Super Channel de fournir le nom de son sous-traitant, ainsi que le nom de son fabricant de fils. Le même jour, Super Channel a répondu que son sous-traitant était Zhenjiang Kimtex Industrial Inc. (Zhenjiang Kimtex) et que son fabricant de fils était Hangzhou Hengli Textile Co., Ltd.
  4. Le 11 février 2014, TPSGC a informé Super Channel que le contrat ne lui avait pas été adjugé parce qu’elle n’avait pas fourni un certificat de conformité de son fabricant de fils.
  5. Le même jour, Super Channel a présenté une opposition à TPSGC. Elle a expliqué qu’elle s’était trompée le 20 janvier 2014 en désignant Hangzhou Hengli Textile Co., Ltd. comme le fabricant de fils. Elle a indiqué que les fils seraient fabriqués par Zhenjiang Kimtex, le sous-traitant qui produirait les marchandises. Super Channel a également insisté sur le fait qu’elle avait fourni un certificat de conformité de Zhenjiang Kimtex dans sa proposition.
  6. Super Channel allègue également que TPSGC n’avait pas le droit de s’appuyer sur sa déclaration erronée du 20 janvier 2014 puisque celle-ci a été faite après la date de clôture des soumissions et ne pouvait modifier le contenu de sa proposition. Elle demande à TPSGC de lui adjuger le contrat, puisqu’elle estime que sa proposition financière était inférieure à la valeur du contrat adjugé de 136 100,16 $.
  7. Le 12 février 2014, TPSGC a répondu à l’opposition de Super Channel.
  8. Le 19 février 2014, Super Channel a déposé sa plainte auprès du Tribunal.
  9. Sur réception de la plainte, le Tribunal a demandé à Super Channel de fournir des renseignements supplémentaires afin de compléter le dossier, y compris une copie du certificat de conformité et tout autre courriel pertinent. Super Channel a répondu qu’elle ne pouvait fournir le certificat de conformité puisqu’elle n’avait pas conservé une copie du document fourni dans sa proposition. Elle a également confirmé que tous les courriels pertinents avaient été joints à sa plainte.

ANALYSE

  1. Aux termes des articles 6 et 7 du Règlement, après avoir reçu une plainte conformément au paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit déterminer si les quatre conditions suivantes sont satisfaites avant d’entamer une enquête :
  • la plainte a été déposée dans les délais prescrits par l’article 6 du Règlement;
  • le plaignant est réellement un fournisseur ou un fournisseur potentiel;
  • la plainte porte sur un contrat spécifique;
  • les renseignements fournis par le plaignant démontrent, dans une mesure raisonnable, que la procédure du marché public n’a pas été suivie conformément au chapitre 10 de l’Accord de libre-échange nord-américain[4], au chapitre cinq de l’Accord sur le commerce intérieur[5], à l’Accord sur les marchés publics[6], au chapitre Kbis de l’Accord de libre-échange Canada-Chili[7], au chapitre quatorze de l’Accord de libre-échange Canada-Pérou[8], au chapitre quatorze de l’Accord de libre-échange Canada-Colombie[9] ou au chapitre seize de l’Accord de libre-échange Canada-Panama[10] selon le cas.
  1. La plainte de Super Channel respecte les trois premières conditions : elle a été déposée dans les délais prescrits; la partie plaignante est réellement un soumissionnaire; la plainte porte sur une invitation visée par tous les accords commerciaux susmentionnés, sauf l’AMP et l’ALÉCP[11]. L’analyse se concentrera donc sur la question de savoir si les renseignements fournis par la partie plaignante indiquent, de façon raisonnable, que la procédure du marché public n’a pas été suivie conformément aux accords commerciaux pertinents.
  2. Le paragraphe 1015(4) de l’ALÉNA prévoit que, « a) pour être considérée en vue de l’adjudication, une soumission devra être conforme, au moment de son ouverture, aux conditions essentielles spécifiées dans les avis ou dans la documentation relative à l’appel d’offres [...] » et que « d) l’adjudication des marchés sera conforme aux critères et aux conditions essentielles spécifiées dans la documentation relative à l’appel d’offres ». L’ACI, l’ALÉCC, l’ALÉCCO et l’ALÉCPA contiennent des obligations similaires[12].
  3. Le paragraphe 2 de la Partie 4 de la DP stipule que, pour être jugée recevable, une soumission doit « [...] rencontrer tous les critères d’évaluation techniques et financiers obligatoires [...] ». Le paragraphe 1.1.1, Critères techniques obligatoires, stipule que « [l]e fait de ne pas présenter l’échantillon préalable à l’adjudication et le certificat de conformité dans le délai prescrit rendra la soumission non-recevable. [...] De plus, un certificat de conformité pour le fil tel qu’énoncé à la page 2 de la description d’achat est exigé, selon les modalités énoncées dans les présentes. »
  4. La partie 5 de la DP stipule que « [l]es soumissionnaires doivent fournir les attestations et la documentation exigées pour qu’un contrat leur soit attribué » et que ces attestations « [...] peuvent faire l’objet d’une vérification à tout moment par le Canada ». S’il est établi qu’une attestation du soumissionnaire est fausse, que ce soit pendant la période d’évaluation des soumissions ou pendant la durée du contrat, la soumission sera déclarée non recevable. De plus, l’autorité contractante aura le droit de demander des renseignements supplémentaires pour vérifier les attestations, et défaut de répondre à cette demande rendra également la soumission non recevable.
  5. La principale question dans la présente plainte consiste à déterminer si Super Channel a fourni suffisamment d’éléments de preuve pour que le Tribunal conclue, de façon raisonnable, que TPSGC s’est trompé en déterminant que Super Channel ne respectait pas les exigences essentielles énoncées dans la DP. Plus particulièrement, la principale question consiste à déterminer si Super Channel a présenté au Tribunal des éléments de preuve pour confirmer qu’elle avait effectivement fourni un certificat de conformité véritable dans sa proposition.
  6. Il est bien établi qu’il incombe aux parties plaignantes de justifier leurs affirmations et leurs allégations lorsqu’elles déposent une plainte auprès du Tribunal; les affirmations et les allégations non justifiées ne suffisent pas pour que le Tribunal enquête.
  7. En l’espèce, Super Channel n’a pas fourni au Tribunal une copie du certificat de conformité de Zhenjiang Kimtex. Par conséquent, elle n’a pas justifié son affirmation selon laquelle elle a fourni un certificat à TPSGC et son allégation selon laquelle TPSGC a incorrectement déclaré sa proposition non conforme. Le Tribunal ne peut donc enquêter sur ce motif.
  8. Il est également bien établi que lorsqu’une invitation exige des soumissionnaires qu’ils attestent certains renseignements contenus dans leur proposition quant à leur exactitude et à leur exhaustivité, l’entité acheteuse a le droit de se fier à ces attestations au moment d’évaluer les soumissions (c’est-à-dire après la date de clôture des soumissions)[13].
  9. En l’espèce, il ressort clairement de la DP en cause que TPSGC se réservait le droit de vérifier les renseignements, y compris les attestations, au cours du processus d’évaluation des soumissions. Par conséquent, le Tribunal conclut que TPSGC avait le droit de se fier sur la déclaration faite par Super Channel le 20 janvier 2014 selon laquelle son fabricant de fils était Hangzhou Hengli Textile Co., Ltd. Puisque aucun élément de preuve n’indique que Super Channel a présenté un certificat de conformité pour cette société ou, d’ailleurs, pour Zhenjiang Kimtex, le Tribunal n’a aucun fondement pour établir que TPSGC a déterminé à tort que la soumission de Super Channel n’était pas conforme.
  10. Par conséquent, le Tribunal conclut que les éléments de preuve fournis par Super Channel n’indiquent pas, de façon raisonnable, qu’il y a eu violation des accords commerciaux applicables au cours de la procédure de passation du marché public.
  11. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal n’enquêtera pas sur la plainte et considère la question comme réglée.

DÉCISION

  1. Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal décide de ne pas enquêter sur la plainte.
 

[1].     L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.) [Loi sur le TCCE].

[2].     D.O.R.S./93-602 [Règlement].

[3].     Service électronique d’appel d’offres du Canada.

[4].     Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis d’Amérique et le gouvernement des États-Unis du Mexique, 17 décembre 1992, R.T.C. 1994, no 2 (entré en vigueur le 1er janvier 1994) [ALÉNA].

[5].     18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.ait-aci.ca/index_fr/ait.htm> [ACI].

[6].     15 avril 1994, en ligne : Organisation mondiale du commerce <http://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/final_f.htm> [AMP].

[7].     Accord de libre-échange entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de la République du Chili, R.T.C. 1997, no 50 (entré en vigueur le 5 juillet 1997) [ALÉCC]. Le chapitre Kbis, intitulé « Marchés publics », est entré en vigueur le 5 septembre 2008.

[8].     Accord de libre-échange entre le Canada et la République du Pérou, en ligne : le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-... (entré en vigueur le 1er août 2009) [ALÉCP].

[9].     Accord de libre-échange entre le Canada et la République de Colombie, en ligne : le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-... (entré en vigueur le 15 août 2011) [ALÉCCO].

[10].   Accord de libre-échange entre le Canada et la République du Panama, en ligne : le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-... (entré en vigueur le 1er avril 2013) [ALÉCPA].

[11].   La valeur du marché public était inférieure aux seuils monétaires pertinents contenus dans l’AMP et l’ALÉCP.

[12].   Voir le paragraphe 506(6) de l’ACI, l’alinéa 1015(4)d) de l’ALÉNA, l’article Kbis-10 de l’ALÉCC, l’article 1410:4 de l’ALÉCCO et l’article 16.11:4 de l’ALÉCPA.

[13].   Central Automotive Inspections Records & Standards Services (CAIRSS) Corp. (31 octobre 2012), PR-2012-025 (TCCE) aux par. 24-25. Voir aussi Sanofi Pasteur Limited (12 mai 2011), PR-2011-006 (TCCE) aux par. 22-23; Airsolid Inc. (18 février 2010), PR-2009-089 (TCCE) au par. 11.