TRADUCTIONS TRD

TRADUCTIONS TRD
c.
MINISTÈRE DE LA DIVERSIFICATION DE L’ÉCONOMIE DE L’OUEST CANADIEN
Dossier no PR-2014-004

Décision et motifs rendus
le lundi 7 juillet 2014

TABLE DES MATIÈRES

 

EU ÉGARD À une plainte déposée par Traductions TRD aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.);

ET À LA SUITE D’une décision d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

ENTRE

TRADUCTIONS TRD Partie plaignante

ET

LE MINISTÈRE DE LA DIVERSIFICATION DE L’ÉCONOMIE DE L’OUEST CANADIEN Institution fédérale

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte n’est pas fondée.

Le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine provisoirement qu’il n’accordera pas de frais en l’espèce. Si le ministère de la Diversification de l’économie de l’Ouest canadien n’est pas d’accord en ce qui a trait à la détermination provisoire concernant les frais, il peut déposer des observations auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur, en conformité avec l’article 4.2 de la Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public. Il relève de la compétence du Tribunal canadien du commerce extérieur de fixer le montant définitif des frais.

Jason W. Downey
Jason W. Downey
Membre présidant

Randolph W. Heggart
Randolph W. Heggart
Secrétaire intérimaire

Membre du Tribunal : Jason W. Downey, membre présidant

Conseiller juridique pour le Tribunal : Eric Wildhaber

Agent des dossiers de marchés publics : Josée B. Leblanc

Agent du greffe : Sara Pelletier

Partie plaignante : Traductions TRD

Institution fédérale : ministère de la Diversification de l’économie de l’Ouest canadien

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario)  K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : secretaire@tcce-citt.gc.ca

EXPOSÉ DES MOTIFS

RÉSUMÉ

  1. Le 8 avril 2014, Traductions TRD a déposé une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal), aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur[1], concernant un marché public (invitation no 4W001-14-5013) passé par le ministère de la Diversification de l’économie de l’Ouest canadien (DEO) pour la prestation de services de traduction.
  2. Traductions TRD allègue que sa soumission a été incorrectement déclarée non conforme en raison d‘une interprétation erronée par DEO d’une exigence obligatoire de la demande de propositions (DP).
  3. Traductions TRD demande, à titre de mesure corrective, une nouvelle évaluation de sa proposition conformément aux critères énoncés dans la DP et le report de l’adjudication des contrats. Subsidiairement, Traductions TRD demande d’être dédommagée pour les frais qu’elle a engagés pour son adhésion à l’Ordre des traducteurs, terminologues et interprètes agréés du Québec.
  4. Pour les raisons qui suivent, le Tribunal conclut que la plainte n’est pas fondée.

PROCÉDURE DE PASSATION DU MARCHÉ PUBLIC

  1. Le 18 décembre 2013, DEO a publié la DP sur le système électronique d’appels d’offres du gouvernement fédéral. DEO souhaitait conclure cinq contrats avec autorisation de tâches.
  2. Au cours de la procédure de passation du marché public, DEO a répondu à certaines questions des soumissionnaires. Aucune des questions ou réponses n’a entraîné de modifications ni la prolongation de la DP. DEO a reçu 32 propositions, dont celle de Traductions TRD, avant la date limite pour la réception des soumissions le 27 janvier 2014.
  3. Selon le rapport de l’institution fédérale (RIF), les membres du comité d’évaluation se sont réunis le 5 février 2014 pour passer en revue leurs conclusions pour chacune des propositions.
  4. Le 24 mars 2014, DEO a informé Traductions TRD qu’il ne lui présenterait pas d’offre car d’autres offres plus favorables avaient été acceptées.
  5. Dans le RIF, DEO indique que cinq contrats ont été octroyés le 28 mars 2014 à des fournisseurs ayant respecté toutes les exigences de la DP.
  6. Dans sa plainte, Traductions TRD indique que, le 31 mars 2014, après avoir téléphoné à DEO à plusieurs reprises, elle a finalement reçu un appel de DEO lui expliquant que sa proposition avait été rejetée non pas parce que des offres plus favorables que la sienne avaient été acceptées, mais parce qu’elle avait omis d’inclure le curriculum vitæ d’une personne mentionnée dans sa proposition.
  7. Le 31 mars 2014, Traductions TRD a présenté à DEO une opposition par courriel.
  8. Le 2 avril 2014, DEO a écrit à Traductions TRD l’informant de la procédure à suivre afin de déposer une plainte auprès du Tribunal.
  9. Le 8 avril 2014, Traductions TRD a déposé sa plainte auprès du Tribunal.

PROCÉDURE DE LA PLAINTE

  1. Le 15 avril 2014, le Tribunal a informé les parties que la plainte avait été acceptée à des fins d’enquête puisqu’elle satisfaisait aux exigences du paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et aux conditions énoncées au paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics[2]. Le même jour, le Tribunal a également rendu une ordonnance de report d’adjudication des contrats, dans laquelle il ordonnait à DEO de reporter l’adjudication de tout contrat jusqu’à ce qu’il ait statué sur le bien-fondé de la plainte.
  2. Le 5 mai 2014, le Tribunal a reçu une lettre datée du 24 avril 2014 de DEO lui fournissant les coordonnés des cinq soumissionnaires gagnants.
  3. Le 12 mai 2014, DEO a déposé son RIF auprès du Tribunal conformément à l’article 103 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur[3]. Le 23 mai 2014, Traductions TRD a déposé ses observations sur le RIF.
  4. Le 12 juin 2014, le Tribunal a ordonné l’annulation de son ordonnance de report d’adjudication des contrats rendue le 15 avril 2014, car il s’est avéré que des contrats avaient été conclus avant l’émission de l’ordonnance du Tribunal; cette ordonnance était donc, d’emblée, inopérante.
  5. Étant donné que les renseignements au dossier étaient suffisants pour déterminer le bien-fondé de la plainte, le Tribunal a décidé qu’une audience n’était pas nécessaire et a statué sur la plainte sur la foi des renseignements au dossier.

DISPOSITIONS PERTINENTES DE LA DP

  1. La DP renfermait les dispositions générales suivantes à l’égard de la préparation des offres techniques, des procédures d’évaluation et des attestations :

PARTIE 3 – DIRECTIVES DE PRÉPARATION DES SOUMISSIONS

[...]

Section I : Soumission technique

Dans sa soumission technique, le soumissionnaire doit montrer qu’il comprend les exigences indiquées dans l’appel d’offres et expliquer comment il entend y répondre. Le soumissionnaire doit démontrer ses compétences et décrire d’une manière détaillée, concise et claire comment il entend exécuter les travaux décrits à l’annexe A, Énoncé des travaux.

La soumission technique doit traiter de façon claire et suffisamment détaillée les points visés par les critères d’évaluation d’après lesquels la soumission sera évaluée. Il ne suffit pas de simplement répéter l’énoncé présenté dans la demande de soumission. Pour faciliter l’évaluation des soumissions, DEO demande aux soumissionnaires de développer les sujets en respectant l’ordre des critères d’évaluation et en suivant les mêmes rubriques. Pour éviter toute répétition, les soumissionnaires peuvent faire des renvois aux différentes sections de leur soumission en précisant le paragraphe visé et le numéro de la page où le sujet a déjà été traité.

L’annexe C, Procédures d’évaluation et mode de sélection de l’entrepreneur, contient des directives additionnelles dont les soumissionnaires devront tenir compte au moment de préparer leur soumission technique.

[...]

Section III : Attestations

Les soumissionnaires doivent présenter les attestations exigées à la partie 5.

PARTIE 4 – PROCÉDURES D’ÉVALUATION ET MÉTHODE DE SÉLECTION

1. Procédures d’évaluation

Les soumissions seront évaluées par rapport à l’ensemble des exigences de l’appel d’offres, incluant les critères d’évaluation technique et financière. Une équipe d’évaluation composée de représentants de DEO évaluera les soumissions.

1.1 Évaluation technique

[...]

b) Exigences techniques obligatoires

Comme il est indiqué dans l’annexe C, Procédures d’évaluation et mode de sélection de l’entrepreneur :

1. Expérience globale – Chaque employé doit fournir un curriculum vitæ à jour démontrant clairement son expérience et son niveau d’études.

[...]

2. Méthode de sélection de l’entrepreneur

2.1 Méthode de sélection – Proposition recevable ayant obtenu le nombre de points le plus élevé – Note combinée : mérite technique (70 %) et prix (30 %) – Annexe C

Pour être déclarée recevable, une soumission doit :

a. satisfaire à toutes les exigences de l’appel d’offres;

b. satisfaire à toutes les exigences obligatoires au moment de la clôture de l’appel d’offres;

c. obtenir le nombre minimal requis de points indiqué dans l’annexe C pour les critères d’évaluation à cote numérique.

Les soumissions qui ne satisfont pas aux critères a), b) ou c) seront déclarées non recevables. Ni l’offre recevable qui obtiendra le nombre de points le plus élevé ni celle qui offrira le prix le plus bas ne seront forcément acceptées. Pour ce qui est de la notation du prix, on accorde le nombre de points maximal à l’offre recevable la moins-disante et on donne une note proportionnelle aux autres propositions.

[...]

PARTIE 5 – ATTESTATIONS

Pour qu’un contrat leur soit attribué, les soumissionnaires doivent fournir les attestations exigées ainsi que la documentation connexe. Le Canada déclarera une soumission non recevable si les attestations exigées ne sont pas remplies et fournies, conformément aux exigences. Les soumissionnaires doivent fournir les attestations exigées à la section III de leur soumission.

[...]

2. Autres attestations obligatoires préalables à l’attribution du contrat

2.1 Études et expérience

Le soumissionnaire atteste qu’il a vérifié tous les renseignements fournis dans les curriculum vitae et les documents à l’appui présentés avec sa soumission, plus particulièrement les renseignements relatifs aux études, aux réalisations, à l’expérience et aux antécédents professionnels, et que ceux-ci sont exacts. En outre, le soumissionnaire garantit que chaque personne qu’il a proposée est en mesure d’exécuter les travaux prévus dans le contrat subséquent.

2.2 Attestations

En déposant une soumission, le soumissionnaire atteste que l’information qu’il a fournie pour répondre aux exigences ci-dessus est exacte et complète.

[...]

PARTIE 6 – CLAUSES DU CONTRAT SUBSÉQUENT

Les clauses et conditions suivantes s’appliquent à tout contrat qui résultera de l’appel d’offres et feront partie intégrante dudit contrat.

[...]

10. Remplacement du personnel désigné

10.1 Lorsque le contrat précise l’identité des personnes qui doivent exécuter les travaux, l’entrepreneur est tenu de fournir les services de ces personnes, sauf s’il n’est pas en mesure de le faire pour des motifs indépendants de sa volonté.

10.2 Si l’entrepreneur n’est pas en mesure de fournir les services d’une personne nommément désignée dans le contrat, il doit, dans un délai de quarante-huit (48) heures, lui trouver un remplaçant ayant des compétences et une expérience similaires, lequel devra assumer les tâches et responsabilités de cette personne dans un délai de cinq (5) jours ouvrables. Le remplaçant doit satisfaire aux critères utilisés pour la sélection de l’entrepreneur et être acceptable pour le Canada. L’entrepreneur devra, aussitôt que possible, donner avis à l’autorité contractante de la raison pour laquelle l’employé initial a été remplacé, et lui communiquer :

a) le nom, les compétences et l’expérience du remplaçant proposé;

b) la preuve que le remplaçant proposé détient, le cas échéant, la cote de sécurité requise délivrée par le Canada

10.3 Si un employé doit être remplacé, l’entrepreneur doit remettre au chargé de projet un préavis écrit d’au moins cinq (5) jours ouvrables. L’entrepreneur ne doit pas, de quelque façon que ce soit, permettre que les travaux soient accomplis par des remplaçants non autorisés. L’autorité contractante peut ordonner qu’un remplaçant cesse d’accomplir les travaux. Si tel est le cas, l’entrepreneur doit immédiatement se conformer à l’ordre reçu et trouver un autre remplaçant, conformément au paragraphe 2. Le fait que l’autorité contractante n’ordonne pas qu’un remplaçant cesse d’accomplir les travaux ne libère pas l’entrepreneur de son obligation de répondre aux exigences du contrat.

[...]

ANNEXE C

PROCÉDURES D’ÉVALUATION ET MODE DE SÉLECTION DE L’ENTREPRENEUR

Critères obligatoires

La proposition de l’entrepreneur doit respecter toutes les exigences obligatoires décrites dans les critères d’évaluation. Les propositions qui ne répondent pas à ces exigences seront rejetées.

Les entrepreneurs désireux d’exécuter les travaux décrits dans l’énoncé des travaux doivent fournir les documents suivants :

Annexe C, partie 1 – Exigences obligatoires

La soumission doit démontrer que tous les employés proposés possèdent les qualifications mentionnées dans l’énoncé des travaux. Elle doit contenir un compte rendu détaillé des employés proposés en indiquant leur expérience de travail, leur niveau d’études et les autres détails pertinents qui démontrent clairement que les employés satisfont aux exigences obligatoires. Si la soumission ne fournit pas suffisamment de détails pour démontrer le respect des critères obligatoires, celle-ci sera jugée non recevable et sera rejetée sans passer à l’étape suivante du processus d’évaluation

CRITÈRES OBLIGATOIRES

Pour chaque critère, identifiez le numéro de la page pertinente dans votre soumission.

O1 Expérience globale – Chaque employé doit fournir un curriculum vitæ à jour qui démontre clairement les éléments suivants :

Expérience (au moins quatre ans) en :

  • traduction
  • révision ou correction d’épreuves
  • prestation de services de traduction pour un client du gouvernement du Canada

Études

  • Diplôme d’une université reconnue en traduction, en linguistique ou dans un domaine connexe
  • Certificat valide du Conseil des traducteurs, terminologues et interprètes du Canada ou d’un ordre provincial équivalent

[...]

POSITION DES PARTIES

Traductions TRD

  1. Traductions TRD soutient que DEO « a injustement et de façon erronée rejeté mon offre en réponse à [la DP] »[4] [nos italiques]. Selon Traductions TRD, la DP n’exigeait pas l’inclusion du curriculum vitæ de la personne désignée comme « suppléante » dans sa proposition. Traductions TRD affirme que la DP établissait, à la section 10 – Remplacement du personnel désigné (partie 6), que l’entrepreneur n’aurait à fournir « les renseignements concernant un remplaçant proposé que lorsque la personne nommément désignée n’est plus en mesure de fournir lesdits services »[5]. Traductions TRD soutient également qu’il était « clairement établi dans les différentes sections de [la proposition de Traductions TRD] que M. Ronald Dompierre sera[it] la personne désignée (traducteur attitré) qui exécutera[it] toutes les tâches décrites dans la DP »[6] [caractères gras dans l’original].
  2. Dans ses observations sur le RIF, Traductions TRD soutient ce qui suit :

Selon le Ministère, le motif principal du rejet de [ma proposition] en l’espèce tourne autour de l’interprétation donnée par les évaluateurs de DEO au terme « suppléante » utilisée une seule fois dans ma proposition de 25 pages. Je réitère que mon intention à la page 7 de ma proposition était de montrer, conformément au point 10 de la DP, qu’il serait aisé de trouver une remplaçante si la personne proposée, soit le traducteur attitré, n’était plus en mesure d’exécuter les travaux pour des motifs indépendants de sa volonté.

En ce qui a trait à l’observation du Ministère quant à l’utilisation des termes « Nous » et « Notre » dans ma proposition, il est admis dans toutes les sphères que, dans un contexte de communication professionnelle ou dans un texte de style soutenu, le pronom de la première personne du pluriel, (nous de modestie), peut être employé à la place du je[7].

[Caractères gras et italiques dans l’original]

DEO

  1. DEO affirme qu’il n’a pas jugé irrecevable la proposition de Traductions TRD au titre de la section 10 de la DP – Remplacement du personnel désigné[8], mais plutôt parce qu’elle ne respectait pas les exigences obligatoires indiquées à l’annexe C. Plus particulièrement, DEO soutient que le critère obligatoire O1 exigeait qu’un curriculum vitæ soit fourni pour chaque employé présenté dans une proposition et que Traductions TRD avait omis de joindre un curriculum vitæ pour la personne présentée comme membre de son « équipe » (identifiée comme « suppléante ») dans sa proposition. De plus, DEO soutient que cette personne était un employé puisque Traductions TRD avait utilisé « nous » et « notre » tout au long de sa proposition[9].

ANALYSE DU TRIBUNAL

  1. Aux termes du paragraphe 30.14(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit, dans son enquête, limiter son étude à l’objet de la plainte. La question en litige est de savoir si DEO a erré en déclarant non‑conforme la proposition de Traductions TRD. À la conclusion de l’enquête, le Tribunal doit déterminer le bien‑fondé de la plainte en fonction des critères et procédures établis par règlement pour le contrat spécifique.
  2. L’article 11 du Règlement prévoit que le Tribunal doit déterminer si le marché public a été passé conformément aux accords commerciaux pertinents, à savoir, en l’espèce, l’Accord sur le commerce intérieur[10], l’Accord de libre-échange nord-américain[11], l’Accord sur les marchés publics[12], l’Accord de libre‑échange Canada-Chili[13], l’Accord de libre-échange Canada-Pérou[14], l’Accord de libre-échange Canada-Colombie[15] et l’Accord de libre-échange Canada-Panama[16].
  3. Le paragraphe 506(6) de l’ACI prévoit que « [l]es documents d’appel d’offres doivent indiquer clairement les conditions du marché public, les critères qui seront appliqués dans l’évaluation des soumissions et les méthodes de pondération et d’évaluation des critères ».
  4. Le paragraphe 1015(4) de l’ALÉNA prévoit que, « a) pour être considérée en vue de l’adjudication, une soumission devra être conforme, au moment de son ouverture, aux conditions essentielles spécifiées dans les avis ou dans la documentation relative à l’appel d’offres, et avoir été présentée par un fournisseur remplissant les conditions de participation » et que « d) l’adjudication des marchés sera conforme aux critères et aux conditions essentielles spécifiées dans la documentation relative à l’appel d’offres ». Les autres accords commerciaux applicables contiennent des dispositions similaires à celles qui se trouvent dans l’ALÉNA.[17]
  5. Essentiellement, les positions des parties se résument à ce qui suit.
  6. Traductions TRD allègue que sa proposition aurait dû être comprise comme ne donnant qu’un préavis de l’identité de la personne dont Traductions TRD aurait proposée comme « remplaçant ayant des compétences et une expérience similaires » si jamais elle avait eu à avoir recours au régime de la section 10 de la DP. Traductions TRD prétend que la DP n’exigeait pas que les compétences ainsi que la preuve de celles-ci par voie de curriculum vitæ soient fournies à ce stade-ci.
  7. La position de DEO est que Traductions TRD a proposé une « [é]quipe de Traductions TRD chargée du projet de DEO » constituée d’un « traducteur attitré » et d’une « suppléante » et donc que la proposition de Traductions TRD devait comprendre « un curriculum vitæ à jour » pour « chaque employé » démontrant plusieurs éléments d’expérience et d’études conformément au critère obligatoire O1 de l’annexe C de la DP. DEO soutient qu’étant donné que le curriculum vitæ de la « suppléante » n’était pas fourni, la proposition de Traductions TRD a été jugée non-conforme de bon droit.
  8. Le Tribunal rappelle qu’il fait généralement preuve de déférence à l’égard des évaluateurs pour ce qui est de leur évaluation des propositions. Dans Excel Human Resources Inc. c. Ministère de l’Environnement[18], le Tribunal a confirmé qu’il « “[...] interviendra relativement à une évaluation uniquement dans les cas où elle serait réputée déraisonnable” et qu’il ne substituerait pas son jugement à celui des évaluateurs “[...] à moins que les évaluateurs ne se soient pas appliqués à évaluer la proposition d’un soumissionnaire, qu’ils aient donné une interprétation erronée de la portée d’une exigence, qu’ils n’aient pas tenu compte de renseignements cruciaux fournis dans une soumission, qu’ils aient fondé leur évaluation sur des critères non divulgués ou que l’évaluation n’ait pas été effectuée d’une manière équitable du point de vue de la procédure” ».
  9. En outre, dans Entreprise commune de BMT Fleet Technology Ltd. et NOTRA Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux, le Tribunal a indiqué que « [l]a détermination de TPSGC sera jugée raisonnable si elle est fondée sur une explication défendable, même si elle n’est pas convaincante aux yeux du Tribunal »[19].
  10. Suivant cette norme de contrôle, la plainte est non-fondée. Le Tribunal conclut que la position de DEO est raisonnable car elle est fondée sur une explication défendable.
  11. Le Nouveau Petit Robert définit le mot « équipe » comme un « [g]roupe de personnes unies dans une tâche commune »[20]. À sa face même, la proposition de Traductions TRD pouvait raisonnablement être comprise par les évaluateurs de DEO comme ayant été faite par une entreprise proposant une « équipe » constituée d’un traducteur « attitré » et d’une « suppléante ». Les termes « suppléant » ou « suppléante » ne figurent pas dans la DP. Cette dernière ne fait allusion qu’à la possibilité d’un « remplacement » dans les circonstances et de la manière décrite ci-dessus.
  12. Le Tribunal note que M. Dompierre semble confondre la soumission de Traductions TRD et ce qu’il décrit comme « ma soumission » comme étant une seule et même chose. Or, le Tribunal est d’avis qu’il n’était pas déraisonnable pour les évaluateurs de DEO de considérer que ce qui leur avait été soumis était nulle autre qu’une soumission faite par Traductions TRD et non une soumission faite par la personne qu’est M. Dompierre.
  13. La soumission de Traductions TRD indique bien que « [n]otre entreprise est constituée d’une équipe de traducteurs-réviseurs professionnels comptant une vaste expérience de travail dans divers domaines [...] ». Bien que M. Dompierre ait eu l’intention de faire une soumission en son nom propre, et de ne proposer que lui-même comme seule ressource (selon ses mots « traducteur attitré »), la soumission en cause peut raisonnablement, voire même correctement, ne pas être comprise ainsi, mais plutôt de la façon dont les évaluateurs de DEO l’ont comprise.
  14. En effet, la DP indiquait que « [l]e soumissionnaire doit démontrer ses compétences et décrire d’une manière détaillée, concise et claire comment il entend exécuter les travaux décrits à l’annexe A, Énoncé des travaux ». Il est à noter que la DP n’excluait pas la possibilité qu’une entreprise, un regroupement ou une « équipe » puisse soumissionner ni que ces derniers puissent, tout comme une personne, démontrer comment ils entendaient exécuter les travaux.
  15. « L’équipe de Traductions TRD » pouvait donc soumissionner et, dans ce cas, elle devait donc démontrer la façon qu’elle entendait exécuter les travaux; il était raisonnable d’interpréter la soumission de Traductions TRD comme proposant l’exécution des travaux par un « traducteur attitré » ainsi que par une « suppléante » qui « pourra assurer la relève au besoin ». En somme, il était raisonnable d’interpréter la soumission de Traductions TRD de telle sorte qu’elle prévoyait son propre régime de suppléance au « traducteur attitré » (donc, en sus du régime de « remplacement » prévu à la DP).
  16. Autrement dit, rien dans la DP n’excluait la possibilité qu’un soumissionnaire démontre qu’il entendait exécuter les travaux de cette façon. Une telle proposition aurait donc, en son sein même, anticipé des problèmes de disponibilité du soumissionnaire sans qu’il ne soit nécessaire d’avoir recours au régime de la section 10 de la DP (tout en préservant la possibilité d’y avoir recours, au besoin).
  17. Mais il demeure qu’en soumissionnant de la manière qu’elle l’a faite, Traductions TRD devait s’assurer de respecter l’exigence de la DP concernant l’inclusion des curriculum vitæ de l’ensemble des ressources proposées, ce qui n’a pas été fait; le curriculum vitæ de la personne suppléante n’a pas été joint à la soumission. Du moins, c’est là l’évaluation raisonnable faite par les évaluateurs de DEO de la soumission de Traductions TRD.
  18. Est-ce qu’une interprétation de cette dernière dans le sens des prétentions de Traductions TRD dans la présente plainte aurait pu être faite par les évaluateurs de DEO au moment d’exécuter leur travail? Peut-être. Mais le Tribunal doute très sérieusement qu’une telle interprétation ressorte clairement du libellé de la soumission ou eût été raisonnable.
  19. En fait, la section 10 est très claire. Si Traductions TRD proposait en réponse à la DP une personne ressource pour remplacer M. Dompierre, elle devait fournir des précisions (curriculum vitæ) afin d’étayer la proposition et de respecter les exigences de la DP. Advenant le cas qu’aucun remplaçant ne soit proposé, la section 10.2 de la DP proposait un mécanisme de « remplacement » qui pourrait être enclenché à une date ultérieure selon certaines conditions particulières; c’est soit l’une ou l’autre des modalités, mais pas les deux à la fois.
  20. En fournissant immédiatement le nom de la personne désignée à titre de suppléant, Traductions TRD se voyait liée par les exigences de la DP, à savoir l’obligation de fournir le curriculum vitæ de celle-ci au moment de soumissionner. Le mécanisme de suppléance ultérieure de la section 10.2 ne peut être appliqué immédiatement. Ceci est d’autant plus le cas quand l’identité et les compétences de la personne suppléante sont connues. La section 10.2 propose plutôt un mécanisme afin de présenter à DEO une nouvelle personne, inconnue au moment de la soumission de la DP, en cas d’empêchement ultérieur du traducteur principal, alors que le contrat serait en cours.
  21. De plus, la position avancée par Traductions TRD dans le cadre de la présente plainte constitue des explications fournies après la fin de la période de soumission et qui sont extrinsèques à sa soumission. À plusieurs égards ces explications contredisent le texte de la soumission, ou du moins elles viennent suppléer à une interprétation raisonnable de l’expression de la volonté qui y est exprimée, même si M. Dompierre avait l’intention, bien sincère, d’y exprimer autre chose que ce qui a été compris par les évaluateurs de DEO.
  22. De l’avis du Tribunal, il demeure néanmoins que le sens ordinaire des mots utilisés dans la soumission de Traductions TRD, en faisant abstraction des explications subséquemment fournies par M. Dompierre, soutient la conclusion des évaluateurs de DEO.

Frais

  1. Le Tribunal est enclin à ne pas accorder de frais en l’espèce.
  2. La Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public (la Ligne directrice) fonde l’évaluation du degré de complexité d’une plainte selon trois critères : la complexité du marché public, la complexité de la plainte et la complexité de la procédure. Or, la détermination provisoire du degré de complexité de la présente plainte est en-deçà du degré le plus bas mentionné à l’annexe A de la Ligne directrice (degré 1). En effet, le Tribunal est d’avis que la complexité du marché public, de la plainte et de la procédure était très faible.
  3. Le Tribunal note que DEO a indiqué dans sa lettre à Traductions TRD du 27 mars 2014 qu’elle « ne recevrait pas d’offre à ce moment-ci car d’autres offres plus favorables [ont] été acceptées » [nos italiques]. Ceci pouvait laisser sous-entendre que Traductions TRD avait soumis une offre conforme (ce qui n’était pas le cas), qui aurait pu être prise en considération à nouveau ultérieurement.
  4. Cette lettre ne contenait pas d’avis relativement au recours possible au Tribunal. Seule la lettre de DEO du 2 avril 2014 précisait cela.
  5. Les éléments de preuve au dossier laissent entendre que Traductions TRD n’a appris le véritable motif de rejet de sa soumission (et par conséquent le motif de sa plainte) que lors de conversations avec DEO, et que ce motif ne lui a pas été communiqué par écrit.
  6. Traductions TRD a vu sa proposition déclarée non-conforme en raison de ce qui revient à une erreur d’adéquation entre sa véritable intention et le cadre strict établit par la DP. Cette plainte n’a vraisemblablement occasionné que très peu de frais pour DEO (en outre, le RIF n’est que d’à peine cinq pages à interligne et demi).
  7. De plus, la plainte de Traductions TRD n’est pas sans utilité eu égard à l’intégrité du système d’appels d’offres. En effet, elle rappelle l’importance pour les institutions fédérales de communiquer le plus justement possible aux soumissionnaires les motifs d’un éventuel rejet, ainsi que des recours possibles devant le Tribunal.
  8. Comme il l’a fait à l’endroit d’autres institutions gouvernementales par le passé[21], le Tribunal invite DEO à voir par quels moyens il pourrait mieux informer les soumissionnaires de leurs recours auprès du Tribunal et, notamment, les moyens par lesquels il pourrait les sensibiliser aux délais du dépôt d’une plainte auprès du Tribunal, dans le but d’empêcher qu’une plainte soit refusée pour enquête au seul motif de non‑respect des délais.
  9. Le Tribunal reconnaît les efforts déjà fait par DEO en ce sens tel qu’en fait foi sa lettre à Traductions TRD du 2 avril 2014. Cependant, le Tribunal est d’avis que de telles informations doivent être véhiculées aux soumissionnaires de manière systématique, dès que possible, et ce, même en l’absence de litige. Par conséquent, DEO devrait envisager d’inclure le paragraphe ci-dessous dans le corps de ses invitations, et lorsqu’il informe les soumissionnaires de la possibilité de demander un compte rendu ainsi que dans toute la correspondance informant les soumissionnaires qu’ils n’ont pas été retenus :

En règle générale, toute plainte concernant la présente procédure de passation des marchés publics doit être déposée auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) dans les 10 jours ouvrables suivant la date où le soumissionnaire a découvert (ou aurait dû vraisemblablement découvrir) les faits à l’origine de sa plainte. Subsidiairement, dans ce délai, le soumissionnaire peut d’abord choisir de présenter à [DEO] une opposition concernant son motif de plainte; si [DEO] refuse la réparation demandée, le soumissionnaire peut alors déposer une plainte auprès du Tribunal dans les 10 jours ouvrables suivant ce refus. Dans certaines circonstances exceptionnelles, un délai de 30 jours peut s’appliquer au dépôt d’une plainte auprès du Tribunal. Pour obtenir de plus amples renseignements, consultez le site Web du Tribunal (www.citt-tcce.gc.ca) ou communiquez avec le secrétaire du Tribunal au 613-993-3595. Référence : article 6 du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics (D.O.R.S./93-602).

  1. Le Tribunal prend également acte du fait que M. Dompierre a été vigilant dans l’exercice de ses droits en déposant immédiatement une plainte auprès du Tribunal, dans une situation qui lui semblait alors nébuleuse de par les informations potentiellement contradictoires de DEO.
  2. Par conséquent, provisoirement, le Tribunal n’accordera pas de frais en l’espèce.

DÉCISION DU TRIBUNAL

  1. Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal détermine que la plainte n’est pas fondée.
  2. Le Tribunal détermine provisoirement qu’il n’accordera pas de frais en l’espèce. Si DEO n’est pas d’accord en ce qui a trait à la détermination provisoire concernant les frais, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal, en conformité avec l’article 4.2 de la Ligne directrice. Il relève de la compétence du Tribunal de fixer le montant définitif des frais, le cas échéant.
 

[1].     L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.) [Loi sur le TCCE].

[2].     D.O.R.S./93-602 [Règlement].

[3].     D.O.R.S./91-499.

[4].     Exposé de la plainte. Le mot « mon » dans cet extrait réfère à M. Dompierre, que le Tribunal considère comme la tête dirigeante de Traductions TRD.

[5].     Exposé de la plainte.

[6].     Exposé de la plainte.

[7].     Observations de Traductions TRD sur le RIF à la p. 2. Le Tribunal n’a pas jugé utiles les soumissions de Traductions TRD concernant les mots « nous » et « notre ».

[8].     RIF à la p. 3.

[9].     RIF à la p. 4. Le Tribunal n’a pas jugé utiles les soumissions de DEO concernant les mots « nous » et « notre ».

[10].   18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.ait-aci.ca/index_fr/ait.htm> [ACI].

[11].   Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis d’Amérique et le gouvernement des États-Unis du Mexique, 17 décembre 1992, R.T.C. 1994, no 2 (entré en vigueur le 1er janvier 1994) [ALÉNA].

[12].   15 avril 1994, en ligne : Organisation mondiale du commerce <http://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/final_f.htm> [AMP].

[13].   Accord de libre-échange entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de la République du Chili, R.T.C. 1997, no 50 (entré en vigueur le 5 juillet 1997). Le chapitre Kbis, intitulé « Marchés publics », est entré en vigueur le 5 septembre 2008.

[14].   Accord de libre-échange entre le Canada et la République du Pérou, en ligne : le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-... (entré en vigueur le 1er août 2009).

[15].   Accord de libre-échange entre le Canada et la République de Colombie, en ligne : le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-... (entré en vigueur le 15 août 2011).

[16].   Accord de libre-échange entre le Canada et la République du Panama, en ligne : le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-... (entré en vigueur le 1er avril 2013).

[17].   Il faut par contre noter que le seuil monétaire applicable aux marchés visés par l’AMP, qui est de 200 900 $ pour les biens et les services, n’a pas été atteint en l’espèce et conséquemment que cet accord n’est donc pas applicable.

[18].   (2 mars 2012), PR-2011-043 (TCCE) au par. 33.

[19].   (5 novembre 2008), PR-2008-023 (TCCE) au par. 25; voir aussi Northern Lights Aerobatic Team, Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (7 septembre 2005), PR-2005-004 (TCCE).

[20].   S.v. « équipe ».

[21].   M.L. Wilson Management c. Agence Parcs Canada (6 juin 2013) PR-2012-047 (TCCE) au par. 63.; ADR Education (16 juillet 2013) PR-2013-009 (TCCE) au par. 34.; R.H. MacFarlands (1996) Ltd. (20 décembre 2013) PR-2013-029 (TCCE) au par. 31.; Alcohol Countermeasure Systems Corp. c. Gendarmerie royale du Canada (24 avril 2014) PR-2013-041 (TCCE) au par. 55; GESFORM International (26 mai 2014) PR-2014-012 (CITT).