CGI INFORMATION SYSTEMS AND MANAGEMENT CONSULTANTS INC.

CGI INFORMATION SYSTEMS AND MANAGEMENT CONSULTANTS INC.
c.
SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES ET INNOVAPOSTE INC.
Dossiers nos PR-2014-015 et PR‑2014-020

Décision rendue
le jeudi 9 octobre 2014

Motifs rendus
le vendredi 24 octobre 2014

TABLE DES MATIÈRES

 

EU ÉGARD À des plaintes déposées par CGI Information Systems and Management Consultants Inc. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.);

ET À LA SUITE D’une décision d’enquêter sur les plaintes aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur;

ET À LA SUITE D’une décision de joindre la procédure des plaintes, aux termes de l’article 6.1 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur.

ENTRE

CGI INFORMATION SYSTEMS AND MANAGEMENT CONSULTANTS INC. Partie plaignante

ET

LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES ET INNOVAPOSTE INC. Institutions fédérales

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte est fondée en partie.

Aux termes des paragraphes 30.15(2) et 30.15(3) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur recommande que la Société canadienne des postes, dans le cas de marchés publics pour son propre compte ou par l’entremise d’Innovaposte Inc., établisse et applique des procédures qui assurent que la documentation complète par rapport à ces marchés publics soit conservée, en conformité avec l’alinéa 1017(1)p) de l’Accord de libre-échange nord-américain.

Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur accorde à CGI Information Systems and Management Consultants Inc. le remboursement des frais raisonnables engagés pour la préparation de la plainte ainsi que pour les autres démarches qu’elle a effectuées en l’instance, ces frais devant être payés par la Société canadienne des postes ou Innovaposte Inc. En conformité avec la Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure de plainte portant sur un marché public, l’indication provisoire du Tribunal canadien du commerce extérieur du degré de complexité de la présente plainte est le degré 3, et son indication provisoire du montant de l’indemnité est de 4 700 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui a trait à l’indication provisoire du degré de complexité ou à l’indication provisoire du montant de l’indemnité, elle peut présenter des observations auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur, en conformité avec l’article 4.2 de la Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure de plainte portant sur un marché public. Il relève de la compétence du Tribunal canadien du commerce extérieur de fixer le montant définitif de l’indemnité.

Jean Bédard
Jean Bédard
Membre présidant

Lieu de l’audience : Ottawa (Ontario)

Date de l’audience : le 11 septembre 2014

Membre du Tribunal : Jean Bédard, membre présidant

Conseillers juridiques pour le Tribunal : Anja Grabundzija
Alexandra Pietrzak

Agent des dossiers de marchés publics : Josée B. Leblanc

Agent principal du greffe par intérim : Haley Raynor

Agent du greffe : Ekaterina Pavlova

Partie plaignante : CGI Information Systems and Management
Consultants Inc.

Conseillers juridiques pour la partie plaignante : Paul Conlin
R. Benjamin Mills
Anne-Marie Oatway
William Pellerin
Linden Dales

Institutions fédérales : Société canadienne des postes et Innovaposte Inc.

Conseillers juridiques pour les institutions
fédérales : Nicholas McHaffie
Justine Whitehead

Partie intervenante : Wipro Technologies Canada Ltd.

Conseillers juridiques pour la partie
intervenante : Martin G. Masse
Jonathan O’Hara
Kyle Lambert

TÉMOINS :

Richard Chartrand
Vice-président, Service de consultation
CGI Information Systems and Management
Consultants Inc.

David Wright
Conseiller principal
CGI Information Systems and Management
Consultants Inc.

Maya Walker
Directrice, Service des approvisionnements
Société canadienne des postes

Jim Bezanson
Directeur, Infrastructure des TI et chef de projet
Innovapost Inc.

Rick Wilson
Membre du cabinet
BDO Consulting

Xavier S. Diniz
Directeur des ventes pour le Canada
Wipro Technologies Canada Ltd.

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario)  K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : secretaire@tcce-citt.gc.ca

EXPOSÉ DES MOTIFS

INTRODUCTION

  1. La présente enquête porte sur une demande de propositions (invitation no 2012-SDL-006) (la DP) publiée par Innovaposte Inc., une filiale de la Société canadienne des postes (collectivement, Postes Canada), au nom du Groupe d’entreprises de Postes Canada, pour la prestation de services de centre de données. Elle porte sur les deuxième et troisième plaintes[1] concernant cette DP, qui ont été déposées le 27 mai (dossier no PR-2014-015) et le 10 juillet 2014 (dossier no PR-2014-020) par CGI Information Systems and Management Consultants Inc. (CGI) auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur[2].
  2. CGI allègue que Postes Canada a contrevenu aux paragraphes 1013(1) et 1015(4) de l’Accord de libre-échange nord-américain[3] en évaluant sa proposition de manière déraisonnable et partiale et a violé l’alinéa 1017(1)p) en détruisant des documents relatifs à la DP.
  3. À titre de mesures correctives, CGI demande à Postes Canada d’annuler le contrat adjugé aux termes de la DP, de lancer un nouvel appel d’offres conforme aux exigences de l’ALÉNA et des autres accords commerciaux applicables et de l’indemniser pour sa perte de profits et sa perte d’opportunité pendant la période comprise entre l’adjudication du contrat et la publication du nouvel appel d’offres par Postes Canada. Subsidiairement, si un nouvel appel d’offres n’est pas lancé, CGI demande d’être indemnisée pour sa perte de profits et sa perte d’opportunité. Subsidiairement encore, elle demande le remboursement des frais qu’elle a engagés pour la préparation de sa soumission. En outre, CGI demande à Postes Canada d’adopter des procédures pour s’assurer que toute la documentation sur les marchés publics soit conservée, conformément à l’alinéa 1017(1)p), et que le Tribunal lui accorde toute autre mesure corrective qu’il juge appropriée. CGI demande également le remboursement des frais qu’elle a engagés pour la procédure judiciaire.
  4. Le Tribunal a décidé d’enquêter sur les deux plaintes puisqu’elles satisfont aux exigences du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE et aux conditions énoncées au paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics[4].
  5. La requête de Wipro Technologies Canada Ltd. (Wipro), l’adjudicataire du contrat dans le cadre de l’appel d’offres en cause, pour intervenir dans les deux plaintes a été accueillie.
  6. Puisque les plaintes portent sur la même DP et des questions et des faits liés, le Tribunal a décidé la jonction des causes le 22 août 2014.
  7. Les parties ont déposé une documentation volumineuse auprès du Tribunal[5].
  8. De plus, comme le prévoit le paragraphe 105(6) des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur[6], le Tribunal a décidé de tenir une audience d’un jour pour clarifier des faits essentiels et entendre les arguments à cet égard et en a informé les parties le 29 juillet 2014.
  9. Une audience publique a été tenue le 11 septembre 2014 à Ottawa (Ontario). Le Tribunal a entendu six témoins. CGI en a fait entendre deux : M. Richard Chartrand, vice-président du service de consultation chez CGI, et M. David Wright, conseiller principal de direction chez CGI. Postes Canada a fait entendre Mme Maya Walker, qui occupe le poste de directrice du service des approvisionnements à la Société canadienne des postes et qui a été affectée à Innovaposte Inc. en tant que directrice du service de la sélection des fournisseurs aux fins de l’appel d’offres en cause[7]; M. Jim Bezanson, directeur de l’infrastructure des TI et chef de projet chez Innovaposte Inc.; et M. Rick Wilson, membre du cabinet BDO Consulting, dont les services ont été retenus à titre de surveillant de l’équité dans le cadre de l’appel d’offres en cause. Enfin, Wipro a fait entendre M. Xavier S. Diniz, directeur des ventes pour le Canada chez Wipro.
  10. Puisqu’une partie importante des renseignements au dossier a été désignée confidentielle, conformément à l’article 46 de la Loi sur le TCCE et à la règle 15 des Règles, certaines parties des témoignages et des arguments ont été entendues à huis clos afin de préserver le droit des parties d’être pleinement entendues par le Tribunal.

PROCÉDURE DE PASSATION DU MARCHÉ PUBLIC

DP et évaluation

  1. Dans le cadre d’un programme pluriannuel de restructuration de la technologie de l’information ayant pour but d’accroître l’efficacité opérationnelle dans la prestation de certains de ses services, Innovaposte Inc., au nom du Groupe d’entreprises de Postes Canada, a lancé trois appels d’offres distincts, y compris la DP en cause.
  2. L’appel d’offres en cause avait pour but de permettre à Innovaposte Inc. de conclure un contrat axé sur le marché avec un fournisseur de services de centre de données. Les services de centre de données ont trait à la technologie et aux composantes et activités nécessaires au fonctionnement d’un centre de données, qui est lui-même un environnement offrant le traitement, le stockage, la mise en réseau, la gestion et la distribution de données à une organisation, en l’espèce le Groupe d’entreprises de Postes Canada[8].
  3. La DP a été publiée le 3 décembre 2012.
  4. La DP comportait deux « phases », chacune divisée en plusieurs étapes d’évaluation successives, dont certaines étaient notées et d’autres non. CGI a franchi la phase 1 de la DP, qui n’est pas en cause en l’espèce, et pouvait donc passer à la phase 2 de la DP.
  5. Le 7 juin 2013, la « trousse de renseignements et de critères de sélection de la phase 2 » [traduction] (la trousse de la phase 2) a été distribuée à CGI et aux autres fournisseurs ayant franchi la phase 1 pour les inviter à soumettre une proposition technique et une proposition financière et à présenter un exposé oral. La proposition technique (c’est-à-dire la proposition technique écrite et l’exposé oral pris ensemble) comptait pour 58 points du total de 100 points, tandis que la proposition financière comptait pour 42 points du total de 100 points.
  6. L’étape 7 du plan d’évaluation énoncé dans la trousse de la phase 2 concernait l’évaluation des propositions techniques par rapport aux exigences obligatoires et cotées. L’étape 8 visait à évaluer les exposés oraux des soumissionnaires et prévoyait des visites sur place, qui n’étaient cependant pas notées. Les soumissionnaires ayant obtenu la note globale minimale de 70 p. 100 aux étapes 7 et 8 ont fait l’objet d’une autre présélection à l’étape 9. Les propositions financières des soumissionnaires ainsi présélectionnés ont été évaluées à l’étape 10. Le contrat a été adjugé en fonction de la meilleure note totale.
  7. Les étapes 7 et 8 du plan d’évaluation comprenaient chacune un ensemble différent de critères d’évaluation, tel que publié dans la trousse de la phase 2 et/ou conformément aux modifications apportées à celle-ci.
  8. Les évaluateurs ont évalué toutes les propositions techniques à l’étape 7 du plan d’évaluation en utilisant une grille d’évaluation qui comprenait 15 guides de notation différents portant sur différents aspects de la trousse de la phase 2. Les évaluateurs ont également reçu une échelle de notation assortie de valeurs définies pour circonscrire l’attribution des notes selon l’échelle.
  9. Les évaluateurs ont d’abord effectué leur propre évaluation de chaque proposition, et le groupe des évaluateurs s’est ensuite réuni pour déterminer les notes par consensus. Étant donné la nature hautement technique et complexe de la DP, l’équipe d’évaluation était composée de quatre évaluateurs qui ont participé à l’évaluation de tous les aspects des propositions techniques, et de plusieurs experts en la matière qui n’ont participé qu’à l’évaluation des aspects liés à leurs domaines d’expertise respectifs.
  10. Une autre équipe d’évaluation a ensuite évalué les exposés oraux des soumissionnaires à l’étape 8 du plan d’évaluation. Comme le prévoyait la DP, les exposés oraux portaient sur des questions et des critères d’évaluation ayant été distribués aux fournisseurs quelques jours à l’avance et sur d’autres questions non communiquées à l’avance.
  11. Comme le prévoyait la DP, Postes Canada a retenu les services d’un consultant privé, M. Wilson, à titre de commissaire à l’équité[9]. M. Wilson a participé personnellement à toutes les étapes de la procédure de passation du marché public (ou a été remplacé à quelques reprises par une collègue), depuis l’élaboration de la DP jusqu’aux réunions de compte rendu. À la fin de la procédure, il a remis un rapport à Postes Canada dans lequel il affirmait que, selon son opinion professionnelle, la procédure de passation du marché public avait été menée « de manière équitable, ouverte et transparente »[10] [traduction].

Adjudication du contrat et réunions de compte rendu

  1. Le 21 octobre 2013, Postes Canada a informé CGI qu’elle n’avait pas été sélectionnée pour l’adjudication du contrat[11]. Elle a également informé CGI qu’elle pourrait demander la tenue d’une réunion de compte rendu après la publication de l’avis public de l’adjudication du contrat.
  2. Le contrat a été adjugé à Wipro le 6 décembre 2013 et l’avis d’adjudication a été publié le 13 décembre 2013[12]. Le même jour, CGI a demandé la tenue d’une réunion de compte rendu.
  3. Une première réunion de compte rendu a eu lieu le 15 janvier 2014. Le compte rendu a été fourni par Mme Walker, l’autorité contractante de la DP, et par M. Bezanson, un évaluateur ayant participé à toutes les étapes du processus d’évaluation prévu dans la trousse de la phase 2. Essentiellement, Mme Walker et M. Bezanson ont livré le compte rendu en lisant des notes rédigées à l’avance. En somme, CGI a appris qu’elle n’avait pas obtenu le nombre maximum de points relativement à plusieurs critères de l’évaluation technique aux étapes 7 et 8 du plan d’évaluation, et des exemples lui ont été fournis concernant les points de sa proposition qui ont été considérés comme forts et les points à améliorer, sans indiquer de pointage particulier. Puisque CGI n’avait pas obtenu la note de passage de 70 p. 100 pour les étapes 7 et 8, sa proposition financière n’a pas été évaluée[13].
  4. Puisque CGI a considéré que cette première réunion de compte rendu n’était pas suffisante, elle a demandé une deuxième réunion de compte rendu, à laquelle Postes Canada a consenti. Celle-ci a été tenue le 31 mars 2014. Lors de cette réunion, Mme Walker et M. Bezanson ont donné d’autres commentaires, en se fondant une fois de plus sur des notes rédigées à l’avance, qui consistaient en des détails supplémentaires sur les sections de la proposition technique et de l’exposé oral de CGI qui n’avaient pas obtenu le nombre maximum de points et en des renseignements sur les caractéristiques et les avantages pertinents de la proposition de Wipro. Postes Canada a également fourni un document accompagné d’une répartition sommaire des notes de la proposition technique de CGI, mais n’a pas fourni le plan d’évaluation détaillé utilisé par les évaluateurs (c’est-à-dire les guides d’évaluation et l’échelle de notation) ni les notes obtenues par CGI pour chaque critère. Le 9 avril 2014, Postes Canada a fourni une copie des notes utilisées par Mme Walker et par M. Bezanson lors de la deuxième réunion de compte rendu[14].

Opposition et plaintes de CGI

  1. Le 14 avril 2014, CGI a déposé sa première plainte concernant la DP en cause, et le Tribunal a décidé d’enquêter sur celle-ci dans le dossier no PR-2014-006. Dans cette plainte, CGI alléguait que le compte rendu qui lui avait été fourni ne respectait pas la norme de communication de renseignements exigée au paragraphe 1015(6) de l’ALÉNA. CGI alléguait également que Postes Canada s’était écartée du plan d’évaluation publié concernant certains points particuliers.
  2. Le 14 avril 2014, CGI a également envoyé une lettre à Postes Canada dans laquelle elle indiquait que, puisque Postes Canada n’avait pas communiqué tous les renseignements pertinents, CGI ne comprenait toujours pas pourquoi sa soumission n’avait pas été retenue. L’opposition de CGI alléguait également que l’évaluation de sa soumission par Postes Canada semblait contrevenir à l’ALÉNA[15].
  3. Le 15 mai 2014, CGI a demandé à Postes Canada si elle avait l’intention de prendre des mesures pour donner suite à son opposition[16]. Elle a reçu une réponse négative le même jour[17]. Postes Canada a de plus affirmé qu’elle « rejet[ait] catégoriquement le bien-fondé et l’efficacité »[18] [traduction] de la prétendue opposition du 14 avril 2014, en tant que moyen de proroger le délai dont disposait CGI pour déposer une autre plainte auprès du Tribunal.
  4. Par conséquent, le 27 mai 2014, CGI a déposé sa deuxième plainte auprès du Tribunal, qui contient diverses allégations selon lesquelles l’évaluation de Postes Canada était déraisonnable et partiale. Le Tribunal a décidé d’enquêter sur cette plainte le 2 juin 2014, dans le dossier no PR-2014-015.
  5. Les plaintes de CGI comprenaient des requêtes pour obtenir une ordonnance exigeant la production de certains documents relatifs aux notes et à l’évaluation de la soumission de CGI et, le 24 juin 2014, après avoir reçu les observations des deux parties, le Tribunal a accueilli les requêtes en partie et a ordonné à Postes Canada de produire les documents indiqués[19].
  6. Le 30 juin 2014, Postes Canada a déposé son RIF ainsi que plusieurs documents exigés dans l’ordonnance du Tribunal, sauf les fiches de notation et les notes individuelles des évaluateurs. Postes Canada a expliqué que celles-ci avaient été détruites conformément à sa politique d’approvisionnement[20].
  7. Le 10 juillet 2014, CGI a déposé une troisième plainte concernant l’appel d’offres en cause alléguant que, en détruisant les fiches de notation individuelles des évaluateurs, Postes Canada n’a pas respecté ses obligations aux termes de l’alinéa 1017(1)p) de l’ALÉNA. Le 15 juillet 2014, le Tribunal a informé les parties qu’il avait décidé d’enquêter sur la nouvelle plainte, dans le dossier no PR-2014-020; comme indiqué ci-dessus, le Tribunal a décidé la jonction des dossiers nos PR-2014-015 et PR-2014-020.

QUESTION PRÉLIMINAIRE CONCERNANT LE « CONTRAT SPÉCIFIQUE » AUX TERMES DE L’ALÉNA

  1. Les parties s’entendent sur le fait que l’ALÉNA s’applique à l’invitation en cause et que le Tribunal a compétence pour enquêter sur la plainte.
  2. Pour les motifs indiqués dans la décision du Tribunal dans le dossier no PR-2014-006[21], le Tribunal est d’avis que l’invitation en cause porte sur un « contrat spécifique » en vertu de l’ALÉNA et du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le TCCE. Par conséquent, le Tribunal a compétence pour enquêter sur la présente plainte.

QUESTION PRÉLIMINAIRE CONCERNANT LE RESPECT DES DÉLAIS POUR LE DÉPÔT DE LA PLAINTE DANS LE DOSSIER NO PR-2014-015

  1. Comme indiqué ci-dessus, le 14 avril 2014, 10 jours ouvrables après la deuxième réunion de compte rendu avec Postes Canada et le jour même du dépôt de sa première plainte concernant l’invitation en cause (dossier no PR-2014‑006), CGI a envoyé une lettre à Postes Canada dans laquelle elle indiquait les divers problèmes qu’elle avait soulevés concernant la procédure de passation du marché public et l’évaluation de sa soumission (la lettre d’opposition)[22].
  2. Plus particulièrement, CGI a réitéré, dans sa lettre d’opposition, qu’elle n’avait pas obtenu de renseignements suffisants lors de la réunion de compte rendu du 31 mars 2014 pour comprendre les raisons pour lesquelles sa soumission n’avait pas été retenue. Elle s’opposait au fait qu’elle n’avait pas obtenu tous les renseignements demandés dans des communications antérieures avec Postes Canada, qui étaient essentiels pour comprendre, critère par critère, les motifs pour lesquels sa soumission n’avait pas été retenue, et demandait à Postes Canada de remédier à cette situation dans les plus brefs délais.
  3. CGI a également exprimé sa position selon laquelle l’évaluation était « profondément viciée » [traduction]. Plus particulièrement, elle a affirmé qu’après avoir examiné les renseignements du compte rendu qui lui avaient été fournis, « [l]a préoccupation de CGI [...] é[tait] que, en plus d’avoir fait défaut d’évaluer la proposition de CGI en fonction de critères cotés de manière objective et équitable, Postes Canada a[vait] utilisé des critères subjectifs, inappropriés ou qui n’avaient pas été mentionnés »[23] [traduction] et qu’elle considérait que le fait que Postes Canada n’ait pas expliqué les raisons exactes pour lesquelles CGI n’avait pas satisfait aux critères cotés justifiait cette préoccupation.
  4. CGI a indiqué de plus que sa soumission, y compris la proposition technique écrite et l’exposé oral, satisfaisait à toutes les exigences et aurait dû recevoir le nombre de points maximum et que, de toute façon, les renseignements fournis lors de la réunion de compte rendu ne justifiaient pas les faibles notes attribuées à CGI. CGI a ajouté que l’évaluation aux termes des paragraphes 5.2.1, 5.2.2, 5.2.3, 5.3 de l’étape 7 du plan d’évaluation ainsi que l’évaluation de l’exposé oral ne respectaient pas les exigences du chapitre 10 de l’ALÉNA.
  5. CGI a conclu en indiquant que, selon elle, « [l]es évaluateurs [...] ne se sont pas dûment appliqués dans l’évaluation de la soumission de CGI, n’ont pas tenu compte de renseignements cruciaux fournis dans sa soumission, ont donné une interprétation erronée de la portée des critères qui devaient être pris en considération dans le cadre des évaluations de la phase 2, ont fondé leur évaluation sur des critères non mentionnés et/ou n’ont pas mené l’évaluation d’une manière équitable du point de vue de la procédure »[24] [traduction]. Le Tribunal fait remarquer que ces mots reflètent exactement le critère qu’il applique généralement dans le cadre des examens de marchés publics pour déterminer si une évaluation est déraisonnable et est susceptible de révision[25]. Ils ne sont pas qu’une simple « litanie » [traduction].
  6. Postes Canada soutient que la lettre d’opposition n’est pas suffisante pour constituer une opposition valide et que, par conséquent, les aspects de la plainte concernant la partialité et l’évaluation n’ont pas été déposés dans les délais prescrits. Essentiellement, Postes Canada allègue qu’il n’est pas suffisant de présenter une lettre d’opposition renfermant des objections à presque tous les éléments de la procédure de passation du marché public. Elle fait également remarquer que la lettre d’opposition ne fait aucunement mention de partialité. En d’autres termes, selon Postes Canada, la lettre d’opposition envoyée par CGI était rédigée en termes si généraux qu’elle était dénuée de sens et que, par conséquent, elle ne permettait pas à Postes Canada d’y répondre de façon significative. Elle soutient que le but d’une lettre d’opposition n’est pas de simplement servir à prolonger le délai dont dispose le soumissionnaire pour déposer une plainte auprès du Tribunal. Par conséquent, puisque CGI a découvert tous les faits à l’origine de sa plainte le 31 mars 2014, ou avant cette date, sa plainte déposée le 27 mai 2014 était forclose.
  7. Postes Canada soutient de plus que, même en supposant que l’opposition de CGI soit appropriée, la plainte a néanmoins été déposée tardivement, car CGI a découvert ou aurait dû découvrir, bien avant le 15 mai 2014, le fait que Postes Canada ne procéderait pas à une réévaluation, ne lancerait pas un nouvel appel d’offres et n’annulerait pas le contrat adjugé à Wipro.
  8. Wipro reprend en grande partie les arguments de Postes Canada au sujet des délais.
  9. CGI appuie sa position selon laquelle sa plainte a été déposée dans les délais prescrits en alléguant que la lettre d’opposition était suffisamment précise, car elle indiquait les étapes de la procédure et de l’évaluation à l’égard desquelles CGI s’opposait. Elle soutient que, dans une lettre d’opposition, il n’est pas nécessaire d’indiquer tous les motifs de plainte avec le même niveau de détail que celui qui est requis dans une plainte déposée auprès du Tribunal, et que rien dans l’ALÉNA ou dans le mécanisme réglementaire n’indique que la norme applicable aux plaintes doit également s’appliquer aux lettres d’opposition. En outre, CGI soutient que le niveau de détail auquel on peut s’attendre d’une lettre d’opposition dépend du niveau de détail fourni au soumissionnaire par l’institution fédérale dans le cadre du processus de compte rendu. En l’espèce, selon CGI, elle n’aurait pas pu fournir plus de précisions dans sa lettre d’opposition, car elle ne comprenait pas tout à fait, après le compte rendu, pourquoi sa proposition n’avait pas obtenu le nombre maximum de points pour certaines sections. CGI demande au Tribunal de ne pas définir le contenu d’une lettre d’opposition d’une manière trop formelle. Enfin, CGI soutient qu’elle n’a reçu un refus de réparation que le 15 mai 2014, lorsque Postes Canada a répondu par la négative à sa demande pour obtenir une réponse à son opposition.
  10. Pour statuer sur cette question, le Tribunal doit tenir compte du paragraphe 6(2) du Règlement et examiner le contenu de la lettre d’opposition et le moment où CGI a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir le fait que Postes Canada n’accorderait pas de réparation.
  11. Lorsqu’aucune opposition n’a été présentée, un soumissionnaire dispose, aux termes du paragraphe 6(1) du Règlement, d’un délai de 10 jours ouvrables suivant la date où il a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l’origine de sa plainte pour déposer une plainte auprès du Tribunal. Toutefois, lorsqu’un soumissionnaire a présenté une opposition à l’institution fédérale, il dispose d’un délai de 10 jours ouvrables suivant la date du refus de réparation par l’institution fédérale pour déposer sa plainte. Le paragraphe 6(2) prévoit ce qui suit :

Le fournisseur potentiel qui a présenté à l’institution fédérale concernée une opposition concernant le marché public visé par un contrat spécifique et à qui l’institution refuse réparation peut déposer une plainte auprès du Tribunal dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a pris connaissance, directement ou par déduction, du refus, s’il a présenté son opposition dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l’origine de l’opposition.

  1. Le terme « opposition » n’est pas défini dans le Règlement, et le Règlement ne prescrit ni la forme ni le contenu d’une opposition.
  2. Dans Cougar Aviation Ltd. c. Canada (Ministre des Travaux Publics et des Services Gouvernementaux)[26], la Cour d’appel fédérale a examiné le rôle du processus d’opposition dans le contexte des marchés publics et l’a décrit comme une « procédure informelle de règlement des plaintes »[27]. La Cour d’appel fédérale a également indiqué que, pour que cette procédure informelle soit efficace, une opposition « [...] doit être formulée avec suffisamment de précision pour permettre au Ministère d’y donner suite »[28].
  3. Néanmoins, le Tribunal et la Cour d’appel fédérale ont hésité à décrire la forme et le contenu particulier des lettres d’opposition. En fait, la Cour d’appel fédérale, dans Flag Connection Inc. c. Canada (Ministre des Travaux Publics et des Services Gouvernementaux)[29], a indiqué que « [...] le Tribunal ne devrait pas faire preuve de formalisme lorsqu’il établit ce qui constitue une opposition [...] »[30]. Par conséquent, il n’y a pas de façon de faire identique pour toutes les oppositions et le contenu particulier d’une lettre d’opposition peut varier selon le contexte.
  4. La question dont le Tribunal est saisi en l’espèce est essentiellement une question de faits, à savoir si la lettre d’opposition envoyée par CGI et reçue par Postes Canada était formulée avec suffisamment de précision pour permettre à Postes Canada de donner suite aux préoccupations de CGI.
  5. À titre de commentaire préliminaire avant d’analyser le contenu de la lettre d’opposition, le Tribunal est d’avis que Postes Canada a tout à fait raison d’affirmer que le but du processus d’opposition n’est pas de servir comme simple moyen de prolonger le délai dont dispose le soumissionnaire pour déposer une plainte auprès du Tribunal. Comme indiqué dans Cougar Aviation, le rôle du processus d’opposition est plutôt celui d’une procédure informelle de règlement des conflits entre les parties, sans l’intervention du Tribunal, jusqu’à ce que l’institution fédérale refuse d’accorder réparation à la partie plaignante, le cas échéant. Si tel n’était pas le cas, le Tribunal serait inutilement inondé de plaintes qui auraient pu être réglées par de plus amples discussions entre les parties.
  6. Toutefois, l’argument de Postes Canada selon lequel la lettre d’opposition ne contient pas de détails suffisants et qu’elle doit, par conséquent, être jugée insuffisante aux fins du paragraphe 6(2) du Règlement ne tient pas compte du contexte unique de l’espèce. Bien qu’il ait certainement incombé à CGI de présenter à Postes Canada une opposition significative, Postes Canada fait quelque peu preuve d’un manque de sincérité en contestant le niveau de détails de la lettre d’opposition, alors que c’est précisément Postes Canada qui a laissé CGI dans l’ignorance en refusant de lui donner une explication significative à propos de l’évaluation de sa soumission. À cet égard, il importe de souligner qu’il s’agissait d’un marché public très complexe et hautement technique, auquel les soumissionnaires ont consacré du temps et des ressources considérables. Rappelant que le but du processus d’opposition est d’enclencher un processus informel de règlement des conflits entre les parties, le Tribunal se serait attendu à ce que Postes Canada adopte une attitude plus collaborative à l’égard des préoccupations de CGI; une telle attitude aurait pu comprendre, par exemple, la transmission à CGI d’autres renseignements qui lui auraient permis de mieux comprendre les raisons pour lesquelles sa proposition n’avait pas obtenu la note à laquelle elle s’attendait. Par conséquent, le Tribunal est d’avis que tant la lettre d’opposition que les échanges précédant et suivant une opposition doivent être significatifs afin que le processus informel de règlement des conflits soit efficace.
  7. En outre, le Tribunal, dans sa décision récente dans le dossier no PR-2014-006, renvoyant à Ecosfera c. Ministère de l’Environnement[31], a réitéré que l’un des objectifs de l’obligation prévue par le paragraphe 1015(6) de l’ALÉNA, plus particulièrement en ce qui concerne les raisons pour lesquelles une soumission n’est pas retenue, « [...] est [...] de faire preuve de transparence quant aux raisons du rejet de la proposition, tout en respectant le caractère confidentiel du contenu de toutes les propositions des soumissionnaires. Cette obligation permet au soumissionnaire non retenu de déterminer, le cas échéant, la nature de ses droits eu égard aux obligations prévues à l’ALÉNA »[32] [nos italiques]. Le Tribunal a déjà conclu dans le dossier no PR-2014-006, qui portait sur le même marché public que celui qui fait l’objet de la présente enquête, que le compte rendu fourni à CGI relativement à ce marché était inadéquat. Le Tribunal ne peut faire fi de ces conclusions dans son analyse du contenu de la lettre d’opposition en l’espèce. La qualité du compte rendu est un facteur additionnel qui doit être pris en considération dans l’évaluation du contenu d’une lettre d’opposition. Cela est particulièrement vrai dans les cas où la qualité du compte rendu a fait l’objet d’une plainte auprès du Tribunal et où le soumissionnaire a obtenu gain de cause à cet égard. Ce facteur additionnel a également une incidence sur l’examen par le Tribunal du contenu de la lettre d’opposition.
  8. Compte tenu des faits particuliers de l’espèce et pour les motifs qui suivent, le Tribunal est d’avis que la lettre fournie par CGI à Postes Canada était suffisamment détaillée pour informer Postes Canada des préoccupations de CGI à l’égard de son évaluation et de la procédure. Ceci dit, le Tribunal souligne que sa décision concernant la lettre d’opposition en cause ne doit pas être interprétée comme signifiant que les lettres d’opposition rédigées en termes généraux seront toujours suffisantes aux fins du paragraphe 6(2) du Règlement. La question de savoir si une lettre d’opposition est suffisamment précise dépend de tous les faits et de toutes les circonstances de l’affaire en cause et, par conséquent, doit être évaluée au cas par cas.
  9. Il n’y a aucun doute que CGI a contesté la manière dont sa proposition avait été évaluée aux paragraphes 5.2.1, 5.2.2, 5.2.3 et 5.3 de l’étape 7 ainsi que l’évaluation de son exposé oral à l’étape 8. À cet égard, Postes Canada fait remarquer que cette liste contient toutes les sections de l’évaluation technique cotée et soutient qu’il n’est pas suffisant pour un soumissionnaire de s’opposer à tout de manière générale. Même si le Tribunal convient que de telles affirmations générales pourraient, selon les circonstances, ne pas toujours être suffisantes pour permettre à une institution fédérale de donner suite à une opposition, le Tribunal est d’avis qu’il importe de souligner, encore ici, que seuls des renseignements sommaires sur la note obtenue et des détails limités ont été fournis à CGI avant sa lettre d’opposition. À cette étape, CGI était incapable de déterminer, de manière significative, la nature de ses droits eu égard aux exigences prévues par l’ALÉNA. La lettre d’opposition exprime très clairement les préoccupations de CGI à l’égard du fait qu’elle n’avait pas reçu tous les renseignements pertinents lui permettant de comprendre la manière dont sa proposition avait été évaluée, et que les renseignements limités qui lui avaient été fournis ne justifiaient pas ses faibles résultats. CGI a également expressément indiqué qu’elle craignait que l’évaluation ait été effectuée en fonction de « critères subjectifs, inappropriés et non mentionnés » [traduction]. CGI a indiqué les sections de l’évaluation technique faisant l’objet de ses préoccupations. En fait, le contenu de la lettre d’opposition correspond au témoignage de M. Chartrand, qui a affirmé à l’audience que, à la suite des réunions de compte rendu, CGI était toujours incapable de concilier les notes qu’elle avait obtenues avec les renseignements fournis et ignorait comment l’évaluation avait effectivement été faite[33].
  10. Compte tenu des circonstances, le Tribunal est d’avis que cet aspect de la lettre d’opposition était suffisamment détaillé pour permettre à Postes Canada d’y donner suite. Même si les renseignements fournis à CGI lors des réunions de compte rendu indiquaient diverses raisons pour lesquelles CGI n’avait pas obtenu le nombre maximum de points dans l’évaluation de sa proposition, ils n’indiquent aucunement le nombre de points perdus pour chacune de ces raisons, ni pourquoi ou en quoi ces points perdus ont eu une incidence sur la note globale attribuée à la proposition technique de CGI. Même si CGI a effectivement déposé sa plainte eu égard au dossier no PR-2014-015 en se fondant sur les renseignements parcellaires communiqués lors de la réunion de compte rendu du 31 mars 2014, il appert clairement de la lettre d’opposition et de la plainte que ses préoccupations ne se limitaient pas à ces questions particulières, mais portaient plutôt sur ce qu’elle considérait être un processus d’évaluation globalement défectueux – dont le déroulement est demeuré inconnu de CGI. Si des renseignements plus exacts et complets avaient été fournis à CGI aux étapes informelles du processus de règlement des conflits, elle aurait peut-être pu présenter son opposition en termes plus précis.
  11. La dernière partie de la lettre d’opposition sur laquelle le Tribunal souhaite s’exprimer est l’affirmation suivante, qui a été qualifiée de « litanie » :

[...] Les évaluateurs de Postes Canada ne se sont pas dûment appliqués dans l’évaluation de la soumission de CGI, n’ont pas tenu compte de renseignements cruciaux fournis dans sa soumission, ont donné une interprétation erronée de la portée des critères qui devaient être pris en considération dans le cadre des évaluations de la phase 2, ont fondé leur évaluation sur des critères non mentionnés et/ou n’ont pas mené l’évaluation d’une manière équitable du point de vue de la procédure[34].

[Traduction]

  1. À cet égard, il importe de souligner que les parties à la présente procédure sont toutes deux des entreprises commerciales avisées et que la lettre d’opposition a été envoyée par le service juridique de CGI au service juridique de Postes Canada. Comme indiqué ci-dessus, les mots employés par CGI sont tirés de la jurisprudence du Tribunal, et les avocats œuvrant dans le domaine des marchés publics auraient dû les reconnaître.
  2. Le Tribunal est d’avis que, en l’espèce, cela était suffisant pour indiquer à Postes Canada que CGI avait de sérieuses préoccupations concernant le processus d’évaluation en général.
  3. Plus particulièrement, bien qu’un renvoi général à l’équité procédurale dans une opposition puisse ne pas indiquer à l’institution fédérale dans tous les cas que le soumissionnaire a des préoccupations concernant la possibilité de partialité ou une crainte raisonnable de partialité, en l’espèce, CGI avait également posé dans une lettre antérieure un certain nombre de questions ciblées pour savoir qui avait participé à l’évaluation de sa soumission[35]. CGI a notamment demandé les renseignements suivants :
  1. Identifier les évaluateurs ayant évalué la proposition de CGI
  2. Toutes les propositions ont-elles été évaluées par les mêmes évaluateurs?
  3. La proposition de CGI a-t-elle été évaluée par une équipe d’évaluation?
  4. Les évaluateurs devaient-ils décider à l’unanimité qui seraient les soumissionnaires retenus et non retenus?
  5. S’il n’y avait pas d’exigence d’unanimité pour la sélection, quel processus a été appliqué pour concilier les divergences d’opinion entre les évaluateurs?
  6. Quels sont les titres de compétences de chaque évaluateur?
    1. Avaient-ils une expertise dans ce domaine?
    2. Quel type d’expertise?
  7. Les évaluateurs étaient-il des employés d’Innovaposte ou de la [Société canadienne des Postes] ou des conseillers externes?
  8. Y a-t-il des évaluateurs qui ont déjà occupé un emploi auprès du soumissionnaire retenu ou de ses partenaires, ou étaient par ailleurs en rapports avec eux?
  9. Outre les évaluateurs, y a-t-il d’autres personnes à Innovaposte ou à la [Société canadienne des Postes] qui ont participé à la sélection de la soumission retenue?

[Traduction]

  1. Hormis la question du bien-fondé des allégations de CGI et celle de savoir si ces renseignements devaient être fournis à CGI, le Tribunal est d’avis que la lettre d’opposition contenait des renseignements suffisants, dans le contexte, pour indiquer à Postes Canada que CGI avait des préoccupations concernant les personnes qui avaient évalué sa proposition et si des facteurs étrangers aux renseignements contenus dans la proposition de CGI avaient pu avoir une incidence sur le jugement de ces personnes.
  2. En outre, d’un point de vue pratique, une allégation directe, à l’étape de la lettre d’opposition, selon laquelle Postes Canada avait fait preuve de partialité n’aurait probablement pas créé un terrain propice au règlement informel du conflit, ce qui, comme indiqué ci-dessus, est l’objectif principal du processus d’opposition.
  3. Essentiellement, même si CGI ne pouvait être très précise dans les circonstances de l’espèce, le contenu de la lettre d’opposition et le contexte étaient suffisants pour indiquer à Postes Canada que CGI craignait que le processus ait été sérieusement défectueux, y compris qu’elle avait des soupçons quant à la possibilité que le processus d’évaluation ait pu être entaché de considérations inappropriées. Par conséquent, le Tribunal conclut que la lettre du 14 avril 2014 était suffisante pour constituer une opposition valide.
  4. Enfin, l’argument de Postes Canada selon lequel la plainte de CGI n’a pas été déposée dans les délais prescrits au paragraphe 6(2) du Règlement, au motif que CGI a en fait découvert que Postes Canada n’avait pas l’intention d’accorder réparation ou aurait dû vraisemblablement le découvrir avant le refus exprès de réparation le 15 mai 2014, n’est appuyé par aucun élément de preuve. M. Chartrand a affirmé que, lorsque CGI a présenté sa lettre d’opposition, elle s’attendait à ce que Postes Canada fournisse les renseignements demandés, puisque de tels renseignements sont généralement fournis immédiatement par les institutions fédérales dans le cadre de marchés publics visés par l’ALÉNA. En outre, il a affirmé que CGI ne savait pas si Postes Canada publierait un nouvel appel d’offres ou réagirait autrement compte tenu de l’opposition au processus d’évaluation[36]. Le Tribunal conclut qu’il n’était aucunement déraisonnable pour CGI de s’attendre à ce que Postes Canada s’engage avec elle dans le processus d’opposition malgré le fait qu’elle avait déjà déposé sa première plainte auprès du Tribunal[37]. Le Tribunal conclut en outre qu’il n’était pas déraisonnable dans les circonstances que CGI accorde un délai d’un mois à Postes Canada pour répondre à son opposition avant de s’informer sur le statut de celle-ci et, par conséquent, d’obtenir un refus de réparation exprès de la part de Postes Canada le 15 mai 2014. Par conséquent, le Tribunal conclut que CGI n’était pas alors en position où elle « aurait vraisemblablement dû découvrir » que Postes Canada n’accorderait aucune réparation.
  5. En effet, le Tribunal conclut qu’il n’était pas déraisonnable pour CGI de s’attendre à recevoir une certaine réponse à son opposition; il conclut plutôt que le fait que Postes Canada n’ait fourni aucune réponse est déraisonnable. L’opposition de CGI, de par sa nature, son contenu et ses termes explicites, demandait une réponse. Si Postes Canada n’avait pas l’intention de donner suite à l’opposition, ou même si elle avait des doutes quant à son sens, la conduite raisonnable, conformément à la dynamique et aux objectifs du régime réglementaire applicable aux marchés publics, aurait été de répondre de manière appropriée plutôt que d’ignorer pour ainsi dire la lettre d’opposition de CGI pour ensuite alléguer que CGI n’avait pas déposé sa plainte dans les délais, ayant mal interprété le silence de Postes Canada.
  6. Par conséquent, le Tribunal conclut que la plainte dans le dossier no PR-2014-015 a été déposée dans le délai prescrit.

ANALYSE

  1. Le paragraphe 30.14(1) de la Loi sur le TCCE exige que, dans son enquête, le Tribunal limite son étude à l’objet de la plainte. De plus, à la conclusion de l’enquête, le Tribunal doit déterminer le bien-fondé de la plainte, à savoir si les procédures et autres critères prescrits relativement au contrat spécifique ont été respectés. L’article 11 du Règlement prévoit également que le Tribunal doit décider si la procédure du marché public a été suivie conformément aux exigences des accords commerciaux pertinents, c’est-à-dire, en l’espèce, l’ALÉNA.
  2. Les violations suivantes de l’ALÉNA sont alléguées en l’espèce :
  • La destruction des fiches de notation individuelle utilisées dans le cadre de l’invitation en cause viole-t-elle l’alinéa 1017(1)p) de l’ALÉNA?
  • L’évaluation de Postes Canada était-elle conforme aux paragraphes 1013(1) et 1015(4) de l’ALÉNA?
  • Postes Canada a-t-elle utilisé une échelle de notation non conforme à la DP publiée?
  • Les évaluateurs avaient-ils des préférences non mentionnées pour des caractéristiques particulières?
  • La proposition de CGI a-t-elle été notée conformément à la DP?
  1. Le Tribunal examinera chacune de ces questions séparément. Toutefois, le Tribunal examinera d’abord une question de preuve soulevée par CGI, c’est-à-dire la question de savoir si la destruction par Postes Canada des fiches de notation individuelle constitue une destruction d’éléments de preuve et, par conséquent, si le Tribunal doit en tirer des inférences défavorables à Postes Canada.

La destruction des fiches de notation individuelle constitue-t-elle un délit de destruction d’éléments de preuve?

  1. CGI soutient que la destruction des fiches de notation individuelle par Postes Canada satisfait aux critères de la doctrine relativement au délit de destruction d’éléments de preuve, selon laquelle la destruction d’éléments de preuve donne lieu à une présomption réfutable que ceux-ci auraient été défavorables à la partie qui les a détruits s’il est démontré que la partie les a détruits dans le but d’influer sur une procédure judiciaire en cours ou envisagée. Par conséquent, CGI soutient que, dans l’examen de ses motifs de plainte, le Tribunal doit appliquer cette règle et présumer que le contenu des fiches de notation individuelle des évaluateurs aurait été défavorable à la position de Postes Canada[38].
  2. CGI allègue que les circonstances de la destruction des documents indiquent que la seule conclusion raisonnable pouvant être tirée est que les documents ont été supprimés afin de détruire une opinion dissidente et donc d’influer sur une procédure judiciaire envisagée. Elle souligne que, même si la première plainte concernant la DP a été entreprise environ cinq ou six mois après la suppression des documents, Postes Canada savait que l’ALÉNA s’appliquait à l’invitation et que tous les marchés publics visés par l’ALÉNA peuvent potentiellement faire l’objet d’une plainte. Elle soutient de plus que le moment choisi pour la destruction était stratégique, puisque Postes Canada a supprimé les documents avant même que les soumissionnaires ne puissent demander un compte rendu et, par conséquent, avant qu’ils aient une raison de demander les documents en question[39]. CGI souligne également le fait que Postes Canada a été réticente à admettre que les fiches de notation avaient été détruites[40].
  3. Postes Canada soutient que les critères de la doctrine en matière de destruction d’éléments de preuve ne sont pas satisfaits, puisque les éléments de preuve n’appuient pas la conclusion selon laquelle la destruction des documents a eu lieu alors qu’une procédure judiciaire était en cours ou était envisagée ou qu’elle ait été faite dans le but d’influer sur la procédure judiciaire. Subsidiairement, elle soutient que toute présomption selon laquelle les fiches de notation détruites lui seraient défavorables est réfutée par d’autres faits[41].
  4. Les parties conviennent que le cas d’espèce faisant autorité en matière de délit de destruction d’éléments de preuve est la décision de la Cour d’appel de l’Alberta dans McDougall v. Black & Decker Canada Inc.[42], dans laquelle la Cour a décrit la règle comme suit :

[...] Selon le droit, on ne peut conclure à la destruction de documents probants simplement parce que des éléments de preuve ont été détruits. Il faut qu’une partie ait intentionnellement détruit des éléments de preuve concernant une procédure judiciaire en cours ou envisagée, dans des circonstances où il est raisonnable de déduire que les éléments de preuve ont été détruits dans le but d’influer sur la procédure judiciaire. Une fois que cela est démontré, il y a présomption que les éléments de preuve auraient été défavorables à la partie qui les a détruits. Cette présomption peut être réfutée par d’autres éléments de preuve au moyen desquels la partie présumée fautive démontre que ses actions, bien qu’intentionnelles, n’avaient pas pour but d’influer sur la procédure judiciaire, ou au moyen desquels la partie soit démontre le bien-fondé de sa position, soit réfute les arguments de la partie opposée[43].

[Traduction]

  1. Il appert de la décision de la Cour d’appel de l’Alberta que les questions de savoir si un délit de destruction d’éléments de preuve a été commis et, le cas échéant, quelle réparation doit s’ensuivre sont des questions qui nécessitent un examen de tous les faits de la cause[44].
  2. Par conséquent, le Tribunal doit déterminer si CGI a démontré, selon la prépondérance des probabilités, que la destruction des éléments de preuve satisfait aux critères de la doctrine, plus particulièrement que Postes Canada a détruit les éléments de preuve intentionnellement lorsqu’une procédure judiciaire était envisagée et qu’il est raisonnable de déduire, dans les circonstances, qu’elle l’a fait dans le but d’influer sur cette procédure judiciaire[45]. Dans l’affirmative, il y aura présomption réfutable que les éléments de preuve détruits auraient été défavorables à Postes Canada.

Éléments de preuve

  1. Comme indiqué ci-dessus, le 21 octobre 2013, CGI a été informée qu’elle n’avait pas été sélectionnée pour l’adjudication du contrat et, conformément aux instructions de Postes Canada[46], elle a demandé le 13 décembre 2013, c’est-à-dire lorsque l’adjudication du contrat à Wipro a été rendue publique, la tenue d’une réunion de compte rendu[47]. La première réunion de compte rendu a été tenue le 15 janvier 2014, date à laquelle CGI a été informée qu’elle n’avait pas obtenu la note globale minimale de 70 p. 100 pour sa proposition technique et son exposé oral.
  2. Selon les éléments de preuve, c’est le 11 mars 2014 que CGI a demandé pour la première fois de pouvoir consulter les fiches de notation individuelle des évaluateurs ainsi que certains autres documents. Comme il a déjà été indiqué, Postes Canada a refusé de fournir les documents[48], et CGI a réitéré sa demande dans d’autres lettres et dans ses plaintes auprès du Tribunal, y compris dans sa demande d’ordonnance de production de documents pertinents concernant les motifs de sa plainte. Postes Canada a contesté cette requête au motif que la pertinence des divers documents demandés, y compris les fiches de notation individuelle, n’avait pas été démontrée[49].
  3. Le 30 juin 2014, à la suite de l’ordonnance de production de documents, Postes Canada a indiqué pour la première fois que les fiches de notation individuelle n’avaient pas été conservées[50]. Le même jour, elle a produit un document intitulé « DP – Guide à l’intention des évaluateurs »[51] [traduction], daté de février 2013. La section intitulée « Notation par consensus officielle » [traduction] prévoit ce qui suit :

L’Autorité contractante chargée de la gestion de la sélection des fournisseurs tiendra, au besoin, une séance de consensus pour les évaluateurs afin que ceux-ci conviennent d’une note et d’une justification par consensus pour chacun des critères cotés [...].

La justification générale de la note par consensus est documentée. La raison pour laquelle un critère coté n’a pas obtenu le nombre maximum de points peut être consignée ainsi que les facteurs entrant dans le calcul de la note et tous les risques dont ils ont convenu peuvent être documentés. Ceux-ci constitueront le dossier d’évaluation officiel.

Tous les autres dossiers contenant des notes relatives aux propositions ou toutes notes d’évaluation secondaires ou transitoires doivent être supprimés.

Si l’évaluation n’est pas complexe ou ne nécessite pas d’équipe d’évaluation, les renseignements relatifs à l’évaluation individuelle ayant donné lieu à la note finale doivent être conservés dans le dossier du marché public pertinent[52].

[Traduction]

  1. À la suite d’une autre requête par CGI, Postes Canada a fourni certains détails concernant la destruction des fiches de notation individuelle. Postes Canada a réitéré que les notes d’évaluation et les fiches de notation individuelle pour les propositions techniques à l’étape 7 du plan d’évaluation et l’évaluation de tous les exposés oraux des soumissionnaires à l’étape 8 avaient été détruites conformément à sa politique d’approvisionnement. Postes Canada a également affirmé qu’il n’y avait aucune politique officielle concernant la façon dont cette tâche devait être effectuée ou le moment auquel elle devait l’être. Mme Walker s’en est acquittée « lorsqu’elle en a eu le temps » [traduction], c’est-à-dire, selon elle, après la sélection de Wipro mais avant la signature du contrat, soit approximativement entre le début et la moitié du mois de novembre 2013[53]. Postes Canada a également indiqué que, immédiatement après avoir pris connaissance de la première plainte de CGI concernant la DP, le 15 avril 2014, les conseillers juridiques internes ont informé les responsables des documents de leur obligation de préserver les documents relatifs à la DP.
  2. La question de la destruction d’éléments de preuve a également été soulevée à l’audience. Interrogée par le conseiller conseiller juridique de Postes Canada, Mme Walker a affirmé que la politique était en vigueur depuis son embauche à Postes Canada (c’est-à-dire depuis 2006) et même, à sa connaissance, avant cela. La date de février 2013 indiquée sur le document correspond à la date d’une mise à jour du document[54]. Mme Walker a affirmé que, avant la décision du Tribunal dans le dossier no PR-2014-006, elle ignorait que cette politique n’était pas conforme aux obligations prévues par l’ALÉNA et qu’elle avait discuté de la politique avec d’autres employés de Postes Canada, qui ignoraient également l’existence de toute non‑conformité[55].
  3. Mme Walker a confirmé qu’elle a appliqué la politique en l’espèce. Elle a décrit son rôle comme suit :

[...] mon rôle consiste également à créer le dossier et à rassembler les renseignements concernant le déroulement de la procédure de passation du marché public.

Lorsque je trouve le temps de le faire, ce qui est généralement après que les évaluations sont terminées, j’accomplis la tâche administrative de destruction de tous les renseignements transitoires[56].

[Traduction]

  1. Mme Walker croit avoir accompli cette tâche entre la fin novembre et décembre 2013. En contre‑interrogatoire, elle a affirmé qu’elle avait également détruit les copies supplémentaires des propositions des soumissionnaires et toutes autres notes transitoires qui ne faisaient pas partie du dossier définitif[57]. Il n’a pas été allégué que de telles autres notes étaient pertinentes à l’évaluation.
  2. Lorsque le conseiller de CGI lui a demandé d’expliquer pourquoi les fiches de notation individuelle avaient été détruites alors que des documents beaucoup plus volumineux (comme les originaux et les copies des propositions) avaient été conservés, Mme Walker a répondu que la taille ou l’espace ne faisaient pas partie des considérations, mais plutôt qu’il était considéré que « [...] finalement, [les] documents par consensus constituent le dossier d’évaluation final »[58] [traduction].
  3. En effet, tout au long du contre-interrogatoire, Mme Walker a affirmé que les fiches de notation individuelle étaient détruites car elles étaient considérées comme des documents transitoires[59]. Lorsque le conseiller juridique de CGI lui a demandé si la position de Postes Canada ou la sienne relativement à la politique était que les « documents transitoires » désignés pour être détruits étaient en fait les documents d’évaluation individuelle qui contenaient des opinions qui divergeaient du consensus, Mme Walker a répondu comme suit : « [c]ertaines diffèrent de l’évaluation finale par consensus, d’autres vont dans le même sens »[60] [traduction]. Il a également été souligné à Mme Walker que la politique, telle que rédigée, prévoit que les notes de chacun des évaluateurs peuvent être conservées « [s]i l’évaluation n’est pas complexe ou ne nécessite pas d’équipe d’évaluation [...] » [nos italiques, traduction], après quoi il a été demandé à Mme Walker si la politique de destruction de documents de Postes Canada vise expressément et exclusivement la destruction de documents dans le cadre de marchés publics complexes (qu’ils soient ou non fondés sur le consensus), qui sont plus susceptibles de contenir des opinions divergentes. Mme Walker a répondu à plusieurs reprises que l’objectif de la politique est de conserver le dossier d’évaluation final, soit le consensus dans les cas où un processus par consensus est utilisé, et les évaluations individuelles dans les cas où une méthode individuelle est utilisée. Mme Walker a reconnu que cela n’est peut-être pas explicite dans la politique écrite[61]. Au cours de l’interrogatoire supplémentaire par le conseiller juridique de Postes Canada, elle a clarifié plus tard que, dans le cadre de marchés publics complexes, Postes Canada adopte une méthode d’évaluation par consensus[62].
  4. Mme Walker a affirmé qu’aucune plainte n’avait été déposée par CGI et qu’elle ne s’attendait pas à une telle plainte au moment où elle a détruit les fiches de notation individuelle. Elle a également affirmé qu’elle comprenait que, « [...] dans le cadre de tout marché public, il y a une possibilité qu’un soumissionnaire dépose une [plainte] auprès du Tribunal »[63] [traduction], mais qu’il n’y avait pas de probabilité particulière d’un tel litige en l’espèce.
  5. Mme Walker a confirmé que les conseillers juridiques internes avaient indiqué, dès le dépôt de la première plainte, que tous les documents devaient être conservés[64]. Elle a également affirmé que Postes Canada examine actuellement les façons de modifier sa politique et sa pratique afin de mieux respecter ses obligations à la suite de la recommandation formulée par le Tribunal dans le dossier no PR-2014-006[65].
  6. M. Wilson a affirmé que, à son avis, la politique de destruction des fiches de notation individuelle ne porte pas atteinte à l’équité de la procédure de passation du marché public[66]. Il a confirmé qu’il ne s’appuie pas sur l’ALÉNA dans son rôle de supervision, mais plutôt sur les principes d’équité[67].

Analyse de la doctrine relativement au délit de destruction d’éléments de preuve

  1. Le Tribunal conclut qu’il n’a pas été démontré selon la prépondérance des probabilités qu’un délit de destruction d’éléments de preuve a été commis au sens de la doctrine. Il n’y a aucun doute que les documents ont été détruits intentionnellement et non par accident ou par inadvertance et qu’ils étaient pertinents, en ce sens qu’ils portaient sur les motifs de plainte soulevés par CGI. Toutefois, il n’y a aucun élément de preuve sur lequel le Tribunal peut s’appuyer pour conclure que la destruction des éléments de preuve a eu lieu à un moment où une procédure judiciaire était envisagée ou pour déduire raisonnablement que Postes Canada avait l’intention d’influer sur une telle procédure.
  2. Le simple fait que Postes Canada sache qu’il est possible que des soumissionnaires non retenus contestent un marché public dans le cadre de procédures de passation de marchés publics visés par les accords commerciaux n’est pas suffisant pour démontrer qu’elle a adopté et appliqué cette politique en prévision de contestations de marchés publics en général, ou de ce marché public en particulier, et encore moins pour démontrer qu’elle tentait ainsi d’influer sur une telle contestation.
  3. En effet, les éléments de preuve au dossier contredisent l’argument de CGI. Mme Walker a affirmé qu’aucune contestation de la part de CGI n’était envisagée. De plus, Mme Walker, à titre d’autorité contractante dans ce cas, a fourni une explication défendable concernant les raisons sous-jacentes à la destruction des documents, explication qui n’a rien à voir avec une volonté d’influer sur une procédure judiciaire envisagée. Mme Walker a affirmé que l’objectif de la politique était de « nettoyer » [traduction] le dossier du marché public en supprimant les documents transitoires ayant été remplacés par une évaluation finale par consensus, et qu’il s’agissait, selon elle, d’une tâche purement administrative. Cette explication est compatible avec le libellé de la « politique » elle-même, qui prévoit la suppression des « dossiers secondaires ou transitoires » [traduction], et le contexte de celui-ci dans une section du document intitulé « DP – Guide à l’intention des évaluateurs » [traduction] où il est indiqué que l’évaluation par consensus constitue le « dossier officiel » [traduction]. Même si la destruction des documents par Postes Canada était fondée sur une position maintenant jugée contraire aux obligations prévues par l’ALÉNA, comme il en sera question ci-dessous, il n’y a aucun motif de croire qu’elle était motivée par une volonté d’influer sur une procédure judiciaire envisagée.
  4. À cet égard, le Tribunal reconnaît que Mme Walker n’a pas participé à l’élaboration ou à l’adoption de la politique contestée et qu’elle n’a témoigné qu’à l’égard de sa propre compréhension de celle-ci, en tant que personne chargée de l’appliquer au marché public en cause et à d’autres marchés publics. Toutefois, compte tenu du témoignage cohérent et non contredit de Mme Walker concernant l’objectif de la politique, ainsi que son affirmation selon laquelle ni elle ni personne d’autre à Postes Canada n’entretenait alors de doutes à l’égard de la politique, le Tribunal conclut qu’il n’y a aucun fondement pour conclure qu’au niveau institutionnel, la politique devait servir une fin répréhensible à l’insu de Mme Walker et des autres employés de Postes Canada.
  5. En outre, le fait que Postes Canada n’ait pas révélé, dès le départ, ce qu’elle avait fait des fiches de notation n’est pas suffisant dans les circonstances pour conclure qu’un délit de destruction d’éléments de preuve a été commis au sens de la doctrine. Le Tribunal attribue ce retard à la position moins que souhaitable de Postes Canada en matière de transparence, notamment à son interprétation restrictive de la transparence à laquelle les soumissionnaires ont droit dans le cadre d’un compte rendu aux termes de l’ALÉNA, que le Tribunal a examinée dans le dossier no PR-2014-006 et qui est également abordée dans le contexte des présentes plaintes. Néanmoins, nonobstant l’importance de la transparence dans le contexte des marchés publics, rien dans les éléments de preuve n’indique que la frontière entre le manque de transparence et la mauvaise foi (sous forme de tentative délibérée, au niveau d’une politique institutionnelle, d’influer sur une procédure judiciaire potentielle) a été franchie en l’espèce.
  6. Par conséquent, les éléments de preuve au dossier n’appuient pas la conclusion selon laquelle Postes Canada aurait détruit des éléments de preuve dans le but d’influer sur une procédure judiciaire envisagée. Par conséquent, selon le droit, il n’y a pas lieu de présumer que le contenu des fiches de notation détruites aurait été défavorable à Postes Canada.

La destruction des fiches de notation individuelle utilisées dans le cadre de l’invitation en cause viole‑t-elle l’alinéa 1017(1)p) de l’ALÉNA?

  1. Comme indiqué ci-dessus, le 10 juillet 2014, CGI a déposé une autre plainte concernant l’invitation en cause, alléguant que la destruction par Postes Canada des fiches de notation individuelle des évaluateurs allait à l’encontre de l’alinéa 1017(1)p) de l’ALÉNA.
  2. Bien que Postes Canada ait d’abord contesté cette deuxième plainte, elle a écrit au Tribunal le 8 septembre 2014 pour l’informer de ce qui suit :

[...] [Postes Canada] mettra en place des processus pour s’assurer que les fiches de notation individuelle des évaluateurs dans le contexte d’une évaluation consensuelle seront conservées pendant les périodes appropriées[68].

[Traduction]

À cet égard, Postes Canada a retiré ses observations qui portaient sur la conservation des fiches de notation de chacun des évaluateurs aux termes de l’alinéa 1017(1)p) de l’ALÉNA.

  1. À la lumière de ce qui précède, le Tribunal n’a pas à présenter son analyse du motif de plainte dans le dossier no PR-2014-020. Cependant, le Tribunal souhaite réitérer que la conservation adéquate de documents fait partie intégrante d’une procédure équitable de passation de marchés publics. Bien qu’il reconnaisse que les fiches de notation individuelle d’évaluateurs ne sont pas nécessairement pertinentes pour chaque motif de plainte qui lui est présenté, elles constituent néanmoins un élément important du dossier relatif au processus d’invitation à soumissionner qui doit être conservé conformément aux exigences de l’ALÉNA. Comme le Tribunal l’a expliqué dans des causes antérieures, les fiches de notation individuelle constituent un contrôle pouvant permettre de vérifier que la procédure de passation du marché public a été menée conformément à l’ALÉNA et pouvant éclairer les soumissionnaires non retenus quant au processus d’évaluation et ainsi obtenir leur confiance à l’égard de l’intégrité de la procédure de passation du marché public[69].
  2. Puisque les fiches de notation individuelle sont absentes en l’espèce, le Tribunal devra évaluer comment leur perte influe sur l’intégrité du marché public en cause et, plus particulièrement, sur sa capacité de vérifier si l’évaluation a été effectuée de façon raisonnable[70]. Autrement dit, la question devient celle de savoir si Postes Canada a néanmoins fourni suffisamment d’éléments de preuve pour que le Tribunal accomplisse sa tâche de vérification de manière significative et soit convaincu que l’évaluation en l’espèce a été effectuée de façon raisonnable.

L’évaluation de Postes Canada était-elle conforme aux paragraphes 1013(1) et 1015(4) de l’ALÉNA?

  1. CGI allègue que l’évaluation des soumissions effectuée en l’espèce contrevient à plusieurs égards aux exigences de l’ALÉNA. Plus particulièrement, elle soutient que l’échelle de notation utilisée par les évaluateurs n’était pas conforme aux modalités de la DP, que les évaluateurs préféraient certaines caractéristiques à d’autres, qui n’avaient pas été mentionnées dans la DP, et qu’ils ont évalué de manière déraisonnable plusieurs aspects particuliers de sa proposition, notamment parce que l’évaluation a été entachée par des considérations inadéquates.
  2. L’ALÉNA exige d’une entité acheteuse qu’elle remette aux fournisseurs potentiels tous les renseignements nécessaires pour leur permettre de présenter des soumissions valables, y compris les critères d’adjudication du contrat[71]. Il prévoit également que, pour être prise en considération en vue de l’adjudication, une soumission devra être conforme aux conditions essentielles spécifiées dans la documentation relative à l’appel d’offres, et exige d’une entité acheteuse qu’elle adjuge le contrat conformément aux critères et aux conditions essentielles spécifiées dans la documentation relative à l’appel d’offres[72]. L’ALÉNA interdit toute forme de discrimination quant aux procédures de passation des marchés[73].
  3. Il est bien établi qu’une entité acheteuse satisfera à ces obligations lorsqu’elle procédera à une évaluation raisonnable conforme aux modalités de la DP. Comme il l’a indiqué par le passé, le Tribunal ne substituera pas son jugement à celui des évaluateurs à moins que ceux-ci ne se soient pas appliqués à évaluer la proposition d’un soumissionnaire, qu’ils aient donné une interprétation erronée de la portée d’une exigence, qu’ils n’aient pas tenu compte de renseignements cruciaux fournis dans une soumission ou qu’ils aient fondé leur évaluation sur des critères non mentionnés[74].
  4. Le Tribunal a examiné les allégations de CGI en la matière et, pour les motifs qui suivent, conclut qu’elles ne sont pas fondées.

Les évaluateurs ont-ils appliqué une échelle de notation non conforme à la DP publiée?

  1. Lors du dépôt de son RIF, Postes Canada a fourni les outils d’évaluation utilisés par les évaluateurs, y compris une échelle de notation où chaque valeur était accompagnée d’une définition et qui visait à assurer la cohérence de l’évaluation des soumissions par les évaluateurs[75].
  2. CGI allègue que les valeurs sur cette échelle de notation ont en fait été définies de manière non conforme à la méthode d’évaluation énoncée dans les documents d’appel d’offres publiés. Conformément à la DP, une proposition devait être évaluée selon « la mesure dans laquelle elle respect[ait] »[76] [nos italiques, traduction] les exigences. CGI soutient que la même idée a été reprise à un certain nombre d’autres endroits dans les documents d’appel d’offres[77]. Par conséquent, elle est d’avis qu’une échelle de notation qui réservait le maximum de points pour les propositions qui non seulement respectaient les exigences, mais qui également les dépassaient a fondamentalement changé la nature de l’évaluation. En outre, elle soutient que l’échelle de notation était ambiguë. CGI allègue que cela est injuste pour les soumissionnaires qui ont préparé leur soumission en s’attendant à une méthode d’évaluation différente fondée sur la DP, surtout dans un contexte où la note de la proposition financière pesait également fortement sur l’évaluation globale. En effet, dans ses observations orales finales, CGI a désigné cet aspect de la plainte comme essentiel pour comprendre pourquoi l’évaluation est fondamentalement déficiente[78].
  3. Postes Canada allègue que l’échelle de notation était conforme à la DP. Dans tous les types d’évaluations, il n’est pas rare de recourir à des échelles de notation qui vont d’« inférieur aux attentes » [traduction] à « supérieur aux attentes » [traduction] en passant par « satisfait les attentes » [traduction]; il n’est donc pas surprenant que Postes Canada ait adopté une échelle de notation semblable. De plus, l’argument de CGI interprète trop étroitement la méthode d’évaluation publiée dans la DP, donnant un sens sémantique au mot « respecter » tout en ignorant les mots qui le précèdent (c’est-à-dire « la mesure dans laquelle elle respecte » [nos italiques]). Postes Canada soutient, au contraire, qu’il ressortait clairement de la DP que l’évaluation de la mesure dans laquelle une proposition respectait les exigences sous-entendrait un certain jugement et un éventail de résultats supérieurs ou inférieurs au niveau acceptable. Il était également évident que la DP insistait sur les détails et la justification. En revanche, rien dans la DP n’indiquait que le simple fait d’affirmer que la proposition respectait les exigences techniques minimales mériterait d’obtenir le maximum de points. Par conséquent, l’utilisation d’une échelle de notation qui récompense les fournisseurs dépassant les attentes ne change pas la nature de l’évaluation.
  4. Wipro soutient que l’échelle de notation était conforme aux documents d’appel d’offres publiés, puisqu’un système d’évaluation par points dans une DP sous-entend nécessairement qu’une meilleure soumission obtienne une meilleure note. Dans la mesure où cela était ambigu pour CGI, elle aurait dû demander des éclaircissements à Postes Canada lorsqu’elle a lu les documents d’appel d’offres, de sorte qu’il est maintenant trop tard pour présenter tout argument concernant la clarté des critères d’évaluation figurant dans la DP[79].
  5. Il ne fait aucun doute que l’échelle de notation elle-même ne figurait pas dans la DP. Cependant, comme l’a indiqué le conseiller juridique de CGI[80], la question est celle de savoir si cela a entraîné une iniquité pour les soumissionnaires parce qu’ils ne pouvaient s’attendre à la lecture des documents d’appel d’offres à être évalués de la manière indiquée dans l’échelle de notation [81].
  6. La sous-section 3.2.2 de la trousse de la phase 2 informait les soumissionnaires que leur proposition technique serait « [...] évaluée selon la mesure dans laquelle elle respect[ait] les exigences cotées de la phase 2 »[82] [traduction]. En outre, la même section indiquait également que leur proposition technique « [...] d[evait] contenir des réponses détaillées et des renvois à tout document justificatif joint [...] » [traduction] et que ces réponses « [...] d[evaient] être claires, directes et regroupées selon les informations ou les directives fournies à la section 5.0 »[83] [traduction].
  7. La section 5.0 de la trousse de la phase 2 prévoyait d’autres particularités pour l’évaluation de différents aspects des propositions. Elle commençait par indiquer que les soumissionnaires devaient « [...] présenter une proposition détaillée qui répond[ait] à chacun des critères cotés [...] » [traduction] et que « [...] la capacité de suivre les directives données dans la DP [était] considérée comme une indication de la capacité [du soumissionnaire] de fournir les services demandés »[84] [traduction]. La directive visant à fournir des réponses détaillées, claires et justifiées était également répétée dans la section 5.0 ainsi que dans chacune des sous-sections restantes de la section 5.0, qui portaient sur des aspects particuliers des propositions[85]. De plus, ces dernières sous-sections dressaient expressément une liste non exhaustive du type de renseignements que les soumissionnaires devaient inclure dans leurs réponses[86].
  8. Enfin, chaque sous-section de la section 5.0 de la trousse de la phase 2 indiquait et définissait les critères d’évaluation qui y figuraient, tandis que les exigences de rendement technique étaient énoncées dans plusieurs annexes.
  9. Selon les affirmations des témoins de toutes les parties, ces dernières comprenaient toutes que Postes Canada cherchait des solutions techniques de haute qualité, que M. Chartrand a lui-même qualifiées de « meilleures »[87] [traduction] solutions, même si, comme dans tout marché public dans le cadre duquel le prix est un élément important, celles-ci devaient également être concurrentielles en matière de prix. En effet, la DP indiquait expressément, parmi ses objectifs stratégiques, l’harmonisation du Groupe d’entreprises de Postes Canada avec les meilleures pratiques du secteur en matière de TI pour en tirer profit et améliorer l’efficacité[88].
  10. Il était également bien compris par tous les soumissionnaires qu’au moins deux éléments seraient pris en compte dans l’évaluation des soumissions : la technologie proposée et sa description, son explication et sa justification[89].
  11. Les explications données par M. Bezanson lors de l’audience à huis clos, que le témoignage de M. Wilson a confirmées, convainquent le Tribunal que, dans les faits, il n’y avait qu’un seul critère d’évaluation par rapport auquel les soumissions étaient évaluées pour déterminer si elles dépassaient les exigences du point de vue technologique, et qu’il s’agit de la manière dont l’échelle de notation a été interprétée et appliquée à toutes les soumissions[90]. Le Tribunal conclut que cette explication peut être appuyée par le libellé de l’échelle de notation, même si cela n’était pas clairement exprimé dans celle-ci. Le témoignage de M. Bezanson est cohérent et sa crédibilité n’est pas mise en doute.
  12. À cet égard, le Tribunal reconnaît qu’il ne possède pas le témoignage d’autres évaluateurs que celui de M. Bezanson, ni bien entendu leurs fiches de notation individuelle; peu d’éléments de preuve permettent donc d’établir comment chacun des évaluateurs a appliqué l’échelle de notation et sur quelles considérations reposaient leurs décisions concernant une note donnée. Toutefois, même s’il avait été important de conserver les fiches de notation individuelle pour permettre une telle vérification, le Tribunal est convaincu que les renseignements concernant l’utilisation de l’échelle de notation par chacun des évaluateurs lors de leur évaluation initiale ne sont pas déterminants quant au résultat de l’évaluation finale en l’espèce. Les éléments de preuve indiquent que toute utilisation de l’échelle de notation par un évaluateur d’une manière non conforme à la description donnée par M. Bezanson aurait fait l’objet de débats et de discussions au sein du groupe d’évaluateurs.
  13. Étant donné qu’il ressort des éléments de preuve que les évaluations et la justification initiales d’un évaluateur donné pour chaque note concernant certains aspects d’une soumission peuvent avoir évolué considérablement à la suite de la discussion de groupe[91], le Tribunal est convaincu que les notes consensuelles applicables sont fondées sur l’utilisation de l’échelle de notation décrite par M. Bezanson. Selon le témoignage de M. Bezanson, l’équipe d’évaluation a évalué chaque aspect de chaque soumission, exigence par exigence. La discussion par rapport à chaque exigence a été entamée à partir de la lecture par chaque évaluateur de l’ensemble de ses considérations pour une évaluation donnée. Un évaluateur différent a amorcé la discussion pour chaque critère, afin de s’assurer qu’aucun évaluateur n’avait une influence disproportionnée sur la discussion et que tous les évaluateurs y participaient pleinement et librement[92]. La discussion de groupe s’est poursuivie jusqu’à ce qu’ils arrivent à une décision unanime sur une note particulière[93]. En effet, M. Bezanson a expressément affirmé l’importance qu’a eue l’échelle de notation pour en arriver aux notes consensuelles, sous la supervision de M. Wilson et de Mme Walker pour assurer l’uniformité de son utilisation[94].
  14. De plus, l’explication donnée par M. Bezanson sur la manière dont les soumissions ont été évaluées du point de vue technologique reflète les modalités expresses de la DP[95]. À cet égard, même si M. Chartrand a proposé une interprétation différente concernant la portée de l’application du critère particulier en question[96], cette interprétation restrictive n’est pas appuyée par la formulation et la structure expresses de la section pertinente de la DP. En outre, dans la mesure où CGI considérait que le libellé du critère communiquait un sens différent, elle aurait dû demander dès le départ à Postes Canada des éclaircissements sur cette ambiguïté, puisqu’il est évident que son interprétation du libellé du critère n’est pas conforme à la manière dont la DP énonçait les critères d’évaluation applicables.
  15. Cependant, CGI souligne que l’échelle de notation a également servi à évaluer les soumissions à d’autres égards non spécifiés dans la DP en fonction d’une échelle allant jusqu’à « supérieur », et que cela est inéquitable puisque, en soumissionnant, elle s’attendait à obtenir le maximum de points (ou des notes élevées) si elle répondait aux exigences techniques de l’invitation à soumissionner[97].
  16. L’explication de M. Bezanson concernant l’application de l’échelle de notation est que, pour les critères d’évaluation par rapport auxquels les exigences ne pouvaient être dépassées du point de vue technologique conformément à la DP, le classement sur l’échelle et la différenciation entre une soumission insuffisante, bonne, très bonne ou excellente dépendaient du degré d’explication, de détail et de justification quant à la solution que les soumissionnaires avaient incluse dans leur soumission[98].
  17. Par conséquent, l’argument de CGI, en termes plus précis, est que l’énoncé de la DP selon lequel les soumissions seraient évaluées en fonction de « la mesure dans laquelle elle[s] respect[aient] » [nos italiques] les exigences induisait en erreur, puisque, dans les faits, les soumissions pouvaient ne pas obtenir le maximum de points en respectant les exigences techniques, mais devaient, pour l’obtenir, comprendre des détails et des explications supplémentaires justifiant la solution proposée[99]. Autrement dit, CGI allègue que les soumissionnaires ne pouvaient raisonnablement prévoir que, pour obtenir des notes maximales, leur soumission devait être aussi explicite et détaillée que possible quant à la manière dont ils proposaient de respecter les exigences techniques plutôt que de simplement respecter les exigences techniques[100].
  18. Le Tribunal n’accepte pas l’argument de CGI.
  19. La DP avisait à maintes reprises les soumissionnaires que des détails et des justifications devaient être inclus, fournissant des exemples de types de renseignements qui devaient faire partie des réponses des soumissionnaires, tout en indiquant que ces exemples n’étaient pas exhaustifs. Elle exigeait plusieurs fois des démonstrations et des preuves, y compris dans la définition des critères cotés des diverses sections de la DP[101].
  20. En outre, les soumissionnaires étaient expressément informés que la capacité de suivre les directives de la DP serait considérée comme une indication de leur capacité de fournir les services demandés[102].
  21. De plus, l’évaluation de la mesure dans laquelle une soumission respecte les exigences constitue assez clairement une évaluation cotée dans le cadre d’une procédure concurrentielle de passation de marchés publics. Cela sous-entend en soi une évaluation fondée sur un certain jugement professionnel et un classement subséquent selon la mesure dans laquelle une soumission respecte les exigences. De plus, la DP soulignait la nature cotée de l’évaluation en indiquant expressément qu’une proposition serait évaluée selon la « mesure dans laquelle elle respect[ait] » [nos italiques] les exigences cotées; l’expression « mesure dans laquelle » est essentielle puisqu’elle sous-entend nécessairement une certaine appréciation et notation.
  22. Dans ce contexte, le Tribunal conclut que la DP signalait aux soumissionnaires que Postes Canada évaluerait la mesure dans laquelle une soumission respectait les exigences et qu’elle le ferait en partie en se fondant sur les démonstrations et les preuves fournies pour montrer exactement comment et pourquoi la soumission respectait les exigences et les critères d’évaluation indiqués.
  23. Par conséquent, le Tribunal conclut également que la déduction raisonnable et nécessaire que les soumissionnaires auraient dû tirer dans le contexte d’une DP concurrentielle était celle selon laquelle plus ils justifiaient leur solution et montraient comment ils respectaient les exigences, plus ils étaient susceptibles d’obtenir des points. En effet, les éléments de preuve mêmes de CGI confirment qu’elle savait qu’une meilleure soumission, à la fois en termes d’éléments technologiques et en termes de détails et de justifications, obtiendrait de meilleures notes[103]. De même, Wipro a compris que plus sa réponse était approfondie et détaillée, plus elle était susceptible d’obtenir des points[104].
  24. Par conséquent, le Tribunal ne voit aucun fondement pour conclure qu’une échelle de notation qui récompensait davantage les propositions qui démontraient exceptionnellement bien comment et sur quelle base les soumissionnaires respectaient les exigences que les propositions qui le faisaient dans une moindre mesure a essentiellement changé le fondement de l’évaluation annoncé dans la DP. En outre, si les éléments de preuve présentés par CGI concernent le fait qu’elle s’attendait à obtenir des notes plus élevées que celles qu’elle a obtenues en satisfaisant aux exigences techniques de l’invitation et pour le type d’efforts qu’elle a déployés[105], rien dans la DP n’indiquait que le maximum de points – ou presque – serait accordé à une soumission respectant les exigences techniques énoncées par Postes Canada, sans égard à la qualité de la démonstration et des preuves à l’appui. Le mot « respecte » dans ce contexte ne sous-entend pas non plus que Postes Canada accorderait la même note pour une bonne démonstration de la manière dont une soumission proposait de respecter les exigences que pour une excellente démonstration. Cette conclusion n’est aucunement changée par le fait que la DP imposait un seuil de passage de 70 p. 100 pour la partie technique de l’évaluation. En fait, les éléments de preuve indiquent que les hypothèses de CGI concernant l’organisation de l’échelle de notation étaient fondées sur son expérience antérieure dans le cadre d’autres procédures de passation de marchés publics et sur les échelles de notation généralement utilisées dans de tels cas[106]. Toutefois, chaque marché public doit être considéré individuellement.
  25. Selon le Tribunal, même si le fondement de l’évaluation annoncé dans la DP était suffisamment vaste pour se traduire en différentes variations d’échelles de notation, il importe de noter que l’échelle de notation que Postes Canada a choisie d’utiliser est tout à fait conforme à ce qui était indiqué dans la DP.
  26. À cet égard, il appert que CGI puisse avoir décidé à un moment donné au cours de la procédure de passation du marché public de ne pas demander de précisions supplémentaires concernant la manière dont les points seraient attribués dans le cadre de l’évaluation en cause, parce que Postes Canada avait refusé de fournir des renseignements supplémentaires quant à sa méthode de notation en réponse à diverses questions posées par les soumissionnaires[107]. Cependant, lorsque les soumissionnaires estiment ne pas avoir suffisamment d’indications pour présenter une soumission concurrentielle, le régime d’adjudication aux termes de l’ALÉNA et de la Loi sur le TCCE exige qu’ils réagissent dans les délais stricts prévus par l’article 6 du Règlement, notamment en déposant une plainte auprès du Tribunal dans les 10 jours ouvrables suivant le refus de l’institution fédérale de fournir une réponse satisfaisante. Dans son arrêt faisant autorité, IBM Canada, la Cour d’appel fédérale a souligné l’importance fonctionnelle des délais de prescription inhérents au régime d’adjudication de la manière qui suit :

[20] [...] Les fournisseurs potentiels ne doivent donc pas attendre l’attribution d’un contrat avant de déposer toute plainte qu’ils pourraient avoir concernant la procédure. On s’attend à ce qu’ils soient vigilants et qu’ils réagissent dès qu’ils découvrent ou auraient vraisemblablement dû découvrir un vice de procédure. Toute la procédure de passation des marchés publics, tel que l’illustre la méthode des questions et réponses - laquelle fait en sorte que les fournisseurs potentiels soient sur un pied d’égalité en tout temps quant aux conditions qu’ils ont à respecter -, se veut aussi transparente que rapide. Elle vise à s’assurer du caractère définitif des contrats dans les meilleurs délais possibles.

[21] Le Tribunal a précisé clairement, dans le passé, que les plaintes fondées sur l’interprétation des termes d’une DP devaient avoir été présentées dans les dix jours suivant le moment où l’ambiguïté ou le manque de clarté qu’on allègue était devenu ou aurait dû normalement devenir apparent.

  1. Par conséquent, le Tribunal conclut que l’échelle de notation que Postes Canada a appliquée ne s’écartait pas du fondement de l’évaluation indiqué dans les documents d’appel d’offres publiés. Il conclut donc que ce motif de plainte n’est pas fondé.

Les propositions ont-elles été évaluées selon des préférences pour des caractéristiques particulières non mentionnées?

  1. CGI allègue également que Postes Canada a évalué les soumissions selon qu’elles comprenaient ou non certaines caractéristiques souhaitables qui n’avaient pas été spécifiées dans les documents d’appel d’offres[108].
  2. Cet argument est fondé sur une colonne figurant dans les fiches de notation des évaluateurs qui désignait certaines « caractéristiques d’une excellente réponse » [traduction] pour chaque critère évalué. Les fiches de notation précisaient que les caractéristiques indiquées constituaient une liste d’exemples non exhaustive[109].
  3. Postes Canada soutient qu’elle ne doit pas être pénalisée pour avoir pris cette mesure supplémentaire dans le but d’accroître l’objectivité et la cohérence quant à la tâche intrinsèquement subjective des évaluateurs. Les caractéristiques indiquées découlaient des exigences et pouvaient leur être appariées. En outre, il ne s’agissait pas de critères en soi, puisque les soumissionnaires pouvaient très bien présenter une excellente réponse en fournissant des caractéristiques autres que celles qui étaient indiquées, et rien n’indique que les évaluateurs avaient une « préférence » pour les caractéristiques désignées[110].
  4. Comme l’ont expliqué Mme Walker et M. Bezanson lors de l’audience à huis clos, certaines des caractéristiques indiquées reproduisaient directement les exigences de la DP. Cependant, d’autres caractéristiques indiquées ne suivaient pas expressément les termes de la DP. M. Bezanson a expliqué que ces caractéristiques avaient été élaborées par les experts en la matière évaluée par chaque critère à titre de lignes directrices pour les autres évaluateurs afin de les aider à évaluer des critères particuliers[111].
  5. M. Bezanson a affirmé que, même si ces autres caractéristiques n’étaient pas expressément indiquées dans la DP, les techniciens, y compris les soumissionnaires, sauraient que ces caractéristiques étaient recherchées aux termes de la DP[112]. Il n’a pas été contre-interrogé sur ce point, et CGI n’a pas non plus présenté d’éléments de preuve du contraire.
  6. Cependant, fait plus important encore, le Tribunal conclut que, dans l’ensemble, et en ce qui a trait expressément à l’évaluation consensuelle finale, les caractéristiques spécifiées d’une excellente réponse n’ont pas servi de critères d’évaluation. M. Bezanson a expressément confirmé le fait que les soumissionnaires n’avaient pas à inclure ces caractéristiques particulières pour obtenir le maximum de points[113], ce qui est conforme à leur présentation sur les fiches de notation elles-mêmes.
  7. À cet égard, à la lumière des éléments de preuve présentés par M. Bezanson, selon lesquels les caractéristiques ont été élaborées dans le but d’orienter certains des évaluateurs qui étaient moins familiers avec un aspect technique particulier, le Tribunal fait remarquer qu’il est possible que certains de ces évaluateurs aient, en fait, adhéré trop strictement aux caractéristiques indiquées lorsqu’ils ont évalué certains aspects des propositions, peut-être parce qu’ils ne savaient reconnaître des caractéristiques différentes mais tout aussi « excellentes ». Ce faisant, ces évaluateurs auraient, en fait, entravé l’exercice de leur pouvoir discrétionnaire quant à l’évaluation d’un critère particulier, contrairement aux exigences expresses de la DP. Bien entendu, il n’y a aucun élément de preuve documentaire ou testimonial versé au dossier qui pourrait indiquer la manière dont chacun des évaluateurs, à part M. Bezanson, a procédé.
  8. Néanmoins, même en supposant que cela s’est vraiment produit, le Tribunal est convaincu que toute entrave à l’exercice du pouvoir discrétionnaire aurait été éliminée à l’étape du consensus. Une fois de plus, comme indiqué précédemment, l’étape du consensus constituait la dernière et la plus importante partie de l’évaluation, au cours de laquelle les évaluateurs se sont engagés dans de profondes discussions, critère par critère, exigeant que chacun des évaluateurs lise à haute voix toutes leurs raisons pour attribuer une note particulière. Par conséquent, le Tribunal est convaincu qu’à cette étape d’autres évaluateurs auraient eu l’occasion de souligner l’importance disproportionnée accordée par l’un de leurs collègues à une caractéristique particulière d’une réponse excellente. Surtout, le Tribunal comprend que c’est à cette étape que l’expert en la matière aurait eu l’occasion d’aider, au besoin, les autres évaluateurs à reconnaître dans une soumission d’autres caractéristiques tout aussi excellentes par rapport à un aspect particulier à évaluer. Par conséquent, le Tribunal conclut, selon la prépondérance des probabilités, que les caractéristiques d’une réponse excellente n’ont joué aucun rôle déterminant dans l’évaluation globale.
  9. Compte tenu des éléments de preuve, le Tribunal conclut que les caractéristiques d’une réponse excellente n’ont pas joué le rôle de critères d’évaluation ou de préférences qui n’avaient pas été spécifiés dans la DP. Par conséquent, le Tribunal conclut que ce motif de plainte n’est pas fondé.

La proposition technique de CGI a-t-elle été notée conformément à la DP?

  1. CGI a déposé sa plainte dans le dossier no PR-2014-015 parce qu’elle avait l’impression que les renseignements que Postes Canada lui a fournis lors des comptes rendus révèlent une tendance à mal appliquer et mal interpréter les critères d’évaluation donnant lieu à l’attribution injustifiée de notes trop faibles à sa soumission[114]. Dans sa plainte, CGI désigne des sections particulières par rapport auxquelles elle considère que les critères d’évaluation ont été interprétés ou appliqués de façon erronée, que sa proposition a été évaluée de façon déraisonnable ou même qu’elle n’a pas été évaluée du tout. Elle allègue également que ce qu’elle appelle des « erreurs systématiques » [traduction] peuvent avoir été le résultat de l’adoption par Postes Canada d’une politique visant à éloigner CGI de ses services de TI.
  2. Le Tribunal a déjà conclu que l’échelle de notation et les caractéristiques d’une excellente réponse ne constituaient pas des critères non mentionnés et que ces caractéristiques n’ont pas été utilisées comme critères d’évaluation. Néanmoins, pour examiner les dernières assertions de CGI, le Tribunal doit évaluer si la procédure de passation du marché public révèle une partialité ou une crainte raisonnable de partialité, et si la proposition technique et l’exposé oral de CGI ont été évalués de façon raisonnable.
  3. Le Tribunal conclut qu’aucun élément de preuve versé au dossier ne peut appuyer une conclusion de partialité ou de crainte raisonnable de partialité. CGI allègue que diverses circonstances ont faussé les résultats de l’évaluation de sa proposition et que Postes Canada a adopté une politique pour ne pas recourir à ses services de fournisseur de technologies de l’information. Postes Canada nie l’existence de toute partialité, que ce soit de la part des évaluateurs ou au niveau institutionnel. Aucun élément de preuve documentaire pouvant appuyer une conclusion selon laquelle une telle politique existait n’a été déposé, et les témoins de Postes Canada ont affirmé le contraire[115]. Ces derniers n’ont pas été contre-interrogés sur ce point.
  4. Après que divers documents d’évaluation eurent été mis à la disposition de CGI dans le cadre de la présente enquête, ses affirmations de partialité ou de crainte raisonnable de partialité se sont recentrées sur des allégations selon lesquelles les notes consensuelles qui lui ont été attribuées révèlent un parti pris contre elle. CGI fait remarquer que ses notes consensuelles manifestent une tendance à la baisse tandis que celles de Wipro manifestent une tendance à la hausse lorsqu’elles sont comparées aux moyennes des notes que chacun des évaluateurs a attribué à chaque critère; CGI allègue que cela prouve un parti pris.
  5. Postes Canada soutient qu’une hypothèse selon laquelle les notes consensuelles correspondront généralement aux notes moyennes attribuées par chacun des évaluateurs ne reflète pas l’objet, les buts et les résultats d’un régime de notation consensuelle. Elle soutient que la note consensuelle finale est fondée sur l’accord de tous les membres de l’équipe, à la suite d’une discussion serrée concernant les notes préliminaires ainsi que les forces et faiblesses de la proposition. Cela pouvait donner lieu à une note consensuelle supérieure ou inférieure à la moyenne des notes préliminaires attribuées par chacun des évaluateurs. Le fait que les notes de CGI tendent à être inférieures après le processus consensuel et que les notes d’autres soumissionnaires tendent à être supérieures ne reflète pas un parti pris contre elle ou en faveur d’autres soumissionnaires. Le Tribunal est d’accord.
  6. Bien que le Tribunal reconnaisse que certaines tendances relatives à la notation consensuelle par rapport à la notation individuelle ne sont pas des éléments de preuve probants de partialité ou même de crainte raisonnable de partialité, une tendance à la baisse ou à la hausse entre la moyenne ou la médiane des notes individuelles et les notes consensuelles peut néanmoins soulever des doutes[116]. En effet, étant donné l’attitude très restrictive de Postes Canada à l’égard du compte rendu, sa destruction de documents et son manque global de transparence, il n’est pas surprenant que CGI mette dans une certaine mesure les résultats de l’évaluation en doute.
  7. Pour déterminer s’il existe une crainte raisonnable de partialité, le Tribunal tient compte du critère d’une personne bien renseignée :

[À] quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait-elle que, selon toute vraisemblance, [la personne concernée], consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste[117]?

  1. En l’espèce, le Tribunal est d’avis, après avoir examiné les observations et les éléments de preuve des deux parties, que le critère relatif à la crainte raisonnable de partialité n’est pas rempli. Postes Canada a fourni une explication raisonnable des tendances apparentes. Selon les éléments de preuve détaillés et cohérents des témoins de Postes Canada quant au déroulement de l’évaluation consensuelle[118], le Tribunal est convaincu que les notes consensuelles ont vraiment été déterminées au moyen de discussions approfondies sur la valeur technique de chaque soumission, plutôt que par le biais de l’influence inappropriée d’un parti pris contre CGI ou de favoritisme à l’endroit d’un autre soumissionnaire. À cet égard, même s’il avait été utile d’avoir les feuilles de travail de chacun des évaluateurs afin d’évaluer pleinement cette question, le Tribunal reconnaît que ces feuilles étaient effectivement le point de départ de discussions de fond et de débats approfondis; il est donc raisonnable que ces discussions et les notes qui en découlent ne reflètent pas toujours les moyennes, ni d’ailleurs les médianes, des notes de chaque évaluateur.
  2. Par conséquent, le Tribunal conclut que l’écart entre les notes individuelles et les notes consensuelles n’indique pas un parti pris contre CGI et qu’une personne bien renseignée ne trouverait aucune apparence de partialité.
  3. Il reste à examiner les allégations de CGI selon lesquelles sa proposition technique et son exposé oral ont été évalués de façon déraisonnable en ce qui a trait à des exigences techniques particulières.
  4. Comme le souligne Postes Canada, CGI demande essentiellement au Tribunal de réévaluer le contenu de sa soumission.
  5. Le Tribunal fait généralement preuve de déférence à l’égard des évaluateurs pour ce qui est de leur évaluation des propositions. Dans Excel Human Resources[119], le Tribunal a confirmé qu’il « [...] interviendra relativement à une évaluation uniquement dans les cas où elle serait réputée déraisonnable » et qu’il ne substituerait pas son jugement à celui des évaluateurs, « [...] à moins que les évaluateurs ne se soient pas appliqués à évaluer la proposition d’un soumissionnaire, qu’ils aient donné une interprétation erronée de la portée d’une exigence, qu’ils n’aient pas tenu compte de renseignements cruciaux fournis dans une soumission, qu’ils aient fondé leur évaluation sur des critères non mentionnés ou que l’évaluation n’ait pas été effectuée d’une manière équitable du point de vue de la procédure ».
  6. De plus, dans Entreprise commune de BMT Fleet Technology Limited et NOTRA Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux[120], le Tribunal a indiqué que l’évaluation effectuée par une entité publique « [...] sera jugée raisonnable si elle est fondée sur une explication défendable, même si elle n’est pas convaincante aux yeux du Tribunal »[121].
  7. Un autre principe bien établi dans la jurisprudence du Tribunal est que, même si les évaluateurs doivent faire preuve de diligence lorsqu’ils évaluent le contenu d’une soumission, le fardeau incombe au soumissionnaire de démontrer, dans sa proposition, comment celle-ci répond aux exigences et aux critères d’évaluation qui figurent dans la DP[122].
  8. Dans le RIF et dans ses observations supplémentaires fondées sur les nouvelles questions soulevées dans les observations de CGI sur le RIF, Postes Canada a fourni des explications sur les raisons pour lesquelles CGI n’a pas obtenu la note maximale quant aux divers aspects qu’elle conteste, à savoir les sous‑sections 5.2.1, 5.2.2, 5.2.3, 5.3.1 et 5.3.2, dont les différents sous-éléments ont été évalués à l’étape 7 du plan d’évaluation, ainsi que l’exposé oral évalué à l’étape 8.
  9. Dans de nombreuses circonstances, les déductions de points ont découlé d’un manque de détails ou d’explications dans la proposition technique de CGI; cela semble être la principale raison pour laquelle CGI a perdu des points dans de nombreux cas, y compris, parfois, parce qu’elle n’avait pas suivi les directives données dans la DP selon lesquelles elle devait faire correspondre, à chaque exigence, toutes les sections de sa soumission qui traitaient de ces exigences. Dans bon nombre d’autres cas, CGI conteste l’interprétation ou l’application de critères techniques particuliers; dans ces cas, cependant, Postes Canada a fourni des explications raisonnables, de sorte qu’il n’est pas justifié de conclure que les évaluateurs ont interprété de façon erronée un des critères ou une des exigences. Dans plusieurs cas, CGI allègue que sa proposition a été jugée plus sévèrement que celle de Wipro, même si les deux propositions comprenaient des renseignements semblables; il semble cependant que, dans les faits, la proposition de Wipro comprenait plus de renseignements ou que, dans d’autres cas, des explications raisonnables aient été fournies pour justifier les évaluations différentes. Des explications raisonnables ont également été données pour appuyer l’évaluation de l’exposé oral de CGI. Dans l’ensemble, le Tribunal conclut que les évaluations ont été effectuées dans les limites du pouvoir discrétionnaire des évaluateurs; en effet, elles ont parfois été fondées sur des « discussions animées » [traduction] entre professionnels[123]. Par conséquent, le Tribunal ne voit aucun fondement pour substituer son jugement au jugement professionnel dûment exercé des évaluateurs.
  10. Après avoir examiné les arguments des parties et les éléments de preuve, le Tribunal est convaincu que Postes Canada a fourni des explications défendables relativement aux diverses sections dans lesquelles CGI allègue qu’elle aurait dû obtenir des notes supérieures. Par conséquent, ce motif de plainte n’est pas fondé.

MESURE CORRECTIVE ET FRAIS

Mesure corrective

  1. La plainte de CGI est fondée en partie. Plus particulièrement, Postes Canada a contrevenu à l’alinéa 1017(1)p) de l’ALÉNA en détruisant des documents d’évaluation concernant la procédure de passation du marché public en cause.
  2. Par conséquent, le Tribunal doit examiner la mesure corrective appropriée aux termes des paragraphes 30.15(2) et 30.15(3) de la Loi sur le TCCE.
  3. À l’audience, CGI a affirmé que la mesure corrective appropriée est de recommander à Postes Canada de publier une nouvelle invitation à soumissionner et d’annuler le contrat, en temps opportun, en tenant compte de ses besoins opérationnels. CGI soutient que la destruction de documents et l’utilisation de critères non mentionnés sont des problèmes systémiques importants qui, en l’espèce, ont nui à l’intégrité du mécanisme d’adjudication des marchés publics et à la confiance du public à l’égard de celui-ci. Elle ajoute, dans ses observations écrites, que Postes Canada doit l’indemniser pour sa perte de profits et sa perte d’opportunité pour la période entre l’adjudication du contrat et la publication d’une nouvelle invitation à soumissionner. Subsidiairement, CGI demande d’être indemnisée pour sa perte de profits ou sa perte d’opportunité et, subsidiairement encore, pour les frais qu’elle a engagés pour la préparation de sa soumission[124]. De plus, elle demande à Postes Canada d’adopter des procédures pour s’assurer que tous les documents relatifs aux marchés publics soient conservés conformément à l’alinéa 1017(1)p) de l’ALÉNA et tout autre redressement que le Tribunal juge approprié.
  4. Postes Canada admet avoir contrevenu à l’alinéa 1017(1)p) de l’ALÉNA et affirme qu’elle a déjà entrepris de réviser ses politiques. Elle soutient que la seule mesure corrective doit être de nature comportementale, puisque cette violation n’a eu aucune incidence sur l’évaluation. En outre, Postes Canada allègue que, même si le Tribunal jugeait fondé un des motifs de plainte concernant l’évaluation, aucune mesure corrective ne doit influer sur le contrat conclu avec Wipro, puisque Postes Canada n’a pas agi de mauvaise foi et que, dans tous les cas, il n’y a eu aucune incidence globale sur l’intégrité du mécanisme d’adjudication ou sur le résultat de l’évaluation dans son ensemble; Postes Canada ajoute également que la résiliation du contrat de Wipro aurait des répercussions financières, structurelles et personnelles considérables. De plus, elle allègue qu’il n’est pas indiqué dans les circonstances d’indemniser CGI.
  5. Wipro soutient que le Tribunal ne doit recommander aucun redressement qui perturberait le contrat conclu, étant donné que son exécution est trop avancée, qu’une réévaluation ou une nouvelle invitation serait coûteuse en raison de l’ampleur de la procédure de passation du marché public en cause, qu’aucun des motifs de plainte avancés par CGI n’est susceptible d’avoir influé sur le résultat global de l’évaluation des soumissions et que la poursuite de l’exécution du contrat représente une question d’intérêt public probante.
  6. Pour recommander une mesure corrective appropriée aux termes du paragraphe 30.15(3) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit tenir compte de tous les facteurs qui interviennent dans le marché public en question, notamment 1) la gravité des irrégularités qu’il a constatées, 2) l’ampleur du préjudice causé à CGI ou à tout autre intéressé, 3) l’ampleur du préjudice causé à l’intégrité ou à l’efficacité du mécanisme d’adjudication, 4) la bonne foi des parties et 5) le degré d’exécution du contrat.
  7. Le Tribunal est d’accord avec CGI que la destruction de documents concernant l’évaluation dans le cadre d’une procédure de passation de marché public est grave en raison de son incidence sur l’intégrité et l’efficacité du mécanisme d’adjudication. La destruction de documents pertinents a pour effet que les soumissionnaires et le public mettent en doute l’ensemble de la procédure de passation du marché public; la confiance envers ce mécanisme est cependant essentielle, puisqu’elle accroît la participation aux marchés publics et augmente les chances du gouvernement d’obtenir des biens et services de qualité à moindre coût[125]. La présente enquête illustre le fait que la perte d’une partie du dossier d’évaluation cause des difficultés supplémentaires, sur le plan de la procédure et du fond, dans le cadre de l’enquête du Tribunal sur une plainte. Bien que ce ne soit pas le cas en l’espèce pour les raisons expliquées précédemment, la perte de documents et de renseignements pertinents pourrait empêcher l’entité acheteuse de justifier de façon raisonnable ses décisions et le Tribunal de déterminer ce qui s’est produit dans le cadre de la procédure de passation du marché public; la perte de documents et de renseignements pertinents peut donc faire en sorte qu’une procédure de passation de marché public soit jugée déraisonnable, même si elle a par ailleurs été menée conformément à toutes les normes applicables. Il va sans dire que cela entraîne un manque d’efficacité inutile, des délais supplémentaires et des coûts additionnels de toutes sortes pour le gouvernement, les soumissionnaires et, en fin de compte, les contribuables.
  8. En l’espèce, la violation de Postes Canada en raison de la destruction des documents d’évaluation a causé un préjudice à CGI de plusieurs façons. Elle a sûrement soulevé davantage de doutes du point de vue de CGI quant à la procédure de passation du marché public en cause, dans un contexte où le manque de transparence de Postes Canada, en ce qui a trait à son refus de communiquer des renseignements pertinents lors des comptes rendus, lui avait déjà donné une raison d’avoir des préoccupations. Si tous les renseignements concernant l’évaluation et les raisons de déduire des points avaient été mis à la disposition de CGI lors des comptes rendus, elle aurait peut-être pu trouver l’explication plus convaincante et évité une partie de sa plainte. Au lieu, CGI a dû engager des frais supplémentaires en raison des complications de fond et de procédure engendrées par le fait que les fiches de notation individuelle n’étaient pas disponibles, notamment puisqu’elle a dû présenter une plainte supplémentaire lorsqu’elle a découvert ce fait.
  9. Cependant, la violation de l’alinéa 1017(1)p) de l’ALÉNA, qui a eu lieu après l’adjudication du contrat, n’a pu avoir aucune incidence sur la capacité de CGI à prendre part à la procédure de passation du marché public ou sur sa capacité d’obtenir le contrat. En outre, puisque les autres éléments de preuve versés au dossier sont suffisants pour convaincre le Tribunal que l’évaluation a néanmoins été effectuée de façon raisonnable conformément à l’ALÉNA, la violation constatée n’a eu aucune conséquence sur le résultat de la procédure de passation du marché public et sur l’adjudication du contrat subséquent.
  10. Le Tribunal est convaincu que toutes les parties visées ont agi de bonne foi. Plus particulièrement, les éléments de preuve indiquent que les évaluateurs et les autres personnes qui ont participé à la procédure de passation du marché public en cause ont agi de bonne foi.
  11. De plus, les éléments de preuve indiquent que Wipro a déjà engagé des dépenses importantes afin d’établir le centre de données et que les employés et les représentants de Wipro et de Postes Canada ont effectué un travail considérable[126]. Dans les circonstances, une transition vers un fournisseur différent serait également complexe et coûteuse, puisqu’une grande partie du travail effectué jusqu’à maintenant devrait être recommencée[127]. En outre, il ressort des éléments de preuve que Postes Canada fait face à des échéances qui, si elles ne sont pas respectées, pourraient avoir des incidences considérables sur ses activités[128]. Enfin, le Tribunal a examiné les éléments de preuve versés au dossier confidentiel concernant les modalités du contrat de Wipro ainsi que les modalités et les conséquences d’une résiliation du contrat[129].
  12. Tout compte fait, le Tribunal conclut que la mesure corrective appropriée dans les circonstances en est une qui garantit que Postes Canada modifie ses pratiques dans le cadre des marchés publics futurs, mais sans perturber ni retarder le contrat adjugé à Wipro. En effet, le Tribunal considère que l’équité ou l’intérêt du public à l’égard de l’intégrité et de l’efficacité du mécanisme d’adjudication n’exige pas de recommander une mesure corrective qui compromettrait l’adjudication du contrat à Wipro, étant donné que, comme expliqué précédemment, la violation constatée n’a pas influé sur la capacité de CGI à livrer concurrence dans le cadre de la procédure de passation du marché public en cause et à obtenir le contrat, et que le public a tout intérêt à ce que l’exécution du contrat se poursuive. De recommander une mesure corrective de plus grande envergure, comme le lancement d’un nouvel appel d’offres, nuirait davantage, dans les circonstances, à l’intégrité et à l’efficacité du mécanisme d’adjudication que le préjudice qui a déjà été causé. Pour des motifs semblables, le Tribunal n’accordera pas à CGI, aux termes du paragraphe 30.15(4) de la Loi sur le TCCE, le remboursement des frais qu’elle a engagés pour la préparation de sa soumission ni une indemnité pour perte de profits ou d’opportunité.
  13. Par conséquent, le Tribunal recommande à la Société canadienne des postes, dans le cadre de marchés publics pour son propre compte ou par l’entremise d’Innovaposte Inc., de modifier ses politiques et ses pratiques concernant la conservation de documents liés à la procédure de passation de marchés publics afin qu’elles soient conformes aux exigences de l’alinéa 1017(1)p) de l’ALÉNA, comme elle a déjà indiqué qu’elle le ferait.

Frais

  1. CGI demande le remboursement de ses frais de litige. Postes Canada demande le remboursement des frais qu’elle a engagés pour répondre à la plainte si celle-ci est rejetée, mais elle soutient que si la plainte s’avère fondée en partie, chaque partie doit assumer ses propres frais. Wipro ne demande pas le remboursement de ses frais.
  2. Compte tenu du fait que la plainte est fondée en partie, mais également du fait que la complexité de la procédure et du fond dans le cadre de la présente enquête était, selon le Tribunal, attribuable en grande partie au manque de transparence dont a fait preuve Postes Canada, surtout en ce qui a trait à sa façon de procéder au compte rendu fourni à CGI et à sa tenue de dossiers incomplets, le Tribunal décide d’accorder à CGI le remboursement des frais raisonnables qu’elle a engagés dans le cadre de la procédure du Tribunal, ces frais devant être payés par la Société canadienne des postes ou par Innovaposte Inc.
  3. Pour décider du montant de l’indemnité en l’espèce, le Tribunal a tenu compte de sa Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public (la Ligne directrice), qui fonde l’évaluation du degré de complexité d’une plainte sur trois critères : la complexité du marché public, la complexité de la plainte et la complexité de la procédure. À cet égard, l’invitation à soumissionner en cause concernait un projet de services complexe comportant de nombreuses exigences évaluées. La plainte visait plusieurs questions touchant différents aspects de la procédure de passation du marché public et plusieurs exigences prévues par l’ALÉNA. En outre, la procédure elle-même comprenait de nombreuses requêtes et demandes, le dépôt d’observations et d’éléments de preuve supplémentaires au-delà de la portée normale de la procédure, une audience et une prorogation du délai à 135 jours. Par conséquent, l’indication provisoire donnée par le Tribunal du degré de complexité de la plainte est le degré 3 et son indication provisoire du montant de l’indemnité est 4 700 $.

DÉCISION DU TRIBUNAL

  1. Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal détermine que la plainte est fondée en partie.
  2. Aux termes des paragraphes 30.15(2) et 30.15(3) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal recommande que la Société canadienne des postes, dans le cas de marchés publics pour son propre compte ou par l’entremise d’Innovaposte Inc., établisse et applique des procédures qui assurent que la documentation complète par rapport à ces marchés publics soit conservée, en conformité avec l’alinéa 1017(1)(p) de l’ALÉNA.
  3. Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal accorde à CGI le remboursement des frais raisonnables engagés pour la préparation de la plainte ainsi que pour les autres démarches qu’elle a effectuées en l’instance, ces frais devant être payés par la Société canadienne des postes ou Innovaposte Inc. En conformité avec la Ligne directrice, l’indication provisoire du Tribunal du degré de complexité de la présente plainte est le degré 3, et son indication provisoire du montant de l’indemnité est de 4 700 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui a trait à l’indication provisoire du degré de complexité ou à l’indication provisoire du montant de l’indemnité, elle peut présenter des observations auprès du Tribunal, en conformité avec l’article 4.2 de la Ligne directrice. Il relève de la compétence du Tribunal de fixer le montant définitif de l’indemnité.
 

[1].     La première plainte déposée par CGI concernant la DP a été examinée dans le dossier no PR-2014-006. Le Tribunal a rendu sa décision le 27 août 2014.

[2].     L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.) [Loi sur le TCCE].

[3].     Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis d’Amérique et le gouvernement des États-Unis du Mexique, 17 décembre 1992, R.T.C. 1994, no 2 (entré en vigueur le 1er janvier 1994) [ALÉNA].

[4].     D.O.R.S./93-602 [Règlement].

[5].     Les documents comprennent la plainte de CGI déposée le 27 mai 2014, pièce PR-2014-015-01, vol. 1, et pièce PR-2014-015-01A (protégée), vol. 2; le rapport de l’institution fédérale (RIF) de Postes Canada déposé le 30 juin 2014, pièce PR-2014-015-25A, vol. 1E, et pièce PR-2014-015-25B (protégée), vol. 2K; les observations de Wipro sur la plainte et sur le RIF déposées le 14 juillet 2014, pièce PR-2014-015-41, vol. 1G, et pièce PR-2014-015-41A (protégée), vol. 2R; les observations de CGI sur le RIF et sur les observations de Wipro déposées le 18 juillet 2014, pièce PR-2014-015-46, vol. 1G, et pièce PR-2014-015-46A (protégée), vol. 2S; les observations en réponse additionnelles de Postes Canada déposées le 25 juillet 2014, pièce PR-2014-015-48B, vol. 1G, et pièce PR-2014-015-48A (protégée), vol. 2S; la réponse de CGI aux les observations en réponse additionnelles de Postes Canada déposée le 1er août 2014, pièce PR-2014-015-58, vol. 1H, et pièce PR-2014-015-58A (protégée), vol. 2S; la plainte de CGI déposée le 10 juillet 2014, pièce PR-2014-020-01, vol. 1, et pièce PR-2014-020-01A (protégée), vol. 2; le RIF de Postes Canada déposé le 11 août 2014, pièce PR-2014-020-15, vol. 1A, et pièce PR-2014-020-15A (protégée), vol. 2A; les observations de Wipro sur la plainte et sur le RIF déposées le 21 août 2014, pièce PR-2014-020-21, vol. 1B, et pièce PR-2014-020-21A (protégée), vol. 2C; les observations de CGI sur le RIF et sur les observations de Wipro déposées le 27 août 2014, pièce PR-20014-020-23, vol. 1B; les observations de Postes Canada sur sa position révisée déposées le 8 septembre 2014, pièce PR-2014-020-27, vol. 1C.

[6].     D.O.R.S./91-499 [Règles].

[7].     Transcription de l’audience publique, 11 septembre 2014, aux pp. 44-45.

[8].     Pièce PR-2014-015-25A aux par. 8-13, vol. 1E.

[9].     Ibid. aux par. 62-67; pièce PR-2014-015-25A, onglet 2, pièce 1, article 1.2, vol. 1E.

[10].   Pièce PR-2014-015-25A au par. 66, vol. 1E.

[11].   Pièce PR-2014-015-01, pièce 9, vol. 1.

[12].   Ibid., pièce 7.

[13].   Pièce PR-2014-015-25B (protégée), onglet 2, pièces Q, R, vol. 2K.

[14].   Ibid., pièces S, T.

[15].   Pièce PR-2014-015-01, pièce 5, vol. 1.

[16].   Ibid., pièce 15.

[17].   Pièce PR-2014-015-01, pièce 25, vol. 1.

[18].   Ibid.

[19].   Pièce PR-2014-015-018, vol. 1D.

[20].   Pièce PR-2014-015-025, vol. 1E.

[21].   Aux par. 23-31.

[22].   Pièce PR-2014-015-01, pièce 5, vol. 1.

[23].   Ibid.

[24].   Ibid.

[25].   Voir par exemple Excel Human Resources Inc. c. Ministère de l’Environnement (2 mars 2012), PR-2011-043 (TCCE) [Excel Human Resources] au par. 33.

[26].   2000 CanLII 16572 (CAF) [Cougar Aviation]. Voir aussi Enterasys Networks of Canada Ltd. (1er septembre 2010), PR-2010-053 à PR-2010-055 (TCCE) au par. 6.

[27].   Cougar Aviation au par. 74.

[28].   Ibid.

[29].   2005 CAF 177 (CanLII) [Flag Connection].

[30].   Flag Connection au par. 9.

[31].   (11 juillet 2007), PR-2007-004 (TCCE) [Ecosfera].

[32].   Ecosfera au par. 32.

[33].   Transcription de l’audience publique, 11 septembre 2014, aux pp. 22-23, 27-28.

[34].   Pièce PR-214-015-01, pièce 5, vol. 1.

[35].   Ibid., pièce 12.

[36].   Transcription de l’audience publique, 11 septembre 2014, aux pp. 23, 29.

[37].   Comme l’a fait remarquer le conseiller juridique de CGI, CGI devait déposer sa première plainte dans le dossier no PR-2014-006 le 14 avril 2014 afin de respecter les délais applicables aux questions qui y sont soulevées.

[38].   Pièce PR-2014-015-46 aux par. 89-116, vol. 1G; Transcription de l’audience publique, 11 septembre 2014, aux pp. 124-131; pièce PR-2014-015-58 aux par. 44-48, vol. 1H.

[39].   Transcription de l’audience publique, 11 septembre 2014, aux pp. 127-129.

[40].   Ibid. à la p. 130. Pièce PR-2014-015-46 aux par. 95-116, vol. 1G; Transcription de l’audience publique, 11 septembre 2014, aux pp. 124-131; pièce PR-2014-015-58 aux par. 44-48, vol. 1H.

[41].   Pièce PR-2014-015-48B aux par. 85-96, vol. 1G; Transcription de l’audience publique, 11 septembre 2014, aux pp. 143-147.

[42].   2008 ABCA 353 (CanLII) [McDougall].

[43].   McDougall au par. 18.

[44].   Cela découle de l’orientation donnée par la Cour d’appel de l’Alberta selon laquelle les questions de savoir s’il y a eu destruction d’éléments de preuve et quelle réparation doit s’ensuivre sont des questions qui doivent être évaluées par le juge d’instance en tenant compte de tous les faits, tandis qu’une réparation préalable au procès concernant la destruction d’éléments de preuve ne serait accordée que dans des cas exceptionnels. Voir McDougall au par. 29.

[45].   Il est bien établi dans la jurisprudence qu’il incombe à la partie invoquant la doctrine du délit de la destruction d’éléments de preuve de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que le fondement factuel donnant lieu à l’application de la doctrine est respecté. Voir McDougall au par. 18; Nova Growth Corp. et al v. Andrzej Roman Kepinski et al., 2014 ONSC 2763 (CanLII) aux par. 295-296; Stilwell v. World Kitchen Inc., et al., 2013 ONSC 3354 (CanLII) aux par. 57-60; Gutbir v. University Health Network, 2010 ONSC 6752 (CanLII) aux par. 13-14.

[46].   Pièce PR-2014-015-01, pièce 9, vol. 1.

[47].   Ibid.

[48].   Sauf, finalement, les notes de Mme Walker et de M. Bezanson utilisées à la réunion de compte rendu du 31 mars 2014 et un document donnant une répartition détaillée des notes obtenues par CGI qui lui a été remis lors de la deuxième réunion de compte rendu.

[49].   Pièce PR-2014-015-10 aux pp. 4-5, vol. 1D.

[50].   Pièce PR-2014-015-25, vol. 1E.

[51].   Pièce PR-2014-015-25A, onglet 2, pièce F, vol. 1E.

[52].   Ibid.

[53].   Pièce PR-2014-015-039, vol. 1G.

[54].   Transcription de l’audience publique, 11 septembre 2014, à la p. 53.

[55].   Ibid. à la p. 54.

[56].   Ibid. aux pp. 54-55.

[57].   Ibid. à la p. 91.

[58].   Ibid. aux pp. 92-93.

[59].   Ibid. à la p. 93.

[60].   Ibid. à la p. 94.

[61].   Ibid. aux pp. 81-84.

[62].   Ibid. à la p. 100.

[63].   Ibid. à la p. 55.

[64].   Ibid. aux pp. 55-56.

[65].   Ibid. à la p. 56.

[66].   Ibid. aux pp. 56-57.

[67].   Ibid. aux pp. 71-72, 91.

[68].   Pièce PR-2014-020-027 à la p. 1, vol. 1C.

[69].   Voir par exemple le dossier no PR-2014-006 aux par. 62-65; Hewlett-Packard (Canada) Ltd. (21 février 2002), PR-2001-030 et PR-2014-040 (TCCE) aux pp. 26-27 (infirmé pour d’autres motifs dans IBM Canada Ltd. c. Hewlett Packard (Canada) Ltd., 2002 CAF 284 [CanLII] [IBM Canada]).

[70].   Par analogie, voir Canada (Procureur général) c. Almon Equipment Limited, 2010 CAF 193 (CanLII) [Almon] aux par. 47-49.

[71].   Le paragraphe 1013(1) de l’ALÉNA prévoit ce qui suit : « La documentation relative à l’appel d’offres qu’une entité remettra aux fournisseurs devra contenir tous les renseignements nécessaires pour leur permettre de présenter des soumissions valables [...]. La documentation contiendra également : [...] h) les critères d’adjudication, y compris tous les éléments, autres que le prix, qui seront pris en considération lors de l’évaluation des soumissions [...]. »

[72].   Les alinéas 1015(4)a) et 1015(4)d) de l’ALÉNA prévoit ce qui suit : « L’adjudication des marchés s’effectuera conformément aux procédures suivantes : a) pour être considérée en vue de l’adjudication, une soumission devra être conforme, au moment de son ouverture, aux conditions essentielles spécifiées dans les avis ou dans la documentation relative à l’appel d’offres [...] d) l’adjudication des marchés sera conforme aux critères et aux conditions essentielles spécifiées dans la documentation relative à l’appel d’offres [...]. »

[73].   Le paragraphe 1008(1) de l’ALÉNA prévoit que « [c]hacune des Parties fera en sorte que les procédures de passation des marchés suivies par ses entités a) soient appliquées de façon non discriminatoire, et b) soient conformes au présent article et aux articles 1009 à 1016 ».

[74].   Voir par exemple Excel Human Resources au par. 33; Northern Lights Aerobatic Team, Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (7 septembre 2005), PR-2005-004 (TCCE) [Northern Lights] au par. 51; Marcomm Inc. (11 février 2004), PR-2003-051 (TCCE) à la p. 10.

[75].   Voir pièce PR-2014-015-25B (protégée), onglet 2, pièce B, vol. 2K.

[76].   Pièce PR-2014-015-01A (protégée) à la p. 36, vol. 2.

[77].   CGI renvoie expressément à la section B1 de la pièce jointe B, « Énoncé des besoins », ainsi qu’aux questions et aux réponses nos 56, 57, 159 et 173. Voir pièce PR-2014-015-01A (protégée), pièce 1, annexe 2, à la p. 114, vol. 2D; pièce PR-2014-015-01A (protégée), pièce 1, annexe 1, aux pp. 193-201, vol. 2.

[78].   Transcription de l’audience publique, 11 septembre 2014, à la p. 118.

[79].   Ibid. aux pp. 156-159.

[80].   Transcription de l’audience à huis clos, 11 septembre 2014, aux pp. 128-129.

[81].   En effet, la Cour d’appel fédérale a conclu que, même si une DP doit indiquer les principaux critères d’évaluation, elle n’a pas à indiquer tous les aspects de chaque critère dont il sera peut-être tenu compte, à condition que les aspects non mentionnés aient un lien raisonnable avec le critère exprès ou qu’ils soient englobés dans ce critère. Siemens Westinghouse Inc. c. Canada (Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux), [2002] 1 RCF 292, 2001 CAF 241 (CanLII) au par. 43. Cependant, lorsque les critères non mentionnés s’écartent de manière significative des critères publiés, l’évaluation est inéquitable et déraisonnable. MIL Systems (a Division of Davie Industries Inc.) et Fleetway Inc. (6 mars 2000), PR-99-034 (TCCE) aux pp. 19-20; Seprotech Systems Inc. c. Peacock Inc., 2003 CAF 71 (CanLII) au par. 32.

[82].   Pièce PR-2014-015-25A au par. 147, vol. 1E; pièce PR-2014-015-25B (protégée), onglet 1, pièce A, paragraphe 3.2.2, vol. 2K.

[83].   Ibid.

[84].   Pièce PR-2014-015-25A au par. 149, vol. 1E; pièce PR-2014-015-25B (protégée), onglet 1, pièce A, article 5.0, vol. 2K.

[85].   Pièce PR-2014-015-25B (protégée), onglet 1, pièce A, article 5.0, paragraphes 5.2.2, 5.2.3, vol. 2K.

[86].   Ibid.

[87].   Transcription de l’audience publique, 11 septembre 2014, aux pp. 10, 57-59, 103-104.

[88].   Pièce PR-2014-015-25A, onglet 2, pièce A, paragraphe 1.4.1, vol. 1E.

[89].   Transcription de l’audience à huis clos, 11 septembre 2014, aux pp. 37-39; Transcription de l’audience publique, 11 septembre 2014, aux pp. 15-16, 104-105.

[90].   Transcription de l’audience à huis clos, 11 septembre 2014, aux pp. 39-40, 44-47, 70-71.

[91].   Transcription de l’audience publique, 11 septembre 2014, aux pp. 61-63, 86-87; Transcription de l’audience à huis clos, 11 septembre 2014, aux pp. 55-57, 92-97.

[92].   Transcription de l’audience publique, 11 septembre 2014, aux pp. 61-62.

[93].   Ibid. à la p. 62.

[94].   Transcription de l’audience à huis clos, 11 septembre 2014, aux pp. 35, 46.

[95].   Pièce PR-2014-015-25B (protégée), onglet 1, pièce A, sous-alinéa 5.2.2.2(1)(b), vol. 2K.

[96].   Transcription de l’audience à huis clos, 11 septembre 2014, aux pp. 18-24.

[97].   Voir, par exemple, Transcription de l’audience publique, 11 septembre 2014, à la p. 33; Transcription de l’audience à huis clos, 11 septembre 2014, aux pp. 112-115.

[98].   Transcription de l’audience à huis clos, 11 septembre 2014, aux pp. 35-41, 69-80.

[99].   Ibid. aux pp. 113-115.

[100]. Ibid. aux pp. 72-74, 112-116.

[101]. Section 5.0, sous-sections 5.2.2, 5.2.2.1, 5.2.2.2, 5.2.3, 5.2.3.2 et 5.3 de la trousse de la phase 2.

[102]. Pièce PR-2014-015-25A au par. 149, vol. 1E. Pièce PR-2014-015-25B (protégée), onglet 1, pièce A, article 5.0, vol. 2K.

[103]. Transcription de l’audience publique, 11 septembre 2014, à la p. 20; Transcription de l’audience à huis clos, 11 septembre 2014, aux pp. 17-18.

[104]. Transcription de l’audience publique, 11 septembre 2014, aux pp. 105, 113-114.

[105]. Ibid. aux pp. 16, 32-33, 40.

[106]. Ibid. à la p. 40; Transcription de l’audience à huis clos, 11 septembre 2014, aux pp. 6, 15-16, 25-28.

[107]. Transcription de l’audience publique, 11 septembre 2014, à la p. 40; Transcription de l’audience à huis clos, 11 septembre 2014, aux pp. 26-28.

[108]. Pièce PR-2014-015-46A (protégée) aux par. 53-79, vol. 2S; pièce PR-2014-015-58A (protégée) aux par. 27-32, vol. 2S.

[109]. Pièce PR-2014-015-48 au par. 16, vol. 1G; pièce PR-2014-015-25B, onglet 2, pièce B, vol. 2K.

[110]. Pièce PR-2014-015-48 aux par. 16-24, vol. 1G; pièce PR-2014-015-48A (protégée) aux par. 16-24, vol. 2S; Transcription de l’audience publique, 11 septembre 2014, aux pp. 148-149.

[111]. Transcription de l’audience à huis clos, 11 septembre 2014, aux pp. 52-54.

[112]. Ibid. aux pp. 53-54.

[113]. Ibid. à la p. 54.

[114]. Voir par exemple pièce PR-2014-015-01 au par. 14, vol. 1; Transcription de l’audience publique, 11 septembre 2014, à la p. 117.

[115]. Transcription de l’audience publique, 11 septembre 2014, aux pp. 65-67.

[116]. Dans l’arrêt TPG Technology Consulting Ltd. v. Canada, 2014 CF 933 (CanLII), rendu le 2 octobre 2014, la Cour fédérale a conclu que des faits semblables à l’espèce existaient dans cette cause. Au paragraphe 116, le juge Zinn a indiqué ce qui suit : « Bien que je sois d’accord avec la Couronne sur le fait que la moyenne des notes accordées individuellement n’est pas déterminante, elle est informative » [traduction]. Au paragraphe 151, le juge Zinn ajoute ce qui suit : « Le sentiment d’iniquité quant à l’évaluation – en raison de l’écart de la médiane des notes individuelles – ne suffit pas pour démontrer l’iniquité » [traduction].

[117]. Prudential Relocation Canada Ltd. (30 juillet 2003), PR-2002-070 (TCCE) à la p. 12.

[118]. Transcription de l’audience publique, 11 septembre 2014, aux pp. 60-65; Transcription de l’audience à huis clos, 11 septembre 2014, aux pp. 55-57, 92-97.

[119]. Au par. 33.

[120]. (5 novembre 2008), PR-2008-023 (TCCE) [BMT].

[121]. BMT au par. 25; voir aussi Northern Lights.

[122]. High Criteria Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (16 avril 2014), PR-2013-039 (TCCE) au par. 9; Storeimage c. Musée canadien de la nature (18 janvier 2013), PR-2012-015 (TCCE) au par. 67.

[123]. Transcription de l’audience à huis clos, 11 septembre 2014, à la p. 97.

[124]. Pièce PR-2014-015-46 au par. 252, vol. 1G.

[125]. Almon au par. 23.

[126]. Transcription de l’audience publique, 11 septembre 2014, aux pp. 106-112; Transcription de l’audience à huis clos, 11 septembre 2014, aux pp. 7-11, 103-106.

[127]. Transcription de l’audience publique, 11 septembre 2014, aux pp. 109-110; pièce PR-2014-015-41 aux par. 51-82, vol. 1G; pièce PR-2014-015-41A (protégée) aux par. 51-82, onglet 1, vol. 2R.

[128]. Transcription de l’audience publique, 11 septembre 2014, aux pp. 97-98. Transcription de l’audience à huis clos, 11 septembre 2014, aux pp. 66-69.

[129]. Transcription de l’audience à huis clos, 11 septembre 2014, aux pp. 106-109.