CGI INFORMATION SYSTEMS AND MANAGEMENT CONSULTANTS INC.

CGI INFORMATION SYSTEMS AND MANAGEMENT CONSULTANTS INC.
c.
SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES ET INNOVAPOSTE INC.
Dossier no PR-2014-006

Décision rendue
le mercredi 27 août 2014

Motifs rendus
le mardi 2 septembre 2014

 

TABLE DES MATIÈRES

 

EU ÉGARD À une plainte déposée par CGI Information Systems and Management Consultants Inc. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.);

ET À LA SUITE D’une décision d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

ENTRE

CGI INFORMATION SYSTEMS AND MANAGEMENT CONSULTANTS INC. Partie plaignante

ET

SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES ET INNOVAPOSTE INC. Institutions fédérales

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte est fondée en partie.

Aux termes des paragraphes 30.15(2) and 30.15(3) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur recommande que la Société canadienne des postes, pour son propre compte ou par l’entremise d’Innovaposte Inc., fournisse à CGI Information Systems and Management Consultants Inc. les renseignements pertinents, indiqués dans la décision du Tribunal canadien du commerce extérieur, concernant les motifs de rejet de la soumission présentée par CGI Information Systems and Management Consultants Inc. en réponse à l’invitation no 2012-SDL-006. Le Tribunal canadien du commerce extérieur recommande également que la Société canadienne des postes, dans le cas de marchés publics pour son propre compte ou par l’entremise d’Innovaposte Inc., modifie ses pratiques et ses politiques par rapport aux entretiens finaux afin qu’ils soient conformes aux principes indiqués par le Tribunal canadien du commerce extérieur dans les motifs de sa décision.

Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur accorde à CGI Information Systems and Management Consultants Inc. le remboursement des frais raisonnables qu’elle a engagés pour la préparation et le dépôt de sa plainte, ces frais devant être payés par la Société canadienne des postes ou Innovaposte Inc. En conformité avec la Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure de plainte portant sur un marché public, l’indication provisoire du Tribunal canadien du commerce extérieur du degré de complexité de la présente plainte est le degré 3, et son indication provisoire du montant de l’indemnité est de 4 700 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui a trait à l’indication provisoire du degré de complexité ou à l’indication provisoire du montant de l’indemnité, elle peut présenter des observations auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur, en conformité avec l’article 4.2 de la Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure de plainte portant sur un marché public. Il relève de la compétence du Tribunal canadien du commerce extérieur de fixer le montant définitif de l’indemnité.

Stephen A. Leach
Stephen A. Leach
Membre présidant

L’exposé des motifs suivra à une date ultérieure.

 

Membre du Tribunal : Stephen A. Leach, membre présidant

Conseiller juridique pour le Tribunal : Anja Grabundzija

Agent des dossiers de marchés publics : Josée B. Leblanc

Agent du greffe : Haley Raynor

Partie plaignante : CGI Information Systems and Management Consultants Inc.

Conseillers juridiques pour la partie plaignante : R. Benjamin Mills
Paul Conlin

Institutions fédérales : Société canadienne des postes et Innovaposte Inc.

Conseillers juridiques pour les institutions
fédérales : Nicholas McHaffie

 Justine Whitehead

Partie intervenante : Wipro Technologies Canada Ltd.

Conseiller juridique pour la partie intervenante : Martin G. Masse

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario)  K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : secretaire@tcce-citt.gc.ca

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

  1. Le 14 avril 2014, CGI Information Systems and Management Consultants Inc. (CGI) a déposé une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur[1] concernant une demande de propositions (DP) (invitation no 2012-SDL-006) publiée par Innovaposte Inc., une filiale de la Société canadienne des postes (collectivement, Postes Canada), au nom du Groupe d’entreprises de Postes Canada, pour la prestation de services de centre de données.
  2. CGI allègue que Postes Canada ne lui a pas communiqué de renseignements pertinents quant aux raisons du rejet de sa soumission et aux caractéristiques et avantages de la soumission retenue, en violation de l’alinéa 1015(6)b) de l’Accord de libre-échange nord-américain[2]. Elle allègue également que Postes Canada a évalué sa proposition d’une manière non conforme au plan d’évaluation publié dans la DP, contrairement aux exigences du paragraphe 1013(1) et des alinéas 1015(4)c) et 1015(4)d) de l’ALÉNA.
  3. À titre de mesure corrective, CGI demande à Postes Canada de lui fournir une liste de documents et des renseignements concernant la procédure de passation du marché public, d’annuler le contrat adjugé dans le cadre de la DP et de lancer un nouvel appel d’offres. Subsidiairement, CGI demande d’être indemnisée pour sa perte de profits, pour sa perte d’opportunité et/ou pour les frais qu’elle a engagés pour la préparation de sa soumission. Subsidiairement encore, elle demande une réévaluation de toutes les soumissions. CGI demande également le remboursement des frais de la procédure qu’elle a engagés relativement à la présente plainte.
  4. Le 24 avril 2014, le Tribunal a informé les parties qu’il avait décidé d’enquêter sur la plainte puisqu’elle satisfaisait aux exigences du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE et aux conditions énoncées au paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics[3].
  5. Le 23 mai 2014, Postes Canada a déposé un rapport de l’institution fédérale (RIF) conformément à l’article 103 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur[4]. CGI a déposé ses observations sur le RIF le 4 juin 2014[5].
  6. Le 10 juillet 2014, le Tribunal a accordé, sur requête, le statut d’intervenant à Wipro Technologies Canada Ltd. (Wipro), l’adjudicataire du contrat. Wipro a déposé ses observations sur la plainte et sur le RIF le 17 juillet 2014, et CGI a répondu à celles-ci le 23 juillet 2014.
  7. Les parties ont déposé plusieurs requêtes et demandes au cours de la procédure. Il est à noter que le Tribunal a satisfait en partie à une requête présentée par CGI en vue d’obtenir une ordonnance enjoignant à Postes Canada de produire certains documents. Lors du dépôt de ces documents le 30 juin 2014, Postes Canada a déposé des observations supplémentaires portant sur le fond de la plainte[6]. Le 8 juillet 2014, CGI a déposé d’autres observations sur ces documents et sur les observations supplémentaires de Postes Canada[7].
  8. Étant donné que les renseignements au dossier étaient suffisants pour déterminer le bien-fondé de la plainte, le Tribunal a décidé qu’il n’était pas nécessaire de tenir une audience et a statué sur la plainte sur la foi des renseignements écrits versés au dossier.

PROCÉDURE DE PASSATION DU MARCHÉ PUBLIC

  1. La DP a été publiée le 3 décembre 2012. La date de clôture pour la remise des soumissions était le 16 janvier 2013.
  2. La DP comportait deux « phases », chacune divisée en plusieurs étapes d’évaluation successives, dont certaines étaient notées et d’autres non. CGI a franchi la phase 1 de la DP, qui n’est pas en cause en l’espèce, et pouvait donc passer à la phase 2 de la DP.
  3. Le 7 juin 2013, CGI et d’autres soumissionnaires ayant réussi la phase 1 ont reçu la « trousse de renseignements et de critères de sélection de la phase 2 » [traduction] (la trousse de la phase 2)[8], invitant les soumissionnaires à soumettre une proposition technique et une proposition financière et à présenter un exposé oral.
  4. L’étape 7 du plan d’évaluation figurant dans la trousse de la phase 2 concernait l’évaluation des propositions techniques par rapport aux exigences techniques obligatoires et cotées. L’étape 8 visait à évaluer les exposés oraux des soumissionnaires et prévoyait des visites sur place, qui n’étaient cependant pas notées. Les soumissionnaires qui ont obtenu la note globale minimale de 70 p. 100 aux étapes 7 et 8 ont fait l’objet d’une autre présélection à l’étape 9. Seules les propositions financières des soumissionnaires ainsi présélectionnés ont été évaluées à l’étape 10. Le contrat a été adjugé en fonction de la meilleure note totale.
  5. Les étapes 7 et 8 du plan d’évaluation concernaient des ensembles différents de critères d’évaluation, tel que publié dans la trousse de la phase 2 et/ou conformément aux modifications apportées à celle-ci. Cependant, dans les sections 3.3 et 3.3.1, Postes Canada se réservait le droit, respectivement, de réexaminer la proposition technique à la lumière de « renseignements contradictoires » [traduction] découverts durant l’exposé oral et de réviser les notes de la proposition technique d’un soumissionnaire et de son exposé oral à la lumière de « renseignements contradictoires » découverts durant la visite sur place[9].
  6. La trousse de la phase 2 indiquait les points généraux pouvant être obtenus pour la proposition technique et pour l’exposé oral et les pondérations de certaines sections dans la proposition technique[10]. Elle ne fournissait pas une répartition détaillée de la pondération attribuée à chaque sous-section ou à chaque critère évalué.
  7. Le 21 octobre 2013, Postes Canada a informé CGI qu’elle n’avait pas été sélectionnée pour l’adjudication du contrat[11]. Elle a également informé CGI qu’elle pourrait demander la tenue d’une réunion de compte rendu après la publication de l’avis public de l’adjudication du contrat.
  8. Le contrat a été adjugé à Wipro le 6 décembre 2013[12]. L’avis d’adjudication a été publié le 13 décembre 2013[13]. Le même jour, CGI a demandé un compte rendu[14].
  9. Une première réunion de compte rendu a eu lieu le 15 janvier 2014. Le compte rendu a été fourni au nom de Postes Canada par Mme Maya Walker, l’autorité contractante de la DP, et par M. Jim Bezanson, un évaluateur ayant participé à toutes les étapes du processus d’évaluation prévu dans la trousse de la phase 2[15].
  10. En somme, CGI a appris qu’elle n’avait pas obtenu le nombre maximum de points relativement à plusieurs critères de l’évaluation technique aux étapes 7 et 8. Puisqu’elle n’a pas obtenu le nombre minimum de points nécessaires selon la trousse de la phase 2 pour passer à l’étape de l’évaluation de la proposition financière, sa proposition financière n’a pas été évaluée. Postes Canada a également fourni certains renseignements concernant les éléments de la proposition de CGI qui ont été considérés comme des points forts et ceux qui sont à améliorer, sans indiquer les points obtenus. Mme Walker et M. Bezanson ont utilisé des notes préparées avant la réunion de compte rendu, Mme Walker mettant l’accent sur la méthode et le processus d’évaluation en général et sur l’évaluation de l’exposé oral, et M. Bezanson fournissant davantage de renseignements techniques sur l’évaluation de la proposition de CGI. Aucun renseignement n’a été fourni relativement à l’évaluation des propositions des autres soumissionnaires[16].
  11. Puisque CGI a jugé que cette première réunion de compte rendu n’était pas suffisante, elle a demandé une deuxième réunion de compte rendu, à laquelle Postes Canada a consenti. Toutefois, la teneur précise de la deuxième réunion de compte rendu a suscité des discussions entre les parties. Dans une lettre datée du 24 février 2014, CGI a indiqué à Postes Canada qu’elle souhaitait recevoir certains renseignements sur l’évaluation de sa proposition et sur les avantages de la proposition retenue, ajoutant qu’il serait « utile » [traduction] d’obtenir ces renseignements par écrit[17]. Postes Canada lui a répondu qu’elle lui fournirait volontiers davantage de renseignements sur l’évaluation de sa soumission, mais que « [...] conformément aux politiques en matière de marchés publics qu’elle applique depuis longtemps et de la même manière à toutes ses demandes de propositions [...] » [traduction], elle ne fournirait pas d’explications par écrit ni les notes ou le contenu des propositions des soumissionnaires, qui sont confidentielles[18]. CGI a de nouveau écrit à Postes Canada, le 11 mars 2014, pour s’opposer à sa décision de ne pas fournir de renseignements sur la proposition de Wipro. CGI a également inclus une liste de renseignements et de documents qu’elle désirait recevoir lors de la deuxième réunion de compte rendu[19].
  12. La deuxième réunion de compte rendu a été tenue le 31 mars 2014. Lors de cette réunion, Mme Walker et M. Bezanson ont donné d’autres renseignements, en se fondant une fois de plus sur des notes rédigées à l’avance. De manière générale, ces renseignements portaient sur des détails supplémentaires sur les sections de la proposition technique et de l’exposé oral de CGI qui n’avaient pas obtenu le nombre maximum de points et sur les caractéristiques et les avantages de la proposition de Wipro[20]. Postes Canada a également fourni un document accompagné d’une répartition sommaire des notes de la proposition technique de CGI.
  13. Le 9 avril 2014, à la suite d’une lettre de CGI[21], Postes Canada lui a remis une copie des notes utilisées par Mme Walker et M. Bezanson lors de la deuxième réunion de compte rendu[22] et a confirmé, au même moment, qu’elle ne fournirait aucun autre document.
  14. Le 14 avril 2014, CGI a déposé la présente plainte.

QUESTION PRÉLIMINAIRE : « CONTRAT SPÉCIFIQUE » AUX TERMES DE L’ALÉNA

  1. Bien que toutes les parties s’entendent sur le fait que l’ALÉNA s’applique à l’invitation en cause et que le Tribunal a compétence pour enquêter sur la plainte, il est nécessaire de formuler certains commentaires à cet égard.
  2. Le paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le TCCE prévoit que tout fournisseur potentiel peut déposer une plainte concernant la procédure des marchés publics suivie relativement à un « contrat spécifique ». La partie pertinente de l’article 30.1 de la Loi sur le TCCE et du paragraphe 3(1) du Règlement définit à son tour un « contrat spécifique » comme tout contrat relatif à un marché de services accordé par une « institution fédérale » désignée par le Règlement et visé notamment, individuellement ou au titre de son appartenance à une catégorie, à l’article 1001 de l’ALÉNA.
  3. Le Tribunal est convaincu que ces conditions sont remplies. Plus particulièrement, outre le fait que la plainte concerne clairement la procédure des marchés publics suivie et que les services demandés relèvent d’un des types de services décrits à l’article 1001 de l’ALÉNA, le Tribunal conclut que le contrat a été accordé par une « institution fédérale » au sens du paragraphe 3(2) du Règlement.
  4. La Société canadienne des postes est une entreprise publique canadienne désignée dans la Liste du Canada à l’annexe 1001.1a-2 de l’ALÉNA. Innovaposte Inc. n’est pas une entité énumérée dans la Liste du Canada. C’est Innovaposte Inc. qui a publié l’invitation à soumissionner et qui devait conclure le contrat avec le fournisseur de services retenu[23]. Néanmoins, plusieurs faits non contestés amènent le Tribunal à conclure que, en ce qui a trait à l’application de la Loi sur le TCCE et de l’ALÉNA, il peut être considéré que le contrat a été adjugé par une institution fédérale visée, à savoir la Société canadienne des postes.
  5. La DP indiquait expressément que l’appel d’offres était tenu au nom du Groupe d’entreprises de Postes Canada, qui comprend la Société canadienne des postes et ses trois filiales[24]. C’est le Groupe d’entreprises de Postes Canada qui devait bénéficier des services obtenus[25].
  6. Innovaposte Inc. est une des filiales de la Société canadienne des postes et fait partie du Groupe d’entreprises de Postes Canada. À l’heure actuelle, elle est notamment responsable « [...] de l’élaboration, de la gestion et de l’exploitation de systèmes informatiques et d’information que requiert le [Groupe d’entreprises de Postes Canada] »[26] [traduction] et, selon le RIF, elle « [...] constitue un élément important de la stratégie de la [Société canadienne des postes] »[27] [traduction]. La Société canadienne des postes détient 80 p. 100 des actions d’Innovaposte Inc. (la part restante étant détenue par une autre filiale de la Société canadienne des postes).
  7. La fonction d’« autorité contractante » à l’égard de la DP a été tenue par Mme Walker, qui occupe le poste de directrice de l’Approvisionnement au sein de la Société canadienne des postes[28]. En outre, il appert que le personnel de la Société canadienne des postes, d’Innovaposte Inc. et d’au moins une autre entreprise du Groupe d’entreprises de Postes Canada a pris part à l’exécution de différents aspects du marché public en cause[29].
  8. Postes Canada reconnaît expressément que la Société canadienne des postes est l’institution fédérale désignée et concernée et que l’ALÉNA s’applique à l’appel d’offres en cause, compte tenu de « [...] la structure et le déroulement du marché public, la nature des services demandés et du marché public, l’actionnariat actuel et les ententes de financement d’Innovaposte Inc. »[30] [traduction]; le RIF a été présenté au nom de la Société canadienne des postes, avec la participation d’Innovaposte Inc.[31]
  9. Conformément à la jurisprudence[32], le Tribunal conclut que la nature de la relation de la Société canadienne des postes avec Innovaposte Inc. et sa participation à la procédure du marché public en cause appuient la conclusion selon laquelle, en ce qui concerne l’application de l’article 3 du Règlement et de l’article 30.1 et du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le TCCE, il peut être considéré que le contrat a été accordé par la Société canadienne des postes, donc par une institution fédérale désignée aux termes de l’ALÉNA[33]. Le Tribunal est d’avis qu’une conclusion contraire exigerait l’adoption d’une position trop étroite à l’égard des obligations du Canada et de ses diverses institutions aux termes de l’ALÉNA, surtout à la lumière du paragraphe 1001(4) de l’ALÉNA, qui prévoit qu’« [a]ucune des Parties ne pourra préparer, élaborer ou autrement structurer un projet d’achat dans le but de se soustraire aux obligations du présent chapitre ».

ANALYSE

  1. Aux termes du paragraphe 30.14(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit, dans son enquête, limiter son étude à l’objet de la plainte. À la conclusion d’une enquête, le Tribunal doit déterminer le bien‑fondé de la plainte en fonction des critères et procédures établis par règlement pour le contrat spécifique. L’article 11 du Règlement prévoit que le Tribunal doit déterminer si le marché public a été passé conformément aux accords commerciaux applicables, en l’espèce l’ALÉNA.
  2. Les questions de fond dont le Tribunal est saisi sont celles de savoir si Postes Canada a manqué à son obligation en matière de compte rendu, qui consistait à fournir des renseignements pertinents sur les raisons du rejet de la soumission de CGI et sur les caractéristiques et les avantages relatifs de la soumission de Wipro, et si Postes Canada s’est écartée du plan d’évaluation publié.

Premier motif : obligations de Postes Canada aux termes de l’alinéa 1015(6)b) de l’ALÉNA

Position des parties

  1. Le premier motif de plainte de CGI est que Postes Canada ne lui a pas communiqué de renseignements pertinents sur les raisons du rejet de sa soumission et sur les caractéristiques et les avantages relatifs de la soumission retenue relativement aux étapes 7 à 10 de l’évaluation de la phase 2. CGI allègue que Postes Canada devait, sur demande, fournir l’ensemble des documents et des renseignements suivants[34] :

i. l’identité des évaluateurs ayant évalué les propositions à chaque étape de l’évaluation des exigences de la phase 2, leurs compétences et leurs relations, le cas échéant, avec le soumissionnaire retenu;

ii. la méthodologie utilisée par les évaluateurs pour évaluer les propositions soumises en réponse aux exigences de la phase 2, y compris tous les critères utilisés pour évaluer les propositions, toutes les instructions écrites fournies aux évaluateurs, tout plan d’évaluation ou toute autre directive fournie aux évaluateurs et les fiches de notation utilisées par les évaluateurs pour évaluer les propositions;

iii. quant à l’évaluation de la proposition de CGI, les fiches de notation et les notes de chaque évaluateur (c’est-à-dire les données brutes relatives à l’évaluation de CGI), l’identité de ces évaluateurs, les points obtenus par CGI pour chaque critère d’évaluation à chaque étape de l’évaluation des exigences de la phase 2, les fiches de notation consensuelle, les notes de toute évaluation consensuelle et l’ensemble des notes, procès-verbaux, notes de service ou autres documents produits par les évaluateurs dans le cadre de l’évaluation de la proposition de CGI;

iv. relativement à l’évaluation de la proposition retenue, les fiches de notation et les notes de chaque évaluateur (c’est-à-dire les données brutes relatives à l’évaluation de la proposition retenue), l’identité de ces évaluateurs, les fiches de notation consensuelle, les notes de toute évaluation consensuelle et l’ensemble des notes, procès-verbaux, notes de service ou autres documents produits par les évaluateurs dans le cadre de l’évaluation de la proposition retenue, les points que la proposition retenue a obtenus pour chaque critère à chaque étape de l’évaluation des exigences de la phase 2, le nombre total de points obtenus par la proposition retenue, le prix de la proposition retenue, la proposition retenue (sous réserve d’éléments confidentiels) et une description des caractéristiques et des avantages pertinents de la proposition retenue;

v. tous les autres documents qui sont en possession de Postes Canada ou sous son contrôle et que Postes Canada doit communiquer pour respecter ses obligations aux termes de l’alinéa 1015(6)b) de l’ALÉNA [...]

[Traduction]

  1. La position de CGI s’appuie sur Ecosfera Inc. c. Ministère de l’Environnement[35], une décision dans laquelle le Tribunal a conclu que la « finalité première » d’un compte rendu est de « [...] faire preuve de transparence quant aux raisons du rejet de la proposition [...] »[36] afin de permettre aux soumissionnaires non retenus de déterminer la nature de leurs droits eu égard aux exigences énoncées dans l’ALÉNA.
  2. Postes Canada soutient que les renseignements fournis aux réunions de compte rendu tenues les 15 janvier et 31 mars 2014 ont dépassé les exigences énoncées à l’alinéa 1015(6)b) de l’ALÉNA. Selon elle, dans les circonstances, les seuls « [...] renseignements pertinents à fournir à CGI sur les raisons du rejet de sa proposition [étaient] le fait que sa proposition technique n’[avait] pas obtenu la note minimale de 70 % pour être examinée davantage [...] »[37] [traduction] et que, inversement, les « [...] “caractéristiques et avantages” les plus pertinents de la proposition retenue [étaient] simplement que la proposition de Wipro [avait] obtenu la note minimale de 70 % et que, à la suite de l’évaluation de la proposition financière, la soumission de Wipro avait obtenu la note la plus élevée de toutes les propositions »[38] [traduction]. Par conséquent, Postes Canada affirme avoir fourni à CGI suffisamment de renseignements lors des réunions de compte rendu et, en fait, être allée « bien au-delà » [traduction] de l’exigence minimale[39]. De plus, Postes Canada soutient que ses obligations en matière de confidentialité à l’égard du soumissionnaire retenu, Wipro, l’empêchaient de fournir d’autres renseignements à CGI.
  3. De manière plus générale, Postes Canada conteste l’affirmation de CGI selon laquelle l’ALÉNA exige la communication de tous les renseignements et documents qu’elle a demandés ou oblige une entité fédérale à fournir des renseignements sous une forme particulière.
  4. Le 24 juin 2014, le Tribunal a ordonné à Postes Canada de produire des documents supplémentaires, y compris les fiches de notation individuelle et consensuelle concernant l’évaluation de la soumission de CGI.
  5. En réaction à l’ordonnance du Tribunal, Postes Canada a admis qu’elle ne pouvait produire les fiches de notation individuelle étant donné que sa politique consiste à les détruire après l’établissement des notes consensuelles[40]. Cependant, elle a produit les fiches de notation consensuelle concernant CGI et des grilles d’évaluation vierges qui auraient été utilisées par les évaluateurs pour évaluer sa soumission. Une fois de plus, Postes Canada soutient que tous les documents contenant le détail des critères d’évaluation et des pondérations constituent des renseignements commerciaux et exclusifs confidentiels de Postes Canada et doivent être désignés confidentiels afin d’assurer l’équité et l’efficacité des marchés publics futurs pour la prestation des mêmes services ou de services semblables[41].
  6. CGI réplique que l’interprétation de Postes Canada à l’égard de ses obligations en matière de compte rendu est trop étroite. Plus particulièrement, un compte rendu se limitant à fournir des explications de deuxième main rédigées à un moment où les intérêts de Postes Canada entraient en conflit avec ceux de CGI plutôt qu’une communication des meilleurs éléments de preuve disponibles est contraire aux objectifs de l’alinéa 1015(6)b) de l’ALÉNA, tout comme l’est la position apparente de Postes Canada selon laquelle tous les renseignements liés à la soumission et à l’évaluation de Wipro sont confidentiels[42].
  7. CGI ajoute que les documents supplémentaires produits conformément à l’ordonnance rendue le 24 juin 2014 par le Tribunal auraient dû être fournis lors de la réunion de compte rendu. Les arguments allégués à l’encontre de la communication de ces documents contenant le détail des critères d’évaluation et des pondérations, qui sont censés être confidentiels et n’ont pas à être fournis aux soumissionnaires, doivent être rejetés. CGI souligne que, dans les faits, ces raisons ne sont pas incluses dans le RIF, ce qui montre qu’elles ont peu d’importance pour Postes Canada et qu’elles vont à l’encontre du principe de transparence prévu par l’ALÉNA. En outre, la politique de Postes Canada consistant à détruire les fiches de notation individuelle n’est pas conforme aux exigences en matière de compte rendu énoncées dans l’ALÉNA, en plus de contrevenir directement à l’alinéa 1017(1)p). Les documents indiquent également que Postes Canada a adopté une politique inappropriée consistant à restreindre ses comptes rendus à une description générale des forces et des faiblesses de la proposition d’un soumissionnaire[43].
  8. Wipro n’a présenté aucune observation concernant ce motif de plainte.

Analyse

  1. Aux termes de l’ALÉNA, les institutions fédérales sont tenues, sur demande, de communiquer aux fournisseurs dont la soumission n’a pas été retenue les raisons du rejet de leur soumission ainsi que des renseignements concernant la soumission retenue. L’alinéa 1015(6)b) prévoit ce qui suit :

Une entité devra :

[...] 

b) sur demande, communiquer aux fournisseurs dont la soumission n’a pas été retenue des renseignements pertinents concernant les raisons du rejet, et les informer des caractéristiques et des avantages relatifs de la soumission retenue, ainsi que du nom de l’adjudicataire.

  1. Le paragraphe 1015(8) de l’ALÉNA limite ces obligations, prévoyant qu’une entité peut « [...] décider de ne pas divulguer certains renseignements relatifs à l’adjudication, si la communication de ces renseignements : a) ferait obstacle à l’application des lois ou serait autrement contraire à l’intérêt public, b) porterait préjudice aux intérêts commerciaux légitimes d’une personne donnée, ou c) pourrait nuire à une concurrence loyale entre les fournisseurs ».
  2. CGI adopte la position selon laquelle Postes Canada était tenue de lui fournir les documents et les renseignements demandés, énumérés ci-dessus. En résumé, ces documents et ces renseignements concernent la méthodologie de l’évaluation, l’évaluation de sa propre soumission, la soumission de Wipro et son évaluation ainsi que des précisions concernant les évaluateurs.
  3. À la lumière de l’alinéa 1015(6)b) de l’ALÉNA, il est utile de diviser ce motif de plainte en deux questions : celle de savoir si Postes Canada a fourni des « renseignements pertinents » concernant les raisons du rejet de la soumission de CGI et celle de savoir si elle a informé CGI « des caractéristiques et des avantages relatifs de la soumission retenue ».

Renseignements pertinents concernant les raisons du rejet de la soumission de CGI

  1. Le régime de réglementation des marchés publics établi par la Loi sur le TCCE et par les divers accords commerciaux, y compris l’ALÉNA, vise à créer un cadre dans lequel les marchés publics se déroulent dans un contexte d’équité, de concurrence, d’efficacité et d’intégrité[44]. Une procédure transparente de passation des marchés publics favorise l’atteinte de ces objectifs et est rendue obligatoire par diverses dispositions de l’ALÉNA régissant différents aspects du processus d’invitation à soumissionner. L’exigence prévue à l’alinéa 1015(6)b) de l’ALÉNA, selon laquelle une entité acheteuse doit expliquer à un fournisseur non retenu les raisons du rejet de sa soumission, est un moyen d’atteindre ces objectifs[45].
  2. Conformément à ces exigences, le Tribunal a conclu précédemment que la finalité première de l’obligation de fournir des renseignements pertinents sur les raisons du rejet d’une soumission est ce qui suit :

[...] faire preuve de transparence quant aux raisons du rejet de la proposition, tout en respectant le caractère confidentiel du contenu de toutes les propositions des soumissionnaires. Cette obligation permet au soumissionnaire non retenu de déterminer, le cas échéant, la nature de ses droits eu égard aux obligations prévues à l’ALÉNA[46].

  1. La nature précise des renseignements qui doivent être communiqués dépend des renseignements à l’égard desquels il est raisonnable de croire qu’ils donnent les raisons du rejet d’une soumission dans un cas donné. Compte tenu de l’alinéa 1015(6)b) de l’ALÉNA, les renseignements doivent porter sur les observations de ceux qui ont participé à la prise de décision, ce qui comprend les raisons du rejet de la proposition, ce en quoi ces raisons sont justifiées et la méthode utilisée pour les analyser[47].
  2. Postes Canada et CGI sont d’accord avec ces principes[48], mais elles sont en désaccord quant à leur application dans les circonstances de l’espèce.
  3. Les arguments de Postes Canada selon lesquels les seuls renseignements qu’elle était tenue par la loi de communiquer à CGI étaient que celle-ci n’avait pas obtenu la note de passage de 70 p. 100 après les étapes 7 et 8[49] vont clairement à l’encontre des principes susmentionnés. Ce seul fait n’indique aucunement comment ni pourquoi les évaluateurs sont arrivés à cette conclusion dans le cas présent, qui concerne l’évaluation d’une soumission non retenue en fonction d’un ensemble de critères cotés élaborés pour cerner des exigences complexes.
  4. Cependant, le Tribunal conclut que, dans leur ensemble, les réunions de compte rendu de Postes Canada ont été plus détaillées que ce que le RIF présente comme la norme minimale exigée par la loi. Notamment, la communication a consisté en deux comptes rendus verbaux indiquant les forces et les faiblesses de la proposition de CGI, accompagnés de copies des notes préparées aux fins du deuxième comptes rendus, et d’un document donnant un aperçu, quoique sommaire, de l’évaluation de la soumission de CGI. En outre, le Tribunal a toujours soutenu qu’il évalue le caractère suffisant d’un compte rendu selon son contenu et non sa forme[50]. Par conséquent, c’est sur ces prémisses que le Tribunal déterminera si Postes Canada a respecté ses obligations aux termes de l’alinéa 1015(6)b) de l’ALÉNA.
  5. Le Tribunal conclut que Postes Canada n’a même pas satisfait aux exigences de base de l’alinéa 1015(6)b) de l’ALÉNA en ne communiquant pas à CGI, à titre de soumissionnaire non retenu, le plan d’évaluation détaillé utilisé par les évaluateurs, y compris les critères, les échelles, les pondérations et la méthodologie de l’évaluation qu’ils ont appliqués. Non seulement est-il évident que les critères d’évaluation et la manière dont ils sont appliqués concernent les raisons du rejet d’une soumission, mais la communication de ces renseignements permet également aux soumissionnaires de déterminer leurs droits en vertu de l’ALÉNA, dont l’une des exigences centrales est que les entités acheteuses adjugent les contrats conformément aux critères spécifiés dans la documentation relative à l’appel d’offres[51]. Si une institution fédérale ne communique pas le contenu du plan d’évaluation et du guide à l’intention des évaluateurs utilisés dans un processus de sélection, il devient difficile pour un soumissionnaire de se convaincre que l’évaluation a été effectuée selon les exigences et la méthodologie spécifiées dans les documents d’appel d’offres. La non-communication de ces renseignements va non seulement à l’encontre de l’exigence relative à la transparence énoncée à l’alinéa 1015(6)b), mais elle nuit également à l’efficacité de la procédure de plainte concernant un marché public, puisqu’il est peu probable qu’elle facilite le règlement rapide des plaintes des soumissionnaires.
  6. Le Tribunal examinera maintenant les arguments de Postes Canada selon lesquels les renseignements détaillés sur l’évaluation ne doivent pas être fournis à CGI étant donné qu’il s’agit de renseignements commerciaux et exclusifs confidentiels de Postes Canada et que leur communication pourrait nuire à des marchés publics futurs pour la prestation des mêmes services ou de services semblables[52].
  7. Postes Canada soutient que la communication à un soumissionnaire non retenu d’un plan d’évaluation détaillé l’empêcherait de réutiliser, en tout ou en partie, le même plan d’évaluation, qui, selon elle, a été élaboré à grands frais, puisque si elle le réutilisait, le soumissionnaire non retenu, comme CGI, aurait un avantage injuste par rapport à d’autres soumissionnaires étant donné qu’il l’aurait déjà vu; en outre, cet avantage injuste ne pourrait être supprimé en communiquant les mêmes renseignements à tous les soumissionnaires dans le cadre d’un appel d’offres ultérieur étant donné que, selon Postes Canada, « il est bien connu » [traduction] que lorsque des renseignements très détaillés sur l’évaluation sont fournis, les soumissionnaires tendent à présenter des solutions de moindre qualité dans leurs soumissions.
  8. Au fond, les arguments de Postes Canada se résument en un avantage sur le plan administratif quant à la passation de marchés publics futurs à titre de justification pour se soustraire à ses obligations envers CGI dans le cadre du marché public en cause. Cela est très clairement prohibé. L’ALÉNA impose aux institutions fédérales l’obligation légale de passer chacun de leurs marchés publics conformément aux accords commerciaux applicables. En l’espèce, Postes Canada est tenue, dans un compte rendu, de fournir à CGI une explication raisonnable justifiant le rejet de sa proposition dans le cadre de la procédure de passation du marché public en cause.
  9. En outre, à part son argument concernant l’incommodité administrative, Postes Canada n’a fourni aucune explication raisonnable selon laquelle la décision du Tribunal à l’égard de ses obligations en matière de compte rendu en l’espèce rendrait impossible de mener une autre procédure de passation des marchés publics pour la prestation des mêmes services ou de services semblables conformément aux exigences de l’ALÉNA, y compris l’obligation d’éviter de créer un avantage discriminatoire pour un fournisseur potentiel. Plus particulièrement, le Tribunal rejette l’affirmation de Postes Canada selon laquelle « il est bien connu » que des renseignements détaillés sur l’évaluation conduisent les soumissionnaires à offrir des solutions de piètre qualité.
  10. De même, le Tribunal n’accepte pas l’affirmation de Postes Canada selon laquelle des renseignements détaillés sur l’évaluation ne doivent pas être communiqués à CGI dans le contexte d’un compte rendu concernant l’invitation à soumissionner en cause en raison de leur nature commerciale confidentielle, étant donné que Postes Canada n’a fourni aucun argument raisonnable à l’appui de cette affirmation à part de simplement l’invoquer.
  11. Comme l’a conclu le Tribunal dans Ecosfera, les institutions fédérales ne peuvent simplement affirmer que des questions de confidentialité se posent et, sur ce seul fondement, limiter la communication des renseignements qui sont raisonnablement demandés au cours d’une réunion de compte rendu[53]. En effet, lorsque l’alinéa 1015(6)b) et le paragraphe 1015(8) de l’ALÉNA sont interprétés ensemble, il ressort clairement que, dans chaque cas, les institutions fédérales doivent faire des efforts raisonnables pour trouver un équilibre entre leur obligation de communication et leur obligation de protéger les renseignements lorsque les cas précis énoncés au paragraphe 1015(8) exigent raisonnablement de le faire. En l’espèce, le Tribunal conclut que Postes Canada n’a pas fait d’efforts raisonnables pour trouver l’équilibre entre ces deux obligations.
  12. De plus, le Tribunal conclut que la non-communication des critères d’évaluation détaillés et de leurs pondérations, conjointement avec la non-communication des notes que CGI a obtenues relativement à ceux‑ci[54], a influé sur l’adéquation des explications de Postes Canada concernant l’évaluation de la soumission de CGI. En dépit de la portée apparente des deux réunions de compte rendu, il est demeuré difficile pour CGI d’évaluer l’incidence d’une des « faiblesses » décelées par l’équipe d’évaluation sur ses notes finales ou de comprendre comment les évaluateurs justifient le fait que sa soumission n’a pas obtenu le nombre maximum de points relativement à un critère particulier.
  13. Il est également évident que Postes Canada n’a pas fourni dans son compte rendu les notes et les raisons de l’évaluation des évaluateurs individuels. Comme elle l’a expliqué au cours de la présente procédure, Postes Canada estime que les évaluations individuelles ne sont plus pertinentes une fois que les notes consensuelles finales sont obtenues. En effet, elle a indiqué que sa politique en matière de marchés publics consiste à détruire les fiches de notation et les notes individuelles après l’achèvement des évaluations consensuelles[55].
  14. Le fait que les résultats finals de cette évaluation ont été fondés sur les notes consensuelles ne rend pas les notes individuelles et les raisons dénuées de pertinence quant au rejet de la proposition. Bien qu’il semble évident que les évaluations et les notes consensuelles finales, résultant d’un consensus au sein des évaluateurs, ne reflèteront pas nécessairement chacun des éléments d’appréciation de chaque évaluateur, les éléments d’appréciation de chacun des évaluateurs sont logiquement à la base de l’évaluation consensuelle. Ainsi, ils font partie intégrante du processus d’évaluation global. En effet, selon les directives données à l’équipe d’évaluation par Postes Canada avant le début de l’évaluation de la phase 2, avant la notation consensuelle, chaque évaluateur devait évaluer les soumissions individuellement, sans discuter avec d’autres évaluateurs, et tenir un registre de ses observations[56]. Cela démontre clairement que Postes Canada accordait elle-même une importance considérable à la partie individuelle de l’évaluation dans le cadre du processus d’évaluation global. L’importance du rôle des évaluateurs dans le cadre de chaque procédure de passation des marchés publics a, dans les faits, été soulignée par la Cour d’appel fédérale, qui a indiqué que « [...] les évaluateurs et leur évaluation des propositions sont au cœur du processus de passation des marchés publics »[57], de sorte que « [l]’intégrité du processus et la réalisation des fins importantes poursuivies par le régime réglementaire dépendent de la façon dont ils s’acquittent de leur tâche »[58].
  15. Par conséquent, les renseignements concernant les évaluations de la proposition de CGI par les évaluateurs individuels expliquent en partie l’établissement des notes finales et l’issue de l’invitation à soumissionner en cause; il s’agit donc de renseignements pertinents pour l’application de l’alinéa 1015(6)b) de l’ALÉNA, qui peuvent aider à faire preuve de transparence à l’égard d’un soumissionnaire non retenu qui cherche à comprendre comment sa soumission a été évaluée. Le défaut de Postes Canada de fournir ces renseignements est rendu plus inacceptable encore par le fait que le Tribunal a conclu, dans des décisions antérieures, que lorsque la notation consensuelle est utilisée, le compte rendu doit encore comprendre la communication des éléments d’appréciation de chaque évaluateur individuel ayant participé à l’évaluation consensuelle[59].
  16. De plus, et outre la question de savoir si Postes Canada a commis une erreur en détruisant les dossiers de l’évaluation individuelle[60], le Tribunal conclut que, dans le contexte d’un compte rendu, Postes Canada aurait dû fournir à CGI, sur demande, tous les éléments de preuve documentaires disponibles qui concernent l’évaluation de sa soumission. Les circonstances de l’espèce montrent que la communication de documents d’évaluation témoignant des raisons du rejet de la soumission et visant l’évaluation de l’offre du soumissionnaire est conforme à l’intention et à l’objet de l’alinéa 1015(6)b) de l’ALÉNA.
  17. En effet, la communication volontaire d’éléments de preuve contemporains des faits et concernant l’offre du soumissionnaire est la méthode la plus simple et la meilleure pour garantir la transparence et pour fournir un compte rendu approprié[61], tandis que la non-communication de ces renseignements ne soulève que des questions sur les raisons de leur dissimulation et fera probablement en sorte que le soumissionnaire aura des doutes à propos de l’intégrité du processus d’évaluation.
  18. Enfin, le Tribunal rejette l’affirmation de CGI selon laquelle Postes Canada était tenue, aux termes de l’alinéa 1015(6)b) de l’ALÉNA, de communiquer l’identité des évaluateurs ayant pris part à chaque étape du processus d’évaluation des exigences de la phase 2, leurs compétences et leurs relations, le cas échéant, avec le soumissionnaire retenu. Outre cette affirmation, CGI n’a présenté aucun argument ni aucune explication particulière quant aux raisons pour lesquelles ces renseignements sur l’identité des évaluateurs auraient dû être communiqués aux termes de l’alinéa 1015(6)b). Le Tribunal est d’avis que l’alinéa 1015(6)b) exige la communication de renseignements ayant trait à ce que les évaluateurs ont fait et sur la manière dont ils l’ont fait, plutôt que sur les évaluateurs eux-mêmes[62]. Cependant, le Tribunal fait remarquer également que si un soumissionnaire fournit à l’institution fédérale des motifs raisonnables pour la production de l’identité et des compétences des évaluateurs, comme une crainte raisonnable de partialité, l’institution fédérale doit alors envisager de communiquer ces renseignements durant le compte rendu. Cela est conforme à la façon de procéder du Tribunal à l’égard des requêtes visant la communication de renseignements qui lui sont présentées pendant une enquête – la partie plaignante doit fournir des motifs raisonnables pour sa demande. En l’espèce, le Tribunal conclut que CGI n’a pas fourni à Postes Canada des motifs raisonnables pour qu’elle lui communique ces renseignements et que, par conséquent, Postes Canada a agi raisonnablement en ne fournissant pas les renseignements demandés.
  19. Pour les motifs qui précèdent, le Tribunal conclut que cette partie du premier motif de plainte est fondée.

Renseignements concernant les caractéristiques et les avantages pertinents de la soumission retenue

  1. Lors de la première réunion de compte rendu tenue le 15 janvier 2014, Postes Canada n’a fourni aucun renseignement sur la proposition retenue[63]. Lors de la deuxième réunion de compte rendu tenue le 31 mars 2014, Postes Canada a fourni à CGI certains renseignements concernant les caractéristiques et les avantages de la soumission de Wipro[64]. Cependant, CGI soutient que Postes Canada aurait dû lui fournir plus de renseignements, y compris une copie (caviardée pour en protéger la confidentialité) de la proposition de Wipro, ainsi que les fiches de notation et les notes individuelles et consensuelles produites lors de l’évaluation de la proposition, son prix et le nombre total de points obtenus par la proposition retenue[65].
  2. L’alinéa 1015(6)b) de l’ALÉNA exige de l’entité acheteuse qu’elle communique, sur demande d’un fournisseur non retenu, les renseignements pertinents sur les « caractéristiques » et les « avantages » de la soumission retenue. Le mot « characteristic » (caractéristique) s’entend d’une « particularité ou qualité appartenant généralement à une [...] chose » [traduction] et le mot « advantage » (avantage) d’une « condition ou circonstance qui place quelqu’un dans une position favorable ou supérieure [...] »[66] [traduction]. Ce libellé laisse entendre que l’ALÉNA exige des entités acheteuses qu’elles communiquent à un soumissionnaire non retenu les points forts de la soumission retenue[67]. En outre, la communication de renseignements sur la soumission retenue, aux termes de l’alinéa 1015(6)b), est contrebalancée par la nécessité de protéger les renseignements commerciaux confidentiels d’autres soumissionnaires, comme le précise le paragraphe 1015(8)[68].
  3. Le compte rendu de Postes Canada concernant les avantages et les caractéristiques de la proposition de Wipro était conforme à l’alinéa 1015(6)b) et au paragraphe 1015(8) de l’ALÉNA. Postes Canada a informé CGI que la soumission de Wipro avait été retenue étant donné qu’elle avait obtenu la note globale la plus élevée. De plus, elle l’a informée que la proposition de Wipro était, dans son ensemble, bien élaborée et ciblée, qu’elle satisfaisait à toutes les exigences de la DP et qu’elle ne comportait pas d’énoncés généraux sans justification[69]. Postes Canada a également décrit, en termes généraux, comment chaque aspect de la réponse de Wipro (c’est-à-dire différentes parties de sa proposition technique et son exposé oral) avait été jugé approprié, avec renvoi au critère d’évaluation. Bien que les explications fournies n’aient pas compris les détails étayant la proposition de Wipro, elles étaient, surtout de concert avec les raisons du rejet de la soumission de CGI, raisonnablement informatives quant aux « caractéristiques » et aux « avantages » de la soumission de Wipro.
  4. En effet, si Postes Canada avait fourni les détails de la proposition de Wipro, qui ont permis à celle‑ci d’appuyer et de démontrer l’adéquation de sa proposition, elle aurait risqué de communiquer à un concurrent des renseignements commerciaux ou exclusifs confidentiels, manquant ainsi à ses obligations envers Wipro. D’accepter l’argument de CGI selon lequel tous les renseignements particuliers qu’elle demandait devaient lui être fournis poserait un risque encore plus grand que Postes Canada dévoile des renseignements sensibles appartenant à un tiers.
  5. Enfin, le Tribunal conclut que la jurisprudence concernant l’application de la Loi sur l’accès à l’information[70] n’appuie pas la proposition selon laquelle les renseignements demandés par CGI par rapport à la soumission de Wipro doivent être communiqués dans le contexte d’un compte rendu prévu par l’ALÉNA[71]. Comme le reconnaît CGI, les processus de communication de renseignements aux termes de l’ALÉNA et de la Loi sur l’accès à l’information sont des processus distincts qui s’appliquent en parallèle. De plus, le Tribunal conclut que la décision de la Cour fédérale du Canada selon laquelle il n’y a généralement plus de raisons de considérer comme confidentiels les documents d’appel d’offres après l’adjudication du contrat (ou après la clôture de l’invitation à soumissionner pour une autre cause)[72] ne s’applique pas dans le contexte d’un compte rendu prévu par l’ALÉNA. En règle générale, une réunion de compte rendu est tenue peu de temps après la clôture du processus d’invitation à soumissionner, ayant pour objectif principal de permettre à un soumissionnaire non retenu de déterminer ses droits en application des exigences de l’ALÉNA. Cela comprend la décision de déposer ou non une plainte auprès du Tribunal relativement à l’invitation à soumissionner et pourrait notamment mener le Tribunal à finalement recommander l’annulation de l’appel d’offres et la publication d’un nouvel appel d’offres. Dans ce contexte, permettre à un soumissionnaire de connaître les particularités de la soumission d’un concurrent porterait préjudice aux intérêts commerciaux légitimes de ce concurrent et pourrait nuire à une concurrence loyale dans le cadre d’un nouvel appel d’offres ou d’un appel d’offres connexe, ce qui va à l’encontre du paragraphe 1015(8) de l’ALÉNA.
  6. Pour ces motifs, le Tribunal conclut que cette partie du premier motif de plainte n’est pas fondée.

Deuxième motif : Postes Canada s’est écartée du plan d’évaluation publié, allant ainsi à l’encontre du paragraphe 1013(1) et des alinéas 1015(4)c) et 1015(4)d) de l’ALÉNA

  1. Quant à son deuxième motif de plainte, CGI allègue que Postes Canada a évalué sa proposition de façon non conforme au plan d’évaluation publié dans la trousse de la phase 2 relativement aux étapes 7 et 8, et ce à trois égards.
  2. L’ALÉNA exige d’une entité acheteuse qu’elle remette aux fournisseurs potentiels tous les renseignements nécessaires pour leur permettre de présenter des soumissions valables, notamment les critères d’adjudication du contrat[73]. De même, il prévoit également que, pour être prise en considération en vue de l’adjudication, une soumission doit être conforme aux conditions essentielles spécifiées dans la documentation relative à l’appel d’offres et exige des entités acheteuses qu’elles adjugent les marchés conformément aux critères et aux conditions essentielles qui figurent dans la documentation relative à l’appel d’offres[74].
  3. Il est bien établi qu’une entité acheteuse s’acquittera de ces obligations si elle effectue une évaluation raisonnable. Le Tribunal ne substituera pas son jugement à celui des évaluateurs à moins qu’il juge l’évaluation déraisonnable, comme lorsque les évaluateurs donnent une interprétation erronée de la portée d’une exigence, qu’ils fondent leur évaluation sur des critères non divulgués ou qu’ils n’effectuent pas l’évaluation d’une manière équitable du point de vue de la procédure[75]. Il est également reconnu qu’il incombe aux soumissionnaires de vérifier que leur soumission est valable, ce qui comprend nécessairement de s’assurer de comprendre les exigences et de demander rapidement des éclaircissements, au besoin[76].
  4. Par conséquent, une entité acheteuse respectera ses obligations aux termes de l’ALÉNA pourvu qu’elle utilise une méthode d’évaluation qui est logiquement compatible avec la méthodologie et les critères indiqués dans les documents d’appel d’offres (y compris dans les éclaircissements supplémentaires) et qui pourrait être raisonnablement anticipée ou déduite à partir de ceux-ci. De façon semblable, si une entité acheteuse décide d’utiliser des guides d’évaluation fondés sur des critères plus détaillés que ceux qui sont publiés dans les documents d’appel d’offres, l’évaluation demeurera raisonnable si ces directives détaillées sont conformes aux critères publiés et pourraient être anticipées ou déduites à partir de ceux-ci[77].
  5. Le Tribunal a examiné les allégations de CGI et, pour les motifs qui suivent, conclut qu’elles ne sont pas fondées.

Allégation selon laquelle Postes Canada a appliqué des « critères de pondération » non divulgués

  1. CGI soutient que Postes Canada a appliqué à différents aspects des propositions une pondération plus importante qu’à d’autres, alors qu’il n’était aucunement indiqué dans la trousse de la phase 2 qu’il y aurait une « pondération » des critères. Plus particulièrement, elle allègue avoir découvert, pour la première fois lors de la deuxième réunion de compte rendu tenue le 31 mars 2014, que la pondération des critères de la section 5.2.2 de la DP était plus élevée que celle des critères de la section 5.2.1 et que la pondération de la section 5.3.2 était plus élevée que celle de la section 5.3.1[78].
  2. Le RIF explique que Postes Canada n’a pas utilisé de critères de « pondération » non divulgués, puisqu’elle a indiqué aux soumissionnaires les pondérations relatives des sections 5.2 et 5.3 de la trousse de la phase 2 au moyen d’un document questions-réponses distribué le 19 juin 2013[79]. De plus, dans la mesure où CGI considérait ces renseignements comme insuffisants, elle disposait de 10 jours ouvrables à compter de cette date pour présenter une opposition ou pour déposer une plainte.
  3. CGI ne conteste pas le fait que le document questions-réponses a effectivement été distribué et qu’il portait sur les pondérations relatives des sections en question. Cependant, elle soutient que les documents supplémentaires produits par Postes Canada montrent que l’utilisation de pondérations non divulguées en matière de points allait au-delà des pondérations différentielles accordées aux sections 5.2 et 5.3. Sur ce motif, CGI allègue que les fournisseurs potentiels ne pouvaient présenter des soumissions valables[80].
  4. Wipro soutient que la plainte de CGI concernant les critères de pondération n’est pas fondée et n’a pas été déposée dans les délais.
  5. Il est évident que la trousse de la phase 2 n’indiquait que la pondération générale qui serait attribuée aux sections des propositions. Par exemple, elle indiquait que les sections 5.2.1 et 5.2.2 prises ensemble pouvaient valoir jusqu’à un maximum de 20 points et que les sections 5.3.1 et 5.3.2 prises ensemble représentaient 13 points sur le nombre total de points pouvant être obtenus à l’étape 7 du plan d’évaluation. En outre, après qu’un autre soumissionnaire eut demandé à Postes Canada de fournir une répartition plus détaillée des points associés à ces sections, Postes Canada a répondu, dans le document publié le 19 juin 2013, ce qui suit :

Aucune répartition plus détaillée des notes ne sera fournie relativement à la section 5.0. Le poids accordé à la section 5.2.2 sur les 20 points est plus élevé que celui qui est accordé à la section 5.2.1. Le poids accordé à la section 5.3.2 sur les 13 points est plus élevé que celui qui est accordé à la section 5.3.1[81].

[Soulignement dans l’original, traduction]

  1. Aucun autre détail n’a été fourni quant à la pondération de la pléthore de critères d’évaluation applicables aux sections 5.1, 5.2 et 5.3 de l’étape 7.
  2. Dans ce contexte, le Tribunal conclut que la DP n’indiquait pas que Postes Canada appliquerait une distribution particulière de points pour les critères détaillés relatifs à chaque aspect de l’évaluation de l’étape 7, à part les poids globaux des sections et la valeur relative des critères mentionnés dans les éclaircissements donnés le 19 juin 2013. Contrairement à ce que soutient CGI, l’interprétation du silence de la DP comme indiquant que chacun de ces critères détaillés pour lesquels une pondération n’était pas précisée avait la même importance relative n’est pas raisonnable. Cela est particulièrement vrai à la lumière des éclaircissements donnés par Postes Canada le 19 juin 2013, dans lesquels elle évoquait l’existence de critères d’une importance inégale et refusait de fournir une répartition plus détaillée. CGI ne souligne rien dans les documents d’appel d’offres qui indique expressément ou par déduction qu’un certain poids serait accordé à un critère particulier ou que le même poids serait accordé à tous les critères.
  3. Par conséquent, au moment de l’évaluation, le peu de détails publiés relativement aux critères de pondération donnait à Postes Canada une grande latitude pour appliquer les poids qu’elle jugeait appropriés. Le Tribunal ne peut conclure que Postes Canada s’est écartée de quoi que ce soit dans les renseignements publiés en accordant plus d’importance à certains critères qu’à d’autres.
  4. Le Tribunal est d’avis que l’essence de la plainte de CGI est en fait que les documents de la DP ne fournissaient pas une répartition suffisamment détaillée ou précise des points accordés à chaque critère, de sorte que les soumissionnaires ne pouvaient présenter des soumissions valables[82]. Cependant, une allégation selon laquelle Postes Canada a contrevenu à ses obligations aux termes de l’ALÉNA de communiquer sous une forme suffisamment détaillée les règles de l’invitation à soumissionner en cause ne peut plus être avancée à ce stade-ci et est hors de la portée de la présente enquête.
  5. Comme indiqué précédemment, le fait que les pondérations détaillées ne sont pas indiquées est évident au vu des documents d’appel d’offres. CGI était au courant ou aurait dû être au courant du manque de détails concernant la pondération des critères lorsqu’elle a consulté pour la première fois la trousse de la phase 2 ou du moins le 19 juin 2013, à la suite du refus de Postes Canada de fournir une répartition plus détaillée. Si CGI considérait que cette communication était insuffisante, il lui incombait de réagir rapidement, conformément au Règlement qui indique clairement qu’une partie plaignante dispose de 10 jours ouvrables suivant la date où elle a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l’origine de sa plainte pour soit présenter son opposition à l’institution fédérale, soit déposer une plainte auprès du Tribunal[83]. CGI a plutôt choisi d’attendre, contrairement à la jurisprudence bien établie selon laquelle les plaintes fondées sur l’interprétation des documents d’appel d’offres doivent être déposées (ou les oppositions doivent être présentées) au début du processus, et non après l’adjudication du contrat[84].
  6. Par conséquent, le Tribunal ne peut, sur ce motif, conclure que Postes Canada s’est écartée des critères d’évaluation publiés.

Allégation selon laquelle Postes Canada s’est écartée du plan d’évaluation en recourant à différentes équipes d’évaluation

  1. CGI allègue aussi que Postes Canada a agi en contravention du plan d’évaluation en recourant à différentes équipes d’évaluation pour évaluer les propositions techniques à l’étape 7, ainsi que les exposés oraux et les visites sur place à l’étape 8. Elle soutient que la DP exigeait le recours à une seule équipe d’évaluation à toutes les étapes de l’évaluation, précisément parce qu’elle prévoyait que des renseignements contradictoires révélés à des étapes ultérieures pourraient être utilisés pour vérifier et modifier les notes des étapes antérieures[85].
  2. Postes Canada admet avoir eu recours à différentes équipes d’évaluation aux étapes 7 et 8. Cependant, elle maintient l’avoir fait conformément à la DP publiée, y compris les sections 3.3 et 3.3.1. La section 3.3 informait les soumissionnaires que Postes Canada « se réservait le droit » [traduction] de réexaminer les propositions techniques écrites à la lumière de « renseignements contradictoires » découverts durant les exposés oraux. De façon semblable, la section 3.3.1 informait les soumissionnaires que Postes Canada « se réservait le droit » de réviser les notes de la proposition technique d’un soumissionnaire et de son exposé oral à la lumière de « renseignements contradictoires » découverts durant les visites sur place[86].
  3. Postes Canada souligne que les sections 3.3 et 3.3.1 ne prévoyaient qu’une option, et non une obligation, qu’elle aurait pu ignorer complètement sans s’écarter du plan d’évaluation publié. Quoi qu’il en soit, Postes Canada a structuré l’évaluation et la composition de l’équipe d’évaluation d’une manière qui lui donnait une occasion adéquate de se prévaloir de cette option. Elle souligne également que, puisque les mêmes équipes ont été utilisées pour tous les soumissionnaires à toutes les étapes, l’évaluation des soumissions a été constante et équitable[87].
  4. En réponse, CGI soutient que plusieurs dispositions de la DP mentionnaient une seule équipe d’évaluation. De plus, il était impossible pour Postes Canada d’effectuer efficacement la révision des notes à la suite des visites sur place et des exposés oraux sans recourir à la même équipe à toutes les étapes de l’évaluation[88].
  5. Wipro est d’accord avec Postes Canada sur le fait que la DP n’empêchait pas Postes Canada de varier la composition de l’équipe d’évaluation à différentes étapes du processus d’évaluation.
  6. L’expression « équipe d’évaluation » [traduction] est utilisée au singulier dans la DP. En outre l’« équipe d’évaluation » est définie comme ayant « [...] le sens qui lui est attribué à la section 4.2 de la DP à la phase 1 » [traduction], qui à son tour indique qu’« [u]ne équipe d’évaluation évaluera les propositions »[89] [traduction].
  7. Le Tribunal est d’avis qu’aucune de ces dispositions ne portait sur la composition de l’équipe d’évaluation ni ne sous-entendait nécessairement que les mêmes évaluateurs formeraient cette équipe. À la lumière de ces dispositions, le Tribunal estime raisonnable la position de Postes Canada selon laquelle la composition de l’équipe d’évaluation pouvait varier à différentes étapes du processus.
  8. Le Tribunal estime également que le changement de la composition de l’équipe d’évaluation à diverses étapes du processus d’évaluation de la phase 2 est conforme en soi à la structure globale du plan d’évaluation publié. L’ensemble du processus d’évaluation était subdivisé en unités ou étapes plus petites, à la fois entre la phase 1 et la phase 2, et dans la phase 2 elle-même. En outre, il ressort clairement de la trousse de la phase 2 que les étapes 7 et 8 du plan d’évaluation servaient à évaluer différents aspects de la proposition d’un soumissionnaire, puisque la première concernait la soumission écrite, comprenant des démonstrations complètes, précises et hautement techniques de la solution proposée du soumissionnaire, tandis que la dernière visait à évaluer l’exposé oral du soumissionnaire et à donner l’occasion d’effectuer des visites sur place. Rien dans cette structure n’empêche la composition de l’équipe d’évaluation de varier à une étape donnée et, étant donné la grande complexité technique des certaines parties des exigences, il était raisonnablement conforme à la structure de la DP que Postes Canada recoure à des experts pour certaines parties de l’évaluation et à des évaluateurs possédant différentes compétences pour d’autres.
  9. L’argument de CGI basé sur les clauses qui réservent le droit à Postes Canada de réviser les notes en raison de renseignements contradictoires découverts à une étape ultérieure ne fait pas échec à cette conclusion. La méthode d’évaluation que Postes Canada a appliquée donnait raisonnablement effet à ces clauses. Par exemple, même si les membres de l’équipe d’évaluation des soumissions à l’étape 7 et des exposés oraux à l’étape 8 n’étaient pas les mêmes, une équipe d’observateurs, qui comprenait cinq des onze personnes qui avaient évalué les propositions écrites à l’étape 7, a également assisté aux exposés oraux[90]. C’est ce groupe d’observateurs qui décidait alors si l’exposé oral divulguait des « renseignements contradictoires » qui exigeraient de réviser les notes de l’étape 7. De même, quatre des onze membres de l’équipe d’évaluation des propositions écrites à l’étape 7, dont deux qui avaient également assisté aux exposés oraux, ont pris part aux visites sur place[91]. Aucun renseignement contradictoire n’a été découvert relativement à quelque proposition que ce soit.
  10. Sur ce fondement, le Tribunal conclut que le recours de Postes Canada à une équipe d’évaluation dont la composition a varié n’était pas interdit par quelque disposition de la DP que ce soit et que, en fait, il établissait des mesures réalistes pour garantir que l’évaluation de ces exigences complexes et considérables serait effectuée en faisant preuve de diligence raisonnable. Par conséquent, la plainte de CGI à cet égard n’est pas fondée.

Allégation selon laquelle Postes Canada s’est écartée du plan d’évaluation en n’engageant pas le processus de révision des notes antérieures en fonction des exposés oraux

  1. CGI allègue que l’évaluation de Postes Canada a été contraire à la section 3.3 de la trousse de la phase 2, puisque les notes de Mme Walker pour la réunion de compte rendu tenue le 31 mars 2014 indiquaient que Postes Canada avait examiné l’opportunité de réviser des notes des exposés oraux après les visites sur place ayant eu lieu à l’étape 8, mais ne mentionnaient pas qu’une révision des notes des propositions techniques de l’étape 7 avait été considérée à la suite des exposés oraux[92].
  2. Dans le RIF, Postes Canada a indiqué que, en fait, cette révision était envisagée (mais qu’aucune note n’a été changée, puisqu’aucun « renseignement contradictoire » n’a été découvert lors des exposés oraux)[93] et qu’elle n’était aucunement tenue, relativement à la trousse de la phase 2, d’effectuer une telle révision étant donné que la clause en question octroyait un pouvoir discrétionnaire à Postes Canada, et n’imposait pas d’obligation d’effectuer la révision.
  3. Les renseignements divulgués dans le RIF, et notamment les déclarations écrites sous serment de Mme Walker et de M. Bezanson, indiquent que Postes Canada a examiné la question de savoir si l’exposé oral de CGI dévoilait des renseignements contradictoires qui justifieraient la révision de sa note à l’étape 7. En outre, comme le Tribunal l’a déjà expliqué dans la section précédente, il estime que le fait que différents évaluateurs aient formé l’équipe d’évaluation des étapes 7 et 8 ne rendait pas impossible, dans les circonstances, le déclenchement du processus de révision prévu à la section 3.3 de la trousse de la phase 2. Pour ce motif, le Tribunal conclut que la plainte de CGI à cet égard n’est pas fondée non plus.

MESURE CORRECTIVE

  1. Le Tribunal juge que la plainte de CGI est fondée en partie : Postes Canada n’a pas fourni à CGI tous les renseignements pertinents quant aux raisons du rejet de sa soumission, contrairement à l’alinéa 1015(6)b) de l’ALÉNA.
  2. Par conséquent, le Tribunal doit examiner la mesure corrective appropriée, conformément aux paragraphes 30.15(2) et 30.15(3) de la Loi sur le TCCE.
  3. CGI demande à Postes Canada de lui fournir une liste de documents et des renseignements concernant la procédure de passation du marché public, d’annuler le contrat adjugé dans le cadre de la DP et de lancer un nouvel appel d’offres. Subsidiairement, CGI demande d’être indemnisée pour sa perte de profits, pour sa perte d’opportunité et/ou pour les frais qu’elle a engagés pour la préparation de sa soumission. Subsidiairement encore, elle demande une réévaluation de toutes les soumissions. CGI demande également le remboursement des frais de la procédure qu’elle a engagés relativement à la présente plainte. Elle soutient que le préjudice causé à l’intégrité du mécanisme d’adjudication et la durée du contrat subséquent justifient les mesures correctives qu’elle demande et l’emportent sur les intérêts privés de Wipro.
  4. Postes Canada soutient que, advenant toute conclusion de violation, les mesures correctives demandées sont démesurées par rapport aux violations alléguées, puisqu’aucune des violations n’a pu avoir une incidence importante sur la note de CGI après les étapes 7 et 8, et donc sur le rejet de sa proposition. De plus, la mesure corrective appropriée pour avoir contrevenu à l’obligation en matière de compte rendu consisterait à exiger de Postes Canada qu’elle fournisse, dans le format de son choix, les renseignements supplémentaires indiqués par le Tribunal. La recommandation relative à la mesure corrective doit également tenir compte du fait que Postes Canada a passé le marché public en cause en adoptant une attitude libérale à l’égard de ses obligations aux termes de l’ALÉNA, faisant même appel à un surveillant de l’équité, et en s’efforçant, de bonne foi, de respecter toutes les exigences et obligations applicables.
  5. Wipro soutient que le Tribunal ne doit ordonner aucune mesure corrective qui perturberait le contrat adjugé, qui est déjà en cours d’exécution.
  6. Pour recommander une mesure corrective appropriée aux termes du paragraphe 30.15(3) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit tenir compte de tous les facteurs qui interviennent dans le marché en question, notamment 1) la gravité des irrégularités qu’il a constatées, 2) l’ampleur du préjudice causé à CGI ou à tout autre intéressé, 3) l’ampleur du préjudice causé à l’intégrité ou à l’efficacité du mécanisme d’adjudication, 4) la bonne foi des parties et 5) le degré d’exécution du contrat.
  7. Les irrégularités constatées sont graves en raison de leur incidence importante sur l’intégrité et sur l’efficacité du mécanisme d’adjudication. La violation des obligations de compte rendu risque d’avoir des répercussions considérables sur la confiance des soumissionnaires et du public envers l’intégrité et l’efficacité du mécanisme d’adjudication. Comme indiqué précédemment, les obligations de compte rendu prévues par l’ALÉNA constituent un moyen d’assurer la transparence du mécanisme d’adjudication, qui soutient les objectifs du régime d’adjudication aux termes de la Loi sur le TCCE et des accords commerciaux. Plus particulièrement, les réunions de compte rendu servent à démontrer que la procédure de passation du marché public a été menée avec intégrité, à fournir aux soumissionnaires les renseignements nécessaires pour faire valoir, le cas échéant, leurs droits en vertu de l’ALÉNA et peuvent faciliter le règlement plus rapide des litiges entre les parties. Tous ces éléments sont essentiels pour que le mécanisme fonctionne efficacement.
  8. Cette violation a causé un préjudice à CGI elle-même dans la mesure où elle a dû engager des frais pour la présente plainte, y compris une requête de divulgation de documents, afin d’obtenir le compte rendu approprié. Cependant, le manquement aux obligations de compte rendu, qui a eu lieu après l’adjudication du contrat, n’a pu avoir de conséquences sur la capacité de CGI à participer à la procédure de passation du marché public ou sur sa capacité à obtenir le contrat. Ce processus d’appel d’offres n’a pas été modifié considérablement par le manquement de Postes Canada, puisque le manquement constaté est sans conséquence sur son issue et sur l’adjudication du contrat subséquent.
  9. À la lumière de ces circonstances, ajoutées au fait que rien n’indique que Postes Canada a agi de mauvaise foi et au fait que l’exécution du contrat semble avoir commencé et occasionné des dépenses importantes[94], le Tribunal recommande à la Société canadienne des postes, en son nom ou par le biais d’Innovaposte Inc., de fournir à CGI les renseignements pertinents, indiqués dans la décision du Tribunal, concernant les raisons du rejet de la soumission qu’elle a présentée en réponse à l’invitation à soumissionner en cause. Le Tribunal recommande également à la Société canadienne des postes, dans le cas de marchés publics pour son propre compte ou par l’entremise d’Innovaposte Inc., modifie ses pratiques et ses politiques par rapport aux entretiens finaux afin qu’ils soient conformes aux principes indiqués par le Tribunal dans les motifs de sa décision.
  10. Le Tribunal est d’avis que la mesure corrective recommandée corrige de façon appropriée les effets adverses du manquement de Postes Canada. Il considère que le souci d’équité et d’efficacité ou l’intérêt du public à l’égard de l’intégrité et de l’efficacité du mécanisme d’adjudication n’exige pas de recommander une mesure corrective qui mènerait à l’annulation du contrat adjugé à Wipro, puisque, comme expliqué précédemment, le manquement particulier constaté dans le cadre de la présente enquête ne concerne que des faits et des actions de Postes Canada qui ont eu lieu après l’adjudication du contrat. Pour les mêmes raisons, le Tribunal n’accordera pas à CGI, aux termes du paragraphe 30.15(4) de la Loi sur le TCCE, le remboursement des frais qu’elle a engagés pour la préparation de sa soumission ni une indemnité pour perte de profits ou d’opportunité.

FRAIS

  1. CGI demande le remboursement de ses frais de la procédure. Postes Canada demande le remboursement des frais qu’elle a engagés pour répondre à la plainte si celle-ci est rejetée, mais elle soutient que si la plainte s’avère fondée en partie, chaque partie doit assumer ses propres frais. Wipro ne demande pas le remboursement de ses frais.
  2. Le Tribunal décide d’accorder à CGI le remboursement des frais raisonnables qu’elle a engagés dans le cadre de la procédure, ces frais devant être payés par la Société canadienne des postes ou par Innovaposte Inc.
  3. Pour décider du montant de l’indemnité en l’espèce, le Tribunal a tenu compte de sa Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public (la Ligne directrice), qui fonde l’évaluation du degré de complexité d’une plainte sur trois critères : la complexité du marché public, la complexité de la plainte et la complexité de la procédure. À cet égard, l’invitation à soumissionner en cause concernait un projet de services complexe comportant de nombreuses exigences cotées. La plainte visait plusieurs questions touchant différents aspects de la procédure de passation du marché public et plusieurs exigences prévues par l’ALÉNA. En outre, la procédure elle-même comprenait de nombreuses requêtes et demandes, le dépôt de renseignements supplémentaires au-delà de la portée normale de la procédure et une prolongation du délai à 135 jours. Par conséquent, la détermination provisoire du Tribunal quant au degré de complexité de la plainte est le degré 3 et le montant provisoire de l’indemnité est 4 700 $.

DÉCISION DU TRIBUNAL

  1. Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal détermine que la plainte est fondée en partie.
  2. Aux termes des paragraphes 30.15(2) et 30.15(3) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal recommande que la Société canadienne des postes, pour son propre compte ou par l’entremise d’Innovaposte Inc., fournisse à CGI les renseignements pertinents, indiqués dans la décision du Tribunal, concernant les motifs de rejet de la soumission présentée par CGI en réponse à l’invitation no 2012-SDL-006. Le Tribunal recommande également que la Société canadienne des postes, dans le cas de marchés publics pour son propre compte ou par l’entremise d’Innovaposte Inc., modifie ses pratiques et ses politiques par rapport aux entretiens finaux afin qu’ils soient conformes aux principes indiqués par le Tribunal dans les motifs de sa décision.
  3. Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal accorde à CGI le remboursement des frais raisonnables qu’elle a engagés pour la préparation et le dépôt de sa plainte, ces frais devant être payés par la Société canadienne des postes ou Innovaposte Inc. En conformité avec la Ligne directrice, l’indication provisoire du Tribunal du degré de complexité de la présente plainte est le degré 3, et son indication provisoire du montant de l’indemnité est 4 700 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui a trait à l’indication provisoire du degré de complexité ou à l’indication provisoire du montant de l’indemnité, elle peut présenter des observations auprès du Tribunal, en conformité avec l’article 4.2 de la Ligne directrice. Il relève de la compétence du Tribunal de fixer le montant définitif de l’indemnité.
 

[1].     L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.) [Loi sur le TCCE].

[2].     Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis d’Amérique et le gouvernement des États-Unis du Mexique, 17 décembre 1992, R.T.C. 1994, no 2 (entré en vigueur le 1er janvier 1994) [ALÉNA].

[3].     D.O.R.S./93-602 [Règlement].

[4].     D.O.R.S./91-499.

[5].     Pièce PR-2014-006-20, vol. 1G.

[6].     Pièce PR-2014-006-23, vol. 1G.

[7].     Pièce PR-2014-006-27, vol. 1G; pièce PR-2014-006-27A (protégée), vol. 2I.

[8].     Pièce PR-2014-006-14B (protégée), onglet 2, pièce A, vol. 2G.

[9].     Pièce PR-2014-006-14A au par. 94, vol. 1E.

[10].   Pièce PR-2014-006-14B (protégée), onglet 2, pièce A, articles 3.2, 3.3, 3.4, 3.6, vol. 2G.

[11].   Pièce PR-2014-006-01, pièce 4, vol. 1D.

[12].   Pièce PR-2014-006-01, pièce 5, vol. 1D.

[13].   Pièce PR-2014-006-01, pièce 4, vol. 1D.

[14].   Pièce PR-2014-006-01, pièce 4, vol. 1D.

[15].   Pièce PR-2014-006-14A au par. 52, vol. 1E.

[16].   Pièce PR-2014-006-14A aux par. 57-60, vol. 1E; pièce PR-2014-006-14A, onglet 2 aux par. 31-35, vol. 1E; pièce PR-2014-006-14A, onglet 3 aux par. 10-13, vol. 1E; pièce PR-2014-006-14B (protégée), onglet 2, pièces D et E, vol. 2G.

[17].   Pièce PR-2014-006-01, pièce 6, vol. 1.

[18].   Pièce PR-2014-006-01, pièce 7, vol. 1D.

[19].   Pièce PR-2014-006-01, pièce 8, vol. 1D.

[20].   Pièce PR-2014-006-14B (protégée) aux par. 65-69, vol. 2G; pièce PR-2014-006-14A, onglet 2, pièces F et G, vol. 1E; pièce PR-2014-006-14B (protégée), onglet 3, et pièces jointes C et D, vol. 2G.

[21].   Pièce PR-2014-006-01, pièce 9, vol. 1D.

[22].   Pièce PR-2014-006-01, pièce 10, vol. 1D.

[23].   Section 1.1 de la phase 1 de la demande de propositions pour la prestation de services de centre de données, pièce PR-2014-006-14A, onglet 2, pièce A, vol. 1E.

[24].   Sections 1.1 et 1.3 de la phase 1 de la demande de propositions pour la prestation de services de centre de données, pièce PR-2014-006-14A, onglet 2, pièce A, vol. 1E.

[25].   La section 1.4.1 de la phase 1 de la demande de propositions pour la prestation de services de centre de données indiquait qu’« [...] Innovaposte est à la recherche d’un Fournisseur de services qui peut assurer [...] la prestation efficiente, stable et efficace de services de centre de données afin de valoriser le [Groupe d’entreprises de Postes Canada] » [traduction] et que le résultat de l’initiative est de « [c]réer des synergies technologiques au sein du centre de données du [Groupe d’entreprises de Postes Canada] » [traduction], pièce PR-2014-006-14A, onglet 2, pièce A, vol. 1E.

[26].   Pièce PR-2014-006-14A au par. 4, vol. 1E.

[27].   Pièce PR-2014-006-14A au par. 5, vol. 1E.

[28].   Pièce PR-2014-006-14A, onglet 2 au par. 1, vol. 1E.

[29].   Pièce PR-2014-006-14A, onglet 2 au par. 16, vol. 1E; pièce PR-2014-006-14B (protégée), onglet 2 aux par. 16‑27, vol. 2G.

[30].   Pièce PR-2014-006-14A au par. 12, et onglet 2, pièce A, articles 1.1, 1.3, vol. 1E.

[31].   Pièce PR-2014-006-14A aux par. 12, 20, vol. 1E.

[32].   Voir Canada (Procureur général) c. Symtron Systems Inc., [1999] 2 RCF 514, dans laquelle la Cour d’appel fédérale a conclu que, « [d]ans le cadre de l’ALÉNA, les parties ne peuvent élaborer les marchés de manière à les soustraire à l’assujettissement à l’ALÉNA » et que cela exige que « [...] le TCCE ait le pouvoir de décider [qui est] le véritable maître de l’ouvrage [...] » selon les faits de l’espèce. Voir, au contraire, Canada (Procureur général) c. Canada North Inc., 2007 CAF 93 (CanLII).

[33].   Les parties n’ont pas présenté d’observations sur l’applicabilité d’autres accords commerciaux. Dans les circonstances, étant donné la compétence établie du Tribunal en vertu de l’ALÉNA et les questions de fond en jeu, il n’est pas nécessaire de déterminer si d’autres accords commerciaux s’appliquent.

[34].   Pièce PR-2014-006-01 aux par. 9-11, 37, 132, 141, vol. 1. La présente liste reflète celle que CGI a incluse dans la lettre qu’elle a adressée à Postes Canada le 11 mars 2014, avant la deuxième réunion de compte rendu. Pièce PR‑2014-006-01, pièce 8, vol. 1D.

[35].   (11 juillet 2007), PR-2007-004 (TCCE) [Ecosfera].

[36].   Ecosfera au par. 32.

[37].   Pièce PR-2014-006-14A au par. 111, vol. 1E.

[38].   Pièce PR-2014-006-14A au par. 111, vol. 1E. Postes Canada appuie sa position sur les décisions du Tribunal dans 1091847 Ontario Ltd. (12 mars 2013), PR-2012-046 (TCCE) et dans ComXel Inc. (23 juillet 2008), PR-2008-021 (TCCE).

[39].   Pièce PR-2014-006-14A aux par. 111, 122, vol. 1E.

[40].   Pièce PR-2014-006-23 à la p. 2, vol. 1G.

[41].   Pièce PR-2014-006-23 aux pp. 3-4, vol. 1G.

[42].   Pièce PR-2014-006-20 aux par. 5-74, vol. 1G.

[43].   Pièce PR-2014-006-27 aux pp. 5-10, vol. 1G.

[44].   Voir par exemple Canada (Procureur général) c. Almon Equipment Limited, 2010 CAF 193 (CanLII) [Almon] au par. 23. Dans cette affaire, la Cour d’appel fédérale a désigné, en ce qui a trait en particulier au mécanisme d’adjudication prévu par la Loi sur le TCCE par renvoi à l’Accord sur les marchés publics, quatre fins poursuivies par le régime qui doivent éclairer les enquêtes du Tribunal, le raisonnement juridique et les recommandations relatives aux mesures correctives. Le Tribunal est d’avis que ces principes revêtent une importance équivalente dans le contexte de l’ALÉNA et qu’ils doivent donc, conformément à l’orientation de la Cour d’appel fédérale, éclairer le raisonnement du Tribunal dans ce contexte.

[45].   The Access Information Agency Inc. (16 mars 2007), PR-2006-031 (TCCE) au par. 37.

[46].   Ecosfera au par. 32.

[47].   Ecosfera au par. 33.

[48].   Pièce PR-2014-006-14A aux par. 113-15, vol. 1E; pièce PR-2014-006-20 aux par. 11-13, vol. 1G.

[49].   Pièce PR-2014-006-14A aux par. 111, 122-123, vol. 1E.

[50].   Ecosfera au par. 55.

[51].   Article 1015(4)d) de l’ALÉNA.

[52].   Pièce PR-2014-006-23 aux pp. 3-4, vol. 1G. Même si les commentaires de Postes Canada traitent expressément des raisons pour lesquelles elle a désigné comme confidentiels certains documents contenant des renseignements sur le plan d’évaluation détaillé lors de leur dépôt auprès du Tribunal, il est entendu que Postes Canada souhaite que ces arguments soient également examinés quant au bien-fondé de la plainte. À cet égard, voir pièce PR‑2014‑006-31, vol. 1G.

[53].   Ecosfera aux par. 43, 48.

[54].   Pièce PR-2014-006-14B (protégée), onglet 2, pièce F à la p. 2, vol. 2G.

[55].   Pièce PR-2014-006-23A, vol. 1G.

[56].   Pièce PR-2014-006-23A, vol. 1G.

[57].   Almon au par. 48.

[58].   Almon au par. 48. La Cour d’appel fédérale a fait ces commentaires dans le contexte de la détermination de l’incidence des lacunes dans la tenue de dossiers par les évaluateurs sur l’évaluation du Tribunal de la mesure corrective appropriée dans cette affaire.

[59].   Par exemple, dans Ecosfera, au par. 35, le Tribunal a conclu que le compte rendu de l’institution fédérale n’était pas suffisant étant donné que la communication « [...] n’a[vait] pu dévoiler les considérations de chaque individu ayant participé à la formulation du consensus à l’égard de chacun des critères applicables ». Dans Med-Emerg International Inc. (15 juin 2005), PR-2004-050 (TCCE) au par. 41, le Tribunal a conclu que, « [m]ême si les feuilles de notation établies par consensus présent[aient] une évaluation globale de la proposition du soumissionnaire, les feuilles de notation individuelles constitu[aient] une plus grande assurance que le processus d’évaluation s’[était] déroulé de façon transparente et équitable ».

[60].   Comme mentionné précédemment, le 24 juin 2014, le Tribunal a ordonné à Postes Canada de produire certains documents supplémentaires qu’il jugeait pertinents aux motifs de plainte en l’espèce. Cependant, Postes Canada a informé le Tribunal que certains documents, y compris les fiches de notation individuelle des évaluateurs, n’existaient plus, puisqu’ils avaient été détruits conformément à sa politique. Le 10 juillet 2014, CGI a déposé une nouvelle plainte concernant la DP, alléguant que la destruction par Postes Canada des fiches de notation individuelle des évaluateurs constituait un manquement à ses obligations aux termes des accords commerciaux. Le 15 juillet 2014, le Tribunal a informé les parties qu’il avait décidé d’enquêter sur la nouvelle plainte. Par conséquent, puisque le Tribunal examine actuellement la nouvelle plainte (dossier no PR-2014-020), il ne fera pas d’autres commentaires, dans le contexte de la présente enquête, sur la question de la destruction de documents. La présente procédure ne porte précisément que sur la question de savoir si Postes Canada a fourni tous les renseignements et documents pertinents disponibles dans le cadre de son compte rendu à l’intention de CGI; la question connexe, mais distincte, de savoir si Postes Canada a manqué à ses obligations en détruisant certains documents liés à l’invitation à soumissionner en cause, et les a donc rendus indisponibles, sera traitée exhaustivement dans le dossier no PR-2014-020.

[61].   À cet égard, le Tribunal ne veut pas laisser entendre que les institutions fédérales ne doivent pas, lors d’un compte rendu, également essayer de compléter ces éléments de preuve datant de l’époque des faits au moyen d’autres explications, s’il y a lieu. En effet, dans Ecosfera, une cause dans laquelle des documents d’évaluation datant de l’époque des faits avaient été fournis à un soumissionnaire non retenu, mais n’expliquaient pas clairement l’évaluation de la soumission, le Tribunal a conclu que l’institution fédérale en question devait compléter les éléments de preuve datant de l’époque des faits au moyen d’autres explications afin de s’acquitter de ses obligations aux termes de l’alinéa 1015(6)b). Voir Ecosfera au par. 36.

[62].   Comme indiqué dans Ecosfera au par. 33, le compte rendu doit normalement porter sur les « [...] considérations de ceux qui ont participé à la prise de décision ayant mené au rejet de la proposition du soumissionnaire non retenu », ce qui comprend « [...] la communication des raisons du rejet de la proposition et la communication de ce qui justifie leur considération ainsi que la manière dont ces raisons ont été considérées ».

[63].   Pièce PR-2014-006-14B (protégée), onglet 2, pièce D à la p. 1, vol. 2G; pièce PR-2014-006-14A au par. 55, vol. 1E.

[64].   Pièce PR-2014-006-14B (protégée), onglet 2, pièce F aux pp. 5-6, vol. 2G.

[65].   Pièce PR-2014-006-01 au par. 132, vol. 1; pièce PR-2014-006-01, pièce 8, vol. 1D.

[66].   Oxford English Dictionary (British & World English) en ligne, www.oxforddictionaries.com. De même, le Merriam-Webster’s Collegiate Dictionary, 11e éd., définit le substantif « characteristic » comme « un trait, une qualité ou une propriété qui permet de distinguer » [traduction] et le substantif « advantage » comme une « position ou condition de supériorité [...] facteur ou circonstance bénéfique à quelqu’un » [traduction].

[67].   Ecosfera au par. 49.

[68].   Ecosfera au par. 48.

[69].   Pièce PR-2014-006-14A au par. 68, vol. 1E.

[70].   L.R.C. (1985), ch. A-1.

[71].   Tel que soutenu par CGI, voir pièce PR-2014-006-20 aux par. 69, 72, vol. 1G.

[72].   Pièce PR-2014-006-20 aux par. 70-71, vol. 1G.

[73].   Le paragraphe 1013(1) de l’ALÉNA prévoit ce qui suit : « La documentation relative à l’appel d’offres qu’une entité remettra aux fournisseurs devra contenir tous les renseignements nécessaires pour leur permettre de présenter des soumissions valables [...]. La documentation contiendra également : [...] h) les critères d’adjudication, y compris tous les éléments, autres que le prix, qui seront pris en considération lors de l’évaluation des soumissions [...] ».

[74].   Les alinéas 1015(4)a) et 1015(4)d) de l’ALÉNA prévoient ce qui suit : « L’adjudication des marchés s’effectuera conformément aux procédures suivantes : a) pour être considérée en vue de l’adjudication, une soumission devra être conforme, au moment de son ouverture, aux conditions essentielles spécifiées dans les avis ou dans la documentation relative à l’appel d’offres [...] d) l’adjudication des marchés sera conforme aux critères et aux conditions essentielles spécifiées dans la documentation relative à l’appel d’offres [...] ».

[75].   Quality Control International en coentreprise avec Service Star Building Cleaning (30 novembre 2012), PR‑2012-029 (TCCE) au par. 15; Samson & Associates (19 octobre 2012), PR-2012-012 (TCCE) aux par. 26-28.

[76].   Excel Human Resources Inc. c. Ministère de l’Environnement (2 mars 2012), PR-2011-043 (TCCE) au par. 34; Storeimage c. Musée canadien de la nature (18 janvier 2013), PR-2012-015 (TCCE) au par. 67; IBM Canada Ltd. c. Hewlett Packard (Canada) Ltd., 2002 CAF 284 (CanLII) [IBM] aux par. 18-21.

[77].   Siemens Westinghouse Inc. c. Canada (Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2001 CAF 241 aux par. 43, 45; MIL Systems (a Division of Davie Industries Inc.) et Fleetway Inc. (6 mars 2000), PR‑99-034 (TCCE) aux pp. 19-20.

[78].   Pièce PR-2014-006-01 aux par. 13, 67, 69, 103, vol. 1.

[79].   Pièce PR-2014-006-14A aux par. 72-75, onglet 2, pièce B, vol. 1E.

[80].   Pièce PR-2014-006-27A (protégée) aux pp. 2-4, vol. 2I.

[81].   Pièce PR-2014-006-14A aux par. 73-74, onglet 2, pièce B, vol. 1E.

[82].   Pièce PR-2014-006-27 aux pp. 2-4, vol. 1G.

[83].   Paragraphes 6(1) et 6(2) du Règlement.

[84].   Dans IBM aux par. 18, 21, la Cour d’appel fédérale a confirmé que, « [d]ans les affaires de marchés publics, le temps représente une condition essentielle [...] » et qu’« [o]n s’attend à ce [que les fournisseurs potentiels] soient vigilants et qu’ils réagissent dès qu’ils découvrent ou auraient vraisemblablement dû découvrir un vice de procédure ».

[85].   Pièce PR-2014-006-01 aux par. 125-26, vol. 1.

[86].   Pièce PR-2014-006-14A au par. 94, vol. 1E.

[87].   Pièce PR-2014-006-14A, onglet 2 aux par. 14-24, pièce jointe B, vol. 1E.

[88].   Pièce PR-2014-006-27 à la p. 5, vol. 1G.

[89].   Pièce PR-2014-006-20 au par. 80, vol. 1G; pièce PR-2014-006-01A (protégée), pièce 1, annexe 1, article 2.1, pièce jointe K, vol. 2. Voir également la section 4.2 de la DP à la phase 1, pièce PR-2014-006-14A, onglet 2, pièce A, vol. 1E.

[90].   Les cinq membres comprenaient deux personnes qui avaient participé à l’évaluation de tous les aspects de l’étape 7, ainsi que trois personnes qui avaient pris part à l’évaluation des aspects ayant trait à leur domaine d’expertise. Pièce PR-2014-006-14B (protégée), onglet 2 aux par. 18-24, vol. 2G; pièce PR-2014-006-14A aux par. 34-47, vol. 1E.

[91].   Pièce PR-2014-006-14B (protégée), onglet 2 aux par. 25-27, vol. 2G.

[92].   Pièce PR-2014-006-01 aux par. 12-14, 38-39, 119-218, vol. 1.

[93].   Pièce PR-2014-006-14A aux par. 41-44, 103-106, vol. 1E; pièce PR-2014-006-14B (protégée), onglet 2 aux par. 21-23, onglet 3 au par. 7, vol. 2G.

[94].   Pièce PR-2014-006-34A (protégée) aux par. 32-45, onglet 1, vol. 2J.