STRILKIWSKI CONTRACTING LTD.

STRILKIWSKI CONTRACTING LTD.
Dossier no PR-2014-051

Décision prise
le jeudi 29 janvier 2015

Décision rendue
le jeudi 5 février 2015

Motifs rendus
le lundi 16 février 2015

TABLE DES MATIÈRES

 

EU ÉGARD À une plainte déposée aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.).

PAR

STRILKIWSKI CONTRACTING LTD.

CONTRE

LE MINISTÈRE DES AFFAIRES INDIENNES ET DU NORD CANADIEN

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur décide de ne pas enquêter sur la plainte.

Peter Burn
Peter Burn
Membre présidant

L’exposé des motifs suivra à une date ultérieure.

EXPOSÉ DES MOTIFS

  1. En vertu du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur[1], tout fournisseur potentiel peut, sous réserve du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics[2], déposer une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) concernant la procédure des marchés publics suivie relativement à un contrat spécifique et lui demander d’enquêter sur cette plainte. En vertu du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, après avoir jugé la plainte conforme au paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et sous réserve du Règlement, le Tribunal détermine s’il y a lieu d’enquêter.

RÉSUMÉ DE LA PLAINTE

  1. La plainte porte sur un appel d’offres (invitation no 2014 2015 09 24) émis le 23 septembre 2014 par JR Cousin Consultants Ltd. (JR Cousin) censément pour le compte du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien (Affaires autochtones et Développement du Nord Canada) (AADNC) pour la prestation de travaux de construction d’un nouvel étang d’oxygénation et de travaux connexes pour le chef et le conseil de la Première Nation de Lake St. Martin (Première Nation de Lake St. Martin).
  2. Strilkiwski Contracting Ltd. (Strilkiwski) soutient que le défaut de JR Cousin d’adjuger le contrat et son annulation du marché public ne sont pas conformes aux pratiques standard du gouvernement en matière de marchés publics et violent les accords commerciaux au motif que le marché public était fondé sur des facteurs qui ne sont pas énoncés dans les documents d’appel d’offres. Strilkiwski soutient que ces actions peuvent avoir mené à une évaluation inéquitable.

CONTEXTE

  1. Le 23 octobre 2014, Strilkiwski a soumis sa proposition en réponse à l’appel d’offres. Le prix de son offre était le plus bas. Strilkiwski soutient que, le 19 novembre 2014, AADNC l’a avisé verbalement que les résultats de l’invitation à soumissionner excédaient le budget, mais qu’un financement additionnel avait été approuvé et que le projet irait de l’avant. Le 24 octobre et le 4 novembre 2014, à la demande de JR Cousin, Strilkiwski a fourni des renseignements additionnels concernant certains sous-traitants.
  2. Strilkiwski soutient que, entre le 19 et le 21 novembre 2014, elle a été avisée verbalement par JR Cousin, par AADNC et par P.M. Associates Ltd., individuellement, qu’ils recommandaient que le contrat lui soit adjugé. Toutefois, Strilkiwski affirme que, le 24 novembre 2014, JR Cousin lui a fait parvenir une lettre l’avisant qu’elle n’adjugerait pas de contrat à ce moment-là. Strilkiwski affirme avoir été informée le 2 décembre 2014 que l’adjudication du contrat avait été approuvée par la Première Nation de Lake St. Martin.
  3. Le 14 janvier 2015, JR Cousin a avisé Strilkiwski qu’AADNC avait décidé de réexaminer l’étendue des travaux dans le but de réaliser des économies potentielles et de lancer un nouvel appel d’offres. Elle a également avisé Strilkiwski que l’appel d’offres existant relatif à l’étang n’était pas « [...] considéré admissible au financement dans le cadre des programmes d’AADNC » [traduction].
  4. Le 20 janvier 2015, Strilkiwski a envoyé une lettre à JR Cousin s’opposant à « [...] l’absence d’adjudication du [...] contrat » [traduction] dans le cadre de l’appel d’offres susmentionné.
  5. Le 23 janvier 2015, Strilkiwski a déposé des documents concernant sa plainte auprès du Tribunal. Le 26 janvier 2015, le Tribunal a informé Strilkiwski que des renseignements additionnels devaient être déposés avant que sa plainte soit considérée comme ayant été dûment déposée.
  6. Les 28, 29 et 30 janvier 2015, Strilkiwski a déposé des documents additionnels en réponse à la lettre du Tribunal. Bien que Strilkiwski ait déposé des documents additionnels le 30 janvier 2015, le Tribunal considère que tous les documents nécessaires pour que le dossier de la plainte soit complet avaient été déposés le 29 janvier 2015.

ANALYSE DU TRIBUNAL

  1. Strilkiwski soutient essentiellement que l’appel d’offres n’aurait pas dû être annulé.
  2. Aux termes des articles 6 et 7 du Règlement, après avoir reçu une plainte conformément au paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit déterminer si les quatre conditions suivantes sont satisfaites avant d’entamer une enquête : i) la plainte a été déposée dans les délais prescrits par l’article 6 du Règlement; ii) le plaignant est réellement un fournisseur ou un fournisseur potentiel; iii) la plainte porte sur un contrat spécifique; iv) les renseignements fournis par le plaignant démontrent, dans une mesure raisonnable, que la procédure du marché public n’a pas été suivie conformément au chapitre dix de l’Accord de libre‑échange nord-américain[3], au chapitre cinq de l’Accord sur le commerce intérieur[4], à l’Accord sur les marchés publics[5], au chapitre Kbis de l’Accord de libre-échange Canada-Chili[6], au chapitre quatorze de l’Accord de libre-échange Canada-Pérou[7], au chapitre quatorze de l’Accord de libre-échange Canada‑Colombie[8], au chapitre seize de l’Accord de libre-échange Canada-Panama[9] ou au chapitre dix-sept de l’Accord de libre-échange Canada-Honduras[10], selon le cas.
  3. Le paragraphe 6(1) du Règlement prévoit que le fournisseur potentiel qui souhaite déposer une plainte auprès du Tribunal « [...] doit le faire dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l’origine de la plainte ». Le paragraphe 6(2) prévoit que le fournisseur potentiel qui a présenté une opposition à l’institution fédérale concernée et à qui l’institution refuse réparation peut déposer une plainte auprès du Tribunal « [...] dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a pris connaissance, directement ou par déduction, du refus, s’il a présenté son opposition dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l’origine de l’opposition » [nos italiques].
  4. Autrement dit, une partie plaignante dispose de 10 jours ouvrables suivant la date où elle prend connaissance des faits à l’origine de sa plainte, ou suivant la date où elle aurait dû vraisemblablement les découvrir, soit pour présenter une opposition auprès de l’institution fédérale, soit pour déposer une plainte auprès du Tribunal. Si une partie plaignante présente une opposition auprès de l’institution fédérale dans le délai prévu, celle-ci peut ensuite déposer une plainte auprès du Tribunal dans les 10 jours ouvrables à partir du moment où elle a pris connaissance, directement ou par déduction, du refus de réparation de l’institution fédérale. L’expression « [...] [prendre] connaissance, directement [...], du refus [...] », telle que prévue dans le Règlement, suppose un refus explicite de la réparation demandée par une partie plaignante (par exemple, une réponse écrite rejetant la position de la partie plaignante). Par le passé, le Tribunal a interprété l’expression « [...] [prendre] connaissance, [...] par déduction, du refus [...] » comme s’appliquant à d’autres situations non explicites constituant effectivement un refus de réparation, y compris quand, après un délai raisonnable, l’institution fédérale n’a pas encore répondu à la partie plaignante.
  5. Comme indiqué ci-dessus, JR Cousin a avisé Strilkiwski le 14 janvier 2015 qu’AADNC souhaitait réexaminer l’étendue des travaux et qu’il lancerait un nouvel appel d’offres. Strilkiwski s’est opposée à cette décision le 20 janvier 2015. Par conséquent, le Tribunal conclut que Strilkiwski a présenté une opposition à JR Cousin dans les 10 jours ouvrables suivant la date où elle a découvert les faits à l’origine de sa plainte, qui, selon le Tribunal, est le 14 janvier 2015.
  6. Lorsqu’une partie plaignante présente une opposition, le paragraphe 6(2) du Règlement prévoit que la partie plaignante doit avoir pris connaissance, directement ou par déduction, du refus de réparation de « l’institution fédérale » avant de déposer sa plainte auprès du Tribunal. L’expression « institution fédérale » est également définie dans le Règlement. Même en présumant que JR Cousin est le mandataire d’une « institution fédérale », ce qui n’a pas été établi par Strilkiwski, Strilkiwski n’a fourni aucun élément de preuve indiquant un refus de réparation de la part de JR Cousin ou d’AADNC à l’égard de son opposition. En outre, le Tribunal est d’avis que les quelques jours compris entre le 20 janvier (date à laquelle Strilkiwski a présenté son opposition) et le 29 janvier 2015 (date à laquelle sa plainte a été acceptée par le Tribunal comme dûment déposée) ne constituent pas un délai suffisant pour établir la connaissance par déduction du refus de réparation.
  7. À ce titre, le Tribunal conclut que la plainte de Strilkiwski est, au mieux, prématurée et, par conséquent, le Tribunal n’enquêtera pas sur la plainte et considère que la question est réglée.
  8. Si Strilkiwski n’obtient pas de réparation de JR Cousin ou d’AADNC qu’elle juge satisfaisante, elle peut choisir de déposer une nouvelle plainte auprès du Tribunal dans le délai prescrit par le Règlement. Toutefois, il importe de souligner que le Tribunal n’a compétence pour enquêter sur une plainte que si la partie plaignante établi que le marché public contesté porte sur un « contrat spécifique » passé par une « institution fédérale », au sens de ces expressions dans les articles 30.1 et suivants de la Loi sur le TCCE et dans le Règlement.
  9. Cela n’a pas été établi en l’espèce par Strilkiwski. Plus précisément, elle n’a pas établi qu’AADNC est l’entité acheteuse. En effet, au vu des documents déposés auprès du Tribunal, cette affaire semble porter sur un marché public passé non pas par AADNC, mais par la Première Nation de Lake St. Martin, qui a eu recours à l’expertise de JR Cousin. Rien n’indique que la Première Nation de Lake St. Martin est une « institution fédérale » au sens du Règlement. De plus, Strilkiwski n’a pas établi que les travaux proposés sont visés par les accords commerciaux. Par conséquent, Strilkiwski devrait obtenir les conseils d’un conseiller indépendant pour déterminer si une plainte concernant l’appel d’offres (ou tout appel d’offres futur) relève du champ de compétence du Tribunal ou si elle dispose d’un recours devant une autre instance.

DÉCISION

  1. Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal décide de ne pas enquêter sur la plainte.
 

[1].     L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.) [Loi sur le TCCE].

[2].     D.O.R.S./93-602 [Règlement].

[3].     Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis d’Amérique et le gouvernement des États-Unis du Mexique, 17 décembre 1992, R.T.C. 1994, no 2 (entré en vigueur le 1er janvier 1994).

[4].     18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.ait-aci.ca/index_fr/ait.htm>.

[5].     Protocole portant amendement de l’Accord sur les marchés publics, en ligne : Organisation mondiale du commerce < http://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/rev-gpr-94_01_f.htm > (entré en vigueur le 6 avril 2014).

[6].     Accord de libre-échange entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de la République du Chili, R.T.C. 1997, no 50 (entré en vigueur le 5 juillet 1997). Le chapitre Kbis, intitulé « Marchés publics », est entré en vigueur le 5 septembre 2008.

[7].     Accord de libre-échange entre le Canada et la République du Pérou, en ligne : le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-... (entré en vigueur le 1er août 2009).

[8].     Accord de libre-échange entre le Canada et la République de Colombie, en ligne : le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-... (entré en vigueur le 15 août 2011).

[9].     Accord de libre-échange entre le Canada et la République du Panama, en ligne : le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-... (entré en vigueur le 1er avril 2013).

[10].   Accord de libre-échange entre le Canada et la République du Honduras, en ligne : le ministère des Affaires étrangères, Commerce et Développement <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-...(entré en vigueur le 1er octobre 2014).