CGI INFORMATION SYSTEMS AND MANAGEMENT CONSULTANTS INC.

CGI INFORMATION SYSTEMS AND MANAGEMENT CONSULTANTS INC.
c.

SOCIETE CANADIENNE DES POSTES ET INNOVAPOSTE INC.
Dossiers nos PR-2014-016 et PR‑2014-021

Ordonnance et motifs rendus
le lundi 12 janvier 2015

TABLE DES MATIÈRES

 

EU ÉGARD À des plaintes déposées par CGI Information Systems and Management Consultants Inc. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.);

ET À LA SUITE DE la détermination provisoire du Tribunal canadien du commerce extérieur du degré de complexité des présentes plaintes et de sa détermination provisoire du montant de l’indemnité.

ENTRE

CGI INFORMATION SYSTEMS AND MANAGEMENT CONSULTANTS INC. Partie plaignante

ET

LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES ET INNOVAPOSTE INC. Institutions fédérales

ORDONNANCE

Dans sa décision du 14 octobre 2014, le Tribunal canadien du commerce extérieur, aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, a accordé à CGI Information Systems and Management Consultants Inc. le remboursement des frais raisonnables qu’elle avait engagés pour la préparation des plaintes et les autres démarches effectuées en l’instance. La détermination provisoire du Tribunal canadien du commerce extérieur du degré de complexité des présentes plaintes était le degré 3 et sa détermination provisoire du montant de l’indemnité était de 4 700 $.

Après avoir examiné les observations de CGI Information Systems and Management Consultants Inc. et de la Société canadienne des postes sur les coûts, le Tribunal canadien du commerce extérieur révise par les présentes sa détermination provisoire du montant de l’indemnité en accordant à CGI Information Systems and Management Consultants Inc. une indemnité de 20 000 $, comprenant les débours et les taxes applicables, pour la préparation des plaintes et les autres démarches effectuées en l’instance et ordonne à la Société canadienne des postes de prendre les dispositions nécessaires pour que le paiement soit effectué dans les meilleurs délais.

Jean Bédard
Jean Bédard
Membre présidant

EXPOSÉ DES MOTIFS

INTRODUCTION

  1. Dans sa décision du 14 octobre 2014, le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a déterminé, aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur[1], que les plaintes déposées par CGI Information Systems and Management Consultants Inc. (CGI) étaient fondées en partie et a accordé à CGI le remboursement des frais raisonnables qu’elle avait engagés pour la préparation des plaintes et les autres démarches effectuées en l’instance. La détermination provisoire du Tribunal quant au montant de l’indemnité était de 4 700 $. Le Tribunal a invité les parties à lui présenter des observations si elles étaient en désaccord avec sa détermination provisoire du degré de complexité ou du montant de l’indemnité.

OBSERVATIONS DES PARTIES

  1. Le 12 novembre 2014, CGI a présenté des observations sur les frais, demandant que l’indemnité soit augmentée à 89 000 $, montant correspondant à 50 p. 100 des coûts effectifs qu’elle a engagés pour la préparation des plaintes et les autres démarches effectuées en l’instance. Subsidiairement, CGI demande que l’indemnité soit augmentée d’un montant que le Tribunal juge adéquat suivant les observations de CGI. CGI souligne que deux des motifs de sa plainte ont été décidés en sa faveur, l’un concernant le caractère insuffisant du compte rendu qu’elle a reçu de la Société canadienne des postes (SCP) et l’autre ayant trait au défaut de la SCP de conserver des documents pertinents conformément à l’Accord de libre-échange nord-américain[2]. CGI énumère également les démarches additionnelles qu’elle a effectuées en l’instance, notamment une requête pour production de documents, une requête pour obtenir des renseignements ainsi qu’une requête contestant la confidentialité de certains documents ainsi désignés par la SCP afin que ceux-ci lui soient en partie communiqués. De plus, CGI soutient qu’elle n’a pas eu le choix de formuler ses plaintes de façon extensive, conséquence directe du défaut de la SCP de lui communiquer des renseignements pertinents en réponse à sa lettre d’opposition et à la réunion de compte rendu. En d’autres mots, si la SCP avait fait preuve de plus d’ouverture dès le départ, les plaintes et toute la procédure auraient porté sur un nombre beaucoup plus restreint de questions.
  2. La SCP a présenté des observations sur les frais le 19 novembre 2014. Elle souligne qu’une part importante du temps et des efforts consacrés à cette procédure visaient des questions à l’égard desquelles CGI n’a pas eu gain de cause, notamment ses allégations d’évaluation inadéquate, de délit de destruction d’éléments de preuve, de partialité et de modification de la soumission. La SCP insiste plus particulièrement sur la complexité des arguments de CGI portant sur ses allégations d’évaluation inadéquate et le nombre de pages consacrés à ceux-ci, un motif de plainte que le Tribunal a jugé non fondé. La SCP indique que CGI aurait pu retirer ses allégations concernant l’évaluation après avoir obtenu de la SCP la ventilation de sa notation et la pondération des différentes parties de l’évaluation, mais qu’elle ne l’a pas fait. Dans ses observations, la SCP indique également que CGI a formulé plusieurs allégations graves contre elle, notamment des allégations de modification de la soumission et de partialité, sans fournir d’éléments de preuve à leur appui. De plus, la SCP soutient que les questions à l’égard desquelles les plaintes de CGI ont été jugées fondées étaient limitées et moins complexes. Par conséquent, la SCP soutient que la détermination provisoire du Tribunal concernant le montant de l’indemnité doit demeurer inchangée ou, subsidiairement, être diminuée, les parties ayant chacune eu gain de cause à l’égard de certaines questions.

ANALYSE DU TRIBUNAL

  1. Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal peut accorder le remboursement des frais engagés dans une procédure. Comme le prévoit la Loi sur le TCCE, il s’agit d’un pouvoir discrétionnaire.
  2. Dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire aux termes de la Loi sur le TCCE, le Tribunal a émis une Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure de plainte portant sur un marché public (la Ligne directrice) afin d’orienter les parties qui demandent le remboursement des frais de participation à une procédure de plainte portant sur un marché public. Cependant, la Ligne directrice ne lie pas le Tribunal, puisque « [...] chaque cas [est] étudié séparément; le but de la [...] ligne directrice n’est pas de remplacer, de limiter ou d’altérer le pouvoir discrétionnaire du Tribunal [...] »[3].
  3. Le paragraphe 2.1 de la Ligne directrice prévoit que « [l]es frais accordés représentent normalement une indemnisation partielle ».
  4. Après avoir examiné les circonstances de l’espèce et les observations des parties, le Tribunal estime qu’il est justifié de s’écarter des tarifs prévus dans la Ligne directrice pour les motifs qui suivent.
  5. En premier lieu, le Tribunal constate tous les efforts que CGI a dû déployer pour découvrir les éléments de preuve nécessaires pour formuler ses plaintes. De l’avis du Tribunal, cela résulte de l’attitude minimaliste adoptée par la SCP à l’égard de ses obligations aux termes de l’ALÉNA, qui a été manifeste tout au long de la procédure. Il est déraisonnable de reprocher à CGI de ne pas avoir soumis une lettre d’opposition plus précise et, en fin de compte, des plaintes plus précises alors que les renseignements dont elle disposait concernant l’évaluation de sa proposition étaient extrêmement limités. En effet, une telle attitude minimaliste a sans doute éveillé chez CGI des soupçons que quelque chose de plus grave s’était passé et a donc été la cause première du litige en l’espèce.
  6. Le 8 septembre 2014, seulement quelques jours avant l’audience du 12 septembre, la SCP a fait parvenir au Tribunal et à CGI une lettre dans laquelle elle indiquait qu’elle donnerait aux dirigeants de CGI accès à divers documents se rapportant à l’évaluation de leur proposition, notamment les grilles d’évaluation consensuelle, les notes de compte rendu, des copies des ordres du jour et les notes du commissaire à l’équité[4]. La SCP a changé de position concernant la confidentialité de ces documents seulement lorsqu’il est devenu manifeste, à la suite d’une décision du Tribunal portant sur une question similaire[5], qu’elle n’aurait probablement pas gain de cause en ce qui concerne l’allégation selon laquelle son compte rendu ne satisfaisait pas aux exigences minimales de l’ALÉNA en l’espèce.
  7. À l’audience, la SCP a également fait marche arrière en ce qui a trait à son argument selon lequel la destruction de documents ne constituait pas une violation de ses obligations de conservation des documents aux termes de l’ALÉNA, affirmant que, « [...] bien entendu, s’ils feront l’objet du compte rendu, ils doivent être conservés »[6] [traduction]. Ces concessions de dernière minute ne changent rien au fait que, pendant la majeure partie de la procédure, l’attitude de la SCP n’a pas favorisé un règlement efficace et expéditif des plaintes.
  8. De plus, le fait que la SCP ait cédé sur les points qui étaient sans doute les plus importants des plaintes de CGI seulement à un stade avancé de la procédure n’a pas laissé à CGI beaucoup de temps pour réévaluer sa position à l’égard des autres questions. Certains renseignements cruciaux n’ont été communiqués à CGI que quelques jours avant l’audience.
  9. Ces facteurs, ajoutés au manque de transparence relevé par le Tribunal aux paragraphes 185 et 205 de ses motifs, n’ont laissé à CGI d’autre choix que d’adopter une attitude combative similaire à celle de la SCP.
  10. CGI n’a toutefois pas eu gain de cause à l’égard de la plupart des questions qui devaient faire l’objet d’une décision du Tribunal à l’issue de l’audience. C’est un facteur dont le Tribunal tient également compte dans la présente ordonnance de frais.
  11. La tenue d’une audience a été l’une des étapes additionnelles dans le cadre de la présente procédure. Bien que plusieurs questions aient été concédées, comme mentionné précédemment, il importe de souligner que l’audience a néanmoins servi une fin très utile.
  12. Dans ses observations sur les frais, la SCP mentionne à raison que CGI a allégué une « modification de la soumission » et que le Tribunal n’a pas retenu cette allégation des plus sérieuses dans sa décision. Il convient toutefois de souligner que les faits qui ont amené le Tribunal à sa décision et à sa recommandation concernant l’évaluation des propositions sont ressortis principalement grâce aux témoignages entendus lors de l’audience. Plus précisément, les détails de l’erreur des évaluateurs ayant nécessité une rectification et un ajustement correspondant des notes d’évaluation initiales brillaient par leur absence dans les mémoires de la SCP. De plus, étant donné les renseignements partiels fournis par la SCP dans ses mémoires et son manque général de transparence tout au long de la procédure, il n’était pas déraisonnable dans les circonstances que CGI soupçonne la SCP d’avoir procédé à une modification de la soumission. Pour ces motifs, l’audience et les efforts déployés par CGI lors de celle-ci ont eu une incidence importante sur le résultat.
  13. Dans ses observations sur les frais, CGI énumère les différentes étapes de la procédure. Les frais juridiques effectifs associés à chaque étape font toutefois partie des observations confidentielles de CGI. Par conséquent, le Tribunal n’analysera pas ligne par ligne les différents montants qui composent l’indemnité définitive. Le Tribunal se contentera de préciser qu’un poids plus important est accordé aux frais se rapportant à la préparation des plaintes et aux autres démarches effectuées en l’instance ainsi qu’au dépôt des deux réponses. Le fait que CGI n’ait pas eu gain de cause à l’égard de la plupart des questions ayant fait l’objet de l’audience est mitigé par le fait que ses efforts ont néanmoins eu une incidence sur le résultat final. L’équilibre de ces facteurs est pris en compte dans la détermination du montant de l’indemnité.
  14. Le Tribunal a décidé la jonction des plaintes des dossiers nos PR-2014-016 et PR-2014-021[7] et les a traitées comme une seule plainte lors de l’audience. Par conséquent, la présente ordonnance de frais ne fait pas de distinction entre les deux plaintes. Cependant, prise isolément, la plainte du dossier no PR-2014-021 n’était pas aussi compliquée et n’aurait pas en soi justifié un degré 3 de complexité. Le Tribunal tient également compte de ce fait dans son évaluation des frais concernant les motifs de la plainte portant sur la destruction de documents.
  15. Les tarifs fixes établis au paragraphe 4.1.2 de la Ligne directrice indiquent qu’il n’est pas généralement prévu que les montants accordés en remboursement des frais soient élevés. Par conséquent, une partie ne doit pas présumer ou s’attendre à ce que l’indemnisation partielle mentionnée dans la Ligne directrice soit identique à une « indemnisation partielle » au sens qui est donné à ce concept dans les causes civiles en Ontario.
  16. La note en bas de page se rapportant au paragraphe 4.1.2 de la Ligne directrice mentionne les tarifs de la Cour fédérale du Canada comme une des sources ayant servi à établir les tarifs fixes du Tribunal. Elle indique également que les tarifs fixes prévus dans la Ligne directrice comprennent des montants qui, de façon générale, tiennent compte des débours.
  17. Les « Frais évalués selon le coût unitaire de l’heure » [traduction], dans les observations de CGI sur les frais, s’appuient sur les Règles des Cours fédérales[8]. Dans les circonstances de l’espèce, et compte tenu de la complexité inhabituelle de celle-ci, le Tribunal estime que ces frais représentent un bon point de départ pour déterminer ce qui constitue en l’espèce un montant définitif raisonnable pour l’indemnité.
  18. Étant donné la confidentialité de la plupart des chiffres figurant dans les observations de CGI sur les frais, le Tribunal ne peut traiter des montants attribués à chacune des étapes de la procédure. Dans ses observations publiques sur les frais, CGI indique cependant que ses frais totaux (avant TPS), en fonction des « Frais évalués selon le coût unitaire de l’heure », s’élèvent à 57 820 $. De plus, les factures présentées à l’appui des observations confidentielles sur les frais indiquent que les débours ont été relativement modestes.
  19. Le paragraphe 2.1 de la Ligne directrice prévoit également que « [l]es processus de liquidation et de taxation doivent être efficients, transparents et équitables envers toutes les parties ». Nonobstant qu’un respect strict des Règles des Cours fédérales donne lieu à une indemnité de 57 820 $, le Tribunal est d’avis que ce montant doit être réduit au motif que les deux parties ont eu gain de cause en partie et que l’indemnité établie par le Tribunal doit généralement être modeste, tout bien considéré.
  20. Par conséquent, compte tenu de ce qui précède, le Tribunal révise sa détermination provisoire du montant de l’indemnité et accorde à CGI une indemnité de 20 000 $, débours et taxes applicables compris.

CONCLUSION

  1. Dans sa décision du 14 octobre 2014, le Tribunal a accordé à CGI, aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le TCCE, le remboursement des frais raisonnables qu’elle avait engagés pour la préparation des plaintes et les autres démarches effectuées en l’instance. La détermination provisoire du Tribunal quant au degré de complexité des plaintes était le degré 3 et sa détermination provisoire du montant de l’indemnité était de 4 700 $.
  2. Après examen des observations de CGI et de la SCP sur les frais, le Tribunal révise par les présentes sa détermination provisoire du montant de l’indemnité en accordant à CGI une indemnité de 20 000 $, débours et taxes applicables compris, pour la préparation des plaintes et les autres démarches effectuées en l’instance et ordonne à la SCP de prendre les mesures appropriées pour en assurer le règlement dans les meilleurs délais.
 

[1].     L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.) [Loi sur le TCCE].

[2].     Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis d’Amérique et le gouvernement des États-Unis du Mexique, 17 décembre 1992, R.T.C. 1994, no 2 (entré en vigueur le 1er janvier 1994) [ALÉNA].

[3].     Ligne directrice au par. 1.1.2.

[4].     Pièce PR-2014-016-56, vol. 1P.

[5].     CGI Information Systems and Management Consultants Inc. c. Société canadienne des postes et Innovaposte Inc. (27 août 2014), PR-2014-006 (TCCE).

[6].     Transcription de l’audience publique, 12 septembre 2014, à la p. 142.

[7].     CGI Information Systems and Management Consultants Inc. c. Société canadienne des postes et Innovaposte Inc. (14 octobre 2014), PR-2014-016 et PR-2014-021 (TCCE) au par. 7.

[8].     D.O.R.S./98-106.