JOLI DISTRIBUTION F. HENDEL INC.

JOLI DISTRIBUTION F. HENDEL INC.
Dossier no PR-2014-068

Décision prise
le mercredi 8 avril 2015

Décision rendue
le mercredi 8 avril 2015

Motifs rendus
le mardi 14 avril 2015

TABLE DES MATIÈRES

 

EU ÉGARD À une plainte déposée aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.).

PAR

JOLI DISTRIBUTION F. HENDEL INC.

CONTRE

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur décide de ne pas enquêter sur la plainte.

Peter Burn
Peter Burn
Membre présidant

L’exposé des motifs suivra à une date ultérieure.

EXPOSÉ DES MOTIFS

  1. En vertu du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur[1], tout fournisseur potentiel peut, sous réserve du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics[2], déposer une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) concernant la procédure des marchés publics suivie relativement à un contrat spécifique et lui demander d’enquêter sur cette plainte. En vertu du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, après avoir jugé la plainte conforme au paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et sous réserve du Règlement, le Tribunal détermine s’il y a lieu d’enquêter.
  2. Joli Distribution F. Hendel Inc. (Joli Distribution) a déposé une plainte concernant un marché public (invitation no 47167-145944/B) passé par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) au nom de l’Agence des services frontaliers du Canada pour l’acquisition de sacs pour éléments de preuve.
  3. Joli Distribution allègue que TPSGC a adjugé le contrat à un soumissionnaire non conforme. Plus particulièrement, Joli Distribution allègue que les sacs pour éléments de preuve fournis par le soumissionnaire retenu, Super Channel International Corp. (Super Channel), ne satisfont pas aux exigences de l’appel d’offres. De plus, Joli Distribution allègue que Super Channel n’a pas respecté certaines exigences en matière de certification. Joli Distribution soutient, pour ces motifs, que le contrat aurait dû lui être adjugé plutôt qu’à Super Channel.
  4. Le 8 avril 2015, aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal a décidé de ne pas enquêter sur la plainte. Les motifs de cette décision sont les suivants.

ANALYSE

  1. Le paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le TCCE prévoit que, sous réserve des dispositions du Règlement, tout fournisseur potentiel peut déposer une plainte auprès du Tribunal concernant la procédure des marchés publics suivie relativement à un contrat spécifique et lui demander d’enquêter sur cette plainte. Le Règlement énonce d’autres conditions qui doivent être respectées pour que le Tribunal amorce une enquête sur la plainte.
  2. Les conditions pour que le Tribunal amorce une enquête comprennent le respect de délais péremptoires pour le dépôt d’une plainte. L’article 6 du Règlement prévoit qu’un fournisseur potentiel doit présenter son opposition à l’institution fédérale concernée ou déposer sa plainte auprès du Tribunal dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l’origine de sa plainte. Dans les cas où un fournisseur potentiel présente une opposition à l’institution fédérale concernée, il peut déposer une plainte auprès du Tribunal dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a pris connaissance du refus de réparation de l’institution fédérale. Les paragraphes 6(1) et (2) prévoient ce qui suit :

6.(1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3), le fournisseur potentiel qui dépose une plainte auprès du Tribunal en vertu de l’article 30.11 de la Loi doit le faire dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l’origine de la plainte.

(2) Le fournisseur potentiel qui a présenté à l’institution fédérale concernée une opposition concernant le marché public visé par un contrat spécifique et à qui l’institution refuse réparation peut déposer une plainte auprès du Tribunal dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a pris connaissance, directement ou par déduction, du refus, s’il a présenté son opposition dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l’origine de l’opposition.

  1. En l’espèce, le Tribunal conclut que Joli Distribution n’a pas déposé sa plainte dans les délais énoncés aux paragraphes 6(1) et (2) du Règlement.
  2. L’appel d’offres a été émis le 24 avril 2014. Joli Distribution a fait une soumission le 9 juin 2014, et la date de clôture des soumissions était le 11 juin 2014. En outre, TPSGC a avisé Joli Distribution le 7 août 2014 que le contrat avait été adjugé à Super Channel.
  3. Selon les renseignements qui figurent dans la plainte, les allégations de Joli Distribution selon lesquelles le contrat a été adjugé à un soumissionnaire non conforme sont basées sur « [...] sa connaissance du soumissionnaire retenu [...] sur le marché et [...] de la qualité de ses sacs [...] »[3] [traduction]. Bien que Joli Distribution n’ait pas indiqué précisément quand elle avait acquis cette « connaissance », les renseignements dans la plainte indiquent que ses allégations sont fondées sur son expérience de cette branche d’activité acquise au fil du temps[4] et avant que l’avis d’adjudication du contrat à Super Channel ne soit émis le 7 août 2014.
  4. Par conséquent, le Tribunal conclut que Joli Distribution a pris connaissance des faits à l’origine de sa plainte au plus tard le 7 août 2014, lorsqu’elle a appris que le contrat avait été adjugé à Super Channel. Il s’ensuit que, si Joli Distribution a considéré qu’elle avait des motifs raisonnables de croire que le contrat avait été adjugé à Super Channel en violation de l’une ou l’autre des exigences énoncées dans l’appel d’offres, Joli Distribution devait soit présenter une opposition à l’institution fédérale ou déposer une plainte auprès du Tribunal dans les 10 jours ouvrables après avoir appris l’adjudication du contrat. Plus précisément, aux termes de l’article 6 du Règlement, Joli Distribution aurait dû présenter une opposition ou déposer une plainte dans les 10 jours ouvrables après le 7 août 2014, soit au plus tard le 21 août 2014.
  5. Les documents déposés auprès du Tribunal indiquent que ce n’est que le 25 août 2014 que Joli Distribution a présenté une opposition à TPSGC au sujet de la conformité du soumissionnaire retenu à certaines exigences en matière de certification[5]. Joli Distribution a reçu un refus de réparation de TPSGC le 11 septembre 2014[6]. De plus, Joli Distribution semble avoir attendu jusqu’à janvier 2015[7] – plus de quatre mois après l’adjudication du contrat le 7 août 2014 – pour soulever la question de la non-conformité alléguée du produit fourni par le soumissionnaire retenu. Joli Distribution a reçu un deuxième refus de réparation de TPSGC le 17 février 2015[8].
  6. Il s’ensuit que, lorsque Joli Distribution a déposé sa plainte auprès du Tribunal le 1er avril 2015[9], le délai des 10 jours ouvrables prévu aux paragraphes 6(1) et (2) du Règlement était largement dépassé. Par conséquent, la plainte est forclose.
  7. Le Tribunal a tenu compte du commentaire de Joli Distribution selon lequel « [l]a raison du décalage entre la date d’adjudication du contrat et la date de l’opposition est que le soumissionnaire retenu devait soumettre des échantillons pour évaluation, et que les essais n’ont pas été achevés et l’approbation finale donnée avant décembre 2014, et qu’il a fallu attendre les résultats avant de pouvoir contester »[10] [traduction].
  8. Attendre d’obtenir ces résultats n’était pas une raison valable de différer le dépôt de la plainte. Le Tribunal conclut qu’en l’espèce, une plainte fondée sur la prétendue incapacité du soumissionnaire retenu de fournir des échantillons satisfaisants relève d’un aspect sans lien avec les critères d’adjudication du contrat.
  9. Les dispositions des documents d’invitation à soumissionner indiquent que la fourniture d’échantillons préalables à la mise en production faisait partie des obligations incombant au soumissionnaire retenu après l’adjudication du contrat et n’était pas une exigence à respecter dans le cadre de l’évaluation de la soumission et de l’adjudication du contrat. La clause intitulée « Échantillons de pré-production » [traduction] prévoyait ce qui suit :

Après l’attribution du contrat, le soumissionnaire retenu devra fournir au responsable technique trois (3) échantillons de pré-production de l’article 001, de l’article 002 et de l’article 003 au responsable technique en vue de l’acceptation dans un délai de vingt-cinq (25) jours civils suivant la date d’entrée en vigueur du contrat[11].

[Nos italiques, traduction]

  1. De plus, la section intitulée « CLAUSES DU CONTRAT SUBSÉQUENT » [traduction] réitère que l’entrepreneur devra fournir des échantillons de pré-production pour acceptation par le responsable technique avant que l’entrepreneur ne débute la production et livre la marchandise en application du contrat[12].
  2. La question de savoir si Super Channel a satisfait à l’obligation de fournir des échantillons de pré‑production appropriés en application de son contrat avec le gouvernement n’est pas pertinente en ce qui concerne la question de savoir si l’adjudication elle-même du contrat à Super Channel a respecté les critères de l’appel d’offres. La question de la conformité du soumissionnaire retenu aux obligations contractuelles découlant de l’adjudication du contrat ne relève pas non plus de la compétence du Tribunal. La Loi sur le TCCE attribue au Tribunal la compétence d’enquêter sur divers aspects de la procédure des marchés publics mais ne l’étend pas aux questions n’apparaissant qu’après l’adjudication d’un contrat, telles que le respect d’obligations découlant d’un contrat subséquent[13].
  3. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal n’enquêtera pas sur la plainte.

DÉCISION

  1. Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal décide de ne pas enquêter sur la plainte.
 

[1].      L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.) [Loi sur le TCCE].

[2].      D.O.R.S./93-602 [Règlement].

[3].      Plainte, pièce jointe 3, et renseignements confidentiels déposés le 1er avril 2015.

[4].      Voir par exemple des courriels de Joli Distribution à TPSGC, plainte, pièce jointe 2.

[5].      Plainte, pièce jointe 1, courriel à TPSGC daté du 25 août 2014.

[6].      Plainte, pièce jointe 1, courriel de TPSGC daté du 11 septembre 2014.

[7].      Plainte, pièce jointe 2, courriel à TPSGC daté du 22 janvier 2015.

[8].      Plainte, pièce jointe 2, courriel de TPSGC daté du 17 février 2015, dans lequel est indiqué que « TPSGC considère que le dossier est clos » [traduction].

[9].      La plainte a été reçue le 26 mars 2015. Toutefois, étant donné que plusieurs documents et renseignements pertinents étaient manquants, le Tribunal a considéré que le dossier de la plainte n’était pas complet, compte tenu des exigences énumérées au paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE. À la suite d’une demande formulée par le Tribunal, Joli Distribution a déposé des documents et des renseignements additionnels le 1er avril 2015; le Tribunal a alors considéré que les irrégularités avaient été corrigées et que la plainte avait été déposée à cette date, conformément au paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et à l’article 96 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur, D.O.R.S./91-499.

[10].    Plainte à la p. 3.

[11].    Documents d’invitation à soumissionner, modification no 002 à la p. 9, déposés le 1er avril 2015, faisant partie de la soumission de Joli Distribution.

[12].    Documents d’invitation à soumissionner, modification no 002 aux pp. 19-20, clause 4.5, déposés le 1er avril 2015, faisant partie de la soumission de Joli Distribution.

[13].    Paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le TCCE. Voir aussi par exemple Airsolid inc. (18 février 2010), PR-2009-089 (TCCE) aux par. 13-16, où le Tribunal a expliqué que « [...] le processus de passation des marchés publics qui relève de sa compétence débute au moment où une entité décide des produits à acquérir et se poursuit jusqu’à l’adjudication du contrat », et que s’il est découvert après l’adjudication du contrat que les biens ou les services fournis par l’entrepreneur retenu ne respectent pas une exigence obligatoire, la question devient alors une question d’administration du marché ou d’exécution du contrat et ne relève pas de la compétence du Tribunal.