4PLAN CONSULTING CORP.

4PLAN CONSULTING CORP.
c.
SERVICES PARTAGÉS CANADA
Dossier no PR-2014-030

Décision et motifs rendus
le mardi 10 février 2015

TABLE DES MATIÈRES

 

EU ÉGARD À une plainte déposée par 4Plan Consulting Corp. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.);

ET À LA SUITE D’une décision d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

ENTRE

4PLAN CONSULTING CORP. Partie plaignante

ET

SERVICES PARTAGÉS CANADA Institution fédérale

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte est fondée.

Aux termes des paragraphes 30.15(2) et 30.15(3) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur recommande que Services partagés Canada verse à 4Plan Consulting Corp. une indemnité pour perte d’opportunité de réaliser des profits, d’un montant égal aux profits raisonnables qu’elle aurait réalisés si le contrat lui avait été adjugé. Le Tribunal canadien du commerce extérieur recommande que 4Plan Consulting Corp. et Services partagés Canada négocient le montant de cette indemnité et que, dans les 30 jours suivant la date de la présente décision, ils lui fassent rapport du résultat de leurs négociations.

Si les parties ne peuvent s’entendre sur le montant de l’indemnité, 4Plan Consulting Corp. déposera auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur, dans les 40 jours suivant la date de la présente décision, un mémoire sur la question de l’indemnité. Services partagés Canada disposera alors de sept jours ouvrables après la réception du mémoire de 4Plan Consulting Corp. pour déposer un mémoire en réponse. 4Plan Consulting Corp. disposera ensuite de cinq jours ouvrables après la réception du mémoire en réponse de Services partagés Canada pour déposer des observations supplémentaires. Les conseillers juridiques doivent faire parvenir simultanément tous leurs documents au Tribunal canadien du commerce extérieur et à l’autre partie.

Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur accorde à 4Plan Consulting Corp. le remboursement des frais raisonnables qu’elle a engagés pour la préparation et le dépôt de sa plainte, ces frais devant être payés par Services partagés Canada. L’indication provisoire du Tribunal canadien du commerce extérieur du degré de complexité de la présente plainte est le degré 2 et son indication provisoire du montant de l’indemnité est de 2 750 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui a trait à l’indication provisoire du degré de complexité ou à l’indication provisoire du montant de l’indemnité, elle peut présenter des observations auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur, comme le prévoit la Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public. Il relève de la compétence du Tribunal canadien du commerce extérieur de fixer le montant définitif des frais et de l’indemnité.

Jason W. Downey
Jason W. Downey
Membre présidant

Membre du Tribunal : Jason W. Downey, membre présidant

Conseillers juridiques pour le Tribunal : Alexandra Pietrzak
Cassandra Baker (stagiaire en droit)

Agent du greffe : Sara Pelletier

Partie plaignante : 4Plan Consulting Corp.

Conseillers juridiques pour la partie plaignante : Paul Conlin
R. Benjamin Mills

Institution fédérale : Services partagés Canada

Conseiller juridique pour l’institution fédérale : Gregory S. Tzemenakis

Veuillez adresser toutes les communications au :

Greffier
Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario) K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

EXPOSÉ DES MOTIFS

INTRODUCTION

  1. Le 29 septembre 2014, 4Plan Consulting Corp. (4Plan) a déposé une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal), aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur[1], concernant une demande de propositions (DP) (invitation no 2B0KB-14-18583) publiée par Services partagés Canada (SPC) pour la prestation de services de consultation professionnelle.

  2. 4Plan allègue que SPC a incorrectement utilisé les références dans l’évaluation de sa soumission, a exclu de façon irrégulière et arbitraire des projets proposés par 4Plan et a évalué des projets proposés par 4Plan en se fondant sur des critères non divulgués.

  3. À titre de mesure corrective, 4Plan demande que sa soumission soit réévaluée et que le contrat soit résilié et lui soit conséquemment adjugé. Subsidiairement, elle demande que lui soient versés des dommages-intérêts pour sa perte de profits et sa perte d’opportunité. Dans les deux cas, 4Plan demande le remboursement des frais qu’elle a engagés pour le dépôt de sa plainte.

CONTEXTE

  1. Le 29 mai 2014, SPC a publié une DP pour la prestation de services de consultation professionnelle. La date de clôture des soumissions était initialement le 19 juin 2014, mais elle a par la suite été reportée au 26 juin 2014.

  2. Le 26 juin 2014, 4Plan a présenté sa soumission en réponse à la DP.

  3. Le 30 juillet 2014, SPC a envoyé un courriel à 4Plan pour l’informer qu’elle n’était pas le soumissionnaire retenu.

  4. Le 4 août 2014, 4Plan a écrit à SPC pour lui faire part de ses préoccupations quant au processus de sélection. Du 4 au 8 août 2014, 4Plan et SPC ont échangé de la correspondance additionnelle dans laquelle 4Plan expliquait plus en détail ses préoccupations et SPC s’engageait à lui fournir un compte rendu en personne[2].

  5. Le 13 août 2014, 4Plan a déposé une première plainte auprès du Tribunal. Cette plainte a été rejetée au motif qu’elle était prématurée, puisque SPC n’avait pas encore fourni le compte rendu promis[3].

  6. Le 15 septembre 2014, SPC a rencontré 4Plan pour lui fournir le compte rendu susmentionné[4]. À la suite de cette rencontre, 4Plan a déposé une deuxième plainte auprès du Tribunal le 29 septembre 2014.

  7. Le 6 octobre 2014, le Tribunal a informé les parties qu’il avait décidé d’enquêter sur la plainte puisqu’elle satisfaisait aux exigences du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE et aux conditions énoncées au paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics[5].

  8. Le 14 novembre 2014, SPC a déposé un rapport de l’institution fédérale (RIF) auprès du Tribunal conformément à l’article 103 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur[6].

  9. Le 21 novembre 2014, 4Plan a déposé une requête dans laquelle elle demandait que SPC produise des documents supplémentaires et également que le délai pour le dépôt de ses observations sur le RIF soit prorogé.

  10. Le 21 novembre 2014, le Tribunal a accordé à 4Plan sa demande de prorogation du délai pour déposer ses observations sur le RIF et a ordonné à SPC de déposer sa réponse à la demande de production de documents.

  11. Le 25 novembre 2014, SPC a déposé des observations pour s’opposer à la demande de production de documents.

  12. Le 28 novembre 2014, 4Plan a déposé des observations en réplique à l’appui de sa demande.

  13. Le 28 novembre 2014, SPC a demandé au Tribunal de lui donner l’occasion de fournir des observations supplémentaires en réponse aux observations en réplique de 4Plan.

  14. Le 1er décembre 2014, le Tribunal a informé les parties que SPC ne serait pas autorisé à déposer des observations supplémentaires, puisque sa procédure habituelle ne prévoit pas de réponse à la réplique. Le Tribunal fait remarquer que, sauf dans des circonstances exceptionnelles, ce que n’allègue pas SPC, permettre le dépôt d’une réponse à la réplique contreviendrait aux règles de l’équité procédurale[7].

  15. Le 2 décembre 2014, le Tribunal a rendu une ordonnance faisant droit en partie à la requête de 4Plan et enjoignant à SPC de fournir des observations supplémentaires concernant la question de la communication des évaluateurs avec les personnes-références[8].

  16. Le 5 décembre 2014, SPC a déposé des documents et observations supplémentaires, conformément à l’ordonnance que le Tribunal avait rendue le 2 décembre 2014.

  17. Le 16 décembre 2014, 4Plan a déposé ses observations sur le RIF et sur les documents et observations supplémentaires déposés par SPC.

  18. Étant donné que les renseignements au dossier étaient suffisants pour déterminer le bien-fondé de la plainte, le Tribunal a décidé qu’il n’était pas nécessaire de tenir une audience et a statué sur la plainte sur la foi des renseignements versés au dossier.

DISPOSITIONS PERTINENTES DE LA DP

  1. Tel qu’indiqué dans la DP, les soumissions ont été évaluées selon deux éléments : une soumission technique et une soumission financière[9]. Seule l’évaluation de la soumission technique fait l’objet du litige dans le cadre de la présente plainte.

  2. Pour que la soumission technique soit considérée comme recevable, elle devait respecter toutes les exigences de l’invitation à soumissionner, satisfaire à tous les critères techniques obligatoires et obtenir au moins 240 points sur un total possible de 400 points pour les critères techniques cotés[10].

  3. Même si la soumission de 4Plan a été jugée recevable, elle n’a pas obtenu la totalité des points relatifs aux critères techniques cotés.

  4. Sur ce point, 4Plan allègue que sa soumission a été incorrectement notée relativement aux exigences cotées C1, C2 et C6 qui prévoient ce qui suit :

No

Critère d’évaluation coté

Points

Renvoi à la section ou à la page de la proposition du soumissionnaire

C1

Au-delà de l’exigence obligatoire minimale O3, des points seront accordés pour l’expérience en matière de direction et de réalisation de projets comprenant les éléments suivants :

  • le cadre financier du gouvernement fédéral;
  • des fonds centraux comme le compte du Régime de pensions du Canada et le compte d’assurance-emploi;
  • la Politique sur les autorisations spéciales de dépenser les recettes du Secrétariat du Conseil du Trésor et le fonctionnement des fonds renouvelables.

Le soumissionnaire doit, pour chaque projet décrit à titre d’expérience, fournir les renseignements suivants :

  • le nom du client (responsable du projet);
  • le nom du ministère client;
  • le courriel et le numéro de téléphone actuels du responsable du projet;
  • le rôle et les responsabilités de la ressource qu’il propose;
  • les détails du travail effectué par la ressource proposée dans le cadre du projet;
  • les dates de début et de fin du projet (mois et année);
  • les résultats du travail effectué.

Chaque projet comprenant un ou plusieurs des éléments énumérés obtiendra 10 points, jusqu’à concurrence de 50 points (5 projets). Les projets présentés relativement à l’exigence obligatoire O3 ne seront pas acceptés.

[...] 

[...] 

C2

Au-delà de l’exigence obligatoire minimale O4, des points seront accordés pour l’expérience acquise au cours des dix (10) dernières années, à compter de la date de clôture des soumissions, en matière de direction et de réalisation de projets comprenant l’élaboration et la mise en œuvre de cadres d’établissement des coûts, y compris les méthodes, les modèles et les outils d’analyse, au sein du gouvernement fédéral, conformément aux exigences des organismes centraux.

Le soumissionnaire doit, pour chaque projet décrit à titre d’expérience, fournir les renseignements suivants :

  • le nom du client (responsable du projet);
  • le nom du ministère client;
  • le courriel et le numéro de téléphone à jour du responsable du projet;
  • le rôle et les responsabilités de la ressource qu’il propose;
  • les détails quant au travail effectué par la ressource proposée dans le cadre du projet;
  • les dates de début et de fin du projet (mois et année);
  • les résultats du travail effectué.

Au-delà du minimum de trois (3) projets, chaque projet obtiendra 10 points jusqu’à concurrence de 50 points (5 projets).

[...] 

[...] 

[...] 

[...] 

[...] 

[...] 

C6

Au-delà de l’exigence obligatoire minimale O13, des points seront accordés pour l’expérience de travail dans le cadre d’autorisations de dépenser de nouveau d’un ministère fédéral.

Le soumissionnaire doit, pour chaque projet décrit à titre d’expérience, fournir les renseignements suivants :

  • le nom du client (responsable du projet);
  • le nom du ministère client;
  • le courriel et le numéro de téléphone à jour du responsable du projet;
  • le rôle et les responsabilités de la ressource qu’il propose;
  • les détails quant au travail effectué par la ressource proposée dans le cadre du projet;
  • les dates de début et de fin du projet (mois et année);
  • les résultats du travail effectué.

Au-delà du minimum de trois (3) projets, chaque projet obtiendra 10 points jusqu’à concurrence de 50 points (5 projets).

[...] 

[...] 

[Traduction]

  1. Le libellé suivant de l’exigence obligatoire O4 est également pertinent en ce qui concerne la présente plainte, même s’il n’est pas directement en cause :

No

Description

Satisfait/non satisfait

Renvoi à la proposition

[...] 

[...] 

[...] 

[...] 

O4

Le soumissionnaire doit présenter trois (3) projets que la ressource proposée a dirigés et réalisés au cours des dix (10) dernières années, à compter de la date de clôture des soumissions, comprenant l’élaboration et la mise en œuvre de cadres d’établissement des coûts, y compris les méthodes, les modèles et les outils d’analyse, au sein du gouvernement fédéral, conformément aux exigences des organismes centraux.

[...] 

[...] 

[...] 

[Traduction]

PROJETS EN CAUSE

  1. Dans le cadre de la présente plainte, les projets en cause et les raisons des évaluateurs pour diminuer le nombre de points accordés ou ne pas en accorder se résument comme suit :

C1

Projets

Justification

Points accordés

10, 19, 20

Ils sont considérés comme étant un seul projet (la personne-référence a été jointe pour les projets 19 et 20)[11].

Ambiguïté[12]

17, 18

Ils sont considérés comme étant un seul projet (la personne-référence a été jointe). Le projet 18 est déjà indiqué pour l’exigence obligatoire O3, donc aucun point n’est accordé[13].

0 sur 20

Points en jeu :

 

40

C2

Projets

Justification

Points accordés

12, 13

Ils sont considérés comme étant un seul projet. Le projet 12 est déjà indiqué pour l’exigence obligatoire O4, donc aucun point n’est accordé[14] (aucune personne-référence n’a été jointe)[15].

0 sur 20

14

Il ne s’agit pas d’un cadre d’établissement des coûts[16] (aucune personne-référence n’a été jointe).

0 sur 10

16

Il ne s’agit pas d’un cadre d’établissement des coûts, mais plutôt d’un modèle de gestion et d’une fiche d’évaluation du rendement[17] (aucune personne-référence n’a été jointe).

0 sur 10

20

Il ne s’agit pas d’un cadre d’établissement des coûts[18].

0 sur 10

Points en jeu :

 

50

C6

Projets

Justification

Points accordés

5

Il manque de renseignements pour conclure que le projet a été réalisé dans le cadre d’autorisations de dépenser de nouveau[19].

0 sur 10

Points en jeu :

 

10

[Traduction]

POSITION DES PARTIES

4Plan

  1. 4Plan allègue que SPC a communiqué de manière irrégulière et arbitraire avec les personnes-références et que, par conséquent, les références ont été utilisées pour discréditer le contenu de sa soumission plutôt que pour vérifier les hypothèses de SPC. 4Plan soutient que ces pratiques ont amené SPC à combiner à tort des projets distincts en des descriptions de projet unique et à ne lui accorder ainsi aucun point pour des projets dûment indiqués dans sa soumission.

  2. En outre, 4Plan allègue que la définition d’un cadre d’établissement des coûts n’a pas été appliquée de manière uniforme, certains projets ayant été acceptés à titre de cadres d’établissement des coûts et d’autres ayant été rejetés sans explication raisonnable. Elle soutient également que SPC a eu recours à des critères d’évaluation non divulgués en exigeant que les projets proposés soient des cadres d’établissement des coûts au lieu de simplement comprendre un cadre d’établissement des coûts, conformément à la DP.

SPC

  1. SPC est d’avis que l’évaluation de la soumission de 4Plan a été raisonnable et que sa plainte est dénuée de fondement.

  2. Quant à la combinaison du projet 17 avec le projet 18 et du projet 19 avec le projet 20, SPC maintient que les évaluateurs ont communiqué avec les personnes-références parce qu’ils étaient préoccupés par des similitudes entre les projets. Plus particulièrement, SPC soutient que les projets énumérés ci-dessus contenaient les mêmes « données de base » [traduction], qu’ils s’étaient déroulés sur des périodes consécutives de trois mois et qu’ils étaient axés sur des objectifs identiques ou semblables[20].

  3. Selon SPC, les références obtenues ont confirmé que les projets 17 et 18 et les projets 19 et 20 devaient être considérés comme des projets uniques. SPC soutient donc que les évaluateurs ont agi raisonnablement en combinant ces projets et en réduisant en conséquence le nombre de points accordés[21].

  4. SPC allègue également que les projets 12 et 13 contenaient des similitudes « [...] suffisamment importantes pour que les évaluateurs concluent raisonnablement qu’ils n’avaient pas besoin de communiquer avec la personne désignée par 4Plan pour obtenir des références [...] et qu’aucun point ne pouvait être accordé relativement à l’exigence cotée C2 »[22] [traduction]. De même, SPC soutient que les renseignements fournis pour le projet 14 « n’étaient pas concluants » [traduction]. Par conséquent, SPC affirme que les évaluateurs ont dûment agi en n’accordant aucun point à ces projets[23].

ANALYSE

  1. Le paragraphe 30.14(1) de la Loi sur le TCCE exige que, dans son enquête, le Tribunal limite son étude à l’objet de la plainte. De plus, à la conclusion de l’enquête, le Tribunal doit déterminer le bien-fondé de la plainte, à savoir si les procédures et autres critères prescrits relativement au contrat spécifique ont été respectés. L’article 11 du Règlement prévoit également que le Tribunal doit décider si la procédure du marché public a été suivie conformément aux exigences des accords commerciaux applicables, c’est-à-dire, en l’espèce, l’Accord de libre-échange nord-américain[24], l’Accord sur le commerce intérieur[25], l’Accord sur les marchés publics[26], l’Accord de libre-échange Canada-Chili[27], l’Accord de libre-échange Canada-Pérou[28], l’Accord de libre-échange Canada-Colombie[29] et l’Accord de libre-échange Canada-Panama[30].

  2. 4Plan allègue que l’évaluation des soumissions effectuée en l’espèce contrevient à plusieurs égards aux exigences des accords commerciaux applicables. Plus particulièrement, elle soutient que SPC :

  3. a conclu arbitrairement, en se fiant à tort aux personnes-références, que certains de ses projets étaient le « même projet » [traduction];

  4. a assujetti sa soumission à un traitement différent en communiquant de façon irrégulière avec les personnes-références;

  5. a appliqué des normes incohérentes en acceptant les termes qu’elle avait utilisés pour décrire son expérience relativement à certaines exigences, tout en rejetant parallèlement ces mêmes termes quant à des exigences semblables;

  6. a mal appliqué les exigences de la DP ou a évalué sa soumission en se fondant sur des critères non divulgués.

  7. Les accords commerciaux exigent d’une entité acheteuse qu’elle remette aux fournisseurs potentiels tous les renseignements nécessaires pour leur permettre de présenter des soumissions valables, y compris les critères d’évaluation et d’adjudication du contrat subséquent[31]. Ils prévoient également que, pour être prise en considération en vue de l’adjudication, une soumission doit être conforme aux conditions essentielles spécifiées dans la documentation relative à l’appel d’offres et exigent d’une entité acheteuse qu’elle adjuge le contrat conformément aux critères et aux conditions essentielles spécifiées dans la documentation relative à l’appel d’offres[32]. En outre, les accords commerciaux interdisent toute forme de discrimination quant aux procédures de passation des marchés, que ce soit de manière générale ou par le biais de l’utilisation de critères non divulgués[33].

  8. Il est bien établi qu’une entité acheteuse doit satisfaire à ces obligations lorsqu’elle procède à une évaluation raisonnable conforme aux modalités d’une DP. Tel qu’il l’a indiqué par le passé, le Tribunal ne substituera généralement pas son jugement à celui des évaluateurs à moins que ceux-ci ne se soient pas appliqués à évaluer la proposition d’un soumissionnaire, qu’ils n’aient pas tenu compte de renseignements cruciaux fournis dans une soumission, qu’ils aient donné une interprétation erronée de la portée d’une exigence ou qu’ils aient fondé leur évaluation sur des critères non divulgués[34].

  9. Le Tribunal a examiné les allégations de 4Plan et, pour les motifs qui suivent, conclut qu’elles sont fondées.

Première question : SPC s’est-il fié à tort aux personnes-références et a-t-il déterminé de manière irrégulière ou arbitraire que plusieurs projets figurant dans la soumission de 4Plan étaient en fait des projets uniques?

Recours aux références

  1. Tel qu’indiqué ci-dessus, les exigences cotées C1 et C2 prévoyaient l’attribution de points à un soumissionnaire pour chaque projet indiqué, au-delà de certaines exigences minimales. Cependant, le terme « projet » n’était pas défini dans les documents d’appel d’offres. 4Plan allègue que la décision de ce qui constituait un projet individuel a été laissée à la discrétion des évaluateurs, ce qui constitue une pratique d’appel d’offres inéquitable[35].

  2. À titre de question préliminaire, le Tribunal remarque que l’évaluation et la notation des projets 10, 19 et 20 semblent incohérentes. Bien que les notes d’évaluation indiquent que les projets 10, 19 et 20 aient été considérés comme étant le même projet au moment de la notation, ni le RIF ni les observations supplémentaires de SPC ne fournissent d’arguments ou d’éléments de preuve quant aux raisons pour lesquelles le projet 10 a été considéré comme étant le même projet que les projets 19 et/ou 20. Toutefois, malgré les notes d’évaluation qui indiquent le contraire, il appert que, dans les faits, le projet 10 a été noté en tant que projet distinct[36].

  3. En ce qui concerne les projets 17 et 18 et les projets 19 et 20, les évaluateurs ont téléphoné aux personnes-références, à savoir si les projets indiqués étaient en fait un seul projet[37]. Même si les deux personnes-références ont affirmé que les projets indiqués constituaient un seul projet (les projets 17 et 18 constituant un projet et les projets 19 et 20 constituant un deuxième projet), rien n’indique que les évaluateurs leur ont réellement précisé ce qui était considéré comme un « projet » ou leur ont par ailleurs fourni des directives ou critères de définition à cet effet.

  4. Cela devient encore plus évident lorsqu’on examine les réponses fournies par les personnes-références. Par exemple, lorsqu’on a demandé à la personne désignée si les projets 17 et 18 étaient en fait un seul projet, celle-ci a répondu par l’affirmative, mais a également indiqué ne pas pouvoir se rappeler si un ou deux contrats avaient été adjugés pour effectuer ce travail[38]. Ainsi, les évaluateurs semblent avoir accepté le fait que, malgré que le travail puisse avoir été effectué dans le cadre de deux contrats distincts, ces contrats pouvaient néanmoins être considérés comme étant un seul projet.

  5. La DP n’éclaircissait pas la question de savoir si plusieurs contrats pouvaient être considérés comme un seul projet, ni la façon dont ceux-ci pouvaient être considérés comme des projets distincts; il semble que les évaluateurs n’avaient établi aucun critère pour répondre à cette question.

  6. Le Tribunal conclut que les évaluateurs se sont fondés sur des critères extrinsèques, essentiellement définis par les personnes-références elles-mêmes, afin d’établir ce que constituait un projet. Ils ont ensuite accepté ces interprétations comme principes de base de leur évaluation finale. Ce faisant, les évaluateurs ont renoncé à leur responsabilité d’évaluer les soumissions; ils ont ainsi favorisé les points de vue fournis par les personnes-références, qui ne disposaient d’aucune balise claire à cet égard.

  7. Cela ne veut pas dire que les personnes-références ont elles-mêmes agi de façon inappropriée. Cela signifie plutôt qu’elles ne pouvaient servir de fondement pour trancher des questions n’ayant pas été définies dans la DP et qu’elles les ont examinées sans qu’on leur ait fourni de contexte.

  8. Le Tribunal a indiqué à maintes reprises qu’une évaluation sera considérée comme déraisonnable lorsque les évaluateurs ne se sont pas appliqués à évaluer la proposition d’un soumissionnaire[39]. En l’espèce, les évaluateurs ne se sont pas appliqués à déterminer ce qui constituait un projet dans le cadre de la DP, mais s’en sont plutôt remis à la décision des personnes-références, se fondant ainsi sur des critères non divulgués. Par conséquent, le Tribunal conclut que l’évaluation des projets 17 et 18 et des projets 19 et 20 a été déraisonnable et que, sur ce motif, la plainte de 4Plan est fondée.

Irrégularité dans la communication avec les personnes-références

  1. Les documents d’invitation à soumissionner ne contiennent aucune mention quant à la vérification des références et n’établissent aucun paramètre pour déterminer si, ou dans quelles circonstances, les personnes-références pouvaient être jointes. En fait, la seule mention d’une communication avec une personne-référence se trouve dans les exigences obligatoires M5 et M14, qui ne sont ni l’une ni l’autre en cause et qui prévoient simplement ce qui suit :

Le soumissionnaire doit, quant à la manière dont l’expérience indiquée a été acquise, fournir les détails suivants :

  • le nom du client (responsable du projet) et ses coordonnées pour vérification.

[Traduction]

  1. En revanche, les critères cotés en cause exigent seulement du soumissionnaire qu’il indique le nom du responsable du projet ainsi que son courriel et son numéro de téléphone à jour pour chaque projet énuméré. Bien entendu, cela peut être considéré comme une indication implicite selon laquelle SPC avait, d’une certaine manière, l’intention de communiquer avec les personnes-références; toutefois, ceci n’est pas explicitement indiqué dans les critères de l’invitation ou dans la méthode d’évaluation. En outre, aucune information n’a été donnée sur la manière dont les renseignements seraient utilisés ou pourraient, en fait, influer sur l’évaluation elle-même.

  2. Cependant, fait plus important encore, rien n’indique clairement pourquoi les évaluateurs ont communiqué avec les personnes-références dans certains cas et ne l’ont pas fait dans d’autres. Plus particulièrement, les évaluateurs ont considéré que les similitudes entre les projets 12 et 13 étaient « suffisamment importantes » pour qu’ils déterminent, sans avoir à communiquer avec une personne-référence, qu’il s’agissait en fait d’un seul projet[40].

  3. Quant aux projets 17 et 18 et aux projets 19 et 20, SPC allègue que les similitudes entre les projets ont eu pour effet que les évaluateurs ont appelé les responsables des projets pour vérification. De même, les évaluateurs ont communiqué avec la personne-référence concernant le projet 20 afin de déterminer si ce projet comprenait l’élaboration d’un cadre d’établissement des coûts; cependant, ils ont déterminé, sans avoir communiqué avec les personnes-références, que les projets 14 et 16 ne comprenaient pas l’élaboration de cadres d’établissement des coûts.

  4. De façon semblable, aucune explication n’a été fournie, ni dans les observations de SPC ni dans les documents d’évaluation, sur la manière dont les évaluateurs ont justifié la divergence entre la déclaration d’une personne-référence en question, selon laquelle le projet 20 « [...] ne comprenait pas l’élaboration d’un cadre d’établissement des coûts »[41] [traduction], alors que la description du projet indiquait clairement le contraire[42]. Tel qu’indiqué ci-dessus, la description du projet 20 était semblable à celle du projet 11, mais aucune explication ou justification n’a été fournie quant aux raisons pour lesquelles les évaluateurs ont décidé de communiquer avec la personne-référence dans un cas mais pas dans l’autre.

  5. À la lumière de ce qui précède, le Tribunal conclut que les évaluateurs ont non seulement eu recours à une vérification des références qui ne figurait pas parmi les critères indiqués comme étant pertinents, mais qu’ils n’ont pas non plus accompli leur travail consciencieusement en ayant recours aux références de manière irrégulière, et ont plutôt évalué la soumission de 4Plan de manière incohérente et arbitraire. Par conséquent, le Tribunal conclut que ce motif de plainte est fondé.

Deuxième question : SPC a-t-il été inconstant dans son évaluation de la soumission de 4Plan en acceptant certains projets comprenant un cadre d’établissement des coûts et en en rejetant d’autres ou en utilisant des critères d’évaluation non divulgués pour rejeter certains projets indiqués dans la soumission technique de 4Plan?

Irrégularité dans l’évaluation

  1. L’exigence obligatoire O4 et l’exigence cotée C2 visaient toutes deux des projets « [...] comprenant l’élaboration et la mise en œuvre de cadres d’établissement des coûts [...] », des points étant accordés relativement à l’exigence cotée C2 pour l’expérience allant au-delà de l’exigence obligatoire minimale O4. Dans leur notation de la soumission de 4Plan, les évaluateurs ont considéré que trois projets (les projets 14, 16 et 20) indiqués en réponse à l’exigence cotée C2 étaient irrecevables parce qu’il ne s’agissait « pas d’un cadre d’établissement des coûts »[43] [traduction]. Toutefois, d’autres projets (les projets 11, 12 et 22) décrits de façon semblable aux projets 14, 16 et 20 ont été jugés conformes à l’exigence obligatoire O4. Cette différence dans le traitement de projets ayant parfois un langage descriptif identique[44] démontre une irrégularité inexpliquée dans l’évaluation de projets comprenant l’élaboration d’un cadre d’établissement des coûts.

  2. À titre d’exemple, le projet 11 (accepté) indiquait que la ressource proposée avait « dirigé l’élaboration et la mise en œuvre d’un cadre et d’un modèle d’établissement des coûts [...] »[45] [nos italiques, traduction]. En revanche, le projet 16 (rejeté) indiquait pour sa part que la ressource proposée avait collaboré « [...] avec la haute direction à l’élaboration et à la mise en œuvre d’un cadre et d’un modèle d’établissement des coûts [...] »[46] [nos italiques, traduction]; ces conclusions différentes fondées sur des termes particulièrement semblables sont, au mieux, étranges.

  3. À cet égard, il importe également de noter qu’il y a des divergences entre les explications de l’évaluation avancées par SPC dans ses observations et les notes des évaluateurs dans le cadre de l’évaluation consensuelle et dans leurs fiches de notation individuelle.

  4. Plus particulièrement, SPC indique dans ses observations que les projets 14 et 16 « [...] ne contenaient pas suffisamment de renseignements [...] » [traduction] pour répondre aux critères de l’exigence cotée C2[47]. Néanmoins, l’évaluation consensuelle indique sans équivoque que « le projet 14 n’est pas un cadre d’établissement des coûts » [nos italiques, traduction] et que « le projet 16 n’est pas un cadre d’établissement des coûts; il s’agit d’un modèle de gestion et d’une fiche d’évaluation du rendement »[48] [nos italiques, traduction]. Par conséquent, selon l’évaluation consensuelle, il appert que les évaluateurs ont, d’une certaine manière, conclu que les projets 14 et 16 ne comprenaient pas l’élaboration de cadres d’établissement des coûts, conformément à l’exigence cotée C2. Cependant, il n’est pas expliqué comment ou pourquoi les évaluateurs ont accepté certains projets et en ont rejeté d’autres (comme les projets 14 et 16), alors que les termes utilisés dans tous les cas ne permettent pas raisonnablement d’établir une distinction claire.

  5. En outre, bien que l’évaluation consensuelle contienne une brève description des projets 14 et 16 (qui ont été rejetés au motif qu’ils n’étaient pas des cadres d’établissement des coûts)[49], les fiches de notation individuelle des évaluateurs indiquent simplement, sans fournir d’autres explications, que ces projets ne respectaient pas l’exigence cotée C2[50]. Puisque ces observations ne figurent nulle part ailleurs dans les notes d’évaluation, il n’est pas évident de savoir qui a déterminé cela ou de quelle façon ces conclusions ont été tirées.

  6. Compte tenu du manque d’explications quant à ce traitement différent et des divergences entre les documents d’évaluation eux-mêmes, le Tribunal conclut que l’évaluation a été effectuée de manière arbitraire et que les évaluateurs ont utilisé des critères non divulgués pour distinguer les projets acceptés des projets 14 et 16. Par conséquent, le Tribunal conclut que ce motif de plainte est fondé.

Critères non divulgués

  1. 4Plan allègue également que SPC a mal appliqué les exigences de la DP ou a évalué les projets 5, 14 et 16 en se fondant sur des critères non divulgués.

  2. Même si 4Plan a d’abord allégué que le projet 5 « respectait clairement les conditions de [...] C6 »[51] [traduction], elle n’a fourni aucun argument ou élément de preuve à l’appui de cette position. En outre, l’évaluation consensuelle indique ce qui suit :

Le projet 5 ne donne pas suffisamment de renseignements pour conclure que le travail comprenait des autorisations de dépenser de nouveau[52].

[Traduction]

  1. D’ailleurs, il est difficile de savoir en examinant le projet 5 si celui-ci comprenait des autorisations de dépenser de nouveau accordées à un ministère fédéral, conformément à l’exigence cotée C6[53]. Puisque le fardeau de démontrer la conformité aux critères de l’invitation incombe au soumissionnaire[54], le Tribunal conclut que les évaluateurs ont agi raisonnablement en concluant que la description du projet 5 n’était pas suffisamment étoffée pour établir qu’il respectait l’exigence cotée C6. Par conséquent, le Tribunal conclut que le motif de plainte de 4Plan concernant ce projet n’est pas fondé.

  2. Quant à la conclusion des évaluateurs selon laquelle les projets 14 et 16 n’étaient pas des cadres d’établissement des coûts, le Tribunal remarque que l’exigence cotée C2 indiquait que des points seraient accordés pour les projets « [...] comprenant l’élaboration et la mise en œuvre de cadres d’établissement des coûts [...] » [nos italiques].

  3. En dépit de l’utilisation de ce libellé spécifique dans la DP, il appert que les projets ont été évalués en fonction du fait qu’ils étaient ou non, dans leur intégralité, des projets de « cadres d’établissement des coûts » (plutôt que simplement des projets comprenant des cadres d’établissement des coûts).

  4. Plus particulièrement, l’évaluation consensuelle indique ce qui suit :

  • le projet 14 n’est pas un cadre d’établissement des coûts;
  • le projet 16 n’est pas un cadre d’établissement des coûts; il s’agit d’un modèle de gestion et d’une fiche d’évaluation du rendement;
  • le projet 20 n’est pas un cadre d’établissement des coûts; la personne-référence a été contactée le 11 juillet 2014[55].

[Traduction]

  1. Il importe ici de faire la distinction suivante : l’idée d’« être » un cadre d’établissement des coûts et celle de « comprendre » un cadre d’établissement des coûts évoquent deux notions différentes dont les niveaux d’implication sont différents. La première notion est déterminante et différencie « ce qui est » de « ce qui n’est pas ». La deuxième notion n’est pas déterminante, mais implique plutôt que le cadre d’établissement des coûts a joué un rôle dans le projet.

  2. Aucune explication n’est donnée relativement au projet 13, à part le fait qu’il est considéré comme étant le même projet que le projet 12 que 4Plan avait déjà inscrit sous l’exigence obligatoire O4.

  3. Dans le RIF, SPC indique que la raison pour laquelle les évaluateurs ont rejeté les projets 14 et 16 est que la soumission de 4Plan « [...] ne contenait pas suffisamment de renseignements pour satisfaire à l’exigence indiquée [...] »[56] [traduction]. À cet égard, SPC allègue que, même si les projets contenaient des « éléments » [traduction] d’un « cadre d’établissement des coûts », les renseignements n’étaient pas concluants et étaient ambigus. Cet argument n’est pas appuyé par les renseignements fournis dans le document d’évaluation consensuelle, dans lequel il est évident que les évaluateurs ont déterminé que les projets eux-mêmes n’étaient « pas des cadres d’établissement des coûts »[57], ou dans les fiches de notation individuelle des évaluateurs, qui indiquent simplement que les exigences n’étaient pas respectées[58].

  4. Le Tribunal conclut que les évaluateurs se sont fondés sur des critères non divulgués pour évaluer les projets 14, 16 et 20, en exigeant, au fond, que les projets soient, dans leur intégralité, des « cadres d’établissement des coûts » plutôt que des projets comprenant des cadres d’établissement des coûts. Par conséquent, le Tribunal conclut que ce motif de plainte est fondé.

MESURE CORRECTIVE

  1. Ayant conclu que la plainte est fondée, le Tribunal doit maintenant se pencher sur la question de la mesure corrective et recommander un moyen adéquat de réparer le préjudice causé à 4Plan. Étant donné que le contrat a déjà été adjugé à Raymond Chabot Grant Thornton et a été exécuté en partie, il est impossible d’accéder à la demande de 4Plan, à savoir que le contrat soit annulé pour lui être adjugé. Subsidiairement, 4Plan soutient qu’elle doit être indemnisée pour perte de profits.

  2. SPC n’a formulé aucune observation concernant la mesure corrective.

  3. Pour déterminer la mesure corrective appropriée, le Tribunal doit tenir compte de tous les facteurs qui interviennent dans le marché public, tels qu’ils sont énoncés au paragraphe 30.15(3) de la Loi sur le TCCE, notamment la gravité des irrégularités dans la procédure des marchés publics, l’ampleur du préjudice causé au plaignant, l’ampleur du préjudice causé à l’intégrité ou à l’efficacité du mécanisme d’adjudication et la bonne foi des parties.

  4. 4Plan allègue que, pour être le soumissionnaire retenu, sa soumission n’aurait dû obtenir que 30 points supplémentaires[59]. Elle soutient également que, si les projets 12 et 13, 17 et 18, et 19 et 20 avaient tous été considérés comme étant des projets distincts et si les projets 5, 14, 16 et 20 avaient été jugés comme étant conformes aux critères énoncés dans la DP, sa soumission aurait facilement obtenu plus de points que les 30 points nécessaires[60].

  5. Le Tribunal a déjà déterminé que le motif de plainte concernant le projet 5 n’est pas fondé. Par conséquent, aucun point supplémentaire n’aurait dû être accordé pour ce projet.

  6. En l’espèce, l’absence d’une définition de ce qui constitue un « projet », ainsi que le fait que les évaluateurs s’en soient remis aux références obtenues, constitue une irrégularité grave de la procédure de passation des marchés publics. Cependant, le Tribunal remarque qu’en l’absence d’une définition de ce qui constitue un projet dans le contexte de la DP, il ne peut déterminer de façon définitive si les projets 12 et 13, 17 et 18, et 19 et 20 auraient tous dû être notés en tant que projets distincts.

  7. En ce qui concerne les critères non divulgués utilisés pour évaluer les projets 14 et 16, le Tribunal conclut que, n’eussent été ces critères non divulgués, les deux projets auraient été considérés comme « [...] comprenant l’élaboration d’un cadre d’établissement des coûts [...] » et auraient obtenu le nombre maximum de points. Par conséquent, il est évident que la soumission de 4Plan aurait dû obtenir 20 points supplémentaires.

  8. Enfin, le Tribunal ne peut déterminer que le projet 20 aurait dû obtenir la totalité des points. Bien que le Tribunal soit très préoccupé par la manière dont les personnes-références ont été contactées et par le manque de cohérence dans l’évaluation des projets, il n’en demeure pas moins que la personne désignée pour donner des références sur le projet 20 a clairement indiqué que le projet « [...] ne comprenait pas l’élaboration d’un cadre d’établissement des coûts »[61]. Cette affirmation fait en sorte que le Tribunal ne peut raisonnablement conclure que le projet 20 aurait dû obtenir des points dans le cadre de l’évaluation.

  9. Le Tribunal conclut que 4Plan aurait obtenu 20 des 30 points supplémentaires qui auraient été nécessaires pour devenir le soumissionnaire retenu. Toutefois, le Tribunal ne peut se limiter à une évaluation de la position qu’aurait dû occuper 4Plan selon la méthode de notation et d’évaluation de l’invitation parce qu’elle était fondamentalement viciée. En effet, en utilisant des critères d’évaluation qui n’avaient aucun fondement objectif parce qu’ils n’étaient pas définis ou divulgués, SPC a, dans les faits, passé un marché avec un fournisseur unique sous le couvert d’une procédure concurrentielle.

  10. Par conséquent, le Tribunal conclut que les violations de SPC ont effectivement empêché 4Plan de pouvoir participer de façon significative à la procédure de passation du marché public. Ayant examiné tous les facteurs pertinents énoncés au paragraphe 30.15(3) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal conclut donc que la mesure corrective appropriée consiste à verser à 4Plan une indemnité pour perte d’opportunité de réaliser des profits, d’un montant égal aux profits raisonnables qu’elle aurait réalisés si le contrat lui avait été adjugé.

FRAIS

  1. Le Tribunal accorde à 4Plan le remboursement des frais raisonnables qu’elle a engagés pour la préparation et le dépôt de sa plainte. Pour décider du montant de l’indemnité en l’espèce, le Tribunal a tenu compte de sa Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public (la Ligne directrice), qui fonde l’évaluation du degré de complexité d’une plainte sur trois critères : la complexité du marché public, la complexité de la plainte et la complexité de la procédure.

  2. L’indication provisoire donnée par le Tribunal relativement à la présente plainte est que son degré de complexité correspond au degré moyen de complexité prévu à l’annexe A de la Ligne directrice. La complexité du marché public était moyenne. La complexité de la plainte était moyenne, car elle a nécessité une analyse approfondie et une comparaison de plusieurs points. La complexité de la procédure était moyenne, puisqu’il y a eu une requête et des observations supplémentaires au-delà de la portée normale d’une procédure et qu’aucune audience publique n’a été tenue.

  3. Par conséquent, comme le prévoit la Ligne directrice, l’indication provisoire du Tribunal quant au montant de l’indemnité est de 2 750 $.

DÉCISION DU TRIBUNAL

  1. Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal détermine que la plainte est fondée.

  2. Aux termes des paragraphes 30.15(2) et 30.15(3) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal recommande que SPC verse à 4Plan une indemnité pour perte d’opportunité de réaliser des profits, d’un montant égal aux profits raisonnables qu’elle aurait réalisés si le contrat lui avait été adjugé. Le Tribunal recommande que 4Plan et SPC négocient le montant de cette indemnité et que, dans les 30 jours suivant la date de la présente décision, ils lui fassent rapport du résultat de leurs négociations.

  3. Si les parties ne peuvent s’entendre sur le montant de l’indemnité, 4Plan déposera auprès du Tribunal, dans les 40 jours suivant la date de la présente décision, un mémoire sur la question de l’indemnité. SPC disposera alors de sept jours ouvrables après la réception du mémoire de 4Plan pour déposer un mémoire en réponse. 4Plan disposera ensuite de cinq jours ouvrables après la réception du mémoire en réponse de SPC pour déposer des observations supplémentaires. Les conseillers juridiques doivent faire parvenir simultanément tous leurs documents au Tribunal et à l’autre partie.

  4. Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal accorde à 4Plan le remboursement des frais raisonnables qu’elle a engagés pour la préparation et le dépôt de sa plainte, ces frais devant être payés par SPC. L’indication provisoire du Tribunal du degré de complexité de la présente plainte est le degré 2 et son indication provisoire du montant de l’indemnité est de 2 750 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui a trait à l’indication provisoire du degré de complexité ou à l’indication provisoire du montant de l’indemnité, elle peut présenter des observations auprès du Tribunal, comme le prévoit la Ligne directrice. Il relève de la compétence du Tribunal de fixer le montant définitif des frais et de l’indemnité.

 

[1].      L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.) [Loi sur le TCCE].

[2].      Pièce PR-2014-030-01 aux pp. 6-7, vol. 1.

[3].      4Plan Consulting Corp. (15 août 2014), PR-2014-023 (TCCE).

[4].      Pièce PR-2014-030-09A au par. 15, vol. 1A.

[5].      D.O.R.S./93-602 [Règlement].

[6].      D.O.R.S./91-499.

[7].      Pièce PR-2014-030-19, vol. 1C.

[8].      Pièce PR-2014-030-20, vol. 1C.

[9].      Pièce PR-2014-030-09A au par. 16, vol. 1A.

[10].    Ibid. au par. 17.

[11].    Pièce PR-2014-030-09B à la p. 217, vol. 1A.

[12].    Voir la discussion au paragraphe 40 ci-dessous.

[13].    Pièce PR-2014-030-09B aux pp. 210, 217, vol. 1A.

[14].    Ibid. aux pp. 211, 217.

[15].    Pièce PR-2014-030-09A au par. 52, vol. 1A.

[16].    Pièce PR-2014-030-09B à la p. 217, vol. 1A.

[17].    Ibid.

[18].    Ibid.

[19].    Ibid. à la p. 219.

[20].    Pièce PR-2014-030-09A aux par. 40-45, vol. 1A.

[21].    Ibid. aux par. 41, 44.

[22].    Ibid. au par. 52.

[23].    Ibid. au par. 55.

[24].    Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis d’Amérique et le gouvernement des États-Unis du Mexique, 17 décembre 1992, R.T.C. 1994, no 2 (entré en vigueur le 1er janvier 1994) [ALÉNA].

[25].    18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.ait-aci.ca/index_fr/ait.htm> [ACI].

[26].    Protocole portant amendement de l’Accord sur les marchés publics, en ligne : Organisation mondiale du commerce < http://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/rev-gpr-94_01_f.htm > (entré en vigueur le 6 avril 2014) [AMP].

[27].    Accord de libre-échange entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de la République du Chili, R.T.C. 1997, no 50 (entré en vigueur le 5 juillet 1997). Le chapitre Kbis, intitulé « Marchés publics », est entré en vigueur le 5 septembre 2008.

[28].    Accord de libre-échange entre le Canada et la République du Pérou, en ligne : le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-... (entré en vigueur le 1er août 2009).

[29].    Accord de libre-échange entre le Canada et la République de Colombie, en ligne : le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-... (entré en vigueur le 15 août 2011).

[30].    Accord de libre-échange entre le Canada et la République du Panama, en ligne : le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-... (entré en vigueur le 1er avril 2013).

[31].    Par exemple, le paragraphe 1013(1) de l’ALÉNA prévoit ce qui suit : « La documentation relative à l’appel d’offres qu’une entité remettra aux fournisseurs devra contenir tous les renseignements nécessaires pour leur permettre de présenter des soumissions valables [...]. La documentation contiendra également : [...] h) les critères d’adjudication, y compris tous les éléments, autres que le prix, qui seront pris en considération lors de l’évaluation des soumissions [...]. »

[32].    Par exemple, les alinéas 1015(4)a) et 1015(4)d) de l’ALÉNA prévoient ce qui suit : « L’adjudication des marchés s’effectuera conformément aux procédures suivantes : a) pour être considérée en vue de l’adjudication, une soumission devra être conforme, au moment de son ouverture, aux conditions essentielles spécifiées dans les avis ou dans la documentation relative à l’appel d’offres [...] d) l’adjudication des marchés sera conforme aux critères et aux conditions essentielles spécifiées dans la documentation relative à l’appel d’offres [...]. »

[33].    Par exemple, le paragraphe 1008(1) de l’ALÉNA prévoit que « [c]hacune des Parties fera en sorte que les procédures de passation des marchés suivies par ses entités a) soient appliquées de façon non discriminatoire, et b) soient conformes au présent article et aux articles 1009 à 1016 ».

[34].    Voir par exemple Excel Human Resources Inc. (faisant affaire sous le nom d’excelITR) c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (25 août 2006), PR-2005-058 (TCCE) [Excel Human Resources] au par. 33; Northern Lights Aerobatic Team, Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (7 septembre 2005), PR-2005-004 (TCCE) [Northern Lights] au par. 51; Marcomm Inc. (11 février 2004), PR-2003-051 (TCCE) [Marcomm] à la p. 10.

[35].    Pièce PR-2014-030-23 au par. 18, vol. 1C.

[36].    Voir pièce PR-2014-030-09B à la p. 217, vol. 1A. Puisqu’aucun point n’a été accordé pour les projets 17 et 18 et qu’il semble qu’aucun point n’a été attribué pour le projet 14, étant donné qu’il était déjà inclus relativement à l’exigence obligatoire O3, les projets 10, 19 et 20 sont ceux qui ont obtenu les 20 points accordés par les évaluateurs.

[37].    Pièce PR-2014-030-20 aux par. 8-9, vol. 1C.

[38].    Pièce PR-2014-030-21, affidavit d’Helene Meloche au par. 6, vol. 1C.

[39].    Voir Excel Human Resources au par. 33; Northern Lights au par. 51; Marcomm au par. 10.

[40].    Pièce PR-2014-030-09A au par. 52, vol. 1A.

[41].    Pièce PR-2014-030-021 à la p. 4, vol. 1C.

[42].    Pièce PR-2014-030-09B à la p. 135, vol. 1A.

[43].    Voir pièce PR-2014-030-09B, onglet 4, vol. 1A; pièce PR-2014-030-09C (protégée), onglets 18, 19, vol. 2.

[44].    Pièce PR-2014-030-23, aux par. 5-11, vol. 1C.

[45].    Ibid. au par. 6.

[46].    Ibid. au par. 10.

[47].    Pièce PR-2014-030-09A au par. 55, vol. 1A.

[48].    Pièce PR-2014-030-09B, onglet 4, vol. 1A.

[49].    Ibid.

[50].    Pièce PR-2014-030-09C (protégée), onglets 18, 19, vol. 2.

[51].    Pièce PR-2014-030-01 à la p. 6, vol. 1.

[52].    Pièce PR-2014-030-09B à la p. 219, vol. 1B. Cette explication est conforme à celle fournie dans les fiches de notation individuelle des évaluateurs. Pièce PR-2014-030-09C (protégée) aux pp. 410-411, 421, vol. 2.

[53].    Pièce PR-2014-030-09B à la p. 149, vol. 1A.

[54].    ADR Education c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (18 octobre 2013), PR-2013-011 (TCCE).

[55].    Pièce PR-2014-030-09B à la p. 217, vol. 1B.

[56].    Pièce PR-2014-030-09A au par. 55, vol. 1A.

[57].    Pièce PR-2014-030-09B, onglets 4, vol. 1A.

[58].    Pièce PR-2014-030-09C (protégée), onglets 18, 19, vol. 2.

[59].    Pièce PR-2014-030-01 à la p. 6, vol. 1.

[60].    Pièce PR-2014-030-023 au par. 22, vol. 1C.

[61].    Pièce PR-2014-030-21 à la p. 7, vol. 1C.