MARCOMM SERVICES GROUP INC.

MARCOMM SYSTEMS GROUP INC.
c.
MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

Dossier no PR-2014-060

Ordonnance et motifs rendus
le mercredi 22 avril 2015

TABLE DES MATIÈRES

 

EU ÉGARD À une plainte déposée par Marcomm Systems Group Inc. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.);

ET À LA SUITE D’une décision d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur;

ET À LA SUITE D’une requête déposée par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux le 23 mars 2015, aux termes de l’article 24 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur, en vue d’obtenir une ordonnance rejetant la plainte pour cause d’absence de compétence du Tribunal canadien du commerce extérieur de poursuivre son enquête.

ENTRE

MARCOMM SYSTEMS GROUP INC. Partie plaignante

ET

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX  Institution fédérale

ORDONNANCE

Aux termes de l’alinéa 10a) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics, le Tribunal canadien du commerce extérieur rejette par la présente la plainte.

Peter Burn
Peter Burn
Membre présidant

EXPOSÉ DES MOTIFS

PLAINTE

  1. Le 24 février 2015, Marcomm Systems Group Inc. (MSGI) a déposé une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal), aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur[1], concernant un marché public (invitation no 47931-158149/A) passé par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) au nom de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) pour l’achat et l’installation d’un système de télévision en circuit fermé moderne au pont Rainbow, à Niagara Falls (Ontario), et dans le tunnel reliant Windsor et Detroit, à Windsor (Ontario).
  2. MSGI allègue que la soumission retenue n’a pas été évaluée correctement. Plus précisément, MSGI soutient qu’il est impossible que le soumissionnaire retenu ait pu obtenir l’attestation du contenu canadien (une condition de la demande de propositions).
  3. Le 4 mars 2015, le Tribunal a informé les parties qu’il avait décidé d’enquêter sur la plainte, puisqu’elle satisfaisait aux exigences du paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et remplissait les conditions du paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics[2].
  4. Le 23 mars 2015, TPSGC a déposé une requête visant à obtenir une ordonnance rejetant la plainte, conformément à l’article 24 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur[3]. TPSGC fait valoir que la soumission en cause était visée par une exception au titre de la sécurité nationale et que, par conséquent, elle échappait à l’application de tous les accords commerciaux. TPSGC reconnaît que cette exception relative à la sécurité nationale n’avait pas été mentionnée dans les documents d’invitation à soumissionner, mais affirme qu’elle a été dûment invoquée compte tenu de lettres du sous‐ministre adjoint, Direction générale des approvisionnements, TPSGC, qui sont antérieures à l’invitation[4].
  5. MSGI a déposé des observations en réponse datées des 26 et 30 mars 2015. Elle soutient que la manière dont TPSGC a administré le processus d’invitation à soumissionner n’avait démontré aucun intérêt en matière de sécurité nationale (c’est-à-dire mesures de sécurité durant la visite des lieux, cote de sécurité requise par le personnel chargé de l’exécution des travaux, etc.), et qu’il est donc contradictoire pour TPSGC d’invoquer l’exception relative à la sécurité nationale à l’égard de l’appel d’offres dans son ensemble. Qui plus est, MSGI fait valoir que TPSGC n’a pas suivi la procédure régulière pour se prévaloir de l’exemption relative à la sécurité nationale. MSGI invoque les politiques du Guide des approvisionnements de TPSGC qui, affirme‐t‐elle, exigent de l’agent de négociation des contrats qu’il mentionne dans les documents d’invitation à soumissionner l’existence de l’exception relative à la sécurité nationale. Elle soutient que non seulement cette procédure n’a pas été suivie, mais aussi que les documents d’invitation indiquaient que le marché public était assujetti à certains accords commerciaux.
  6. TPSGC n’a pas produit de réplique aux observations en réponse de MSGI.

ANALYSE DU TRIBUNAL

  1. Le paragraphe 1018(1) de l’Accord de libre-échange nord-américain[5], l’article 1804 de l’Accord sur le commerce intérieur[6], le paragraphe XXIII(1) de l’Accord sur les marchés publics[7], le paragraphe Kbis-16(1) de l’Accord de libre-échange Canada-Chili[8], le paragraphe 1402(1) de l’Accord de libre-échange Canada-Pérou[9], le paragraphe 1402(1) de l’Accord de libre-échange Canada-Colombie[10], le paragraphe 16.03(1) de l’Accord de libre-échange Canada-Panama[11] et le paragraphe 17.3(1) de l’Accord de libre-échange Canada-Honduras[12] prévoient des exceptions aux dispositions de ces accords commerciaux lorsqu’il est question de sécurité nationale.
  2. Il est bien établi que le Tribunal n’a pas compétence pour examiner la décision du gouvernement fédéral selon laquelle un marché public en particulier touche à la sécurité nationale; la compétence du Tribunal en ce qui concerne les accords commerciaux à cet égard se limite à déterminer si l’exception au titre de la sécurité nationale a été dûment invoquée[13].
  3. Selon MSGI, il s’agit essentiellement de déterminer si TPSGC a suivi la procédure appropriée pour invoquer l’exception relative à la sécurité nationale à l’égard du marché public en cause : « Je ne conteste pas le droit de TPSGC d’invoquer l’[exception relative à la sécurité nationale]; la question pertinente [...] est de savoir si, dans le cas présent, l’[exception relative à la sécurité nationale] a été dûment invoquée »[14] [traduction]. Comme l’a déjà conclu le Tribunal dans des causes précédentes, le sous‐ministre adjoint, Direction générale des approvisionnements, TPSGC, a le pouvoir nécessaire pour invoquer l’exception au titre de la sécurité nationale[15], en raison du pouvoir délégué par le gouvernement du Canada au ministre de TPSGC en vertu de l’article 6 de la Loi sur le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux[16] et de l’alinéa 24(2)d) de la Loi d’interprétation[17]. Les lettres produites par TPSGC, datées du 1er mai 2007 et du 12 juillet 2010, indiquent que ce pouvoir a été exercé en l’espèce.
  4. MSGI soutient que, pour que l’exception au titre de la sécurité nationale puisse être dûment invoquée, il faut que les soumissionnaires aient été informés de son existence durant le processus d’approvisionnement. Les accords commerciaux ne précisent pas comment le gouvernement fédéral doit invoquer cette exception. De plus, le Tribunal a déjà conclu dans des causes précédentes que cette dernière peut être invoquée à tout moment durant la procédure de passation d’un marché public et qu’il n’est pas nécessaire de l’annoncer publiquement dans les documents d’invitation à soumissionner[18].
  5. Par conséquent, bien que l’annonce de l’application de l’exception au titre de la sécurité nationale en temps opportun soit souhaitable pour des raisons d’efficacité tant du processus d’approvisionnement concurrentiel que du mécanisme de contestation des offres établi par la Loi sur le TCCE, elle n’est pas exigée par les accords commerciaux. De même, l’argument de MSGI selon lequel cette pratique serait conforme aux politiques internes de TPSGC exprime l’utilité d’une telle pratique, mais ne dit rien des obligations imposées par les accords commerciaux[19].
  6. Enfin, les observations formulées par MSGI quant aux mesures de sécurité que TPSGC aurait pu prendre durant le processus d’approvisionnement ne sont pas pertinentes pour déterminer si l’exception au titre de la sécurité nationale a été dûment invoquée. Ces considérations excèdent donc la compétence du Tribunal à l’égard de la présente requête.
  7. Le Tribunal conclut que l’exception au titre de la sécurité nationale a été dûment invoquée dans les lettres en date du 1er mai 2007 et du 12 juillet 2010, signées par des sous‐ministres adjoints de TPSGC. Bien qu’il soit malheureux que l’existence de l’exception au titre de la sécurité nationale n’ait été divulguée aux soumissionnaires qu’après le dépôt de la présente plainte, cela n’a aucune incidence sur la validité de l’exception comme telle.
  8. Par conséquent, le marché public en cause n’est pas assujetti aux dispositions de l’ensemble des accords commerciaux et le Tribunal n’a pas compétence pour enquêter sur la plainte, puisqu’elle ne porte pas sur un « contrat spécifique » comme l’exige le paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le TCCE. Le Tribunal accueille la requête de TPSGC et rejette la plainte conformément à l’alinéa 10a) du Règlement.
 

[1].      L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.) [Loi sur le TCCE].

[2].      D.O.R.S./93-602 [Règlement].

[3].      D.O.R.S./91-499.

[4].      TPSGC a produit les lettres échangées entre l’ASFC et Liliane saint pierre, sous‐ministre adjointe, Service des approvisionnements, TPSGC, en date des 4 avril et 1er mai 2007, dans lesquelles on demandait que l’exception relative à la sécurité nationale s’applique à l’égard de certains accords commerciaux. Ont également été produites les lettres échangées entre l’ASFC et Tom Ring, sous‐ministre adjoint, Direction générale des approvisionnements, TPSGC, datées des 4 mai et 12 juillet 2010, dans lesquelles on demandait l’élargissement de l’exception relative à la sécurité nationale, de sorte qu’elle s’applique à l’ensemble des accords commerciaux signés par le Canada, actuels et futurs (la deuxième lettre est datée du 12 juillet 2009, mais TPSGC a indiqué qu’il s’agit d’une erreur typographique).

[5].      Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis d’Amérique et le gouvernement des États-Unis du Mexique, 17 décembre 1992, R.T.C. 1994, no 2 (entré en vigueur le 1er janvier 1994).

[6].      18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.ait-aci.ca/index_fr/ait.htm>.

[7].      Protocole portant amendement de l’Accord sur les marchés publics, en ligne : Organisation mondiale du commerce < http://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/rev-gpr-94_01_f.htm > (entré en vigueur le 6 avril 2014).

[8].      Accord de libre-échange entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de la République du Chili, R.T.C. 1997, no 50 (entré en vigueur le 5 juillet 1997). Le chapitre Kbis, intitulé « Marchés publics », est entré en vigueur le 5 septembre 2008.

[9].      Accord de libre-échange entre le Canada et la République du Pérou, en ligne : le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-... (entré en vigueur le 1er août 2009).

[10].    Accord de libre-échange entre le Canada et la République de Colombie, en ligne : le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-... (entré en vigueur le 15 août 2011).

[11].    Accord de libre-échange entre le Canada et la République du Panama, en ligne : le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-... (entré en vigueur le 1er avril 2013).

[12].    Accord de libre-échange entre le Canada et la République du Honduras, en ligne : le ministère des Affaires étrangères, Commerce et Développement <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-...(entré en vigueur le 1er octobre 2014).

[13].    Opsis, Gestion d’infrastructures Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (10 juin 2011), PR-2010-090 (TCCE) [Opsis] aux par. 13-14; confirmé dans Opsis, Gestion d’infrastructure inc. c. Canada (Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2012 CAF 42 (CanLII).

[14].    Réponse de MSGI du 30 mars 2015 à la requête de TPSGC.

[15].    Opsis au par. 22; Mistral Security Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (3 mai 2013), PR-2012-035 (TCCE) [Mistral] au par. 29. Il a également été établi que le sous-ministre adjoint, Service des approvisionnements, TPSGC, détenait le pouvoir requis dans Lotus Development Canada Limited, Novell Canada, Ltd. et Netscape Communications Canada Inc. (14 août 1998), PR-98-005, PR-98-006 et PR‐98‐009 (TCCE).

[16].    L.C. 1996, ch. 16.

[17].    L.R.C. (1985), ch. I-21.

[18].    Mistral aux par. 16-17.

[19].    Le Tribunal a indiqué par le passé que les politiques internes n’ont aucune portée sur les exigences des accords commerciaux, ni que la conformité avec ces politiques soit nécessaire pour qu’il y ait conformité avec les accords commerciaux. Voir, par exemple, Patlon Aircraft & Industries Limited (31 juillet 2003), PR-2003-015 (TCCE); Flir Systems Ltd. (25 juillet 2002), PR-2001-077 (TCCE).