WORKPLACE MEDICAL CORP.

WORKPLACE MEDICAL CORP.
c.
AGENCE CANADIENNE D’INSPECTION DES ALIMENTS

Dossier no PR-2015-004

Décision rendue
le lundi 27 juillet 2015

Motifs rendus
le mardi 28 juillet 2015

TABLE DES MATIÈRES

 

EU ÉGARD À une plainte déposée par Workplace Medical Corp. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.);

ET À LA SUITE D’une décision d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

ENTRE

WORKPLACE MEDICAL CORP. Partie plaignante

ET

L’AGENCE CANADIENNE D’INSPECTION DES ALIMENTS Institution fédérale

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte n’est pas fondée. Chaque partie assumera ses propres frais.

Peter Burn
Peter Burn
Membre présidant

L’exposé des motifs suivra à une date ultérieure.

Membre du Tribunal : Peter Burn, membre présidant

Conseillers juridiques pour le Tribunal : Laura Little
Peter Jarosz

Agent du greffe : Julie Lescom

Partie plaignante : Workplace Medical Corp.

Institution fédérale : Agence canadienne d’inspection des aliments

Conseillers juridiques pour l’institution fédérale : Nadine Dupuis
Bernard Letarte

Veuillez adresser toutes les communications au :

Greffier
Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario)  K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

EXPOSÉ DES MOTIFS

RÉSUMÉ

  1. Le 28 avril 2015, Workplace Medical Corp. (WMC) a déposé une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) en vertu du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur[1]. La plainte concerne une demande de propositions (DP) (invitation no K0305) publiée par l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) en vue de la prestation de services de santé au travail.
  2. WMC allègue que la DP contenait des critères indûment restrictifs et que sa soumission a été incorrectement jugée non conforme parce que l’ACIA a appliqué des critères non divulgués ou ambigus au cours de l’évaluation. WMC avait également allégué qu’il y avait eu des discussions inappropriées entre les représentants de l’ACIA et le soumissionnaire retenu dans le cadre de la procédure de passation du marché public, mais ce motif de plainte a été retiré[2].
  3. À titre de mesure corrective, WMC demande que les soumissions soient réévaluées. Elle demande également la divulgation de l’évaluation de la soumission retenue quant à l’exigence en question.
  4. Pour les motifs qui suivent, le Tribunal conclut que la plainte de WMC n’est pas fondée.

CONTEXTE DE LA PLAINTE

  1. Le 26 janvier 2015, l’ACIA a publié la DP et ses annexes. Le 18 février 2015, une réunion a été tenue avec les soumissionnaires. Le 2 mars 2015, la DP a été modifiée de manière à incorporer certaines modifications et réponses aux questions posées par les soumissionnaires potentiels, dont une modification et une réponse se rapportant aux dispositions de la DP qui sont pertinentes en l’espèce.
  2. Selon le rapport de l’institution fédérale (RIF), à la date de clôture des soumissions le 6 mars 2015, l’ACIA avait reçu deux soumissions en réponse à l’invitation, dont celle de WMC.
  3. Le 10 mars 2015, les parties techniques des deux soumissions, qui contenaient les renseignements relatifs aux critères techniques obligatoires énoncés dans la DP, ont été remises au comité d’évaluation, qui en a terminé l’évaluation le 23 mars 2015.
  4. À la suite de l’évaluation, la soumission de WMC a été jugée non conforme au critère technique obligatoire O5 et elle a été rejetée.
  5. Le 1er avril 2015, l’ACIA a avisé WMC que sa soumission avait été rejetée parce qu’elle n’était pas conforme au critère obligatoire O5. Le même jour, le contrat a été adjugé à Workplace Health & Cost Solutions Ltd. (WHCS).
  6. À la suite de son opposition présentée le 2 avril 2015 et d’une réunion de compte rendu tenue le 14 avril 2015, WMC a déposé une plainte auprès du Tribunal le 28 avril 2015.
  7. Le 1er mai 2015, le Tribunal a informé les parties qu’il avait décidé d’enquêter sur la plainte puisqu’elle satisfaisait aux exigences du paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et aux conditions énoncées au paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics[3].
  8. Le 25 mai 2015, l’ACIA a déposé le RIF. Le 4 juin 2015, WMC a déposé ses observations sur le RIF.
  9. Étant donné que les renseignements au dossier étaient suffisants pour déterminer le bien‑fondé de la plainte, le Tribunal a décidé qu’une audience n’était pas nécessaire et a statué sur la plainte sur la foi des renseignements versés au dossier.

DISPOSITIONS PERTINENTES DE LA DP

  1. La DP a été publiée par l’ACIA pour la prestation de services de santé au travail à ses employés dans l’ensemble du Canada, en fonction de la demande, dans les cinq catégories suivantes :

1. Évaluations de santé [périodiques, avant affectation, aptitude au travail, évaluations de santé complexes, conseils et consultation, examens de dossier];

2. Immunisations;

3. Enquêtes en milieu de travail (évaluations du bruit, qualité de l’air intérieur, surveillance de l’hygiène industrielle relativement à divers contaminants en milieu de travail, enquêtes post‑exposition, etc.);

4. Évaluations ergonomiques (de bureau ou industrielle);

5. Situations d’urgence – Les situations d’urgence comprennent les interventions en cas de maladie animale exotique ou autre situation d’urgence. Cela comprend, mais sans s’y limiter, les conseils d’ordre médical, les évaluations médicales, les immunisations, la délivrance d’ordonnances et la distribution de médicaments antiviraux.

[Traduction]

  1. La plainte est principalement liée à la cinquième catégorie, « Situations d’urgence », en particulier au critère obligatoire O5, lequel prévoit ce qui suit[4] :

O5.1 – Le soumissionnaire doit avoir fourni des services de santé au travail du type Situations d’urgence tel qu’il est précisé à la section 1.0 de l’Énoncé de travail (ET) à l’annexe « A » [...].

O5.2 – Aux fins de l’évaluation du critère O5, il est également obligatoire que les services fournis par le soumissionnaire aient été fournis à au moins deux (2) clients (organismes privés ou publics) qui comptent au moins 1 500 employés dans au moins deux (2) régions géographiques différentes.

[Traduction]

  1. Le terme « situations d’urgence » est décrit ainsi dans l’ET de la DP[5] :

3.0 APERÇU DES SERVICES

[...]

3.10 Situation d’urgence

3.10.1 L’ACIA doit avoir accès à un médecin jour et nuit, tous les jours de la semaine, à des fins de consultation téléphonique ou par courriel et de visite, s’il y a lieu, pour obtenir des conseils, des directives, des évaluations de santé sur place du personnel d’urgence et/ou l’administration de médicaments antiviraux, des évaluations de santé et/ou des immunisations et des consultations durant une situation d’urgence, comme une éclosion de zoonose (ci-après également appelée « situation d’urgence »).

[Traduction]

  1. L’ET présente également des exemples de types de services requis pendant une situation d’urgence[6] :

3.10.2 Les services suivants, entre autres, peuvent être demandés en situation d’urgence :

1. Services de consultation relativement à des maladies transmissibles.

2. Évaluations de santé de personnes embauchées pour participer aux opérations durant une éclosion de zoonose.

3. Séances d’information de groupe à l’intention des employés de l’ACIA portant sur les effets/symptômes possibles de l’exposition à une zoonose et sur les mesures à prendre si un employé présente ces symptômes.

4. Prescription et administration d’immunisation/prophylaxie antivirale pour les employés affectés aux lieux contaminés par la zoonose.

5. Surveillance/contrôle de l’état de santé des employés affectés aux lieux contaminés et suivi auprès des employés montrant des symptômes de maladie de type zoonose.

6. Fourniture de nouveaux antiviraux aux employés de l’ACIA qui travaillent dans des lieux contaminés, tel que prescrit par l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC).

7. Services d’enquête en milieu de travail en vue de déterminer et d’évaluer les risques professionnels, et formulation de recommandations quant aux moyens de prévenir ces risques.

8. Examen du questionnaire sur la respiration et évaluation des employés, au besoin.

[Traduction]

  1. La DP a été modifiée pour comprendre la réponse à la question suivante :

Q. Est-ce qu’un soumissionnaire peut présenter une situation d’urgence non prévue dans la liste de l’Énoncé de travail 3.10.2?

Le soumissionnaire peut présenter une situation d’urgence non comprise dans la liste, pourvu qu’il s’agisse d’une situation d’urgence concrète. Les situations d’urgence en contexte de formation ne seront pas acceptées.

[Traduction, nos italiques]

POSITION DE WMC

  1. WMC fait valoir que le critère obligatoire O5 est indûment restrictif car il exige de l’expérience en prestation de services de santé au travail en situations d’urgence auprès d’au moins deux très grandes organisations dans plus d’une région. De l’avis de WMC, les services que recherche l’ACIA consistent habituellement à fournir le soutien d’un médecin par courriel ou par téléphone, et le besoin d’expérience « concrète » [traduction] en situation d’urgence est inutile puisque l’ACIA n’a jamais auparavant utilisé de tels services en situation d’urgence.
  2. WMC allègue que le terme « situation d’urgence »[7] [traduction] est utilisé par l’ACIA de façon incohérente et erronée. Plus particulièrement, WMC affirme avoir inclus son Programme de gestion des arrêts cardiaques dans sa soumission en réponse au critère O5 car, lors de la réunion avec les soumissionnaires, l’ACIA a confirmé que ces services répondraient à l’exigence relative aux « situations d’urgence ». Lors de la réunion de compte rendu, les représentants de l’ACIA ont affirmé à WMC que les types de services énoncés dans sa soumission ne satisfaisaient pas à l’exigence liée aux « situations d’urgence » et se sont reportés à la définition d’« urgence » [traduction] provenant d’une source qui n’était pas indiquée dans la DP[8].
  3. WMC avance que le terme « concret » est ambigu et qu’il aurait dû être défini dans les documents d’appel d’offres. Néanmoins, elle soutient que sa soumission démontrait amplement que les médecins proposés avaient déjà fourni à l’ACIA ce qu’elle considère être des services de santé au travail « concrets » en lien avec des situations d’urgence (c’est-à-dire des services de soutien et de consultation). Dans sa réponse au RIF, WMC a affirmé que, de façon raisonnable, des services « concrets » devraient comprendre des services de consultation, de soutien et d’information fournis après une situation d’urgence, comme un arrêt cardiaque, et que de tels services ne constituent pas de la formation.

POSITION DE L’ACIA

  1. L’ACIA fait valoir que les motifs de plainte de WMC, en ce qui a trait à l’ambiguïté alléguée, à la nature restrictive du critère obligatoire O5 ainsi qu’aux entretiens inappropriés entre les représentants de l’ACIA et le soumissionnaire retenu au cours du processus de passation du marché public, auraient dû être soulevés dès la première occasion, et, comme ils ne l’ont pas été, ils doivent être considérés comme ayant fait l’objet d’un renoncement de la part de WMC. La position de l’ACIA est donc que ces motifs de plainte sont forclos. À titre subsidiaire, l’ACIA soutient que tous les motifs de plainte, y compris la prétendue mauvaise évaluation de la proposition de WMC, sont sans fondement.
  2. L’ACIA fait valoir que le critère obligatoire O5 est clair et sans ambiguïté. Outre le fait de demander que les soumissionnaires démontrent qu’ils ont déjà fourni des services de santé au travail à au moins deux clients dans des situations d’urgence, les documents d’appel d’offres donnent des exemples de types de services qui sont jugés conformes à cette exigence. L’ACIA a donné des éclaircissements lorsque, en réponse à une question provenant d’un soumissionnaire potentiel, elle a précisé que les exemples acceptables de services devaient être liés à une situation d’urgence « concrète », et non à une simple formation ayant trait à une telle situation. L’ACIA fait également valoir que la Couronne a le droit d’établir ses propres exigences obligatoires, pour autant que ses exigences opérationnelles soient remplies.
  3. L’ACIA affirme que WMC n’a pas démontré que sa proposition était conforme au critère obligatoire O5 puisqu’elle n’a pas donné d’exemples valides de services de santé au travail fournis en situation d’urgence. Les exemples de WMC étaient plutôt liés à des services offerts avant et après une situation d’urgence. De ce fait, les évaluateurs ont déterminé que la proposition de WMC n’était pas conforme aux exigences obligatoires de la DP et elle a été par le fait même rejetée. Tout en admettant qu’un représentant de l’ACIA s’est reporté à une définition qui n’était pas mentionnée dans la DP lors de la réunion de compte rendu, l’ACIA fait valoir que cette définition n’a pas été utilisée dans l’évaluation de la proposition de WMC, laquelle a été strictement menée en fonction des modalités prévues dans la DP et les documents connexes, et que l’évaluation est donc valide.
  4. Enfin, l’ACIA nie les allégations d’entretiens inappropriés entre ses représentants et le soumissionnaire retenu au cours du processus de passation du marché public. Selon l’ACIA, son gestionnaire de projet et son administrateur de projet ont rencontré un représentant de WHCS après la réunion tenue avec les soumissionnaires pour discuter de questions administratives et autres, liées à un autre contrat, et il n’a aucunement été question du processus de passation du marché public pour la DP est question.

ANALYSE

  1. Le paragraphe 30.14(1) de la Loi sur le TCCE exige que, dans son enquête, le Tribunal limite son étude à l’objet de la plainte. Le paragraphe 30.14(2) exige que le Tribunal détermine la validité de la plainte en fonction des critères et procédures établis pour le contrat spécifique[9]. Les critères et procédures que l’entité acheteuse doit respecter sont énoncés dans le Règlement.
  2. L’article 11 du Règlement prévoit en outre que le Tribunal doit décider si la procédure du marché public a été suivie conformément aux exigences de l’Accord de libre-échange nord-américain[10], de l’Accord sur le commerce intérieur[11], de l’Accord sur les marchés publics de l’Organisation mondiale du commerce[12], de l’Accord de libre-échange Canada-Chili[13], de l’Accord de libre-échange Canada-Pérou[14], de l’Accord de libre-échange Canada-Colombie[15], de l’Accord de libre-échange Canada-Panama[16], de l’Accord de libre‑échange Canada-Honduras[17] ou de l’Accord de libre-échange Canada-Corée[18], selon le cas.
  3. En l’espèce, le Tribunal n’est pas convaincu que les services demandés, qui se rapportent à des services de santé, soient visés par l’un quelconque des accords commerciaux. Le service électronique d’appel d’offres du gouvernement du Canada indiquait que la DP était visée par l’AMP et que les services étaient classés sous le code G009G – « Services de santé et de bien-être social » – du numéro d’identification des biens et services (NIBS), mais les services de santé et les services sociaux ne sont pas visés par l’AMP ni par tout autre accord commercial d’ailleurs[19].
  4. Si les services demandés sont effectivement exclus des accords commerciaux, la plainte ne se rapporte pas à un contrat spécifique et ne relève donc pas de la compétence du Tribunal.
  5. L’ACIA ne conteste la plainte parce qu’elle ne se rapporte pas à un contrat spécifique. Dans les circonstances d’une plainte ayant trait à des services en matière de santé, le Tribunal se serait attendu à ce que l’ACIA aborde la question de savoir si les services sont visés par les accords commerciaux et rappelle aux conseillers juridiques de prêter attention à ces questions de compétence.
  6. Le Tribunal conclut que, même si la plainte se rapportait à un contrat spécifique visé par l’AMP, aucun des motifs de plainte n’est fondé pour les motifs qui suivent.
  7. Le critère du caractère raisonnable s’applique à l’évaluation par le Tribunal du fondement d’une plainte[20]. Ainsi, le Tribunal fait généralement preuve d’une grande déférence à l’égard des évaluateurs quant à leur évaluation des propositions. Le Tribunal ne substituera son jugement à celui des évaluateurs que s’il est établi qu’une évaluation est déraisonnable, ce qui peut se produire lorsque les évaluateurs ne se sont pas appliqués à bien évaluer la proposition d’un soumissionnaire, n’ont pas tenu compte de renseignements d’importance cruciale contenus dans une soumission, ont mal interprété la portée d’une exigence, ont fondé leur évaluation sur des critères non divulgués ou n’ont pas, pour une autre raison, procédé à une évaluation équitable sur le plan de la procédure.
  8. De plus, le Tribunal a toujours soutenu que le fardeau de démontrer la conformité de leurs propositions aux critères obligatoires publiés dans les documents d’appel d’offres incombe aux soumissionnaires[21]. Par conséquent, le Tribunal a indiqué qu’il incombe aux soumissionnaires de faire preuve de diligence raisonnable dans la préparation de leur proposition pour s’assurer que celle-ci respecte toutes les exigences obligatoires. À cet égard, le Tribunal a toujours refusé d’imposer aux institutions fédérales l’obligation de demander des éclaircissements aux soumissionnaires. Bien que les soumissionnaires puissent et doivent poser des questions pour obtenir des éclaircissements relativement aux exigences obligatoires avant de présenter leur soumission, les institutions fédérales ne sont pas tenues de faire de même une fois les soumissions reçues.
  9. En tenant compte de ces principes, le Tribunal s’est demandé si l’évaluation par l’ACIA de la soumission de WMC était raisonnable et conforme aux dispositions pertinentes de l’AMP et de la DP.
  10. L’article X(7) de l’AMP prévoit qu’« [u]ne entité contractante mettra à la disposition des fournisseurs la documentation relative à l’appel d’offres, qui contiendra tous les renseignements nécessaires pour qu’ils puissent préparer et présenter des soumissions valables », y compris « [...] une description complète [de] [...] tous les critères d’évaluation que l’entité appliquera dans l’adjudication du marché [...] ».
  11. L’article XV(4) de l’AMP prévoit que, « [p]our être considérée en vue d’une adjudication, une soumission sera [...] conforme aux prescriptions essentielles énoncées dans les avis et dans la documentation relative à l’appel d’offres [...] ».
  12. De la même façon, le paragraphe 2.1 de la partie 4 de la DP précise que, « [p]our être déclarée recevable, une soumission doit : a) respecter toutes les exigences de la demande de soumissions; et b) satisfaire à tous les critères d’évaluation technique obligatoires (précisés à l’annexe D) [...] » [traduction].
  13. Le paragraphe 3.1 précise en outre que « [l]es soumissionnaires sont invités à traiter de tous les critères applicables de manière suffisamment détaillée pour permettre une évaluation complète de leur soumission. Il incombe au soumissionnaire de démontrer qu’il respecte toutes les exigences énoncées dans l’invitation » [traduction].
  14. Il ressort clairement de la DP que le critère obligatoire O5 exige que le soumissionnaire démontre qu’il a fourni des services de santé au travail en situation d’urgence à au moins deux clients qui comptent au moins 1 500 employés et dans au moins deux régions.
  15. Le Tribunal estime qu’aucun élément de preuve n’indique que cette exigence particulière était indûment restrictive ou onéreuse[22]. De toute façon, ce motif de plainte n’a pas été déposé dans le délai de 10 jours ouvrables prescrit par l’article 6 du Règlement, et a donc été déposé en retard. Selon le Tribunal, WMC savait ou aurait raisonnablement dû savoir, lorsque la DP a été publiée le 26 janvier 2015, que l’exigence de démontrer une expérience dans la prestation de ces services à deux grandes organisations dans des régions différentes, sur laquelle il fonde sa plainte, était trop restrictive. Toutefois, selon la plainte, WMC a exprimé une opposition à l’ACIA à la réunion de compte rendu tenue le 14 avril 2015, ce qui est après le délai de 10 jours ouvrables prescrit par le paragraphe 6(2). Dans sa réponse au RIF, WMC a affirmé avoir soulevé « ces questions » [traduction] à la réunion des soumissionnaires tenue le 18 février 2015. Il n’est pas clair si WMC a soulevé en particulier la question du caractère trop restrictif de l’exigence O5 à ce moment-là, mais même si elle l’avait fait, cette opposition ne respecterait pas le délai prescrit.
  16. WMC soutient que ce n’est qu’après la réunion de compte rendu qu’elle s’est aperçue que les évaluateurs avaient appliqué des critères non divulgués ou incompatibles avec sa compréhension des termes « situation d’urgence » et « concrète » employés dans les documents d’appel d’offres. Le Tribunal est disposé à accorder à WMC le bénéfice du doute quant à savoir si elle a soulevé ce motif de plainte à la première occasion.
  17. Cependant, tel qu’indiqué ci-dessus, le Tribunal estime que le critère O5 est clair. Bien que le terme « concrète » ne soit pas expressément défini dans la modification de la DP, lorsqu’il est interprété conjointement avec les termes du critère O5 et les autres dispositions pertinentes de la DP susmentionnées, il exigeait clairement que le soumissionnaire fournisse des exemples où il avait effectivement déjà fourni des services de santé au travail en situation d’urgence. La capacité de fournir de tels services n’était pas suffisante en soi pour satisfaire au critère O5.
  18. Compte tenu des notes collectives du comité d’évaluation et des notes individuelles des évaluateurs, le Tribunal est convaincu que l’évaluation a été fondée uniquement sur les termes des documents d’appel d’offres et n’a pas comporté l’application de critères non divulgués[23].
  19. Le Tribunal a soigneusement examiné la réponse de WMC au critère O5 et les observations des évaluateurs s’y rapportant, qui ont été déposées avec le RIF. Dans sa soumission, WMC a affirmé en réponse au critère O5 qu’elle avait fourni de l’aide en situation d’urgence à trois clients[24]. Le Tribunal estime que deux des trois exemples fournis ne satisfaisaient pas, de toute évidence, à l’exigence de services « concrets » fournis en « situation d’urgence ». WMC a expressément affirmé dans sa réponse que l’un de ces trois clients n’avait pas encore été confronté à une situation d’urgence. Quant à l’autre client, la réponse de WMC au critère O5 ne fournit aucune description des services fournis en situation d’urgence et renvoie le lecteur à sa réponse au critère O1 pour plus de détails; toutefois, cette dernière ne mentionne aucune situation d’urgence. Par conséquent, même si l’exemple pour le troisième client était acceptable, il n’était pas suffisant pour satisfaire à l’exigence voulant que WMC démontre qu’il a fourni des services de santé au travail à au moins deux clients en situation d’urgence.
  20. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que WMC n’a pas établi que l’évaluation par l’ACIA de la soumission de WMC était déraisonnable et, par conséquent, le Tribunal n’a aucune raison de modifier l’évaluation. Ce motif de plainte n’est pas fondé.
  21. Enfin, même si l’allégation relative à ce que des entretiens inappropriés aient eu lieu entre les représentants de l’ACIA et le soumissionnaire retenu a été retirée, le Tribunal considère qu’il est important de préciser que rien dans la plainte n’indique que la conduite de l’ACIA soulève une crainte raisonnable de partialité. Le Tribunal estime que l’ACIA a fourni une explication plausible à l’égard de la rencontre qui a eu lieu, après la réunion des soumissionnaires tenue le 18 février 2015, entre les représentants de l’ACIA et l’éventuel adjudicataire, dont le but était de discuter d’un autre contrat et non du marché public en question. Selon le Tribunal, le fait qu’une telle conversation ait eu lieu ne soulève pas en soi une crainte raisonnable de partialité, et WMC n’a fourni aucun élément de preuve ou motif expliquant pourquoi ce serait le cas. Les allégations de partialité doivent être soulevées le plus tôt possible, et puisque ce motif de plainte était certainement connu au moment de l’adjudication du contrat le 1er avril 2015, même s’il n’avait pas été retiré, il serait forclos aux termes de l’article 6 du Règlement.
  22. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que la plainte n’est pas fondée.

FRAIS

  1. L’ACIA réclame le remboursement de ses frais relativement à la présente plainte.
  2. Le Tribunal décide de ne pas accorder le remboursement des frais en l’espèce. Comme indiqué ci‑dessus, l’ACIA n’a pas abordé la question de savoir si les services demandés étaient visés par l’AMP, ce qui, de l’avis du Tribunal, aurait vraisemblablement donné lieu à une procédure plus expéditive. Le Tribunal estime donc que l’ACIA n’a pas droit au remboursement de ses frais.

DÉCISION DU TRIBUNAL

  1. Conformément au paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal conclut que la plainte n’est pas fondée. Chaque partie assumera ses propres frais.
 

[1].      L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.) [Loi sur le TCCE].

[2].      WMC a retiré ce motif de plainte dans sa réponse au rapport de l’institution fédérale.

[3].      D.O.R.S./93-602 [Règlement].

[4].      Annexe D de la DP. Voir RIF, pièce 1.

[5].      Annexe A de la DP. Voir RIF, pièce 1.

[6].      Annexe A de la DP. Voir RIF, pièce 1.

[7].      La plainte utilise le terme « services d’urgence » de façon interchangeable avec le terme « situation d’urgence ».

[8].      Plainte, pièce jointe 10.

[9].      Un « contrat spécifique » est défini à l’article 30.1 de la Loi sur le TCCE comme un « [c]ontrat relatif à un marché de fournitures ou services qui a été accordé par une institution fédérale – ou pourrait l’être – , et qui soit est précisé par règlement, soit fait partie d’une catégorie réglementaire ». Le paragraphe 3(1) du Règlement précise en outre qu’un « contrat spécifique » est tout contrat relatif à un marché de fournitures ou services, ou de toute combinaison de ceux-ci, visé par les accords commerciaux applicables.

[10].    Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis d’Amérique et le gouvernement des États-Unis du Mexique, 17 décembre 1992, R.T.C. 1994, no 2 (entré en vigueur le 1er janvier 1994) [ALÉNA].

[11].    18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.ait-aci.ca/index_fr/ ait.htm>.

[12].    Protocole portant amendement de l’Accord sur les marchés publics, en ligne : Organisation mondiale du commerce < http://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/rev-gpr-94_01_f.htm > (entré en vigueur le 6 avril 2014) [AMP].

[13].    Accord de libre-échange entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de la République du Chili, R.T.C. 1997, no 50 (entré en vigueur le 5 juillet 1997). Le chapitre Kbis, intitulé « Marchés publics », est entré en vigueur le 5 septembre 2008.

[14].    Accord de libre-échange entre le Canada et la République du Pérou, en ligne : le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-... (entré en vigueur le 1er août 2009).

[15].    Accord de libre-échange entre le Canada et la République de Colombie, en ligne : le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-... (entré en vigueur le 15 août 2011).

[16].    Accord de libre-échange entre le Canada et la République du Panama, en ligne : le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-... (entré en vigueur le 1er avril 2013).

[17].    Accord de libre-échange entre le Canada et la République du Honduras, en ligne : le ministère des Affaires étrangères, Commerce et Développement <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-... (entré en vigueur le 1er octobre 2014).

[18].    Accord de libre-échange entre le Canada et la République de Corée, en ligne : le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-... (entré en vigueur le 1er janvier 2015).

[19].    Toutes les catégories de services classées sous le code G – « Services de santé et services sociaux » – du NIBS sont exclues par l’annexe 1001.1b-2 de l’ALÉNA. L’annexe 5 de l’AMP contient une liste positive de services selon le système de classification centrale de produits (CPC) provisoire de l’ONU. Le code 993, qui s’applique aux « [s]ervices sociaux et sanitaires », ne figure pas dans l’annexe 5, ce qui signifie que ces services ne sont pas visés par l’AMP. Les services de santé sont une catégorie exclue selon les autres accords commerciaux également.

[20].    CAE Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (26 août 2014), PR-2014-007 (TCCE) [CAE] aux par. 30-31.

[21].    CAE au par. 32.

[22].    Le Tribunal a déjà statué qu’une institution fédérale a le droit de définir ses exigences opérationnelles légitimes et raisonnables et d’y répondre, en autant que le marché public n’est pas élaboré de façon à favoriser un fournisseur potentiel en particulier. Voir Agri-SX Inc. (27 mars 2013), PR-2012-051 (TCCE) aux par. 26-29; 723186 Alberta Ltd. (12 septembre 2011), PR-2011-028 (TCCE) aux par. 19-21.

[23].    RIF (protégé), onglets 4, 5.

[24].    RIF (protégé), onglet 5.