EVISION INC.

EVISION INC.
Dossier no PR-2015-036

Décision prise
le vendredi 6 novembre 2015

Décision rendue
le lundi 9 novembre 2015

Motifs rendus
le mardi 17 novembre 2015

TABLE DES MATIÈRES

 

EU ÉGARD À une plainte déposée aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.).

PAR

EVISION INC.

CONTRE

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur décide de ne pas enquêter sur la plainte.

Peter Burn
Peter Burn
Membre présidant

L’exposé des motifs suivra à une date ultérieure.

 

 

EXPOSÉ DES MOTIFS

  1. En vertu du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur[1], tout fournisseur potentiel peut, sous réserve du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics[2], déposer une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) concernant la procédure des marchés publics suivie relativement à un contrat spécifique et lui demander d’enquêter sur cette plainte. En vertu du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, après avoir jugé la plainte conforme au paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et sous réserve du Règlement, le Tribunal détermine s’il y a lieu d’enquêter.

RÉSUMÉ

  1. Le 30 octobre 2015, eVision Inc. (eVision) a déposé une plainte concernant une demande de propositions (DP) (invitation no W8482-156405/A) publiée par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC), au nom du directeur général de la gestion du programme d’équipement maritime du ministère de la Défense nationale, pour la prestation de services de spécialiste subalterne de l’approvisionnement.
  2. eVision soutient que TPSGC a erré en jugeant que sa proposition financière n’était pas conforme aux exigences obligatoires de la DP et que le ministère n’a pas cherché à clarifier la proposition financière d’eVision. À titre de mesure corrective, eVision demande que sa proposition financière soit réévaluée en tenant compte de certains éclaircissements fournis par eVision après le rejet de sa proposition. eVision demande également au Tribunal de rendre une ordonnance pour retarder l’adjudication du contrat.

CONTEXTE DE LA PLAINTE

  1. L’invitation a été publiée le 28 mai 2015, et la période de soumission a pris fin le 19 juin 2015.
  2. Le 23 octobre 2015, eVision a été informée que sa proposition financière était non conforme parce que le tableau des prix exigé n’était pas correctement rempli. Le même jour, eVision a communiqué avec l’autorité contractante, qui a confirmé la décision selon laquelle la soumission d’eVision n’était pas conforme.
  3. Le 26 octobre 2015, le Tribunal a reçu la plainte d’eVision. Le 27 octobre 2015, le Tribunal a informé eVision qu’il avait besoin de renseignements et de documents additionnels, y compris une copie de la soumission d’eVision.
  4. Le 27 octobre 2015, eVision a déposé une partie des renseignements demandés, mais pas la copie de sa soumission. Le 30 octobre 2015, eVision a confirmé qu’elle ne possédait pas de copie de sa soumission.
  5. Le 3 novembre 2015, le Tribunal a demandé à TPSGC de lui fournir une copie de la soumission d’eVision. Le 5 novembre 2015, TPSGC s’est conformé à la demande du Tribunal.

ANALYSE

  1. Aux termes des articles 6 et 7 du Règlement, le Tribunal peut mener une enquête si et seulement si les quatre conditions suivantes sont remplies :
  • la plainte a été déposée dans les délais prescrits à l’article 6[3];
  • le plaignant est un fournisseur actuel ou potentiel[4];
  • la plainte porte sur un contrat spécifique[5];
  • les renseignements fournis démontrent, dans une mesure raisonnable, que la procédure du marché public n’a pas été suivie conformément aux accords commerciaux pertinents[6].
  1. La plainte d’eVision remplit les trois premières conditions. Cependant, elle ne démontre pas, dans une mesure raisonnable, que TPSGC ne s’est pas conformé aux accords commerciaux pertinents dans la gestion de la demande de propositions.

Aucune indication raisonnable d’une violation

  1. Dans le cadre des enquêtes sur les processus d’approvisionnement, le Tribunal a statué à de nombreuses reprises qu’il ne substituera pas son jugement à celui des évaluateurs, sauf si ces derniers ne se sont pas appliqués à l’évaluation de la proposition d’un soumissionnaire, n’ont pas tenu compte de renseignements d’importance cruciale contenus dans une soumission, ont mal interprété la portée d’une exigence, ont fondé leur évaluation sur des critères non divulgués ou n’ont pas, d’une autre manière, procédé à une évaluation équitable sur le plan de la procédure[7].
  2. L’obligation pour les soumissionnaires de remplir le tableau des prix compris dans l’accord d’approvisionnement était une des exigences de la DP[8]. La DP prévoyait aussi que les soumissions devaient se conformer aux exigences de la demande de propositions et remplir tous les critères obligatoires de l’évaluation technique pour être déclarées recevables[9]. De plus, il était indiqué dans le tableau des prix que « le soumissionnaire doit remplir le tableau des prix et le présenter avec sa proposition financière »[10] et que « les soumissionnaires doivent indiquer un seul prix journalier ferme dans l’espace réservé à cette fin pour chaque période »[11] [nos italiques].
  3. C’est au soumissionnaire que revient la responsabilité de s’assurer que sa proposition est conforme à tous les éléments essentiels d’une demande de propositions[12] et de s’assurer que les renseignements fournis dans le cadre de sa soumission sont clairs[13]. L’examen de la proposition financière d’eVision permet de confirmer que le tableau des prix n’y a été ni complètement ni correctement rempli[14]. En particulier, la colonne « Taux journalier » correspondant à chacune des ressources proposées a été laissée entièrement vide; TPSGC ne pouvait donc pas déterminer le taux journalier proposé par eVision. eVision a aussi reconnu dans sa plainte que les montants inscrits dans la colonne « Total » pour chacune des ressources proposées étaient censés être ceux des taux journaliers[15]. Cette erreur s’est traduite par des taux totaux extrêmement faibles qui ne pouvaient pas être confirmés par l’examen des taux journaliers, puisqu’aucun taux journalier n’était inscrit[16]. Par conséquent, TPSGC n’avait pas d’autre choix que de déclarer la soumission d’eVision non conforme.

Aucune obligation de demander des éclaircissements de la part de TPSGC

  1. eVision fait valoir que les erreurs dans son tableau des prix étaient évidentes – les montants inscrits dans la colonne des totaux auraient dû l’être dans celle des taux journaliers – et qu’elles auraient pu être corrigées aisément si TPSGC avait demandé des éclaircissements.
  2. Les Instructions uniformisées intégrées par renvoi à la DP permettent à TPSGC (sans l’y obliger) de demander aux soumissionnaires de fournir des éclaircissements ou de vérifier des renseignements compris dans la soumission[17]. Le Tribunal a aussi déjà établi qu’un organisme gouvernemental pouvait demander des éclaircissements par rapport à une proposition en autant que cela ne change pas substantiellement la nature de la proposition[18].
  3. Cependant, en l’espèce, le Tribunal n’est pas d’avis que TPSGC aurait pu se fier aux éclaircissements qu’eVision aurait pu fournir à l’égard de sa proposition financière. Pour interpréter le tableau des prix comme le suggère eVision, il faudrait ajouter des renseignements pour toute la colonne « Taux journalier » et modifier les montants inscrits dans la colonne « Total », ce qui représente une modification substantielle du tableau des prix d’eVision. De fait, si TPSGC avait permis à eVision de modifier ainsi son tableau des prix après la clôture de la demande de proposition, cela aurait été l’équivalent d’une modification de la proposition.
  4. Par ailleurs, si TPSGC avait considéré la proposition d’eVision comme conforme au premier abord (ce qu’il ne pouvait pas faire, comme nous l’avons expliqué ci-dessus), eVision aurait été tenue de fournir ses services conformément au tableau des prix soumis, ce qui lui aurait causé des pertes importantes.
  5. À la lumière de ce qui précède, le Tribunal conclut que la plainte déposée par eVision n’indique pas, de façon raisonnable, que TPSGC n’a pas mené le processus d’approvisionnement conformément aux accords commerciaux pertinents.

DÉCISION

  1. Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal décide de ne pas enquêter sur la plainte.
 

[1].     L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.) [Loi sur le TCCE].

[2].     D.O.R.S./93-602 [Règlement].

[3].     Paragraphe 6(1) du Règlement.

[4].     Alinéa 7(1)a) du Règlement.

[5].     Alinéa 7(1)b) du Règlement.

[6].     Alinéa 7(1)c) du Règlement.

[7].     Excel Human Resources Inc. (faisant affaire sous le nom excelITR) c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (25 août 2006), PR-2005-058 (TCCE) au par. 30; Northern Lights Aerobatic Team, Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (7 septembre 2005), PR-2005-004 (TCCE) au par. 51; Marcomm Inc. (11 février 2004), PR-2003-051 (TCCE) au par. 10.

[8].     DP, partie 3, section II, article 1.1.

[9].     DP, partie 4, article 2.1.

[10].   DP, partie 3, pièce jointe 1.

[11].   DP, partie 3, pièce jointe 1, article 1.2.

[12].   Thomson-CSF Systems Canada Inc. (12 octobre 2000), PR-2000-010 (TCCE); Canadian Helicopters Limited (19 février 2001), PR-2000-040 (TCCE); WorkLogic Corporation (12 juin 2003), PR-2002-057 (TCCE).

[13].   Polaris Inflatable Boats (Canada) Ltd. (23 juin 2003), PR-2002-060 (TCCE); Empowered Networks Inc. (27 décembre 2001), PR-2001-025 (TCCE).

[14].   Soumission d’eVision, section II.

[15].   Formulaire de plainte à la p. 5.

[16].   Les Instructions uniformisées – biens ou services – besoins concurrentiels de 2003 (2014-09-25) [Instructions uniformisées] étaient intégrées à la DP par renvoi. L’alinéa 16(1)e) permet au gouvernement du Canada de corriger une erreur dans les prix totaux d’une soumission en utilisant les prix unitaires et précise qu’en cas d’erreur dans les prix totaux, les prix unitaires seront retenus.

[17].   Instructions uniformisées, alinéa 16(1)a).

[18].   Société d’énergie Mechron Limitée. (18 août 1995), PR-95-001 (TCCE) à la p. 9. Pour un exemple de cas où le Tribunal a conclu que le changement des renseignements sur les prix était de nature substantielle, voir Maritime Fence Ltd. c. Agence Parcs Canada (23 novembre 2009), PR-2009-027 (TCCE).