WHEEL SYSTEMS INTERNATIONAL, INC.

WHEEL SYSTEMS INTERNATIONAL, INC.
Dossier no PR-2015-044

Décision prise
le mardi 15 décembre 2015

Décision rendue
le mardi 15 décembre 2015

Motifs rendus
le lundi 4 janvier 2016

TABLE OF CONTENTS

 

EU ÉGARD À une plainte déposée aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.).

PAR

WHEEL SYSTEMS INTERNATIONAL, INC.

CONTRE

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur décide de ne pas enquêter sur la plainte.

Serge Fréchette
Serge Fréchette
Membre présidant

L’exposé des motifs suivra à une date ultérieure.

EXPOSÉ DES MOTIFS

  1. En vertu du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur[1], tout fournisseur potentiel peut, sous réserve du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics[2], déposer une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) concernant la procédure des marchés publics suivie relativement à un contrat spécifique et lui demander d’enquêter sur cette plainte. En vertu du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, après avoir jugé la plainte conforme au paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et sous réserve du Règlement, le Tribunal détermine s’il y a lieu d’enquêter.
  2. La plainte porte sur une demande de propositions (DP) pour l’acquisition de machines d’insertion et d’enlèvement de dispositifs de roulage à plat (invitation no W8476-155291/A) publiée par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC)[3] au nom du ministère de la Défense nationale. En substance, Wheel Systems International, Inc. (WSI) allègue que TPSGC a incorrectement évalué sa soumission. À titre de mesure corrective, WSI demande que le contrat lui soit adjugé.
  3. La plainte a été déposée dans le délai prescrit au paragraphe 6(1) du Règlement. Toutefois, pour les motifs exposés ci‑dessous, la plainte ne démontre pas, dans une mesure raisonnable, qu’il y a eu violation des accords commerciaux mentionnés à l’alinéa 7(1)c); par conséquent, le Tribunal ne peut enquêter sur cette plainte.

CONTEXTE

  1. TPSGC a publié l’invitation à soumissionner le 1er septembre 2015. La période de présentation des soumissions a pris fin le 13 octobre 2015.
  2. Le 19 novembre 2015, TPSGC a informé WSI que sa soumission n’était pas conforme 1) parce que celle-ci ne respectait pas l’exigence obligatoire selon laquelle le produit devait « être utilisé par l’OTAN » et 2) parce qu’aucune réponse n’avait été donnée à l’exigence obligatoire selon laquelle le produit devait « respecter le Règlement sur les produits contenant du mercure ». D’après la plainte, il semblerait que WSI avait aussi été avisée auparavant (le 6 novembre 2015) que TPSGC n’avait jamais reçu sa soumission complète.
  3. Le 19 novembre 2015, WSI a écrit à TPSGC pour contester la décision de rejeter sa proposition.
  4. Par la suite, aux termes de l’article 1.4 de la DP, les parties ont entrepris de fixer la date d’un compte rendu. Ce compte rendu n’a jamais eu lieu. TPSGC a plutôt décidé de répondre par écrit à WSI le 24 novembre 2015.
  5. Le 8 décembre 2015, WSI a déposé sa plainte auprès du Tribunal.

ANALYSE

Plainte

  1. Conformément aux accords commerciaux, le Tribunal doit évaluer, en appliquant la norme du caractère raisonnable, si les soumissionnaires ont respecté les exigences énoncées dans l’invitation à soumissionner et si les évaluations faites par l’institution fédérale ont été effectuées correctement.
  2. Dans sa plainte, WSI reconnaît ne pas avoir dûment répondu aux deux exigences obligatoires, ce pourquoi sa soumission a été rejetée[4].
  3. En ce qui concerne l’exigence obligatoire selon laquelle le produit devait « être utilisé par l’OTAN », WSI reconnaît ne pas avoir fourni le bon numéro de nomenclature de l’OTAN (NNO), ce qu’elle qualifie d’« erreur commise par inadvertance » [traduction], mais soutient que TPSGC avait l’obligation de lui permettre de clarifier sa soumission avant de la rejeter. Le Tribunal constate que WSI a répondu à cette exigence en n’indiquant qu’un NNO (qui ne correspondait pas au bon produit), sans donner de détails, contrairement aux instructions concernant les soumissions. Le Tribunal conclut que TPSGC a correctement évalué la réponse de WSI à ce critère. L’indication d’un mauvais NNO est en soi un motif suffisant pour avoir jugé que la soumission de WSI était non conforme à ce critère obligatoire et, par conséquent, pour avoir rejeté la soumission.
  4. Le Tribunal constate que les documents d’invitation à soumissionner indiquent clairement que TPSGC a « le droit de demander des renseignements supplémentaires pour vérifier les attestations du soumissionnaire » [nos italiques], mais qu’il n’a nullement l’obligation de le faire. Par ailleurs, le droit de TPSGC de demander des clarifications, s’il est exercé, ne saurait en aucun cas donner au soumissionnaire l’occasion de fournir des renseignements qui manquaient dans sa soumission – il s’agirait d’une modification interdite de la soumission. En l’espèce, parce que WSI aurait eu à corriger une erreur, une simple clarification de ce qui était énoncé dans sa soumission était impossible.
  5. En ce qui concerne l’exigence obligatoire selon laquelle le produit devait « respecter le Règlement sur les produits contenant du mercure », WSI reconnaît également avoir « oublié de remplir cette case » [traduction], mais soutient encore que TPSGC avait l’obligation de lui permettre d’apporter des clarifications (ou, en fait, de corriger cette omission) avant de rejeter sa soumission. Pour les mêmes motifs que ceux exposés ci‑dessus, le Tribunal conclut que la soumission de WSI ne respectait tout simplement pas un deuxième critère obligatoire et que TPSGC a adéquatement tenu compte de cet autre motif de rejet de la soumission.
  6. Plus fondamentalement, TPSGC semble avoir communiqué des résultats à WSI même si sa soumission était incomplète. Or, il n’est pas nécessaire de procéder à l’évaluation d’une soumission incomplète parce que le simple fait qu’elle soit incomplète est, en soi, un motif de rejet sans réserve.
  7. Il incombe au soumissionnaire de s’assurer qu’il présente une soumission complète au bureau de réception des soumissions avant la clôture de celles-ci. Les documents versés au dossier de la présente plainte démontrent sans équivoque que WSI ne s’est pas acquittée de cette responsabilité. WSI a envoyé sa soumission par télécopieur, à un numéro autre que le numéro qui était précisé dans les documents d’invitation à soumissionner. L’appareil ayant le numéro de télécopieur erroné était situé dans les locaux de TPSGC, mais à l’extérieur du bureau de réception des soumissions où celles-ci devaient être acheminées conformément aux instructions dans les documents d’invitation à soumissionner. Un employé de TPSGC a remarqué les documents de la soumission reçus au mauvais télécopieur et les a aimablement apportés au bureau de réception des soumissions de TPSGC. L’employé de TPSGC s’est aperçu que seules les 74 premières pages de la soumission de WSI étaient là. Lorsqu’il a vu le reste de la proposition de WSI, l’employé l’a également apporté au bureau de réception des soumissions, mais la période de présentation des soumissions avait déjà pris fin à ce moment-là. Par conséquent, WSI n’a pas présenté de soumission complète dans le délai prévu, et TPSGC pouvait rejeter sa soumission pour ce seul motif.
  8. L’intégrité du système d’approvisionnement dépend de la réception en temps voulu de soumissions complètes, présentées de la manière et à l’endroit précisés dans les documents d’invitation à soumissionner. La jurisprudence du Tribunal confirme que ce principe s’applique sans exception, même en cas d’événement malheureux ou d’erreur humaine ou technique[5].
  9. De plus, l’intégrité du système d’approvisionnement repose, en grande partie, sur l’assurance qu’ont les fournisseurs de pouvoir compter sur un système où les mêmes règles s’appliquent à tous, où les soumissions sont reçues et évaluées de manière transparente et équitable et où aucun traitement arbitraire et préférentiel n’est accordé à qui que ce soit. Nul ne peut être dispensé de se conformer aux exigences obligatoires, même dans les circonstances où les acheteurs en tireraient immédiatement un avantage financier; essentiellement, les fournisseurs sont encouragés à soumissionner parce que, peu importe s’ils gagnent ou perdent, ils savent qu’ils seront traités de manière juste et équitable. Comme expliqué ci‑dessus, c’est pour cette raison qu’il n’est jamais permis d’apporter des modifications à une soumission.
  10. En conclusion, la plainte ne démontre pas, dans une mesure raisonnable, qu’il y a eu violation des accords commerciaux. Le Tribunal considère que le dossier est clos.

Observations additionnelles sur l’article 1.4 de la DP concernant le compte rendu

  1. En examinant la présente affaire, le Tribunal a décidé qu’il devait, pour des raisons systémiques, formuler les importantes observations qui suivent sur un élément de la DP, bien que WSI n’ait pas soulevé ce motif de plainte.
  2. Le Tribunal constate que, selon l’article 1.4 de la DP, les soumissionnaires devaient demander un compte rendu « dans les quinze (15) jours ouvrables, suivant la réception des résultats du processus de demande de soumission » [nos italiques].
  3. Chose d’une grande importance, et qui contraste nettement avec l’article 1.4 de la DP, le paragraphe 6(1) du Règlement précise que le fournisseur potentiel doit déposer sa plainte auprès du Tribunal « dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l’origine de la plainte » [nos italiques].
  4. Ainsi, le fournisseur ne découvrira peut-être pas de motif de plainte jusqu’à ce qu’un compte rendu soit donné, mais il est également vrai que le fournisseur peut découvrir un ou des motifs de plainte dès qu’il reçoit les résultats du processus de demande de soumission (c’est-à-dire avant le compte rendu). Dans ce dernier cas, si le soumissionnaire décide de se conformer à l’article 1.4 de la DP et de demander un compte rendu dans le délai de 15 jours ouvrables (ou d’attendre que le compte rendu ait lieu plus de 10 jours après avoir découvert son ou ses motifs de plainte), il est fort probable que la partie plaignante ne pourra plus s’adresser au Tribunal pour obtenir réparation, car ce recours sera forclos aux termes du paragraphe 6(1) du Règlement.
  5. La plainte de WSI ne semble pas avoir subi de conséquences en l’espèce. Le Tribunal craint néanmoins que l’article 1.4 de la DP, tel qu’il est rédigé, ne cause de la confusion chez les parties plaignantes éventuelles s’il est utilisé de manière semblable dans d’autres invitations. En résumé, le Tribunal estime que, dans le pire des cas, l’article 1.4 de la DP est de nature à induire en erreur ou, pour le moins, qu’il risque d’empêcher les soumissionnaires d’avoir recours au mécanisme réglementaire d’examen des marchés publics pour cause de forclusion. Le Tribunal invite donc TPSGC à revoir cet article.

DÉCISION

  1. Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal décide de ne pas enquêter sur la plainte.
 

[1].      L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.) [Loi sur le TCCE].

[2].      D.O.R.S./93-602 [Règlement].

[3].      Le 4 novembre 2015, le gouvernement du Canada a donné avis que le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux s’appellerait dorénavant Services publics et Approvisionnement Canada.

[4].      Formulaire de plainte concernant un marché public, p. 8.

[5].      Promaxis Systems Inc. (11 janvier 2006), PR-2005-045 (TCCE) (problème de transmission par télécopieur); GHK Group (4 septembre 2007), PR-2007-031 (TCCE) (soumission envoyée à l’ancienne Agence canadienne de développement international [ACDI], l’autorité technique, plutôt qu’à TPSGC qui menait le processus d’approvisionnement pour le compte de l’ACDI); Corbel Management Corp. (25 mai 2009), PR-2009-009 (TCCE) (livraison de la soumission retardée en raison d’un accident de voiture); Ex Libris (USA) Inc. (27 juillet 2009), PR-2009-034 (TCCE) (livraison de la soumission après la clôture des soumissions); Headwall Photonics, Inc. (25 septembre 2012), PR-2012-017 (TCCE) (absence d’élément de preuve établissant un retard dans la présentation de la soumission attribuable au personnel de l’expédition et de la réception de TPSGC).