MÉRIDIEN MARITIME RÉPARATION

MÉRIDIEN MARITIME RÉPARATION
c.
MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX
Dossier no PR-2015-021

Décision et motifs rendus
le lundi 23 novembre 2015

TABLE DES MATIÈRES

 

EU ÉGARD À une plainte déposée par Méridien Maritime Réparation aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.);

ET À LA SUITE D’une décision d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

ENTRE

MÉRIDIEN MARITIME RÉPARATION Partie plaignante

ET

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX Institution fédérale

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur conclut que la plainte n’est pas fondée.

Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur accorde au ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux le remboursement des frais raisonnables qu’il a engagés pour répondre à la plainte, ces frais devant être payés par Méridien Maritime Réparation. En conformité avec la Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine provisoirement que le degré de complexité de la plainte correspond au degré 2 et que le montant de l’indemnité est de 2 750 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui a trait à la détermination provisoire du degré de complexité ou du montant de l’indemnité, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur, en conformité avec l’article 4.2 de la Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public. Il relève de la compétence du Tribunal canadien du commerce extérieur de fixer le montant définitif de l’indemnité.

Peter Burn
Peter Burn
Membre présidant

Membre du Tribunal : Peter Burn, membre présidant

Conseillers juridiques pour le Tribunal : Eric Wildhaber

 Kalyn Eadie

Agent principal du greffe : Haley Raynor

Partie plaignante : Méridien Maritime Réparation

Conseiller juridique pour la partie plaignante : Graham Ragan

Institution fédérale : ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

Conseillers juridiques pour l’institution fédérale : Glynis Evans
Susan D. Clarke
Roy Chamoun

Veuillez adresser toutes les communications au :

Greffier
Secrétariat du Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario)  K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

  1. Le 22 juillet 2015, Méridien Maritime Réparation (Méridien) a déposé une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal), aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur[1], alléguant que le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) avait manqué aux obligations lui incombant aux termes de l’Accord sur le commerce intérieur relativement à une demande de proposition (DP) (invitation no F7047-141000/C) qui portait sur la fourniture de bateaux de recherche et de sauvetage pour la Garde côtière canadienne.
  2. Plus précisément, Méridien allègue que l’évaluation faite par TPSGC au regard de deux critères techniques obligatoires, le CTO2 et le CTO6, est déraisonnable parce que les évaluateurs ne se sont pas appliqués à évaluer la soumission, n’ont pas tenu compte de renseignements cruciaux figurant dans la soumission et/ou ont fait une interprétation erronée de ces critères d’évaluation obligatoires.

PROCÉDURE DE PASSATION DU MARCHÉ PUBLIC

  1. La DP a été lancée le 25 novembre 2014, et la date de clôture des soumissions était le 12 mars 2015. Méridien a présenté sa soumission avant cette date limite.
  2. Le 2 avril 2015, TPSGC a demandé à Méridien des éclaircissements sur l’endroit où la preuve de sa capacité et de son expérience en conception de la production, exigence prévue par le CTO2, était démontrée dans sa soumission. Le même jour, Méridien a répondu que, en plus des onglets 26 à 28 de sa soumission, lesquels avaient été désignés comme des onglets pertinents pour cette exigence, d’autres renseignements pertinents se trouvaient aux onglets 18, 29 et 35. Méridien a également présenté des renseignements additionnels pour établir sa capacité et son expérience en conception de la production.
  3. Le 8 juillet 2015, TPSGC a informé Méridien qu’un contrat ne lui serait pas adjugé parce qu’elle ne respectait pas le CTO2 et le CTO6. Méridien a présenté une opposition auprès de TPSGC le même jour, affirmant que sa soumission était conforme à ces deux critères. Le 15 juillet 2015, TPSGC a fourni à Méridien un compte rendu écrit dans lequel il informait Méridien qu’il ne reviendrait pas sur sa décision de rejeter sa soumission.
  4. Méridien a déposé une plainte auprès du Tribunal le 22 juillet 2015. La plainte a été acceptée à des fins d’enquête le 27 juillet 2015.
  5. Le 28 août 2015, TPSGC a déposé son rapport de l’institution fédérale (RIF).
  6. Le 3 septembre 2015, Méridien a déposé une requête visant la production de certains documents, au motif que TPSGC avait omis d’inclure tous les documents pertinents dans le RIF, comme l’exige l’article 103 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur[2]. Dans ses observations sur la requête de Méridien, TPSGC soutenait que les renseignements demandés par Méridien n’étaient pas pertinents. Le 1er octobre 2015, le Tribunal a rejeté la requête en production de documents déposée par Méridien au motif que les documents n’étaient pas pertinents pour la plainte[3].
  7. Le 16 octobre 2015, Méridien a déposé ses observations sur le RIF.
  8. Étant donné que les renseignements versés au dossier étaient suffisants pour déterminer le bien-fondé de la plainte, le Tribunal a décidé qu’une audience n’était pas nécessaire et a statué sur la plainte sur la foi de ces renseignements.

POSITION DES PARTIES

CTO2

  1. Le CTO2 prévoyait ce qui suit :

CTO2 Capacité et expérience en vérification de la conception, en conception initiale et en conception de la production (Cette exigence est assujettie au critère coté TC 2)

Le soumissionnaire doit fournir la preuve objective qu’il a une capacité éprouvée et de l’expérience en matière de réalisation de vérifications de conception, de conception initiale et de conception de la production pour des bateaux d’une taille et d’une complexité similaires aux bateaux faisant l’objet de la présente DP. Le soumissionnaire doit fournir une liste détaillée des travaux qu’il a réalisés au cours des dix (10) dernières années pour la construction d’un navire d’une taille et d’une complexité similaires aux navires faisant l’objet de la présente DP, dans le cadre desquels il a mené ou géré des vérifications de la conception, de la conception initiale et de la conception de la production.

Le soumissionnaire doit produire une preuve tangible sous la forme d’un énoncé présenté sur du papier à en-tête de l’entreprise qu’il a :

a) une capacité et de l’expérience en matière de vérification de la conception interne, de la conception initiale et de la conception de la production pour des bateaux de taille et de complexité similaires aux bateaux de recherche et de sauvetage; ou

b) un engagement écrit pour la durée du contrat d’un fournisseur quant à la fourniture de services de vérification de la conception, conception initiale et conception de la production, dans le cadre desquels le fournisseur a acquis une capacité et de l’expérience en matière de vérification de la conception interne, de la conception initiale et de la conception de la production pour des bateaux de taille et de complexité similaires aux bateaux de recherche et de sauvetage.

[Traduction]

  1. En concluant que la soumission de Méridien n’était pas conforme au CTO2, TPSGC a indiqué que, bien que Méridien ait fourni la preuve objective qu’elle (ou son fournisseur) avait une capacité éprouvée et de l’expérience en matière de vérification de conception et de conception initiale, les évaluateurs n’avaient pu trouver dans la soumission aucun renseignement démontrant que Méridien se conformait à l’exigence selon laquelle elle devait fournir la preuve objective qu’elle avait une capacité éprouvée et de l’expérience en matière de conception de la production[4]. Les évaluateurs ont ajouté que la soumission n’indiquait pas clairement quels fournisseurs accompliraient quels aspects de la conception de la production, et que la capacité et l’expérience du ou des fournisseurs n’étaient pas démontrées à l’aide d’une preuve suffisante.
  2. Dans sa plainte, Méridien allègue que TPSGC n’a pas dûment évalué sa soumission et les renseignements qu’elle a fournis en réponse à la demande d’éclaircissements. Méridien soutient que la preuve de sa capacité et de son expérience en conception de la production interne figure dans sa soumission aux endroits suivants :
  • Onglet 29 – modélisation 3D d’un navire actuellement en construction au moyen du logiciel Ship Constructor;
  • Onglet 35 – autre preuve de la compétence de Méridien en modélisation 3D (preuve soumise pour le CTO3 et le CTC3);
  • Onglet 34 – exemples antérieurs de l’expérience et de la capacité en construction de navires semblables et plus complexes de Méridien (preuve soumise pour le CTO3 et le CTC3).
  1. En outre, Méridien soutient que la preuve de la capacité et de l’expérience en conception de la production de ses fournisseurs figure dans sa soumission aux endroits suivants :
  • Onglet 26 – document préparé par Concept Naval détaillant comment Concept Naval procédera à des vérifications de la conception et à la conception initiale dans le cadre de ce projet;
  • Onglet 27 – exemples de projets dans le cadre desquels Concept Naval a réalisé des travaux de vérification de conception et de conception initiale;
  • Onglet 28 – lettre d’engagement de Concept Naval indiquant la responsabilité des vérifications de conception et de la phase de la conception initiale;
  • Onglet 18 – indication du partenariat établi par Méridien avec Fleetway, qui fournira des spécialistes pour le SLI (Soutien logistique intégré – CTO4);
  • Onglet 39 – lettre d’engagement de Fleetway, qui fournira du soutien au cours des phases de la conception initiale et de la conception de la production du contrat.
  1. Méridien soutient que TPSGC a manqué à son obligation de faire des recoupements entre tous les documents contenus dans la soumission pour trouver des éléments de preuve établissant que Méridien se conformait au CTO2, malgré le fait que les renvois à l’intérieur de la soumission étaient expressément autorisés à la partie 3, section 3.1, Instructions pour la préparation des soumissions, de la DP.
  2. En outre, soutient Méridien, étant donné que la capacité et l’expérience en vérification de la conception, en conception initiale et en conception de la production constituaient aussi un des critères techniques cotés (CTC2), si TPSGC était insatisfait du degré de preuve objective dans la soumission de Méridien, la ligne de conduite appropriée aurait été d’attribuer à Méridien moins de points pour le CTC2 plutôt que de rejeter sa soumission.
  3. En résumé, Méridien allègue que TPSGC a fait une évaluation déraisonnable de sa soumission au regard du CTO2 parce que les évaluateurs ne se sont pas appliqués à évaluer la soumission, n’ont pas tenu compte de renseignements cruciaux figurant dans la soumission et/ou ont fait une interprétation erronée de ces critères d’évaluation obligatoires en les examinant « de manière isolée et disjonctive » [traduction], plutôt que d’examiner la soumission dans son ensemble[5].
  4. Dans le RIF, TPSGC maintient sa position selon laquelle Méridien n’a pas fourni une preuve objective suffisante de sa capacité éprouvée et de son expérience, ou de la capacité et de l’expérience de son ou ses fournisseurs, en matière de conception de la production. TPSGC affirme que les évaluateurs ont tenu compte de tous les renseignements désignés par Méridien comme étant pertinents pour ce critère dans sa soumission (onglets 26 à 28) et dans sa réponse à la demande d’éclaircissements (onglets 18, 35 et 29), et des autres documents désignés au départ comme étant pertinents dans la plainte (onglets 34 et 39).
  5. En ce qui concerne les documents présentés aux onglets 26 à 28, TPSGC souligne que Concept Naval (un fournisseur) s’est engagée, et a fourni la preuve de sa capacité et de son expérience, seulement à l’égard des vérifications de la conception et de la conception initiale, mais non à l’égard de la conception de la production.
  6. En ce qui concerne les documents présentés aux onglets 18 et 39, TPSGC souligne que Fleetway (un autre fournisseur) s’est engagée seulement à fournir du soutien logistique intégré, ce qui n’est pas pertinent pour le CTO2 selon TPSGC, et a mentionné uniquement qu’elle était disposée à fournir de l’assistance et à collaborer avec Méridien durant les phases de la conception initiale et de la conception de la production, et non qu’elle acceptait d’être responsable de ces phases. De plus, Fleetway n’a pas attesté qu’elle avait une capacité et de l’expérience en conception de la production ni n’a fourni de preuve de son expérience en la matière.
  7. En ce qui concerne les documents présentés aux onglets 29 et 35, TPSGC soutient que les diagrammes et les dessins, qui sont censés montrer l’expérience en modélisation 3D de Méridien, ne sont pas suffisamment détaillés pour démontrer la capacité et l’expérience requises en conception de la production, et peuvent au mieux être considérés comme une preuve de la capacité en modélisation 3D de Méridien. TPSGC soutient que cette capacité en impression et en modélisation n’est pas essentielle à la conception de la production ni n’en constitue un aspect important. Selon TPSGC, les dessins de conception de la production exigent un degré élevé de fidélité et de détails techniques; ils doivent illustrer l’intégration de systèmes ou montrer en détail les exigences de production ou d’assemblage, ce qui manque aux dessins en question.
  8. En ce qui concerne les documents présentés à l’onglet 34, produits par Méridien comme preuve de sa capacité et de son expérience en construction de bateaux exigées par le CTO3 et le CTC3, TPSGC allègue que rien ne prouve que Méridien ou un de ses fournisseurs désignés était responsable de la conception de la production pour ces navires.
  9. Méridien a joint des documents à sa réponse à la demande d’éclaircissements présentée par TPSGC le 2 avril 2015. TPSGC fait observer que les évaluateurs ne pouvaient pas tenir compte de ces documents parce qu’ils avaient été déposés après la date de clôture des soumissions. TPSGC ajoute que les évaluateurs avaient « passé en revue ces documents sans en tenir compte » [traduction], et conclu qu’ils ne contenaient pas de renseignements pouvant démontrer que Méridien avait une capacité éprouvée et de l’expérience en conception de la production.
  10. Méridien allègue que toute lacune dans les renseignements qu’elle avait présentés aurait dû se traduire par l’attribution d’une note inférieure au CTC2 et non par le rejet de sa soumission au titre du CTO2. TPSGC soutient que le CTO2 était clairement désigné comme un critère obligatoire dans la DP et que TPSGC avait entièrement le droit de juger non recevable la soumission de Méridien, plutôt que d’accorder simplement une note inférieure au critère coté correspondant. Néanmoins, TPSGC souligne que la soumission de Méridien a été évaluée par rapport au CTC2 et qu’elle a obtenu une note de 10/50 (la note de passage était de 20/50) pour la même raison que celle pour laquelle elle a échoué au CTO2, c’est‑à‑dire qu’une preuve suffisante établissait la capacité éprouvée et l’expérience en matière de vérifications de conception et de conception initiale, mais non en matière de conception de la production.
  11. Enfin, TPSGC fait remarquer que, dans sa réponse à la demande d’éclaircissements présentée par TPSGC, Méridien a reconnu les lacunes de sa soumission, notant qu’elle n’avait pas fourni de liste de projets antérieurs à l’onglet 29 (intitulé « Conception de la production » [traduction] dans la table des matières de la soumission) et qu’elle n’avait pas souligné le degré d’ingénierie de la production en jeu dans un récent projet.
  12. Dans ses observations sur le RIF, Méridien avance que sa soumission aurait dû être jugée conforme au CTO2 parce qu’elle répondait à deux des trois exigences. Renvoyant au fait qu’elle a obtenu seulement 10 points sur une possibilité de 50 au CTC2, Méridien affirme que la DP n’indiquait nulle part que les trois éléments du CTC2 seraient pondérés différemment.
  13. Méridien réitère aussi que sa proposition technique contenait suffisamment de renseignements pour démontrer qu’elle satisfaisait au CTO2, et que TPSGC a omis d’examiner sa proposition avec diligence et de la lire dans sa totalité. Plus précisément, Méridien allègue que les renseignements fournis à l’appui du CTO3 (y compris les onglets 34 et 35 mentionnés ci‑dessus) démontrent son expérience et sa capacité en conception de la production, « étant donné que l’ingénierie de la production combine technologie de la fabrication et science de la gestion »[6] [traduction]. Pour résumer le point de vue de Méridien, étant donné que sa proposition était conforme au CTO3, elle devait également être conforme au CTO2.
  14. Enfin, Méridien soutient qu’en ne tenant pas suffisamment compte de son expérience en construction, les évaluateurs ont démontré qu’ils n’étaient pas assez chevronnés pour comprendre le contenu technique de sa soumission. Selon Méridien, ce constat ressort nettement du fait que les évaluateurs ont conclu que les dessins additionnels présentés par Méridien le 2 avril 2015, à savoir « des dessins détaillés de la hiérarchie de l’assemblage et typiques de la conception de la production »[7] [traduction], ne contenaient pas de renseignements pouvant démontrer que Méridien avait une capacité éprouvée et de l’expérience en conception de la production.

CTO6

  1. Le CTO6 prévoyait ce qui suit :

CTO6 Personnel proposé – Organisation de la gestion du projet

Le soumissionnaire doit soumettre l’organisation de la gestion du projet proposée. L’organisation de la gestion du projet doit comprendre, au minimum, les rôles suivants :

[...]

c) Un (1) ingénieur naval principal : L’ingénieur naval principal doit avoir au moins 60 mois d’expérience dans un rôle de mécanicien de marine principal acquise au cours des 120 derniers mois pour des projets de construction de bateaux.

[...]

Pour chaque rôle dans l’organisation de la gestion du projet ci-dessus, le soumissionnaire doit fournir des curriculum vitæ comprenant des renseignements détaillés indiquant clairement que la personne proposée possède l’expérience requise. Une personne peut être proposée pour plus d’un (1) rôle de l’organisation de la gestion du projet et elle sera évaluée en fonction de chaque catégorie distincte.

Pour chaque curriculum vitæ présenté, le soumissionnaire doit s’assurer que :

  • le rôle applicable dans l’organisation de la gestion du projet et le nom de la personne sont clairement indiqués;
  • les dates de début et de fin de l’expérience sont clairement indiquées;
  • le nom de l’employeur ou de l’établissement ainsi que le poste ou titre de la personne pendant la période où son expérience a été acquise sont clairement indiqués;
  • le nom de l’organisation ou du projet pour lesquels des services étaient offerts (si cela s’est produit en dehors des bureaux de l’employeur ou de l’établissement) sont clairement indiqués;
  • un bref résumé décrivant l’expérience et le ou les projets comprenant les activités réalisées par la personne ainsi que les responsabilités qui lui ont été confiées au cours de cette période est inclus.

L’expérience mentionnée sans données à l’appui pour décrire où et comment elle a été acquise ne sera pas prise en compte aux fins de l’évaluation.

Les soumissionnaires doivent calculer le nombre de mois durant lesquels le service était offert et l’inscrire entre parenthèses; par exemple : de janvier 2004 à mars 2004 (3 mois).

Les soumissionnaires sont informés du fait que les mois d’expérience énumérés pour un projet dont la période chevauche celle d’un autre projet de référence ne seront comptabilisés qu’une seule fois. Par exemple : si la période du projet 1 s’étend de juillet 2001 à décembre 2001 et la période du projet 2 s’étend d’octobre 2001 à janvier 2002, la totalité des mois d’expérience pour ces deux projets de référence est de sept (7) mois.

[Traduction]

  1. En concluant que la soumission de Méridien n’était pas conforme au CTO6, TPSGC indiquait que le curriculum vitæ du candidat proposé par Méridien au poste d’ingénieur naval principal ne démontrait pas que le candidat possédait les qualifications exigées énoncées ci‑dessus. Les évaluateurs ont déterminé que le curriculum vitæ du candidat ne contenait pas de renseignements établissant que la personne proposée avait participé à un quelconque projet de construction de bateaux à titre de mécanicien de marine principal pendant la période précisée. Plus particulièrement, le curriculum vitæ ne mentionnait aucun projet de construction de bateaux ni aucun navire, et n’exposait pas les tâches accomplies et l’expérience acquise par le candidat pendant qu’il occupait les postes en question au cours de la période précisée.
  2. Dans sa plainte, Méridien soutient que, en raison de la complexité et de la diversité des tâches accomplies par un ingénieur naval principal (« lead marine engineer »), plus d’une interprétation raisonnable de ce terme est possible. Méridien affirme que l’expérience de son candidat à titre de directeur technique pour Vships Canada, exposée dans son curriculum vitæ, aurait dû être jugée suffisante pour satisfaire aux exigences. Selon Méridien, « directeur technique » (« technical superintendent ») est le titre applicable aux ingénieurs principaux reconnu partout dans l’industrie, et TPSGC aurait dû le comprendre sans renseignements supplémentaires. De plus, Méridien affirme que TPSGC aurait dû savoir que Vships figure parmi les plus grandes sociétés de gestion de navires au monde, et qu’un directeur technique employé par cette société devait participer activement à des projets de construction de bateaux. Enfin, Méridien souligne que, outre le curriculum vitæ du candidat, elle a fourni à TPSGC plusieurs certificats et diplômes corroborant la capacité du candidat, notamment un certificat de compétence à titre de mécanicien de première classe et deux certificats de marin, qui servaient aussi à démontrer que le candidat possédait les qualifications obligatoires.
  3. Par ailleurs, affirme Méridien, peu de contrats de construction de nouveaux bateaux ont été adjugés dans l’est du Canada au cours des 120 derniers mois, et il est hautement improbable que des mécaniciens de marine certifiés et entraînés aient occupé des postes dans des organisations qui leur auraient permis de satisfaire aux exigences de qualification énoncées ci‑dessus.
  4. En résumé, Méridien allègue que TPSGC a fait une évaluation déraisonnable de sa soumission au regard du CTO6, parce que les évaluateurs se sont fondés sur leurs hypothèses erronées concernant les qualifications du candidat au lieu de demander des éclaircissements à Méridien. Méridien renvoie aux décisions rendues par le Tribunal dans les affaires Tritech Group Ltd. et Legacy Products Corporation pour appuyer l’argument selon lequel TPSGC avait l’obligation de demander des éclaircissements et de ne pas fonder son évaluation sur des hypothèses erronées[8].
  5. Dans le RIF, TPSGC soutient que le curriculum vitæ du candidat de Méridien ne contient pas de « renseignements détaillés indiquant clairement » que le candidat possède l’expérience nécessaire pour satisfaire aux exigences de qualification du poste d’ingénieur naval principal, c’est-à-dire qu’il a de l’expérience dans des « projets de construction de bateaux ». Des deux seuls projets réalisés au cours de la période précisée de 120 mois mentionnés dans le curriculum vitæ, le premier est décrit simplement par « Propre entreprise » [traduction], sans comprendre « un bref résumé décrivant l’expérience et le ou les projets comprenant les activités réalisées par la personne ainsi que les responsabilités qui lui ont été confiées au cours de cette période » tel que requis par le CTO6.
  6. En ce qui concerne l’expérience du candidat à Vships, TPSGC fait valoir que le curriculum vitæ ne contient encore une fois aucun renseignement sur « l’expérience et le ou les projets comprenant les activités réalisées par la personne ainsi que les responsabilités qui lui ont été confiées au cours de cette période ». De plus, TPSGC soutient que Méridien aurait pu s’assurer que les évaluateurs tiennent compte de cette expérience dans le calcul des 60 mois exigés en fournissant les renseignements demandés sur les projets réalisés à titre de « directeur technique », au lieu de présumer que les évaluateurs de TPSGC savaient que « directeur technique » était l’équivalent d’« ingénieur naval principal ». Enfin, TPSGC souligne que les renseignements additionnels fournis par Méridien dans sa plainte n’étaient pas compris dans la soumission et que le Tribunal ne peut pas en tenir compte maintenant, car cela reviendrait à permettre la modification de la soumission.
  7. En ce qui concerne le reste de l’expérience figurant dans le curriculum vitæ du candidat, TPSGC fait valoir qu’elle n’est pas comprise dans la période de 120 mois et ne peut pas être prise en considération.
  8. En réponse à Méridien qui affirme que peu d’employés auraient été en mesure d’acquérir l’expérience requise dans la période de 120 mois précisée en raison du manque de projets de construction de bateaux dans l’est du Canada durant cette période, TPSGC indique que quatre autres soumissionnaires avaient pu satisfaire à cette exigence[9].
  9. À la thèse de Méridien selon laquelle TPSGC aurait dû demander des éclaircissements sur les qualifications du candidat, TPSGC répond que le curriculum vitæ du candidat manquait tellement d’éléments essentiels qu’aucun éclaircissement possible ne l’aurait rendu conforme au CTO6 sans l’ajout de renseignements entièrement nouveaux. Permettre à Méridien de fournir ces renseignements additionnels après la date de clôture des soumissions aurait été inéquitable envers les autres soumissionnaires et aurait constitué une modification interdite de la soumission. TPSGC souligne également que Méridien allègue que TPSGC a avancé des hypothèses erronées au sujet des qualifications de son candidat, mais qu’elle ne précise nulle part la nature de ces hypothèses erronées alléguées.
  10. Enfin, TPSGC fait valoir que l’équipe d’évaluation technique ayant évalué les soumissions était composée de huit évaluateurs expérimentés et qualifiés.
  11. Dans ses observations sur le RIF, Méridien répète essentiellement les arguments résumés ci‑dessus. De plus, elle soutient que la décision des évaluateurs n’est pas raisonnable en raison du manque de connaissances des évaluateurs sur l’appellation courante des postes dans l’industrie navale, c’est-à-dire le fait qu’un « directeur technique » accomplit les mêmes tâches qu’un « ingénieur naval principal ». Selon Méridien, TPSGC a fait défaut à son obligation de mettre sur pied une équipe d’évaluation qualifiée possédant le niveau de connaissances nécessaires pour évaluer correctement les qualifications de son candidat.

ANALYSE

  1. Aux termes du paragraphe 30.14(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit, dans son enquête, limiter son étude à l’objet de la plainte. De plus, aux termes de l’article 11 du Règlement, le Tribunal doit déterminer si le marché public a été passé conformément au chapitre 10 de l’Accord de libre-échange nord‑américain[10], au chapitre cinq de l’Accord sur le commerce intérieur[11], à l’Accord sur les marchés publics[12] de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), au chapitre Kbis de l’Accord de libre-échange entre le Canada et le Chili[13], au chapitre quatorze de l’Accord de libre-échange Canada-Pérou[14], au chapitre quatorze de l’Accord de libre-échange Canada-Colombie[15], au chapitre seize de l’Accord de libre-échange Canada-Panama[16], au chapitre dix-sept de l’Accord de libre-échange Canada-Honduras[17] ou au chapitre quatorze de l’Accord de libre-échange Canada-Corée[18], selon le cas. Selon les documents de l’appel d’offres, l’ACI s’applique à ce marché public[19].
  2. Le Tribunal doit donc trancher la question de savoir si la plainte de Méridien est fondée, c’est-à-dire si TPSGC a violé ou non l’un ou l’autre des accords commerciaux applicables en jugeant que la soumission de Méridien n’était pas conforme au CTO2 et au CTO6.
  3. Le Tribunal examinera le bien-fondé des allégations de Méridien aux termes du paragraphe 506(6) de l’ACI.
  4. Le paragraphe 506(6) de l’ACI prévoit que « [l]es documents d’appel d’offres doivent indiquer clairement les conditions du marché public, les critères qui seront appliqués dans l’évaluation des soumissions et les méthodes de pondération et d’évaluation des critères ».

Norme d’examen

  1. Le Tribunal applique le critère du caractère raisonnable pour évaluer le bien-fondé d’une plainte dans le contexte des accords commerciaux applicables. Ainsi, le Tribunal fait preuve de déférence à l’égard des évaluateurs pour ce qui est de leur évaluation des propositions. Le Tribunal a déjà indiqué que la décision d’une entité publique sera jugée raisonnable si elle se fonde sur une explication défendable, même si elle n’est pas convaincante aux yeux du Tribunal[20].
  2. Le Tribunal a aussi clairement indiqué qu’il conclurait qu’une évaluation est déraisonnable et substituerait son jugement à celui des évaluateurs si ceux-ci ne se sont pas appliqués à bien évaluer la proposition d’un soumissionnaire, n’ont pas tenu compte de renseignements d’importance cruciale contenus dans une soumission, ont mal interprété la portée d’une exigence, ont fondé leur évaluation sur des critères non divulgués ou n’ont pas, pour une autre raison, procédé à une évaluation équitable sur le plan de la procédure[21].
  3. De plus, le Tribunal a toujours soutenu que le fardeau de démontrer la conformité de leurs propositions aux critères obligatoires publiés dans les documents d’appel d’offres incombe aux soumissionnaires[22]. Par conséquent, le Tribunal a indiqué qu’il incombe aux soumissionnaires de faire preuve de diligence raisonnable dans la préparation de leur proposition pour s’assurer que celle-ci respecte toutes les exigences obligatoires[23]. À cet égard, le Tribunal a toujours refusé d’imposer aux institutions fédérales l’obligation de demander des éclaircissements aux soumissionnaires[24]. Bien que les soumissionnaires puissent et doivent poser des questions pour obtenir des éclaircissements relativement aux exigences obligatoires avant de présenter leur soumission, les institutions fédérales ne sont pas tenues de faire de même une fois les soumissions reçues[25].
  4. Dans le même ordre d’idée, comme le fait valoir Méridien, il a été établi dans les jugements antérieurs du Tribunal que, dans des circonstances exceptionnelles, les évaluations des institutions fédérales peuvent être considérées comme déraisonnables si elles reposent sur des hypothèses erronées concernant l’interprétation des termes d’une soumission, alors qu’il aurait été possible de demander des éclaircissements sur le sens que le soumissionnaire avait voulu donner à ces termes. Cependant, la Cour d’appel fédérale a statué que la décision de ne pas demander d’éclaircissements ne rend pas, en soi, l’évaluation déraisonnable; elle ne fait qu’augmenter le risque que l’interprétation, si elle se fonde sur une hypothèse erronée, ait un caractère déraisonnable :

[11] Le demandeur prétend que le TCCE a commis une erreur en obligeant TPSGC à demander des éclaircissements à la défenderesse quant à l’ajout des phrases contestées à l’annexe B de son offre à commandes. À notre avis, le TCCE n’a pas fondé sa décision sur celle de TPSGC de ne pas demander de précisions. Nous interprétons plutôt les remarques du TCCE comme voulant dire que, lorsqu’une soumission est rédigée en des termes qui se prêtent à plusieurs interprétations, TPSGC est libre de se faire sa propre opinion quant au sens de ces mots. Toutefois, ce faisant, il risque d’arriver à une interprétation erronée ou déraisonnable pouvant avoir des conséquences défavorables – un risque qui peut être évité en demandant des éclaircissements[26].

[Traduction]

  1. Méridien a aussi raison d’affirmer que la jurisprudence impose aux institutions fédérales l’obligation d’examiner les propositions de façon diligente et minutieuse[27] et de « regarder au-delà de la réponse directe à un critère coté pour tenir compte de renseignements pertinents contenus ailleurs dans la proposition »[28].

TPSGC a-t-il incorrectement évalué la soumission de Méridien au regard du CTO2?

  1. À la lumière du critère susmentionné, le Tribunal estime que TPSGC a fait une évaluation raisonnable de la soumission de Méridien au regard du CTO2. Les explications pour lesquelles TPSGC a jugé non recevable la soumission de Méridien résistent à l’examen, et TPSGC s’est acquitté de son obligation d’examiner la soumission de Méridien de manière diligente et minutieuse.
  2. En ce qui concerne ce dernier élément, les éléments de preuve non contestés dont dispose le Tribunal révèlent qu’après un examen initial, TPSGC a demandé à Méridien de lui donner des éclaircissements sur l’endroit où la preuve de sa capacité et de son expérience en matière de conception de la production était démontrée dans sa soumission. Les éléments de preuve révèlent aussi que TPSGC a examiné les autres parties de la soumission désignées par Méridien dans sa réponse et les a prises en considération dans sa décision. Autrement dit, TPSGC s’est efforcé de tenir compte de renseignements potentiellement pertinents qui ne concernaient pas directement le CTO2 mais qui se trouvaient ailleurs dans la soumission de Méridien.
  3. En outre, les jugements antérieurs du Tribunal appuient la conclusion de TPSGC selon laquelle il ne pouvait pas tenir compte des renseignements additionnels fournis par Méridien le 2 avril 2015, parce que cela aurait été inéquitable envers les autres soumissionnaires et aurait constitué une modification interdite de la soumission[29].
  4. Les éléments de preuve dont dispose le Tribunal indiquent plutôt que Méridien ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait de démontrer comment sa soumission satisfaisait aux critères essentiels. Dans sa soumission, Méridien indiquait que les dessins et schémas compris à l’onglet 29 se rapportaient expressément à la conception de la production, sans faire de référence croisée à d’autres parties de la soumission, ce qui était pourtant permis par la DP, comme Méridien l’a elle-même souligné.
  5. En outre, Méridien a dans les faits reconnu que sa réponse aux exigences en matière de conception de la production du CTO2 comportait des lacunes, puisqu’il « manquait probablement une liste des projets antérieurs »[30] [traduction]. Cette liste constituait un élément essentiel du CTO2 : « Le soumissionnaire doit fournir une liste détaillée des travaux qu’il a réalisés au cours des dix (10) dernières années pour la construction d’un navire d’une taille et d’une complexité similaires aux navires faisant l’objet de la présente DP [...]. » Ce fait, combiné au fait que Méridien a tenté de compléter sa réponse au CTO2 le 2 avril 2015, revient pour Méridien à reconnaître qu’elle n’avait pas préparé sa soumission avec la diligence nécessaire.
  6. Pour ce qui est de déterminer si les explications fournies par TPSGC pour justifier sa décision selon laquelle les renseignements fournis par Méridien ne démontraient pas sa capacité et son expérience en matière de conception de la production résistent à l’examen, le Tribunal examinera tour à tour les allégations de Méridien et les réponses de TPSGC.
  7. Selon Méridien, sa réponse au CTO3 et au CTC3, qui portaient sur l’étape du projet ayant trait à la construction, devait être prise en considération aux fins du CTO2. Cependant, une distinction est établie dans la DP entre l’étape de la conception de la production et l’étape de la construction, et TPSGC souligne avec raison que les renseignements fournis en réponse au CTO3 et au CTC3 ne font aucune mention de la « conception de la production ». Les renseignements fournis par Concept Naval et Fleetway (les fournisseurs de Méridien) n’indiquent pas non plus qu’ils s’étaient engagés à fournir des services de conception de la production pour le compte de Méridien. Tout au plus, Fleetway proposait de soutenir Méridien dans la prestation de services de conception de la production. La décision de TPSGC selon laquelle ces renseignements n’établissent pas une expérience en matière de conception de la production se fonde donc sur un raisonnement valable.
  8. En ce qui concerne les documents montrant la capacité de Méridien en matière de modélisation 3D, la thèse de TPSGC veut que cette capacité ne soit pas pertinente pour la conception de la production et, de fait, Méridien n’a pas fourni d’explication claire sur la manière dont cette capacité est pertinente. De plus, TPSGC fait valoir, avec raison, que les projets auxquels se rapportent les dessins en question ne sont pas indiqués. Tout compte fait, l’explication de TPSGC voulant que ces documents n’établissent pas clairement l’expérience de Méridien en matière de conception de la production est plausible.
  9. En ce qui concerne la thèse de Méridien selon laquelle sa soumission n’aurait pas dû être complètement rejetée au regard du CTO2 et qu’elle aurait dû simplement recevoir une note inférieure pour avoir fourni une preuve insuffisante de sa capacité et de son expérience en matière de conception de la production, la DP indiquait clairement que le CTO2 était un critère obligatoire, et que le fait de ne pas remplir un critère obligatoire « à la satisfaction du Canada » avait pour conséquence le rejet de la soumission (voir partie 4, article 4.1, Procédures d’évaluation, section II – Soumission technique). L’explication de TPSGC selon laquelle il pouvait, comme l’énonçait la DP, rejeter la soumission de Méridien parce qu’elle ne satisfaisait pas au CTO2 est donc elle aussi valable.
  10. La plainte de Méridien ne soulève aucun argument quant à la méthode de notation du CTC2. Conformément au paragraphe 30.14(1) de la Loi sur le TCCE, dans son enquête, le Tribunal doit limiter son étude à l’objet de la plainte. Le Tribunal ne peut pas tenir compte de nouveaux motifs de plainte soulevés dans les observations concernant le RIF pendant l’enquête. Par conséquent, dans la mesure où les arguments de Méridien soulèvent un nouveau motif de plainte portant sur la méthode de notation du CTC2, ils n’ont pas été pris en considération.
  11. Enfin, Méridien n’étaye en rien son allégation selon laquelle les évaluateurs ne possédaient pas l’expérience nécessaire : essentiellement, Méridien avance que, comme les évaluateurs ont rejeté sa soumission, ils n’ont pas dû en comprendre le contenu. Le Tribunal n’accorde donc aucune foi à cette allégation.

TPSGC a-t-il incorrectement évalué la soumission de Méridien au regard du CTO6?

  1. Comme mentionné précédemment, Méridien s’appuie sur les récentes décisions rendues par le Tribunal dans les affaires Tritech Group Ltd. et Legacy Products Corporation pour faire valoir que, dans certaines circonstances, les institutions fédérales doivent demander des éclaircissements aux soumissionnaires au lieu de présumer qu’elles comprennent les termes utilisés dans la soumission. La situation en l’espèce ne concorde pas avec celles qui ont mené aux conclusions du Tribunal dans les affaires en question.
  2. Méridien a présenté le motif de sa plainte comme un différend en matière d’interprétation et soutient que TPSGC avait l’obligation de demander des éclaircissements au lieu de se fier à ses hypothèses concernant les qualifications du candidat. Cette thèse est fondée sur une mauvaise caractérisation de l’évaluation de TPSGC et des raisons pour lesquelles la soumission de Méridien a été jugée non recevable. Comme exposé précédemment, la soumission de Méridien a été jugée non recevable parce que le curriculum vitæ du candidat ne présentait pas le niveau de détail exigé par le CTO6. En particulier, TPSGC a conclu que le curriculum vitæ du candidat ne fournissait aucun des renseignements exigés quant à sa participation à des projets de construction de bateaux au cours de la période précisée de 120 mois.
  3. En outre, dans ses arguments, Méridien n’indique pas clairement lequel des termes – « ingénieur naval principal » ou « directeur technique » – TPSGC a mal interprété, en quoi ces termes ont été mal interprétés ou quelles hypothèses fausses ont conduit TPSGC à cette mauvaise interprétation.
  4. L’argument principal de Méridien est plutôt que les évaluateurs auraient dû s’informer ou appliquer des connaissances personnelles outre les renseignements compris dans la soumission pour arriver à la conclusion que « directeur technique » était l’équivalent d’« ingénieur naval principal ». De telles façons de faire sont interdites. Il est bien établi dans la jurisprudence que les évaluateurs doivent fonder leurs évaluations sur le contenu des propositions qui leur sont présentées, sans recourir à des renseignements ou à des connaissances extrinsèques[31].
  5. Il manquait des renseignements essentiels dans la soumission de Méridien. Le curriculum vitæ du candidat ne fournissait pas le niveau de détail exigé par le CTO6. Par conséquent, il était raisonnable pour les évaluateurs de conclure que la soumission de Méridien était non recevable. De plus, TPSGC ne pouvait pas permettre que la soumission soit complétée par des renseignements qu’elle ne comprenait pas au départ, et les évaluateurs ne pouvaient pas appliquer des connaissances personnelles en dehors de ce qui était compris dans la soumission pour conclure que « directeur technique » était l’équivalent d’« ingénieur naval principal ». Le fait de permettre à Méridien de fournir des précisions sur les éléments du curriculum vitæ après la clôture de la période de soumission aurait constitué une modification interdite de la soumission.

FRAIS

  1. Pour déterminer le montant de l’indemnité en l’espèce, le Tribunal a tenu compte de sa Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public (la Ligne directrice), qui fonde l’évaluation du degré de complexité d’une cause sur trois critères : la complexité du marché public, la complexité de la plainte et la complexité de la procédure.
  2. En l’espèce, la complexité du marché public était relativement élevée, puisqu’il s’agissait de la construction de navires complexes et que les critères allaient de la conception initiale des navires à leur production. La plainte n’était toutefois pas complexe, la question principale étant de savoir si TPSGC avait correctement déterminé que la proposition de Méridien n’était pas conforme aux exigences obligatoires de la DP, ce qui mettait en jeu des questions plutôt simples d’interprétation des exigences de l’appel d’offres et des conclusions de fait.
  3. Pour ce qui est de la complexité de la procédure, cette dernière a été quelque peu compliquée par la requête en production de documents déposée par Méridien. Cette requête a entraîné des étapes de présentation de renseignements supplémentaires par les parties et exigé le recours au délai de 135 jours. Par ailleurs, la requête de Méridien a été rejetée. La procédure était donc légèrement plus complexe.
  4. Par conséquent, conformément à l’annexe A de la Ligne directrice, le Tribunal détermine provisoirement que le degré de complexité de la plainte correspond au degré 2 et que le montant de l’indemnité est de 2 750 $.

DÉCISION

  1. Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal conclut que la plainte n’est pas fondée.
  2. Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal à TPSGC le remboursement des frais raisonnables qu’il a engagés pour répondre à la plainte, ces frais devant être payés par Méridien. En conformité avec la Ligne directrice, le Tribunal détermine provisoirement que le degré de complexité de la plainte correspond au degré 2 et que le montant de l’indemnité est de 2 750 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui a trait à la détermination provisoire du degré de complexité ou du montant de l’indemnité, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal, en conformité avec l’article 4.2 de la Ligne directrice. Il relève de la compétence du Tribunal de fixer le montant définitif de l’indemnité.
 

[1].      L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.) [Loi sur le TCCE].

[2].      D.O.R.S./91-499.

[3].      Méridien Maritime Réparation c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (1er octobre 2015), PR‑2015-021 (TCCE).

[4].      Pièce du Tribunal PR-2014-021-01, onglet 1, pièce E.

[5].      Pièce du Tribunal PR-2015-021-01 aux par. 43, 44.

[6].      Pièce du Tribunal PR-2015-021-21 à la p. 2.

[7].      Pièce du Tribunal PR-2015-021-21 à la p. 3.

[8].      Tritech Group Ltd. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (31 mars 2014), PR‑2013‑035 (TCCE), demande de contrôle judiciaire rejetée par la Cour d’appel fédérale le 4 février 2014 (Canada (Attorney General) v. Tritech Group Ltd., 2015 FCA 39); Legacy Products Corporation c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (2 avril 2014), PR-2013-031 (TCCE).

[9].      C’est la raison pour la requête de production de documents de Méridien, qui désirait avoir accès aux renseignements soumis par les quatre soumissionnaires retenus. Comme mentionné ci-dessus, le Tribunal a rejeté la requête au motif que ces documents ne pouvaient être pertinents quant à l’évaluation de la soumission de Méridien par TPSGC.

[10].    Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis d’Amérique et le gouvernement des États-Unis du Mexique, 17 décembre 1992, R.T.C. 1994, no 2, en ligne : le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-... (entré en vigueur le 1er janvier 1994).

[11].    18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.ait-aci.ca/‌agreement-on-internal-trade/?lang=fr> [ACI].

[12].    Accord révisé sur les marchés publics, en ligne : Organisation mondiale du commerce <http://www.wto.org/‌french/docs_f/legal_f/rev-gpr-94_01_f.htm> (entré en vigueur le 6 avril 2014).

[13].    Accord de libre-échange entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de la République du Chili, R.T.C. 1997, no 50, en ligne : le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement <http://‌www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-acc/chi... (entré en vigueur le 5 juillet 1997). Le chapitre Kbis, intitulé « Marchés publics », est entré en vigueur le 5 septembre 2008.

[14].    Accord de libre-échange entre le Canada et la République du Pérou, en ligne : le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-... (entré en vigueur le 1er août 2009).

[15].    Accord de libre-échange entre le Canada et la République de Colombie, en ligne : le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-... (entré en vigueur le 15 août 2011).

[16].    Accord de libre-échange entre le Canada et la République du Panama, en ligne : le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-... (entré en vigueur le 1er avril 2013).

[17].    Accord de libre-échange entre le Canada et la République du Honduras, en ligne : le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-... (entré en vigueur le 1er octobre 2014).

[18].    Accord de libre-échange entre le Canada et la République de Corée, en ligne : le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-... (entré en vigueur le 1er janvier 2015).

[19].    Pièce du Tribunal PR-2015-021-01, onglet 1, pièce A.

[20].    Northern Lights Aerobatic Team, Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (7 septembre 2005), PR-2005-004 (TCCE) [Northern Lights] au par. 52; Saskatchewan Institute of Applied Science and Technology c. Ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement (9 janvier 2014), PR-2013-013 (TCCE) [SIAST] au par. 58

[21].    Northern Lights au par. 52; SIAST au par. 58; Samson & Associates c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (19 octobre 2012), PR-2012-012 (TCCE) aux par. 26-28; Excel Human Resources Inc. c. Ministère de l’Environnement (2 mars 2012), PR-2011-043 (TCCE) [Excel] au par. 33; MTS Allstream Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (3 février 2009), PR-2008-033 (TCCE).

[22].    Info-Electronics H P Systems Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (2 août 2006), PR‑2006-012 (TCCE); SIAST au par. 59; Excel au par. 34.

[23].    Integrated Procurement Technologies, Inc. (14 avril 2008), PR-2008-007 (TCCE) [Integrated Procurement] au par. 13.

[24].    Accipiter Radar Technologies Inc. c. Ministère des Pêches et des Océans (17 février 2011), PR-2010-078 (TCCE) au par. 52; Integrated Procurement au par. 13.

[25].    SIAST au par. 59.

[26].    Canada (Attorney General) v. Tritech Group Ltd., 2015 FCA 39 au par. 11.

[27].    Canadian Computer Rentals (3 août 2000), PR-2000-003 (TCCE) aux pp. 3, 5.

[28].    Star Group International Trading Corporation c. Construction de Défense (1951) Limitée (7 avril 2014), PR‑2013-032 (TCCE) [Star Group] au par. 66.

[29].    Pour un exemple récent, voir Raymond Chabot Grant Thornton Consulting Inc. et PricewaterhouseCoopers LLP c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (25 octobre 2013), PR-2013-005 et PR-2013-008 (TCCE) au par. 45.

[30].    Pièce du Tribunal PR-2015-021-01, onglet 1, pièce D.

[31].    Star Group au par. 41.