IRON MOUNTAIN INFORMATION MANAGEMENT SERVICES CANADA, INC.

IRON MOUNTAIN INFORMATION MANAGEMENT SERVICES CANADA, INC.
c.
MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX
Dossier no PR-2015-030

Décision et motifs rendus
le mercredi 17 février 2016

TABLE DES MATIÈRES

 

EU ÉGARD À une plainte déposée par Iron Mountain Information Management Services Canada, Inc. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.);

ET À LA SUITE D’une décision d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

ENTRE

Iron Mountain Information Management Services Canada, Inc. Partie plaignante

ET

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX Institution fédérale

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte n’est pas fondée.

Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur accorde au ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux le remboursement des frais raisonnables qu’il a engagés pour répondre à la plainte, ces frais devant être payés par Iron Mountain Information Management Services Canada, Inc. En conformité avec la Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine provisoirement que le degré de complexité de la plainte correspond au degré 1 et que le montant de l’indemnité est de 1 150 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui a trait à la détermination provisoire du degré de complexité ou du montant de l’indemnité, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur, en conformité avec l’article 4.2 de la Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public. Il relève de la compétence du Tribunal canadien du commerce extérieur de fixer le montant définitif de l’indemnité.

Serge Fréchette
Serge Fréchette
Membre présidant

Membre du Tribunal : Serge Fréchette, membre présidant

Conseillers juridiques pour le Tribunal : Peter Jarosz
Jessica Spina (stagiaire-en-droit)

Agent principal du greffe : Julie Lescom

Partie plaignante : Iron Mountain Information Management Services Canada, Inc.

Conseillers juridiques pour la partie plaignante : Mandy E. Aylen
Olivier V. Nguyen

Institution fédérale : ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

Conseiller juridique pour l’institution fédérale : Maria Barrett-Morris

Partie intervenante : Le Groupe Conseil Bronson Consulting Inc.

Conseillers juridiques pour la partie intervenante : Christopher R.N. McLeod
Michael Milne

Veuillez adresser toutes les communications au :

Greffier
Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario) K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

EXPOSÉ DES MOTIFS

  1. Le 7 octobre 2015, Iron Mountain Information Management Services Canada, Inc. (Iron Mountain) a déposé une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal), aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur[1], concernant une demande de propositions (DP) (invitation no EN929-142184/C) publiée par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) pour la fourniture de services d’imagerie documentaire pour le compte de la Direction générale de la comptabilité, de la gestion bancaire et de la rémunération de TPSGC.

CONTEXTE

  1. TPSGC a publié la DP le 5 mars 2015. La DP prévoyait que TPSGC attribuerait un certain nombre de contrats pour chacune des séries suivantes: Série 1 – Non classifiés, Série 2 – Protégé B et Série 3 – Secret.
  2. La DP consistait en un processus d’évaluation se déroulant en deux étapes. Au cours de la première étape, un soumissionnaire devait indiquer pour quelle série de contrats il soumissionnait. Les soumissionnaires retenus se voyaient ensuite accorder des « contrats initiaux » [traduction] pour chaque série de contrats pour laquelle leur proposition avait été acceptée. À la deuxième étape, seuls les soumissionnaires ayant un « contrat initial » [traduction] pouvaient participer au processus de DP visant à délivrer une autorisation de tâche pour les contrats accordés dans la série de contrats pertinente.
  3. Au cours de la période de soumission, TPSGC a émis 17 modifications à la DP en réponse aux questions de soumissionnaires potentiels. Une seule des modifications est pertinente en l’espèce. Plus précisément, le 14 avril 2015, TPSGC a émis la modification no 17 à la DP afin de répondre à une question portant sur le critère obligatoire O3 (critère O3). La question et réponse sont énoncées comme suit :

Question no 35

Le critère obligatoire O3 stipule que « [l]e soumissionnaire doit démontrer le respect des normes ci-après en fournissant une déclaration de conformité écrite et produite par un tiers indépendant qualifié libre de tout lien de dépendance, ou encore fournir une déclaration confirmant que le soumissionnaire obtiendra une déclaration de conformité d’un tiers indépendant qualifié libre de tout lien de dépendance dans les six (6) mois suivant l’attribution du contrat.

  • CAN/CGSB-72.34-2005 – Enregistrements électroniques – Preuve documentaire
  • CAN/CGSB 72.11.93 – Microfilms et images électroniques – Preuve documentaire »

Nous avons communiqué avec l’Office des normes générales du Canada (ONGC) pour déterminer le processus d’obtention d’une déclaration de conformité d’un tiers indépendant qualifié en ce qui a trait aux deux normes. Le personnel de l’ONGC a répondu qu’à sa connaissance, il n’existe aucun processus d’attestation relativement à l’évaluation de la conformité aux deux normes et qu’il n’y aurait donc aucun tiers indépendant qualifié pour fournir une déclaration de conformité écrite à cet égard. Nous vous prions de supprimer l’exigence obligatoire O3 de l’évaluation technique.

Réponse no 35

La vérification indépendante de la conformité des processus aux normes de l’ONGC visant à obtenir une déclaration de conformité peut être effectuée en faisant appel aux fournisseurs offrant des services de vérification et de certification[2].

[Traduction]

  1. La date de clôture des soumissions était le 16 avril 2015.
  2. Le 22 avril 2015, TPSGC a demandé à Iron Mountain de confirmer où se trouvait l’énoncé de conformité ou l’énoncé d’intention d’obtenir un énoncé de conformité[3] dans sa soumission[4]. Iron Mountain a répondu le jour même et fourni son rapport sur les contrôles de l’organisation de service 3 (COS3). Elle a confirmé qu’elle ne présenterait pas de rapport sur les contrôles de l’organisation de service 2 (COS2) avant que le Canada ne signe une entente de confidentialité.
  3. Le 6 août 2015, TPSGC a informé Iron Mountain que sa soumission avait été jugée non conforme au critère O3 pour les trois séries. Il a également fourni à Iron Mountain le nom des soumissionnaires auxquels des contrats avaient été adjugés[5].
  4. Le 19 août 2015, TPSGC a reçu un avis d’opposition d’Iron Mountain. TPSGC a répondu par une lettre datée du 24 septembre 2015 dans laquelle elle maintenait sa position initiale.
  5. Le 7 octobre 2015, Iron Mountain a déposé sa plainte auprès du Tribunal.
  6. Le 13 octobre 2015, le Tribunal a informé les parties qu’il avait décidé d’enquêter sur la plainte, puisqu’elle satisfaisait aux exigences du paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et remplissait les conditions du paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics[6].

HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

  1. Le Groupe Conseil Bronson Consulting Inc. (Bronson), un des soumissionnaires retenus, a demandé le statut de partie intervenante le 29 octobre 2015. Le Tribunal a accueilli la demande le 6 novembre 2015.
  2. Le 11 novembre 2015, Iron Mountain a demandé à TPSGC de produire certains documents, nommément les sections se rapportant au critère O3 des soumissions présentées par les autres soumissionnaires, les notes des évaluateurs portant sur l’évaluation du critère O3 et les notes ou comptes-rendus de toutes réunions de l’équipe d’évaluateurs au sujet de la réponse d’Iron Mountain au critère O3. Le 17 novembre 2015, TPSGC a présenté ses observations sur la demande de production de documents d’Iron Mountain. Le 18 novembre 2015, le Tribunal a accueilli la demande d’Iron Mountain concernant la production de documents par TPSGC et a permis à TPSGC et à Bronson de présenter des observations au sujet des nouveaux documents. Le Tribunal a aussi accordé à Iron Mountain une prorogation du délai pour déposer ses observations sur le rapport de l’institution fédérale (RIF)[7].
  3. Le 7 décembre 2015, TPSGC a répondu aux observations d’Iron Mountain sur le RIF en faisant valoir qu’Iron Mountain avait soulevé de nouveaux arguments. Le Tribunal a accueilli la réponse et a autorisé Iron Mountain à présenter des observations en réplique, ce qu’elle a fait le 16 décembre 2015.
  4. Le 23 décembre 2015, le Tribunal a demandé à Iron Mountain de produire le rapport SOC2 auquel elle faisait référence dans sa plainte. Iron Mountain a présenté le rapport SOC2 le 29 décembre 2015.
  5. Comme il y avait suffisamment de renseignements au dossier pour déterminer le bien-fondé de la plainte, le Tribunal a décidé qu’une audience ne serait pas nécessaire et tranché la plainte sur la foi des renseignements au dossier.

DISPOSITIONS PERTINENTES DE LA DP

  1. Dans l’introduction de la partie portant sur la soumission technique, la DP prévoit ce qui suit :

1. Les éléments de la soumission technique qui suivent seront évalués et cotés selon des critères d’évaluation déterminés. Il est primordial que ces critères soient traités en profondeur pour permettre une évaluation complète des capacités et des aptitudes.

2. Chaque soumission technique sera évaluée uniquement d’après son contenu et en ce qui a trait à l’énoncé des travaux. Les soumissions doivent être claires et concises, et elles doivent suivre l’ordre et la numérotation de l’énoncé des travaux. Les soumissionnaires doivent clairement énoncer dans la soumission s’ils satisfont ou non à chacune des exigences obligatoires et en faire la démonstration de façon tout aussi claire.

[Nos italiques, traduction]

  1. Le différend porte sur un critère obligatoire de la DP, soit le critère O3 du tableau 1 de la pièce jointe 1 de la partie 4 de la DP, qui prévoit ce qui suit :

Nº de section dans l’EDT

Nom de la section/objet de l’évaluation

Points disponibles

Exigences de présentation

Conforme = oui
Non conforme = non

Critères d’évaluation

A

B

C

D

E

F

[…]

 

Respect des normes de l’ONGC

O3

Le soumissionnaire doit démontrer le respect des normes ci-après en fournissant une déclaration de conformité écrite et produite par un tiers indépendant qualifié libre de tout lien de dépendance, ou encore fournir une déclaration confirmant que le soumissionnaire obtiendra une déclaration de conformité d’un tiers indépendant qualifié libre de tout lien de dépendance dans les six (6) mois suivant l’attribution du contrat.

  • CAN/CGSB 72.34-2005-Enregistrements électroniques-Preuve documentaire
  • CAN/CGSB 72.11.93-Microfilms et images électroniques-Preuve documentaire

Oui
Non

Le soumissionnaire doit indiquer s’il est conforme en inscrivant Oui ou Non dans la colonne « E » et dans la colonne « F » fournir un énoncé de conformité actuel d’un tiers indépendant qualifié qui est libre de tout lien de dépendance, ou encore fournir un énoncé d’obtenir un énoncé de conformité de la part d’un tiers indépendant qui est libre de tout lien de dépendance dans les six (6) mois de l’attribution du contrat.

 

  1. Le Tribunal résume comme suit la réponse d’Iron Mountain au critère O3 :
    • Iron Mountain a inscrit « Oui » [traduction] dans la colonne E;
    • elle a indiqué dans la colonne F pouvoir « […] fournir le rapport SOC 2 une fois que le Canada aura signé une entente de confidentialité. Voir le rapport SOC 3 à l’annexe, qui commence à la page 43 »[8] [traduction];
    • le rapport SOC3 était absent de la soumission;
    • le rapport SOC2 n’a pas non plus été fourni par Iron Mountain dans le cadre de sa réponse à la demande de propositions;
    • aucun engagement n’a été pris en vue d’obtenir les certifications nécessaires à une date ultérieure.

POSITION DES PARTIES

  1. Iron Mountain fait valoir que la décision par TPSGC de déclarer sa soumission irrecevable était erronée, car elle se fondait sur un critère d’évaluation non divulgué. En outre, Iron Mountain soutient que sa soumission n’était pas conditionnelle, même si sa proposition exigeait que TPSGC accepte une entente de confidentialité avant qu’elle ne fournisse un document de référence demandé. Iron Mountain fait valoir que sa demande d’entente de confidentialité ne rendait pas sa proposition conditionnelle, car il ne s’agissait pas d’un élément qu’elle pouvait imposer sans le consentement de TPSGC. Iron Mountain affirme qu’elle aurait quand même fourni le rapport SOC2 conformément au critère O3 si TPSGC avait refusé de signer une entente de confidentialité.
  2. La thèse de TPSGC est que la soumission d’Iron Mountain était non conforme, car la colonne « F » n’y était pas remplie et la soumission ne répondait donc pas au critère O3. Par ailleurs, TPSGC soutient que la soumission d’Iron Mountain était invalide parce qu’elle était conditionnelle à la signature d’une entente de confidentialité par TPSGC, ce qui n’était pas prévu dans la DP. Selon TPSGC, la formulation utilisée par Iron Mountain ne correspondait pas à une demande, mais bien à une condition pour la présentation du rapport SOC2, ce qui rendait la soumission d’Iron Mountain non conforme.

ANALYSE

  1. La question en litige consiste à déterminer si l’évaluation a été déraisonnable dans le cadre du présent marché public. Pour conclure au bien-fondé de la plainte, le Tribunal doit être d’avis que les évaluateurs ont agi de manière déraisonnable et que, par conséquent, le marché public a été passé d’une manière qui est contraire au paragraphe 506(6) de l’Accord sur le commerce intérieur[9], au paragraphe 1015(4) de l’Accord de libre-échange nord-américain[10] et aux dispositions similaires des autres accords commerciaux.

Introduction

  1. Aux termes du paragraphe 30.14(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal est tenu, lorsqu’il a décidé d’enquêter, de limiter son étude à l’objet de la plainte. En outre, à la fin de l’enquête, le Tribunal doit déterminer le bien-fondé de la plainte en fonction du respect des critères et des procédures établis par règlement pour le contrat spécifique. L’article 11 du Règlement prévoit que le Tribunal doit déterminer si le marché public a été passé conformément aux accords commerciaux applicables, qui sont, en l’espèce, l’ALÉNA, l’ACI, l’Accord sur les marchés publics[11], l’Accord de libre-échange entre le Canada et le Chili[12], l’Accord de libre-échange Canada-Pérou[13], l’Accord de libre-échange Canada-Colombie[14], l’Accord de libre-échange Canada-Panama[15], l’Accord de libre-échange Canada-Honduras[16] et l’Accord de libre-échange Canada-Corée[17].
  2. Comme il est indiqué précédemment, la présente plainte porte sur l’évaluation des soumissions et la question de savoir si les évaluateurs ont utilisé les critères d’évaluation appropriés.
  3. Le Tribunal a toujours soutenu la position suivante lorsqu’il évalue le bien-fondé d’une plainte à l’égard de l’évaluation des soumissions :

30. Le Tribunal applique le critère du caractère raisonnable […]. Ainsi, le Tribunal fait preuve de déférence à l’égard des évaluateurs pour ce qui est de leur évaluation des propositions. Le Tribunal a déjà indiqué que la décision d’une entité publique sera jugée raisonnable si elle se fonde sur une explication défendable, même si elle n’est pas convaincante aux yeux du Tribunal.

31. Le Tribunal a aussi clairement indiqué qu’il conclurait qu’une évaluation est déraisonnable et substituerait son jugement à celui des évaluateurs si ceux-ci ne se sont pas appliqués à bien évaluer la proposition d’un soumissionnaire, n’ont pas tenu compte de renseignements d’importance cruciale contenus dans une soumission, ont mal interprété la portée d’une exigence, ont fondé leur évaluation sur des critères non divulgués ou n’ont pas, pour une autre raison, procédé à une évaluation équitable sur le plan de la procédure[18].

[Nos italiques, notes omises]

  1. Concernant les critères d’évaluation des propositions, l’article 1013 de l’ALÉNA et le paragraphe 506(6) de l’ACI prévoient ce qui suit :

[1013] 1. La documentation relative à l’appel d’offres qu’une entité remettra aux fournisseurs devra contenir tous les renseignements nécessaires pour leur permettre de présenter des soumissions valables, notamment les renseignements devant être publiés dans l’avis mentionné au paragraphe 1010(2), exception faite des renseignements visés à l’alinéa 1010(2)h). La documentation contiendra également :

[…]

h) les critères d’adjudication, y compris tous les éléments, autres que le prix, qui seront pris en considération lors de l’évaluation des soumissions […].

[506] 6. […] Les documents d’appel d’offres doivent indiquer clairement les conditions du marché public, les critères qui seront appliqués dans l’évaluation des soumissions et les méthodes de pondération et d’évaluation des critères.

  1. Pour ce qui est des responsabilités des soumissionnaires, le Tribunal a toujours soutenu qu’il incombe au soumissionnaire de s’assurer que sa proposition est conforme à tous les éléments essentiels de l’invitation[19].
  2. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal doit déterminer si l’évaluation de TPSGC était raisonnable et, plus précisément, sur la foi des renseignements contenus dans la soumission d’Iron Mountain, si des critères non divulgués ou inconsistants ont été utilisés dans l’évaluation de la soumission d’Iron Mountain.

Application du critère O3 : conformité actuelle ou engagement en vue de la conformité future

  1. Selon les dispositions de la DP, les soumissionnaires pouvaient satisfaire au critère O3 soit a) en fournissant une certification actuelle, c’est-à-dire un énoncé de conformité; b) en s’engageant à obtenir un énoncé de conformité à une date ultérieure, c’est-à-dire dans les six mois suivant l’obtention du contrat. Dans l’un ou l’autre cas, l’énoncé devait certifier la conformité aux normes de l’ONGC énoncées et devait provenir d’un tiers indépendant libre de tout lien de dépendance.
  2. Selon la structure de la DP, les réponses à la colonne F devaient indiquer la conformité. Comme il a été décrit précédemment, Iron Mountain a répondu dans la colonne E; cependant, alors que la colonne F servait à indiquer de quelle manière la conformité était ou serait démontrée, Iron Mountain y faisait référence à un document existant[20], sans toutefois le fournir. Elle ne s’engageait aucunement, à la colonne F ou ailleurs dans la soumission, à obtenir l’énoncé de conformité exigé à une date ultérieure.

Aucun document n’a été fourni à titre de preuve de la conformité

  1. La soumission ne contenait aucun document se rapportant au critère O3, y compris les rapports SOC2 et SOC3; il n’était donc pas possible pour TPSGC d’évaluer si la certification exigée existait. La réponse à la demande de propositions a donc été tout à fait correctement jugée irrecevable.

Le rapport SOC3 était absent de la soumission

  1. En réponse à la demande du 22 avril 2015 de TPSGC sur l’emplacement du rapport SOC3 dans la soumission[21], Iron Mountain a fourni le document et a fait la déclaration suivante :

Nous avons inscrit « Oui » à la page 83 de 186 en réponse au critère O3. Nous sommes sûrs que notre rapport sur les contrôles de l’organisation de services (COS) 2 suffira à répondre à ce critère et nous le fournirons à la signature d’une entente de confidentialité puisqu’il contient des éléments portant sur nos systèmes et nos pratiques de sécurité. Vous trouverez ci-joint notre rapport COS 3 qui présente un aperçu des renseignements concernés.

En outre, dans l’éventualité où cela ne suffirait pas à satisfaire le gouvernement du Canada, la mention « Oui » signifie que nous nous procurerons un énoncé de conformité émis par un tiers indépendant libre de tout lien de dépendance dans les six (6) mois suivants l’attribution du contrat[22].

[Traduction]

  1. Le Tribunal a déjà statué comme suit dans d’autres décisions :

17. […] même si l’autorité acheteuse peut demander de préciser certains aspects d’une soumission, elle ne peut, après la clôture des soumissions, accepter de renseignements qui représentent une révision ou une modification importante de la proposition. À titre d’exemple, les renseignements relatifs à une exigence obligatoire présentés pendant un processus d’éclaircissement qui diffèrent de ceux figurant dans la proposition constituent une révision de nature importante[23].

[Notes omises]

  1. TPSGC ne pouvait pas accepter la présentation tardive du rapport COS3 (ou l’engagement tout aussi tardif consistant à se procurer la certification à une date ultérieure), parce qu’ils ont été fournis après la date de clôture des soumissions et les accepter aurait constitué une modification de la soumission.
  2. Si TPSGC avait accepté les éléments fournis par Iron Mountain après la date de clôture de la soumission, elle aurait en fait accepté une modification substantielle de la soumission initiale, ce qui n’aurait pas été juste pour les autres soumissionnaires et aurait constitué une violation des divers accords commerciaux applicables[24].
  3. Il convient aussi de souligner que le rapport COS3 ne comportait aucune mention de la conformité aux normes pertinentes de l’ONGC.

Iron Mountain a refusé de fournir le rapport COS2

  1. Comme il a été mentionné précédemment, Iron Mountain a volontairement décidé de ne pas fournir le rapport COS2, c’est-à-dire l’autre document devant établir la conformité, dans sa soumission.
  2. La position d’Iron Mountain selon laquelle elle ne posait pas une condition pour fournir le rapport COS2 est démentie par la simple lecture de sa soumission et par son comportement subséquent. Il est incontestable que le rapport COS2 n’a pas été fourni aux évaluateurs dans les délais impartis et que l’obtention du rapport reposait sur l’avènement de circonstances précises, c’est-à-dire la signature d’une entente de confidentialité par TPSGC. On ne peut y voir autre chose qu’une condition.
  3. Dans des circonstances similaires, le Tribunal a toujours soutenu que les propositions conditionnelles n’étaient pas conformes à la DP.
  4. Dans le dossier no PR-2003-064[25], le Tribunal a jugé que la plaignante n’avait pas respecté les exigences de la DP portant sur les dates de livraison en inscrivant la mention « […] sous réserve des licences d’importation/d’exportation […] »[26].
  5. Dans le dossier no PR-2009-011[27], le Tribunal a jugé qu’une clause de non-responsabilité dans la proposition de la plaignante rendait la proposition non conforme. Dans ce cas, la DP comprenait une clause interdisant explicitement toute modification des clauses de la DP et prévoyait que toute soumission comportant une modification des modalités serait jugée irrecevable. Le Tribunal a jugé que la présence d’une clause de non-responsabilité dans la soumission était malgré tout la preuve que le plaignant ne considérait pas que la DP ni sa soumission étaient contraignantes et qu’il ne s’agissait que d’un point de départ dans des négociations[28].
  6. Quoi qu’il en soit, le fait qu’Iron Mountain ait offert de fournir son rapport COS2 dans sa soumission ne peut lui être d’aucun secours. Il n’en demeure pas moins que le document n’a pas été fourni et que la soumission était par conséquent incomplète. Pour que les évaluateurs puissent se servir du document dans leur évaluation de la conformité, il aurait fallu qu’il soit fourni avec la soumission.
  7. Étant donné l’absence complète d’engagement en matière de conformité future (comme il en est question ci-dessous), l’absence des rapports COS2 et COS3 constituait un motif suffisant pour que TPSGC détermine, de manière raisonnable, que la soumission était irrecevable.

Aucun engagement n’a été pris en matière de conformité future

  1. Le critère O3 exigeait que les soumissionnaires s’engagent à se procurer un rapport COS auprès d’un tiers indépendant libre de tout lien de dépendance à titre de certificat de conformité aux normes pertinentes de l’ONGC. Iron Mountain ne s’est pas explicitement engagée en ce sens dans sa soumission.
  2. Le Tribunal rejette également la thèse subsidiaire d’Iron Mountain selon laquelle son offre de fournir le rapport COS2 (si TPSGC signait une entente de confidentialité) aurait pu être considérée comme un engagement à fournir une preuve de conformité à une date ultérieure.
  3. Un rapport COS2 existant dont le contenu et l’auteur sont inconnus ne constitue pas un engagement de conformité future correspondant à la description du critère O3[29]. Les évaluateurs ont formulé une conclusion raisonnable sur ce point.

Sommaire

  1. Le Tribunal conclut que l’évaluation de la soumission d’Iron Mountain par TPSGC, soit sa non-conformité aux exigences du critère O3, était raisonnable. Iron Mountain n’a pas correctement et entièrement répondu aux critères de la DP alors qu’elle avait la responsabilité de le faire.

Conclusion

  1. À la lumière de ce qui précède, le Tribunal conclut que la plainte n’est pas fondée.

FRAIS

  1. Le Tribunal accorde à TPSGC le remboursement des frais raisonnables qu’il a engagés pour répondre à la plainte.
  2. Pour déterminer le montant de l’indemnité en l’espèce, le Tribunal a tenu compte de sa Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public (la Ligne directrice), qui fonde l’évaluation du degré de complexité d’une cause sur trois critères : la complexité du marché public, la complexité de la plainte et la complexité de la procédure.
  3. Le Tribunal détermine provisoirement que le degré de complexité de la présente plainte correspond au degré le plus bas mentionné à l’annexe A de la Ligne directrice (degré 1). La complexité du marché public est faible, en ce qu’il avait trait à la prestation d’un seul type de services. Le Tribunal conclut que la complexité de la plainte est faible, étant donné que les questions étaient directes et visaient à déterminer si TPSGC avait correctement évalué la soumission d’Iron Mountain par rapport à un critère obligatoire. Enfin, la complexité de la procédure est faible, car les questions ont été débattues par les parties au moyen d’éléments de preuve documentaire et d’observations écrites et qu’une audience n’a pas été nécessaire.
  4. Par conséquent, comme le prévoit la Ligne directrice, le Tribunal détermine provisoirement que le montant de l’indemnité est de 1 150 $.

DÉCISION DU TRIBUNAL

  1. Conformément au paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal conclut que la plainte n’est pas fondée.
  2. Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal accorde à TPSGC le remboursement des frais raisonnables qu’il a engagés pour répondre à la plainte, ces frais devant être payés par Iron Mountain. En conformité avec la Ligne directrice, le Tribunal détermine provisoirement que le degré de complexité de la présente plainte correspond au degré 1 et que le montant de l’indemnité est de 1 150 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui a trait à la détermination provisoire du degré de complexité ou du montant de l’indemnité, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal, en conformité avec l’article 4.2 de la Ligne directrice. Il relève de la compétence du Tribunal de fixer le montant définitif de l’indemnité.
 

[1].      L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.) [Loi sur le TCCE].

[2].      Pièce PR-2015-030-09, pièce 2, vol. 1B.

[3].      Dans l’un ou l’autre cas, il s’agirait d’un énoncé rédigé par un tiers indépendant libre de tout lien de dépendance sur la conformité à certaines normes de l’ONGC.

[4].      Pièce PR-2015-030-09, pièce 3, Vol. 1B.

[5].      Ibid., pièce 7.

[6].      D.O.R.S./93-602 [Règlement].

[7].      Le Tribunal estime que les documents additionnels n’étaient pas utiles à la cause d’Iron Mountain.

[8].      Pièce PR-2015-030-09 au par. 4, vol. 1B.

[9].      18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.ait-aci.ca/‌agreement-on-internal-trade/?lang=fr> [ACI].

[10].    Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis d’Amérique et le gouvernement des États-Unis du Mexique, 17 décembre 1992, R.T.C. 1994, no 2, en ligne : le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-... (entré en vigueur le 1er janvier 1994) [ALÉNA].

[11].    Accord révisé sur les marchés publics, en ligne : Organisation mondiale du commerce <http://www.wto.org/‌french/docs_f/legal_f/rev-gpr-94_01_f.htm> (entré en vigueur le 6 avril 2014).

[12].    Accord de libre-échange entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de la République du Chili, R.T.C. 1997, no 50, en ligne : le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement <http://‌www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-acc/chi... (entré en vigueur le 5 juillet 1997). Le chapitre Kbis, intitulé « Marchés publics », est entré en vigueur le 5 septembre 2008.

[13].    Accord de libre-échange entre le Canada et la République du Pérou, en ligne : le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-... (entré en vigueur le 1er août 2009).

[14].    Accord de libre-échange entre le Canada et la République de Colombie, en ligne : le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-... (entré en vigueur le 15 août 2011).

[15].    Accord de libre-échange entre le Canada et la République du Panama, en ligne : le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-... (entré en vigueur le 1er avril 2013).

[16].    Accord de libre-échange entre le Canada et la République du Honduras, en ligne : le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-... (entré en vigueur le 1er octobre 2014).

[17].    Accord de libre-échange entre le Canada et la République de Corée, en ligne : le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-... (entré en vigueur le 1er janvier 2015).

[18].    CAE Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (26 août 2014), PR-2014-007 (TCCE).

[19].    Samson & Associates c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (16 juillet 2015), PR-2015-002 (TCCE) au par. 43; Valcom Consulting Group Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (9 juillet 2014), PR-2013-044 (TCCE) au par. 32.

[20].    Cette réponse se voulait selon toute vraisemblance une affirmation selon laquelle Iron Mountain était déjà conforme.

[21].    Pièce PR-2015-030-09, pièce 3, vol. 1B. Dans sa demande TPSGC mentionnait précisément « […] veuillez noter que la présente lettre cherche à clarifier votre soumission et ne devrait pas être interprétée comme une invitation à modifier votre proposition ni à y ajouter de quelque façon que ce soit. »

[22].    Pièce PR-2015-030-09, pièce 4. vol. 1B.

[23].    Thales Canada Inc. (27 juillet 2012), PR-2012-010 (TCCE).

[24].    Ibid.

[25].    Winchester Division–Olin Corporation c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (2 avril 2004) (TCCE).

[26].    Ibid. au par. 42.

[27].    InterCall Canada (1 juin 2009) (TCCE) au par. 13.

[28].    À l’appui de sa position, Iron Mountain a cité EDS Canada (10 janvier 1997), PR-96-020 (TCCE) et Tritech Group Ltd. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (31 mars 2014), PR-2013-035 (TCCE) [Tritech]. Cependant, dans l’affaire EDS Canada, la plaignante avait présenté une soumission recevable, à laquelle elle avait joint une demande de modification. La conformité de la soumission n’était pas conditionnelle à la demande de modification, et TPSGC n’était pas obligée de tenir compte de cette demande pour évaluer la soumission. De même, dans la décision Tritech, au par. 37, le Tribunal a conclu que l’ajout de deux phrases à la proposition par la plaignante n’avait « […] aucune incidence sur [les] prix unitaires pendant la période de validité des offres ni pendant la durée de l’offre à commandes […] et, par conséquent, elle n’était pas pertinente aux fins de l’évaluation de la conformité. »

[29].    Le Tribunal souligne que le rapport COS2 était un document publié par Iron Mountain; il ne contenait pas d’énoncé de conformité aux normes pertinentes de l’ONGC par un tiers indépendant libre de tout lien de dépendance ni quelque mention que ce soit de ces normes.