RENOWN INDUSTRIES LTD.

RENOWN INDUSTRIES LTD.
Dossier no PR-2015-068

Décision prise
le lundi 21 mars 2016

Décision et motifs rendus
le jeudi 24 mars 2016

TABLE DES MATIÈRES

 

EU ÉGARD À une plainte déposée aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.).

PAR

RENOWN INDUSTRIES LTD.

CONTRE

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur décide de ne pas enquêter sur la plainte.

Rose Ritcey
Rose Ritcey
Membre présidant

EXPOSÉ DES MOTIFS

  1. En vertu du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur[1], tout fournisseur potentiel peut, sous réserve du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics[2], déposer une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) concernant la procédure des marchés publics suivie relativement à un contrat spécifique et lui demander d’enquêter sur cette plainte. En vertu du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, après avoir jugé la plainte conforme au paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et sous réserve du Règlement, le Tribunal détermine s’il y a lieu d’enquêter.

RÉSUMÉ DE LA PLAINTE

  1. La plainte concerne un appel d’offres pour l’acquisition de huit pompes à piston (invitation no W8482-168270/A) émis par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) au nom du ministère de la Défense nationale. Renown Industries Ltd. (Renown) allègue que TPSGC a mal évalué sa soumission.
  2. La demande de proposition (DP) a été émise le 16 décembre 2015 et la date de clôture était le 26 janvier 2016. Renown a fait une soumission avant la date de clôture.
  3. Le contrat a été adjugé à ADI Process Solutions Ltd. le 16 février 2016, et un avis d’attribution du contrat a été affiché sur le site https://achatsetventes.gc.ca le 17 février 2016[3].
  4. Le 3 mars 2016, Renown a communiqué avec TPSGC parce qu’elle avait vu l’avis d’attribution du contrat sur le site Web mais qu’elle n’avait pas été avisée du rejet de sa soumission ni des raisons pour lesquelles celle-ci n’avait pas été retenue.
  5. Le même jour, TPSGC a fait parvenir par courriel un avis de rejet à Renown. Dans ce courriel, TPSGC indiquait que la soumission de Renown, qui offrait des pompes de substitutions aux modèles demandés, n’avait pas satisfait aux critères obligatoires suivants :

3.1.1 Produits équivalents

[...]

2. Les produits offerts comme équivalents sur le plan de la forme, de l’installation, des fonctions et de la qualité ne seront pas pris en considération si :

[...]

(b) le produit de remplacement ne répond pas aux critères de performance obligatoires indiqués dans les documents de l’appel d’offres ou ne les excèdent.

[Traduction]

  1. Renown a demandé des compléments d’information sur les raisons pour lesquels le produit équivalent qu’elle avait proposé n’avait pas satisfaisait aux normes ayant trait à l’installation, aux fonctions et à la qualité. TPSGC lui a répondu que « le footprint (là où [la pompe équivalente] est raccordée au pont) » [traduction] ainsi que les points d’arrivée et de sortie ne correspondaient pas à ceux des modèles à remplacer. Par conséquent, les bateaux sur lesquels les pompes devaient être installées auraient dû être reconfigurés et des pièces de rechange additionnelles auraient été nécessaires.
  2. Le 7 mars 2016, Renown a répondu en reconnaissant que « le footprint n’est pas exactement le même » [traduction], mais en affirmant que de simples modifications mineures suffisaient pour pouvoir installer les pompes qu’elle proposait. Plus particulièrement, Renown affirmait que, puisque les pompes ne sont pas raccordées à des tuyaux rigides, le fait que les points d’arrivée et de sortie ne soient pas exactement les mêmes ne devrait pas causer de problème si les pompes sont installées correctement. Selon Renown, se procurer les pièces de rechange additionnelles ne causerait pas non plus de problème. Enfin, Renown affirmait que si TPSGC lui avait fait part de ses préoccupations au cours du processus de passation du marché, elle lui aurait fourni les renseignements sur les options d’installation.
  3. Le 17 mars 2016, Renown a déposé sa plainte auprès du Tribunal.
  4. À titre de mesure corrective, Renown demande que les soumissions soient réévaluées, que le contrat spécifique soit résilié et qu’il lui soit adjugé.

ANALYSE

  1. Le 21 mars 2016, aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal a décidé de ne pas enquêter sur la plainte pour les raisons suivantes.
  2. Aux termes des articles 6 et 7 du Règlement, le Tribunal peut ouvrir une enquête si les quatre conditions suivantes sont remplies :
  • la plainte a été déposée dans les délais prescrits à l’article 6[4];
  • le plaignant est un fournisseur à proprement parler ou un fournisseur potentiel[5];
  • la plainte porte sur un contrat spécifique[6];
  • les renseignements fournis démontrent, dans une mesure raisonnable, que la procédure du marché public n’a pas été suivie conformément the aux accords commerciaux applicables[7].
  1. Bien que les trois premières conditions soient remplies, la plainte de Renown ne démontre pas, dans une mesure raisonnable, que TPSGC n’a pas suivi la procédure de passation du marché public conformément aux accords commerciaux applicables, qui, en l’espèce, sont l’Accord sur le commerce intérieur[8] et l’Accord de libre-échange nord-américain[9].
  2. Les accords commerciaux exigent que l’entité acheteuse fournisse aux fournisseurs potentiels toute l’information nécessaire pour leur permettre de soumettre une soumission valable, y compris les critères qui seront utilisés pour l’évaluation des soumissions et l’adjudication du contrat. Par exemple, le paragraphe 1013(1) de l’ALÉNA prévoit ce qui suit : « La documentation relative à l’appel d’offres qu’une entité remettra aux fournisseurs devra contenir tous les renseignements nécessaires pour leur permettre de présenter des soumissions valables [...]. La documentation contiendra également : [...] h) les critères d’adjudication, y compris tous les éléments, autres que le prix, qui seront pris en considération lors de l’évaluation des soumissions [...]. »
  3. Les accords commerciaux prévoient également que, pour être prise en considération pour l’adjudication d’un contrat, une soumission doit être conforme aux exigences obligatoires énoncées dans la documentation relative à l’appel d’offres et l’entité acheteuse doit procéder à l’adjudication conformément aux critères et aux exigences obligatoires énoncés dans la documentation relative à l’appel d’offres. Par exemple, les alinéas 1015(4)a) et 1015(4)d) de l’ALÉNA prévoit ce qui suit : « L’adjudication des marchés s’effectuera conformément aux procédures suivantes : a) pour être considérée en vue de l’adjudication, une soumission devra être conforme, au moment de son ouverture, aux conditions essentielles spécifiées dans les avis ou dans la documentation relative à l’appel d’offres [...] d) l’adjudication des marchés sera conforme aux critères et aux conditions essentielles spécifiées dans la documentation relative à l’appel d’offres [...]. »
  4. Il est bien établi dans la jurisprudence du Tribunal que c’est le soumissionnaire qui a le fardeau de démontrer que sa soumission respecte les exigences obligatoires d’une invitation[10]. L’institution fédérale doit, quant à elle, dans son évaluation de la soumission, s’assurer que celle-ci est complètement et strictement conforme aux exigences obligatoires prévues dans les documents d’appel d’offres[11].
  5. Dans le cadre des enquêtes en matière d’approvisionnement, le Tribunal ne substituera pas son jugement à celui des évaluateurs, sauf si ces derniers ne se sont pas appliqués à l’évaluation de la soumission d’un soumissionnaire, n’ont pas tenu compte de renseignements cruciaux contenus dans une soumission, ont interprété de manière déraisonnable la portée d’une exigence, ont fondé leur évaluation sur des critères non divulgués ou n’ont pas, par ailleurs, procédé à l’évaluation d’une manière équitable sur le plan de la procédure[12].
  6. La DP en question indiquait clairement que les soumissions devaient être conformes aux exigences de l’appel d’offres et satisfaire à tous les critères d’évaluation techniques obligatoires pour qu’elles soient recevables. De plus, afin d’être recommandée pour l’adjudication d’un contrat, une soumission recevable devait être au total la moins-disante[13].
  7. Comme mentionné ci-dessus, la DP indiquait également que les produits équivalents ne seraient pas pris en considération s’ils ne satisfaisaient pas aux critères de performance obligatoires énoncés dans la DP ou s’ils ne les excédaient pas.
  8. Les critères de performance obligatoires sont énoncés dans la partie 1 de la DP. Un des critères spécifiaient que les pompes devaient mesurer 20,8 po de hauteur sur 15,1 po de largeur sur 12,2 po de profondeur[14]. Selon les spécifications fournies dans le cadre de la partie technique de sa soumission, les dimensions des pompes proposées par Renown ne sont pas les mêmes[15].
  9. En outre, l’affirmation de Renown selon laquelle des modifications mineures pourraient être effectuées pour adapter les pompes à la configuration du bateau ne figurait pas dans sa soumission.
  10. Enfin, ce n’était pas la responsabilité de TPSGC de demander des renseignements supplémentaires à Renown sur les options d’installation de ses pompes de substitution pour que celles-ci satisfassent aux critères de performance obligatoire. C’était plutôt à Renown de poser des questions à TPSGC avant la clôture de l’appel d’offres.
  11. Compte tenu de ces faits, le Tribunal conclut que les renseignements contenus dans la plainte ne démontrent pas, dans une mesure raisonnable, que la procédure du marché public n’a pas été suivie conformément aux accords commerciaux applicables.

DÉCISION

  1. Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal décide de ne pas enquêter sur la plainte.
 

[1].      L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.) [Loi sur le TCCE].

[2].      D.O.R.S./93-602 [Règlement].

[3].      Avis d’attribution du contrat : https://achatsetventes.gc.ca/donnees-sur-l-approvisionnement/avis-d-attr...‌PW-HP-530-68649-001.

[4].      Paragraphe 6(1) du Règlement.

[5].      Alinéa 7(1)a) du Règlement.

[6].       Alinéa 7(1)b) du Règlement.

[7].       Alinéa 7(1)c) du Règlement.

[8].       18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.ait-aci.ca/agreement-on-internal-trade/?lang=fr>.

[9].       Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis d’Amérique et le gouvernement des États-Unis du Mexique, 17 décembre 1992, R.T.C. 1994, no 2, en ligne : le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-... (entré en vigueur le 1er janvier 1994) [ALÉNA].

[10].    Unisource Technology Inc. (13 décembre 2013), PR-2013-027 (TCCE) au par. 16; Thomson-CSF Systems Canada Inc. (12 octobre 2000), PR-2000-010 (TCCE); Canadian Helicopters Limited (19 février 2001), PR‑2000-040 (TCCE); WorkLogic Corporation (12 juin 2003), PR-2002-057 (TCCE).

[11].    Siemens Westinghouse Inc. c. Canada (Minister of Public Works and Government Services), 2000 CanLII 15611 (CAF).

[12].    Excel Human Resources Inc. (faisant affaire sous le nom excelITR) c. Ministère des Services publics et des Services gouvernementaux (25 août 2006), PR-2005-058 (TCCE) au par. 30; Northern Lights Aerobatic Team, Inc. c. Ministère des Services publics et des Services gouvernementaux (7 septembre 2005), PR-2005-004 (TCCE) au par. 51; Marcomm Inc. (11 février 2004), PR-2003-051 (TCCE) au par. 10.

[13].    DP, partie 4, articles 4.1 et 4.2.

[14].    DP, partie 1 – Détails de l’article à la p. 3.

[15].    Ingersoll Rand Company Ltd.: Sales & Engineering Data, PD15X-XXX-XXX and PE15X-XXX-XXX 1-1/2ʺ Metallic Diaphragm Pump, spécifications que Renown a inclus dans sa soumission. Ni TPSGC ni Renown n’ont expliqué ce qu’ils entendaient par « footprint ». Toutefois, le Tribunal considère que, d’après le contexte, « footprint » fait référence à certaines ou a toutes les dimensions spécifiées dans les critères de performance obligatoires. (Voir par exemple le Merriam-Webster’s Collegiate Dictionary, 11e éd., s.v. « footprint » : « 2 a : la superficie couverte par quelque chose » [traduction].)