MADSEN POWER SYSTEMS INC.

MADSEN POWER SYSTEMS INC.
c.
MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

Dossier no PR-2015-047

Décision rendue
le vendredi 29 avril 2016

Motifs rendus
le mercredi 4 mai 2016

TABLE DES MATIÈRES

 

EU ÉGARD À une plainte déposée par Madsen Power Systems Inc. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.);

ET À LA SUITE D’une décision d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

ENTRE

MADSEN POWER SYSTEMS INC. Partie plaignante

ET

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX Institution fédérale

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte n’est pas fondée.

Jason W. Downey
Jason W. Downey
Membre présidant

L’exposé des motifs suivra à une date ultérieure.

Membre du Tribunal : Jason W. Downey, membre présidant

Conseiller juridique pour le Tribunal : Jidé Afolabi

Partie plaignante : Madsen Power Systems Inc.

Institution fédérale : ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

Veuillez adresser toutes les communications au :

Greffier
Secrétariat du Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario)  K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

EXPOSÉ DES MOTIFS

  1. Le 16 décembre 2015, Madsen Power Systems Inc. (Madsen) a déposé une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur[1]. La plainte porte sur un appel d’offres (invitation no F7049-150105/A) émis par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC), au nom du ministère des Pêches et des Océans pour la Garde côtière canadienne (Garde côtière), en vue de l’acquisition de deux groupes électrogènes auxiliaires pour deux navires polyvalents de grande endurance. L’appel d’offres comprenait aussi l’option d’acheter quatre autres groupes électrogènes auxiliaires dans les 48 mois après l’adjudication du contrat.
  2. Madsen soutient que TPSGC n’a pas clairement spécifié les critères utilisés pour évaluer les soumissions et, de plus, qu’il a incorrectement évalué sa soumission. À titre de mesure corrective, Madsen demande que le contrat lui soi adjugé ou, subsidiairement, qu’elle soit indemnisée pour perte de profit et d’opportunité pour la durée du cycle de vie des moteurs qu’elle aurait fournis.

PORTIONS PERTINENTES DE L’APPEL D’OFFRES

  1. TPSGC a émis l’appel d’offres le 10 septembre 2015, dont la date de clôture initiale était le 14 octobre 2015, qui a par la suite été reportée au 21 octobre 2015.
  2. Le 29 septembre 2015, TPSGC a émis une modification à l’appel d’offres. Figuraient dans cette modification des questions de la part de soumissionnaires potentiels ainsi que les réponses à ces questions données par la Garde côtière.
  3. L’appel d’offres comprenait un certain nombre de dispositions qui ont trait à la plainte. D’une importance particulière est l’article 1.4 de l’annexe A, « Énoncé des travaux », qui stipulait ce qui suit :

Les modèles de moteur proposés doivent correspondre à ce qui est actuellement en service, et le représentant du fabricant d’équipement d’origine doit être situé au Canada. L’entreprise d’entretien approuvée par le fabricant doit détenir un grand stock de pièces de rechange et être en mesure de fournir les services de techniciens qualifiés, des manuels d’entretien complets et le soutien technique aussi bien pour l’entretien normal que pour les réparations. Cette entreprise doit pouvoir fournir ces services et ces pièces à St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador) et à Dartmouth (Nouvelle-Écosse) dans les 48 heures après réception d’un avis de la Garde côtière canadienne.

[Traduction]

  1. De plus, l’article 4.2 de la partie 4 de l’appel d’offres stipulait ce qui suit :

Une soumission doit être conforme à toutes les exigences de l’appel d’offres pour être recevable. Toutes les exigences obligatoires doivent être satisfaites pour qu’une soumission soit prise en considération. La soumission recevable la moins-disante sera recommandée pour l’adjudication d’un contrat.

[Traduction]

  1. L’annexe B de l’appel d’offres contenait une liste de contrôle énumérant les exigences obligatoires afin d’aider le soumissionnaire à vérifier sa conformité à celles-ci. Cette liste comprend la mention suivante : « Vente et services du fabricant d’équipement d’origine, conformément à l’article 1.4 » [traduction]. De plus, conformément à l’article 5.3 de la partie 5 de l’appel d’offres, les soumissionnaires devaient fournir un certain nombre d’attestations « avec leur soumission », y compris « tous les renseignements requis qui figurent sur la liste des exigences obligatoires » [traduction].
  2. L’article 5.2 de la partie 5 de l’appel d’offres contenait quant à lui une liste distincte d’attestations et spécifiait que celles-ci « devraient être fournies avec la soumission mais peuvent être remplies et fournies plus tard » [traduction]. De plus, l’article indique que, si l’une de ces attestations n’est pas remplie ou fournie tel que demandé, TPSGC en informera le soumissionnaire et lui donnera un délai pour se conformer aux exigences.
  3. Ainsi, l’appel d’offres requérait deux séries d’attestations, une devant être fournie avec la soumission, et l’autre, soit avec la soumission, soit après. Ces attestations comprenaient des renseignements ayant trait à toutes les exigences obligatoires.
  4. De plus, l’article 5.1 de la partie 5 de l’appel d’offres donnait à TPSGC la possibilité de demander des renseignements aux soumissionnaires afin de vérifier leur conformité aux attestations. Cet article stipule ce qui suit : « L’autorité contractante aura le droit de demander des renseignements supplémentaires pour vérifier que les soumissionnaires satisfont aux attestations avant l’adjudication d’un contrat » [traduction].
  5. L’annexe C1 de l’appel d’offres contenait une feuille de données sur les prix, et il était spécifié dans une note que « [t]outes les exigences obligatoires doivent être remplies à la satisfaction de l’équipe technique de la Garde côtière canadienne avant de procéder à l’évaluation des prix » [traduction].

CONTEXTE DE LA PLAINTE

  1. Madsen a présenté une soumission le 21 octobre 2015 dans laquelle elle proposait des groupes électrogènes auxiliaires fabriqués par Moteurs Baudouin, une entreprise située en France. La soumission de Madsen comprenait une lettre de Motor-Services Hugo Stamp (MSHS) indiquant ce qui suit :

Nous confirmons par la présente que Madsen Power Systems est un agent autorisé de Moteurs Baudouin par l’entremise de Motor-Services Hugo Stamp, Inc., une entreprise située en Floride dont le [principal] établissement est à Fort Lauderdale (États-Unis)[2].

[Traduction]

  1. Le 30 octobre 2015, l’autorité technique de la Garde côtière a écrit à TPSGC indiquant que la soumission de Madsen était « entièrement conforme » [traduction]. Toutefois, quelque temps après le 16 novembre 2015, une deuxième évaluation de la soumission de Madsen a été entreprise, qui a eu pour résultat que la soumission soit dorénavant jugée non conforme.
  2. Le 24 novembre 2015, TPSGC a informé Madsen que le contrat avait été adjugé à Toromont Cat et que sa soumission avait été jugée non conforme. TPSGC indiquait ce qui suit dans sa lettre :

Une lettre accompagnant la soumission affirme que Madsen est un agent commercial autorisé de Motor-Services Hugo Stamp (MSHS); cela ne fait pas de Madsen un représentant direct du fabricant d’équipement d’origine.

[...]

MSHS est située aux États-Unis et représente le fabricant d’équipement d’origine, Baudouin, aux États-Unis. Il est clairement énoncé à l’article 1.4 que le représentant du fabricant d’équipement d’origine doit être situé au Canada.

[...]

Madsen est donc un revendeur à valeur ajoutée pour MSHS et non un représentant du fabricant d’équipement d’origine Baudouin[3].

[Traduction]

  1. Le 26 novembre 2015, Madsen a demandé par courriel à TPSGC la tenue d’une réunion de compte rendu.
  2. La réunion de compte rendu a eu lieu le 3 décembre 2015. Le compte rendu n’a pas donné lieu à la réparation que souhaitait obtenir Madsen.
  3. Le 16 décembre 2015, Madsen a déposé sa plainte auprès du Tribunal.
  4. Le 22 décembre 2015, TPSGC a demandé la prorogation du délai pour déposer le Rapport de l’institution fédérale (RIF). Le Tribunal a accueilli la demande de TPSGC le 24 décembre 2015, lui donnant jusqu’au 29 janvier 2016 pour déposer son RIF.
  5. Le 29 janvier 2016, TPSGC a déposé son RIF.
  6. Le 10 février 2016, Madsen a déposé ses commentaires sur le RIF.
  7. Le 22 février 2016, TPSGC a demandé l’autorisation de déposer des observations supplémentaires, affirmant qu’il devait répondre à de nouveaux arguments et éléments de preuve contenus dans les commentaires de Madsen sur le RIF.
  8. Le 26 février 2016, le Tribunal a accueilli la demande de TPSGC et a accepté le dépôt de ses observations supplémentaires. Le même jour, le Tribunal a informé Madsen de sa décision et lui a donné trois jours ouvrables pour répondre aux observations supplémentaires de TPSGC si elle le désirait.
  9. Le 2 mars 2016, Madsen a déposé sa réponse aux observations supplémentaires de TPSGC.
  10. Étant donné que les renseignements au dossier étaient suffisants pour se pencher sur le bien-fondé de la plainte, le Tribunal a décidé qu’une audience n’était pas nécessaire et a statué sur la plainte sur la foi de l’information documentaire.

POSITION DES PARTIES

TPSGC

  1. TPSGC soutient que la conclusion de ses évaluateurs, selon laquelle la soumission de Madsen n’était pas conforme, est raisonnable parce que Madsen devait démontrer dans sa soumission, conformément à l’article 1.4 de l’annexe A de l’appel d’offres, qu’elle était le représentant du fabricant d’équipement d’origine au Canada, ce qu’elle n’a pas fait. Aussi, TPSGC affirme que, contrairement à ce que stipule cet article, Madsen n’a pas démontré qu’elle était en mesure de fournir les pièces et le service à St. John’s et à Dartmouth dans les 48 heures après en avoir été avisée. TPSGC indique qu’il n’a pu obtenir de renseignements de Madsen concernant sa capacité de livrer des pièces et de fournir des services dans les 48 heures après réception d’un avis qu’après lui avoir fait parvenir, après la clôture de l’appel d’offres, une demande de vérification.
  2. De plus, TPSGC soutient que les trois principes de jurisprudence bien établis suivants s’appliquent aux questions soulevées par Madsen. Premièrement, il incombe au soumissionnaire de démontrer qu’il satisfait aux exigences obligatoires d’un appel d’offres en portant une attention particulière à la préparation de sa soumission afin de s’assurer de sa conformité aux exigences de l’appel d’offres et que sa soumission ne comporte pas d’ambiguïtés. Deuxièmement, l’institution fédérale doit évaluer la conformité d’une soumission aux exigences obligatoires de façon approfondie et rigoureuse. Troisièmement, le critère du Tribunal pour juger de la justesse des conclusions d’évaluateurs est le caractère « raisonnable » de l’évaluation, et le Tribunal accorde une grande crédibilité à une évaluation qu’il estime raisonnable.
  3. En ce qui concerne le premier principe, TPSGC fait observer que, « [à] partir du 1er octobre jusqu’au 15 octobre 2015, la partie plaignante a adressé plusieurs courriels à TPSGC demandant des éclaircissements au sujet de l’appel d’offres, auxquels des réponses ont été fournies. La partie plaignante n’a pas demandé d’éclaircissements au sujet de l’exigence obligatoire 1.4 »[4] [traduction].
  4. TPSGC admet que, suite à une première évaluation par l’autorité technique de la Garde côtière, la soumission de Madsen a été jugée conforme le 30 octobre 2015, et que ce résultat a fait l’objet d’une confirmation initiale le 2 novembre 2015. Toutefois, après une deuxième évaluation, la soumission de Madsen s’est en effet révélée non conforme car elle ne satisfaisait pas à l’exigence en matière de représentation du fabricant d’équipement d’origine au Canada.

MADSEN

  1. Madsen soutient que la lettre de MSHS, qu’elle avait jointe à sa soumission, a été mal interprétée par TPSGC. À cet égard, Madsen fait remarquer que, dans sa lettre du 24 novembre 2015, TPSGC a qualifié Madsen d’« agent commercial autorisé » de MSHS, quand en fait la lettre de MSHS qualifiait Madsen d’« agent autorisé » du fabricant d’équipement d’origine, Moteurs Baudouin, par l’entremise de MSHS. Madsen soutient que l’ajout du terme « commercial » par TPSGC, sa méprise quant au rôle d’intermédiaire de MSHS et l’indication selon laquelle « cela ne fait pas de Madsen un représentant direct du fabricant d’équipement d’origine » constituent une réduction inappropriée de sa capacité de représentant de Moteurs Baudouin.
  2. De plus, Madsen soutient que l’affirmation dans la lettre de MSHS selon laquelle Madsen est « un agent autorisé de Moteurs Baudouin par l’entremise de Motor-Services Hugo Stamp » devrait suffire, puisque l’appel d’offres ne contient aucune exigence en ce qui concerne la façon dont le représentant du fabricant d’équipement d’origine devait être désigné. Selon Madsen, « [q]ue le représentant soit désigné directement par le fabricant d’équipement d’origine ou par un intermédiaire n’est pas pertinent. L’article 1.4 requiert uniquement que le représentant soit situé au Canada »[5] [traduction]. Aussi, Madsen soutient que MSHS, à titre de représentant de Moteurs Baudouin en Amérique du Nord, est attitré à désigner Madsen comme représentant du fabricant d’équipement d’origine in Canada aux fins de l’appel d’offres. À cet égard, Madsen a joint à ses commentaires un extrait du site Web de Moteurs Baudouin, qui qualifie MSHS d’« expert Moteurs Baudouin »[6].
  3. En ce qui concerne l’indication de TPSGC selon laquelle la lettre de MSHS « ne fait pas de Madsen un représentant direct du fabricant d’équipement d’origine », Madsen affirme que l’ajout du terme « direct » constitue l’utilisation d’un critère d’évaluation non divulgué.
  4. Madsen soutient qu’un adjudicateur a l’obligation contractuelle de traiter les soumissionnaires équitablement, et que cela comprend de ne pas rejeter des soumissions conformes et d’adjuger les contrats en fonction des critères énoncés dans les documents d’appel d’offres. De plus, Madsen invoque les décisions du Tribunal dans IBM Canada Ltd.[7] et ATS Scientific Inc.[8], ainsi que le paragraphe 506(6) de l’Accord sur le commerce intérieur[9], pour souligner que les critères énoncés dans les documents d’appel d’offres ne doivent pas être ambigus. Le paragraphe 506(6) de l’ACI stipule ce qui suit : « Les documents d’appel d’offres doivent indiquer clairement les conditions du marché public, les critères qui seront appliqués dans l’évaluation des soumissions et les méthodes de pondération et d’évaluation des critères. »
  5. En ce qui concerne la liste de contrôle de l’annexe B de l’appel d’offres, Madsen fait observer qu’elle avait joint cette liste à sa soumission et qu’elle avait répondu par l’affirmative à toutes les exigences obligatoires énumérées sur la liste. Madsen soutient aussi que la mention « Vente et services du fabricant d’équipement d’origine, conformément à l’article 1.4 », qui figurait sur cette liste, créait une ambiguïté par rapport à l’article 1.4 de l’annexe A de l’appel d’offres, qui ne mentionnait pas de fabricant d’équipement d’origine en lien avec « vente et services ».
  6. De plus, Madsen soutient que les renseignements que TPSGC a obtenu de sa part après la clôture de l’appel d’offres en ce qui concerne sa capacité de pouvoir livrer des pièces et fournir les services connexes dans les 48 heures après réception d’un avis constituent une vérification qui relève de l’article 5.1 de la partie 5 de l’appel d’offres.
  7. Madsen indique qu’un contrat très similaire lui a été adjugé le 29 novembre 2015 pour l’acquisition d’un groupe électrogène auxiliaire pour un autre navire polyvalent de grande endurance de la Garde côtière, suite à un autre appel d’offres qui comprenait une exigence obligatoire très semblable à l’article 1.4 de l’annexe A du présent appel d’offres. Madsen fait observer que, dans sa soumission à cet appel d’offres précédent, elle avait indiqué la même chose que pour le présent appel d’offres – qu’elle était un agent autorisé de Moteurs Baudouin par l’intermédiaire de MSHS.
  8. Faisant observer qu’un fonctionnaire de la Garde côtière a communiqué avec MSHS le 16 novembre 2015 au sujet du « cycle de vie/de remplacement du groupe électrogène Baudouin proposé par Madsen »[10] [traduction] et qu’il appert que la Garde côtière ait demandé le même jour à TPSGC la tenue d’une réunion concernant une deuxième évaluation de sa soumission, Madsen est préoccupée du fait que cette deuxième évaluation, qui a été effectuée deux semaines après l’évaluation des prix, a peut-être été provoquée par la communication entre la Garde côtière et MSHS et que l’article 1.4 de l’annexe A de l’appel d’offres n’était qu’un prétexte. En conséquence, Madsen soutient que l’appel d’offres est peut-être entaché d’irrégularité et qu’il n’est pas valable. En ce qui concerne cette deuxième évaluation, Madsen attire l’attention du Tribunal sur la note de la feuille de données sur les prix qui figure à l’annexe C1 de l’appel d’offres mentionnée ci-dessus.

ANALYSE DU TRIBUNAL

Représentant du fabricant d’équipement d’origine au Canada

  1. Si le Tribunal formule la question fondamentale en l’espèce de la façon dont Madsen la conçoit, celle-ci revient à savoir si la désignation d’un représentant par l’entremise d’un intermédiaire, en l’occurrence MSHS, satisfait à l’article 1.4 de l’annexe A de l’appel d’offres.
  2. À cet égard, dès le début de son analyse, le Tribunal constate que les éléments de preuve au dossier ne confortent pas la conclusion selon laquelle la soumission de Madsen comprenait une indication claire qu’elle était « un représentant du fabricant d’équipement d’origine [...] situé au Canada » attestée par Moteurs Baudouin, émise soit directement, soit par l’entremise de MSHS. Au lieu de cela, ce qui peut être conclu de la soumission de Madsen est qu’une tierce partie située à l’extérieur du Canada, en l’occurrence MSHS, affirme que Madsen est un représentant de Moteurs Baudouin sans preuve à l’appui. D’ailleurs, le silence de Moteurs Baudouin en l’espèce est remarquable.
  3. Dans le dossier no PR-2012-012[11], le Tribunal a affirmé ce qui suit :

[Il] est bien établi que le fardeau de démontrer la conformité aux critères obligatoires incombe aux soumissionnaires. Le Tribunal a également déclaré que la responsabilité de vérifier qu’une proposition est conforme à tous les éléments essentiels d’une invitation incombe ultimement au soumissionnaire. Par conséquent, il incombe au soumissionnaire de faire preuve de diligence raisonnable dans la préparation de sa proposition et de vérifier qu’elle est conforme à tous les éléments essentiels.

[Notes omises]

  1. De plus, le Tribunal a indiqué dans les dossiers nos PR-2013-005 et PR-2013-008 « qu’il revient au soumissionnaire de faire preuve de diligence raisonnable dans la préparation de sa proposition pour s’assurer que celle-ci ne comporte aucune ambiguïté et que TPSGC sera en mesure de bien la comprendre »[12].
  2. Ainsi, l’exigence de démontrer la conformité ne peut être écourtée ou déterminée par déduction. Puisque l’article 1.4 de l’annexe A de l’appel d’offres requérait que le soumissionnaire des groupes électrogènes proposés soit « un représentant du fabricant d’équipement d’origine [...] situé au Canada », et que dans la deuxième phrase était spécifiquement mentionné l’« entreprise d’entretien approuvée par le fabricant », il aurait été erroné de la part de TPSGC d’accepter l’affirmation unilatérale d’une tierce partie, non corroborée par le fabricant d’équipement d’origine lui-même, selon laquelle Madsen est un agent autorisé de ce fabricant au Canada.
  3. L’article 1.4 de l’annexe A de l’appel d’offres doit être interprété dans son ensemble et un sens raisonnable doit lui être conféré à bon droit. À la lumière du libellé, il est essentiel que le fabricant d’équipement d’origine se manifeste de quelque façon. Cela aurait pu se faire directement par la désignation de Madsen à titre d’agent autorisé par le fabricant d’équipement d’origine. Cela aurait pu aussi se faire par une indication du fabricant d’équipement d’origine que MSHS est un agent autorisé et que, à ce titre, MSHS avait la compétence de désigner une personne morale telle que Madsen comme représentant au Canada. Cela aurait pu aussi se faire par une corroboration directe du fabricant d’équipement d’origine de l’affirmation de MSHS selon laquelle Madsen est un agent autorisé au Canada. Aucune de ces options n’a été exercée par Madsen.
  4. Dans un contexte requérant une désignation de représentant d’un fabricant d’équipement d’origine, à laquelle exigence Madsen a répondu en fournissant une affirmation non corroborée d’une tierce partie, l’indication de TPSGC selon laquelle « cela ne fait pas de Madsen un représentant direct du fabricant d’équipement d’origine » ne constitue pas l’utilisation d’un critère d’évaluation non divulgué. En l’espèce, un représentant « direct » du fabricant d’équipement d’origine est exactement ce que requérait l’article 1.4 de l’annexe A de l’appel d’offres. Cette disposition ne circonscrit ni ne limite d’aucune façon l’exigence qu’elle contient. Par conséquent, même si la désignation de représentant d’un fabricant d’équipement d’origine pouvait se faire tel que décrit ci-dessus, et même peut-être d’une autre façon, il était néanmoins essentiel d’y trouver la manifestation du fabricant d’équipement d’origine lui-même.
  5. Puisque Madsen a échoué de convaincre le Tribunal en ce qui concerne cette question fondamentale, le Tribunal peut d’ores et déjà conclure que la plainte n’est pas fondée. Toutefois, Madsen a soulevé un certain nombre d’autres questions sur lesquelles le Tribunal se penchera ci-dessous par souci d’exhaustivité.

Adjudication du contrat de novembre 2015

  1. En ce qui concerne l’indication de Madsen selon laquelle elle avait été désignée agent autorisé de Moteurs Baudouin par l’entremise de MSHS dans le contexte de l’appel d’offres précédent et qu’elle avait été le soumissionnaire retenu[13], TPSGC répond que, dans le cadre de cet appel d’offres, Madsen avait en fait fourni une lettre de Moteurs Baudouin. Dans cette lettre, Moteurs Baudouin désignait directement Madsen comme son représentant autorisé au Canada[14]. Toutefois, en réponse à cette affirmation de TPSGC, Madsen spécifie qu’elle « n’a soumis de lettre de la part de MSHS ou de Baudouin »[15] [traduction] en ce qui concerne cet appel d’offres précédent qu’après avoir été informée de la non-conformité de sa soumission.
  2. Bien que cet autre appel d’offres ait clôturé le 10 novembre 2015, Madsen indique avoir fourni, de son propre chef, la lettre de Moteurs Baudouin le 27 novembre 2015 après avoir été informée de la non‑conformité de sa soumission. Madsen affirme de plus que, le 27 novembre 2015, peu de temps après avoir fourni la lettre de Moteurs Baudouin, elle a été avisée que le contrat en vertu de cet appel d’offres était « presque prêt »[16] [traduction]. Madsen en déduit que la lettre de Moteurs Baudouin a probablement eu peu d’incidence sur l’évaluation de cette soumission précédente, puisqu’il semble qu’au moment où elle a fourni la lettre les évaluations étaient déjà achevées et qu’un contrat lui avait déjà été adjugé.
  3. Il convient de souligner que, si ces faits supplémentaires, émanant d’un autre appel d’offres, avaient trait à une question dont le Tribunal serait saisi en l’espèce, dans la mesure où Madsen n’avait pas satisfait à l’exigence obligatoire de cet appel d’offres précédent selon laquelle le soumissionnaire devait être un représentant du fabricant d’équipement d’origine, il est possible que le Tribunal en vienne à la conclusion que les évaluateurs n’ont pas pris soin de bien faire l’évaluation et qu’ils ont mal interprété une exigence de l’appel d’offres.
  4. Les résultats de cet appel d’offres précédent ne sont d’aucun secours en l’espèce. L’affirmation selon laquelle un appel d’offres précédent a peut-être été inéquitable ne peut être invoquée pour motiver la conclusion que les accords commerciaux peuvent être ignorés d’une façon ou d’une autre. L’appel d’offres précédent est distinct et ne peut être confondu avec celui qui nous occupe, et les résultats de cet appel d’offres précédent ne peuvent servir d’a priori en ce qui concerne l’évaluation appropriée de celui sur lequel porte la plainte. De plus, le Tribunal croit nécessaire d’exprimer certaines préoccupations en ce qui concerne la révélation que TPSGC ait adjugé un contrat à un soumissionnaire – en l’occurrence Madsen – qui soit n’avait peut-être pas satisfait à toutes les exigences obligatoires de cet appel d’offres précédent ou qui avait peut‑être modifié sa soumission. Toutefois, le Tribunal ne peut enquêter sur cette question étant donné que les faits ayant trait à cet appel d’offres ne concerne pas l’espèce[17].

Capacité de répondre à une demande dans les 48 heures

  1. En plus des exigences concernant la désignation de représentant du fabricant d’équipement d’origine au Canada, l’article 1.4 de l’annexe A de l’appel d’offres stipulait aussi ce qui suit :
    • le soumissionnaire doit détenir un grand stock de pièces de rechange;
    • le soumissionnaire doit être en mesure de fournir les services de techniciens qualifiés et des manuels d’entretien complets;
    • le soumissionnaire doit être en mesure de fournir les services de soutien technique pour l’entretien normal et les réparations;
    • le soumissionnaire doit être en mesure de livrer les pièces de rechange et de fournir les services connexes à St. John’s et à Dartmouth dans les 48 heures après en avoir été avisé.
  1. Même si le Tribunal avait conclu que la plainte de Madsen était fondée en ce qui concerne la désignation de représentant du fabricant d’équipement d’origine, sa soumission doit néanmoins être considérée comme non conforme car Madsen n’a pas affirmé ou démontré qu’elle pouvait respecter l’exigence de répondre à une demande dans les 48 heures. Ces renseignements ont plutôt été obtenus par TPSGC de la part de Madsen après la clôture de l’appel d’offres à la suite d’une demande de vérification.
  2. Tel qu’indiqué ci-dessus, l’appel d’offres requérait deux séries d’attestations. Celles énumérées à l’article 5.2 de la partie 5 de l’appel d’offres pouvaient être fournies après la présentation de la soumission, tandis que celles énumérées à l’article 5.3 – y compris tous les renseignements requis concernant les exigences obligatoires – devaient être jointes à la soumission. De plus, l’article 5.1 indiquait que TPSGC pouvait « demander des renseignements supplémentaires » aux soumissionnaires pour vérifier s’ils satisfaisaient aux attestations. En conséquence, alors que les exigences des articles 5.2 et 5.3 pouvaient faire l’objet d’une vérification par TPSGC, les soumissionnaires étaient tenus d’inclure dans leur soumission tous les renseignements en réponse aux exigences de l’article 5.3; seuls les renseignements ayant trait à l’article 5.2 pouvaient être fournis après la présentation des soumissions.
  3. Il convient de noter que « vérifier » signifie « s’assurer de », c’est-à-dire d’« authentifier », de « clarifier », de « corroborer », de « démontrer » ou de « justifier »[18] [traductions]. En conséquence, une vérification présuppose l’existence de renseignements fournis à l’égard d’exigences obligatoires et vise à assurer la véracité de ces renseignements. Lorsqu’une institution fédérale procède à une vérification et qu’un soumissionnaire soumet des renseignements ayant trait à une exigence obligatoire pour la première fois, ces renseignements ne peuvent, en l’absence de dispositions à cet égard dans les documents d’appel d’offres, être ajoutés à une soumission ou utilisés pour modifier celle-ci. Un tel ajout ou une telle modification constitue une modification de la soumission, ce qui mine l’intégrité de la procédure d’appel d’offres et est manifestement inéquitable à l’égard des autres soumissionnaires[19].
  4. Le fait qu’il semble que TPSGC, en plus de la question concernant la désignation de représentant d’un fabricant d’équipement d’origine, n’ait pas aussi fondé sa décision concernant la non-conformité de la soumission de Madsen sur l’absence de renseignements dans sa soumission ayant trait à sa capacité de répondre à une demande dans les 48 heures ne rend pas cette exigence obligatoire inopérante. Cela révèle plutôt une lacune possible de la part de TPSGC en ce qui concerne l’évaluation approfondie et rigoureuse de la conformité de la soumission de Madsen à l’égard de cette exigence obligatoire en particulier. Bien que l’absence d’indication concernant la capacité de répondre à une demande dans les 48 heures ne soit pas la première préoccupation du Tribunal, étant donné qu’il ne s’agit pas d’un motif de plainte de Madsen, cela est pertinent dans le contexte global de l’évaluation des soumissions et conforte la conclusion selon laquelle la soumission de Madsen semble avoir été non conforme à l’égard de plus d’une exigence obligatoire.
  5. De plus, bien que Madsen ait répondu par l’affirmative à chacune des exigences obligatoires figurant sur la liste de contrôle, cela n’est pas suffisant pour satisfaire à l’article 4.2 de la partie 4 de l’appel d’offres selon lequel « [u]ne soumission doit être conforme à toutes les exigences de l’appel d’offres pour être recevable ». Sinon, les soumissionnaires auraient tout simplement pu répondre par l’affirmative à chacune des exigences obligatoires figurant sur la liste sans dire comment ou de quelle façon ils satisfaisaient à ces exigences obligatoires. TPSGC aurait alors eu à vérifier la conformité de chaque réponse affirmative, de sorte que le processus de vérification aurait en fait constitué une répétition de la soumission elle-même; la responsabilité des soumissionnaires de présenter des soumissions conformes aurait été à ce titre démunie de pertinence. Une telle liste de contrôle doit plutôt être perçue comme un guide, autant pour les évaluateurs dans l’exercice de leurs fonctions que pour les soumissionnaires qui doivent s’acquitter de leurs obligations.

Formulation claire des exigences de l’appel d’offres

  1. Le Tribunal ne peut accepter l’affirmation de Madsen selon laquelle la mention « Vente et services du fabricant d’équipement d’origine, conformément à l’article 1.4 », qui figure dans la liste des exigences obligatoires, crée une ambiguïté par rapport à l’article 1.4 de l’annexe A de l’appel d’offres. L’utilisation d’une liste est souvent un exercice motivé par la concision. La liste en question indique brièvement mais clairement « conformément à l’article 1.4 », ce qui donne pour instructions au lecteur de rechercher dans l’appel d’offres un article ou une disposition numérotée « 1.4 ». En fin de compte, l’appel d’offres ne contient qu’un seul article « 1.4 », qui concerne effectivement le fabricant d’équipement d’origine. Il convient aussi de noter que l’article 1.4 fait référence aux « modèles de moteur proposés ». L’appel d’offres concerne la vente de moteurs. Aussi, l’article 1.4 fait référence à « l’entreprise d’entretien approuvée par le fabricant ». L’appel d’offres requiert les services de soutien technique, d’entretien et de réparation des moteurs vendus par le soumissionnaire. Ainsi, le Tribunal peut conclure sans hésiter que la mention « Vente et services du fabricant d’équipement d’origine, conformément à l’article 1.4 » ne comporte aucune ambiguïté par rapport à l’article 1.4.
  2. Toutefois, même si ces deux indications dans l’appel d’offres avaient donné lieu à une ambiguïté, Madsen ne pourrait invoquer le raisonnement du Tribunal dans IBM ou ATS puisqu’il peut être aisément conclu qu’une telle ambiguïté aurait été immédiatement évidente à un lecteur de l’appel d’offres en question. La jurisprudence du Tribunal établit une distinction entre deux types d’ambiguïté – les ambiguïtés latentes, qui ne sont pas évidentes à première vue dans les documents d’appel d’offres et qui deviennent apparentes lors de l’évaluation des soumissions, et les ambiguïtés manifestes, qui sont évidentes à première vue dans les documents d’appel d’offres[20].
  3. Les deux décisions invoquées ci-dessus par Madsen avaient trait à des ambiguïtés latentes, c’est-à-dire à des circonstances dans lesquelles les soumissionnaires pouvaient, avec raison, mal comprendre des exigences obligatoires. En revanche, le Tribunal a indiqué à plusieurs reprises, ce qui a été confirmé par la Cour d’appel fédérale, que dans des circonstances d’ambiguïtés manifestes, comme le soutient Madsen en l’espèce, un soumissionnaire doit demander des éclaircissements sur les exigences qui figurent dans les documents d’appel d’offres avant la clôture de l’appel d’offres ou bien déposer une plainte auprès du Tribunal en temps voulu[21]. Il convient de noter que des soumissionnaires ont effectivement posé des questions avant la clôture de l’appel d’offres et les réponses de TPSGC ont été jointes à l’appel d’offres en tant que modifications. Madsen aurait pu agir de la même façon en ce qui concerne les exigences qu’elle considérait comme ambigües; toutefois, Madsen n’a pas agi de la sorte. Un soumissionnaire ne peut passer outre à la nécessité de clarifier une exigence et alors procéder à la présentation de sa soumission pour ensuite déposer une plainte. Le soumissionnaire doit faire preuve de vigilance tout au long de la procédure.

Deuxième évaluation de la soumission après l’évaluation des prix

  1. Madsen allègue qu’un échange entre la Garde côtière et MSHS, soi-disant au sujet d’un critère qui ne faisait pas partie des exigences obligatoires de l’appel d’offres, a peut-être entaché d’irrégularité la procédure et rendu l’appel d’offres non valable, en ce sens qu’il a donné lieu à une deuxième évaluation de sa soumission et que l’article 1.4 de l’annexe A de l’appel d’offres n’ait été qu’un prétexte. De plus, Madsen affirme que la deuxième évaluation n’a pas été faite conformément aux termes de l’appel d’offres et donne l’impression que les critères n’ont pas été appliqués selon les règles, car cette évaluation a été faite après l’évaluation des prix.
  2. Le Tribunal constate que la deuxième évaluation de la soumission de Madsen a été effectuée après qu’un fonctionnaire de la Garde côtière eut envoyé un courriel à un fonctionnaire de TPSGC, daté du 16 novembre 2015, horodaté 9 h 38, lui demandant la tenue d’une réunion. Un court échange de courriels s’ensuivit entre ces fonctionnaires et, le même jour, dans un courriel horodaté 13 h 56, il a été convenu d’une rencontre[22]. En revanche, les renseignements au dossier indiquent que, dans un courriel daté du même jour et horodaté 19 h 48, Madsen a été avisée par un gestionnaire des comptes clients de MSHS qu’il avait « finalement joint » un fonctionnaire de la Garde côtière, qui « a demandé [...] quel était le cycle de vie/de remplacement » [traduction] des groupes électrogènes auxiliaires proposés par Madsen[23].
  3. Il n’y a aucune indication au dossier en ce qui concerne quand la communication entre MSHS et la Garde côtière a en fait eu lieu. Par conséquent, le Tribunal ne peut conclure à autre chose qu’une coïncidence et non à la thèse que la communication entre MSHS et la Garde côtière a eu lieu avant la deuxième évaluation de la soumission de Madsen et qu’elle a influencé ou orienté celle-ci. En fait, si le Tribunal prenait le courriel horodaté 19 h 48 comme une indication de l’heure à laquelle la communication entre MSHS et la Garde côtière a eu lieu, la conclusion serait que la communication a eu lieu après que les évaluateurs eurent déjà convenu de se rencontrer pour discuter d’une deuxième évaluation de la soumission de Madsen.
  4. De plus, il n’y a aucun élément de preuve au dossier qui indique de quelle façon des renseignements sur le « cycle de vie/de remplacement » de groupes électrogènes auxiliaires qui satisfont aux exigences de l’appel d’offres constituent des critères non divulgués. En raison de ces insuffisances, le Tribunal ne peut conclure que la communication entre la Garde côtière et MSHS a entaché d’irrégularité et invalidé l’appel d’offres. De plus, le Tribunal tient à faire remarquer qu’une attention injustifiée portée à la soumission de Madsen par TPSGC, n’ayant pour but que de trouver un prétexte pour conclure que sa soumission était non conforme, aurait immédiatement été entravée si la soumission de Madsen avait effectivement été conforme à tous les aspects essentiels de l’appel d’offres.
  5. Pour mettre les choses en perspective, le Tribunal croit qu’il convient d’exposer brièvement quels sont les critères pour conclure qu’il y a un soupçon légitime de partialité ou qu’il y a effectivement partialité sur lesquels Madsen devait se fonder en ce qui concerne son insinuation. Dans Cougar Aviation Ltd. c. Canada (ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux)[24], la Cour d’appel fédérale a émis l’avis suivant : « Le devoir d’impartialité ne se limite normalement pas aux cas de partialité réelle. Ainsi, pour établir qu’il y a eu manquement à l’obligation d’agir avec impartialité, le plaideur n’a pas à démontrer que l’auteur de la décision s’est effectivement laissé influencer par un facteur étranger, comme ses sentiments d’amitié ou d’hostilité envers un des intéressés, avant de prendre sa décision »[25] [nos italiques].
  6. De plus, pour conclure qu’il y a un soupçon légitime de partialité, la Cour suprême du Canada, dans Bell Canada c. Association canadienne des employés de téléphone[26], a indiqué le critère suivant : « une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique »[27], arriverait-elle à la conclusion qu’il est fort probable que le décideur, consciemment ou non, n’a pas pris une décision équitable? Madsen n’a démontré l’existence de ni l’une ni l’autre de ces situations. Il n’y a aucun élément de preuve au dossier appuyant la conclusion selon laquelle la décision de TPSGC ait été influencée par un facteur extérieur ni qu’il est probable que TPSGC n’ait pas conduit la procédure d’appel d’offres équitablement.
  7. Cela contredit l’affirmation de Madsen selon laquelle la deuxième évaluation de sa soumission n’a pas été faite conformément aux termes de l’appel d’offres parce que, contrairement aux exigences de l’annexe C1, elle a été effectuée après l’évaluation des prix. La deuxième évaluation de la soumission de Madsen a corrigé une erreur commise lors de la première évaluation. Le Tribunal a par le passé conclu que des plaintes étaient fondées parce que l’adjudication des contrats avaient été faite sur la base d’erreurs commise par les évaluateurs[28] et a émis l’avis que les évaluateurs doivent aussi être en mesure de corriger de telles erreurs en respectant les termes de l’appel d’offres et de manière à garantir l’intégrité de la procédure d’appel d’offres[29].
  8. En l’espèce, il convient de noter que TPSGC n’a pas mal interprété les termes de l’appel d’offres. TPSGC a plutôt conclu par erreur que la soumission de Madsen, non conforme dans les faits, était conforme. Il convient aussi de noter que TPSGC s’est tout d’abord assuré – bien qu’à tort – que la soumission satisfaisait aux exigences obligatoires avant d’effectuer l’évaluation des prix. De plus, lorsqu’il a découvert son erreur, TPSGC a agi de façon équitable et de bonne foi en concluant que la soumission de Madsen n’était pas conforme, malgré le fait qu’elle était la moins-disante[30]. Si TPSGC n’avait pas rejeté la soumission de Madsen lorsqu’il a découvert l’erreur, cela n’aurait pas été équitable envers les autres soumissionnaires et aurait pu constituer une violation prima facie des accords commerciaux. Cependant, l’annulation de l’appel d’offres par TPSGC et le lancement d’une nouvelle procédure aurait pu en soi favoriser Madsen de façon inappropriée. Madsen était dans son droit de demander la tenue d’une réunion de compte rendu concernant le fait que le contrat ne lui a pas été adjugé même si sa soumission avait d’abord été jugée conforme. Un tel compte rendu pouvait effectivement aider Madsen à remédier aux lacunes de sa soumission si un nouvel appel d’offres ayant trait au même contrat était lancé, plutôt que de l’aider à améliorer sa soumission en vue d’un autre appel d’offres pour un autre contrat. Ainsi, la seule façon équitable de procéder pour TPSGC, à la fois dans le respect des termes de l’appel d’offres et de façon à garantir l’intégrité de la procédure, était de conclure que la soumission de Madsen n’était pas conforme.
  9. La conclusion selon laquelle les critères de conformité semblent ne pas avoir été appliqués de façon équitable serait pertinente si, par exemple, TPSGC avait négligé de tenir compte de non-conformités mineures dans les autres soumissions ou avait sciemment interprété les termes de l’appel d’offres de façon à favoriser la non-conformité de la soumission de Madsen. Essentiellement, une évaluation approfondie et rigoureuse ne peut aboutir à une telle conclusion et, en l’espèce, il n’y a aucun fait au dossier qui appuie une telle conclusion. Madsen avait la responsabilité de démontrer dans sa soumission qu’elle était conforme aux exigences obligatoires de l’appel d’offres, et TPSGC avait la responsabilité d’évaluer méticuleusement si la soumission de Madsen était conforme à ces exigences obligatoires[31].

Conclusion

  1. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que la plainte n’est pas fondée.

FRAIS

  1. TPSGC demande d’être indemnisé pour les frais encourus pour répondre à la plainte. Le Tribunal accorde ces frais à TPSGC.
  2. Conformément à la Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure de plainte portant sur un marché public (la Ligne directrice), le Tribunal détermine provisoirement que le degré de complexité de la plainte correspond au degré 1. Par conséquent, le montant de l’indemnité est de 1 150 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui concerne la détermination provisoire du degré de complexité ou du montant de l’indemnité, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal conformément à l’article 4.2 de la Ligne directrice. Il relève de la compétence du Tribunal de fixer le montant définitif de l’indemnité.

DÉCISION DU TRIBUNAL

  1. Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal détermine que la plainte n’est pas fondée.
 

[1].      L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.) [Loi sur le TCCE].

[2].      Pièce PR-2015-047-01 à la p. 7, vol. 1.

[3].      Ibid. à la p. 8.

[4].      Pièce PR-2015-047-11A au par. 21, vol. 1A.

[5].      Pièce PR-2015-047-01 à la p. 8, vol. 1.

[6].      Pièce PR-2015-047-13A, annexe 7, vol. 1A.

[7].      (24 avril 1998), PR-97-033 (TCCE) [IBM].

[8].      (26 janvier 1994), G93PRF6623-021-0027 (CRMP) [ATS].

[9].      18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.ait-aci.ca/agreement-on-internal-trade/?lang=fr>.

[10].    Pièce PR-2015-047-01 à la p. 8, vol. 1.

[11].    Samson & Associates c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (19 octobre 2012) (TCCE) au par. 28.

[12].    Raymond Chabot Grant Thornton Consulting Inc. et PricewaterhouseCoopers LLP c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (25 octobre 2013) (TCCE) au par. 37.

[13].    Pièce PR-2015-047-13A au par. 21, vol. 1A, dans laquelle Madsen affirme que, « [c]omme pour le présent appel d’offres, Madsen était un représentant du fabriquant d’équipement d’origine Baudouin au Canada en tant qu’agent par l’entremise de Motor Services Hugo‑Stamp [...] » [traduction].

[14].    Pièce PR-2015-047-15B (protégée) aux par. 4-6, vol. 2.

[15].    Pièce PR-2015-047-18 au par. 12, vol. 1A. À moins que Madsen ait simplement indiqué, dans le cadre de l’appel d’offres pour lequel sa soumission a été retenue, qu’elle était un agent autorisé de Moteurs Baudouin par l’entremise de MSHS, l’indication selon laquelle elle na pas fourni de lettre de MSHS aux fins de cet appel d’offres contredit l’indication dans ses commentaires sur le RIF. Toutefois, cette possible contradiction n’est pas pertinente en l’espèce.

[16].    Pièce PR-2015-047-18 au par. 13, vol. 1A.

[17].    Paragraphe 30.14(1) de la Loi sur le TCCE.

[18].    Thesaurus.com : http://www.thesaurus.com/browse/verify.

[19].    NOTRA Environmental Services Inc. (16 décembre 1997), PR-97-027 (TCCE); Fleetway Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (21 avril 2004), PR-2003-075 (TCCE); Hickling Arthurs Low Corporation (31 mars 2004), PR-2003-071 (TCCE); Bell Mobility c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (14 juillet 2004), PR-2004-004 (TCCE); Maxxam Analytics Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (20 septembre 2007), PR-2007-017 (TCCE); Secure Computing LLC c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (23 octobre 2012), PR-2012-006 (TCCE); Survival Systems Training Limited c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (3 septembre 2015), PR‑2015-010 (TCCE). Cette série de causes est en cohérence avec SNC Technologies Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (16 septembre 2005), PR-2005-010 (TCCE), que Madsen invoque. Le Tribunal a indiqué, au paragraphe 34 de cette décision, que « TPSGC avait le pouvoir de vérifier [...] la conformité d’un soumissionnaire par rapport aux attestations présentées avec sa proposition et de demander des renseignements supplémentaires pour vérifier que l’attestation du soumissionnaire était valable [...] » [nos italiques]. Ainsi, la vérification de la validité de renseignements déjà soumis, au lieu d’être une tentative entièrement nouvelle de se conformer aux exigences, ne constitue pas une modification de la soumission.

[20].    Biorex Inc. (11 août 2009), PR-2009-036 (TCCE) aux par. 10, 11; Linda Hershkovitz (5 octobre 2009), PR‑2009-046 (TCCE).

[21].    Primex Project Management Ltd. (22 août 2002), PR-2002-001 (TCCE) au par. 10; AmeriData Canada Ltd. (9 février 1996), PR-95-011 (TCCE); Berlitz Canada Inc. (18 juillet 2003), PR-2002-066 (TCCE); Info-Electric H P Systems Inc. (1er août 2006), PR-2006-012 (TCCE); Marathon Watch Company Ltd. (19 mai 2010), PR-2010-011 (TCCE); IBM Canada Ltd. c. Hewlett Packard (Canada) Ltd., 2002 CAF 284 (Can LII) aux par. 18-21.

[22].    Pièce PR-2015-047-11A, annexe 13, vol. 1A.

[23].    Pièce PR-2015-047-13A, annexe 4, vol. 1A.

[24].    2000 CanLII 16572 (CAF).

[25].    Ibid. au par. 29.

[26].    [2003] 1 RCS 884, 2003 CSC 36 (CanLII).

[27].    Ibid. au par. 17.

[28].    3202488 Canada Inc. s/n Kinetic Solutions c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (25 novembre 2015), PR-2014-025 (TCCE); Bluedrop Performance Learning Inc. (25 septembre 2008), PR‑2008-017 (TCCE); Papp Plastics & Distributing Limited (31 janvier 2002), PR-2001-038 (TCCE).

[29].    MasterBedroom Inc. (20 août 2015), PR-2015-023 (TCCE) au par. 24; CGI Information Systems and Management Consultants Inc. c. Société canadienne des postes et Innovaposte Inc. (14 octobre 2014), PR-2014-016 et PR-2014-021 (TCCE) au par. 137; Virtual Wave Inc. (23 octobre 2003), PR-2003-035 (TCCE); Kildonan Associates Inc. (20 juillet 2000), PR-2000-004 (TCCE); Northern Micro Inc. (12 juillet 1999), PR-99-002 (TCCE).

[30].    Ainsi, les actions de TPSGC sont conformes au principe exprimé par la Cour suprême du Canada, dans Bhasin c. Hrynew, [2014] 3 RCS 494, 2014 CSC 71 (CanLII), selon lequel l’obligation d’exécution honnête constitue une doctrine générale du droit des contrats. Les soumissionnaires s’attendent légitimement à ce que les erreurs commises dans une évaluation soient rectifiées de manière à respecter les termes de l’appel d’offres et à garantir l’intégrité de la procédure.

[31].    IBM Canada Ltd. (7 septembre 2000), PR-99-020 (TCCE); Valcom Consulting Group Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (9 juillet 2014), PR-2013-044 (TCCE).