TYR TACTICAL CANADA, ULC

TYR TACTICAL CANADA, ULC
Dossier no PR-2016-006

Décision prise
le vendredi 13 mai 2016

Décision rendue
le lundi 16 mai 2016

Motifs rendus
le mercredi 18 mai 2016

TABLE DES MATIÈRES

 

EU ÉGARD À une plainte déposée aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.).

PAR

TYR TACTICAL CANADA, ULC

CONTRE

LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur décide de ne pas enquêter sur la plainte.

Serge Fréchette
Serge Fréchette
Membre présidant

L’exposé des motifs suivra à une date ultérieure.

EXPOSÉ DES MOTIFS

  1. En vertu du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur[1], tout fournisseur potentiel peut, sous réserve du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics[2], déposer une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) concernant la procédure des marchés publics suivie relativement à un contrat spécifique et lui demander d’enquêter sur cette plainte. En vertu du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, après avoir jugé la plainte conforme au paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et sous réserve du Règlement, le Tribunal détermine s’il y a lieu d’enquêter.

RÉSUMÉ DE LA PLAINTE

  1. La présente plainte déposée par TYR Tactical Canada, ULC (TYR) porte sur une demande de propositions (DP) (invitation no M0077-15-I641) émise par la Gendarmerie royale du Canada (GRC) pour l’acquisition de gilets pare-balles. La DP a été émise le 8 avril 2016. La date de clôture a été reportée à deux reprises et l’appel d’offres a pris fin le 6 mai 2016.
  2. TYR a déposé sa plainte auprès du Tribunal le 9 mai 2016.
  3. La plainte de TYR comporte essentiellement trois motifs. Le premier concerne le genre de couture demandé dans la DP. Malgré les exigences énoncées à l’article 4.4.1.1 de la spécification G.S. 1045-177, TYR a émis l’opinion selon laquelle une couture en zigzag dans le bas des panneaux n’était pas nécessaire parce que le tissu qu’elle utilise pour fabriquer les gilets pare-balles ne sont pas effilés.
  4. Le deuxième motif concerne le genre de fil à être utilisé pour confectionner les gilets pare-balles. TYR soutient que la GRC a violé les accords commerciaux en exigeant que les gilets pare-balles soient confectionnés en fil de marque Kevlar® ou Twaron à l’exclusion de tous autres.
  5. Le troisième motif concerne l’allégation de TYR selon laquelle l’exigence de fournir des résultats de test sur cinq ans indiquant la résistance balistique du tissu aramide utilisé dans la confection des gilets pare-balles visait à favoriser le fournisseur titulaire et à entraver la participation d’autres fabricants.

ANALYSE

  1. Le 13 mai 2016, aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal a décidé de ne pas enquêter sur la plainte. Les raisons de cette décision sont les suivantes.
  2. Conformément aux articles 6 et 7 du Règlement, le Tribunal ouvrira une enquête seulement si les quatre conditions suivantes sont remplies :
    • la plainte a été déposée dans les délais prescrits à l’article 6[3];
    • le plaignant est un fournisseur ou un fournisseur potentiel[4];
    • la plainte porte sur un contrat spécifique[5];
    • les renseignements fournis démontrent, dans une mesure raisonnable, que l’institution fédérale n’a pas suivi la procédure du marché public conformément aux accords commerciaux applicables[6].
  1. Les deuxième et troisième conditions semblent avoir été respectées en l’espèce. Les autres sont analysées ci-dessous.

Délais pour présenter une opposition ou pour déposer une plainte

  1. Le paragraphe 6(1) du Règlement prévoit qu’un fournisseur potentiel qui souhaite déposer une plainte auprès du Tribunal « doit le faire dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l’origine de la plainte ».
  2. Le paragraphe 6(2) prévoit qu’un fournisseur potentiel qui a présenté à l’institution fédérale concernée une opposition et à qui l’institution refuse réparation peut déposer une plainte auprès du Tribunal « dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a pris connaissance, directement ou par déduction, du refus, s’il a présenté son opposition dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l’origine de l’opposition ».
  3. La plainte de TYR, dans la mesure où elle concerne le genre et le nombre de coutures requises pour la confection des gilets pare-balles, n’a pas été déposée dans les délais. Le 19 avril 2016, TYR a demandé à la GRC s’il était acceptable que le bas du gilet pare-balles n’ait pas de couture en zigzag de 2,5 cm de hauteur et de 2,5 cm de largeur (point à point) sur toute la largeur du panneau (comme l’exigeait l’article 4.4.1.1 de la spécification G.S. 1045-177) si le tissu utilisé n’était pas effilé.
  4. La réponse de la GRC, le 22 avril 2016, a confirmé que la couture requise était bien celle indiquée dans la spécification G.S. 1045-177. Autrement dit, la GRC n’a pas autorisée l’utilisation du tissu proposé par TYR. Cette question n’a été soulevée à nouveau que lors du dépôt de la présente plainte le 9 mai 2016. Le 22 avril 2016 est donc la date du refus de réparation en ce qui concerne ce motif de plainte et le début de la période de 10 jours ouvrables dont disposait TYR pour déposer une plainte auprès du Tribunal. Par conséquent, la plainte, en ce qui a trait à ce motif, est forclose parce qu’elle a été déposée le 9 mai 2016 alors que la période de 10 jours ouvrables s’était terminée le 6 mai 2016.
  5. Cependant, les deux autres motifs de plainte de TYR ont été déposés dans les délais; toutefois, pour les raisons exposées ci-dessous, les renseignements fournis ne démontrent pas, dans une mesure raisonnable, une violation de l’Accord sur le commerce intérieur[7], qui est le seul accord commercial applicable en l’espèce. Par conséquent, le Tribunal n’enquêtera pas sur la plainte.

Indication raisonnable d’une violation

Tissu à être utilisé pour la confection des gilets pare-balles

  1. TYR est en désaccord avec l’exigence suivante de l’article 4.2.1 de la spécification G.S. 1045-177 :

Tissu balistique aramide – Les gilets pare-balles doivent être confectionnés dans un tissu balistique en fil aramide d’au plus 930 décitex (840 deniers). Les fils de marque Kevlar ou Twaron sont acceptables. Le tissu doit être de couleur beige, doit avoir été complètement décreusé et ne pas comporter plus de 0,7 p. 100 de résidus, et doit être exempt d’imperfections.

[Traduction]

  1. En ce qui concerne le tissu exigé pour la fabrication des gilets pare-balles, TYR semble être d’avis que la GRC n’acceptait que du tissu en Kevlar® ou Twaron. Le 19 avril 2016, TYR a écrit à la GRC pour lui mentionner que les fabricants de gilets pare-balles peuvent utiliser d’autres genres de tissus balistiques pour confectionner les gilets pare-balles faisant l’objet de l’appel d’offres, en particulier un tissu en polyéthylène à poids moléculaire très élevé (UHMWPE). TYR a incité la GRC à prendre en considération ces autres tissus balistiques utilisés communément par la police et les forces armées, indiquant que les gilets pare-balles confectionnés dans ces tissus sont plus minces, plus légers et plus efficaces.
  2. La réponse de la GRC à la question de TYR, contenue dans la modification no 002 apportée à la DP, semble confirmer l’impression de TYR selon laquelle le Kevlar® et le Twaron étaient les deux seuls tissus acceptables, car il y est affirmé que « [l]a GRC reconnaît qu’il existe d’autres tissus, mais le présent appel d’offres requiert du Kevlar ou du Twaron » [traduction]. Cette réponse semble avoir causé de la confusion et, comme nous le verrons, la GRC a par la suite précisé qu’elle acceptait effectivement des tissus autres que le Kevlar® et le Twaron.
  3. Le 25 avril 2016, TYR a écrit une autre fois à la GRC, cette fois-ci lui demandant de « revenir sur sa décision de ne pas prendre en considération d’autres tissus que le Kevlar et le Twaron qui satisfont aussi à la norme NIJ 0101.03 » [traduction].
  4. Le 29 avril 2016, TYR a reçu une réponse de la GRC dans laquelle elle confirmait les exigences de la DP, mais dans laquelle elle précisait aussi que « [l]a GRC requiert un tissu en fil aramide qui a fait ses preuves en protection balistique. Le Kevlar et le Twaron sont deux marques qui satisfont à cette exigence, mais des tissus en d’autres fils aramides peuvent être utilisés s’ils répondent à cette exigence » [traduction]. Dans cette lettre, l’autorité contractante a indiqué que cette réponse ferait partie d’une modification à venir.
  5. La modification no 004, émise le 29 avril 2016, comprenait une version mise à jour de la spécification G.S. 1045-177. Cette version, datée du 27 avril 2016, reformulait l’article 4.2.1 de la façon suivante :

Tissu balistique aramide – Les gilets pare-balles doivent être confectionnés dans un tissu balistique en fil aramide d’au plus 930 décitex (840 deniers). Les fils de marque Kevlar ou Twaron satisfont à cette exigence. Le tissu doit être de couleur beige, doit avoir été complètement décreusé et ne pas comporter plus de 0,7 p. 100 de résidus, et doit être exempt d’imperfections.

[Traduction]

  1. De l’avis du Tribunal, selon la lettre du 29 avril 2016 adressée à TYR et la modification no 004, il est clair que la GRC acceptait d’autres types de fils aramides à condition que les caractéristiques exigées soient respectées. Il est ainsi difficile de conclure que la lettre du 29 avril 2016 constitue un refus de réparation. Bien que la lettre n’ait pas laissé à TYR le choix d’utiliser le tissu qu’elle voulait, elle précisait clairement que le Kevlar® et le Twaron n’étaient pas les seuls tissus qui pouvaient être utilisés pour satisfaire aux exigences.
  2. Le paragraphe 506(6) de l’ACI prévoit que les documents d’appel d’offres doivent indiquer clairement les conditions du marché public et les critères qui seront appliqués dans l’évaluation des soumissions. De l’avis du Tribunal, nonobstant une certaine confusion causée par la réponse initiale de la GRC à la question de TYR, il est clair que le Kevlar® et le Twaron n’étaient pas les seuls tissus qui pouvaient être utilisés pour confectionner les gilets pare-balles. En effet, d’autres fils aramides pouvaient être utilisés à condition de satisfaire à la spécification G.S. 1045-177. Il n’y a aucune indication que la GRC ait mal interprété cette exigence de la DP.
  3. De plus, le Tribunal a affirmé à maintes reprises que le gouvernement fédéral est en droit de définir les exigences de ses marchés publics[8]. À cet égard, le gouvernement pouvait exiger que les gilets pare-balles qu’il voulait acquérir soient testés d’une certaine façon pour satisfaire à certaines normes ou qu’ils soient confectionnés dans un tissu particulier. Le fait que d’autres genres de tissus pouvaient être utilisés ou que, de l’avis de TYR, d’autres genres de tissus auraient été préférables n’empêche d’aucune façon le gouvernement de définir les exigences de ses marchés publics pour répondre à ses besoins opérationnels.
  4. Par conséquent, même si ce motif de plainte avait été déposé dans les délais, les renseignements fournis ne démontrent pas, dans une mesure raisonnable, qu’il y a eu violation d’un accord commercial.

Favoritisme à l’égard du fournisseur titulaire

  1. La modification no 004, émise le 29 avril 2016, a ajouté un nouveau critère obligatoire exigeant que les soumissionnaires fournissent des rapports d’essais sur cinq ans indiquant la résistance balistique du tissu aramide. Dans sa plainte, TYR allègue que ce critère a été ajouté parce que le fournisseur titulaire pouvait fournir ces renseignements au détriment d’autres fabricants ou de l’utilisation d’autres tissus.
  2. Ayant été déposé dans les 10 jours ouvrables après l’émission de la modification, ce motif de plainte a été déposé dans les délais; toutefois, le Tribunal a déjà affirmé qu’une plainte doit comporter des éléments de preuve probants indiquant qu’il y a eu violation des accords commerciaux pertinents[9]. Outre l’affirmation faite dans sa plainte, TYR n’a fourni aucune preuve à l’appui de son allégation selon laquelle ce critère additionnel visait à favoriser le fournisseur titulaire. L’interprétation la plus plausible est que cette modification, comme le suggère la correspondance, visait à clarifier que des fils aramides, autres que ceux de marque Kevlar® ou Twaron, pouvaient être utilisés dans la confection des gilets pare-balles, à condition de démontrer l’efficacité du tissu proposé.
  3. De l’avis du Tribunal, ce motif de plainte n’est qu’une conjecture, car les renseignements fournis ne démontrent pas, dans une mesure raisonnable, qu’il y a eu violation d’un accord commercial.

DÉCISION

  1. Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal décide de ne pas enquêter sur la plainte.
 

[1].      L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.) [Loi sur le TCCE].

[2].      D.O.R.S./93-602 [Règlement].

[3].      Paragraphe 6(1) du Règlement.

[4].      Alinéa 7(1)a) du Règlement.

[5].      Alinéa 7(1)b) du Règlement.

[6].      Alinéa 7(1)c) du Règlement.

[7].      18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.ait-aci.ca/index_fr/ait.htm> [ACI].

[8].      R.P.M. Tech. Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (25 mars 2015), PR-2014-040 (TCCE); Inforex Inc. (24 mai 2007), PR-2007-019 (TCCE); FLIR Systems Ltd. (25 juillet 2002), PR-2001-077 (TCCE); Aviva Solutions Inc. (29 avril 2002), PR-2001-049 (TCCE).

[9].      Flag Connection Inc. (30 juillet 2013), PR-2013-010 (TCCE) aux par. 23-24; The Powel Group – TPG Technology Consulting Ltd. (28 novembre 2003), PR-2003-065 (TCCE).