STENOTRAN SERVICES INC. ET ATCHISON & DENMAN COURT REPORTING SERVICES LTD.

STENOTRAN SERVICES INC. ET ATCHISON & DENMAN COURT REPORTING SERVICES LTD.
c.
SERVICE ADMINISTRATIF DES TRIBUNAUX JUDICIAIRES
Dossier no PR-2015-043

Décision et motifs rendus
le vendredi 15 avril 2016

TABLE DES MATIÈRES

 

EU ÉGARD À une plainte déposée par StenoTran Services Inc. et Atchison & Denman Court Reporting Services Ltd. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.);

ET À LA SUITE D’une décision d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

ENTRE

STENOTRAN SERVICES INC. ET ATCHISON & DENMAN COURT REPORTING SERVICES LTD. Parties plaignantes

ET

LE SERVICE ADMINISTRATIF DES TRIBUNAUX JUDICIAIRES Institution fédérale

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte est fondée.

Aux termes des paragraphes 30.15(2) et (3) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur recommande que le Service administratif des tribunaux judiciaires prenne des mesures pour s’assurer dans l’avenir de respecter rigoureusement la procédure énoncée dans les documents d’appel d’offres, y compris les clauses uniformisées.

Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur accorde à StenoTran Services Inc. et à Atchison & Denman Court Reporting Services Ltd. le remboursement des frais qu’elles ont raisonnablement encourus pour la préparation de leur plainte et l’engagement de la procédure, ces frais devant être payés par le Service administratif des tribunaux judiciaires. Conformément à la Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure de plainte portant sur un marché public, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine provisoirement que le degré de complexité de la plainte correspond au degré 2 et que le montant de l’indemnité est de 2 750 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui concerne la détermination provisoire du degré de complexité ou du montant de l’indemnité, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur conformément à l’article 4.2 de la Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure de plainte portant sur un marché public. Il relève de la compétence du Tribunal canadien du commerce extérieur de fixer le montant définitif de l’indemnité.

Rose Ritcey
Rose Ritcey
Membre présidant

Membre du Tribunal : Rose Ritcey, membre présidant

Conseillers juridiques pour le Tribunal : Anja Grabundzija
Jessica Spina (stagiaire en droit)

Agent principal du greffe : Sara Pelletier

Parties plaignantes : StenoTran Services Inc. et Atchison & Denman Court Reporting Services Ltd.

Institution fédérale : Service administratif des tribunaux judiciaires

Conseiller juridique pour l’institution fédérale : Lynn Marchildon

Veuillez adresser toutes les communications au :

Greffier
Secrétariat du Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario)  1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

EXPOSÉ DES MOTIFS

RÉSUMÉ DE LA PLAINTE

  1. La plainte porte sur une demande de propositions (DP) (invitation no 5X001-15-0242) émise par le Service administratif des tribunaux judiciaires (SATJ) en vue de l’adjudication de trois contrats distincts pour la prestation de services de sténographie et de transcription judiciaires dans le cadre des procédures de la Cour fédérale et de la Cour canadienne de l’impôt en Ontario, à l’exception d’Ottawa, de celles de la Cour fédérale et de la Cour canadienne de l’impôt à Ottawa ainsi que celles d’instances fédérales désignées dans la province de l’Ontario.
  2. Les trois motifs de plainte avancés par StenoTran Services Inc. et Atchison & Denman Court Reporting Services Ltd. (StenoTran) peuvent se résumer comme suit :
  3. le SATJ a injustement et incorrectement conclu que la soumission de StenoTran était non conforme à l’égard de certains critères obligatoires;
  4. le SATJ a adjugé les contrats après l’expiration des soumissions, ce qui revient à avoir incorrectement adjugé trois contrats à fournisseur unique;
  5. le SATJ n’a pas entrepris « une nouvelle procédure de passation du marché public dans des délais raisonnables », tel que recommandé par le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) dans le dossier no PR-2013-046[1], étant donné que le délai a été exagérément long avant qu’une nouvelle procédure ne soit lancée et qu’une réunion de compte rendu n’ait lieu.

HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE : LA DP ET LA PLAINTE DE STENOTRAN

  1. La DP a été émise le 19 juin 2015. StenoTran a présenté une soumission le ou avant le 13 juin 2015, date de clôture de l’appel d’offres.
  2. Le 10 septembre 2015, StenoTran a écrit au SATJ pour savoir quand les résultats de l’appel d’offres seraient connus. Le SATJ a répondu qu’il avait l’intention d’aviser les soumissionnaires d’ici la fin de septembre 2015.
  3. Le 9 octobre 2015, n’ayant pas reçu de nouvelles, StenoTran a communiqué avec le SATJ pour « confirmer » [traduction] qu’elle prolongeait la période de validité de sa soumission au-delà du 19 octobre 2015. En réponse à cette lettre, le SATJ a affirmé qu’il informerait les soumissionnaires des résultats de l’appel d’offres dès que possible.
  4. Le même jour, le SATJ a communiqué avec ASAP Reporting Services Inc. (ASAP Reporting) et International Reporting Inc. (International Reporting), les deux autres soumissionnaires, pour leur demander de « confirmer la prolongation » [traduction] de la période de validité de leurs soumissions au-delà du 19 octobre 2015. ASAP Reporting et International Reporting ont confirmé la prolongation de la période de validité de leurs soumissions.
  5. Le 13 novembre 2015, le SATJ a avisé StenoTran que sa soumission n’était pas conforme à tous les critères techniques obligatoires et que les contrats seraient adjugés à ASAP Reporting et à International Reporting.
  6. Le 18 novembre 2015, StenoTran a présenté une opposition au SATJ, affirmant que sa soumission était conforme à tous les critères obligatoires et que, de toute façon, les soumissions n’étaient plus valides au moment où le SATJ avait adjugé les contrats aux soumissionnaires retenus.
  7. Une réunion de compte rendu a eu lieu le 7 décembre 2015. Le 9 décembre 2015, StenoTran a déposé sa plainte auprès du Tribunal[2].
  8. Le 15 décembre 2015, le Tribunal a avisé les parties que la plainte avait été acceptée en partie pour enquête, notamment en ce qui concerne l’allégation selon laquelle les soumissions n’étaient plus valides au moment de l’adjudication des contrats et que, par conséquent, le SATJ avait incorrectement adjugé trois contrats à fournisseur unique. Le Tribunal a également indiqué qu’il donnerait, dans le présent exposé, les raisons pour lesquelles il avait décidé de ne pas enquêter sur certains motifs de plainte.
  9. Les parties ont déposé des observations conformément aux articles 103 et 104 des Règles. Étant donné que StenoTran a soulevé de nouveaux arguments dans ses observations aux termes de l’article 104 des Règles, le Tribunal a permis au SATJ de déposer des observations supplémentaires, auxquelles StenoTran a répondu par le dépôt de commentaires.
  10. Étant donné que les renseignements au dossier étaient suffisants pour déterminer le bien-fondé de la plainte, le Tribunal a décidé que la tenue d’une audience n’était pas nécessaire et a statué sur la plainte sur la foi de ces renseignements.

MOTIFS DE PLAINTE N’AYANT PAS ÉTÉ ACCEPTÉS POUR ENQUÊTE

  1. Aux termes des articles 6 et 7 du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics[3], le Tribunal peut ouvrir une enquête si les quatre conditions suivantes sont remplies :
    • la plainte a été déposée dans les délais prescrits à l’article 6;
    • le plaignant est un fournisseur à proprement parler ou un fournisseur potentiel;
    • la plainte porte sur un contrat spécifique;
    • les renseignements fournis démontrent, dans une mesure raisonnable, que la procédure du marché public n’a pas été suivie conformément aux accords commerciaux applicables; en l’espèce, il s’agit de l’Accord sur le commerce intérieur[4].
  1. Le premier et le troisième motif de plainte de StenoTran ne remplissent pas la quatrième condition. À ce titre, le Tribunal n’a pas enquêté sur ces motifs.

Premier motif de plainte : aucune indication raisonnable que le SATJ a injustement conclu que la soumission de StenoTran n’était pas conforme

  1. Le SATJ a déterminé que la soumission de StenoTran ne satisfaisait pas aux critères obligatoires de la DP. Plus particulièrement, le SATJ a conclu que la soumission de StenoTran « ne comportait pas de CD avec une étiquette indiquant tous les renseignements demandés en fonction du [critère technique obligatoire 3] [et que] [l]a version électronique de la transcription a été sauvegardée sur le CD de la proposition technique »[5] [traduction].
  2. Selon StenoTran, le critère technique obligatoire 3 (CTO3) ne demandait pas aux soumissionnaires de soumettre un CD avec une étiquette, étant donné qu’une étiquette doit normalement être imprimée sur du papier pour ensuite être apposée sur un CD, et que la DP indiquait qu’une étiquette en papier était « sans objet » [traduction]. StenoTran soutient également que la DP ne demandait pas aux soumissionnaires de soumettre deux CD.
  3. Les dispositions pertinentes de la DP sont les suivantes :

MÉTHODE D’ÉVALUATION

PIÈCE JOINTE 1 DE LA PARTIE 4

1. Critères techniques obligatoires

a) La soumission doit respecter les critères techniques obligatoires ci-dessous. [...]

b) Toute soumission qui ne satisfait pas aux critères techniques obligatoires sera jugée irrecevable. Chaque critère doit être traité séparément.

[...]

CTO3 Le soumissionnaire doit fournir, dans une des langues officielles, une copie papier et une copie électronique sur CD d’une transcription juridique d’une cour ou d’un tribunal de réglementation QUI RESPECTE CHACUNE des directives ci-dessous :

Directives

Papier

Électronique

[...]

 

 

Pour la version électronique, la transcription doit être fournie sur un CD en format Microsoft Word 2003.

Sans objet

 

L’étiquette sur le CD doit indiquer :

  • l’intitulé de la cause;
  • le numéro de dossier de la cour;
  • le nom du juge qui a présidé l’audience;
  • la date et le lieu de l’audience.

Sans objet

 

[Traduction]

  1. Le Tribunal conclut qu’il n’y a aucune indication raisonnable que les évaluateurs ont mal interprété et appliqué le CTO3 ou les instructions ayant trait à la préparation des soumissions.
  2. La DP exigeait clairement qu’une étiquette figure sur le CD contenant la version électronique de la transcription. Le CTO3 consistait en diverses directives concernant la copie papier et/ou la copie électronique de la transcription demandée. L’exigence d’une « étiquette sur le CD » s’appliquait clairement à la version électronique de la transcription, puisqu’elle faisait référence au CD. L’expression « sans objet », qui figure sur la même ligne que la directive concernant l’« étiquette sur le CD » dans la colonne intitulée « Papier », rendait on ne peut plus clair le fait que cette directive ne s’appliquait pas à la copie papier de la transcription. L’expression « sans objet », qui figure dans cette colonne, ne dispensait pas le soumissionnaire de devoir fournir une étiquette dans le cas de la version électronique de la transcription – en effet, la case dans la colonne intitulée « Électronique » est vide.
  3. L’expression « sans objet » ne peut raisonnablement être interprétée comme voulant dire que, parce qu’une étiquette est normalement imprimée sur du papier, celle-ci n’était pas requise. Si, comme le soutient StenoTran, l’expression « sans objet » avait eu trait à l’étiquette elle-même, une telle directive n’aurait pas été nécessaire. L’interprétation de StenoTran dénue de son sens l’exigence d’une « étiquette sur le CD ».
  4. Étant donné la conclusion du Tribunal selon laquelle il n’y a aucune indication raisonnable que le SATJ n’aurait pas dû rejeter la soumission de StenoTran en fonction du CTO3, la soumission de StenoTran a été correctement exclue d’une plus ample évaluation et ne pouvait être prise en considération pour l’adjudication d’un contrat. Il était clairement énoncé dans la DP que les soumissionnaires devaient fournir des transcriptions comportant chacun des éléments spécifiés.
  5. Le Tribunal se penchera néanmoins brièvement sur l’allégation de StenoTran selon laquelle sa soumission a été incorrectement rejetée parce qu’elle n’avait pas fourni deux CD. Le Tribunal conclut à nouveau qu’il n’y a aucune indication raisonnable que le SATJ ait agi contrairement aux exigences de la DP. La section 2.0 de la partie 2, « Instructions aux soumissionnaires », et la section 1.0 de la partie 3, « Instructions pour la préparation des soumissions », interprétées dans le contexte de la DP, indiquent que les soumissionnaires devaient fournir une copie papier et une copie électronique de leur soumission, en plus d’un CD contenant exclusivement la version électronique d’une transcription en format Microsoft Word 2003. En outre, dans la mesure où les instructions comportaient une ambiguïté quelconque à cet égard, celle-ci aurait dû être évidente pour StenoTran à la lecture de la DP; à ce titre, il incombait à StenoTran de demander des éclaircissements avant de soumissionner[6].
  6. Par conséquent, le Tribunal conclut qu’il n’y a aucune indication raisonnable que le SATJ ait rejeté la soumission de StenoTran à l’encontre des critères de la DP.

Troisième motif de plainte : allégation de non-conformité avec la recommandation du Tribunal dans StenoTran 2013

  1. Le troisième motif de plainte de StenoTran est que « le SATJ n’a pas respecté la recommandation du [Tribunal] »[7] [traduction] dans StenoTran 2013. L’appel d’offres faisant l’objet de cette décision concernait des services similaires. Après enquête, le Tribunal a conclu que la plainte de StenoTran était en partie fondée et a recommandé, autre autres, que le SATJ lance un nouvel appel d’offres pour les services en question « dans des délais raisonnables ». StenoTran soutient que le délai pour lancer le nouvel appel d’offres n’a pas été raisonnable. De plus, StenoTran soutient que le temps qu’a mis le SATJ pour tenir une réunion de compte rendu est aussi un exemple de non-respect de la recommandation du Tribunal.
  2. Le troisième motif de plainte de StenoTran ne donne aucune indication raisonnable du non-respect d’une des dispositions de l’ACI et, par conséquent, ne remplit pas la condition énoncée à l’alinéa 7(1)c) du Règlement. Ce motif de plainte concerne plutôt des allégations selon lesquelles le SATJ n’aurait pas agi conformément à la recommandation du Tribunal dans StenoTran 2013. Toutefois, comme l’a confirmé la Cour d’appel fédérale, la compétence du Tribunal, aux termes de l’article 30.11 de la Loi sur le TCCE et des accords commerciaux, ne s’étend pas jusqu’à vérifier la mesure dans laquelle il est donné suite à des recommandations formulées dans des décisions antérieurement rendues en matière de marchés publics[8].

DEUXIÈME MOTIF DE PLAINTE : ACCEPTÉ POUR ENQUÊTE

Position des parties

  1. StenoTran soutient que le SATJ a adjugé les contrats après la période de validité des soumissions, qui était de 60 jours à compter de la date de clôture de l’appel d’offres, et que, étant donné que les soumissions n’étaient plus valides au moment de l’adjudication des contrats, le SATJ a incorrectement adjugé trois contrats à fournisseur unique. StenoTran fonde son affirmation sur l’article 05(4) des Instructions uniformisées, incorporées par référence à la DP. StenoTran soutient également que sa position est cohérente avec le Guide des approvisionnements du ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC).
  2. Le SATJ soutient que les soumissions étaient toujours valides au moment de l’adjudication des contrats parce que l’article 05(4) des Instructions uniformisées stipule uniquement que les soumissions doivent être valides pour une période minimale de 60 jours. De plus, selon le SATJ, tous les soumissionnaires ont confirmé que leurs soumissions étaient valides au moment de l’adjudication des contrats. Le SATJ soutient également que, puisque le Guide des approvisionnements de TPSGC ne faisait pas partie de la DP, le Tribunal ne peut enquêter sur la question de savoir si le SATJ s’est conformé aux directives qui s’y trouvent.

Analyse

  1. Le paragraphe 30.14(1) de la Loi sur le TCCE exige que, dans son enquête, le Tribunal limite son étude à l’objet de la plainte. Le Tribunal détermine la validité de la plainte en fonction des critères et procédures établis par règlement pour le contrat spécifique. L’article 11 du Règlement prévoit que le Tribunal doit décider si la procédure du marché public a été suivie conformément à l’ACI, qui, comme indiqué ci-dessus, est le seul accord commercial applicable en l’espèce.
  2. L’argument de StenoTran selon lequel les soumissions n’étaient plus valides au moment de l’adjudication des contrats, et que les contrats ont donc été adjugés de façon non concurrentielle, dépend de l’interprétation de l’article 05(4) des Instructions uniformisées, incorporées par référence à la DP, et repose sur l’allégation selon laquelle le SATJ a adjugé les contrats en violation de cet article. Il s’agit donc essentiellement pour le Tribunal de déterminer si le SATJ a violé une disposition de la DP.
  3. Pour les raisons énoncées ci-dessous, le Tribunal conclut que le SATJ n’a pas adjugé les contrats conformément à l’article 05(4) des Instructions uniformisées.
  4. À titre de question préliminaire, le Tribunal se penchera brièvement sur le respect des délais en ce qui concerne le dépôt de la plainte de StenoTran pour ce qui est du deuxième motif de plainte. Le SATJ soutient que « [t]oute plainte ayant trait à l’expiration de la période de validité des soumissions, qui soi‑disant était de 60 jours après la date de clôture de l’appel d’offres, aurait dû être formulée peu après cette période de 60 jours »[9] [traduction].
  5. Bien que la Loi sur le TCCE comporte effectivement des délais impératifs en la matière[10], l’argument du SATJ repose sur une interprétation inexacte du motif de plainte de StenoTran. La plainte de StenoTran ne porte pas sur l’expiration de la période de 60 jours en soi, mais sur l’adjudication des contrats après cette période. StenoTran a donc pris connaissance de son motif de plainte le 13 novembre 2015 lorsqu’elle a appris que les contrats avaient été adjugés. En concluant ainsi, le Tribunal accepte l’affirmation de StenoTran, formulée dans sa lettre d’opposition présentée au SATJ en date du 18 novembre 2015, selon laquelle « nous nous attendions à recevoir des renseignements concernant un nouvel appel d’offres »[11] [traduction]. De plus, puisque StenoTran a présenté une opposition au SATJ et a déposé sa plainte en temps voulu, celle-ci, en ce qui concerne ce motif de plainte, respecte les délais prescrits.

Le SATJ n’a pas adjugé les contrats conformément à la procédure prescrite par la DP

  1. Aux termes de l’ACI, le SATJ devait stipuler clairement les exigences de l’appel d’offres et adjuger les contrats conformément à la procédure prescrite par la DP[12]. Il est bien établi qu’un acheteur respecte ces obligations lorsqu’il procède à une évaluation raisonnable des soumissions conformément aux modalités énoncées dans les documents d’appel d’offres. Cependant, le Tribunal peut conclure qu’une évaluation n’a pas été faite de façon raisonnable s’il appert que les évaluateurs ne se sont pas appliqués à évaluer la proposition, ont mal interprété la portée d’une exigence, n’ont pas tenu compte de renseignements cruciaux fournis dans une soumission, ont fondé leur évaluation sur des critères non divulgués ou n’ont pas effectué l’évaluation de façon équitable sur le plan de la procédure[13].
  2. Comme mentionné précédemment, en vertu de la section 1.0 de la partie 2 de la DP, les Instructions uniformisées sont incorporées par référence à la DP et en font dûment partie. Tel qu’indiqué également dans la DP, les Instructions uniformisées figurent dans le Guide des clauses et conditions uniformisées d’achat publié par TPSGC, qui était disponible en ligne.
  3. Les Instructions uniformisées stipulent notamment ce qui suit :

    05 (2014-09-25) Présentation des soumissions

    [...]

    4. Les soumissions seront valables pendant au moins 60 jours à compter de la date de clôture de la demande de soumissions, à moins d’avis contraire dans la demande de soumissions. Le Canada se réserve le droit de demander par écrit une prolongation de cette période à tous les soumissionnaires qui déposent des soumissions recevables, dans un délai d’au moins 3 jours avant la fin de la période de validité des soumissions. Si tous les soumissionnaires qui ont déposé des soumissions recevables acceptent de prolonger cette période, le Canada continuera d’évaluer les soumissions. Si cette prolongation n’est pas acceptée par tous les soumissionnaires qui ont déposé des soumissions recevables, le Canada, à sa seule et entière discrétion, continuera d’évaluer les soumissions des soumissionnaires qui auront accepté la prolongation ou annulera la demande de soumissions[14].

    La DP ne mentionnait aucune autre période que celle de 60 jours et ne modifiait d’aucune façon cette disposition.

  1. Les faits ne sont pas contestés. Le SATJ a adjugé les contrats après la période de 60 jours à compter de la date de clôture de l’appel d’offres. Le fait que le SATJ n’ait pas demandé de prolongation au moins trois jours avant la fin de cette période de 60 jours n’est pas non plus contesté.
  2. Le SATJ soutient qu’il n’a pas violé l’article 05(4) des Instructions uniformisées car, à son avis, cet article stipule uniquement, tel que formulé dans la version anglaise, que les soumissions doivent être valides pour une période « not less than 60 days » [notre soulignement], c’est-à-dire, selon le SATJ, pour une période minimale de 60 jours. Le SATJ soutient également que, « [l]orsqu’il s’agit d’un appel d’offres tel que celui-ci, où aucune période de validité des soumissions n’est expressément énoncée et où aucun soumissionnaire n’a indiqué une période de validité particulière, il est sensé pour un soumissionnaire de s’attendre à ce que le contrat soit adjugé dans un délai raisonnable »[15] [traduction].
  3. Autrement dit, selon le SATJ, les soumissions étaient valides pendant un « délai raisonnable » et, à ce titre, le SATJ n’a pas eu à demander une prolongation de la période de validité des soumissions. Le SATJ soutient toutefois que, « si l’autorité contractante détermine que la date d’adjudication d’un contrat pourrait outrepasser ce qui serait considéré comme un “délai raisonnable”, il serait prudent de sa part de discuter de la période de validité avec les soumissionnaires »[16] [traduction].
  4. Conformément aux principes généraux d’interprétation des contrats, les termes des documents d’appel d’offres sont interprétés contextuellement selon leur acception ordinaire. Cela signifie que les termes d’un appel d’offres ne doivent pas être interprétés hors contexte, mais plutôt de façon cohérente avec le reste de la DP, son but et ses objectifs, et selon le contexte commercial dans son ensemble[17].
  5. L’interprétation du SATJ de l’article 05(4) des Instructions uniformisées va à l’encontre de ce principe de base; il s’appuie sur une interprétation étroite et hors contexte de l’expression « not less than 60 days », qui figure dans la première phrase de la version anglaise de cet article.
  6. Bien que le SATJ n’aborde pas le reste de l’article, de prime abord, l’article 05(4) des Instructions uniformisées stipule davantage que le seul fait que les soumissions doivent être valides « pendant au moins 60 jours »; il stipule aussi que « [l]e Canada se réserve le droit de demander par écrit une prolongation de cette période à tous les soumissionnaires qui déposent des soumissions recevables » et prescrit la manière de procéder. Il énumère les options qui s’offrent au Canada, à sa discrétion, qui sont soit de poursuivre l’évaluation des soumissions des soumissionnaires qui auront accepté la « prolongation », soit d’annuler l’appel d’offres. De l’avis du Tribunal, le sens de cet article doit se dégager de l’ensemble du paragraphe, qui forme un tout cohérent.
  7. Comme expliqué ci-dessous, le Tribunal conclut qu’une interprétation raisonnable de l’article 05(4) des Instructions uniformisées, qui donne un sens à l’ensemble du texte, dans son acception ordinaire, est la suivante. Afin de respecter les critères de l’appel d’offres, les soumissions devaient être valides pour une période de 60 jours, pas moins. De plus, contrairement à ce que le SATJ a supposé, rien dans l’article n’exige que les soumissions restent valides pour une période plus longue que 60 jours ou ne peut avoir indiqué de façon raisonnable au SATJ que les soumissions étaient effectivement valides pour une période de plus de 60 jours[18]. D’ailleurs, l’article réserve expressément au Canada le droit de demander une prolongation de la période de validité des soumissions, que les soumissionnaires étaient libres d’accepter ou de refuser.
  8. De plus, l’article 05(4) donne de façon détaillée la procédure à suivre pour demander une telle prolongation aux soumissionnaires dont la soumission est recevable. Le Tribunal conclut que, si le SATJ voulait invoquer son droit de prolonger la période de validité des soumissions au-delà des 60 jours stipulés, il devait suivre la procédure prescrite. Le SATJ ne l’a pas fait, ce qui constitue une violation de la DP et de l’article 506 de l’ACI.
  9. Cette interprétation de l’article 05(4) des Instructions uniformisées correspond à son libellé et à sa structure grammaticale. En fixant une période de validité pour les soumissions de pas moins de 60 jours[19] et en donnant de façon détaillée la procédure à suivre pour demander une prolongation, l’article 05(4) prévoit clairement que cette période de validité de 60 jours s’applique à toutes les soumissions, à moins qu’elle ne soit prolongée en suivant la procédure indiquée. Comparativement à la version anglaise, la version française de l’article 05(4) est peut-être plus précise : « Les soumissions seront valables pendant au moins 60 jours [...] » et « Le Canada se réserve le droit de demander [...] une prolongation de cette période [...] » [nos italiques et caractères gras]. L’adjectif démonstratif « cette », utilisé dans la version française là où dans la version anglaise l’expression « bid validity period » est utilisée, se rapporte clairement aux 60 jours mentionnés dans la première phrase de l’article[20].
  10. Au contraire, l’interprétation du SATJ prive une bonne part de l’article 05(4) des Instructions uniformisées de pertinence. Si les soumissions étaient valides par défaut pour une « période raisonnable » allant au-delà des 60 jours stipulés, il n’y aurait aucune raison de donner une procédure précise à suivre pour demander une prolongation. En effet, il est difficile de voir comment un acheteur pourrait effectivement demander une prolongation aux soumissionnaires « dans un délai d’au moins 3 jours avant la fin » d’un concept aussi vague qu’une « période raisonnable ». De façon similaire, une procédure aux termes de laquelle le Canada peut demander à tous les soumissionnaires dont la soumission est recevable une prolongation de la validité de leur soumission dans les trois jours avant l’expiration de la période de 60 jours est inapplicable, telle que formulée, dans une situation où chaque soumissionnaire fixe sa propre période de validité, comme ce put être le cas selon le SATJ. Le Tribunal conclut qu’il est peu probable que le sens voulu de l’article 05(4) des Instructions uniformisées en soit un qui enlève la pertinence à une bonne partie de l’article ou rend celui-ci inapplicable en partie.
  11. L’interprétation de l’article 05(4) des Instructions uniformisées par le SATJ semble aussi incompatible avec le contexte commercial général des appels d’offres, ce qui met encore plus en doute que l’intention de l’article 05(4) est qu’il soit appliqué de la façon dont le suggère le SATJ. Le bon déroulement de la passation des marchés publics est tributaire de procédures qui sont équitables, transparentes et efficaces[21]. Cependant, selon l’interprétation du SATJ, au-delà de l’exigence minimale de la période de validité de 60 jours, l’article 05(4) n’offre guère d’idée aux soumissionnaires de la durée pour laquelle leur soumission doit demeurer valide pour être prise en considération. Toutefois, la durée de la validité d’une soumission peut être un aspect pertinent dont un soumissionnaire tient compte lors de la préparation de sa soumission[22]. Par exemple, les soumissionnaires peuvent devoir s’assurer de la disponibilité de certaines ressources, ou la durée de validité peut avoir des incidences sur d’autres aspects d’une soumission (le prix offert par exemple). De plus, un concept aussi vague que « période raisonnable » prête à interprétation et, à ce titre, augmente les possibilités de différends et le recours aux tribunaux. Enfin, dans la mesure où la façon de voir du SATJ ferait en sorte que les soumissionnaires fixeraient leur propre période de validité, cela donnerait lieu à des procédures de marchés publics plus difficiles à gérer, particulièrement dans l’éventualité où il y aurait de nombreux soumissionnaires.
  12. L’interprétation que fait le SATJ de l’article 05(4) des Instructions uniformisées est par conséquent peu susceptible de donner lieu à des processus de passation de marchés publics qui soient les plus équitables, transparents et efficaces. En revanche, l’interprétation de l’article 05(4) qui correspond le plus au texte – selon laquelle l’acheteur doit clairement spécifier la période pour laquelle les soumissions doivent être valides et peut demander à tous les soumissionnaires de prolonger cette période en ayant recours à une procédure transparente après les avoir avisés de façon raisonnable – semble aussi être celle la plus en mesure de contribuer à la transparence et à l’efficacité des marchés publics.
  13. Finalement, le Tribunal conclut que, s’il voulait adjuger des contrats après la période de validité de 60 jours, le SATJ avait l’obligation d’obtenir un prolongement de cette période de la façon prescrite à l’article 05(4) des Instructions uniformisées. Ce n’est pas ce que le SATJ a fait. En adjugeant les contrats après la période de validité de 60 jours sans avoir demandé une prolongation de cette période tel que prescrit à l’article 05(4), le SATJ a violé l’article 05(4) et, par conséquent, le paragraphe 506(6) de l’ACI. À cet égard, le fait que le SATJ ait confirmé à un certain moment après la période de validité de 60 jours stipulée à l’article 05(4) que toutes les soumissions demeuraient valides ne remédie pas au fait qu’il n’a pas suivi la procédure choisie pour la DP[23]. Le Tribunal considère toutefois ce fait comme important en ce qui concerne la recommandation d’une mesure corrective appropriée, tel qu’il en sera question ci-dessous.

MESURE CORRECTIVE

  1. Ayant déterminé que la plainte de StenoTran est fondée, le Tribunal doit considérer quelle est la mesure corrective appropriée aux termes des paragraphes 30.15(2) et (3) de la Loi sur le TCCE. StenoTran a demandé plusieurs mesures de réparation, notamment que sa soumission soit jugée conforme, que le SATJ résilie les contrats adjugés, que les soumissions soient réévaluées, qu’un nouvel appel d’offres pour les contrats spécifiques soit lancé ou d’être indemnisée pour sa perte de profits et pour les frais encourus pour la préparation de sa soumission. Le SATJ n’a pas abordé cette question.
  2. Afin de recommander une mesure corrective appropriée aux termes du paragraphe 30.15(3) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit prendre en considération toutes les circonstances pertinentes ayant trait au marché public en question, notamment 1) la gravité des irrégularités qu’il a constatées, 2) de l’ampleur du préjudice causé à StenoTran et aux autres parties intéressées, 3) de l’ampleur du préjudice causé à l’intégrité ou à l’efficacité du mécanisme d’adjudication, 4) de la bonne foi des parties et 5) du degré d’exécution du contrat.
  3. Bien que la conformité aux termes de la DP soit un aspect fondamental de tout marché public, la gravité de la violation en l’espèce est tempérée par des circonstances atténuantes. Aux termes de la DP, le SATJ avait le droit de demander aux soumissionnaires une prolongation de la période de validité de leurs soumissions, en suivant une procédure précise spécifiée à l’article 05(4) des Instructions uniformisées. Le SATJ n’a pas demandé de prolongation conformément à cette procédure. Cependant, le SATJ l’a fait plus tard, soit le 9 octobre 2015, et tous les soumissionnaires, y compris StenoTran, ont accepté de prolonger la période de validité de leurs soumissions. Ainsi, l’unique violation en l’espèce est que la demande de prolongation ait été faite après la période de 60 jours contrairement à ce qui était prescrit à l’article 05(4).
  4. Autre que le manque de transparence et de l’incertitude qui a résulté du fait que le SATJ n’ait pas suivi la procédure prescrite, il n’y a aucune indication que le SATJ ait manqué d’équité à l’égard d’un soumissionnaire et aucune preuve que le processus était injuste ou non concurrentiel au sens large. De l’avis du Tribunal, selon les faits de l’espèce, la procédure du marché public a été menée de façon concurrentielle. En l’occurrence, la violation du SATJ était de nature technique et a eu peu d’incidence sur l’intégrité de la procédure.
  5. En ce qui concerne StenoTran en particulier, il n’y a aucune preuve selon laquelle la violation du SATJ lui ait causé préjudice. La soumission de StenoTran a été jugée non conforme pour d’autres raisons. De plus, comme mentionné au tout début, le Tribunal ne trouve aucune indication raisonnable que le SATJ ait conclu, en violation de la DP et de l’ACI, que la soumission de StenoTran était non conforme. À ce titre, StenoTran en fait n’avait aucune possibilité d’être un des soumissionnaires retenus, indépendamment de la violation commise par le SATJ que le Tribunal a constaté.
  6. Bien que StenoTran soutienne que si l’appel d’offres avait été annulé, la réunion de compte rendu lui aurait permis de corriger les déficiences et de soumettre une soumission conforme en réponse au nouvel appel d’offres, cet argument ne tient pas la route. Les réunions de compte rendu ont lieu après les évaluations et l’adjudication du contrat, et non si l’appel d’offres est annulé avant. De toute façon, le fait que StenoTran aurait pu tenter son coup de nouveau si l’appel d’offres avait été annulé à cause de l’expiration de la période de validité des soumissions ne constitue pas une preuve suffisante de préjudice à son égard résultant de la violation mise en évidence dans la présente enquête.
  7. Il n’y a aucune preuve qu’il y a eu mauvaise foi de la part d’aucune des parties. La preuve indique qu’actuellement les contrats adjugés ont été exécutés en partie[24].
  8. Puisque la violation mise en évidence n’a pas eu en fin de compte de conséquences sur les résultats du marché public en l’espèce, le Tribunal ne considère pas, dans l’intérêt de l’équité et de l’efficacité ou dans l’intérêt du public en général pour l’intégrité et l’efficacité du système concurrentiel d’appel d’offres, qu’il soit nécessaire de recommander une mesure corrective qui perturberait l’exécution des contrats adjugés ou qui indemniserait StenoTran pour sa perte de profits et les frais qu’elle a encourus pour la préparation de sa soumission. Le Tribunal recommande toutefois que le SATJ prenne des mesures afin de s’assurer dans l’avenir de respecter rigoureusement la procédure énoncée dans les documents d’appel d’offres, y compris les clauses uniformisées.

FRAIS

  1. Le Tribunal accorde à StenoTran les frais qu’elle a raisonnablement encourus pour l’engagement de la procédure, ces frais devant être payés par le SATJ.
  2. Pour décider du montant de l’indemnité en l’espèce, le Tribunal a tenu compte de sa Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public (la Ligne directrice), qui fonde l’évaluation du degré de complexité d’une plainte selon trois critères : la complexité du marché public, la complexité de la plainte et la complexité de la procédure. À cet égard, l’appel d’offres en question concerne des services bien définis. Le motif de plainte accepté pour enquête était de complexité moyenne; il concernait l’interprétation d’une clause uniformisée quelque peu complexe et a permis de mettre en évidence un problème pouvant avoir une incidence sur les appels d’offres futurs lancés par le SATJ. La procédure a été de complexité moyenne, ayant comporté une requête, le dépôt d’observations au-delà de ce qui est normalement nécessaire et ayant nécessité le recours au délai de 135 jours. Par conséquent, le Tribunal détermine provisoirement que le niveau de complexité de la plainte correspond au degré 2 et que le montant de l’indemnité est 2 750 $.

DÉCISION

  1. Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal détermine que la plainte est fondée.
  2. Aux termes des paragraphes 30.15(2) et (3) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal recommande que le SATJ prenne des mesures pour s’assurer dans l’avenir de respecter rigoureusement la procédure énoncée dans les documents d’appel d’offres, y compris les clauses uniformisées.
  3. Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal accorde à StenoTran le remboursement des frais qu’elle a raisonnablement encourus pour la préparation de sa plainte et l’engagement de la procédure, ces frais devant être payés par le SATJ. Conformément à la Ligne directrice, le Tribunal détermine provisoirement que le degré de complexité de la plainte correspond au degré 2 et que le montant de l’indemnité est de 2 750 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui concerne la détermination provisoire du degré de complexité ou du montant de l’indemnité, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal conformément à l’article 4.2 de la Ligne directrice. Il relève de la compétence du Tribunal canadien du commerce extérieur de fixer le montant définitif de l’indemnité.
 

[1].      StenoTran Services Inc. et Atchison & Denman Court Reporting Services Ltd. c. Service administratif des tribunaux judiciaires (24 juillet 2014) (TCCE) [StenoTran 2013].

[2].      Bien qu’il eût initialement reçu la plainte de StenoTran le 1er décembre 2015, le Tribunal avait déterminé que la plainte ne remplissait pas les conditions du paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.) [Loi sur le TCCE]. StenoTran a déposé des documents supplémentaires les 3 et 9 décembre 2015, date à laquelle le Tribunal a considéré que la plainte remplissait les conditions du paragraphe en question. Aux termes de l’article 96 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur, D.O.R.S./91-499 [Règles], le Tribunal considère que la plainte a été déposée le 9 décembre 2015.

[3].      D.O.R.S./93-602 [Règlement].

[4].      18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.ait-aci.ca/agreement-on-internal-trade/?lang=fr> [ACI].

[5].      Pièce PR-2015-043-13, onglet 13, vol. 1B.

[6].      Tel qu’énoncé dans les Instructions uniformisées – biens ou services – besoins concurrentiels de 2003 (2014-09-25) (Instructions uniformisées), incorporées par référence à la DP, les soumissionnaires avaient la responsabilité d’obtenir des éclaircissements sur les exigences de l’appel d’offres, le cas échéant, avant de soumissionner. Voir l’article 05(2) (2014-09-25) « Présentation des soumissions », https://achatsetventes.gc.ca/politiques-et-lignes-directrices/guide-des-....

[7].      Pièce PR-2015-043-01 à la p. 4, vol. 1.

[8].      Siemens Westinghouse Inc. c. Canada (Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux), [2002] 1 RCF 292, 2001 CAF 241 (CanLII) aux par. 37-38.

[9].      Pièce PR-2015-043-21 au par. 11, vol. 1C.

[10].    L’article 6 du Règlement; IBM Canada Ltd. c. Hewlett Packard (Canada) Ltd., 2002 CAF 284 (CanLII) aux par. 18-21; Genesis Security Inc. (2 février 2016), PR-2015-055 (TCCE) au par. 13.

[11].    Pièce PR-2015-043-13, onglet 14, vol. 1B.

[12].    Article 506(6) de l’ACI stipule que « [l]es documents d’appel d’offres doivent indiquer clairement les conditions du marché public, les critères qui seront appliqués dans l’évaluation des soumissions et les méthodes de pondération et d’évaluation des critères ». Il s’en déduit pour l’institution fédérale l’obligation d’adjuger les contrats conformément aux critères énoncés dans les documents d’appel d’offres. AmeriData Canada Ltd. (9 février 1996), PR-95-011 (TCCE).

[13].    Samson & Associates c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (19 octobre 2012), PR—2012-012 (TCCE) aux par. 26-28; Storeimage c. Musée canadien de la nature (18 janvier 2013), PR-2012-015 (TCCE) aux par. 63-64; CGI Information Systems and Management Consultants Inc. (9 octobre 2014), PR‑2014-015 et PR-2014-020 (TCCE) au par. 99.

[14].     La version anglaise de l’article 05(4) des Instructions uniformisées stipule ce qui suit : « Bids will remain open for acceptance for a period of not less than 60 days from the closing date of the bid solicitation, unless specified otherwise in the bid solicitation. Canada reserves the right to seek an extension of the bid validity period from all responsive bidders in writing, within a minimum of 3 days before the end of the bid validity period. If the extension is accepted by all responsive bidders, Canada will continue with the evaluation of the bids. If the extension is not accepted by all responsive bidders, Canada will, at its sole discretion, either continue with the evaluation of the bids of those who have accepted the extension or cancel the solicitation. »

[15].    Pièce PR-2015-043-13 au par. 43, vol. 1B.

[16].    Pièce PR-2015-043-13 au par. 43, vol. 1B.

[17].    Microsoft Canada Co., Microsoft Corporation, Microsoft Licensing, GP et Softchoice Corporation. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (12 mars 2010), PR-2009-056 (TCCE) au par. 50; Siemens Westinghouse Inc. c. Canada (Minister of Public Works and Government Services), 2000 CanLII 15611 (CAF); Ready John Inc. v. Canada (Public Works and Government Services), 2004 FCA 222 (CanLII) au par. 35; Bergevin c. Canada (Agence canadienne de développement international), 2009 CAF 18 (CanLII) aux par. 17-22; Tercon Contractors Ltd. c. Colombie-Britannique (Transports et Voirie), [2010] 1 RCS 69, 2010 CSC 4 (CanLII) [Tercon Contractors] aux par. 64-65; Sattva Capital Corp. c. Creston Moly Corp., [2014] 2 RCS 633, 2014 CSC 53 (CanLII) aux par. 47-48, 56-58.

[18].    En effet, l’article 1.0b) de la partie 2 de la DP stipule que les « [l]es soumissionnaires qui présentent une soumission s’engagent à respecter les instructions, les clauses et les conditions de la demande de soumissions [...] ». Ainsi, en ce qui concerne l’article 05(4) des Instructions uniformisées, les soumissionnaires s’engageaient uniquement à respecter la période de validité de 60 jours à compter de la date de clôture de l’appel d’offres.

[19].    Bien entendu, l’article 05(4) des Instructions uniformisées permet qu’une période autre que 60 jours soit spécifiée dans la « demande de soumissions ».

[20].    Cette interprétation correspond aussi à celle retenue par TPSGC dans son Guide des approvisionnements. L’article 5.90 du Guide des approvisionnements, faisant clairement référence aux Instructions uniformisées, stipule ce qui suit : « Les soumissions seront valables pour une période de 60 jours (30 jours pour la construction) à partir de la date de clôture de la demande de soumissions, à moins d’indication contraire dans la demande de soumissions (voir les instructions uniformisées 2003, 2006 et 2008 du Guide des clauses et conditions uniformisées d’achat (CCUA)). Les agents de négociation des contrats doivent donc déterminer s’il y a un risque que l’évaluation des soumissions prenne plus de temps que prévu, et ils doivent indiquer dans la demande de soumissions la période de validité des soumissions modifiée pour ce contrat particulier. Les agents de négociation des contrats doivent en outre suivre de près le déroulement des processus d’évaluation et d’approbation du contrat afin d’attribuer le contrat avant l’expiration de la période d’acception des soumissions. [...] Comme il est indiqué dans les instructions uniformisées, le Canada se réserve le droit de demander par écrit une prolongation de la période de validité des soumissions, dans un délai d’au moins trois (3) jours avant la fin de la période en question. Si tous les soumissionnaires qui ont déposé des soumissions recevables acceptent de prolonger cette période, le Canada continuera d’évaluer les soumissions. Si cette prolongation n’est pas acceptée par tous les soumissionnaires qui ont déposé des soumissions recevables, le Canada, à sa seule et entière discrétion, continuera d’évaluer les soumissions des soumissionnaires qui auront accepté la prolongation ou annulera la demande de soumissions. » Le SATJ soutient que le Guide des approvisionnements ne faisait pas partie de la DP et qu’il n’avait donc pas à s’y conformer. Le Tribunal est d’accord que le Guide des approvisionnements n’a pas de caractère contraignant. Toutefois, il s’agit d’un document émis par le gouvernement du Canada, par l’entremise de TPSGC, le ministère qui a aussi émis le Guide des clauses et conditions uniformisées d’achat, notamment les Instructions uniformisées que le SAJT a choisi d’incorporer à la DP. À moins de démontrer qu’ils ne correspondent pas aux dispositions de la DP, certains passages du Guide des approvisionnements peuvent nous éclairer davantage sur le sens des articles des Instructions uniformisées incorporées à la DP.

[21].    Cela ressort des dispositions de l’ACI qui spécifient des procédures à suivre, ainsi que de l’article 501 de l’ACI, qui stipule ce qui suit : « le présent chapitre vise à établir un cadre qui assurera à tous les fournisseurs canadiens un accès égal aux marchés publics, de manière à réduire les coûts d’achat et à favoriser l’établissement d’une économie vigoureuse, dans un contexte de transparence et d’efficience. » En effet, la Cour d’appel fédérale a indiqué que l’équité, la concurrence, l’efficacité et l’intégrité sont les fins poursuivies par le régime réglementaire en matière de marchés publics aux termes des accords commerciaux et de la Loi sur le TCCE. Canada (Procureur général) c. Almon Equipment Limited, 2010 CAF 193 (CanLII) au par. 23. L’importance de considérations similaires a aussi été soulignée par la Cour suprême du Canada, dans Tercon Contractors aux par. 67-68, dans l’interprétation d’une clause dans un document d’appel d’offres. La Cour suprême du Canada a affirmé ce qui suit : « Au final, le caractère fructueux du processus dépend de son intégrité et de son efficacité commerciale [...]. Ce facteur importe particulièrement dans le contexte de la passation de marchés publics. C’est pourquoi il faut non seulement protéger les intérêts des parties, mais également assurer la transparence du processus vis-à-vis des citoyens en général. »

[22].    Bien que l’Accord de libre-échange nord-américain, 17 décembre 1992, R.T.C. 1994, no 2, en ligne : le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-... (entré en vigueur le 1er janvier 1994), ne s’applique pas à la DP, il est intéressant de noter que l’alinéa 1013(1)d) stipule ce qui suit : « La documentation relative à l’appel d’offres qu’une entité remettra aux fournisseurs devra contenir tous les renseignements nécessaires pour leur permettre de présenter des soumissions valables [...]. La documentation contiendra également : [...] la période pendant laquelle les soumissions devront pouvoir être acceptées. »

[23].    Le SATJ soutient qu’il a « fait exactement ce que la Commission de révision des marchés publics avait suggéré » [traduction] dans Nicolet Instrument Canada Inc. c. Canada (Approvisionnements et Services), 1993 CanLII 5293 (CA TCCE) [Nicolet], c’est-à-dire qu’« avant d’adjuger les contrats, [le SATJ] a communiqué avec tous les soumissionnaires pour vérifier la validité de leurs soumissions » [traduction]. Nicolet se distingue de l’espèce sur ce point et n’est donc d’aucune utilité au SATJ; dans Nicolet, la clause ayant trait à la période de validité des soumissions ne stipulait expressément aucune procédure pour la prolongation de celle-ci avant que la période de validité d’« au moins 60 jours » n’expire.

[24].    Pièce PR-2015-043-09, vol. 1A.