REBANKS PEPPER LITTLEWOOD ARCHITECTS INC.

REBANKS PEPPER LITTLEWOOD ARCHITECTS INC.
Dossier no PR-2016-044

Décision prise
le mercredi 23 novembre 2016

Décision rendue
le jeudi 24 novembre 2016

Motifs rendus
le lundi 28 novembre 2016

TABLE DES MATIÈRES

 

EU ÉGARD À une plainte déposée aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.).

PAR

REBANKS PEPPER LITTLEWOOD ARCHITECTS INC.

CONTRE

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur décide de ne pas enquêter sur la plainte.

Peter Burn
Peter Burn
Membre présidant

L’exposé des motifs suivra à une date ultérieure.

EXPOSÉ DES MOTIFS

  1. En vertu du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur[1], tout fournisseur potentiel peut, sous réserve du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics[2], déposer une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) concernant la procédure des marchés publics suivie relativement à un contrat spécifique et lui demander d’enquêter sur cette plainte. En vertu du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, après avoir jugé la plainte conforme au paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et sous réserve du Règlement, le Tribunal détermine s’il y a lieu d’enquêter.

RÉSUMÉ DE LA PLAINTE

  1. Le 17 novembre 2016, Rebanks Pepper Littlewood Architects Inc. (Rebanks) a déposé une plainte concernant une demande de propositions (DP) (invitation no M7594-170001/A) publiée par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC), au nom de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), pour la prestation de services d’architecture relativement à la conception et à la construction d’un centre de communication opérationnelle à Ottawa (Ontario).
  2. Rebanks soutient que TPSGC a refusé à tort d’évaluer sa soumission au motif qu’elle avait été livrée à la mauvaise adresse.
  3. À titre de mesure corrective, Rebanks demande que sa soumission soit acceptée et prise en considération par TPSGC.

CONTEXTE

  1. TPSGC a publié la DP le 1er septembre 2016. La DP indiquait que les soumissions seraient reçues en deux étapes. La première étape consistait essentiellement en une présélection et la seconde nécessitait une proposition substantielle concernant les travaux eux-mêmes.
  2. Le 24 octobre 2016, soit la veille de la date de clôture de l’appel d’offres dans le cadre de la première étape, Rebanks a fait livrer par messagerie une copie papier de sa soumission aux bureaux de la GRC situés au 73, promenade Leikin, à Ottawa (l’adresse de la GRC). Rebanks affirme que, lorsque le messager est arrivé à l’adresse de la GRC, une personne de la Division des achats de la GRC a été appelée pour réceptionner le colis. Ce représentant de la GRC a remis au messager un formulaire d’une page intitulé « Réception de la soumission », qui comportait notamment les champs suivants : « Numéro de l’invitation », « Titre », « Personne à contacter », « Date de clôture », « Nom de l’expéditeur », « Signature » et « Date et heure » [traductions]. Ces champs ont tous été remplis à la main et contenaient les renseignements se rapportant à l’appel d’offres. Le représentant de la GRC a apposé sur le formulaire la mention « REÇU » le « 24 octobre 2016 14 h 19 » [traductions].
  3. Le 28 octobre 2016, Rebanks a reçu un colis par messagerie de la part de TPSGC dans lequel se trouvait sa soumission toujours cachetée. Rebanks a téléphoné à TPSGC pour lui demander pourquoi sa soumission lui avait été retournée. TPSGC a indiqué avoir retourné la soumission parce que celle-ci avait été livrée au mauvais endroit, étant donné qu’elle aurait dû être livrée à l’unité de réception des soumissions de TPSGC. Bien que la GRC ait transmis la soumission de Rebanks à TPSGC, ce dernier ne l’a pas reçu avant la date de clôture indiquée dans la DP.
  4. Le même jour, Rebanks a envoyé un courriel à TPSGC pour s’opposer au rejet de sa soumission, au motif que l’adresse de la GRC apparaissait sur la page couverture de la DP. Rebanks soutenait que, dans le cadre d’appels d’offres antérieurs, elle avait fait parvenir des soumissions à l’adresse de la GRC sans que cela ne cause problème. De plus, Rebanks faisait remarquer que, lorsque sa soumission a été livrée, un agent de la GRC a remis au messager le formulaire de réception de la soumission, qui comportait les renseignements pertinents se rapportant à l’appel d’offres, ce qui a amené Rebanks à croire que sa soumission avait été réceptionnée en bonne et due forme. Par conséquent, Rebanks soutenait que TPSGC devait exercer son pouvoir discrétionnaire et accepter sa soumission, puisque cela ne lui conférerait aucun avantage indu.
  5. Le 3 novembre 2016, TPSGC a rejeté l’opposition au motif que les soumissionnaires sont les seuls responsables de veiller à ce que leur soumission soit livrée comme il se doit et dans les délais.
  6. Le 17 novembre 2016, Rebanks a déposé la présente plainte auprès du Tribunal.

ANALYSE

  1. Pour mener une enquête, le Tribunal doit être convaincu a) que le plaignant est un fournisseur potentiel, b) que la plainte porte sur un contrat spécifique et c) que la plainte démontre, dans une mesure raisonnable, que la procédure du marché public n’a pas été suivie conformément aux accords commerciaux applicables[3], qui sont en l’espèce l’Accord de libre-échange nord-américain[4] et l’Accord sur les marchés publics[5]. La plainte doit également être déposée dans les délais prescrits[6].
  2. Le Tribunal conclut que la plainte de Rebanks répond aux exigences a) et b) et qu’elle a été déposée dans les délais, mais qu’elle ne démontre pas, dans une mesure raisonnable, que la procédure du marché public n’a pas été suivie conformément aux accords commerciaux applicables. Elle ne répond donc pas à l’exigence c).
  3. Le Tribunal fait observer que le paragraphe 1015(2) de l’ALÉNA et le paragraphe XV(2) de l’AMP prévoient qu’un acheteur ne peut pénaliser un fournisseur dont la soumission est reçue après l’expiration du délai si le retard est « imputable uniquement » à l’acheteur.
  4. En l’espèce, la page couverture de la DP indiquait deux adresses. Dans le coin supérieur gauche de la page couverture de la DP, il était indiqué ce qui suit :

RETOURNER LES SOUMISSIONS À:

Réception des soumissions – TPSGC

11 rue Laurier

Place du Portage, Phase III

Noyau 0B2

Gatineau, Québec  K1A 0S5

Bid Fax: (819) 997-9776

  1. De plus, au centre de la page couverture, les renseignements suivants étaient fournis :

Destination – des biens, services et construction:

ROYAL CANADIAN MOUNTED POLICE

73 LEIKIN DR. M1

OTTAWA

Ontario

K1A0R2

Canada

  1. Le Tribunal constate que la DP indiquait expressément que les soumissionnaires devaient retourner leur soumission à l’unité de réception des soumissions de TPSGC (« RETOURNER LES SOUMISSIONS À ») au 11, rue Laurier. Le Tribunal fait remarquer que Rebanks a remis sa soumission non pas à l’unité de réception des soumissions, comme l’exigeait la DP, mais plutôt à l’adresse figurant sous la rubrique « Destination – des biens, services et construction ».
  2. Rebanks soutient que les « Instructions générales (IG) – Services d’architecture et/ou de génie – Demande de proposition en deux phases », clause R1110T (2016-04-04), intégrées par renvoi à la DP, permettaient aux soumissionnaires de présenter leur soumission à toute adresse indiquée dans la DP. Toutefois, la clause IG16 R1110T (2014-03-01), « Présentation des propositions », prévoyait ce qui suit :

2. Il appartient au proposant :

[...]

c. de faire parvenir sa proposition uniquement au Module de réception des soumissions de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC) tel qu’indiqué à la page 1 de la demande de propositions ou à l’adresse indiquée dans la demande de propositions;

d. de demander des précisions sur les exigences contenues dans la demande de propositions, au besoin, avant de déposer sa proposition;

[...]

4. Le proposant est seul responsable de présenter dans les délais et en bonne et due forme la proposition auprès du bureau désigné pour la présentation des propositions. TPSGC n'assumera pas cette responsabilité, qui ne pourra pas lui être cédée non plus. Le proposant assume seul tous les risques et toutes les conséquences si la proposition n'est pas présentée dans les délais et en bonne et due forme[7].

[Nos italiques]

  1. Qui plus est, la clause IG17 R1110T (2011-05-16), « Propositions présentées en retard », prévoyait ce qui suit : « Les propositions présentées après la date et l’heure fixées pour la clôture de la DDP sont retournées à leur expéditeur sans être décachetées[8]. »
  2. Étant donné que l’adresse de TPSGC était la seule adresse précisée dans la DP relativement à la réception des soumissions, le Tribunal conclut que Rebanks a commis une erreur en ne veillant pas à ce que sa soumission soit remise dans les délais et comme il se devait à l’adresse désignée dans la DP[9]. Par conséquent, le Tribunal conclut que TPSGC n’a pas enfreint les accords commerciaux applicables en rejetant la proposition de Rebanks.
  3. Rebanks fait également valoir que la GRC lui a donné le faux sentiment que sa soumission avait été présentée comme il se devait en lui remettant un reçu. Toutefois, le Tribunal souligne que le reçu énumère simplement le numéro d’invitation, le titre, la date de clôture et le nom de l’entreprise qui faisait parvenir le colis. Le reçu ne contient aucune indication qui garantit ou assure explicitement ou implicitement Rebanks qu’elle a remis sa proposition à la bonne adresse ou qui pourrait être interprétée comme ayant modifié les exigences de la DP quant à la livraison des soumissions.
  4. Le Tribunal est toujours compatissant envers les soumissionnaires dont la soumission, qui aurait peut-être été conforme dans d’autres circonstances, a été rejetée pour des erreurs, comme le fait de ne pas avoir respecté la procédure établie pour présenter une soumission. Toutefois, le Tribunal a conclu à maintes reprises que l’intégrité du système de marchés publics dépend, dans une mesure importante, de la réception en temps opportun des soumissions complètes à l’endroit précisé et selon la manière précisée dans les documents d’appel d’offres[10]. De plus, le Tribunal a précédemment conclu que de permettre à un soumissionnaire de bénéficier d’une prorogation du délai pour présenter une soumission peut être injuste pour les autres soumissionnaires, ce qui pourrait tout aussi bien donner lieu à d’autres plaintes devant le Tribunal[11]. Par conséquent, le Tribunal conclut que TPSGC a agi raisonnablement en ne permettant pas à Rebanks de présenter sa soumission en retard.
  5. Comme nous l’avons déjà dit, il ne s’agit pas du premier cas où un soumissionnaire voit sa soumission rejetée parce qu’il ne savait pas laquelle des deux adresses figurant sur la page couverture de l’appel d’offres était la bonne pour livrer sa soumission. Par conséquent, le Tribunal exhorte TPSGC à modifier la page couverture des DP et des autres marchés publics pour minimiser le risque que de telles erreurs ne se reproduisent. Par exemple, l’adresse de livraison des soumissions pourrait être déplacée à un endroit plus visible sur la page couverture, ou TPSGC pourrait indiquer clairement que l’adresse de « Destination » n’est pas l’adresse de livraison de la soumission.

DÉCISION

  1. Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal décide de ne pas enquêter sur la plainte.
 

[1].      L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.) [Loi sur le TCCE].

[2].      D.O.R.S./93-602 [Règlement].

[3].      Paragraphe 7(1) du Règlement.

[4].      Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis d’Amérique et le gouvernement des États-Unis du Mexique, 17 décembre 1992, R.T.C. 1994, no 2, en ligne : le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-... (entré en vigueur le 1er janvier 1994) [ALÉNA].

[5].      Accord révisé sur les marchés publics, en ligne : Organisation mondiale du commerce <http://www.wto.org/‌french/docs_f/legal_f/rev-gpr-94_01_f.htm> (entré en vigueur le 6 avril 2014) [AMP].

[6].      Article 6 du Règlement.

[9].      Dans sa plainte, Rebanks a admis qu’elle a peut-être été « négligente » [traduction] dans la vérification de l’adresse d’envoi des soumissions. Plainte à la p. 13.

[10].    Promaxis Systems Inc. (11 janvier 2006), PR-2005-045 (TCCE) (problèmes avec la transmission par télécopieur); GHK Group (4 septembre 2007), PR-2007-031 (TCCE) (livraison de la soumission à l’Agence canadienne de développement international [ACDI], l’autorité technique, plutôt qu’à TPSGC, qui a passé le marché public au nom de l’ACDI); Corbel Management Corp. (25 mai 2009), PR-2009-009 (TCCE) [Corbel] (un accident de voiture a retardé la livraison de la soumission); Ex Libris (USA) Inc. (27 juillet 2009), PR-2009-034 (TCCE) (livraison de la soumission après la date de clôture); PA Consulting Group (20 septembre 2011), PR-2011-030 (TCCE) (livraison de la soumission à l’adresse du bénéficiaire des services plutôt qu’à l’adresse de TPSGC); Headwall Photonics, Inc. (25 septembre 2012), PR-2012-017 (TCCE) (aucune preuve que le retard dans la réception de la soumission est attribuable au service de l’expédition et de la réception de TPSGC); Falcon Environmental Services Inc. (13 mai 2015), PR-2014-061 (TCCE) (livraison de la soumission à l’adresse du bénéficiaire des services plutôt qu’à l’adresse de TPSGC); Wheel Systems International, Inc. (15 décembre 2015), PR-2015-044 (TCCE) (livraison de la soumission au mauvais numéro de télécopieur); Keller Equipment Supply Ltd. (20 octobre 2016), PR-2016-038 (TCCE) (malentendu concernant la possibilité de livrer la soumission par voie électronique; livraison de la soumission papier 14 minutes après l’heure limite).

[11].    Corbel au par. 18.