FRANCIS H.V.A.C. SERVICES LTD.

FRANCIS H.V.A.C. SERVICES LTD.
c.
MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX
Dossier no PR-2016-003

Décision et motifs rendus
le vendredi 2 septembre 2016

TABLE DES MATIÈRES

 

EU ÉGARD À une plainte déposée par Francis H.V.A.C. Services Ltd. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.);

ET À LA SUITE D’une décision d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

ENTRE

FRANCIS H.V.A.C. SERVICES LTD. Partie plaignante

ET

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX Institution fédérale

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte n’est pas fondée.

Chaque partie assumera ses propres frais en ce qui concerne la présente procédure.

Ann Penner
Ann Penner
Membre présidant

Membre du Tribunal : Ann Penner, membre présidant

Conseillers juridiques pour le Tribunal : Peter Jarosz
Jessica Spina

Agent principal du greffe : Julie Lescom

Partie plaignante : Francis H.V.A.C. Services Ltd.

Conseiller juridique pour la partie plaignante : Paul K. Lepsoe

Institution fédérale : ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

Conseillers juridiques pour l’institution fédérale : Kathleen McManus
Susan D. Clarke
Ian G. McLeod
Roy Chamoun

Partie intervenante : Modern Niagara Ottawa Inc.

Conseiller juridique pour la partie intervenante : Nigel McCready

Veuillez adresser toutes les communications au :

Greffier
Secrétariat du Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario) K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

EXPOSÉ DES MOTIFS

  1. Le 25 avril 2016, Francis H.V.A.C. Services Ltd. (Francis) a déposé une plainte auprès du Tribunal canadien de commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur[1] concernant une demande de propositions (DP) (invitation no EJ196‑162173/A), publiée par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux[2] (TPSGC), pour la prestation de services d’entretien de systèmes de chauffage, de ventilation, de climatisation, de réfrigération commerciale et de chaudières au Polygone de Connaught du ministère de la Défense nationale, à Ottawa (Ontario).
  2. Le Tribunal a décidé d’enquêter sur la plainte le 26 avril 2016, car elle satisfaisait aux exigences du paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et aux conditions énoncées au paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics[3].
  3. Le Tribunal a mené une enquête afin de déterminer la validité de la plainte conformément aux articles 30.13 à 30.15 de la Loi sur le TCCE.
  4. Pour les motifs qui suivent, le Tribunal conclut que la plainte n’est pas fondée et que chaque partie assumera ses propres frais.

RÉSUMÉ DE LA PLAINTE

  1. Francis a fait valoir dans sa plainte que la soumission retenue, de Modern Niagara Building Services (MNBS), ne respectait pas les exigences en matière de sécurité de la DP à la date de clôture de l’appel d’offres. Plus précisément, elle soutient que MNBS ne détenait pas une attestation de sécurité d’installation de niveau « secret ».
  2. De plus, Francis a affirmé qu’en procédant à une nouvelle évaluation de l’état de l’attestation de sécurité, TPSGC a irrégulièrement permis à MNBS de modifier sa soumission. Selon Francis, l’état de l’attestation de sécurité était incertain parce que MNBS était une entreprise enregistrée sous le nom de Modern Niagara Ottawa Inc. (MNO), société qui a fusionné avec diverses autres entités en janvier 2016[4].
  3. Francis a aussi fait valoir que MNBS n’était pas habilitée à présenter une soumission parce que MNBS était un nom commercial enregistré et non une dénomination sociale, et que l’enregistrement de MNBS n’était pas postérieur à la constitution de l’entité issue de la fusion.
  4. Dans sa réponse au rapport de l’institution fédérale (RIF), Francis a renchéri sur ses allégations de modification de la soumission en ajoutant que MNBS avait irrégulièrement présenté une version révisée et non signée de sa soumission financière après la date de clôture de l’appel d’offres.

CONTEXTE

  1. TPSGC a publié la DP le 5 février 2016[5]. Francis et MNBS ont présenté des soumissions avant le 21 mars 2016, date de clôture de l’appel d’offres.
  2. Le 7 avril 2016, TPSGC a informé Francis qu’elle était le soumissionnaire retenue.
  3. Le même jour, TPSGC a informé MNBS que Francis était le soumissionnaire retenu et que sa soumission n’était pas conforme à la DP. Immédiatement après avoir reçu cette nouvelle, un représentant de MNO a alors contacté TPSGC pour contester le résultat de l’invitation et affirmer que MNBS avait bel et bien satisfait aux exigences de la DP.
  4. TPSGC a entrepris une nouvelle évaluation de la soumission de MNBS à la lumière de ces affirmations en demandant à la Direction de la sécurité industrielle canadienne (DSIC) de réexaminer la question de l’attestation de sécurité. La DSIC lui a répondu que MNBS avait effectivement l’attestation requise.
  5. Le 11 avril 2016, TPSGC a informé Francis que le contrat lui avait été erronément octroyé et que sa soumission n’était pas la moins-disante, mais plutôt la deuxième moins-disante. TPSGC a donc proposé à Francis qu’ils mettent fin au contrat par consentement mutuel, proposition que Francis a rejetée. TPSGC a procédé à l’annulation du contrat ce même jour, à 23 h 59. Dans sa lettre d’annulation, TPSGC a invité Francis à lui présenter une demande pour les frais raisonnablement engagés liés à l’annulation du contrat[6].
  6. Le 13 avril 2016, TPSGC a conclu sa nouvelle évaluation de la soumission de MNBS et a accordé à cette entreprise le contrat sur ce fondement.
  7. Le 25 avril 2016, Francis a déposé sa plainte auprès du Tribunal. Le 27 avril 2016, le Tribunal a informé les parties qu’il avait accepté d’enquêter sur la plainte.
  8. Le 20 mai 2016, MNO a demandé qu’on lui accorde la qualité de partie intervenante, demande à laquelle le Tribunal a accédé le 25 mai 2016.
  9. TPSGC a présenté le RIF le 24 mai 2016 et MNO a présenté ses observations le 31 mai 2016. Francis a répondu au RIF le 13 juin 2016.
  10. Le 15 juin 2016, le Tribunal a demandé à MNO et TPSGC de lui soumettre de nouvelles observations au sujet des points soulevés par Francis dans sa réponse au RIF[7]. Elles ont été déposées respectivement les 7 et 11 juillet 2016.
  11. Le 22 juillet 2016, Francis a présenté des commentaires additionnels au sujet du RIF de TPSGC et des observations de MNO.
  12. Les renseignements au dossier étant suffisants pour déterminer le bien-fondé de la plainte, le Tribunal a décidé qu’une audience n’était pas nécessaire et a statué sur la plainte sur la foi des documents écrits versés au dossier.

DISPOSITIONS PERTINENTES DE LA DP

  1. La plainte porte essentiellement sur l’exigence obligatoire selon laquelle les soumissionnaires devaient détenir une attestation de sécurité de niveau « secret » à la date de clôture de l’appel d’offres. Par conséquent, les dispositions pertinentes de la DP sont les clauses 6.1 et 7.3, lesquelles prévoient ce qui suit :

6.1 Exigences relatives à la sécurité

1. À la date de clôture des soumissions, les conditions suivantes doivent être respectées :

a) le soumissionnaire doit détenir une attestation de sécurité d’organisme valable tel qu’indiqué à la Partie 7 – Clauses du contrat subséquent;

b) les individus proposés par le soumissionnaire et qui doivent avoir accès à des renseignements ou à des biens de nature protégée ou classifiée ou à des établissements de travail dont l’accès est réglementé doivent posséder une attestation de sécurité tel qu’indiqué à la Partie 7 – Clauses du contrat subséquent;

c) le soumissionnaire doit fournir le nom de tous les individus qui devront avoir accès à des renseignements ou à des biens de nature protégée ou classifiée ou à des établissements de travail dont l’accès est réglementé;

[...]

7.3 Exigences relatives à la sécurité

7.3.1 Les exigences relatives à la sécurité suivantes (LVERS et clauses connexes) s’appliquent à et font partie intégrante du contrat.

1. L’entrepreneur ou l’offrant doit détenir en permanence, pendant l’exécution du contrat ou de l’offre à commandes, une cote de sécurité d’installation valable au niveau SECRET, délivrée par la Direction de la sécurité industrielle canadienne (DSIC) de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC).

2. Les membres du personnel de l’entrepreneur ou de l’offrant devant avoir accès à des établissements de travail dont l’accès est réglementé, doivent TOUS détenir une cote de sécurité du personnel valable au niveau SECRET, délivrée ou approuvée par la DSIC de TPSGC.

3. Les contrats de sous-traitance comportant des exigences relatives à la sécurité NE doivent pas être attribués sans l’autorisation écrite préalable de la DSIC de TPSGC.

4. L’entrepreneur ou l’offrant doit respecter les dispositions :

a) de la Liste de vérification des exigences relatives à la sécurité et directive de sécurité (s’il y a lieu), reproduite ci-joint à l’Annexe B

b) du Manuel de la sécurité industrielle (dernière édition).

[Caractères gras et italiques dans l’original, traduction]

ANALYSE

  1. La présente plainte soulève deux questions : le caractère raisonnable de la nouvelle évaluation de la soumission de MNBS par TPSGC (à savoir les mesures prises par TPSGC pour conclure que la soumission de MNBS était effectivement la proposition conforme la plus basse) et la conformité de la nouvelle évaluation aux dispositions pertinentes des accords commerciaux applicables. Si le Tribunal juge que la nouvelle évaluation de TPSGC était raisonnable et respectait ces accords commerciaux, il doit conclure que la plainte n’est pas bien fondée.
  2. Pour examiner le caractère raisonnable des évaluations des soumissions, le Tribunal fait invariablement preuve d’une grande déférence à l’égard des évaluateurs. Il a déclaré qu’une décision d’une entité publique sera jugée raisonnable :

30. [...] si elle se fonde sur une explication défendable, même si elle n’est pas convaincante aux yeux du Tribunal.

31. Le Tribunal a aussi clairement indiqué qu’il conclurait qu’une évaluation est déraisonnable et substituerait son jugement à celui des évaluateurs si ceux-ci ne se sont pas appliqués à bien évaluer la proposition d’un soumissionnaire, n’ont pas tenu compte de renseignements d’importance cruciale contenus dans une soumission, ont mal interprété la portée d’une exigence, ont fondé leur évaluation sur des critères non divulgués ou n’ont pas, pour une autre raison, procédé à une évaluation équitable sur le plan de la procédure[8].

[Nos italiques, notes omises]

  1. Pour déterminer le caractère raisonnable de la nouvelle évaluation de la soumission de MNBS par TPSGC, et par conséquent le bien-fondé de la plainte de Francis, le Tribunal examinera les questions suivantes : (1) est-ce que MNBS était un fournisseur potentiel? (2) MNBS détenait-elle l’attestation de sécurité requise à la date de clôture de l’appel d’offres? (3) MNBS a-t-elle, de façon inadmissible, modifié sa soumission? Cet examen sera effectué au regard des dispositions pertinentes des accords commerciaux applicables.

Est-ce que MNBS était un fournisseur potentiel?

  1. Dans sa plainte, Francis a soutenu que MNBS n’avait pas la qualité requise pour présenter une soumission, étant donné que MNBS était simplement un nom commercial enregistré, et non une personne morale.
  2. Selon les éléments de preuve produits par Francis, MNBS était un nom commercial enregistré de MNO (société ontarienne no 1847249) avant sa fusion dans la nouvelle entité le 1er janvier 2016. Cette nouvelle entité, société ontarienne no 1942170, était aussi constituée en société sous le nom MNO. Toutefois, le nom commercial MNBS n’a pas été enregistré à l’égard de MNO à la suite de la fusion du 1er janvier 2016. Comme MNO a présenté sa soumission sous le nom de MNBS, MNO a, aux dires de Francis, recouru pour sa soumission à un nom commercial qui n’était plus légalement enregistré[9]. Par conséquent, Francis a affirmé que MNBS ne pouvait pas régulièrement présenter une soumission.
  3. L’argument de Francis soulève la question de savoir si MNBS était effectivement, conformément à l’article 30.11 de la Loi sur le TCCE, un « fournisseur potentiel » lorsqu’elle a présenté sa soumission. Cet article indique que « [t]out fournisseur potentiel peut [...] déposer une plainte auprès du Tribunal concernant la procédure des marchés publics suivie relativement à un contrat spécifique et lui demander d’enquêter sur cette plainte ». L’article 30.1 définit le « fournisseur potentiel » comme « [...] tout soumissionnaire – même potentiel – d’un contrat spécifique »[10].
  4. Le Tribunal a invariablement conclu que les fournisseurs potentiels doivent être en mesure de satisfaire aux conditions du contrat[11]. En l’espèce, aucun élément de preuve n’a été déposé pour démontrer que l’enregistrement du nom commercial de MNO en vertu de la Loi sur les Noms commerciaux portait atteinte à son habilité à fournir les services demandés.
  5. De plus, l’absence d’enregistrement du nom commercial ne causait aucune incertitude quant à l’identité du soumissionnaire et n’était contraire à aucune exigence de la DP. Le dossier du Tribunal indique que TPSGC a accepté que le nom commercial « MNBS » renvoyait au soumissionnaire MNO.
  6. À cet égard, les questions soulevées au sujet du défaut d’enregistrement du nom commercial en cause sont avant tout des questions de droit privé des contrats qui doivent être résolues entre l’entité responsable du marché public et le soumissionnaire. Par ailleurs, le Tribunal fait remarquer que la société MNO qui a résulté de la fusion a conservé tous les droits de chacune de ses entités constituantes[12], y compris ceux de MNO (société ontarienne no 1847249) et le nom commercial MNBS. Ces questions n’ont donc aucune incidence sur la qualité de MNBS à titre de fournisseur potentiel au sens de la Loi sur le TCCE ou des accords commerciaux applicables[13]. Par conséquent, le Tribunal conclut que MNBS était un fournisseur potentiel lorsqu’elle a présenté sa soumission.

MNBS détenait-elle l’attestation de sécurité requise à la date de clôture de l’appel d’offres?

  1. Le Tribunal examinera maintenant la question de savoir si MNBS détenait l’attestation de sécurité nécessaire pour satisfaire aux conditions de la DP à la date de clôture de l’appel d’offres.
  2. Francis a affirmé que l’attestation de sécurité est propre à une société en particulier et que TPSGC n’avait présenté aucune documentation à l’appui de sa conclusion selon laquelle, après la fusion, MNBS et MNO (société ontarienne no 1942170) avaient l’attestation de sécurité requise[14].
  3. En réponse, TPSGC a déclaré que MNO détenait au contraire l’attestation de sécurité requise et que la DSIC avait tenu compte de la fusion pour parvenir à sa conclusion. À l’appui de cette affirmation, TPSGC a produit les statuts de fusion de MNO fournis à la DSIC ainsi qu’une copie du certificat d’attestation de sécurité de MNO.
  4. TPSGC a reconnu que son équipe qui était chargée de l’évaluation a commis une erreur dans son évaluation initiale de la soumission de MNBS. Toutefois, lors de la nouvelle évaluation, la DSIC a assuré TPSGC que MNO avait effectivement l’attestation de sécurité requise.
  5. Le Tribunal ne voit aucune raison de conclure que l’attestation de sécurité accordée à MNO ne visait pas expressément la société ontarienne no 1942170. TPSGC et la DSIC étaient au courant de la fusion de la société remplacée (la société ontarienne no 1847249), et ont tenu compte de ce renseignement pour accorder l’attestation de sécurité à la société MNO issue de la fusion (la société ontarienne no 1942170).
  6. Par conséquent, le Tribunal conclut que TPSGC s’est acquitté de façon raisonnable de ses obligations aux termes des accords commerciaux en concluant que MNO détenait bel et bien l’attestation de sécurité requise. Les évaluateurs ont corrigé leurs erreurs initiales, se sont appliqués et ont tenu compte de renseignements d’importance.

MNBS a-t-elle, de façon inadmissible, modifié sa soumission?

  1. Le Tribunal examinera maintenant les allégations de Francis selon lesquelles TPSGC avait irrégulièrement permis à MNBS de modifier deux volets de sa soumission : 1) l’attestation de sécurité et 2) la soumission financière. Le Tribunal les examinera à tour de rôle.

Attestation de sécurité

  1. Selon Francis, le certificat d’attestation de sécurité soumis par MNO après l’octroi du contrat à Francis était invalide et ne devrait pas modifier les résultats du processus de demande de soumissions.
  2. TPSGC a affirmé que la conclusion initiale des évaluateurs, selon laquelle MNBS ne détenait pas une attestation de sécurité de niveau « secret », reposait sur des renseignements erronés reçus de la DSIC. Après qu’il eut pris conscience de cette erreur et que les renseignements relatifs à cette attestation de sécurité de MNO eurent été confirmés, TPSGC l’a corrigée et a conclu que MNBS avait présenté la soumission conforme la moins-disante.
  3. Le Tribunal a constamment appliqué les dispositions des accords commerciaux qui exigent que les organismes publics s’assurent que les contrats octroyés respectent les conditions énoncées dans les documents d’appel d’offres. Le Tribunal a aussi déclaré que, dès qu’elle découvre des erreurs dans le processus d’évaluation, l’autorité contractante doit prendre les mesures appropriées pour « corriger de telles erreurs [...] »[15].
  4. Aux termes de la Partie 7, « Clauses du contrat subséquent » de la DP, les soumissionnaires ne sont pas tenus de présenter une preuve qu’ils respectent les exigences en matière de sécurité. La clause 7.3.1 stipule plutôt ce qui suit : « 1. L’entrepreneur ou l’offrant doit détenir en permanence, pendant l’exécution du contrat ou de l’offre à commandes, une cote de sécurité d’installation valable [...] »[16] [traduction]. Le soumissionnaire devait s’assurer qu’il détenait une attestation de sécurité, ce qui était le cas pour MNO. Il incombait à TPSGC de confirmer auprès de la DSIC si les soumissionnaires, et notamment MNBS, satisfaisaient à cette exigence.
  5. La clause 4.2 de la DP stipule que « [...] [l]a soumission recevable avec le prix évalué le plus bas sera recommandée pour attribution d’un contrat » [traduction].
  6. Dès la découverte de l’erreur concernant l’attestation de sécurité, MNBS devenait le soumissionnaire retenu qui avait le prix évalué le moins-disant. Dans ces circonstances, s’il avait poursuivi sa relation contractuelle avec Francis, TPSGC aurait sciemment contrevenu à la clause 4.2 de la DP et violé les accords commerciaux applicables.
  7. Par conséquent, étant donné que MNBS avait présenté la soumission conforme la moins-disante et qu’elle avait bel et bien l’attestation de sécurité requise, TPSGC avait l’obligation de corriger son erreur en annulant le contrat octroyé à Francis et en concluant un contrat avec MNO. La situation est malheureuse pour Francis, mais il s’agit du résultat de la nouvelle évaluation entreprise à l’initiative de TPSGC et effectuée par TPSGC. Il ne s’agit donc pas d’une modification d’une soumission.
  8. Compte tenu des éléments de preuve dont il dispose, le Tribunal conclut que TPSGC a agi de façon raisonnable en réévaluant l’état de l’attestation de sécurité de MNBS, en mettant fin au contrat initialement octroyé à Francis et en l’attribuant par la suite à MNO.

Soumission financière

  1. Dans sa réponse au RIF et aux observations de MNO, Francis a fait valoir que MNBS avait modifié sa soumission en produisant une version révisée de sa soumission financière après la date de clôture de l’appel d’offres.
  2. Dans ses observations, TPSGC a expliqué que la soumission de MNBS contenait des erreurs de calcul arithmétique et qu’il les avait corrigées lors de son évaluation de la soumission pour que les sous‑totaux révisés correspondent au total qui était correct. TPSGC a ensuite demandé à MNBS de confirmer les corrections.
  3. Sur le fondement des éléments de preuve qui lui ont été présentés, le Tribunal conclut que MNBS n’a pas modifié sa soumission en confirmant les corrections apportées par TPSGC. Toutes les corrections apportées à la soumission financière ont été faites à l’initiative de TPSGC et non de MNBS.
  4. Le Tribunal a toujours soutenu que les autorités contractantes peuvent demander des éclaircissements sur la teneur d’une soumission[17] et que celles-ci doivent viser à obtenir une meilleure compréhension de la teneur de la soumission, telle qu’elle a été présentée. Par conséquent, les autorités contractantes ne peuvent tenir compte de nouveaux renseignements portant sur le fond d’une soumission après sa présentation[18].
  5. En l’espèce, TPSGC a demandé à MNBS de clarifier et de confirmer des renseignements pour parvenir à une meilleure compréhension de la teneur de la soumission. TPSGC n’a par conséquent pas examiné de nouveaux renseignements qui ne figuraient pas initialement dans la soumission. TPSGC a plutôt demandé à MNBS de confirmer que la soumission contenait des erreurs de calcul et que les corrections qu’il avait apportées étaient correctes.
  6. Francis a aussi contesté la validité de la soumission de MNBS au motif que les calculs que celle-ci avait renvoyés à TPSGC le 5 avril 2016 n’étaient pas signés. Le Tribunal estime que les révisions soumises par MNBS ne nécessitaient pas de signature. Il est vrai que la DP exigeait péremptoirement la signature du représentant autorisé du soumissionnaire, mais les révisions soumises ne constituaient pas une nouvelle soumission ni une soumission complète. Elles ne faisaient que confirmer les corrections apportées par TPSGC à certaines parties de la soumission financière déjà signée et présentée par MNBS avant la date de clôture de l’appel d’offres.

Résumé

  1. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que la nouvelle évaluation effectuée par TPSGC était raisonnable et respectait les accords commerciaux applicables. Par conséquent, la plainte n’est pas fondée.

FRAIS

  1. Dans la plupart des cas, le Tribunal accorde des frais à la partie qui a gain de cause conformément à la Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure de plainte portant sur un marché public. Toutefois, en l’espèce, conformément au pouvoir discrétionnaire qui lui est dévolu en sa qualité de cour d’archive maître de sa procédure quant à l’octroi ou non des frais, le Tribunal n’adjugera pas à TPSGC les frais engagés pour répondre à la plainte.
  2. La présente affaire ne présente pas une situation typique qui justifie l’adjudication des frais à la partie qui a gain de cause pour les trois raisons expliquées ci-après.
  3. Premièrement, la présente affaire découle d’une erreur commise par TPSGC lors de la vérification de l’attestation de sécurité du soumissionnaire retenu. TPSGC a reconnu et corrigé cette erreur, mais ses communications subséquentes avec Francis étaient manifestement insuffisantes pour expliquer ses actions et la nouvelle attribution du contrat à MNO. Ces communications déficientes ont, de façon compréhensible, incité Francis à porter plainte.
  4. Deuxièmement, le Tribunal note que TPSGC a invité Francis à lui présenter une demande pour les frais raisonnablement engagés liés à l’annulation du contrat même si TPSGC avait le droit d’annuler le contrat[19].
  5. Troisièmement, TPSGC n’a déposé les documents complémentaires pertinents de la correspondance avec MNO et des documents explicatifs étoffés que dans le cadre de ses dernières observations, le 11 juillet 2016, après que Francis eut fait remarquer, dans sa réponse au RIF, que la documentation était lacunaire et après que le Tribunal lui eut expressément demandé d’y remédier avant de déposer son RIF (pour que TPSGC honore son obligation préexistante en matière de divulgation). En outre, TPSGC n’a pas répondu à des arguments importants soulevés par Francis même si le Tribunal l’a invité à le faire. Tout cela a indûment prolongé et compliqué la procédure, et ce, sans faute de Francis.
  6. À la lumière de ces circonstances, TPSGC n’a pas droit à ses frais.

DÉCISION DU TRIBUNAL

  1. Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal détermine que la plainte n’est pas fondée.
  2. Chaque partie assumera ses propres frais en ce qui concerne la présente procédure.
 

[1].      L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.) [Loi sur le TCCE].

[2].      Le 4 novembre 2015, le gouvernement du Canada a annoncé que le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux changerait de nom pour devenir Services publics et Approvisionnement Canada.

[3].      D.O.R.S./93-602 [Règlement].

[4].      Le nom de la nouvelle entité est resté Modern Niagara Ottawa Inc. À moins d’indication contraire, tous les renvois à MNO visent la société issue de la fusion.

[5].      Au cours de la période d’appel d’offres, TPSGC a apporté quatre modifications à la DP en réponse à des questions d’éventuels soumissionnaires. Aucune de ces modifications n’était pertinente quant aux questions qui faisaient l’objet de l’enquête.

[6].      Pièce PR-2016-003-10A (protégé), pièce 12, vol. 2.

[7].      Pièce PR-2016-003-21, vol. 1A. Ces points avaient trait à la qualité de MNBS/MNO et à la question de son habilité à présenter une soumission valide dans le cadre de la procédure de passation du marché public.

[8].      CAE Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (26 août 2014), PR-2014-007 (TCCE).

[9].      Francis s’est fondé sur le paragraphe 2(1) de la Loi sur les Noms commerciaux, L.R.O. 1990, ch. B.17, qui dispose qu’« [a]ucune personne morale ne doit exploiter une entreprise ni s’identifier publiquement sous un nom autre que sa dénomination sociale, sauf si elle a également enregistré ce nom ».

[10].    Les définitions reprennent la teneur des dispositions des accords commerciaux. Par exemple, l’article 1025.1 de l’Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis d’Amérique et le gouvernement des États-Unis du Mexique, 17 décembre 1992, R.T.C. 1994, no 2, en ligne : Affaires mondiales Canada  <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-... (entré en vigueur le 1er janvier 1994), définit le fournisseur comme étant « [...] une personne qui a fourni ou pourrait fournir des produits ou des services en réponse à un appel d’offres émis par une entité ».

[11].    Flag Connection Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (3 septembre 2009), PR‑2009-026 (TCCE) au par. 21.

[12].    R. c. Black & Decker Manufacturing Co., [1975] 1 RCS 411 à la p. 422, 1974 CanLII 15 (CSC).

[13].    Tel que souligné plus loin, la conclusion selon laquelle MNBS était un fournisseur potentiel signifie qu’après avoir découvert que son évaluation initiale était erronée, TPSGC avait l’obligation d’effectuer une nouvelle évaluation de la soumission de MNBS. MNBS avait droit à une telle nouvelle évaluation en vertu des accords commerciaux pertinents.

[14].    Pièce PR-2016-003-21 à la p. 7, vol. 1A; pièce PR-2016-003-38 à la p. 6, vol. 1A. Nul ne conteste que MNBS détenait l’attestation de sécurité du niveau requis avant la fusion.

[15].    Madsen Power Systems Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (29 avril 2016), PR-2015-047 (TCCE) au par. 64.

[16].    Pièce PR-2016-003-01 à la p. 50, vol. 1.

[17].    Comme l’a indiqué le Tribunal dans la décision Bell Canada (26 septembre 2011), PR-2011-031 (TCCE) au par. 36, « [...] une entité acheteuse peut, dans certaines circonstances, chercher à obtenir des éclaircissements sur un aspect particulier d’une proposition, mais, de façon générale, elle n’est aucunement tenue de le faire ».

[18].    Survival Systems Training Limited c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (3 septembre 2015), PR-2015-010 (TCCE) au par. 31.

[19].    Comme nous l’avons vu, cette proposition était faite dans la lettre de TPSGC, en date du 11 avril 2016, envoyée à Francis. Pièce PR-2016-003-10A (protégé), pièce 12, vol. 2.