L.P. ROYER INC.

L.P. ROYER INC.
c.
MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX
Dossier no PR-2016-030

Décision rendue
le mardi 10 janvier 2017

Motifs rendus
le mercredi 25 janvier 2017

TABLE DES MATIÈRES

 

EU ÉGARD À une plainte déposée par L.P. Royer Inc. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.);

ET À LA SUITE D’une décision d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

ENTRE

L.P. ROYER INC. Partie plaignante

ET

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX Institution fédérale

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte est fondée.

Aux termes des paragraphes 30.15(2) et 30.15(3) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur recommande, à titre de mesure corrective, que le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux dédommage L.P. Royer Inc. pour perte de profits raisonnables sur chaque paire de mukluks livrée au ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux par AirBoss Produits d’Ingénierie Inc. en vertu du contrat actuel, et ce, jusqu’à la fin des livraisons par AirBoss Produits d’Ingénierie Inc.

Si le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux décide de résilier le contrat actuel avec AirBoss Produits d’Ingénierie Inc., un nouveau contrat pour la fourniture de mukluks équivalent au reste de mukluks au contrat avec AirBoss Produits d’Ingénierie Inc. non encore livrées au ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux doit être octroyé à L.P. Royer Inc. si le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux a toujours un besoin à combler à cet égard. Pour ce qui est de la résiliation du contrat actuel, le Tribunal canadien du commerce extérieur laisse au ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux le soin d’en déterminer la faisabilité eu égard aux conséquences que pourrait entrainer, entre autres, un stock de deux modèles de mukluks en provenance de deux fournisseurs.

Si le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux décide qu’il a comblé ses besoins en mukluks sans avoir à s’approvisionner auprès de L.P. Royer Inc. pour un nombre de mukluks non encore livrées par AirBoss Produits d’Ingénierie Inc., L.P. Royer Inc. aura droit au remboursement des frais raisonnables encourus pour la préparation de sa soumission au prorata du nombre de mukluks non encore livrées au contrat avec AirBoss Produits d’Ingénierie Inc. par rapport au nombre total de mukluks initialement prévues à ce contrat, sans tenir compte de la période d’option.

Au surplus, le Tribunal canadien du commerce extérieur recommande que l’option de prolongation de contrat ne soit pas exercée, à moins qu’un nouveau contrat ne soit établi avec L.P. Royer Inc. pour la période d’option.

Le Tribunal canadien du commerce extérieur demande aux parties de s’entendre sur la suite des choses, de négocier le montant de l’indemnité et de lui faire rapport des résultats de cette négociation dans les 30 jours suivant la publication de l’énoncé des motifs. Si les parties n’arrivent pas à s’entendre, le Tribunal canadien du commerce extérieur leur demandera de déposer des observations supplémentaires sur le montant de l’indemnité, à 15 jours d’intervalle, à commencer par L.P. Royer Inc., et se réserve le droit d’établir toute indemnité additionnelle qu’il jugera nécessaire après le dépôt des observations des parties. Le Tribunal canadien du commerce extérieur se réserve également le droit d’établir le montant final de l’indemnité à verser à L.P. Royer Inc. Le Tribunal canadien du commerce extérieur est disposé à faciliter une entente entre les parties si elles lui en font une demande conjointe.

Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur accorde à L.P. Royer Inc. le remboursement des frais raisonnables encourus pour la préparation de sa plainte et l’engagement de la procédure, ces frais devant être payés par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux. Conformément à la Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine provisoirement que le degré de complexité de la plainte correspond au degré 1 et que le montant de l’indemnité est de 1 150 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui concerne la détermination provisoire du degré de complexité ou du montant de l’indemnité, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur conformément à l’article 4.2 de la Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public. Il relève de la compétence du Tribunal canadien du commerce extérieur de fixer le montant définitif de l’indemnité.

Jason W. Downey
Jason W. Downey
Membre présidant

L’exposé des motifs suivra à une date ultérieure.

Membre du Tribunal : Jason W. Downey, membre présidant

Personnel de soutien : Eric Wildhaber, conseiller juridique
Stéphanie Desjardins, stagiaire en droit

Partie plaignante : L.P. Royer Inc.

Conseiller juridique pour la partie plaignante : Dominique Gilbert

Institution fédérale : ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

Conseillers juridiques pour l’institution fédérale : Mélyne Félix
Benoît de Champlain

Veuillez adresser toutes les communications au :

Greffier
Secrétariat du Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario) K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

EXPOSÉ DES MOTIFS

SOMMAIRE

  1. Le 26 août 2016, L.P. Royer Inc. (Royer) a déposé une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur[1] concernant une demande de propositions (DP) (invitation no W8486-151946/A) publiée par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) au nom du ministère de la Défense nationale (MDN). La DP portait sur l’achat de bottes Mukluk (mukluks) et de certaines composantes pour les militaires des Forces armées canadiennes pour temps froid extrême, c’est-à-dire entre 0 et -51 degrés Celsius.
  2. Royer allègue que TPSGC a incorrectement conclu que son modèle de mukluks ne satisfaisait pas aux critères obligatoires de la DP.
  3. TPSGC a rejeté la soumission de Royer en invoquant les deux motifs suivants : (1) TPSGC était d’avis que les mukluks de Royer n’ont pas résisté aux conditions sur le terrain et (2) que les mukluks n’étaient pas prêtes pour être produites en masse.
  4. Royer allègue pour sa part que l’évaluation de ses mukluks ne s’est pas faite suivant les critères énoncés dans la DP et qu’elles étaient bel et bien prêtes pour être produites en masse.
  5. TPSGC se défend en alléguant que Royer a ultérieurement voulu remplacer le modèle de mukluks soumis dans sa proposition par un modèle amélioré. TPSGC allègue également qu’il a dû mettre fin à l’évaluation des mukluks de Royer puisqu’elles ne résistaient pas aux « conditions extrêmes » décrites dans la DP.
  6. À titre de mesure corrective, Royer demande que le contrat adjugé aux termes de la DP soit annulé et que le contrat spécifique lui soit accordé. Subsidiairement, Royer demande que les soumissions présentées dans le cadre de l’invitation soient réévaluées ou qu’un nouvel appel d’offres soit lancé. Royer demande qu’une indemnité lui soit versée pour perte de profits et le remboursement des frais liés à la préparation de sa soumission et de sa plainte.
  7. Pour les motifs ci-dessous, le Tribunal conclut que la plainte est fondée. TPSGC n’a pas adjugé le contrat spécifique suivant les critères énoncés à la DP. Ce faisant, TPSGC a appliqué un critère non énoncé dans la DP et a ainsi agi sans justification.

HISTORIQUE DE LA PLAINTE

  1. Le 26 août 2016, Royer a déposé sa plainte auprès du Tribunal.
  2. Le 6 septembre 2016, le Tribunal a informé les parties qu’il avait décidé d’enquêter sur la plainte puisqu’elle satisfait aux exigences du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE et aux conditions énoncées au paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics[2].
  3. Le 21 septembre 2016, AirBoss Produits d’Ingénierie Inc. (AirBoss Defense) a demandé le statut d’intervenante, ce que le Tribunal lui a accordé le 28 septembre 2016.
  4. Le 30 septembre 2016, AirBoss Defense a demandé au Tribunal une copie du rapport d’évaluation de Royer (pièce accompagnant la pièce P-13 de la plainte). Vu le caractère confidentiel de la pièce, AirBoss Defense a subséquemment retiré sa demande. Autrement, l’intervention d’AirBoss Defense s’est limitée à de brèves remarques pour indiquer son accord avec les positions avancées par TPSGC.
  5. Le 26 septembre 2016, TPSGC a demandé au Tribunal de lui accorder jusqu’au 11 octobre 2016 pour déposer son Rapport de l’institution fédérale (RIF). Le Tribunal a acquiescé à la demande le 28 septembre 2016 et a informé les parties que la procédure prolongée de 135 jours serait appliquée à l’enquête, en conformité avec le paragraphe 12c) du Règlement.
  6. Le 11 octobre 2016, TPSGC a déposé son RIF.
  7. Le 14 octobre 2016, AirBoss Defense a déposé ses observations.
  8. Le 14 novembre 2016, Royer a déposé ses observations sur le RIF.
  9. Le 22 novembre 2016, TPSGC a avisé qu’il ne déposerait pas d’observations additionnelles mais a souligné que les pièces P-14 et P-15 accompagnant les observations de Royer sur le RIF sont de nouveaux documents qui n’étaient pas inclus dans sa plainte.
  10. Étant donné que les renseignements versés au dossier étaient suffisants pour déterminer le bien-fondé de la plainte, le Tribunal a décidé qu’une audience n’était pas nécessaire et a statué sur la plainte sur la foi des renseignements au dossier.

DISPOSITIONS PERTINENTES DE LA DP

  1. La DP établissait la méthode de sélection comme suit :

    4.2 Méthode de sélection

    Une soumission doit satisfaire à toutes les exigences de l’invitation à soumissionner et doit rencontrer tous les critères d’évaluation techniques et financiers obligatoires pour être jugée recevable. 

    4.2.1 Contrats d’essai

    Les soumissions recevables avec le coût par point le plus faible seront recommandées pour l’attribution d’un contrat d’essai (jusqu’à un maximum de trois contrats).

    [...]

    4.2.2 Contrat principal

    Pour être déclarée recevable, une soumission doit rencontrer les critères mentionnés à l’annexe G.

    La soumission recevable avec le résultat le plus élevé dans l’évaluation par l’utilisateur sera recommandée pour l’attribution du Contrat principal.

    [...]

    [Nos italiques]

  2. L’annexe B de la DP, « Spécifications de rendement des Mukluks pour temps froid extrême améliorés (MTFEA) des Forces canadiennes », définit les critères de rendement requis pour la fabrication et la fourniture des mukluks. Spécifiquement, l’annexe B identifie des exigences de rendement comme étant soit essentielles (indiquées par le verbe « doit »), soit souhaitables (indiquées par le verbe « devrait »)[3].
  3. La décision de TPSGC de déclarer la soumission de Royer non recevable se fonde sur l’article 2.1 de l’annexe B, qui prévoyait ce qui suit :

    2. EXIGENCES DE RENDEMENT – BOTTE ENTIÈRE

    2.1 Généralités : La conception des MTFEA doit inclure des tissus et des matériaux qui font en sorte que le pied (jusqu’à la hauteur de la cheville) reste sec malgré des sources d’humidité externes. On s’attend à ce que les matériaux utilisés dans la production de ces articles respectent la norme commerciale, mais qu’ils soient modifiés, si nécessaire, pour répondre aux besoins des militaires des FC dans l’environnement d’utilisation cible des articles. On s’attend également à ce que tous les matériaux utilisés pour satisfaire aux exigences de rendement résistent aux conditions extrêmes que l’on retrouve sur le terrain, à la garnison et dans les opérations de combat menées dans le type d’environnement extrême décrit ci-après. Les matériaux devraient être sélectionnés de façon à optimiser le rendement global des bottes dans l’environnement en question, et non pour répondre précisément à un indicateur de rendement en particulier (p. ex. le poids, le confort, l’absorption d’eau, etc.). La qualité de fabrication de ces articles est censée dépasser celle des articles comparables offerts sur le marché, étant donné l’environnement d’utilisation cible. Tout modèle proposé doit être prêt à être fabriqué en série selon les méthodes habituelles de production de masse.

    [Nos italiques]

  4. La DP comportait trois phases d’évaluation. Elles seront examinées davantage plus bas, car leur organisation est importante aux fins des présentes. La troisième phase de l’évaluation a une importance capitale dans cette affaire. L’article 4.1.1.3 de la DP décrit la phase 3 de la procédure d’évaluation comme suit :

    4.1.1.3 Phase III – Évaluation par l’utilisateur

    Suivant l’octroi des contrats d’essai, l’entrepreneur doit fournir 50 paires de bottes extérieures Mukluk et 100 paires de doublure(s) amovible(s), de composante(s) de l’assise plantaire amovible(s) et de lacets de remplacement tel que spécifié dans l’annexe F et H dans un délai de 90 jours civils de la date d’entrée en vigueur du Contrat. Une évaluation technique sera complétée selon l’Annexe F sur toute la quantité de l’essai. Le fait de ne pas présenter les biens dans le délai prescrit rendra la soumission pour le contrat principal irrecevable. Les détails de l’évaluation par l’utilisateur sont inclus à l’annexe G.

    [Nos italiques]

  5. L’annexe F de la DP, « Plan d’évaluation technique préalable aux essais des mukluks pour temps froid extrême améliorés (MTFEA) » décrit la façon dont le MDN devait effectuer l’évaluation technique préalable aux essais. Spécifiquement, l’article 1.1 de l’annexe F prévoit ce qui suit :

    1.1  Plan d’évaluation. La présente annexe décrit la façon dont le ministère de la Défense nationale (MDN) effectuera l’évaluation technique préalable aux essais des mukluks pour temps froid extrême améliorés (MTFEA), c’est-à-dire l’évaluation d’échantillons physiques en ce qui concerne la qualité d’exécution et la conformité aux technologies requises mentionnées à l’annexe B. L’évaluation préalable aux essais de la qualité d’exécution et de la fabrication sera effectuée par une équipe d’experts en la matière du MDN.

    [Nos italiques]

  6. L’article 1.1 de l’annexe G de la DP, « Essai d’évaluation par l’utilisateur des mukluks pour temps froid extrême améliorés (MTFEA) », décrit la façon dont le MDN devait effectuer l’évaluation par les utilisateurs des bottes soumises comme suit :

    1.1 La présente annexe décrit la façon dont le ministère de la Défense nationale (MDN) effectuera une évaluation par l’utilisateur des bottes soumises en réponse à l’annexe B de la spécification de rendement des mukluks pour temps froid extrême améliorés (MTFEA) (DSSPM 2-3-MTFEA). L’essai d’évaluation par l’utilisateur permettra de confirmer que les systèmes proposés par les soumissionnaires satisfont aux exigences de rendement établies pour le personnel des Forces armées canadiennes.

    [Nos italiques]

  7. Ici, le Tribunal prend acte du rôle des soldats dans le processus d’évaluation des mukluks en question.
  8. L’article 1.6.3 précise les critères obligatoires afin de confirmer si les systèmes de mukluks satisfont aux critères de rendement comme suit :

    1.6.3 Pour confirmer si les systèmes de mukluks satisfont aux critères de rendement définis pour le personnel des Forces armées canadiennes, les systèmes de mukluks proposés doivent satisfaire à tous les critères suivants pour être considérés conformes :

    a. La note moyenne pour les systèmes de mukluks proposés doit être supérieure à la note moyenne attribuée aux mukluks actuellement utilisés en service;

    b. La note moyenne attribuée au système de mukluks proposé doit être égale ou supérieure à 57 % de la note maximale possible de 119 (7 points x 17 questions).

    [Nos italiques]

  9. L’article 1.3.3 de l’annexe G décrit la procédure d’évaluation par l’utilisateur comme suit :

    L’évaluation par l’utilisateur se déroulera pendant quatre semaines environ, selon le climat et le nombre de produits proposés. Les soldats auront environ une semaine pour se familiariser avec l’évaluation et participer à un entraînement en étant chaussés des mukluks utilisés en service pour bien comprendre les tâches à faire et les mesures à prendre, puis ils disposeront de trois semaines pour évaluer les mukluks proposés par les soumissionnaires.

    [Nos italiques]

  10. La version anglaise de l’article 1.3.3 de l’annexe G prévoit ce qui suit :

    The user evaluation will consist of approximately four weeks total of user evaluation, depending on weather and number of bid products received. Soldiers will be given approximately one week of evaluation familiarization and training using the in-service mukluk assembly to ensure they understand the tasks and measurements to be done, followed by up to 3 weeks of concurrent evaluation of proposed mukluk assemblies.

    [Nos italiques, traduction]

  11. L’article 1.4.5 de l’annexe G précise les critères de rendement obligatoires comme suit :

    1.4.5 Les mukluks utilisés en service et les systèmes proposés par les soumissionnaires seront évalués à l’aide des réponses aux questions posées sur les critères de rendement obligatoires suivants et/ou sur les critères de conception :

    i. Protection thermique;

    ii. Rendement pendant la réalisation de tâches ou d’activités comme marcher (sans charge, avec attirail de route et attirail de combat complets), skier, courir et conduire des véhicules militaires;

    iii. Gestion de l’humidité;

    iv. Rendement de la bordure pare-neige ajustable;

    v. Temps de séchage;

    vi. Résistance au glissement;

    vii. Élimination de la sueur en excès;

    viii. Confort physique;

    ix. Facilité à enfiler et à enlever;

    x. Épaisseur de la doublure lorsque rangée dans le sac à dos;

    xi. Rendement du système de laçage;

    xii. Soutien du pied;

    xiii. Amplitude de mouvement du pied;

    xiv. Facilité de manipulation avec des mains gantées;

    xv. Compatibilité avec les raquettes à neige;

    xvi. Compatibilité avec les vêtements;

    xvii. Évaluation de l’ajustement.

    [Nos italiques]

  12. L’article 1.5 de l’annexe G décrit la procédure pour l’évaluation finale comme suit :

    1.5  Évaluation finale : Les participants effectueront une évaluation finale pendant la réunion du groupe de discussion. L’évaluation finale consistera en un questionnaire conçu pour permettre aux participants d’évaluer le rendement des mukluks proposés en fonction de chaque critère susmentionné. L’évaluation sera faite selon un barème de notation en sept (7) points (voir la figure 1).

    Le Tribunal souligne également que le barème cité à l’article 1.5 allait de « totalement inacceptable » à « parfaitement acceptable ».

  13. L’article 1.6 de l’annexe G décrit la méthodologie pour établir les notes moyennes de l’évaluation par les utilisateurs.

ANALYSE

  1. Le paragraphe 30.14(1) de la Loi sur le TCCE dispose que le Tribunal doit limiter son étude à l’objet de la plainte. Au terme de l’enquête, le Tribunal détermine la validité de la plainte en fonction des critères et procédures établis par règlement pour un contrat spécifique. Aux termes de l’article 11 du Règlement, le Tribunal détermine si la procédure du marché public a été suivie conformément aux exigences des accords commerciaux applicables, soit en l’espèce l’Accord sur le commerce intérieur[4].
  2. L’analyse de cette affaire commence avec l’examen des circonstances entourant le rejet de la proposition de Royer.

Le rejet de la proposition de Royer

  1. La DP a été publiée le 6 mai 2015 avec une date de clôture des soumissions du 11 août 2015.
  2. Le 10 août 2015, Royer a répondu à la DP en déposant deux propositions (ECWM-01 – bottes simples et ECWM-02 – bottes complexes). Seule la première proposition fait l’objet de la présente plainte.
  3. L’évaluation des propositions devait être effectuée en trois phases. Royer a franchi les deux premières phases de l’évaluation et, ce faisant, a livré à TPSGC un certain nombre de mukluks pour évaluation supplémentaire selon le « contrat d’essai » de la troisième phase. La plainte concerne essentiellement cette troisième phase de l’évaluation[5].
  4. La phase 3 de l’évaluation comportait elle-même deux étapes. La première étape de la phase 3 – que nous appelons ici la phase 3(a) – visait à évaluer la qualité d’exécution et la conformité aux technologies énoncées à l’annexe B de la DP. Cette étape consistait essentiellement en une vérification physique des mukluks pour constater leur conformité avec les renseignements contenus dans la soumission. La seconde étape de la phase 3 – que nous appelons ici la phase 3(b) – consistait en une évaluation « sur le terrain » lors de laquelle des militaires devaient porter les mukluks pour un certain temps et ensuite remplir un questionnaire d’évaluation, le tout selon l’annexe G de la DP. 
  5. Royer a livré ses mukluks à TPSGC le 17 décembre 2015 conformément au contrat d’essai aux fins de la phase 3 de l’évaluation, qui pouvait donc commencer à partir de ce moment-là. AirBoss Defense était le seul autre soumissionnaire encore en lice à cette étape.
  6. N’ayant pas encore eu vent du résultat de l’évaluation de la phase 3, Royer a fait un suivi avec TPSGC par voie de lettres datées du 20 avril et du 1er juin 2016. Ces correspondances étaient unilatérales et ne donnaient pas suite à quelconque question de la part de TPSGC. Royer y mentionnait avoir elle-même effectué des essais techniques et indiquait en avoir profité pour apporter des améliorations à son produit. TPSGC a simplement accusé réception des deux lettres sans dire davantage.
  7. Le 8 juillet 2016, TPSGC a avisé Royer que le contrat avait été octroyé à AirBoss Defense, qui a obtenu un résultat de 76 pour cent lors des essais sur le terrain. Royer a appris plus tard que son résultat – 79.8 pour cent – était supérieur à celui d’AirBoss Defense. Royer a également appris que sa soumission avait été rejetée pour les motifs suivants :    

    i. Les matériaux utilisés pour la doublure qui a été soumise n’ont pas ‘tenu le coup dans les conditions extrêmes des opérations sur le terrain, de garnison et de combat’.

    ii. La soumission proposée par le soumissionnaire B n’est pas ‘prête pour production de masse’ puisque la doublure amovible nécessite des améliorations additionnelles, les matériaux et la chaussure utilisés nécessiteraient que de nouveaux essais soient effectués pour être conformes avec les exigences de rendement obligatoires, et l’assemblage de la chaussure nécessiterait l’évaluation de la performance avec acceptation par l’utilisateur (ÉPAU) pour déterminer la conformité[6].

    [Traduction]

  8. Le 18 juillet 2016, Royer a présenté une opposition à TPSGC au sens de l’article 6 du Règlement.
  9. Le 19 août 2016, TPSGC a rejeté l’opposition. Le Tribunal note un fait important : c’est à ce moment que Royer a appris que les militaires avaient en fait préféré ses mukluks à celles d’Airboss Defense lors des essais par les utilisateurs.
  10. En effet, alors que TPSGC avait précédemment indiqué que l’évaluation des mukluks proposées par Royer n’avait pas été complétée, TPSGC indiquait maintenant à Royer que « l’évaluation de la proposition de [Royer] a été complétée avec diligence et de façon objective et impartiale » et que « toutes les étapes d’évaluation décrites dans l’invitation ont été suivies de la même façon pour tous les soumissionnaires ».
  11. Cette même lettre du 19 août 2016 informait Royer que ses mukluks avaient reçu un rendement global jugé acceptable par les utilisateurs et une note moyenne de 79.8 pour cent. TPSGC réitère toutefois que la proposition de Royer a été rejetée « dû aux signes d’usures surpassant ceux tolérés dans l’invitation » faisant référence à l’article 2.1 de l’annexe B de la DP.
  12. Ainsi, une certaine confusion a vu le jour quant au processus d’évaluation lui-même, à ses étapes et aux motifs entourant le rejet de la soumission de Royer. Le Tribunal s’interroge sur l’affirmation de TPSGC selon laquelle « […] la doublure qui a été soumise n’[a] pas ‘tenu le coup dans les conditions extrêmes des opérations sur le terrain, de garnison et de combat’ », étant donné que les militaires avaient préféré les mukluks de Royer à celles d’AirBoss Defense au point de leur attribuer une note supérieure d’évaluation.

TPSGC n’a pas adjugé le contrat spécifique suivant les critères énoncés à la DP

  1. L’article 506(6) de l’ACI énonce que « [l]es documents d’appel d’offres doivent indiquer clairement les conditions du marché public, les critères qui seront appliqués dans l’évaluation des soumissions et les méthodes de pondération et d’évaluation des critères. »
  2. Il est bien établi qu’une entité acheteuse doit respecter ces obligations lorsqu’elle procède à une évaluation raisonnable conforme aux modalités énoncées dans la demande de propositions. Le Tribunal a indiqué dans le passé qu’il n’interviendrait pas dans le processus d’évaluation en substituant son jugement à celui des évaluateurs, sauf si ces derniers ne s’étaient pas appliqués à l’évaluation de la proposition d’un soumissionnaire, n’avaient pas tenu compte de renseignements d’importance cruciale contenus dans une soumission, avaient mal interprété la portée d’une exigence, avaient fondé leur évaluation sur des critères non divulgués ou n’avaient pas, d’une autre manière, procédé à une évaluation équitable sur le plan de la procédure[7].
  3. En l’espèce, TPSGC n’a pas accordé le contrat spécifique suivant les critères d’évaluation de la DP.
  4. En effet, l’article 4.2.2 de la DP indiquait que « [l]a soumission recevable avec le résultat le plus élevé dans l’évaluation par l’utilisateur sera recommandée pour l’attribution du Contrat principal »[8], c’est-à-dire le « contrat spécifique ». Très simplement, il s’agissait là du critère d’évaluation ultime pour l’octroi du contrat spécifique. En d’autres termes, la DP était structurée de manière à ce que, parmi les mukluks qui se sont rendues à la l’étape d’évaluation 3(b), le choix ultime dépendra seulement de la préférence des militaires utilisateurs ayant évalué le produit.
  5. Les éléments de preuve au dossier indiquent clairement que les mukluks de Royer ont obtenu la note moyenne d’évaluation par l’utilisateur la plus élevée, soit 79.8 pour cent. Conséquemment, Royer aurait dû se voir octroyer le contrat spécifique.
  6. Étant donné que cela ne s’est pas produit, la décision de TPSGC est déraisonnable, et le Tribunal est justifié d’intervenir, car la décision de TPSGC n’est pas fondée sur les critères énoncés à la DP[9].

TPSGC a appliqué un critère non divulgué

  1. TPSGC allègue qu’elle avait le droit de rejeter la proposition de Royer parce que les essais de l’étape d’évaluation 3(b) avaient démontré des « signes d’usures surpassant ceux tolérés dans l’invitation » étant donné que 14 des 18 mukluks essayées ont démontré « au niveau de la doublure des abrasions mécaniques à côté du talon » et que, par conséquent, « il est évident que les matériaux utilisés dans la confection des bottes ne résistaient pas aux conditions extrêmes décrites à l’annexe B et donc ne satisfaisaient pas aux exigences de la spécification de rendement à l’annexe B ».
  2. La position de TPSGC est mal fondée, car il s’est mépris sur la séquence de la méthode et des critères d’évaluation qu’il a lui-même énoncés dans la DP.
  3. Tel qu’indiqué précédemment, les mukluks ayant franchi les phases 1 et 2 de l’évaluation étaient soumises à la phase 3 de l’évaluation. La phase 3(a) visait à évaluer la qualité d’exécution et la conformité aux spécifications requises à l’annexe B de la DP, mais seulement de façon « préalable aux essais par les utilisateurs »[10] [nos italiques] de la phase 3(b), qui, eux, évaluaient les critères de l’annexe G de la DP.
  4. Ici, TPSGC a tenté d’appliquer à la phase 3(b) de l’évaluation un critère contenu à l’annexe B alors que seuls les critères énoncés à l’annexe G sont applicables à cette étape de l’évaluation. En effet, selon la DP, l’examen des mukluks eu égard aux spécifications de rendement de l’annexe B, y compris la présence d’abrasions, ne devaient pas avoir lieu après l’essai par les utilisateurs, mais bien avant – sur des échantillons qui n’avaient pas encore été portés. Suivant les termes de la DP, les mukluks ne pouvaient donc pas être réévaluées de la sorte après qu’elles aient subi les effets de l’usage sur le terrain.
  5. La séquence des étapes de la DP est claire, et les évaluateurs de TPSGC ne pouvaient pas effectuer une évaluation additionnelle à cette étape, non prévue, suivant celle effectuée par les militaires.
  6. Le Tribunal est d’avis que la structure de la DP était telle qu’une mukluk ne pouvait être éliminée pour cause d’usure subie durant les évaluations par les utilisateurs. TPSGC ne peut donc se rabattre sur la raison invoquée pour avoir éliminé Royer – que « suite aux essais, [s]es bottes ont démontré des signes d’usure surpassant ceux tolérés dans l’invitation » – précisément parce qu’aucun critère ni « tolérance » de la sorte n’existaient dans la DP. Il y a là soit un non-respect de la séquence des étapes du processus d’évaluation, soit l’ajout arbitraire d’une nouvelle procédure d’évaluation, les deux étant nécessairement des procédés non conformes.
  7. D’aucuns pourraient observer que l’absence d’un tel procédé d’élimination dans la DP est curieuse, voire surprenante, et que cela constitue possiblement un manquement de la part de TPSGC dans la conception de sa méthodologie d’approvisionnement. Néanmoins, le Tribunal ne peut pallier la méthode d’évaluation choisie par TPSGC et clairement énoncée à la DP. Au contraire, le Tribunal ne peut que limiter son étude à l’application des critères de la DP tels qu’ils ont été énoncés. À nouveau, la DP stipule que le contrat spécifique sera accordé à « [l]a soumission recevable avec le résultat le plus élevé dans l’évaluation par l’utilisateur ».
  8. Par conséquent, le Tribunal ne peut que constater que TPSGC a appliqué un critère non divulgué dans l’évaluation de la proposition de Royer. Ce faisant, TPSGC a enfreint l’article 506(6) de l’ACI.

Les essais par les utilisateurs

  1. TPSGC s’est défendu en plaidant que la note moyenne obtenue par Royer durant les essais par les utilisateurs n’était que « théorique » puisqu’il a, d’une quelconque façon, interrompu l’évaluation des mukluks de Royer. Le Tribunal constate effectivement que TPSGC ne s’est pas prévalu de la totalité du temps accordé à l’évaluation des mukluks de Royer. De l’avis du Tribunal, TPSGC ne peut invoquer ce fait ex post facto pour prétendre que les résultats obtenus par Royer sont invalides.
  2. Le Tribunal précise que la DP ne définissait la durée de l’évaluation de la phase 3(b) qu’en des termes très larges. En effet, l’article 1.3.3 de l’annexe G prévoyait que « [l]’évaluation par l’utilisateur se déroulera pendant quatre semaines environ » [nos italiques] et que les soldats disposeraient d’environ une semaine pour se familiariser avec l’évaluation puis « disposer[aient] de trois semaines pour évaluer les mukluks proposé[e]s ». La version anglaise de la DP prévoyait la période d’évaluation par les utilisateurs comme suit : « up to 3 weeks of concurrent evaluation of proposed mukluks assemblies » [nos italiques].
  3. Qu’elles soient lues séparément ou ensemble, le Tribunal est d’avis qu’il ressort de ces deux versions que la DP prévoyait une période d’évaluation allant jusqu’à quatre semaines, dont jusqu’à trois semaines d’évaluation des mukluks sur le terrain, mais que le processus ne devait pas obligatoirement durer quatre semaines complètes.
  4. Selon les éléments de preuve au dossier, l’évaluation des mukluks proposées par Royer s’est déroulée sur trois semaines, soit une semaine pour que les soldats se familiarisent avec l’évaluation et deux semaines pour évaluer les mukluks proposées.
  5. Par conséquent, le Tribunal est d’avis que les résultats obtenus pour les mukluks proposées par Royer sont valides et auraient dû être considérés par TPSGC dans son choix d’adjudicataire. En définitive, les éléments de preuve au dossier démontrent que les mukluks de Royer ont obtenu une note moyenne supérieure à celles d’AirBoss Defense lors de la phase 3(b) de l’évaluation. Conséquemment, c’est Royer qui aurait dû se voir offrir le contrat spécifique selon la méthode d’attribution du contrat énoncée à la DP.

TPSGC n’a pas évalué la proposition de Royer telle que reçue

  1. TPSGC a justifié son rejet de la proposition de Royer en alléguant que Royer avait de quelque façon modifié sa proposition après la fermeture des soumissions et que, par conséquent, les mukluks proposées par Royer n’étaient pas prêtes à la production de masse alors que cela était une condition de la DP[11].
  2. Avec égard, le Tribunal est d’avis que cette allégation est sans fondement.
  3. Tout d’abord, il y a absence complète d’éléments de preuve au dossier au soutien de l’allégation de TPSGC quant à la capacité de Royer de faire une production de masse des mukluks proposées.
  4. Par ailleurs, le Tribunal constate que les éléments de preuve au dossier démontrent que TPSGC n’a pas évalué la proposition de Royer telle que reçue. En effet, sur réception de la correspondance de Royer, TPSGC a simplement présumé, sans fondement, que Royer voulait modifier sa proposition, ce qui n’était simplement pas le cas.
  5. Que Royer avise unilatéralement qu’elle aurait, à ses yeux, amélioré un produit sans encourir de frais pour TPSGC et que ce dernier ne donne aucune suite à la correspondance (accusé de réception seulement), ne constitue ni une tentative de réparation de sa soumission, ni un aveu que le produit proposé n’était pas prêt à la production. Bien au contraire.
  6. Le Tribunal a précédemment mis en garde contre le recours à des suppositions, car elles causent souvent des situations malencontreuses[12].
  7. En définitive, il est clair que TPSGC ne pouvait permettre à Royer de modifier sa proposition. Il ne pouvait non plus prétendre qu’il se devait d’évaluer une telle tentative, si tentative il y a eu, et en tirer une quelconque conclusion – thèse à laquelle le Tribunal n’adhère pas. D’entrée de jeu, le devoir de TPSGC se limitait tout simplement à évaluer la proposition de Royer telle que reçue; ni plus, ni moins.
  8. Somme toute, le Tribunal constate que c’est effectivement TPSGC – et non Royer – qui a modifié la proposition en y insérant des considérations et/ou interprétations par voie d’inférence – portant ainsi préjudice à Royer – à partir d’une simple correspondance reçue durant la période d’évaluation, donc après la date de clôture des soumissions ou des modifications à celles-ci.
  9. N’ayant pas évalué la proposition de Royer telle que reçue, le Tribunal considère la démarche suivie par TPSGC comme étant un vice de procédure.
  10. Nonobstant ce qui précède, le Tribunal note que la DP prévoyait à l’article 6.B.6.1 la possibilité de modifications aux mukluks, notamment après adjudication du contrat et suivant certaines conditions[13]. Le Tribunal a souvent eu l’occasion de constater ce genre de clause d’usage qui relève normalement du domaine de l’administration de contrats de type « B » – donc subséquemment à l’évaluation des contrats de type « A »[14] soumis dans le cadre du processus concurrentiel[15]. Une telle clause ne s’appliquerait pas aux présentes, mais demeure tout de même d’intérêt quant à l’appréciation des motifs de TPSGC.

MESURE CORRECTIVE

  1. Ayant déterminé que la plainte de Royer est fondée, le Tribunal doit recommander une mesure corrective appropriée.
  2. Pour déterminer la mesure corrective appropriée, le Tribunal doit tenir compte de tous les facteurs qui interviennent dans le marché public tels qu’énoncés au paragraphe 30.15(3) de la Loi sur le TCCE, notamment la gravité des irrégularités dans la procédure des marchés publics, l’ampleur du préjudice causé au plaignant, l’ampleur du préjudice causé à l’intégrité ou à l’efficacité du mécanisme d’adjudication et la bonne foi des parties.
  3. Dans sa plainte, Royer demande l’ensemble des mesures correctives énoncées dans le formulaire de plainte du Tribunal.
  4. Le Tribunal est devant l’obligation de constater que TPSGC n’a pas octroyé le contrat suivant la méthodologie annoncée, si bien même que cette méthodologie n’ait pas prévu de motif de rejet pour les défaillances constatées par TPSGC relativement aux mukluks de Royer. Fondamentalement, TPSGC a remis aux militaires utilisateurs le choix ultime des mukluks qui seraient achetées. Les militaires utilisateurs ont préféré les mukluks de Royer, nonobstant les abrasions rapportées, en y accordant une note moyenne supérieure à celle d’AirBoss Defense. Royer aurait donc dû se voir accorder le contrat.
  5. Dans son analyse, le Tribunal se doit de tenir compte de l’état d’exécution du contrat et des conséquences pratiques actuelles qu’impliquerait un changement immédiat dans l’approvisionnement des mukluks pour celles de Royer. Étant donné que les parties ont déposé relativement peu ou pas d’observations quant à l’état d’exécution du contrat ou aux conséquences d’un changement de fournisseur à ce stade-ci, le Tribunal se réserve le droit de demander aux parties de déposer des observations supplémentaires sur ces questions si les parties ne s’entendent pas sur la suite des choses, et de recommander toute mesure corrective supplémentaire.
  6. Le Tribunal accorde ainsi un délai de 30 jours aux parties afin de leur permettre d’explorer des avenues concernant l’indemnisation de Royer et la transition du contrat vers ce dernier. S’il y a entente, le Tribunal demandera alors aux parties de lui en faire part. À défaut d’une entente, le Tribunal acceptera alors des observations, à 15 jours d’intervalle, commençant par celles de Royer, sur la recommandation que le Tribunal devrait faire quant au montant de l’indemnité à verser à Royer.
  7. Il demeure que le Tribunal recommande que Royer soit dédommagée pour perte de profits raisonnables sur chaque paire de mukluks livrée à TPSGC en vertu du contrat actuel, et ce, jusqu’à la fin des livraisons par AirBoss Defense. À ce moment, le Tribunal recommande qu’un nouveau contrat pour la fourniture de mukluks équivalant au reste de mukluks au contrat avec AirBoss Defense non encore livrées à TPSGC soit octroyé à Royer, si matériellement possible. Le Tribunal recommande également que la période d’option ne soit pas exercée, sauf si un nouveau contrat est octroyé à Royer. Les détails de la recommandation du Tribunal se retrouvent ci-dessous.

FRAIS

  1. Le Tribunal accorde à Royer les frais qu’elle a raisonnablement encourus pour la préparation de sa plainte et l’engagement de la procédure. Pour décider du montant de l’indemnité en l’espèce, le Tribunal a tenu compte de sa Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public (la Ligne directrice), qui fonde l’évaluation du degré de complexité d’une plainte sur trois critères : la complexité du marché public, la complexité de la plainte et la complexité de la procédure.
  2. Le Tribunal détermine provisoirement que le degré de complexité de la présente plainte correspond au degré 1 de complexité prévu à l’annexe A de la Ligne directrice. La complexité du marché public était moyenne, car il visait l’achat de marchandises complexes. La complexité de la plainte était faible, car la question en litige était une évaluation fondée sur une liste simple de caractéristiques faciles à mesurer qui déterminaient la réussite ou l’échec. La complexité de la procédure était faible.
  3. Par conséquent, conformément à la Ligne directrice, le Tribunal détermine provisoirement que le montant de l’indemnité est de 1 150 $.

DÉCISION DU TRIBUNAL

  1. Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal détermine que la plainte est fondée.
  2. Aux termes des paragraphes 30.15(2) et 30.15(3) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal recommande, à titre de mesure corrective, que TPSGC dédommage Royer pour perte de profits raisonnables sur chaque paire de mukluks livrée à TPSGC par AirBoss Defense en vertu du contrat actuel, et ce, jusqu’à la fin des livraisons par AirBoss Defense.
  3. Si TPSGC décide de résilier le contrat actuel avec AirBoss Defense, un nouveau contrat pour la fourniture de mukluks équivalent au reste de mukluks au contrat avec AirBoss Defense non encore livrées à TPSGC doit être octroyé à Royer si TPSGC a toujours un besoin à combler à cet égard. Pour ce qui est de la résiliation du contrat actuel, le Tribunal laisse à TPSGC le soin d’en déterminer la faisabilité eu égard aux conséquences que pourrait entrainer, entre autres, un stock de deux modèles de mukluks en provenance de deux fournisseurs.
  4. Si TPSGC décide qu’il a comblé ses besoins en mukluks sans avoir à s’approvisionner auprès de Royer pour un nombre de mukluks non encore livrées par AirBoss Defense, Royer aura droit au remboursement des frais raisonnables encourus pour la préparation de sa soumission au prorata du nombre de mukluks non encore livrées au contrat avec AirBoss Defense par rapport au nombre total de mukluks initialement prévues à ce contrat, sans tenir compte de la période d’option.
  5. Au surplus, le Tribunal recommande que l’option de prolongation de contrat ne soit pas exercée, à moins qu’un nouveau contrat ne soit établi avec Royer pour la période d’option.
  6. Le Tribunal demande aux parties de s’entendre sur la suite des choses, de négocier le montant de l’indemnité et de lui faire rapport des résultats de cette négociation dans les 30 jours suivant la publication de l’énoncé des motifs. Si les parties n’arrivent pas à s’entendre, le Tribunal leur demandera de déposer des observations supplémentaires sur le montant de l’indemnité, à 15 jours d’intervalle, à commencer par Royer, et se réserve le droit d’établir toute indemnité additionnelle qu’il jugera nécessaire après le dépôt des observations des parties. Le Tribunal se réserve également le droit d’établir le montant final de l’indemnité à verser à Royer. Le Tribunal est disposé à faciliter une entente entre les parties si elles lui en font une demande conjointe.
  7. Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal accorde à Royer le remboursement des frais raisonnables encourus pour la préparation de sa plainte et l’engagement de la procédure, ces frais devant être payés par TPSGC. Conformément à la Ligne directrice, le Tribunal détermine provisoirement que le degré de complexité de la plainte correspond au degré 1 et que le montant de l’indemnité est de 1 150 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui concerne la détermination provisoire du degré de complexité ou du montant de l’indemnité, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal conformément à l’article 4.2 de la Ligne directrice. Il relève de la compétence du Tribunal de fixer le montant définitif de l’indemnité.

[1].      L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.) [Loi sur le TCCE].

[2].      D.O.R.S./93-602 [Règlement].

[3].      DP, article 1.3, annexe B.

[4].      18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.ait-aci.ca/?agreement-on-internal-trade/?lang=fr> [ACI].

[5].      La phase 1 consistait à déterminer la conformité aux exigences techniques décrites à l’annexe I de la DP par l’examen d’échantillons, des résultats des essais obligatoires ainsi que l’examen des certificats de conformité (DP, article 4.1.1.1, phase 1 – Critères techniques obligatoires, et annexe I). Les soumissions jugées conformes à la phase 1 passaient à la phase 2, qui consistait en l’évaluation des soumissions selon des critères techniques cotés : coordonnées trichromatiques pour le blanc, luminance, temps de séchage de la doublure amovible, facilité d’allumage de la doublure amovible et résistance au glissement de la semelle (DP, article 4.1.1.2, phase 2 – Critères techniques cotés, et annexe E).

[6].      Pièce PR-2016-030-15, vol. 2.

[7].      Voir, par exemple, Space2place Design Inc. c. Agence Parcs Canada (30 octobre 2015), PR-2015-012 (TCCE) au par. 30; Excel Human Resources Inc. (faisant affaire sous le nom d’excelITR) c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (25 août 2006), PR-2005-058 (TCCE) au par. 30; Northern Lights Aerobatic Team Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (7 septembre 2005), PR-2005-004 (TCCE) au par. 51; Marcomm Inc. (11 février 2004), PR-2003-051 (TCCE) au par. 10.

[8].      En cas d’égalité de pointage, le coût par point le plus bas sera l’élément déterminant (DP, article 4.2.2).

[9].      Samson & Associés v. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (19 octobre 2012), PR-2012-012 (TCCE) aux par. 26-28. Voir aussi, par exemple, Space2place Design Inc. c. Agence Parcs Canada (30 octobre 2015), PR-2015-012 (TCCE) au par. 30; Excel Human Resources Inc. (faisant affaire sous le nom d’excelITR) c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (25 août 2006), PR-2005-058 (TCCE) au par. 30; Northern Lights Aerobatic Team Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (7 septembre 2005), PR-2005-004 (TCCE) au par. 51; Marcomm Inc. (11 février 2004), PR-2003-051 (TCCE) au par. 10.

[10].    Pièce PR-2016-030-15 au par. 22, vol. 2; DP, annexe F.

[11].    DP, article 2.1, annexe B.

[12].    Tritech Group Ltd. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (31 mars 2014), PR-2013-035 (TCCE).

[13].    L’article 6.B.6.1 prévoyait ce qui suit :

6.B.6.1 Base de paiement – prix unitaires fermes

...

Le Canada ne paiera pas l’entrepreneur pour tout changement à la conception, toute modification ou interprétation des travaux, à moins que ces changements à la conception, ces modifications ou ces interprétations n’aient été approuvées par écrit par l’autorité contractante avant d’être intégrés aux travaux.

[14].    La Reine (Ont.) c. Ron Engineering, [1981] 1 R.C.S. 111, 1981 CanLII 17 (CSC).

[15].    Voir, par exemple, Eclipsys Solutions Inc. c. Agence des services frontaliers du Canada (21 mars 2016), PR-2015-038 (TCCE); Human Resource Systems Group Ltd. (10 avril 2007), PR-2006-052 (TCCE); Vantage Point International Inc. (10 mai 2006), PR-2006-009 (TCCE); Siva & Associates Inc. (30 mars 2009), PR-2008-060 (TCCE); EVision Inc. & SoftSim Technologies Inc. (19 novembre 2014), PR-2014-039 (TCCE).