MEDI+SURE CANADA INC.

MEDI+SURE CANADA INC.
c.
MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX
Dossier no PR-2016-031

Décision rendue
le jeudi 19 janvier 2017

Motifs rendus
le vendredi 27 janvier 2017

TABLE DES MATIÈRES

 

EU ÉGARD À une plainte déposée par Medi+Sure Canada Inc. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.);

ET À LA SUITE D’une décision d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

ENTRE

MEDI+SURE CANADA INC. Partie plaignante

ET

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX Institution fédérale

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte est fondée.

Aux termes des paragraphes 30.15(2) et 30.15(3) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur recommande au ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux d’offrir le contrat d’approvisionnement dans le cadre de la demande de propositions à Medi+Sure Canada Inc. au prix soumissionné par Medi+Sure Canada Inc. Si Medi+Sure Canada Inc. refuse de s’engager dans le contrat au prix auquel elle a soumissionné, le Tribunal canadien du commerce extérieur recommande au ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux de lancer un nouvel appel d’offres dans les plus brefs délais.

Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur accorde à Medi+Sure Canada Inc. le remboursement des frais raisonnables qu’elle a engagés pour la préparation de sa plainte et l’engagement de la procédure. En conformité avec la Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine provisoirement que le degré de complexité de la plainte correspond au degré 1 et que le montant de l’indemnité est de 1 150 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui a trait à la détermination provisoire du degré de complexité ou du montant de l’indemnité, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur, en conformité avec l’article 4.2 de la Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public. Il relève de la compétence du Tribunal canadien du commerce extérieur de fixer le montant définitif de l’indemnité.

Serge Fréchette
Serge Fréchette
Membre présidant

L’exposé des motifs suivra à une date ultérieure.

Membre du Tribunal : Serge Fréchette, membre présidant

Personnel de soutien : Elysia Van Zeyl, conseiller juridique
Dustin Kenall, conseiller juridique

Partie plaignante : Medi+Sure Canada Inc.

Conseiller juridique pour la partie plaignante : Paul Lalonde

Institution fédérale : ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

Conseillers juridiques pour l’institution fédérale : Ian McLeod
Susan D. Clarke
Roy Chamoun
Kathryn Hamil

Partie intervenante : Felix Technology Inc.

Veuillez adresser toutes les communications au :

Greffier
Secrétariat du Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario) K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

  1. Le 6 septembre 2016[1], Medi+Sure Canada Inc. (Medi+Sure) a déposé une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur[2] concernant une demande de propositions (DP) (invitation no 21120-161512/A) publiée le 29 mars 2016 par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) au nom du Service correctionnel du Canada (SCC) pour la fourniture de bandelettes d’analyse pour les diabétiques et de glucomètres[3].
  2. La DP était évaluée en fonction uniquement des critères obligatoires et du prix de la soumission – ainsi, le contrat d’approvisionnement subséquent devait être adjugé au soumissionnaire ayant présenté la soumission conforme la moins-disante. TPSGC a reçu dix propositions. Le SCC (le responsable technique chargé de l’examen des critères obligatoires) a jugé que six d’entre elles, dont celle de Medi+Sure et de Felix Technology Inc. (Felix), étaient conformes[4]. Le 20 juillet 2016, TPSGC a adjugé le contrat subséquent à Felix, le soumissionnaire conforme le moins-disant[5]. Cependant, le 30 août 2016, TPSGC et Felix ont résilié le contrat par consentement mutuel, en raison de l’incapacité de Felix de fournir le produit proposé[6].
  3. Medi+Sure a fait valoir que le SCC a conclu à tort que la proposition de Felix était conforme au critère exigeant que le contenant dans lequel sont disposées les bandelettes d’analyse soit inviolable afin de prévenir le retrait de l’agent déshydrateur. TPSGC a proposé de lancer un nouvel appel d’offres, mais Medi+Sure a demandé au Tribunal de lui adjuger le contrat en tant que soumissionnaire conforme le moins-disant parmi les soumissionnaires restants.
  4. Le 8 septembre 2016, ayant déterminé que la plainte satisfaisait aux exigences prévues au paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et aux conditions énoncées au paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés[7], le Tribunal a accepté d’enquêter sur la plainte. Le 28 septembre 2016, TPSGC a demandé au Tribunal de rejeter la plainte, au motif qu’il n’y avait pas de « contrat spécifique » et que le Tribunal n’avait pas compétence, et que la plainte était dénuée de tout intérêt étant donné que le contrat avait été annulé et que la période de validité des prix des soumissions était expirée pour toutes les propositions. Le 7 novembre 2016, le Tribunal a rejeté la requête en indiquant qu’il rendrait les motifs de sa décision au moment de se prononcer sur la plainte.
  5. Pour les motifs qui suivent, le Tribunal conclut que la plainte de Medi+Sure est fondée et que le contrat devrait lui être adjugé au prix qu’elle a proposé dans le cadre de la DP.

MOTIFS DU TRIBUNAL RELATIFS AU REJET DE LA REQUÊTE DE TPSGC

  1. TPSGC a fait valoir que le Tribunal n’avait pas compétence pour enquêter sur la plainte de Medi+Sure, car, au moment du dépôt de la plainte, le contrat avec Felix avait déjà été annulé et il n’y avait donc pas de « contrat spécifique » au sens de l’article 30.1 de la Loi sur le TCCE. Subsidiairement, TPSGC a fait valoir que le Tribunal devrait mettre fin à son enquête aux termes du paragraphe 30.13(5) de la Loi sur le TCCE. À cet égard, TPSGC a maintenu qu’il avait offert à Medi+Sure l’essentiel de la mesure corrective qu’elle demandait, à savoir l’annulation du contrat avec Felix et le lancement d’un nouvel appel d’offres. En outre, bien que Medi+Sure ait demandé que le contrat lui soit adjugé, TPSGC a soutenu qu’il en était empêché par l’article 2.1 de la DP, qui prévoit que les soumissions cessent d’être valides au bout de 90 jours.

Existence d’un contrat spécifique

  1. Pour étayer son premier argument, TPSGC s’est appuyé sur l’article 30.11 de la Loi sur le TCCE, qui prévoit ce qui suit :

    Tout fournisseur potentiel peut, sous réserve des règlements, déposer une plainte auprès du Tribunal concernant la procédure des marchés publics suivie relativement à un contrat spécifique et lui demander d’enquêter sur cette plainte.

    [Nos italiques]

  2. Le terme « contrat spécifique » est défini à l’article 30.1 de la Loi sur le TCCE, qui prévoit ce qui suit :

    contrat spécifique Contrat relatif à un marché de fournitures ou services qui a été accordé par une institution fédérale – ou pourrait l’être –, et qui soit est précisé par règlement, soit fait partie d’une catégorie réglementaire.

    [Nos italiques]

  3. Essentiellement, TPSGC a soutenu que, à la suite de l’annulation du contrat avec Felix, il n’existait plus de contrat « qui a été accordé [...] ou pourrait l’être ». Il se fonde sur la décision du Tribunal dans le dossier nPR-2014-047[8] pour affirmer que l’existence d’un contrat spécifique est une « condition préalable [...] qui doit exister » au moment du dépôt de la plainte pour que le Tribunal ait compétence.
  4. Medi+Sure a répondu que la condition préalable selon laquelle la plainte doit concerner un contrat spécifique qui « a été accordé [...] ou pourrait l’être » est remplie en l’espèce, parce que TPSGC a effectivement adjugé un contrat à Felix et aurait plutôt dû proposer un contrat à Medi+Sure dans le cadre de la procédure de passation du marché public (et avant l’expiration de la période de soumission). Medi+Sure a souligné que la position de TPSGC donnerait lieu à des résultats absurdes, c’est-à-dire que la compétence du Tribunal dépendrait de la question de savoir si la plainte a été déposée un jour avant ou après l’annulation du contrat par une institution fédérale (un acte sur lequel le plaignant n’a aucun contrôle et dont il n’a pas nécessairement connaissance) et empêcherait la tenue d’une enquête dans les cas où des éléments de preuve ne sont découverts qu’après la fin ou l’annulation d’un contrat spécifique.
  5. Le Tribunal conclut que l’annulation du contrat avec Felix ne l’empêche pas d’avoir compétence pour enquêter sur la plainte de Medi+Sure. Les articles 30.1 et 30.11 de la Loi sur le TCCE ont pour objet de veiller à ce que le Tribunal ne mène pas d’enquêtes sur l’ensemble de la procédure de passation des marchés publics suivie par les institutions fédérales[9]. Elles n’ont pas pour objet de limiter la compétence du Tribunal pour enquêter sur des plaintes qui démontrent, dans une mesure raisonnable, que la procédure du marché public n’a pas été suivie conformément à un accord commercial.
  6. Toute autre interprétation de la loi entraînerait des situations où les fournisseurs potentiels ayant subi un préjudice découlant de la violation des accords commerciaux seraient privés de tout recours. En outre, une telle interprétation serait incompatible avec les délais de dépôt d’une plainte aux termes de l’article 6 du Règlement, qui sont calculés en fonction du jour « où [le fournisseur potentiel] a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l’origine de la plainte »[10]. Ces conséquences sont incompatibles avec les opinions exprimées par la Cour d’appel fédérale, à savoir que l’équité pour les concurrents, la concurrence entre soumissionnaires et la promotion de l’efficacité et de l’intégrité dans le processus de passation des marchés publics « doivent toujours se trouver à l’avant-plan lorsque le Tribunal examine les faits, en évalue la portée, interprète sa loi habilitante, l’applique aux faits et statue sur la réparation »[11].
  7. Les décisions du Tribunal reflètent cette compréhension. Dans l’affaire Lanthier Bakery, le Tribunal a statué ce qui suit[12] :

    [P]uisque cette condition préalable était remplie à l’ouverture de l’enquête, l’annulation de l’offre à commandes qui a été attribuée en application de la DOC/B n’a aucune incidence sur la compétence du Tribunal de poursuivre son enquête. En autant que l’examen des motifs de la plainte demeure pertinent, l’enquête, qui a pour but de déterminer si la procédure de passation du marché public a été suivie en conformité avec les dispositions pertinentes des accords commerciaux applicables, n’est pas remise en cause.

    [Nos italiques]

  8. En l’espèce, les motifs de la plainte demeurent pertinents. TPSGC a indiqué que le SCC a encore besoin d’un approvisionnement à long terme de ces biens et qu’il a l’intention de lancer un nouvel appel d’offres. Il convient de noter que TPSGC n’a pas prétendu que les exigences de la DP étaient mal rédigées ou qu’elles ne correspondaient plus aux besoins du SCC, ce qui aurait nécessité un processus d’appel d’offres entièrement nouveau[13]. Medi+Sure a prétendu que TPSGC avait contrevenu aux accords commerciaux en accordant un contrat à un soumissionnaire non conforme au lieu de l’accorder à Medi+Sure, qui, à son avis, est le soumissionnaire conforme le moins-disant. En se fondant sur le paragraphe XV(5) de l’Accord sur les marchés publics[14] et l’alinéa 1015(4)c) de l’Accord de libre-échange nord-américain[15], Medi+Sure a fait valoir que TPSGC doit lui adjuger le contrat à moins que soit invoquée l’exception fondée sur l’« intérêt public » prévue dans ces accords commerciaux, ce que TPSGC n’a jamais fait dans la présente instance ou lors de la procédure de passation du marché public. Le Tribunal et la Cour fédérale ont tous deux jugé que ces dispositions doivent être interprétées de manière à comprendre que, dans les cas où un soumissionnaire satisfait à toutes les exigences, l’institution fédérale est tenue d’adjuger le contrat, à moins d’avoir une raison d’intérêt public valable d’annuler l’invitation[16].
  9. TPSGC a également invoqué les décisions rendues par le Tribunal dans les dossiers no PR-2008-062[17] et PR-2013-028[18] à l’appui de l’argument selon lequel le contrat adjugé ne doit pas avoir été annulé à la date du dépôt de la plainte. Cependant, lorsque considérées dans leur intégralité, ces décisions révèlent que la compétence du Tribunal dépend de la question de savoir si la plainte respecte les conditions énoncées à l’article 7 du Règlement, c’est-à-dire si elle est présentée par un fournisseur potentiel, si elle porte sur un contrat spécifique et si elle démontre, dans une mesure raisonnable, la contravention d’un accord commercial. La compétence du Tribunal ne dépend pas des mesures prises par l’institution gouvernementale ou le soumissionnaire retenu dans le contexte de l’administration du contrat après son adjudication, par exemple l’annulation du contrat.

Expiration de la période de soumission

  1. Le Tribunal conclut que l’annulation du contrat et l’expiration de la période de validité des prix des soumissions (90 jours) prévue par les Instructions uniformisées 2003 (2015-07-03), incorporées à la DP en vertu de l’article 2.1, ne rendent pas la plainte dénuée de tout intérêt.
  2. TPSGC a invoqué la décision du Tribunal dans le dossier no PR-2015-043[19] pour appuyer la thèse selon laquelle toutes les soumissions cessent d’être valides à la fin de la période de soumission prévue au paragraphe 05(4) des Instructions uniformisées 2003 (2015-07-03), qui se trouve dans le Guide des clauses et conditions uniformisées d’achat (CCUA) de TPSGC. Or, cette clause, que TPSGC a incorporée par renvoi à la DP, sert uniquement à limiter le pouvoir discrétionnaire de TPSGC d’adjuger un contrat après l’expiration des soumissions, lorsqu’aucun contrat n’a encore été adjugé. Dans le cas où TPSGC a adjugé un contrat pendant la période de soumission, la clause ne l’empêche pas de remédier à toute contravention des accords commerciaux qui lui est signalée. Cela peut se faire même après l’expiration de la période de soumission, dans la mesure où les droits des soumissionnaires, tels qu’ils se sont cristallisés avant l’expiration de la période de soumission, sont respectés.
  3. La clause ne porte pas non plus atteinte à la compétence du Tribunal en vertu de la Loi sur le TCCE et le Règlement pour recommander la mesure corrective qu’il juge appropriée en cas de contravention, notamment l’adjudication. Cette conclusion découle nécessairement du fait que le Guide des CCUA est un simple recueil de politiques et de procédures publié par TPSGC – les clauses qui le constituent n’ont pas force exécutoire comme les lois, les règlements ou les accords commerciaux incorporés dans les lois, les règlements et les lois de mise en œuvre. Elle découle également du fait que l’interprétation contraire signifierait, comme il a déjà été mentionné, que la compétence du Tribunal dépendrait du pouvoir discrétionnaire de TPSGC à l’égard de la date de l’adjudication du contrat et empêcherait la présentation de demandes fondées sur des éléments de preuve découverts après la fin de la période de soumission, qui est relativement courte (souvent de 60 à 90 jours).
  4. Enfin, concernant l’argument de TPSGC selon lequel la plainte de Medi+Sure est dénuée de tout intérêt, les mêmes considérations énumérées précédemment s’appliquent. Medi+Sure a demandé que le contrat lui soit adjugé en vertu de la DP, conformément au paragraphe XV(5) de l’AMP et à l’alinéa 1015(4)c) de l’ALÉNA[20]. Objectivement, cette mesure corrective est supérieure à la simple possibilité de présenter une nouvelle soumission dans le cadre d’un nouvel appel d’offres, qui nécessiterait plus de temps, serait plus coûteuse et créerait une certaine incertitude. Les décisions du Tribunal invoquées par TPSGC ne s’appliquent pas en l’espèce, car elles visent des plaignants qui n’ont pas demandé l’adjudication du contrat comme mesure corrective[21].

ÉVALUATION DES PROPOSITIONS

  1. Ayant déterminé qu’il est compétent pour enquêter sur la plainte et que la plainte n’est pas dénuée de tout intérêt, le Tribunal se penchera maintenant sur la question de savoir si TPSGC a contrevenu aux dispositions des accords commerciaux applicables, comme il est allégué. Il faut d’abord examiner les exigences de la DP.
  2. L’annexe A de la DP énonce les douze exigences techniques obligatoires des propositions. Elle prévoit, en partie, ce qui suit[22] :

    ANNEXE A
    EXIGENCES
    BANDELETTES D’ANALYSE POUR LES DIABÉTIQUES

    Les fournisseurs doivent faire le renvoi aux critères techniques obligatoires de manière concise en indiquant la page ainsi que le ou les paragraphes et sous-paragraphes où l’on peut trouver l’information dans les documents techniques qu’ils présentent à l’appui.

    LES BANDELETTES D’ANALYSE POUR LES DIABÉTIQUES ET LES GLUCOMÈTRES doivent remplir tous les critères suivants :

    [...]

    12. Le contenant dans lequel sont disposées les bandelettes d’analyse doit être inviolable afin de prévenir le retrait de l’agent déshydrateur.

    Renvoi à la proposition de l’entrepreneur : ________________________

    [Nos italiques, caractères gras dans l’original, traduction]

  3. La partie 3 de la DP (Instructions pour la préparation des soumissions) explique comment rédiger les soumissions techniques pour s’assurer qu’elles sont conformes aux exigences techniques. Elle prévoit, en partie, ce qui suit[23] :

    Section I : Soumission technique

    Dans leur soumission technique, les soumissionnaires doivent démontrer leur compréhension des exigences contenues dans la demande de soumissions et expliquer comment ils satisferont à ces exigences.

    La soumission technique doit traiter clairement et de manière suffisamment approfondie des points assujettis aux critères d’évaluation en fonction desquels la soumission est évaluée. Il n’est pas suffisant de répéter les renseignements contenus dans la demande de soumissions.

    [Nos italiques, caractères gras dans l’original, traduction]

  4. La partie 4 de la DP (Procédures d’évaluation et méthode de sélection) explique comment le SCC évaluera les propositions. Elle prévoit, en partie, ce qui suit[24] :

    4.1.1 Évaluation technique

    Toutes les propositions doivent être établies intégralement et comprendre toute l’information exigée dans la demande de propositions (DP), pour qu’on puisse en faire une évaluation complète. Si le besoin n’est pas comblé dans la proposition du soumissionnaire, elle sera jugée incomplète et sera rejetée. Il incombe au soumissionnaire de fournir toute l’information nécessaire pour garantir une évaluation complète et précise.

    Facteurs d’évaluation

    1. BASE D’ÉTABLISSEMENT DES PRIX (OBLIGATOIRES) : Les prix doivent être fermes, DDP rendus droits acquittés.

    2. CAPACITÉ DE SATISFAIRE AUX EXIGENCES TECHNIQUES (OBLIGATOIRE) :

    a) Pour les articles définis par les spécifications :

    On demande aux soumissionnaires de faire des renvois entre les critères techniques obligatoires figurant dans la présente et leur documentation technique à l’appui.

    b) Fourniture de la documentation technique à l’appui :

    La documentation technique concernant la marchandise offerte doit accompagner la soumission à la date de clôture des soumissions.

    Des brochures ou des données techniques DOIVENT être fournies pour permettre de vérifier si la soumission est conforme aux spécifications techniques obligatoires.

    [Nos italiques, caractères gras dans l’original, traduction]

POSITIONS DES PARTIES

  1. Medi+Sure soutient que comme Felix était incapable de décrire clairement ni de prouver comment elle répondait à l’exigence selon laquelle les contenants dans lesquels sont disposées les bandelettes d’analyse sont inviolables, sa soumission n’est pas conforme. Par conséquent, elle fait valoir que la décision du SCC est par ailleurs déraisonnable et contrevient notamment au paragraphe 506(6) de l’Accord sur le commerce intérieur[25], aux alinéas 1015(4)a) et 1015(4)d) de l’ALÉNA ainsi qu’à l’article IV.4, à l’alinéa X.7c) et aux articles XV.1 et XV.4 de l’AMP.
  2. TPSGC soutient que les évaluateurs ont agi raisonnablement en se fondant sur la lettre de confirmation du fabricant pour déterminer que les fioles étaient inviolables[26].

ANALYSE DU TRIBUNAL

Accords commerciaux

  1. Le paragraphe 30.14(1) de la Loi sur le TCCE exige que, dans son enquête, le Tribunal limite son étude à l’objet de la plainte. À l’issue de l’enquête, le Tribunal doit déterminer la validité de la plainte en fonction des critères et procédures établis par règlement pour le contrat spécifique. L’article 11 du Règlement prévoit que le Tribunal doit décider si la procédure du marché public a été suivie conformément aux dispositions des accords commerciaux applicables.
  2. Les accords commerciaux indiquent que, pour être considérée en vue de l’adjudication, une soumission doit être conforme aux conditions essentielles énoncées dans la documentation relative à l’appel d’offres et exigent que les entités contractantes adjugent les marchés conformément aux critères et aux conditions essentielles spécifiées dans la documentation relative à l’appel d’offres.
  3. Par exemple, les alinéas 1015(4)a) et 1015(4)d) de l’ALÉNA prévoient ce qui suit : « L’adjudication des marchés s’effectuera conformément aux procédures suivantes : a) pour être considérée en vue de l’adjudication, une soumission devra être conforme, au moment de son ouverture, aux conditions essentielles spécifiées dans les avis ou dans la documentation relative à l’appel d’offres [...] d) l’adjudication des marchés sera conforme aux critères et aux conditions essentielles spécifiées dans la documentation relative à l’appel d’offres [...] ». Le paragraphe 506(6) de l’ACI prévoit ce qui suit : « Les documents d’appel d’offres doivent indiquer clairement les conditions du marché public, les critères qui seront appliqués dans l’évaluation des soumissions et les méthodes de pondération et d’évaluation des critères » [nos italiques].
  4. Lorsqu’il examine la façon dont les soumissions sont évaluées, le Tribunal applique le critère du caractère raisonnable. Comme la Cour suprême du Canada l’a souligné à maintes reprises, « [...] le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel »[27]. Par conséquent, le Tribunal ne substitue généralement pas son jugement à celui des évaluateurs, sauf si ces derniers ne se sont pas appliqués à bien évaluer une proposition, n’ont pas tenu compte de renseignements d’importance cruciale contenus dans une proposition, ont fondé leur évaluation sur des critères non divulgués ou bien n’ont pas procédé à une évaluation équitable sur le plan de la procédure[28]. De plus, le Tribunal est d’avis qu’il revient en dernier ressort au soumissionnaire de vérifier qu’une proposition est conforme à tous les critères essentiels d’une invitation[29].

La proposition de Felix ne démontrait pas qu’elle satisfaisait à l’exigence selon laquelle le contenant de bandelettes doit être inviolable

  1. La proposition de Felix répond aux exigences obligatoires aux pages 8 et 9 de la télécopie de sa proposition. En réponse à l’exigence no 12, la proposition de Felix prévoit ce qui suit[30] :

    Page 12 des fiches techniques

    Lettre de confirmation du fabricant :

    Les fioles contenant les bandelettes d’analyse sont conçues de façon à prévenir le retrait de l’agent déshydrateur.

    [Traduction]

  2. Les « fiches techniques » dont il est question sont un ensemble de brochures relatives au produit, des feuilles de données, des homologations d’instruments médicaux et d’autres documents présentés par Felix à l’appui de sa proposition pour démontrer qu’elle satisfait aux exigences techniques. La page 12 fait référence à une partie d’une lettre provenant du fabricant visant à répondre à l’exigence no 12.
  3. Voici les extraits pertinents de la lettre du fabricant (All Medicus Co., Ltd.)[31] :

    Nous, Allmedicus, attestons par les présentes que les renseignements suivants sont vrais et exacts.

    [...]

    12. Le contenant dans lequel sont disposées les bandelettes d’analyse doit être inviolable afin de prévenir le retrait de l’agent déshydrateur.

    ?Oui, veuillez consulter la feuille de données sur les bandelettes d’analyse. Les fioles contenant les bandelettes d’analyse sont conçues de façon à prévenir le retrait de l’agent déshydrateur.

    [Traduction]

  4. La « feuille de données sur les bandelettes d’analyse » dont il est question dans cette lettre est la feuille d’une page intitulée « Bandelette d’analyse GlucoDr. Auto AGM-4000S » [traduction] qui se trouve à la page 14 de la télécopie de la proposition de Felix. Ce document ne contient aucun renseignement qui confirme que la fiole est inviolable ou qui décrit comment la fiole est inviolable; il prévoit simplement ce qui suit[32] :

    Mise en garde : Gardez la fiole contenant les bandelettes d’analyse hors de la portée des enfants. La fiole contient des agents déshydratants qui peuvent être nocifs en cas d’inhalation ou d’ingestion et qui peuvent irriter la peau ou les yeux.

    [Traduction]

  5. La décision du SCC selon laquelle la réponse de Felix à l’exigence no 12 était conforme est déraisonnable pour les trois motifs suivants :
    • Les motifs invoqués par le SCC pour conclure ultimement que la proposition de Felix est conforme sont les mêmes motifs qu’il a invoqués pour conclure initialement que la proposition de Felix n’était pas conforme;
    • Felix n’a pas expliqué en quoi elle respectait l’exigence no 12;
    • Felix n’a présenté aucun élément de preuve pour démontrer qu’elle respectait l’exigence no 12.
  6. Au vu du dossier de l’équipe d’évaluation, il apparaît clairement que celle-ci était confuse. L’évaluation de la DP devait être menée d’abord par notation individuelle et ensuite par notation consensuelle. Dans les formulaires d’évaluation individuelle datés des 26 et 27 mai 2016, deux évaluateurs du SCC (M. Boudreau et Mme Wright) ont conclu que la réponse ci-dessus de Felix n’avait pas démontré le respect de l’exigence no 12[33]. Dans un formulaire signé conjointement, ils ont écrit ce qui suit[34] :

    COMMENTAIRES : Le soumissionnaire affirme que « les fioles contenant les bandelettes d’analyse sont conçues de façon à prévenir le retrait d’agent déshydrateur » et renvoie à la page 12 des fiches techniques. La page 12 comprend une photo de la boîte et de l’extérieur de la bouteille contenant les bandelettes d’analyse, mais celle-ci ne permet pas d’affirmer clairement que le contenant est inviolable. De plus, à la page 14 des fiches techniques (renseignements sur les bandelettes d’analyse), une mise en garde indique que « la fiole contient des agents déshydratants qui peuvent être nocifs en cas d’inhalation ou d’ingestion et peuvent irriter la peau ou les yeux ». Aucune preuve à l’appui de cette mise en garde n’a été présentée avec la soumission.

    [Traduction]

  7. Les évaluateurs ont prié TPSGC de demander des éclaircissements à Felix quant à l’endroit dans sa soumission où se trouve la preuve à l’appui de l’inviolabilité. Felix a répondu ce qui suit : « À la page 23 du document de soumission, dans la lettre de confirmation du fabricant, point 12 : Oui, veuillez consulter la feuille de données sur les bandelettes d’analyse. Les fioles contenant les bandelettes d’analyse sont conçues de façon à prévenir le retrait de l’agent déshydrateur »[35] [traduction].
  8. M. Boudreau a envoyé un courriel à l’autorité contractante de TPSGC le 30 juin 2016 pour indiquer qu’il ne savait toujours pas « quel document est la feuille de données sur les bandelettes d’analyse »[36] [traduction] et qu’en conséquence il avait « besoin de renseignements supplémentaires pour accepter [l’exigence] no 12 »[37] [traduction].
  9. Felix a répondu comme suit dans un courriel daté du 11 juillet 2016 : « La page 23 de la soumission est la 3e page de la lettre de confirmation jointe; j’ai surligné le texte qui démontre la confirmation du fabricant. Dans la brochure relative aux bandelettes d’analyse (page 11 de la soumission), il est indiqué que les fioles contenant les bandelettes d’analyse sont munies d’un emballage inviolable » [traduction].
  10. TPSGC a transmis la réponse à Mme Wright et à M. Boudreau. Le 14 juillet 2016, Mme Wright a envoyé un courriel dans lequel elle a indiqué ce qui suit : « Sur la foi de votre courriel, nous allons remplacer la réponse “non” par la réponse “oui” en ce qui concerne l’exigence no 12 »[38] [traduction].
  11. Toutefois, le 10 août 2016, M. Boudreau a envoyé un courriel à Mme Martins de TPSGC, dans lequel il se disait toujours confus[39] :

    [Mme Wright] et moi nous sommes rencontrés ce matin pour discuter de la feuille d’évaluation de Felix et, sur la foi des renseignements qu’elle nous a transmis, nous ne savons pas vraiment où se trouve la « feuille de données sur les bandelettes d’analyse ». Nous avons numérisé et joint les deux pages de la soumission (voir la pièce jointe) auxquelles nous croyons que [le représentant de Felix] fait référence, mais nous n’avons pas été en mesure de trouver une quelconque indication quant à l’inviolabilité.

    Nous avons changé notre décision et avons conclu que Felix respectait l’exigence no 12 pour être conforme à notre examen des autres soumissions pour lesquelles nous avons accepté une déclaration dans la documentation indiquant que le produit était inviolable. Après réflexion, nous estimons qu’il convient de demander des éclaircissements sur l’endroit où se trouve exactement la déclaration dans la soumission (autre que la lettre de confirmation de Felix). Sur la page dont nous croyons qu’il est question (voir la pièce jointe), il est indiqué que « La fiole contient des agents déshydratants qui peuvent être nocifs en cas d’inhalation ou d’ingestion et peuvent irriter les yeux ou la peau ». Il n’y a rien au sujet de l’inviolabilité. La soumission de Medisure, en revanche, indique clairement comment la fiole est inviolable.

    [Traduction]

  12. Toutefois, deux jours plus tard, le 12 août 2016, Mme Wong (une intermédiaire entre les évaluateurs et TPSGC) a écrit à Mme Martins pour lui demander d’« ignorer [la] demande d’éclaircissements (surlignée en jaune) dans le courriel précédent de [M. Boudreau] » [traduction] et a joint le formulaire d’évaluation finale daté du 12 août 2016, qui remplaçait la note de Felix à l’exigence no 12 par la note « conforme » [traduction], et qui prévoyait ce qui suit[40] :

    COMMENTAIRES : Le soumissionnaire affirme que les fioles sont conçues de façon à prévenir le retrait de l’agent déshydrateur. De plus, il est indiqué que l’agent déshydrateur est nocif en cas d’inhalation ou d’ingestion et peut irriter les yeux (feuille de données sur les bandelettes d’analyse – feuille de données P014)

    [Traduction]

  13. Le dossier susmentionné révèle des problèmes avec le raisonnement que les évaluateurs ont suivi pour décider de revenir sur leur décision initiale et de conclure à la conformité. Premièrement, les motifs donnés pour justifier la modification dans le formulaire d’évaluation finale sont les mêmes motifs invoqués initialement pour justifier la note « non conforme », soit que le soumissionnaire a indiqué que les fioles étaient inviolables et que la feuille de données comportait une mise en garde. Deuxièmement, le seul élément de preuve dans la lettre du fabricant à l’appui de sa déclaration selon laquelle les fioles sont inviolables est la feuille de données, qui a initialement été rejetée par l’équipe et qui, selon M. Boudreau dans son courriel du 10 août 2016, ne répondait pas au critère de l’inviolabilité. Troisièmement, nulle part dans la proposition de Felix il n’est indiqué comment les fioles sont inviolables, alors que cet élément était exigé dans les instructions de la DP et que M. Boudreau a noté cette lacune explicitement en mentionnant comment Medi+Sure a expliqué son respect de l’exigence.
  14. Ces motifs ne satisfont pas aux exigences minimales du critère raisonnable : la justification, la transparence et l’intelligibilité. Puisque les motifs originaux et finaux sont les mêmes, ils ne permettent pas d’expliquer comment les évaluateurs sont parvenus à leur décision. Et puisque la décision finale sur la conformité repose sur un élément de preuve (une simple répétition du libellé de l’exigence dans la proposition de Felix et dans la lettre du fabricant) que la DP n’autorisait pas, les motifs des évaluateurs ne sont pas liés de façon transparente et intelligible aux exigences et instructions de la DP. Par conséquent, il convient d’établir une différence entre l’espèce et les cas où le plaignant conteste la note des évaluateurs à l’égard d’un critère, dont l’évaluation comprend un élément de discrétion ou de jugement.
  15. TPSGC ne conteste pas que la proposition de Felix ne décrit pas comment le produit est inviolable. En effet, à la base, les évaluateurs ont conclu (à juste titre) que la simple déclaration de Felix dans sa proposition selon laquelle les fioles étaient inviolables et son renvoi à la feuille de données n’étaient pas conformes aux exigences. Après qu’ils lui ont demandé des éclaircissements, Felix a attiré leur attention sur la lettre du fabricant.
  16. TPSGC admet que le seul renseignement nouveau que les évaluateurs ont examiné lorsqu’ils ont modifié leur décision était la déclaration dans la lettre du fabricant. Mais la lettre du fabricant, qui renvoyait à des feuilles de données non pertinentes, répète simplement l’exigence de la DP, c’est-à-dire le genre de réponse que la section 1 de la partie 3 de la DP interdit explicitement.
  17. Cette instruction dans la DP n’est pas un caprice. Au contraire, il s’agit d’une instruction courante que l’on retrouve dans bon nombre de DP, qui exige que les propositions ne réitèrent pas simplement le libellé des exigences, mais doivent démontrer comment le soumissionnaire y satisfait en fournissant des documents à l’appui de ces prétentions. Cette instruction veille à ce que les soumissionnaires soient traités équitablement – en empêchant les soumissionnaires sans scrupules d’obtenir un avantage injuste en jetant de la poudre aux yeux – et à ce que le processus d’évaluation soit transparent et objectif (au lieu de constituer un simple exercice d’approbation à l’aveuglette).
  18. À cet égard, le Tribunal relève que le seul élément de preuve à l’appui que Felix cite (la feuille de données sur les bandelettes d’analyse) ne contient aucune information importante confirmant ou démontrant comment le contenant de bandelettes d’analyse est inviolable. Cette fiche technique contient simplement une mise en garde en matière de santé concernant le contact physique avec l’agent déshydrateur. Ainsi, la réponse ne contient pas la preuve à l’appui requise à l’article 4.1.1 de la partie 4 de la DP. De plus, TPSGC a confirmé que, contrairement à Medi+Sure, Felix n’a pas fourni d’échantillon du produit que le SCC aurait pu examiner physiquement afin de déterminer s’il est inviolable[41].
  19. Le caractère inadéquat de la réponse de Felix peut être examiné en comparaison à la réponse que Medi+Sure a fournie, qui prévoit ce qui suit[42] :

    En tant que titulaires du présent contrat, la question des patients qui enlèvent l’agent déshydrateur s’est posée à nous. Nous avons alors adopté une nouvelle fiole très solide, qui empêche pratiquement d’enlever l’agent déshydrateur sans détruire la fiole. De notre propre initiative, nous avons aussi ajouté des sceaux inviolables à chacune des fioles contenant des bandelettes d’analyse, ce qui :

    - permet au personnel médical de savoir quelles fioles contenant des bandelettes d’analyse ont été ouvertes

    - facilite la gestion du stock en outre

    - empêche tout type de violation

    [Traduction]

  20. Une telle réponse démontre, comme la DP l’exige (à la section 1 de la partie 3), du moins de façon générale, comment les fioles sont inviolables. De plus, selon les exigences de la DP, la proposition de Medi+Sure a étayé cette réponse, parce qu’elle inclut un échantillon de son produit dans sa soumission. Certes, la DP n’exige pas en soi que les soumissionnaires fournissent un échantillon; cependant, lorsque Medi+Sure l’a fait, elle s’est assurée que le SCC pouvait évaluer son produit afin de déterminer directement la résistance de celui-ci à la violation. Une autre option envisagée par la DP était de fournir de la documentation technique (tableaux, graphiques, diagrammes, fiches techniques, etc.) qui aurait permis d’étayer le caractère inviolable du produit. La proposition de Felix n’est pas conforme, parce que celle-ci n’a produit absolument aucune preuve à cet égard.
  21. Par conséquent, lorsque le SCC a évalué la proposition de Felix d’une manière qui ne respecte pas les critères énoncés dans la DP, le SCC a violé les accords commerciaux applicables. Ainsi, la plainte de Medi+Sure est fondée.

MESURE CORRECTIVE

  1. Le Tribunal a déterminé que la plainte de Medi+Sure est fondée. Par conséquent, le Tribunal doit établir la mesure corrective appropriée, conformément aux paragraphes 30.15(2) à 30.15(4) de la Loi sur le TCCE.
  2. Medi+Sure a demandé que le Tribunal recommande que TPSGC lui attribue le contrat prévu par la DP ou, subsidiairement, que TPSGC accorde à Medi+Sure les profits qu’elle aurait générés pendant la durée du contrat. Elle a aussi demandé le remboursement des frais engagés pour la préparation de sa plainte et une indemnité reflétant le préjudice causé par TPSGC à l’intégrité et à l’efficacité de la procédure de passation du marché public.
  3. Dans sa requête demandant le rejet de la plainte, TPSGC a soutenu que Medi+Sure avait déjà obtenu une mesure corrective suffisante sous la forme de l’annulation du contrat et du lancement prévu d’un nouvel appel d’offres.
  4. Pour recommander une mesure corrective, le Tribunal doit examiner l’ensemble des circonstances pertinentes au marché public en question et notamment : (1) la gravité des irrégularités constatées; (2) l’ampleur du préjudice causé à la partie plaignante ou à tout autre intéressé; (3) l’ampleur du préjudice causé à l’intégrité ou à l’efficacité du mécanisme d’adjudication; (4) la bonne foi des parties; et (5) le degré d’exécution du contrat.
  5. En l’espèce, il y a eu contravention des accords commerciaux lorsque le SCC a évalué la proposition de Felix d’une façon qui n’était pas conforme aux critères énoncés dans la DP. Cette contravention constitue une irrégularité grave, parce que l’évaluation des propositions en conformité avec les critères énoncés dans la demande de soumissions est un des principes clés du régime établi en vertu de la Loi sur le TCCE et des accords commerciaux applicables.
  6. Le Tribunal conclut également que Medi+Sure a subi un préjudice grave, car le Tribunal a jugé que le contrat aurait été adjugé à Medi+Sure n’eût été l’erreur commise par le SCC. Le contrat devait être adjugé à la proposition conforme à toutes les exigences obligatoires la moins-disante. Le SCC a jugé que la proposition de Medi+Sure était conforme. TPSGC a confirmé que la proposition de Medi+Sure était la moins-disante parmi toutes les propositions jugées conformes (sauf celle de Felix), et il n’a pas contesté dans le cadre de la présente procédure le fait que la proposition de Medi+Sure était conforme[43].
  7. Comme il a déjà été mentionné, le non-respect des critères d’adjudication et de la procédure de demande de soumissions constitue une irrégularité grave qui nuit à l’intégrité et à l’efficacité du mécanisme d’adjudication, parce qu’elle a une incidence, notamment, sur l’équité de la procédure, sur la confiance des soumissionnaires à l’égard du mécanisme et sur la capacité du gouvernement d’obtenir la proposition la plus avantageuse pour les services qu’il cherche à acquérir.
  8. Or, le Tribunal fait remarquer que, en annulant le contrat avec Felix et en prévoyant relancer la procédure de passation du marché public au moyen de la publication d’une nouvelle DP, TPSGC a atténué significativement (mais pas entièrement) le préjudice. Par conséquent, le Tribunal conclut que les répercussions de la contravention dont il est question en l’espèce ont été substantiellement réduites, quoique pas au point d’éliminer la nécessité de prendre des mesures correctives.
  9. Medi+Sure n’a pas allégué que TPSGC et le SCC ont agi de mauvaise foi. En l’absence de preuve contraire, le Tribunal présume de la bonne foi des entités gouvernementales qui passent des marchés publics. Cela étant dit, en l’espèce, le Tribunal est convaincu que toutes les parties ont agi de bonne foi. Comme il a déjà été expliqué, la première conclusion tirée par les évaluateurs du SCC au sujet de la non-conformité de Felix était raisonnable, tout comme la demande d’éclaircissements qu’ils ont présentée. Leur erreur consiste à avoir jugé que la réponse de Felix donnait des renseignements pertinents à l’appui de sa proposition, alors qu’en réalité elle renvoyait simplement aux éléments de preuve qui avaient déjà été évalués et rejetés. Il s’agit d’une rupture dans le raisonnement des membres de l’équipe d’évaluation (et non de l’exercice de leur pouvoir discrétionnaire ou de leur jugement), mais rien n’indique que l’erreur a été commise de façon intentionnelle ou négligente. De fait, le dossier révèle que l’omission de la part de Felix de paginer de façon consécutive sa proposition et de fournir des renvois clairs à ses documents à l’appui a constitué une grande source de confusion pour les évaluateurs.
  10. Enfin, le Tribunal fait remarquer qu’aucun produit n’a été fourni en vertu du contrat avec Felix, qui a été annulé rapidement afin de procéder à un nouvel appel d’offres.
  11. Dans ces circonstances, le Tribunal estime que la réparation qu’il conviendrait d’accorder est d’adjuger à Medi+Sure le contrat découlant de la DP au prix énoncé dans sa soumission. Le Tribunal comprend que, comme la période pour soumettre les prix de soumission est expirée, Medi+Sure n’est pas contractuellement tenue de fournir le produit au prix énoncé dans sa soumission. Toutefois, le Tribunal estime que le préjudice subi par Medi+Sure serait complètement atténué si on lui adjugeait le contrat au prix de sa soumission. Ainsi, elle se retrouverait dans la même position que celle qu’elle aurait occupée si le SCC n’avait pas déterminé que la proposition de Felix était conforme, comme l’exige la loi[44].
  12. Lancer simplement un nouvel appel d’offres ne ferait pas en sorte que l’ancienne DP serait adjugée au soumissionnaire le moins-disant et qui respecte les exigences, et imposerait aux parties des dépenses et des retards encore plus importants. De plus, comme les erreurs relevées dans le marché public étaient modestes et non systémiques, elles ne sont pas graves au point de nécessiter un nouvel appel d’offres par souci d’équité envers Felix ou tout autre soumissionnaire. Enfin, le Tribunal n’est pas d’avis qu’une indemnité pour perte de profits conviendrait dans les circonstances puisque le contrat n’a pas été adjugé irrévocablement à un autre soumissionnaire.
  13. Il conviendrait de lancer un nouvel appel d’offres en l’espèce uniquement si Medi+Sure ne voulait pas conclure un contrat d’approvisionnement au prix énoncé dans sa soumission – dans ce cas, TPSGC aurait le loisir de mener un nouvel appel d’offres et Medi+Sure serait libre de présenter une nouvelle soumission à un autre prix.

FRAIS

  1. Les deux parties ont demandé les frais relatifs à l’enquête. Medi+Sure a demandé d’être indemnisée selon le degré de complexité 2, qui lui donne droit à un tarif fixe tout compris de 2 750 $ aux termes de la Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure de plainte (la Ligne directrice).
  2. Le Tribunal a conclu de façon préliminaire que le degré 1 est approprié, parce que la plainte ne visait qu’un seul produit et le motif de plainte (accueilli) a simplement nécessité l’examen du caractère raisonnable de la décision des évaluateurs concernant un critère (relativement simple) obligatoire.
  3. Par conséquent, l’indication provisoire du Tribunal est d’accorder une indemnisation de 1 150 $ à Medi+Sure, montant qui doit être payé par TPSGC. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui a trait à la détermination provisoire du degré de complexité ou du montant de l’indemnité, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal, en conformité avec l’article 4.2 de la Ligne directrice. Si l’une ou l’autre des parties présentent des observations, l’autre partie disposera de cinq jours ouvrables pour présenter sa réponse. Après avoir examiné les observations, le cas échéant, concernant l’indication provisoire du degré de complexité de la plainte et l’indication provisoire du montant de l’indemnisation, le Tribunal rendra une ordonnance de frais finale.

DÉCISION DU TRIBUNAL

  1. Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal détermine que la plainte est fondée.
  2. Aux termes des paragraphes 30.15(2) et 30.15(3) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal recommande À TPSGC d’offrir le contrat d’approvisionnement dans le cadre de la demande de propositions à Medi+Sure au prix soumissionné par Medi+Sure. Si Medi+Sure refuse de s’engager dans le contrat au prix auquel elle a soumissionné, le Tribunal recommande à TPSGC de lancer un nouvel appel d’offres dans les plus brefs délais.
  3. Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal accorde à Medi+Sure le remboursement des frais raisonnables qu’elle a engagés pour la préparation de sa plainte et l’engagement de la procédure. En conformité avec la Ligne directrice, le Tribunal détermine provisoirement que le degré de complexité de la plainte correspond au degré 1 et que le montant de l’indemnité est de 1 150 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui a trait à la détermination provisoire du degré de complexité ou du montant de l’indemnité, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal, en conformité avec l’article 4.2 de la Ligne directrice. Il relève de la compétence du Tribunal de fixer le montant définitif de l’indemnité.

[1].  La plainte a été déposée un jour non ouvrable (le samedi 3 septembre 2016). Elle est par conséquent réputée avoir été déposée le prochain jour ouvrable (le mardi 6 septembre 2016).

[2].  L.R.C. 1985, ch. 47 (4e suppl.) [Loi sur le TCCE].

[3].  Il s’agit de l’appellation légale du ministère. Le 4 novembre 2015, le gouvernement du Canada a indiqué que le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux deviendrait Services publics et Approvisionnement Canada.

[4].  Pièce PR-2016-031-23 à la p. 8, par. 11, et aux pp. 11-12, par. 21, vol. 1.

[5]Ibid. à la p. 12, par. 23.

[6]Ibid. à la p. 15, par. 39.

[7].  DORS/93-602 [Règlement].

[8]Lanthier Bakery Ltd. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (6 mai 2015), PR-2014-047 (TCCE) [Lanthier Bakery] au par. 22.

[9]Novell Canada Ltd. c. Canada (Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2000 CanLII 15324 (CAF) au par. 5.

[10]Règlement, paragraphe 6(1).

[11]Canada (Procureur général) c. Almon Equipment Limited, 2010 CAF 193 (CanLII) au par. 23.

[12]Lanthier Bakery au par. 23.

[13].  Pièce PR-2016-031-23 à la p. 3, par. 10, vol. 1; Pièce PR-2016-031-09 à la p. 3, vol. 1.

[14]Accord révisé sur les marchés publics, en ligne : Organisation mondiale du commerce <https://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/rev-gpr-94_01_f.htm> (entré en vigueur le 6 avril 2014) [AMP].

[15]Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis d’Amérique et le gouvernement des États-Unis du Mexique, 17 décembre 1992, R.T.C. 1994, no 2, en ligne : Ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-... (entré en vigueur le 1er janvier 1994) [ALÉNA].

[16]Lincoln Landscaping Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (16 septembre 2016), PR-2016-018 (TCCE) au par. 20; Wang Canada Ltd. c. Canada (Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux), [1999] 1 RCF 3, 1998 CanLII 9093 (CF); Conair Aviation, A division of Conair Aviation Ltd. (8 août 1996), PR-95-039 (TCCE); Carsen Group Inc. (22 mars 1995), 94N66W-021-0019 (TCCE).

[17]Adélard Soucy (1975) Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (24 juin 2009), PR-2008-062 (TCCE) [Adélard Soucy] au par. 22 (« Les motifs à la base de l’ouverture de l’enquête demeurent entiers malgré l’annulation de la procédure d’appels d’offres. Cette annulation ne change rien aux constatations initiales du Tribunal quant à l’existence des motifs de plainte pour lesquels l’enquête a été ouverte, à savoir l’existence de motifs raisonnables que le marché public n’a pas été passé en conformité avec les dispositions des accords commerciaux pertinents. En ce sens, l’annulation de la procédure d’appel d’offres ne change en rien l’existence des raisons ayant mené à l’ouverture de l’enquête, et en ce sens, elle n’est pas dénuée d’intérêt comme le prétend TPSGC. »)

[18]R.P.M. Tech Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (24 février 2014), PR-2013-028 (TCCE) [R.P.M. Tech] au par. 8 (« Contrairement aux prétentions de TPSGC, tel qu’expliqué dans la jurisprudence antérieure, le Tribunal est d’avis que rien dans la Loi sur le TCCE ou dans son règlement ne permet de conclure que le législateur ait envisagé qu’une décision du ministère public de mettre fin à une procédure de passation du marché public puisse mettre fin à la compétence du Tribunal de poursuivre une enquête qui a été ouverte aux termes de la loi. Notamment, le Tribunal est d’avis que le libellé des articles 30.11 et 30.1 de la Loi sur le TCCE et du paragraphe 7(1) du Règlement indique que l’existence d’un contrat “[...] qui a été accordé [...]” ou “[...] qui pourrait l’être [...]” est une précondition de la compétence du Tribunal qui doit exister au moment du dépôt de la plainte. Ces dispositions ne précisent pas que cet état de fait doit se poursuivre nécessairement à tout moment lors de l’enquête. »)

[19]Stenotran Services Inc. et Atchison & Denman Court Reporting Services Ltd. c. Service administratif des tribunaux judiciaires (15 avril 2016), PR-2015-043 (TCCE).

[20]Lincoln Landscaping Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (16 septembre 2016), PR-2016-018 (TCCE) au par. 20-22.

[21]Gear Up Motors c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (26 novembre 2012), PR-2012-024 (TCCE) au par. 6 (le plaignant soutenait que le Tribunal devrait poursuivre son enquête simplement « afin de déterminer qui [...] est responsable » de la mauvaise évaluation et de l’adjudication incorrecte du contrat); Enterasys Networks of Canada Ltd. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (8 novembre 2010), PR-2010-068 (TCCE) au par. 2 (demande visant l’annulation du contrat et le lancement d’un nouvel appel d’offres); R.P.M. Tech Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (24 février 2014), PR-2013-028 (TCCE) au par. 3 (demande que l’exigence dans la DP soit révisée).

[22].  Pièce PR-2016-031-01, pièce 1 à la p. 14, vol. 1.

[23]Ibid. au pp. 3-4.

[24]Ibid. à la p. 5.

[25].  18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.ait-aci.ca/agreement-on-internal-trade/?lang=fr /> [ACI].

[26].  Pièce PR-2016-031-23A (protégée) à la p. 21, par. 13-14, vol. 2.

[27]Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor, [2011] 3 RCS 708, 2011 CSC 62 (CanLII) au par. 11 (citant Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 RCS 190, 2008 CSC 9 (CanLII)).

[28]MTS Allstream Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (3 février 2009), PR-2008-033 (TCCE) [MTS Allstream] au par. 26.

[29]Integrated Procurement Technologies Inc. (14 avril 2008), PR-2008-007 (TCCE).

[30].  Pièce PR-2016-031-23A (protégée), pièce 6 à la p. 9, vol. 2.

[31]Ibid. à la p. 23.

[32]Ibid. à la p. 14.

[33]Ibid., pièce 8.

[34]Ibid.

[35]Ibid., pièce 9.

[36]Ibid., pièce 10.

[37]Ibid., pièce 11.

[38]Ibid.

[39]Ibid., pièce 21.

[40]Ibid.

[41].  Pièce PR-2016-031-31, vol. 1A.

[42].  Pièce PR-2016-031-01A (protégée), pièce 2, soumission technique à la p. 22, vol. 2.

[43].  Pièce PR-2016-031-01, pièce 3, vol. 1; Pièce PR-2016-031-31, vol. 1A.

[44].  Voir, par exemple, l’arrêt Canada (Procureur général) c. Envoy Relocation Services, 2006 CAF 13 (CanLII) (par lequel la Cour a annulé la recommandation du TCCE de réévaluer les soumissions ainsi que la réparation pécuniaire limitée puisque la réévaluation n’aurait pas modifié le classement final); la décision Wang Canada Limited (11 mars 1998), PR-97-034 (TCCE) (par laquelle le TCCE a adjugé le contrat au lieu de mener un nouvel appel d’offres puisque le plaignant aurait obtenu le contrat, n’eût été l’erreur de l’entité acheteuse), confirmée par la décision Wang Canada Ltd. c. Canada (Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux), [1999] 1 RCF 3, 1998 CanLII 9093 (CF).