MARINE INTERNATIONAL DRAGAGE INC.

MARINE INTERNATIONAL DRAGAGE INC.
c.
GARDE CÔTIÈRE CANADIENNE
Dossier no PR-2016-055

Ordonnance et motifs rendus
le lundi 13 mars 2017

TABLE DES MATIÈRES

 

EU ÉGARD À une plainte déposée par Marine International Dragage Inc. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.);

ET À LA SUITE D’une décision du Tribunal canadien du commerce extérieur d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur;

ET À LA SUITE D’une requête déposée par la Garde côtière canadienne le 16 février 2017, aux termes de l’article 24 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur, demandant au Tribunal canadien du commerce extérieur de cesser d’enquêter sur la plainte au motif qu’il n’a pas compétence pour enquêter puisque la plainte n’a pas été déposée dans les délais prescrits à l’article 6 du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics.

ENTRE

MARINE INTERNATIONAL DRAGAGE INC. Partie plaignante

ET

LA GARDE CÔTIÈRE CANADIENNE Institution fédérale

ORDONNANCE

Le Tribunal canadien du commerce extérieur accueille la requête déposée par la Garde côtière canadienne et met fin à son enquête aux termes de l’alinéa 10b) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics.

Jean Bédard
Jean Bédard, c.r.
Membre présidant

EXPOSÉ DES MOTIFS

INTRODUCTION

  1. Les 3 et 8 février 2017, Marine International Dragage Inc. (MID) a déposé une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur[1] (Loi sur le TCCE) concernant un contrat entre la Garde côtière canadienne (GCC) et Sauvetage Maritime Océan inc. (Sauvetage Maritime) pour l’installation de câbles d’amarrage pour le navire Kathryn Spirit amarré à Beauharnois, Québec. MID allègue que la GCC a conclu, à tort, un contrat sans avoir eu recours à un appel d’offres.
  2. Le 9 février 2017, le Tribunal a informé les parties qu’il avait décidé d’enquêter sur la plainte puisqu’elle satisfaisait aux exigences du paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et aux conditions énoncées au paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics[2] (Règlement).
  3. Le 16 février 2017, la GCC a déposé une requête aux termes de l’article 24 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur[3] en vue d’obtenir une ordonnance de rejet de la plainte au motif que celle-ci n’a pas été déposée dans les délais prescrits à l’article 6 du Règlement.
  4. Le 20 février 2017, MID a déposé sa réponse à la requête. Le 2 mars 2017, la GCC a déposé sa réplique.

POSITION DES PARTIES

GCC

  1. La GCC soutient que la plainte de MID a été déposée en retard. Selon elle, MID a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l’origine de sa plainte vers le mois d’août 2016, lorsque cette dernière a eu vent d’une « rumeur » selon laquelle un contrat avait été octroyé pour l’installation de câbles d’amarrage. La GCC soutient également que, le 11 octobre 2016, MID a envoyé un courriel au ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux alléguant que des travaux urgents avaient été effectués pour empêcher le Kathryn Spirit de se renverser. La GCC soutient qu’aucune opposition ne lui a été présentée.
  2. Selon la GCC, MID a déposé sa plainte le 8 février 2017, soit plusieurs mois après le mois d’août 2016 et donc après le délai de 10 jours ouvrables prescrit à l’article 6 du Règlement. Par conséquent, la GCC considère que la plainte a été déposée en retard et soutient qu’elle doit être rejetée.

MID

  1. Bien que MID reconnaisse avoir eu vent d’une rumeur au mois d’août 2016 selon laquelle Sauvetage Maritime aurait obtenu un contrat négocié de gré à gré pour l’installation de câbles d’amarrages pour empêcher le navire Kathryn Spirit de se renverser, elle conteste l’argument de la GCC concernant la date à laquelle elle a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l’origine de sa plainte. MID admet toutefois qu’elle n’a jamais présenté d’opposition à la GCC.
  2. Selon MID, ce n’est que le 16 janvier 2017, dans le cadre de la préparation d’une autre plainte déposée auprès du Tribunal (PR-2016-051), qu’elle a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l’origine de sa plainte. C’est en effet à cette date qu’elle a pu constater l’ampleur des travaux effectués relatifs à l’installation de câbles d’amarrage. De plus, MID soutient qu’aucune information n’a été rendue publique quant au contrat accordé à Sauvetage Maritime jusqu’au 10 novembre 2016, date à laquelle l’information a été publiée sur le site de Pêches et Océans Canada.
  3. C’est sur ces faits que MID fonde son allégation que sa plainte a été déposée dans les délais.

ANALYSE DU TRIBUNAL

  1. Pour décider s’il accepte d’enquêter sur une plainte, le Tribunal doit, entre autres, déterminer si la plainte a été déposée dans les délais. À cette fin, il doit évaluer si le fournisseur potentiel a déposé sa plainte dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l’origine de sa plainte[4] ou dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a pris connaissance, directement ou par déduction, du refus de réparation de l’institution fédérale après lui avoir présenté une opposition[5]. Dans la présente instance, l’octroi d’un contrat sans appel d’offres constitue les faits à l’origine de la plainte. Le délai de prescription court donc à partir du moment où MID a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l’origine de sa plainte.
  2. En l’espèce, les parties s’entendent, et le Tribunal est d’accord, qu’aucune opposition n’a été présentée à la GCC suite à l’octroi du contrat à Sauvetage Maritime. Il s’agit donc pour le Tribunal de déterminer à quel moment le délai de prescription a commencé à courir.
  3. Dans sa lettre du 8 février 2017 contenant les informations additionnelles relatives à sa plainte, MID admet avoir eu vent d’une rumeur, vers le mois d’août 2016, selon laquelle Sauvetage Maritime aurait obtenu un contrat négocié de gré à gré avec la GCC. Elle admet également avoir téléphoné à la GCC à plusieurs reprises entre les mois d’août et de novembre 2016 pour exprimer sa « déception de ne pas avoir été contactée », mais affirme qu’on ne lui a jamais confirmé le nom de l’adjudicataire du contrat.
  4. À la lumière de ces aveux, le Tribunal constate que MID a découvert, au plus tard en août 2016, qu’un contrat avait été adjugé par la GCC pour l’installation de câbles d’amarrage. Le fait qu’on ne lui ait pas confirmé le nom de l’adjudicataire du contrat ne change en rien le moment où MID a appris l’octroi d’un contrat par la GCC.
  5. Ainsi, le Tribunal est d’avis que MID a découvert les faits à l’origine de sa plainte au plus tard en août 2016. Par conséquent, puisque MID n’a pas déposé sa plainte auprès du Tribunal dans les 10 jours ouvrables à compter de cette date, le Tribunal n’a pas compétence pour enquêter.
  6. Le fait que MID n’ait pris connaissance visuellement de l’ampleur des travaux effectués qu’en janvier 2017 ne change pas non plus le fait qu’elle ait découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir au mois d’août 2016 l’octroi d’un contrat sans qu’il y ait eu d’appel d’offres.
  7. Même si le Tribunal était en mesure de conclure que MID n’a découvert les faits à l’origine de sa plainte que le 16 janvier 2017, le Tribunal n’aurait tout de même pas compétence pour enquêter[6]. En effet, MID aurait eu jusqu’au 30 janvier 2017 pour déposer une plainte auprès du Tribunal, ce qu’elle n’a fait que les 3 et 8 février 2017 au motif qu’elle a « priorisé le précédent dossier PR-2016-051, croyant que les montants en jeux [sic] étaient beaucoup plus importants que le présent dossier ». Cette explication ne justifie pas le non‑respect des délais de prescriptions imposés par le Règlement, et le Tribunal doit conclure que la plainte a été déposée hors délais.
  8. Cela dit, le Tribunal souligne néanmoins que la plainte déposée par MID soulève plusieurs questions qui resteront sans réponse. Par exemple, il aurait été pertinent que puisse être examinée la « situation d’urgence » qui a motivé les actions de la GCC ou à tout le moins d’obtenir la version des faits de la GCC à cet égard.
  9. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que la plainte de MID n’a pas été déposée dans les délais prescrits et accueille donc la requête de la GCC visant à obtenir une ordonnance de rejet de la plainte.

ORDONNANCE

  1. Le Tribunal accueille la requête déposée par la GCC et met fin à son enquête aux termes de l’alinéa 10b) du Règlement.
 

[1].      L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.).

[2].      D.O.R.S./93-602.

[3].      D.O.R.S./91-499.

[4].      Règlement, par. 6(1).

[5].      Règlement, par. 6(2).

[6].      Dans sa plainte, MID avait omis d’indiquer la date à laquelle elle avait visité le chantier. Voulant lui laisser le bénéfice du doute quant à la date à laquelle elle a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l’origine de sa plainte, le Tribunal avait initialement accepté d’enquêter sur la plainte. Dans sa réponse à la requête de la GCC, MID a confirmé que la visite sur le chantier avait eu lieu le 16 janvier 2017.