HEWLETT-PACKARD (CANADA) CO.

HEWLETT-PACKARD (CANADA) CO.
c.
SERVICES PARTAGÉS CANADA

Dossier no PR-2016-043

Décision et motifs rendus
le lundi 20 mars 2017

TABLE DES MATIÈRES

 

EU ÉGARD À une plainte déposée par Hewlett-Packard (Canada) Co. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.);

ET À LA SUITE D’une décision d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

ENTRE

HEWLETT-PACKARD (CANADA) CO. Partie plaignante

ET

SERVICES PARTAGÉS CANADA Institution fédérale

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte n’est pas fondée.

Les deux parties ont eu gain de cause à certains égards. Hewlett-Packard (Canada) Co. a eu gain de cause à l’égard de la requête de Services partagés Canada demandant le rejet de la plainte, dont certains motifs avaient déjà été rejetés dans des décisions antérieures du Tribunal canadien du commerce extérieur, mais Services partagés Canada a eu gain de cause à l’égard du bien-fondé de la plainte.

Par conséquent, aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur décide de ne pas accorder le remboursement des frais aux parties.

Serge Fréchette
Serge Fréchette
Membre présidant

Membre du Tribunal : Serge Fréchette, membre présidant

Personnel de soutien : Eric Wildhaber, conseiller juridique
Dustin Kenall, conseiller juridique

Partie plaignante : Hewlett-Packard (Canada) Co.

Conseillers juridiques pour la partie plaignante : Richard Swan
George Reid
Jessica Roberts

Institution fédérale : Services partagés Canada

Conseillers juridiques pour l’institution fédérale : Ian Mcleod
Roger Flaim
Susan Clarke
Kathryn Hamill

Veuillez adresser toutes les communications au :

Greffier
Secrétariat du Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario) K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

  1. Le 11 novembre 2016, Hewlett Packard (Canada) Co. (HP) a déposé une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur[1] concernant une demande de propositions (DP) (invitation no 2B0KB-123816/C) publiée par Services partagés Canada (SPC) pour la location d’une solution de calculateur haute performance (CHP) à l’échelle du gouvernement, pour l’avancement de la recherche sur l’atmosphère et la recherche scientifique connexe.
  2. HP soutient que SPC a incorrectement déterminé que sa proposition ne respectait pas deux exigences obligatoires de la DP et que, n’eût été ces erreurs d’évaluation, elle aurait eu droit à l’adjudication du contrat à titre de soumissionnaire s’étant classé au premier rang. HP demande l’annulation du contrat (adjugé à IBM Canada Ltd. (IBM)) ou, subsidiairement, la réévaluation des propositions, un nouvel appel d’offres ou une indemnité pour perte de profits. HP demande également le remboursement des frais qu’elle a engagés pour la préparation de sa proposition et l’engagement de la procédure de plainte.
  3. Le 16 novembre 2016, ayant déterminé que la plainte satisfaisait aux exigences prévues au paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et aux conditions énoncées au paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés, le Tribunal a ouvert une enquête sur la plainte[2].
  4. Le 15 décembre 2016, SPC a demandé au Tribunal de rejeter la plainte au motif qu’elle n’a pas été déposée dans les délais prescrits et pour absence de compétence. Le 10 janvier 2017, le Tribunal a rejeté la requête avec les motifs de sa décision à être rendus avec l’exposé des motifs du Tribunal sur le bien-fondé de la plainte.
  5. Pour les motifs exposés ci-dessous, le Tribunal conclut que la plainte de HP n’est pas fondée.

PROCÉDURE DE PASSATION DU MARCHÉ PUBLIC

Historique

  1. La solution de CHP comprend un superordinateur, un nuage de stockage global, des réseaux locaux et de stockage haute vitesse, un environnement d’ordonnancement des lots, des grappes de prétraitement et de post-traitement, une solution supportée par le fournisseur (matériel, système d’exploitation et environnement de développement de logiciels), de la formation connexe et des services d’aide à la conversion, ainsi que des services de maintenance et de soutien pour la solution[3].
  2. Le CHP devait être utilisé par Environnement et Changement climatique Canada (Environnement Canada) pour traiter les données météorologiques utilisées, notamment, pour offrir un soutien stratégique aux missions du ministère de la Défense nationale (MDN) à l’échelle mondiale, pour permettre à Santé Canada d’évaluer le transport et la dispersion de matières nucléaires et d’autres matières dangereuses dans l’atmosphère, et pour communiquer des avertissements de temps violent aux contrôleurs aériens et à d’autres fonctionnaires des transports[4].
  3. Ayant déterminé ses exigences après avoir publié une demande de renseignements le 31 octobre 2012, SPC a entamé la procédure de passation du marché public en publiant une invitation à se qualifier (ISQ) le 4 octobre 2013, qui a été révisée le 15 mai 2014. Quatre fournisseurs se sont qualifiés. Le 24 novembre 2014, des copies de la DP ont été fournies à ces fournisseurs et, pour des raisons de sécurité nationale, la DP n’a pas été publiée sur le service électronique d’appel d’offres du Canada (achatsetventes.gc.ca) ni n’a autrement été rendue publique[5].
  4. La date de clôture de la DP était le 29 juin 2015. En fin de compte, seulement trois fournisseurs (HP, IBM et un autre soumissionnaire) ont présenté une proposition.
  5. L’équipe d’évaluation technique de la DP – qui était composée de huit évaluateurs de SPC et d’un évaluateur d’Environnement Canada, ainsi que d’un facilitateur de SPC et d’un observateur du Centre de la sécurité des télécommunications Canada (CSTC) – s’est réunie le 30 juin et les 2 et 3 juillet 2015 pour examiner les soumissions techniques.
  6. Les soumissions financières ont été examinées par l’autorité contractante, la Direction des acquisitions et des relations avec les fournisseurs (ARF) de SPC[6].
  7. Une note de service datée du 3 juin 2015 indique que l’équipe d’évaluation technique a conclu que la proposition du troisième soumissionnaire n’était pas conforme et que, entre HP et IBM, HP avait présenté la proposition conforme s’étant classée au premier rang. Par conséquent, l’équipe a recommandé que HP soit sélectionnée pour l’étape préalable à l’adjudication, le test final avant l’adjudication du contrat[7].
  8. Toutefois, au 6 juillet 2015, ARF avait cerné des problèmes potentiels de non-conformité dans la soumission de HP en ce qui a trait à l’identification des sous-traitants et à ses formulaires de soumission financière[8]. Les discussions concernant la conformité de la soumission financière de HP se sont poursuivies les 28 et 29 juillet 2015[9]. Les discussions concernant la conformité des informations relatives à la chaîne d’approvisionnement se sont poursuivies jusqu’en août 2015[10].
  9. Le 12 août 2015, SPC a envoyé un courriel aux soumissionnaires pour les informer qu’il en était encore « à la dernière étape de l’évaluation des propositions »[11] [traduction].
  10. Conformément à la pratique normale de SPC, l’évaluation a été retardée par l’élection fédérale entre le 4 août 2015 et le 19 octobre 2015[12].
  11. Entre temps, SPC a entamé le processus de vérification du cadre d’intégrité et a été avisé par Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC), le 30 septembre 2015, que la soumission de HP n’était pas conforme au cadre d’intégrité[13].
  12. En résumé, au 28 octobre 2015, SPC avait déterminé qu’il y avait trois motifs possibles de non-conformité :

    i. L’équipement nouveau et non approuvé et le sous-traitant identifié sur le formulaire de renseignements concernant la chaîne d’approvisionnement de HP et sur lequel elle s’appuie dans sa proposition;

    ii. Le défaut de HP de démontrer de manière appropriée comment les prix indiqués à l’annexe B6 provenaient de l’annexe B1;

    iii. La violation du cadre d’intégrité[14].

  13. Étant donné les irrégularités dans la proposition de HP mentionnées ci-dessus, IBM devenait le seul soumissionnaire conforme. Par conséquent, SPC a entamé le processus d’échantillonnage préalable à l’adjudication, qu’IBM a réussi; par conséquent, le contrat lui a été adjugé le 27 mai 2016, après avoir reçu l’approbation du Conseil du Trésor[15].
  14. Le 22 juin 2016[16], soit près d’un an après la présentation des soumissions, SPC a avisé HP qu’il avait décidé d’adjuger le contrat de CHP à IBM et que la proposition de HP avait été disqualifiée, car elle ne satisfaisait pas à deux exigences obligatoires relatives à la fourniture des renseignements sur les prix (section 3.3.1) et à l’identification des sous-traitants (sections 4.3.4.13 et 4.3.4.14) – SPC avait abandonné antérieurement sa conclusion de non-conformité au cadre d’intégrité après avoir été avisé par HP, le 26 février 2016, que TPSGC avait effacé la violation à la suite d’une réorganisation de la société[17].
  15. Le 29 juin 2016, HP s’est opposée à la décision de SPC et a envoyé une lettre demandant de plus amples renseignements[18]. SPC a répondu dans une lettre datée du 28 octobre 2016 en fournissant certains renseignements additionnels tout en maintenant sa décision[19]. HP a déposé sa plainte auprès du Tribunal le 11 novembre 2016.

Exception en matière de sécurité nationale

  1. La DP n’invoquait pas en soi une exception en matière de sécurité nationale (ESN) aux accords commerciaux, mais renvoyait (à la section 1.2) à l’invocation d’une ESN précédente[20] :

    Le 28 mai 2012, le gouvernement du Canada a annoncé par le biais du Service électronique d’appels d’offres du gouvernement qu’il avait invoqué l’exception en matière de sécurité nationale en vertu des accords commerciaux à l’égard des marchés publics visant le courrier électronique et les réseaux et centres de données pour Services partagés Canada. Par conséquent, le présent besoin est assujetti à l’exception en matière de sécurité nationale.

    [Traduction]

  2. L’annonce relative à l’ESN du 28 mai 2012 (l’ESN générale) mentionnée dans la DP a été publiée comme avis d’appel d’offres dans le service électronique d’appels d’offres du gouvernement[21]. L’annonce avise les fournisseurs potentiels que TPSGC a invoqué une ESN générale à l’égard de tous les marchés pour SPC visant le courrier électronique, les réseaux/télécommunications, les systèmes de centre de données, les infrastructures et les services. L’ESN générale prévoit que même si l’ESN « s’appliquera à toute une gamme de marchés pouvant comporter différentes stratégies d’approvisionnement [...] TPSGC et SPC prévoient [qu’elle] [...] pourrait s’appliquer à la présélection de fournisseurs qui, notamment, répondent à certains critères d’attestation de sécurité [...] [et] [l’a]ccès à l’information concernant certains marchés de SPC [...] pourrait aussi être limité [...] »[22] [traduction].
  3. L’ESN générale a été mise en place par TPSGC à la suite d’une demande écrite du sous-ministre adjoint principal de SPC, envoyée par lettre datée du 27 avril 2012. La lettre contenait les motifs de SPC pour l’ESN, précisant que le courrier électronique, les réseaux et les systèmes de centre de données du gouvernement du Canada avaient été « à maintes reprises la cible d’espionnage et d’attaques de la part de gouvernements étrangers et d’autres parties hostiles »[23] [traduction]. Elle incluait une annexe A qui contenait une description du mandat de SPC en matière de cybersécurité et de la nature des cyberattaques ainsi que des exemples de leur impact potentiel sur la sécurité nationale, y compris en ce qui a trait au fonctionnement du ministère de la Défense nationale, de l’Agence des services frontaliers du Canada, de Citoyenneté et Immigration Canada, des protocoles d’intervention en cas d’urgence lors d’attaques terroristes, de la surveillance par satellite et des événements relatifs à la sécurité publique. L’annexe A conclut que la stratégie la plus réalisable et efficace contre les cyberattaques consiste à restreindre l’accès à l’information concernant certains marchés à certains fournisseurs fiables. Notamment, elle ne contient aucune déclaration ni conclusion concernant le mécanisme d’examen des marchés publics devant les tribunaux ou le Tribunal. Même si l’ESN générale ne porte sur aucun marché précis, l’ESN générale était précédée d’une ESN spécifique invoquée par TPSGC le 6 août 2010 à l’égard de tout marché futur visant les superordinateurs pour Environnement Canada[24].
  4. En juillet 2012, le sous-ministre adjoint principal et dirigeant principal des finances des Services ministériels de SPC a confirmé l’invocation de l’ESN générale au nom de SPC qui, depuis la sanction royale de la Loi sur Services partagés Canada, le 29 juin 2012, est responsable de ce type de marchés (concernant la technologie de l’information) qui sont visés par l’ESN générale[25].

ACCORDS COMMERCIAUX

  1. HP soutient que les agissements de SPC violent l’Accord sur le commerce intérieur[26] (articles 504 et 506), l’Accord de libre-échange nord-américain[27] (articles 1008, 1013 et 1015) et l’Accord sur les marchés publics[28] de l’Organisation mondiale du commerce (articles IV, X, XV et XVI).
  2. Les accords commerciaux prévoient que, pour être prise en considération pour l’adjudication d’un contrat, une soumission doit être conforme aux exigences obligatoires énoncées dans la documentation relative à l’appel d’offres et l’entité acheteuse doit procéder à l’adjudication conformément aux critères et aux exigences obligatoires énoncés dans la documentation relative à l’appel d’offres.
  3. Plus particulièrement, les alinéas 1015(4)a) et 1015(4)d) de l’ALÉNA prévoient que « l’adjudication des marchés s’effectuera conformément aux procédures suivantes : a) pour être considérée en vue de l’adjudication, une soumission devra être conforme, au moment de son ouverture, aux conditions essentielles spécifiées dans les avis ou dans la documentation relative à l’appel d’offres [...] d) l’adjudication des marchés sera conforme aux critères et aux conditions essentielles spécifiées dans la documentation relative à l’appel d’offres [...]. » Les paragraphes XV(4) et XV(5) de l’AMP prévoient de la même manière ce qui suit : « 4. Pour être considérée en vue d’une adjudication, une soumission sera [...] conforme aux prescriptions essentielles énoncées dans les avis et dans la documentation relative à l’appel d’offres [...] [et] 5. [...] l’entité contractante adjugera le marché [...] uniquement sur la base des critères d’évaluation spécifiés dans les avis et dans la documentation relative à l’appel d’offres [...]. » Finalement, le paragraphe 506(6) de l’ACI prévoit que « [l]es documents d’appel d’offres doivent indiquer clairement les conditions du marché public, les critères qui seront appliqués dans l’évaluation des soumissions et les méthodes de pondération et d’évaluation des critères. »
  4. Étant donné qu’elle conteste la détermination par SPC de non-conformité à deux exigences obligatoires, la plainte de HP soulève des questions concernant l’évaluation et l’adjudication des contrats dans le cadre de la procédure de passation du marché public régie par l’article 506 de l’ACI, l’article 1015 de l’ALÉNA et l’article XV de l’AMP.

ANALYSE DU TRIBUNAL

Motifs du rejet de la requête de SPC

  1. Le Tribunal débute son analyse en présentant ses motifs pour rejeter la requête de SPC demandant le rejet de la plainte. SPC soutient que le Tribunal n’a pas compétence pour entendre la plainte en raison de l’ESN générale. SPC soutient également que la plainte est hors délai au motif qu’elle aurait été déposée plus de dix jours ouvrables après que HP ait été informée de l’ESN générale.
  2. La requête ne soulève aucune question de compétence. Elle soulève plutôt les questions de droit précises suivantes. Premièrement, SPC doit-il fournir la raison pour laquelle le droit d’un fournisseur canadien en vertu de l’ACI d’avoir accès au Tribunal devrait être refusé? Deuxièmement, SPC doit-il fournir la raison pour laquelle il est d’avis qu’il est nécessaire, pour des motifs de sécurité nationale, d’exclure les disciplines des accords commerciaux exigeant que les propositions soient évaluées conformément aux exigences et aux procédures énoncées dans l’appel d’offres?
  3. Le Tribunal répond par l’affirmative à ces deux questions. Puisque l’invocation de l’ESN générale ne contient aucun motif pour révoquer le droit du fournisseur d’avoir recours au Tribunal ou son droit à ce que sa proposition soit évaluée conformément aux exigences et aux procédures que SPC a lui-même énoncées dans les documents d’appel d’offres, le Tribunal rejette la requête de SPC.
  4. SPC concède que, en vertu des dispositions relatives à l’ESN, il doit articuler par écrit les questions précises de sécurité nationale touchant le marché (ou, dans le cas de l’ESN générale, le groupe de marchés), que l’invocation de l’ESN doit être approuvée par le représentant autorisé de l’institution fédérale et que la portée des exclusions doit être clairement énoncée. Toutefois, SPC nie qu’il doit fournir une raison plausible, ou quelque raison que ce soit, pour l’exclusion d’une discipline des accords commerciaux (y compris le recours au Tribunal) afin de préserver la sécurité nationale. Il soutient que, puisque le libellé des dispositions relatives à l’ESN n’est aucunement limitatif, le Tribunal ne dispose d’aucun critère objectif pour réviser la décision de l’institution fédérale.
  5. Le Tribunal n’est pas de cet avis, et il a antérieurement rejeté la position de SPC. En fait, SPC se sert de l’ESN comme d’une licence générale d’annuler le droit des fournisseurs éventuels de demander au Tribunal de réviser les actions du gouvernement dans le cadre d’un marché public. Le Tribunal ne peut qu’insister de nouveau sur le fait que les dispositions relatives à l’ESN prévues par les accords commerciaux agissent comme une soupape de sûreté soigneusement conçue. Elles ne permettent pas de larguer simplement, de manière générale et sans discernement, les droits des fournisseurs canadiens de demander au Tribunal d’enquêter sur des situations dans lesquelles ils se sentent lésés par les décisions d’une institution fédérale relatives à un marché public. La position de SPC est erronée, car elle ne tient pas compte du libellé et de l’intention des accords commerciaux ni du mandat du Tribunal tel qu’il a été énoncé par le Parlement et par les tribunaux.
  6. Le préambule des traités énonce les objectifs de promotion de la transparence et non-discrimination et de dissuasion des pratiques arbitraires dans les marchés publics en exigeant que les institutions fédérales respectent les exigences et les critères d’évaluation publiés. L’accès à un mécanisme indépendant d’examen des marchés publics constitue la pierre angulaire servant à garantir l’atteinte de ces objectifs.
  7. Le Tribunal a toujours soutenu, conformément aux principes d’interprétation des lois nationales[29] et des traités[30], que les accords commerciaux doivent être interprétés suivant leur objet et leur but[31]. Ces principes comprennent la règle selon laquelle les exceptions doivent être « interprétées à la lumière de leur raison d’être sous-jacente et ne peuvent être utilisées pour saper l’objet général de la loi »[32] [traduction].
  8. L’ACI prévoit expressément, dans sa version anglaise, que les institutions gouvernementales ont le « burden of establishing [fardeau d’établir] that the [NSE] exception applies » [nos italiques]. La version française de l’ACI prévoit péremptoirement que l’institution fédérale « doit prouver » que l’exception s’applique[33]. Le Tribunal interprète l’ACI comme prévoyant qu’une institution fédérale doit, à tout le moins, fournir une raison plausible pour l’exclusion de toute discipline des accords commerciaux envisagée dans une ESN afin de s’acquitter de ce fardeau de façon non arbitraire – il en va de même lorsque l’exclusion générale de ces disciplines est recherchée, comme en l’espèce. En effet, même s’il a invoqué l’ESN pour exclure toutes les disciplines des accords commerciaux, SPC a effectivement fourni, en l’espèce, des justifications pour appuyer l’exclusion de certaines disciplines seulement, mais pas de la discipline relative au recours au Tribunal et de la discipline exigeant que l’évaluation des propositions soit faite en fonction des exigences et des procédures énoncées dans l’appel d’offres.
  9. En résumé, SPC allègue le droit de contourner le mécanisme d’examen du Tribunal sans devoir fournir une justification quelle qu’elle soit. De plus, SPC réclame le droit d’évaluer les propositions (et, par conséquent, d’adjuger des contrats) en fonction de critères qui diffèrent des exigences et procédures énoncées dans les documents d’appel d’offres. Le Tribunal est d’avis que ces réclamations sont contraires aux obligations du Canada en vertu des accords commerciaux applicables, car cela équivaut à tenter d’obtenir une licence d’agir de manière arbitraire. Par exemple, l’acceptation de ces allégations contreviendrait au fardeau de preuve explicite imposé à la partie qui invoque une exception en vertu de l’ACI. Cela dérogerait également au rôle du Tribunal comme forum privilégié pour rendre des décisions sur les plaintes relatives aux marchés publics; en effet, le Tribunal, avec ses procédures d’enquête conçues pour être rapides, accessibles et confidentielles et, ce qui est crucial, pour garder au minimum les perturbations dans la procédure de passation de marchés publics, est le mécanisme de contestation des offres choisi par le législateur. Ce choix ne peut être écarté sans justification.
  10. Puisque SPC a refusé de s’acquitter du fardeau de preuve que lui impose l’ACI, il a également refusé d’accepter toute responsabilité à cet égard et, par conséquent, sa requête est rejetée pour ce motif.
  11. Comme il est indiqué ci-dessus et comme il en sera question ci-dessous, SPC tente de rouvrir cette question en l’espèce, même si elle a été tranchée dans des décisions antérieures du Tribunal, qui n’ont pas été contestées devant les tribunaux judiciaires.
  12. Néanmoins, afin d’éliminer tout doute quant à sa position sur la question de l’invocation de l’ESN et la question de compétence, le Tribunal rappellera ci-dessous la manière dont il a tranché cette question antérieurement. Les sections suivantes traitent du rôle du Tribunal à l’égard de l’examen des marchés publics fédéraux ainsi que des décisions antérieures relatives à l’ESN, et contiennent une analyse du libellé des dispositions relatives à l’ESN dans le contexte de la structure et du but des accords commerciaux (plus particulièrement l’ACI) en général. Enfin, un examen de points distincts soulevés par SPC dans sa requête est également inclus ci-dessous : aucun des arguments soulevés n’est nouveau; ils auraient pu ou auraient dû tous être soulevés lors des litiges antérieurs sur cette même question.

Compétence du Tribunal

  1. SPC soutient que, lorsque l’ESN a été invoquée pour « toutes les fins » [traduction] comme en l’espèce, aucune discipline en vertu des accords commerciaux ne s’applique au marché public; selon SPC, le Tribunal n’aurait donc pas compétence pour enquêter, sauf pour s’assurer que l’ESN a effectivement été invoquée en totalité et par le représentant autorisé de l’institution fédérale. En réponse, HP remarque que ces arguments ont déjà été rejetés par le Tribunal, d’abord dans Eclipsys[34] et plus récemment dans M.D. Charlton[35].
  2. HP a raison. Dans Eclipsys et M.D. Charlton, le Tribunal a tranché la question de savoir si l’ESN constitue un obstacle à sa compétence d’examiner le marché ou si elle ne constitue qu’une simple question d’interprétation concernant les exigences des accords commerciaux. Le Tribunal ne voit pas quelle raison, tactique ou autre, inciterait SPC à soulever de nouveau cet argument, vu les décisions antérieures sans équivoque rendues par le Tribunal sur cette même question. La Cour d’appel fédérale a récemment confirmé que lorsqu’une institution fédérale tente de remettre en litige une question déjà tranchée dont les faits ne peuvent être distingués, elle doit présenter des observations qui « ne sont pas une simple reprise »[36] [traduction]. Les conclusions dans Eclipsys et M.D. Charlton n’ont pas fait l’objet d’un contrôle judiciaire[37], et SPC n’a soulevé aucun nouvel argument pour justifier que le Tribunal interprète les dispositions relatives à l’ESN d’une manière différente de celle qu’il a adoptée dans ces affaires.
  3. Le point de départ du Tribunal est qu’il a compétence pour examiner les procédures de passation de marchés publics relatives à un « contrat spécifique »[38]. Dans de tels cas, il doit décider si « la procédure du marché public a été suivie conformément aux exigences »[39] des accords commerciaux. En l’espèce, il n’y a aucun doute que le marché public vise un « contrat spécifique », compte tenu des critères habituels de valeur monétaire, d’institutions visées et de biens et services visés. Pour sa part, SPC soutient simplement que lorsqu’il a invoqué une ESN et exclu toutes les disciplines d’un accord commercial, le Tribunal ne dispose plus d’aucun critère qu’il peut appliquer dans l’examen des actions ou des décisions d’une institution fédérale dans le cadre d’une procédure de passation de marché public.
  4. SPC amalgame la question du contenu concret d’une disposition d’un accord commercial comme l’ESN, qui est une question de droit, à une question de compétence. La Cour suprême du Canada a défini la compétence comme « [...] s’entend[ant] au sens strict de la faculté du tribunal administratif de connaître de la question. Autrement dit, une véritable question de compétence se pose lorsque le tribunal administratif doit déterminer expressément si les pouvoirs dont le législateur l’a investi l’autorisent à trancher une question »[40]. La Cour suprême souligne également que « [l]es véritables questions de compétence ont une portée étroite et se présentent rarement »[41].
  5. La Cour d’appel fédérale a statué que « [...] l’interprétation et l’application par le Tribunal d’une disposition de sa loi constitutive [...] ne constituait pas une ‘véritable question de compétence ou de constitutionnalité’ [mais est plutôt] [...] présumée emporter l’application de la norme de la raisonnabilité »[42]. En ce qui concerne la compétence du Tribunal à l’égard des questions de marchés publics, la Cour d’appel fédérale et la Cour suprême du Canada ont expliqué que les accords commerciaux[43] :

    [...] peuvent être vus comme des « portes » donnant accès à la compétence du TCCE.  L’auteur éventuel d’une plainte relative à un marché pourra traverser cette « porte » et accéder à la procédure de plainte devant le TCCE s’il peut démontrer que l’objet du marché entre dans le champ d’application de l’un des accords commerciaux et que l’activité qu’il envisage lui-même est visée, ou couverte, par cet accord.

  6. Les « portes » auxquelles il est fait référence sont les articles des accords commerciaux cités au paragraphe 3(1) du Règlement, c’est-à-dire, notamment, l’article 1001 de l’ALÉNA, l’article 502 de l’ACI et l’article II de l’AMP[44]. Il s’agit des articles sur « la portée et l’application » des accords; ils définissent les types de biens et de services ainsi que les entités acheteuses visées par les accords commerciaux. Ils font également partie de la définition de « contrat spécifique » et, par conséquent, déterminent les procédures de passation de marchés publics qui entrent dans la compétence du Tribunal.
  7. Ces articles des accords commerciaux n’ont pas pour effet d’exclure un contrat spécifique de la compétence du Tribunal lorsqu’une ESN est invoquée; en fait, ils ne renvoient aucunement aux dispositions de l’ESN. Par conséquent, la portée et les exigences des dispositions relatives à l’ESN ne sont qu’une question de droit et non de compétence, c’est-à-dire qu’elles ne diffèrent pas de la portée et des exigences de toute autre disposition des accords commerciaux.
  8. Par conséquent, les dispositions relatives à l’ESN doivent être lues dans le contexte des principes généraux adoptés dans les accords commerciaux et dans les lois et règlements de mise en œuvre. Ces principes régissent l’interprétation des accords dans leur ensemble, y compris les dispositions spécifiques relatives à l’ESN, et sont également reflétés dans le cadre législatif et le mandat du Tribunal, tels qu’ils sont articulés par les tribunaux. Compte tenu de ces principes et des motifs énoncés ci-dessous, le Tribunal réitère qu’il dispose de critères qu’il peut appliquer lors de l’examen de l’invocation d’une ESN par une institution fédérale.

Rôle du Tribunal en vertu du régime des accords commerciaux

  1. Chacun des accords commerciaux prévoit qu’il doit être interprété de manière transparente et que le mécanisme de résolution des plaintes relatives à la procédure de passation de marchés publics doit être impartial et efficace et permettre d’agir en temps utile[45]. Le Tribunal constitue le mécanisme de résolution des différends impartial, efficace et permettant d’agir en temps utile qui est prévu par les accords commerciaux et par le législateur en vertu de la Loi sur le TCCE et du Règlement[46]. Les tribunaux ont reconnu que, dans le cadre de son mandat d’examen des marchés publics, le Tribunal examine des « questions de droit et de fait complexes qui exigent des connaissances spéciales dans les domaines de l’économie, des affaires et des pratiques en matière de marchés publics ». Il s’agit d’une « analyse complexe [qui] exige une expertise et une expérience uniques en leur genre et c’est une tâche dont le Tribunal s’acquitte d’une façon courante »[47]. Depuis près de trente ans, le Tribunal a développé et confirmé son expertise en matière d’interprétation et d’application des accords commerciaux, et pour statuer sur des différends relatifs aux marchés publics souvent complexes qui sont visés par ces accords.
  2. Les tribunaux ont constamment déclaré qu’ils ne dérogeraient aux interprétations des accords commerciaux du Tribunal que si ces interprétations étaient déraisonnables[48]. Les tribunaux ont également indiqué que le Tribunal est le mieux placé, à titre de forum de première instance privilégié, pour examiner les contestations relatives aux marchés publics fédéraux régis par les accords commerciaux[49]. Le cadre administratif adopté par le législateur prévoit la résolution de litiges concernant les accords commerciaux (et souvent des marchés publics connexes d’une valeur de plusieurs millions, voire plusieurs milliards, de dollars souvent assortis de nombreuses exigences complexes et délicates) de manière expéditive et accessible en première instance devant le Tribunal.
  3. La Cour d’appel fédérale a statué que l’interprétation des dispositions pertinentes régissant le mécanisme d’examen des marchés publics ne devrait pas être restrictive; elle devrait plutôt tenir compte de l’objectif du régime de réglementation créé par le législateur. Plus particulièrement, dans Almon, la Cour a écrit ce qui suit[50] :

    [23] Les fins poursuivies par le régime, telles qu’elles ressortent des dispositions législatives et réglementaires précitées, sont les suivantes :

    (1) Équité du processus de passation des marchés publics pour les concurrents. Un mécanisme équitable appliquant un ensemble de règles claires à tous les soumissionnaires accroît la confiance au système et la participation, maximisant ainsi les chances du gouvernement d’obtenir des biens et services de qualité répondant à ses besoins, au moindre coût pour les contribuables. Bref, l’équité permet que les contribuables en aient pour leur argent.

    (2) Concurrence entre soumissionnaires. Lorsque les règles du jeu sont les mêmes pour tous les soumissionnaires et qu’il y a concurrence, il y a également plus de chances que le gouvernement obtienne des biens et services de qualité répondant à ses besoins, au moindre coût pour les contribuables. La concurrence aussi permet que les contribuables en aient pour leur argent.

    (3) Efficacité. Ce but concerne directement l’obtention de biens et services de qualité au moindre coût ainsi que la nécessité que le système de passation de marchés soit pratique et opère sans délai indu et sans occasionner de dépenses inutiles.

    (4) Integrité. L’intégrité du mécanisme accroît la confiance et la participation, maximisant ainsi les chances du gouvernement d’obtenir des biens et services de qualité répondant à ses besoins, au moindre coût pour les contribuables. L’intégrité aussi permet que les contribuables en aient pour leur argent.

    Ces quatre fins et la notion primordiale de contrepartie valable pour les contribuables sont des aspects essentiels du bon gouvernement. Leur importance fait qu’elles doivent toujours se trouver à l’avant-plan lorsque le Tribunal examine les faits, en évalue la portée, interprète sa loi habilitante, l’applique aux faits et statue sur la réparation.

    [Italiques dans l’original, notre soulignement]

  4. Comme il a été reconnu dans Almon, lorsqu’il statue sur des litiges concernant les marchés publics fédéraux régis par l’ACI (qui ne s’applique qu’aux fournisseurs canadiens), le Tribunal doit tenir compte du fait qu’il s’acquitte de son rôle institutionnel de s’assurer du caractère équitable et compétitif, et de l’efficacité et de l’intégrité du mécanisme d’adjudication. Interpréter l’ACI (ou tout autre accord commercial) d’une manière qui empêche tout recours au Tribunal ne sert aucun de ces objectifs. À tout le moins, le Tribunal est d’avis qu’il ne peut s’acquitter de son devoir lorsqu’une institution fédérale n’a pas expliqué en quoi la présentation d’une plainte devant le Tribunal est une menace pour la sécurité nationale, mais qu’une contestation devant les cours fédérales – lesquelles, selon SPC, demeurent compétentes – ne l’est pas[51].
  5. Le cadre législatif du Tribunal protège fortement la confidentialité des renseignements, entre autres en créant des infractions criminelles ou par procédure sommaire pour l’utilisation non autorisée de renseignements confidentiels[52]. Les antécédents du Tribunal en matière de protection efficace des renseignements confidentiels dans tous ses mandats sont bien connus. Dans TPG Technology Consulting Ltd., le Tribunal énonçait ce qui suit[53] :

    Le Tribunal possède près de 30 années d’expérience spécialisée dans l’examen des processus de passation de marchés publics. Au cours de cette période, le Tribunal s’est penché sur une grande gamme de questions, y compris sur des processus de marchés publics complexes dont la valeur des contrats est souvent de l’ordre de centaines de millions de dollars ou plus. Le Tribunal a les pouvoirs d’une cour supérieure d’archives en ce qui concerne « la prestation de serment et l’interrogatoire des témoins, la production et l’examen des pièces ». Le Tribunal émet régulièrement des ordonnances pour la production de documents nécessaires à une enquête et tient des audiences lorsque la crédibilité d’éléments de preuve doit être vérifiée de façon plus approfondie. De plus, le Tribunal doit avoir terminé son enquête dans un délai de 45 jours pour ce qui est de la procédure expéditive, de 90 jours pour ce qui est de la durée normale et de 135 jours pour la durée prolongée. Les avantages de ce système, notamment en ce qui concerne l’efficacité et les frais, sont du plus grand intérêt des parties plaignantes.

  6. Une fois de plus, SPC n’a donné aucune explication, ni même quelque avantage pour HP ou pour lui-même, pouvant justifier l’exclusion du recours au Tribunal, et encore moins de l’exigence que son évaluation des propositions soit conforme aux exigences et procédures que SPC a lui-même choisies d’inclure dans les documents d’appel d’offres. Pour être clair, la question en l’espèce concerne l’accès par des fournisseurs canadiens ayant une cote de sécurité approuvée au mécanisme de recours du Tribunal pour contester le défaut allégué de SPC de respecter ses propres critères d’évaluation publiés. La présente procédure ne porte pas sur l’exclusion d’autres disciplines des accords commerciaux (par exemple en ce qui concerne la non-discrimination contre les fournisseurs étrangers ou la publication d’énoncés des travaux ou d’exigences techniques).
  7. En fait, il se peut que SPC n’ait aucune justification à donner pour l’exclusion des exigences de base de l’ACI, qui sont (i) l’accès au Tribunal par les fournisseurs canadiens et (ii) le respect des critères d’évaluation publiés. Puisque cela semble être le cas, cette absence de justification est fatale pour la position de SPC. Le Tribunal ne s’acquitterait pas du mandat que lui a confié le législateur s’il faisait fi du fardeau de preuve prévu par l’ACI et du principe selon lequel les exceptions ne doivent pas être interprétées comme sapant l’objet général de la loi. Si le Tribunal acceptait la position de SPC, cela équivaudrait à lui accorder l’autorisation d’agir de manière arbitraire.
  8. HP est un fournisseur canadien qui possède la cote de sécurité requise pour répondre à l’invitation à soumissionner et se voir adjuger un contrat, si sa soumission est conforme[54]; son droit d’avoir accès au mécanisme d’examen des marchés publics du Tribunal en vertu de l’ACI et de la loi et du règlement de mise en œuvre du Parlement ne peut être écarté de manière arbitraire et sans aucune justification. Une fois de plus, puisqu’aucune justification n’a été fournie, la requête de SPC est rejetée. Cette décision va également dans le sens de la jurisprudence du Tribunal examinée ci-dessous.

Analyse de la jurisprudence

  1. Le Tribunal a examiné des dispositions relatives à l’ESN pour la première fois dans Lotus[55], il y a près de vingt ans. Dans cette affaire, le Tribunal a reconnu le droit discrétionnaire de l’institution fédérale d’invoquer une ESN aux termes du paragraphe 1018(1) de l’ALÉNA pour exclure un marché public en particulier de la portée des disciplines de cet accord commercial. Toutefois, il a également conclu que, pour « accomplir son mandat d’organisme d’examen », il devait[56] 

    [...] interpréter et appliquer lesdites dispositions [relatives à l’ESN], c.-à-d. les analyser pour déterminer si un marché public a été passé conformément aux accords applicables. Le Tribunal est d’avis que cette activité comprend la détermination de la question de savoir si des exceptions concernant la sécurité nationale ont été invoquées dans le contexte d’une plainte particulière. 

  2. SPC souligne que Lotus reconnaît qu’une institution fédérale « a le pouvoir discrétionnaire de déclarer que la question qui fait l’objet d’un marché public particulier se rapporte à la sécurité nationale et, de ce fait, peut soustraire la question des exigences du processus de contestation des offres »[57]. En effet, comme il l’a déjà mentionné à maintes reprises, le Tribunal continue de reconnaître que la décision de déclarer qu’un marché public a une incidence sur la sécurité nationale est une question de politique relevant d’une institution fédérale. Pour sa part, SPC reconnaît la compétence du Tribunal et le bien-fondé de l’exigence du Tribunal que l’institution fédérale démontre qu’elle a dûment invoqué l’ESN en s’assurant qu’elle a effectivement été invoquée, que l’invocation exclut la discipline de l’accord commercial visée par la plainte (ou toutes les disciplines, le cas échéant) et que l’ESN a été invoquée par le représentant autorisé de l’institution fédérale[58]. Il est sous-entendu dans cette analyse que l’institution fédérale doit, en essence, énoncer clairement une question de sécurité nationale qui est rationnellement liée à l’exclusion d’une discipline d’un accord commercial.
  3. Il ne s’agit pas d’une proposition ou d’une demande nouvelle de la part du Tribunal, mais en fait de ce que SPC a déjà démontré à l’égard d’autres disciplines des accords commerciaux dans les demandes d’invocation d’une ESN qu’il a incluses dans les documents joints à sa requête. La demande à TPSGC datée du 27 avril 2012 et la demande à SPC datée du 6 juillet 2012 contiennent une annexe A de six pages, qui explique en détail les menaces à la cybersécurité des systèmes de courriel, des réseaux informatiques et des systèmes de centres de données du Canada, et décrit le lien entre la menace et la nécessité de limiter les soumissionnaires admissibles aux fournisseurs canadiens et de restreindre la publication des exigences relatives aux marchés publics, soit deux disciplines importantes des accords commerciaux[59]. Par conséquent, exiger que SPC fasse exactement le même exercice en ce qui a trait à sa décision d’exclure les disciplines relatives au recours à un arbitre impartial (le Tribunal) et au respect de ses propres exigences et procédures d’appel d’offres est conforme à la pratique existante de SPC de justifier l’exclusion d’autres disciplines.
  4. Tant dans Eclipsys que dans M.D. Charlton, le Tribunal a examiné en profondeur les exigences des dispositions relatives à l’ESN. Dans Eclipsys, qui traitait également de l’ESN générale, le Tribunal a déclaré que SPC devait se demander[60]

    [...] si l’exclusion intégrale de toutes les obligations prévues dans les accords commerciaux, y compris dans l’ACI, est toujours vraiment nécessaire pour préserver la sécurité nationale. Dans la plupart des cas, les fournisseurs canadiens, tels qu’Eclipsys, s’attendent à juste titre à ce que toutes les obligations prévues dans les accords commerciaux ne soient pas exclues pour des raisons de sécurité nationale.

    Le Tribunal ne peut que souligner avec insistance, comme indiqué ci-dessus, que les dispositions des accords commerciaux en matière de sécurité nationale requièrent que les institutions fédérales limitent l’invocation de l’exception seulement dans la mesure nécessaire pour préserver la sécurité nationale. Cela signifie que les institutions fédérales devraient évaluer celle-ci de façon objective et n’exclure que les obligations prévues dans les accords commerciaux qui pourraient effectivement compromettre la sécurité nationale.

    [Nos italiques]

  5. Le Tribunal a également avisé SPC que les lettres de 2012 invoquant l’ESN générale manquaient de transparence et de justification[61] :

    Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal invite Services partagés à questionner le bien-fondé d’utiliser une lettre formulée de façon très générale datant de 2012 pour invoquer l’exception en matière de sécurité nationale. Ni cette lettre ni les autres documents déposés par Services partagés ne donnent d’indication que Services partagés a examiné si les particularités du marché public justifiaient la façon dont l’exception en matière de sécurité nationale a été invoquée. [...] Bref, les éléments de preuve dont dispose le Tribunal ne fournissent aucune justification en vertu de laquelle toutes les obligations prévues dans les accords commerciaux devaient être exclues pour préserver la sécurité nationale.

  6. Le Tribunal a conclu que « [l]’invocation de la sécurité nationale est une exception au principe de libre concurrence, qui est un aspect fondamental des accords commerciaux » [nos italiques], qui impose le fardeau de s’assurer que « [l]e recours à cette exception [est] exercé avec circonspection et doit se limiter aux cas où celle-ci est vraiment nécessaire pour préserver la sécurité nationale ». De plus, l’invocation de l’ESN pour empêcher l’examen des décisions d’une institution fédérale concernant un marché public « laisse planer des doutes quant à la transparence et l’équité de l’appel d’offres contesté » et mine « la confiance [...] à l’égard de l’intégrité du système d’appel d’offres, et les objectifs primordiaux des accords commerciaux »[62].
  7. Dans M.D. Charlton, le Tribunal a réitéré son interprétation des exigences de transparence pour l’invocation d’une ESN[63] :

    33. Le Tribunal a affirmé que les accords commerciaux laissent à l’institution fédérale responsable l’entière discrétion de déterminer quelles mesures sont nécessaires pour préserver la sécurité nationale. Toutefois, le Tribunal a aussi déterminé que les termes des accords commerciaux laissent entendre que l’institution fédérale ne devrait restreindre l’application des obligations prévues dans les accords commerciaux seulement dans la mesure nécessaire pour préserver la sécurité nationale en tenant compte des particularités du marché public en cause. Cela signifie que les institutions fédérales devraient faire une évaluation objective et n’exclure que les obligations prévues dans les accords commerciaux qui pourraient effectivement compromettre la sécurité nationale.

    [Nos italiques]

  8. Dans cette affaire, le Tribunal a conclu que TPSGC avait violé les accords commerciaux parce qu’il était allé trop loin. En effet, la GRC, cliente de TPSGC, avait « déterminé que la seule mesure nécessaire pour préserver la sécurité nationale était la non-divulgation des spécifications techniques des jumelles de vision nocturne faisant l’objet de l’appel d’offres » [nos italiques]. Néanmoins, TPSGC avait outrepassé cet objectif exprimé en excluant toutes les disciplines des accords commerciaux, y compris le recours devant le Tribunal, sans établir quelque « lien » que ce soit entre ces exclusions et la question de sécurité nationale déterminée; plus précisément, le Tribunal a conclu que[64]

    [...] TPSGC ne donne aucune raison justifiant l’étendue de la mesure qu’il a prise pour atteindre cet objectif. La nécessité de restreindre entièrement le recours des fournisseurs potentiels à tous les champs d’application des accords commerciaux, notamment au mécanisme d’examen des marchés publics par le Tribunal, n’est pas justifiée par TPSGC. Aucun lien n’a été établi entre l’étendue de la mesure prise pour atteindre cet objectif limité (aucune attention n’a été portée au fait que cela avait pour résultat de contourner entièrement les accords commerciaux) et l’invalidation ou l’affaiblissement des engagements qui en a résulté, notamment de faire obstacle au recours au mécanisme d’examen des marchés publics par le Tribunal.

    [Nos italiques]

  9. Cette question précise n’avait jamais été tranchée par le Tribunal auparavant, car elle n’avait jamais été soulevée avant M.D. Charlton.
  10. Toutefois, puisque la question a maintenant été tranchée, aucun motif n’a été présenté au Tribunal pour qu’il révise sa décision dans M.D. Charlton en examinant la même question remise en cause par SPC en l’espèce.
  11. Le Tribunal remarque que SPC soutient que la décision dans M.D. Charlton va à l’encontre de la décision de la Cour d’appel fédérale dans Opsis[65]. Cette position est erronée. Dans Opsis, le demandeur demandait le contrôle judiciaire de la conclusion du Tribunal selon laquelle une lettre spécifique d’invocation d’une ESN datée du 6 août 2010, émise par le prédécesseur de SPC, s’appliquait tant aux marchés publics existants que futurs visant des superordinateurs et les installations dans lesquelles ceux-ci se trouvaient. SPC a inclus dans les documents de sa requête en l’espèce la même lettre que celle qui était en cause dans Opsis ainsi que la lettre précédente d’Environnement Canada datée du 15 juin 2010, dans laquelle il demandait l’invocation. La seule question dont la Cour était saisie dans Opsis portait sur l’interprétation appropriée et la portée de la lettre datée du 6 août 2010. La Cour d’appel fédérale n’a pas été saisie ni n’a rendu de décision à l’égard de la question de savoir si la disposition relative à l’ESN en cause dans cette affaire empêchait le Tribunal d’examiner la question de savoir si l’institution fédérale avait énoncé un lien rationnel entre les disciplines qu’elle avait exclues et les questions de sécurité nationale qu’elle avait déterminées, ce qui est précisément la question soulevée dans la requête en l’espèce[66]. En outre, la Cour d’appel fédérale n’a jamais eu à examiner le raisonnement du Tribunal à cet égard, comme il appert des causes plus récentes, Eclipsys et M.D. Charlton.
  12. Essentiellement, en comptant les événements autour de Eclipsys et, ultérieurement, autour du litige dans M.D. Charlton, et encore ceux qui se sont produits au cours de la présente enquête, TPSGC et SPC ont eu trois occasions d’expliquer i) en quoi le fait d’empêcher un fournisseur canadien ayant la cote de sécurité requise d’avoir recours au mécanisme d’examen des marchés publics du Tribunal est nécessaire pour préserver la sécurité nationale et ii) en quoi le fait d’accorder à une institution fédérale un pouvoir discrétionnaire absolu de mener une procédure de passation de marché public de manière arbitraire, sans respecter les critères d’évaluation énoncés, favorise-t-il la sécurité nationale ou est-il même relié à la sécurité nationale. Ces justifications n’ont jamais été fournies. Le Tribunal doit tirer la conclusion défavorable qu’aucune telle justification n’existe. Le Tribunal souligne qu’il ne pose pas en l’espèce une question particulièrement difficile ou complexe. Si, en fin de compte, une institution fédérale choisit de garder le silence, ou refuse ou est incapable de fournir une raison pour laquelle les questions énoncées ci-dessus sont nécessaires pour des motifs de sécurité nationale, le Tribunal est d’avis que les disciplines connexes des accords commerciaux ne peuvent être dûment exclues en invoquant une ESN trop générale.

Compréhension des dispositions des accords commerciaux relatives à l’ESN

  1. Les dispositions de l’ALÉNA, de l’AMP et de l’ACI relatives à l’ESN sont reproduites dans l’annexe au présent exposé des motifs. SPC soutient que les dispositions pertinentes relatives à l’ESN ne contiennent aucun critère objectif pour exiger que l’institution fédérale énonce une raison plausible pour recourir à une exception générale et pour exclure le recours au Tribunal. Le Tribunal considère que, à part le fait d’ignorer le contexte de réglementation et de droit administratif exposé ci-dessus, cette position ne tient pas compte du cadre d’interprétation de ces accords.
  2. Comme il est mentionné ci-dessus, chacun des accords exige la création d’un organisme d’examen impartial, efficace et intervenant à temps qui interprète les accords de manière transparente, crédible et impartiale. Le Tribunal est d’avis que la disposition relative à l’ESN ne peut être appliquée de manière transparente, crédible et efficace si l’institution fédérale ne fournit aucune raison plausible pour l’exclusion d’une discipline d’un accord commercial, et plus particulièrement la discipline relative à l’accès à l’organisme chargé par le législateur d’examiner les marchés publics.
  3. L’ACI est explicite et sans ambiguïté. La version anglaise de l’annexe 1813 de l’ACI (Règles d’interprétation) prévoit à la sous-partie 11 que « [a] Party asserting that a measure or proposed measure is subject to an exemption or exception under this Agreement has the burden of establishing that the exemption or exception applies » [nos italiques]. La version française de cette disposition prévoit expressément que la partie qui invoque une exception a l’obligation de prouver (« doit prouver ») qu’une exception s’applique. L’article 200 (Définitions d’application générale) prévoit que « “mesure” s’entend notamment des lois, règlements, directives, exigences, prescriptions, lignes directrices, programmes, politiques, pratiques administratives ou autres procédures ».
  4. L’ESN générale est une décision du sous-ministre adjoint principal de SPC par laquelle toutes les disciplines des accords commerciaux sont censées être exclues de façon catégorique et perpétuelle (ou pour au moins cinq ans) à l’égard d’un grand nombre de marchés publics passés par SPC. Ainsi, l’ESN générale est une mesure qui, selon SPC, est une exception en vertu de l’ACI (l’ESN). Par conséquent, SPC a le fardeau de prouver que l’exemption s’applique. Essentiellement, SPC ne peut s’acquitter de ce fardeau sans, à tout le moins, fournir une raison plausible pour empêcher les fournisseurs d’avoir recours au mécanisme d’examen des marchés publics du Tribunal.
  5. Les dispositions des accords commerciaux relatives à l’ESN, dont le libellé est très similaire, prévoient que « [l’]accord n’a pas pour effet [...] d’empêcher » une institution fédérale « de prendre les mesures » qu’elle « juge nécessaires » pour protéger « la sécurité nationale ». L’exigence que l’institution fédérale fournisse une raison pour interdire aux fournisseurs d’avoir recours au Tribunal ne l’« empêche » pas de prendre les mesures qu’elle juge nécessaires pour protéger la sécurité nationale. Cela l’oblige simplement à expliquer la raison pour laquelle elle entend procéder ainsi. En d’autres termes, elle exige que l’institution fédérale s’acquitte de son fardeau de preuve et, en ce sens, cette exigence est conforme à la lettre et à l’intention du régime de réglementation de l’examen des marchés publics prévu par l’ACI et reconnu par la Cour d’appel fédérale. Autrement dit, l’ACI prévoit qu’une partie qui invoque une exception a le fardeau de prouver qu’elle s’applique.
  6. À titre d’argument supplémentaire, SPC compare le libellé des dispositions relatives à l’ESN au libellé d’autres dispositions des accords, qui prévoient des limites spécifiques au pouvoir discrétionnaire d’une institution fédérale de s’écarter des disciplines des accords commerciaux (par exemple sur la base de certains « objectifs légitimes » définis), plus précisément l’article 404 et les paragraphes 506(11) et 506(12) de l’ACI et l’article 1016 de l’ALÉNA, qui sont reproduits en partie ou résumés dans l’annexe au présent exposé des motifs. Cet argument ne convainc pas le Tribunal. La portée d’une exception et les circonstances plus ou moins générales dans lesquelles l’une plutôt que l’autre pourrait être invoquée sont des considérations qui sont différentes du fait d’accepter qu’une exception puisse être invoquée sans aucune justification, si minimale soit-elle[67]. Plus particulièrement, en ce qui concerne l’ACI intracanadien, l’inclusion par les parties d’une clause sur le fardeau de preuve démontre qu’elles n’avaient pas l’intention de donner carte blanche à une institution fédérale pour éviter les disciplines acceptées réciproquement par les autres parties (les provinces).
  7. Selon le Tribunal, l’obligation de respecter cette exigence minimale est essentielle compte tenu du caractère absolu de l’ESN générale, qui vise près de 200 NIBS de biens et services. Selon l’auteur de son affidavit, SPC a exclu plus de 1 000 marchés publics de SPC de l’application des accords commerciaux au cours du seul exercice financier 2016-2017[68]. Comme il a été mentionné précédemment, le Tribunal croit que si le pouvoir discrétionnaire d’une institution fédérale à cet égard n’est pas surveillé, un pouvoir d’exclusion d’une telle ampleur et d’une telle portée serait tel qu’il pourrait constituer l’invalidation ou l’inefficacité de facto des avantages que procurent les accords commerciaux en retirant entièrement SPC des entités visées[69]. Le Tribunal est d’avis qu’une telle licence n’est pas admissible.

Problèmes opérationnels

  1. SPC soutient que si les accords commerciaux étaient interprétés comme exigeant qu’une partie ne détermine et n’exclue que les disciplines nécessaires pour préserver la sécurité nationale, « des problèmes opérationnels extrêmement graves en découleraient »[70] [traduction]. SPC soutient que les mesures précises de sécurité en cause ne seront pas connues de prime abord, car les exigences du marché public évoluent constamment, même pendant la procédure de passation du marché public, que le processus de préparation et d’approbation pour l’invocation d’une ESN est long et nécessite la participation de nombreux intervenants et que les hauts fonctionnaires de SPC sont incapables de réviser et de mettre à jour la demande d’ESN pour chaque marché public.
  2. Le Tribunal réitère que SPC et TPSGC ont déjà indiqué le lien entre leurs préoccupations à l’égard de la sécurité nationale et certaines disciplines (autres que le recours au Tribunal) dans leurs lettres d’invocation d’une ESN. Par conséquent, le Tribunal ne comprend pas la raison pour laquelle il serait difficile de fournir une justification similaire à l’égard du recours au Tribunal pour s’assurer que la procédure de passation du marché public respecte les exigences et les procédures de l’appel d’offres choisies par l’institution fédérale elle-même. SPC ne peut affirmer en même temps que les marchés publics sont tous suffisamment semblables pour soulever des préoccupations de sécurité nationale, mais qu’ils sont trop diversifiés pour partager le même lien entre de telles préoccupations et les disciplines des accords commerciaux. De plus, ce lien ne sera vérifié qu’au cas par cas, si des plaintes sont déposées auprès du Tribunal. Par conséquent, d’un point de vue logistique, SPC continuerait de publier des exceptions générales, tout en assumant le risque que dans le cadre de la contestation d’un marché public, le lien entre la sécurité nationale et la discipline que l’institution fédérale entend exclure sera vérifié (et peut être jugé inexistant).
  3. Néanmoins, le Tribunal est d’avis que l’objection de SPC n’est pas pertinente à l’égard de la question soulevée dans la requête examinée en l’espèce. Les préoccupations logistiques de SPC ne seraient pertinentes que s’il était interdit à l’institution fédérale d’avoir recours à des invocations d’ESN générales. Le Tribunal n’a pas besoin de trancher cette question en l’espèce, car il lui suffit de conclure que, peu importe le bien-fondé du caractère général de l’ESN générale, l’ESN n’a pas été dûment invoquée pour exclure le recours au Tribunal en l’espèce, car SPC ne s’est pas acquitté de son obligation en vertu de l’ACI de fournir un motif pour l’exclusion du recours au Tribunal.

Pouvoir administratif discrétionnaire

  1. SPC soutient que la décision d’invoquer une ESN est une décision administrative (semblable à la détermination par la Couronne de ses exigences et spécifications techniques) prise à l’extérieur de la procédure de passation du marché public et révisable seulement par les tribunaux judiciaires.
  2. Cet argument dénature le cadre légal du mécanisme d’examen des marchés publics. Les exigences relatives aux soumissions et les spécifications techniques sont des questions qui relèvent aussi de la discrétion de la Couronne, mais elles sont également révisables par le Tribunal lorsqu’elles violent les dispositions des accords commerciaux. De même, en l’espèce, la décision selon laquelle un marché public a une incidence sur la sécurité nationale est une question qui relève de la discrétion de la Couronne, mais les accords commerciaux sont néanmoins en cause, car SPC invoque, dans le contexte d’une plainte spécifique concernant une procédure de passation de marché public en particulier, une exception en vertu des accords commerciaux pour exclure le recours normal au mécanisme d’examen des marchés publics du Tribunal. Le Tribunal a le devoir d’interpréter les accords commerciaux; par conséquent, le Tribunal a compétence pour examiner la question de savoir si SPC a dûment invoqué l’ESN pour exclure le recours au Tribunal.

Respect des délais

  1. SPC soutient que la plainte de HP est hors délai, car HP n’a pas contesté l’invocation de l’ESN dans les 10 jours ouvrables suivant l’annonce du 28 mai 2012 ou, au plus tard, la publication de la DP le 25 novembre 2014, qui renvoyait à l’annonce du 28 mai 2012.
  2. HP soutient que l’invocation de l’ESN dans la lettre de TPSGC datée du 25 mai 2012 était échue, selon ses propres termes, depuis le 31 mars 2014. SPC soutient qu’elle n’était pas échue, puisque la lettre de SPC datée du 12 juillet 2012 ne prévoyait aucune telle échéance. SPC a raison d’affirmer que sa lettre de confirmation ne contenait pas la même échéance expresse, mais le Tribunal remarque que la lettre prévoit que la « décision [de SPC] d’invoquer l’exception en matière de sécurité nationale est conforme à la décision prise par M. Tom Ring » [traduction], ce qui laisse entendre que cette échéance pourrait avoir été implicitement intégrée par renvoi dans cette lettre[71].
  3. Néanmoins, le Tribunal n’a pas besoin de trancher cette question de fait, car il conclut que la plainte de HP ne conteste pas l’invocation de l’ESN – elle ne conteste que la décision de SPC selon laquelle la proposition de HP n’est pas conforme à deux exigences obligatoires. Le délai pour déposer une plainte est prévu par l’article 6 du Règlement. Il prévoit que « le fournisseur potentiel qui dépose une plainte [...] doit le faire dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l’origine de la plainte » ou, si le fournisseur a présenté une opposition à l’entité acheteuse dans les délais prescrits, « dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a pris connaissance, directement ou par déduction, du refus [de réparation] ». Il n’est pas contesté que la plainte de HP a été déposée dans les délais prescrits, son opposition à la détermination de non-conformité de SPC ayant été présentée à SPC dans les délais et sa plainte devant le Tribunal ayant par la suite été déposée dans les délais, après réception du refus de réparation de SPC.
  4. Toutefois, SPC soutient également que HP et tous les autres fournisseurs doivent présenter leur opposition à l’égard de l’invocation d’une ESN qui exclut le recours au Tribunal au moment où une telle invocation a été publiée et non lorsqu’ils ont une question de fond à soulever dans leur plainte auprès du Tribunal.
  5. Comme HP le fait remarquer, cette position est incompatible avec le Règlement et avec l’objet du mécanisme d’examen des marchés publics. Le Règlement prévoit que le délai pour déposer une plainte court à compter de « la date où [le fournisseur] a découvert [...] les faits à l’origine de la plainte » – en l’espèce, HP ne s’oppose pas à l’ESN générale; c’est plutôt SPC qui l’invoque comme moyen de défense positif, et il lui incombe de l’établir, conformément à l’ACI. L’acceptation de la position de SPC entraînerait des résultats incompatibles avec l’efficacité et l’intégrité du mécanisme d’examen des marchés publics. Les soumissionnaires seraient tenus de contester une invocation d’ESN même si celle-ci précédait la publication d’une DP, ce qui retarderait et compliquerait la procédure de passation du marché public. Aucun soumissionnaire n’aurait d’intérêt pour agir ainsi. De plus, le Tribunal n’aurait aucun contrat spécifique à examiner. Enfin, cela entraînerait également, dans les faits, l’immunisation de l’ensemble des marchés publics de SPC actuellement visés par l’ESN générale, jusqu’à ce que cette invocation soit renouvelée ou révoquée ou vienne à échéance.
  6. Les délais prévus par le Règlement ont pour but d’empêcher les soumissionnaires de retarder et de perturber la procédure de passation de marchés publics en adoptant une approche attentiste pour ce qui est de présenter une opposition et d’attendre à la toute fin, lorsqu’ils apprennent si le contrat leur a été adjugé, alors qu’ils subissent déjà les conséquences négatives d’un aspect de la procédure. Ici, la nécessité de décourager les plaintes tardives n’est en cause que lorsque le soumissionnaire s’oppose à un aspect de la procédure de passation du marché public découlant de l’invocation d’une ESN (comme une restriction relative aux fournisseurs admissibles ou des spécifications qui causent préjudice à ce soumissionnaire).
  7. Pour les motifs qui précèdent, l’exclusion du recours au Tribunal pour déposer une plainte selon laquelle une évaluation n’est pas conforme aux exigences et procédures énoncées dans l’appel d’offres n’est pas un aspect d’une invocation d’ESN qui nécessite une contestation immédiate devant le Tribunal.
  8. En résumé, puisque SPC n’a fourni aucun motif pour rendre caduc le droit des fournisseurs de déposer auprès du Tribunal une plainte selon laquelle SPC n’a pas respecté les exigences et procédures qu’il a lui-même énoncées dans l’appel d’offres, SPC ne s’est pas acquitté de son fardeau de prouver que l’ESN a été dûment invoquée. Par conséquent, le Tribunal rejette la requête de SPC demandant le rejet de la plainte et examinera maintenant le bien-fondé de la plainte de HP.

Bien-fondé de la plainte

  1. HP s’oppose à la détermination de SPC selon laquelle sa proposition ne respectait pas deux exigences obligatoires de la DP. Premièrement, HP soutient qu’elle a dûment rempli les formulaires de soumission financière joints à sa proposition, en indiquant des prix sur le formulaire d’option d’achat qui étaient établis à partir de ses prix indiqués sur le formulaire des livrables, bien qu’ils ne puissent être ainsi calculés. Deuxièmement, HP soutient que c’est à bon droit qu’elle s’est appuyée dans sa proposition sur un sous-traitant qui n’avait pas été approuvé au préalable par SPC.
  2. La présente plainte, bien que complexe sur le plan factuel, porte sur les principes juridiques simples et bien établis régissant l’examen des marchés publics. Premièrement, le Tribunal ne substitue généralement pas son jugement à celui des évaluateurs, sauf si ces derniers ne se sont pas appliqués à bien évaluer une proposition, n’ont pas tenu compte de renseignements d’importance cruciale contenus dans une proposition, ont fondé leur évaluation sur des critères non divulgués ou n’ont pas procédé à une évaluation équitable sur le plan de la procédure[72]. Deuxièmement, la responsabilité de s’assurer qu’une proposition satisfait à tous les critères essentiels d’une invitation incombe en définitive au soumissionnaire[73].

HP a-t-elle correctement rempli l’annexe B6 des formulaires de soumission financière conformément à la section 3.3.1?

  1. Le Tribunal se penchera d’abord sur la question concernant la non-conformité des informations sur les prix fournies par HP.
  2. La partie 3.3, section II : Soumission financière, de la DP indique aux soumissionnaires la façon de préparer leurs renseignements concernant les prix. La section 3.3.1 de la DP indique que les soumissionnaires « doivent présenter leur soumission financière conformément aux Feuilles de présentation des soumissions financières contenues aux annexes B1 à B8 » [traduction] et « doivent inclure un seul prix ferme tout compris, en dollars canadiens, dans chaque case devant être remplie dans les tableaux de prix »[74] [traduction]. La section 3.3.2 prévoit que la « soumission financière doit inclure tous les coûts pour le besoin [...]. Il incombe au seul soumissionnaire de déterminer l’ensemble de l’équipement, des logiciels, des périphériques, du câblage et des composants nécessaires pour satisfaire aux exigences de la demande de propositions ainsi que les coûts reliés à ces articles »[75] [traduction].
  3. Pour la présente plainte, les annexes pertinentes sont l’annexe B6 (Option d’achat de produits de nœuds, de stockage et de réseau) et l’annexe B1 (Liste de livrables). La note 2 de l’annexe B6 prévoit que « [l]es équipements énumérés dans la présente annexe sont les mêmes que les livrables indiqués à l’annexe B1. Par conséquent, les prix indiqués dans les colonnes E et F doivent provenir de l’annexe B1 »[76] [traduction]. Même s’il ne s’agissait que d’une instruction contenue dans une annexe, cette instruction était une exigence obligatoire en vertu de la section 4.2.1 et de l’utilisation du mot « doivent » [traduction], tant à la section 3.3.1 qu’à la note 2[77].
  4. Dans l’annexe B1, HP a indiqué deux livrables dans la colonne B, à la rangée 1 (« Solution HW [matériel] et SW [logiciels] » [traduction]) et à la rangée 2 (« Installation d’hébergement de la solution » [traduction]) ainsi que les prix y afférents dans les colonnes G à O[78]. Pour le livrable « Solution HW et SW », HP a inscrit « Pièce jointe A » [traduction] au bas de la colonne C (« Type de modèle et/ou numéro de pièce » [traduction]). Cette pièce jointe comprenait une description plus complète des biens et services, mais ne comprenait pas les prix individuels pour chacun.
  5. Dans l’annexe B6, SPC avait rempli au préalable sept rangées de livrables (divers nœuds, commutateurs centraux de stockage et de réseau sous le titre « Matériel » [traduction] et deux options de licences de logiciels sous le titre « Logiciels » [traduction]) que les soumissionnaires ne pouvaient pas modifier[79]. Les prix de ces livrables devaient être indiqués dans la colonne E (« PRIX D’ACHAT UNITAIRE FERME (PROVENANT DE B1) » [traduction]) et la colonne F (« PRIX ESTIMATIF TOTAL POUR L’HÉBERGEMENT PENDANT TOUTE LA DURÉE DU CONTRAT (provenant de B1) » [traduction])[80].
  6. La proposition de HP n’indique pas de manière évidente comment ou si les prix des colonnes E et F pour les sept livrables indiqués dans son annexe B6 « provenaient » [traduction] des prix des deux livrables indiqués dans son annexe B1. De plus, HP n’a fourni aucune explication à cet égard dans sa proposition. Par conséquent, il était tout à fait raisonnable pour SPC de conclure que l’annexe B6 de la proposition de HP n’était pas conforme à la note 2 de l’annexe B6. Comme il est mentionné ci-dessus, il est bien établi que le Tribunal n’intervient pas dans des évaluations raisonnables, sauf dans des circonstances exceptionnelles, et il n’y en a aucune en l’espèce.
  7. HP soutient que les prix qu’elle a indiqués à l’annexe B6 « étaient tirés des prix [qu’elle] a indiqués à l’annexe B1 » [traduction]. Elle admet que ces « prix nécessitaient certains calculs » [traduction], mais soutient qu’aux termes de la note 6 de l’annexe B1, elle pouvait fournir un seul prix cumulatif pour un groupe de produits, comme elle l’a fait pour « Solution HW et SW » et pour « Installation d’hébergement de la solution », sans indiquer le prix individuel de chaque produit dans la pièce jointe[81]. La note 6 prévoit ce qui suit : « [l]es soumissionnaires doivent énumérer tous les biens et services devant être fournis dans la colonne B (A 1-27 à D 1-27). Si les 27 rangées NE suffisent PAS, veuillez utiliser une rangée pour énumérer plusieurs articles – par exemple, la rangée A 33 renverrait à la pièce jointe A qui comprendrait un certain nombre d’articles, la rangée A 63 renverrait à la pièce jointe B qui comprendrait un nombre (plus) élevé d’articles »[82] [traduction]. HP soutient qu’elle aurait pu faire le lien (ou qu’elle aurait dû être autorisée à faire le lien) entre le prix cumulatif indiqué à l’annexe B1 et les prix des sous-composantes indiqués à l’annexe B6 si SPC avait demandé des éclaircissements.
  8. Il incombait à HP de s’assurer que sa proposition satisfaisait clairement et sans ambiguïté aux exigences obligatoires. Même si la note 6 ne rappelle pas expressément aux soumissionnaires de fournir des prix, cela ressort implicitement du contexte de l’annexe B1, qui contient une liste d’articles avec des quantités et des prix pour chaque produit, ainsi que de la note 2 de l’annexe B6 et des titres des colonnes E et F de l’annexe B6, qui indiquent que les prix doivent provenir de l’annexe B1. Pour démontrer qu’une proposition satisfait à cette exigence, il doit y avoir une façon de relier le prix d’achat unitaire de chacun des sept livrables indiqués à l’annexe B6 (par exemple « Achat de nœuds de calcul du superordinateur de la Solution initiale » [traduction]) à la liste de livrables de l’annexe B1. Voilà pourquoi les deux autres soumissionnaires ont inclus des formules pour les prix[83].
  9. Le Tribunal conclut que les prix fournis par HP à l’annexe B6 ne peuvent être reliés aux prix qu’elle a fournis à l’annexe B1. Le Tribunal conclut également que les livrables indiqués au préalable par SPC à l’annexe B6 ne peuvent même pas être reliés aux livrables indiqués par HP à l’annexe B1, ni même à la pièce jointe A de l’annexe B1[84]. Dans de telles circonstances, le Tribunal ne peut trouver aucune raison pour laquelle SPC aurait dû demander des éclaircissements. En effet, HP n’aurait pu fournir aucune forme d’éclaircissement suffisante pour sauver sa proposition. Seules de nouvelles informations, provenant de sources autres que la proposition de HP, auraient pu être utiles et, bien entendu, de telles nouvelles informations auraient constitué une modification prohibée de la soumission[85].
  10. HP soutient que l’annexe B6 n’indique pas que le soumissionnaire doive expressément démontrer « comment » [traduction] les prix proviennent de l’annexe B1, et qu’elle n’exige pas non plus que des prix individuels par article soient fournis (contrairement aux prix pour les sept catégories de livrables indiquées au préalable à l’annexe B6, qui renvoie aux prix des livrables à l’annexe B1). HP fait remarquer que chacune des annexes B3, B4, B7, B9 et B10 renvoie également aux prix de l’annexe B1 et comprend une note semblable précisant que les prix doivent « provenir de B1 » [traduction] ou inclure une formule intégrée reliée à B1, ou les deux, mais SPC n’a soulevé aucune objection de conformité à l’égard de ces autres annexes de la proposition de HP. Elle fait également remarquer que l’évaluation financière est néanmoins fondée sur les prix cumulatifs totaux et non sur les prix individuels, ce qui rendrait cette exigence inutile, selon HP.
  11. Ces arguments sont inefficaces. Le fait que la proposition de HP puisse contenir d’autres éléments de non-conformité n’ayant pas été soulevés par SPC n’a pas pour effet de démontrer que l’élément de non-conformité effectivement soulevé par SPC n’est pas fondé. Les soumissionnaires n’ont pas qualité pour soutenir que les résultats devraient être infirmés parce que l’institution fédérale n’a pas découvert toutes les erreurs dans une soumission. L’argument de HP aurait plus d’impact si SPC avait tiré une conclusion ou fait une déclaration contradictoire manifeste qui serait irréconciliable avec sa détermination, mais le dossier en l’espèce ne contient aucune telle conclusion ou déclaration. De plus, le seul effet d’une telle conclusion ou déclaration aurait été de faire échec à la déférence dont le Tribunal fait normalement preuve à l’égard du jugement des évaluateurs; le Tribunal aurait néanmoins procédé à l’évaluation indépendante des exigences objectives.
  12. En l’espèce, le Tribunal conclut que l’interprétation et l’application par SPC de l’exigence en question est non seulement raisonnable, mais appropriée. Si la proposition de HP n’indique pas de façon manifeste ou n’explique pas, au minimum, la manière dont les prix de B6 proviennent de B1, SPC ne peut pas vérifier que cela est effectivement le cas. HP ne nie pas que l’exigence selon laquelle les prix de B6 doivent provenir de B1 est une exigence obligatoire, mais elle n’a pas expliqué comment SPC aurait pu vérifier que HP avait respecté cette exigence (autrement que de simplement croire HP sur parole ou d’accepter de nouvelles informations après la clôture des soumissions) en l’absence d’une explication quelconque dans la proposition de HP. De plus, le texte de cette exigence ne prévoit pas que les prix doivent être « fondés sur » ou « relatifs à », mais plutôt qu’ils doivent « provenir de » [traduction] – en effet, les colonnes de prix en question dans B6 rappellent expressément aux soumissionnaires que les prix indiqués devraient provenir « de B1 » [traduction]. Le fait que les autres soumissionnaires ont compris cette exigence et s’y sont conformés n’est pas déterminant en soi, mais il appuie la conclusion selon laquelle le libellé n’est ni vague, ni ambigu, ni ne porte à confusion.
  13. HP renvoie à une décision antérieure du Tribunal, à savoir le dossier no PR-2007-084, Cifelli Systems Corporation c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux [Cifelli], pour appuyer son argument selon lequel le fait que d’autres soumissionnaires aient rempli les annexes B6 et B1 de la manière privilégiée par SPC n’est pas pertinent. HP s’appuie également sur la décision du Tribunal dans le dossier no PR-99-020, IBM Canada Ltée, dans laquelle il a déclaré qu’« en l’absence d’une méthode claire pour présenter les renseignements, une certaine latitude doit, de l’avis du Tribunal, être accordée aux soumissionnaires ».
  14. Le Tribunal voit de nombreuses distinctions entre ces affaires et l’espèce. Dans Cifelli, le plaignant proposait, dans le cadre d’une DP, de fournir la version Windows XP Home Edition plutôt que la version Windows XP Professional alors que les documents de l’appel d’offres ne faisaient référence qu’à « Windows XP »[86]. En l’espèce, les exigences de la DP ne contiennent aucune imprécision ni aucune ambiguïté semblable. Dans IBM Canada Ltée, le Tribunal a accueilli la plainte d’IBM aux motifs que les documents d’appel d’offres permettaient aux soumissionnaires d’exprimer les prix « de diverses manières » et que les prix unitaires d’IBM pouvaient être aisément déterminés au moyen d’un calcul mathématique simple à partir d’informations contenues dans sa proposition et dans les documents d’appel d’offres[87]. En l’espèce, SPC ne disposait d’aucune formule mathématique pour relier les prix de HP dans l’annexe B6 à ses prix dans l’annexe B1, car cette information ne figurait pas dans la proposition de HP.
  15. HP soutient également que SPC est « allé à la chasse » [traduction] pour trouver un problème de conformité dans sa soumission, en soulignant le défaut allégué de SPC d’obtenir des éclaircissements auprès de HP, malgré le fait que cette étape ait été envisagée par SPC à l’interne[88]. HP soutient que sa disqualification est fondée sur sa non-conformité initiale au cadre d’intégrité[89].
  16. Le Tribunal a examiné le dossier d’évaluation et ne trouve aucune indication de mauvaise foi, de partialité ou de conduite non professionnelle de la part de SPC. Il appert du dossier que SPC a détecté les problèmes de conformité dès juillet 2015. L’élection fédérale de 2015 a retardé l’évaluation du mois d’août au mois de septembre, mais dès octobre 2015, SPC avait clairement relevé les trois problèmes dans la proposition de HP. Il semble que lorsque la violation du cadre d’intégrité a été soulevée en septembre, SPC n’a plus fait de suivi à l’égard des deux problèmes de conformité relatifs à la soumission, puisqu’ils ne semblaient plus pertinents. Par contre, lorsque la violation du cadre d’intégrité a été écartée, SPC est revenue, en mars 2016, sur les problèmes de conformité de la soumission de prix et des informations relatives à la chaîne d’approvisionnement[90]. Idéalement, SPC aurait dû aviser HP de sa détermination pendant l’automne 2015, alors qu’il disposait de toutes les informations nécessaires. SPC n’a pas expliqué pourquoi il a tardé à aviser HP, mais l’une des possibilités est qu’il attendait peut-être qu’IBM ait complété le processus d’échantillonnage préalable à l’adjudication; si IBM avait échoué, il n’y aurait eu aucun autre soumissionnaire admissible. Cela aurait pu constituer un motif pour que le Tribunal n’accorde pas à SPC sa déférence habituelle, mais cela n’aurait pas été un motif pour déclarer que la soumission de HP était conforme, car, ultimement, le Tribunal a conclu que SPC avait correctement déterminé que la soumission de HP n’était pas conforme.
  17. Enfin, HP fait remarquer que SPC soutient que sa Direction des ARF était l’autorité contractante à qui il incombait, notamment, « d’effectuer l’évaluation financière » [traduction], tandis que l’équipe d’évaluation technique était responsable de l’évaluation des soumissions techniques et des critères et exigences obligatoires[91]. HP soutient que c’est la Direction des ARF, et non l’équipe d’évaluation technique, qui a déterminé que HP ne respectait pas le critère financier obligatoire.
  18. Cet argument n’est pas non plus pertinent dans le cadre de la présente analyse. La DP ne contient aucune indication concernant la façon dont le travail d’évaluation serait partagé, sauf pour indiquer qu’« [u]ne équipe d’évaluation composée de représentants du Canada évaluera les soumissions » [traduction] (section 4.1.2). Par conséquent, HP n’avait droit à aucune répartition particulière. De plus, HP n’a indiqué aucune injustice dans la manière dont l’équipe d’évaluation technique ou la Direction des ARF ont rendu leur décision finale. Quoi qu’il en soit, il semble que l’exigence relative à la soumission de prix n’ait pas fait nécessairement partie de l’évaluation technique. Dans la DP, le contenu de la soumission technique est décrit à la section 3.2 et le contenu de la soumission financière (y compris les annexes), à la section 3.3; l’évaluation technique est décrite à la section 4.2 et l’évaluation financière, à la section 4.3.
  19. Compte tenu de ce qui précède, ce motif de plainte n’est pas fondé.

HP a-t-elle incorrectement ajouté un sous-traitant dans ses informations relatives à la chaîne d’approvisionnement?

  1. Le Tribunal examinera maintenant la question de non-conformité concernant les informations relatives à la chaîne d’approvisionnement fournies par HP et sur lesquelles elle s’appuie dans sa proposition.
  2. Conformément aux sections 3.2.9 et 3.2.10 de la DP, les soumissionnaires devaient présenter, sur le « Formulaire B » [traduction] et au plus tard à une date fixée avant la date de clôture des soumissions, une soumission d’informations relatives à la sécurité de la chaîne d’approvisionnement (ISCA) incluant une liste des produits et des sous-traitants qui « pourraient être utilisés pour effectuer toute partie des Travaux » [traduction]. La soumission d’ISCA devait être évaluée à des fins de sécurité conformément à la section 4.3.4 de la DP. SPC pouvait faire une demande d’informations additionnelles, à laquelle le soumissionnaire devait répondre dans les deux jours ouvrables (section 4.3.7.1). Advenant un problème de sécurité, SPC devait aviser le soumissionnaire par écrit, décrire le problème et demander d’autres informations (section 4.3.7.4). Le soumissionnaire avait ensuite une seule chance de présenter une soumission d’ISCA révisée dans les 10 jours civils suivant la réception d’un avis concernant un tel problème (section 4.3.7.5). SPC effectuerait ensuite une seconde évaluation, mais n’effectuerait aucune autre évaluation par la suite (section 4.3.7.6). Tous les soumissionnaires devaient être avisés par écrit de l’approbation ou du refus de leur soumission d’ISCA (section 4.3.7.12).
  3. La section 4.3.7.13 prévoit que les soumissionnaires ne peuvent inclure dans leur proposition que les produits et les sous-traitants figurant sur une soumission d’ISCA approuvée. La section 4.3.7.13 prévoit ce qui suit :

    4.3.7.13 Tout soumissionnaire s’étant qualifié aux termes du présent processus d’ICA devra proposer une solution qui est conforme à la version finale des informations relatives à la sécurité de la chaîne d’approvisionnement qu’il a présentée dans le cadre du présent processus d’ICA (sous réserve d’une révision conformément au paragraphe ci-dessous seulement). Sauf ce qui est prévu au paragraphe ci-dessous, le soumissionnaire ne peut proposer dans sa solution nul produit ni nul sous-traitant additionnel ou de remplacement. Il s’agit d’une exigence obligatoire de la présente procédure d’appel d’offres. Il n’est pas exigé que la solution proposée dans le cadre de toute invitation à soumissionner subséquente contienne tous les produits indiqués dans la version finale des informations relatives à la sécurité de la chaîne d’approvisionnement.

    [Traduction]

  4. La section 4.3.7.14 décrit la seule exception à cette règle; elle prévoit ce qui suit :

    4.3.7.14 Lorsqu’un soumissionnaire s’est qualifié aux termes du présent processus d’ICA, aucune modification ne peut être apportée aux informations relatives à la sécurité de la chaîne d’approvisionnement, sauf dans des circonstances exceptionnelles, selon ce que détermine le Canada. Puisqu’il est impossible de prévoir toutes les circonstances exceptionnelles, la question de savoir si des modifications peuvent être apportées ainsi que le processus régissant ces modifications seront déterminés par le Canada au cas par cas.

    [Nos italiques, traduction]

  5. Initialement, le Formulaire B devait être soumis le 10 décembre 2014, mais cette date a été reportée au 2 janvier 2015 à la demande des soumissionnaires[92]. HP a déposé son Formulaire B le 1er janvier 2015[93]. Les trois autres soumissionnaires qualifiés ont également déposé leur Formulaire B avant l’échéance du 2 janvier[94]. Toutefois, le 12 janvier 2015, HP a écrit à SPC pour l’informer qu’elle avait « reçu de nouvelles informations de l’un de [ses] partenaires de solution, et [qu’elle] souhaiterait ajouter cet élément additionnel à l’élément de configuration de stockage dans [son] formulaire d’ISCA » [traduction], en soulignant que le « partenaire de solution était déjà inclus dans le formulaire d’ISCA de HP »[95] [traduction]. Le 13 janvier 2015, SPC a envoyé une question à HP de la part de l’équipe d’évaluation des ISCA indiquant que HP avait identifié IBM comme sous-traitant et lui demandant de « confirmer si une portion des travaux sera fournie par une autre société (autre qu’IBM) qui pourrait avoir fait l’acquisition des activités de gestion des infrastructures d’IBM »[96] [traduction].
  6. Le 14 janvier, HP a répondu ce qui suit à SPC[97] :

    Nous n’aurons plus besoin d’IBM sur notre liste de sous-traitants, elle ne nous a pas autorisé à utiliser le système HPSS, alors nous proposerons une autre solution – vous pouvez supprimer l’élément HPSS de notre liste de produits et le nom d’IBM de notre liste de sous-traitants dans le Formulaire B.

    Il nous fera plaisir de soumettre une version à jour du Formulaire B de HP, excluant les deux éléments susmentionnés et incluant le niveau de détail supplémentaire indiqué dans notre question envoyée plus tôt cette semaine afin d’avoir un formulaire à jour; sinon, nous attendrons vos instructions à l’égard de ces ajouts.

    [Traduction]

  7. Le 4 février 2015, HP a écrit de nouveau à SPC pour lui rappeler qu’elle avait « un Formulaire B révisé prêt à envoyer immédiatement ou à soumettre avec [sa] réponse à la DP, mais [qu’elle] attendait la confirmation [de SPC] sur la façon dont [SPC] souhaiterait que [HP] procède »[98] [traduction]. Le même jour, SPC a répondu par écrit à HP en lui indiquant de « [c]onserver [son] Formulaire B révisé jusqu’à nouvel ordre »[99] [traduction].
  8. Le 29 avril 2015, SPC a envoyé un courriel à HP pour l’informer que sa soumission d’ISCA dans le Formulaire B avait été approuvée. Ce courriel se lisait comme suit[100] :

    Pour faire suite à notre processus mentionné en rubrique, nous confirmons par la présente que l’examen officiel du matériel et des logiciels proposés et énumérés dans votre Formulaire B – ISCA relié à la DP en question est terminé (en date du 22 avril 2015) et qu’il est approuvé pour la solution de CHP proposée.

    Vous pouvez aller de l’avant avec votre solution proposée, mais toutes modifications aux éléments contenus dans votre Formulaire B doivent être portées à l’attention du soussigné à des fins d’examen.

    [Traduction]

  9. Le même jour, HP a écrit ce qui suit en réponse à l’avis[101] :

    Nous avons effectivement certains changements dans les composantes de notre solution en raison du cycle de vie technologique pendant la durée des prolongations de la période de présentation des soumissions, mais les changements ne sont pas dramatiques, même famille de produits, etc. Pourriez-vous m’indiquer si vous préférez recevoir un Formulaire B original révisé ou seulement une liste des nouveaux éléments qui n’auraient pas encore été approuvés dans le cadre du processus d’ICA.

    [Traduction]

  10. Plus tard le même jour, SPC a répondu ce qui suit : « [u]ne liste des éléments nouveaux et des éléments supprimés devrait suffire »[102] [traduction].
  11. Le 11 juin 2015, HP a écrit à SPC pour lui soumettre un Formulaire B – ISCA révisé, en indiquant ce qui suit[103] :

    Comme il a été demandé ci-dessous, vous trouverez ci-joint notre Document ISCA CHP2014 Formulaire B révisé pour la solution CHP2014 proposée par HP. J’ai indiqué en jaune le petit nombre d’ajouts, il s’agit de changements mineurs en raison du fait qu’une meilleure technologie plus récente est devenue disponible pendant la période de prolongation de l’échéance, et les ajouts font partie des mêmes familles de produits déjà approuvés par SPC.

    [Traduction]

  12. Le 22 juin 2015, SPC a publié la modification 16 à la DP, rappelant aux soumissionnaires de se conformer à la section 4.3.4.13 de la DP, c’est-à-dire de s’assurer que les produits et les sous-traitants identifiés dans leur proposition ont été approuvés au préalable dans le cadre du processus d’approbation du Formulaire B – ISCA[104].
  13. Le courriel de transmission de la modification 16 contenait un deuxième avertissement et se lisait comme suit[105] :

    Nous rappelons que seul l’équipement ayant fait l’objet d’un examen dans le cadre du processus d’ICA et approuvé dans le courriel daté du 22 avril 2015 [sic – la bonne date est le 29 avril] peut être offert dans vos soumissions.

    [Traduction]

  14. Le 23 juin 2015, HP et SPC ont eu une conversation téléphonique, à la suite de laquelle SPC a envoyé un courriel à HP le 25 juin 2015, qui énonçait ce qui suit[106] :

    Pour confirmer notre discussion de mardi (23 juin), j’apprécie que vous tentiez de trouver la meilleure solution pour répondre aux besoins du Canada, mais le processus d’intégrité de la chaîne d’approvisionnement, plus particulièrement la section 4.3.4.13, prévoit que les soumissionnaires doivent proposer une solution qui est conforme à la version finale de leurs ISCA approuvées. Par conséquent, SPC ne peut entreprendre une réévaluation de vos ISCA à l’heure actuelle. Toutefois, conformément à la clause 7.10.1, si HP est le soumissionnaire retenu, il y a un processus pour modifier ultérieurement vos ISCA.

    [Traduction]

  15. La date de clôture des soumissions était le 29 juin 2015, et les évaluations se sont déroulées comme il est indiqué ci-dessus, HP ayant été disqualifiée au motif qu’elle avait identifié un nouveau sous-traitant dans son Formulaire B qui n’avait pas été approuvé dans son Formulaire B original.
  16. HP soutient que sa disqualification est injuste pour plusieurs raisons. Elle allègue qu’IBM et un autre soumissionnaire ont été autorisés à consolider leurs soumissions et à déposer un Formulaire B modifié après l’échéance du 2 janvier 2015. HP soutient que SPC l’a traitée injustement en l’obligeant à se conformer au Formulaire B original et en reportant sa demande de réviser sa soumission pendant près de six mois. Cela aurait causé un préjudice à HP, car si elle avait mis à jour sa liste de produits (comme elle l’a fait), elle risquait de se voir disqualifiée, mais si elle ne la modifiait pas, sa soumission aurait été non conforme ou non concurrentielle[107].
  17. SPC soutient que la détermination selon laquelle HP a présenté une soumission non conforme en proposant un sous-traitant non approuvé est raisonnable, car cela violait une exigence obligatoire claire. Le Tribunal est d’accord. La DP ne prévoit que deux situations dans lesquelles un Formulaire B peut être révisé avant l’adjudication du contrat : (1) dans une deuxième soumission après la remise d’un avis de problème de sécurité conformément à la section 4.3.7.6, et (2) « dans des circonstances exceptionnelles, selon ce que détermine le Canada » conformément à la section 4.3.7.14. Il n’est pas contesté que la première situation ne s’applique pas en l’espèce : SPC a effectivement demandé à HP de lui donner des informations à propos d’IBM, mais elle n’a jamais avisé HP que son Formulaire B était rejeté pour des motifs de sécurité et que HP devait déposer un Formulaire B révisé. C’est ce qui s’est produit dans le cas d’IBM et c’est la raison pour laquelle IBM a très justement été autorisée à le modifier. De plus, HP a été disqualifiée en raison de l’ajout d’un nouveau sous-traitant et non pour l’ajout de nouveaux produits sur son Formulaire B – ISCA; cela s’explique par le fait que l’équipe de sécurité informatique de SPC a conclu que les nouveaux produits étaient essentiellement les mêmes appareils qui étaient proposés antérieurement ou que ces produits n’étaient pas « sensibles au réseau » [traduction] et, par conséquent, n’entraient pas dans la portée du processus de vérification de la sécurité[108]. Par conséquent, la plainte de HP en ce qui concerne une injustice dans la préparation d’une soumission concurrentielle n’est pas fondée.
  18. Puisque SPC n’avait pas refusé son Formulaire B original, le seul moyen approprié dont disposait HP pour ajouter un sous-traitant consistait à présenter une demande de modification officielle conformément à la section 4.3.7.14 et de démontrer les « circonstances exceptionnelles » justifiant sa demande de modification après la date d’échéance des soumissions d’ISCA. HP n’a jamais cité la section 4.3.7.14 ni n’a tenté de démontrer l’existence de circonstances exceptionnelles – la seule explication fournie par HP pour substituer un autre sous-traitant à IBM était que HP n’avait pas reçu l’« autorisation » [traduction] d’IBM. Il ne s’agit certes pas de circonstances exceptionnelles, puisque si HP avait fait preuve d’un minimum de diligence raisonnable, elle se serait assurée d’avoir la pleine collaboration et disponibilité d’IBM avant de soumettre son Formulaire B (en obtenant des garanties contractuelles ou par un autre moyen, auquel cas elle aurait eu un recours devant les tribunaux en inexécution de contrat, même si cela ne concerne pas le processus de contestation des marchés publics). S’il est malheureux que SPC n’ait pas immédiatement renvoyé HP à cette section et ne lui ait pas demandé de présenter de telles observations (au lieu de reporter sans cesse et inutilement la question), cela ne constitue aucunement une forme de renonciation ou de préclusion en violation des accords commerciaux. SPC n’avait pas le devoir d’agir comme conseiller de facto de HP en lui rappelant les dispositions pertinentes dans la DP, et SPC n’a dit ni écrit rien qui soit suffisamment exorbitant pour exonérer HP de sa responsabilité d’invoquer elle-même ces dispositions. Il ne s’agit pas d’un cas où une institution fédérale refuse de suivre la procédure de passation du marché public et empêche ainsi le soumissionnaire de présenter une offre; il s’agit plutôt d’un cas où il incombait au soumissionnaire de démontrer l’existence de circonstances exceptionnelles, et il ne l’a pas fait.
  19. HP soutient qu’en fournissant ses instructions, le 29 avril 2015, de présenter « une liste des éléments nouveaux et des éléments supprimés », SPC a renoncé à l’exigence selon laquelle la version du Formulaire B de HP approuvée par SPC le même jour ne pouvait être modifiée. HP soutient qu’elle s’est fiée à ces instructions (et au courriel du 25 juin 2015 faisant référence à une possibilité de modifier ses ISCA conformément à la section 7.10.1 de la DP si elle était le soumissionnaire retenu) qui, selon elle, l’autorisaient de fonder sa proposition sur les nouveaux produits et le nouveau sous-traitant inclus dans son Formulaire B révisé.
  20. Le Tribunal n’est pas d’accord avec la position selon laquelle SPC aurait renoncé à une exigence ou qu’il aurait pu y renoncer au profit d’un soumissionnaire, mais, de toute façon, cette question est sans conséquence. SPC n’a jamais donné pour instructions ni n’a demandé à HP de lui fournir une liste de nouveaux sous-traitants, et c’est pour ce motif (et non pour le nouvel équipement) que HP a été disqualifiée. De plus, HP ne peut s’appuyer sur le courriel du 25 juin 2015, car il faisait référence à la section 7.10.1 de la DP. Cette section concerne la modification des informations relatives à la chaîne d’approvisionnement après l’adjudication du contrat. Elle n’autorise pas les soumissionnaires à inclure des sous-traitants non approuvés dans leur proposition.
  21. HP soutient également que SPC n’a jamais approuvé les sous-traitants identifiés dans son Formulaire B original, car les courriels de SPC du 29 avril et du 22 juin 2015 font respectivement référence à l’approbation du « matériel et des logiciels » [traduction] et de l’« équipement » [traduction], mais pas des « sous-traitants ». HP allègue que SPC ne peut se fonder sur les sections 4.3.7.13 et 4.3.7.14 pour la disqualifier, car SPC n’a pas évalué ses sous-traitants[109].
  22. Cet argument ne convainc pas non plus le Tribunal. HP n’a cité aucun pouvoir légal, général ou découlant de la DP, en vertu duquel le soumissionnaire aurait le droit de contester le processus de vérification de sécurité de l’institution fédérale au motif qu’il serait trop indulgent ou laxiste à l’égard du soumissionnaire lui-même. HP aurait peut-être pu avoir un motif valide de contestation si SPC avait refusé son Formulaire B pour des motifs de sécurité qui seraient déraisonnables ou non appuyés par des éléments de preuve (ou vice versa si SPC avait approuvé la liste d’un concurrent manifestement non qualifié), mais il n’y a aucun principe qui appuie la proposition selon laquelle SPC ne peut se fonder sur les sections 4.3.7.13 et 4.3.7.14 pour disqualifier HP au motif qu’elle s’est appuyée sur un Formulaire B modifié, car SPC n’a pas lui-même correctement vérifié les sous-traitants de HP identifiés dans son Formulaire B original que SPC a approuvé. Quoi qu’il en soit, le simple fait que SPC n’ait pas contacté les sous-traitants de HP entre les mois de janvier et avril 2015 ne prouve pas que SPC n’a pas procédé à leur vérification antérieurement ou par d’autres moyens.
  23. HP soutient de plus qu’aucune déférence ne doit être accordée aux évaluateurs de SPC. Elle allègue que SPC a agi de manière arbitraire en acceptant la liste de produits révisée, mais pas le nouveau sous-traitant. HP soutient que SPC a également agi de manière arbitraire en ne divulguant pas la correspondance entre HP et SPC aux évaluateurs pour expliquer la raison pour laquelle HP a soumis un Formulaire B révisé. En outre, elle allègue que le dossier indique que les décideurs à cet égard étaient les services juridiques de SPC, la Direction des ARF ou le Conseil du Trésor, mais pas l’équipe d’évaluation technique.
  24. Pour les motifs déjà traités, aucun de ces arguments n’est appuyé par le dossier. Le sous-traitant était un fournisseur entièrement nouveau et différent de celui qui avait déjà été approuvé (IBM); par contre, SPC a conclu que le nouvel équipement était essentiellement le même. De plus, le fait que les évaluateurs n’aient pas pris connaissance de la correspondance entre HP et SPC n’est pas pertinent, car cette correspondance n’a entraîné aucune forme de renonciation ou de préclusion (même en présumant que de telles allégations sont recevables en vertu des accords commerciaux) pertinente à l’égard de l’analyse. Si HP souhaitait obtenir une dérogation, elle devait présenter une modification pour circonstances exceptionnelles en vertu de la section 4.3.7.14. C’est le seul moyen dont elle disposait pour modifier ses ISCA après l’échéance de dépôt des ISCA du 2 janvier 2015. La question de savoir quels employés du gouvernement ont évalué la proposition de HP est également sans pertinence, car la DP indiquait seulement que des représentants du gouvernement du Canada évalueraient les propositions, ce qui fut le cas. HP n’indique aucune injustice à propos de l’identité des évaluateurs de sa soumission. Dans tous les cas, le Tribunal a conclu que HP a été disqualifiée à bon droit. Il ne s’agit pas en l’espèce d’une question de jugement ou de discrétion à l’égard d’une exigence qui pouvait être interprétée de diverses façons raisonnables. Il s’agit d’un critère (procédural) obligatoire clair et simple : soit HP était conforme, soit elle ne l’était pas. La DP énonce très clairement les circonstances dans lesquelles une modification pouvait être apportée. Par conséquent, si SPC avait autorisé HP à déposer un Formulaire B modifié, il n’aurait pas respecté son devoir d’équité envers les autres soumissionnaires, sauf si HP avait démontré l’existence de circonstances exceptionnelles. HP n’a déposé aucun élément de preuve ni présenté aucun argument pour démontrer que sa décision de retirer IBM et d’ajouter un nouveau sous-traitait était fondée sur des circonstances exceptionnelles.
  25. Compte tenu de ce qui précède, ce motif de plainte n’est pas fondé.

DÉCISION

  1. Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal détermine que la plainte n’est pas fondée.

FRAIS

  1. Les deux parties ont demandé le remboursement de leurs frais relatifs à la présente cause. HP a demandé le remboursement des frais qu’elle a engagés pour le dépôt de sa plainte. SPC a demandé que des frais soient accordés conformément à la Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public du Tribunal, mais n’a pas précisé le degré de complexité.
  2. Les deux parties ont eu gain de cause à certains égards. HP a eu gain de cause à l’égard de la requête de SPC demandant le rejet de la plainte, dont certains motifs avaient déjà été rejetés dans des décisions antérieures du Tribunal, mais SPC a eu gain de cause à l’égard du bien-fondé de la plainte.
  3. Par conséquent, aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal décide de ne pas accorder le remboursement des frais aux parties.

ANNEXE

DISPOSITIONS DES ACCORDS COMMERCIAUX RELATIVES À L’ESN

ALÉNA, Section D – Dispositions générales, Article 1018 : Exceptions

1. Aucune disposition du présent chapitre ne sera interprétée comme empêchant une Partie de prendre des mesures ou de ne pas divulguer des renseignements si elle l’estime nécessaire à la protection des intérêts essentiels de sa sécurité, se rapportant à l’achat d’armes, de munitions ou de matériel de guerre, ou aux achats indispensables à la sécurité nationale ou aux fins de la défense nationale.

2. À condition que ces mesures ne soient pas appliquées de façon à constituer, soit un moyen de discrimination arbitraire et injustifié entre les Parties où les mêmes conditions existent, soit une restriction déguisée au commerce entre les Parties, aucune disposition du présent chapitre ne sera interprétée comme empêchant une Partie d’adopter ou de maintenir des mesures

a) nécessaires à la protection de la moralité publique, de l’ordre public ou de la sécurité publique;

b) nécessaires à la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou à la préservation des végétaux;

c) nécessaires à la protection de la propriété intellectuelle; ou

d) se rapportant à des produits ou services provenant de personnes handicapées, d’institutions philanthropiques ou de personnes incarcérées.

AMP, Article III – Exceptions concernant la sécurité et exceptions générales

1. Rien dans le présent accord ne sera interprété comme empêchant une Partie quelconque d’entreprendre une action ou de ne pas divulguer des renseignements si elle l’estime nécessaire à la protection des intérêts essentiels de sa sécurité, se rapportant aux marchés d’armes, de munitions ou de matériel de guerre, ou aux marchés indispensables à la sécurité nationale ou aux fins de la défense nationale.

2. Sous réserve que ces mesures ne soient pas appliquées de façon à constituer soit un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiable entre les Parties où les mêmes conditions existent, soit une restriction déguisée au commerce international, rien dans le présent accord ne sera interprété comme empêchant une Partie d’instituer ou d’appliquer des mesures:

a. nécessaires à la protection de la moralité publique, de l’ordre public ou de la sécurité publique;

b. nécessaires à la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou à la préservation des végétaux;

c. nécessaires à la protection de la propriété intellectuelle; ou

d. se rapportant à des marchandises fabriquées ou des services fournis par des personnes handicapées, des institutions philanthropiques ou des détenus.

ACI, Partie VI – Dispositions finales, Chapitre 18 – Dispositions finales, Article 1804 : Sécurité nationale

Le présent accord n’a pas pour effet :

a) d’obliger le gouvernement fédéral à fournir des renseignements dont la divulgation serait, selon lui, contraire à la sécurité nationale, ou à donner accès à de tels renseignements;

b) d’empêcher le gouvernement fédéral de prendre les mesures qu’il juge nécessaires pour protéger les intérêts du Canada en matière de sécurité nationale ou pour respecter ses obligations internationales en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales.

AUTRES DISPOSITIONS DES ACCORDS COMMERCIAUX

ACI, Alinéa 506(11)e)

11. Une entité d’une Partie peut, dans les circonstances suivantes, utiliser des procédures de passation des marchés publics différentes de celles décrites aux paragraphes 1 à 10, à la condition que ce ne soit pas dans le but d’éviter la concurrence entre les fournisseurs ou d’exercer de la discrimination contre les fournisseurs des autres Parties :

[...]

e) lorsque le respect des dispositions du présent chapitre qui concernent le caractère ouvert des appels d’offres réduirait la capacité d’une Partie à maintenir la sécurité ou l’ordre public, ou encore à protéger la vie ou la santé des humains, des animaux ou des végétaux;

[Nos italiques]

Partie III – Règles générales : énonce les règles générales s’appliquant à la Partie IV de l’ACI portant sur les marchés publics. Parmi ces règles figurent la non-discrimination (article 401), le droit d’entrée et de sortie (article 402) et l’absence d’obstacles au commerce intérieur (article 403).

Article 404 : énonce les exceptions fondées sur des « objectifs légitimes », qui, à l’article 200, comprend dans sa définition « la sécurité du public » et « l’ordre public »; il prévoit ce qui suit :

Lorsqu’il est établi qu’une mesure est incompatible avec l’article 401, 402 ou 403, cette mesure est néanmoins permise par le présent accord si les conditions suivantes sont réunies :

a) la mesure a pour objet la réalisation d’un objectif légitime;

b) la mesure n’a pas pour effet d’entraver indûment l’accès des personnes, des produits, des services ou des investissements d’une Partie qui ne nuisent pas à la poursuite de cet objectif légitime;

c) la mesure ne restreint pas le commerce plus qu’il n’est nécessaire pour réaliser cet objectif légitime;

d) la mesure ne crée pas une restriction déguisée du commerce.

Article 504 : prévoit un processus complexe dans lequel les parties, et le gouvernement fédéral en particulier, peuvent contourner les exigences pour des motifs fondés sur des objectifs légitimes.

ALÉNA

Article 1016 : prévoit qu’une partie pourra, dans certaines circonstances, « [...] utiliser des procédures d’appel d’offres limitées [...] à condition que ces procédures limitées ne soient pas utilisées dans le dessein de ramener la concurrence en deçà du maximum possible, ou d’une manière qui constituerait un moyen de discrimination entre fournisseurs des autres Parties ou de protection des fournisseurs nationaux. »


[1].  L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.) [Loi sur le TCCE].

[2].  D.O.R.S./93-602 [Règlement].

[3].  Pièce PR-2016-043-01 au par. 2, onglet C-3, Invitation à se qualifier, p. 5, vol. 1.

[4].  Pièce PR-2016-043-16 au par. 2, pièce 1, Invitation à se qualifier : annexe A aux pp. 18-23, vol. 1C. Pièce PR-2016-043-11, pièce F, p. 2, vol. 1C.

[5].  Pièce PR-2016-043-16 aux par. 4-5, vol. 1C.

[6]Ibid. au par. 26.

[7].  Pièce PR-2016-043-01, onglet A-11, note de service datée du 3 juillet 2015, vol. 1.

[8].  Pièce PR-2016-043-16A (protégée), pièce 30, vol. 2B.

[9]Ibid., pièce 31.

[10]Ibid., pièce 32.

[11].  Pièce PR-2016-043-01, onglet A-12, courriel daté du 12 août 2015, vol. 1.

[12].  Pièce PR-2016-043-16 au par. 58, vol. 1C.

[13].  Pièce PR-2016-043-16A (protégée), pièce 33, vol. 2B.

[14]Ibid., pièce 34.

[15].  Pièce PR-2016-043-16 aux par. 62, 65-66, vol. 1C.

[16]Ibid., pièce 37.

[17]Ibid., pièce 35.

[18]Ibid., pièce 38.

[19]Ibid., pièce 41.

[20]Ibid., pièce 3, section 1.2, p. 5.

[21].  Pièce PR-2016-043-11, pièce C, vol. 1C.

[22]Ibid.

[23]Ibid., pièce A.

[24]Ibid., pièce G.

[25]Ibid., pièce E.

[26].  18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.ait-aci.ca/?agreement-on-internal-trade/?lang=fr> [ACI].

[27]Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis d’Amérique et le gouvernement des États-Unis du Mexique, 17 décembre 1992, R.T.C. 1994, no 2, en ligne : le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-... (entré en vigueur le 1er janvier 1994) [ALÉNA].

[28]Accord révisé sur les marchés publics, en ligne : Organisation mondiale du commerce <http://www.wto.org/?french/docs_f/legal_f/rev-gpr-94_01_f.htm> (entré en vigueur le 6 avril 2014) [AMP].

[29]Loi d’interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21, art. 12.

[30].  Organisation des Nations Unies, Convention de Vienne sur le droit des traités, 23 mai 1969, section 3, par. 31(1).

[31].  Voir, par exemple, Brookfield LePage Johnson Controls Facility Management Services (6 septembre 2000), PR-2000-008 et PR-2000-021 (TCCE) à la p. 17.

[32].  Ruth Sullivan, Construction of Statutes (5e éd.), p. 484. Voir également Krayzel Corp. c. Équitable, Cie de fiducie, [2016] 1 R.C.S. 273 (CanLII) au par. 50 (statuant qu’« une exception à la règle générale [...] doit être interprété[e] étroitement et son champ d’application doit être limité à ce qui est nécessaire à la réalisation de son objet »), et Macdonell c. Québec (Commission d’accès à l’information), [2002] 3 R.C.S. 661 (CanLII) au par. 18 (reconnaissant que si le libellé d’une loi n’est pas clair, « lorsque le législateur prévoit une règle générale et énumère certaines exceptions, ces dernières doivent être considérées comme exhaustives et dès lors interprétées de façon stricte »).

[33]ACI, annexe 1813 (Règles d’interprétation), art. 11 (« Une Partie qui affirme qu’une mesure ou un projet de mesure est assujetti à une exemption ou à une exception en vertu de l’accord doit prouver que cette exemption ou cette exception s’applique. »)

[34]Eclipsys Solutions Inc. c. Services partagés Canada (16 février 2016), PR-2015-039 (TCCE) [Eclipsys] aux par. 16-19.

[35]M.D. Charlton Co. Ltd. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (10 août 2016), PR-2015-070 (TCCE) [M.D. Charlton] aux par. 24-29.

[36]Canada (Attorney General) v. Bri-Chem Supply Ltd., 2016 CAF 257 (CanLII) au par. 53.

[37].  TPSGC s’est désisté de sa demande de contrôle judiciaire de la décision dans M.D. Charlton, et SPC n’a jamais demandé la révision de la décision dans Eclipsys.

[38].  Le paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le TCCE limite les enquêtes du Tribunal aux procédures de passation de marchés publics relatives à un « contrat spécifique ». L’article 30.1 de la Loi sur le TCCE définit « contrat spécifique » comme un « [c]ontrat relatif à un marché de fournitures ou services qui a été accordé par une institution fédérale – ou pourrait l’être –, et qui soit est précisé par règlement, soit fait partie d’une classe réglementaire ». Le paragraphe 3(1) du Règlement définit « contrat spécifique » comme « [...] tout contrat relatif à un marché de fournitures ou services ou de toute combinaison de ceux-ci, accordé par une institution fédérale — ou qui pourrait l’être — et visé, individuellement ou au titre de son appartenance à une catégorie, [par les accords commerciaux applicables] ».

[39]Règlement, art. 11.

[40]Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 (CanLII) au par. 59.

[41]Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61 (CanLII) au par. 39.

[42]C.B. Powell Limited c. Canada (Agence des services frontaliers), 2011 CAF 137 (CanLII) aux par. 21-22.

[43]Northrop Grumman Overseas Services Corp. c. Canada (Procureur général), 2009 CSC 50 (CanLII) au par. 17; Canada (Procureur général) c. Northrop Grumman Overseas Services Corp. 2008 CAF 187 (CanLII) aux par. 50 et 85.

[44]Canada (Procureur général) c. Northrop Grumman Overseas Services Corp. 2008 CAF 187 (CanLII) aux par. 50 et 85.

[45].  Voir l’article 101 (Principes convenus) de l’ACI, qui exige « la communication intégrale » et affirme « la nécessité » d’établir « [...] des mécanismes de règlement des différends [...] qui soient à la fois accessibles, crédibles et efficaces, et qui permettent d’agir en temps utile »; le paragraphe IV(4) de l’AMP prévoit qu’« [u]ne entité contractante procédera à la passation de marchés couverts d’une manière transparente et impartiale qui : a) est compatible avec le présent accord » et l’article XVIII (Procédures de recours internes) de l’AMP prévoit que « [c]haque partie établira une procédure de recours administratif ou judiciaire s’appliquant en temps opportun, efficace, transparente et non discriminatoire » pour la contestation des marchés publics; et l’article 102 (Objectifs) de l’ALÉNA, qui prévoit que « [l]es Parties interpréteront et appliqueront les dispositions du présent accord à la lumière des objectifs énoncés au paragraphe 1 », qui comprennent « la transparence », « la concurrence loyale » et « des procédures efficaces pour la mise en œuvre et l’application du présent accord, pour son administration conjointe et pour le règlement des différends », et l’article 1017 (Contestation des offres) de l’ALÉNA prévoit que « chacune des Parties adoptera et maintiendra des procédures de contestation des offres », y compris un organisme d’examen pour « examin[er] promptement la contestation ».

[46]Siemens Westinghouse Inc. c. Canada (Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2001 CAF 241 (CanLII) au par. 23 (« [i]l est donc clair que le législateur voulait que le tribunal expert ici en cause soit chargé de surveiller les activités du gouvernement en matière de marchés publics »).

[47]Siemens aux par. 21-22.

[48].  Et, auparavant, manifestement déraisonnable, avant son élimination à titre de norme de contrôle qui appelle le plus haut degré de retenue. Siemens au par. 23.

[49]TPG Technology Consulting Ltd. c. Canada, 2014 CF 933 (CanLII) aux par. 94-109, confirmé par 2016 CAF 279.

[50]Canada (Procureur général) c. Almon Equipment Limited, 2010 CAF 193 (CanLII) [Almon] au par. 23.

[51].  Dans un intitulé de sa requête désigné « Disponibilité des tribunaux dans le contrôle judiciaire » [traduction], SPC soutient que les cours fédérales conserveraient la compétence de réviser l’invocation d’une ESN par une institution fédérale. Pièce PR-2016-043-10 aux par. 44-46, vol. 1C. Toutefois, il n’expose pas le motif de sécurité nationale justifiant l’exclusion de l’accès au Tribunal afin de s’assurer que les évaluations respectent les exigences et procédures de l’appel d’offres énoncées par SPC lui-même, alors que l’accès aux cours de justice se poursuivra quoi qu’il en soit et que les procédures du Tribunal sont tout aussi confidentielles que celles des tribunaux judiciaires et sont assujetties à des délais encore plus rigoureux pour le dépôt des demandes et la publication des décisions.

[52].  Articles 45 à 49 de la Loi sur le TCCE. TCCE, Lignes directrices sur la confidentialité (2014), en ligne : http://www.citt-tcce.gc.ca/fr/Confidentiality_guidelines_f.

[53]TPG Technology Consulting Ltd. (7 décembre 2016), PR-2016-045 (TCCE) au par. 16.

[54].  Pièce PR-2016-043-16 au par. 7, vol. 1C. Pièce PR-2016-043-01 au par. 58, vol. 1.

[55]Lotus Development Canada Limited, Novell Canada, Ltd. et Netscape Communications Canada Inc. (14 août 1998), PR-98-005, PR-98-006 et PR-98-009 (TCCE) [Lotus] aux pp. 9-10.

[56]Lotus à la p. 11.

[57]Ibid. à la p. 10.

[58].  Pièce PR-2016-043-10 au par. 16, vol. 1C.

[59].  Pièce PR-2016-043-11, pièces A et D, vol. 1C.

[60]Eclipsys aux par. 37-38.

[61]Ibid. au par. 40.

[62]Ibid. aux par. 41-42.

[63]M.D. Charlton au par. 33.

[64]Ibid. au par. 35.

[65]Opsis, Gestion d’infrastructure inc. c. Canada (Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2012 CAF 42 (CanLII) [Opsis] au par. 16.

[66].  Pour ce même motif, l’affaire Irving Shipbuilding Inc. c. Canada (Procureur général), 2008 CF 1102 (CanLII) citée en note de bas de page par SPC n’est pas pertinente.

[67].  Par exemple, l’article 404 prévoit que dans la poursuite de l’« objectif légitime », par exemple, de « sécurité du public » ou de « l’ordre public », la mesure ne doit pas, notamment, « restrein[dre] [...] le commerce plus qu’il n’est nécessaire ». De même, les dispositions relatives à l’ESN exigent expressément que l’institution fédérale considère la mesure comme étant « nécessaire », et l’ACI prévoit que l’institution fédérale doit prouver cette nécessité. Il est beaucoup moins onéreux et intrusif de demander à l’institution fédérale de fournir une raison que de lui imposer le fardeau plus lourd de prouver que la mesure n’est pas plus restrictive que nécessaire.

[68].  Pièce PR-2016-043-11 au par. 13, vol. 1C.

[69].  Tous les accords commerciaux prévoient un mécanisme en cas de modification par une partie du champ d’application de l’accord. Ce mécanisme n’a pas été utilisé par SPC. Par exemple, l’article 1022 de l’ALÉNA prévoit que, pour préserver la transparence et la réciprocité, une partie « pourra modifier le champ d’application du présent chapitre la concernant uniquement dans des circonstances exceptionnelles » et, le cas échéant, elle « devra » notifier la modification aux autres parties, inscrire le changement à l’annexe appropriée et proposer « des ajustements compensatoires, de manière à maintenir son champ d’application à un niveau comparable à son niveau antérieur à la modification ». Semblablement, dans l’ACI, l’exclusion d’un ministère en totalité s’effectue normalement de manière transparente au moyen des procédures prévues dans ses annexes, puisqu’une telle exclusion peut exiger le consentement d’une autre partie (par exemple, les annexes 502.1A et 502.2A). L’AMP prévoit l’exclusion de certaines catégories de biens et de services obtenus, notamment, par le ministère de la Défense nationale, tels qu’ils sont décrits aux annexes 4 et 5. Ces dispositions seraient contrecarrées si, au lieu de suivre les procédures formelles de modification du champ d’application ayant été convenues pour assurer le respect de la réciprocité, l’institution fédérale obtenait l’exemption globale de certaines catégories de biens, de services ou d’entités en ayant recours aux dispositions relatives à l’ESN, sans aucune forme de restriction.

[70].  Pièce PR-2016-043-10 au par. 25, vol. 1C.

[71].  Pièce PR-2016-043-11, pièce E, vol. 1C.

[72]MTS Allstream Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (3 février 2009), PR-2008-033 (TCCE) au par. 26.

[73]Integrated Procurement Technologies Inc. (14 avril 2008), PR-2008-007 (TCCE).  

[74].  Pièce PR-2016-043-01, onglet D-1, DP, section 3.3.1, vol. 1.

[75]Ibid., section 3.3.2.

[76].  Pièce PR-2016-043-01, onglet D-3, annexe B6, note 2, vol. 1A.

[77].  Pièce PR-2016-043-01, onglet D-1, DP, sect. 4.2.1-4.2.1.1, vol. 1. La section 4.2.1 prévoit ce qui suit : « Les éléments de la présente DP, y compris toutes les annexes, peuvent être qualifiés d’“Obligatoires” ou de “Cotés” et sont identifiés comme suit : 4.2.1.1 Exigences obligatoires : [...] Les éléments de l’invitation à soumissionner qui comprennent les mots “Obligatoires”, “doit” ou “requis” sont des exigences obligatoires. Les soumissions qui ne satisfont pas à l’ensemble des exigences obligatoires seront déclarées non conformes et disqualifiées. Les exigences obligatoires sont décrites dans la présente DP, y compris les annexes » [traduction].

[78].  Pièce PR-2016-043-01A (protégée), onglet E-5, Soumission de HP – annexe B1, vol. 2.

[79].  Pièce PR-2016-043-16 au par. 47, vol. 1C.

[80].  Pièce PR-2016-043-01A (protégée), onglet E-5, Soumission de HP – annexe B6, vol. 2.

[81].  Pièce PR-2016-043-01, Exposé détaillé des faits et des arguments, par. 10, vol. 1.

[82].  Pièce PR-2016-043-01, onglet D-3, annexe B1, note 6, vol. 1A.

[83].  Pièce PR-2016-043-16A (protégée), pièce 34, vol. 2B.

[84]Ibid., pièce 28, pièce jointe A.

[85].  HP se fonde sur le texte d’un courriel interne de SPC, dans lequel l’auteur déclare que HP « nous doit des explications/éclaircissements sur la question de savoir où sont les prix de B6 dans B1 » [traduction] comme preuve que SPC aurait dû demander des éclaircissements. Le Tribunal est d’avis que cet extrait peut être interprété autant comme une observation en langage courant à l’égard d’un problème dans une soumission que comme une assertion littérale de la nécessité de demander des éclaircissements. Néanmoins, objectivement, aucun éclaircissement n’était nécessaire puisque la proposition de HP ne contient aucune information à laquelle elle aurait pu renvoyer SPC pour indiquer comment les prix de B6 provenaient de B1.

[86].  Pièce PR-2016-043-20 au par. 33, observation de HP sur le Rapport de l’institution fédérale (RIF), citant Cifelli Systems Corporation c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux, PR-2007-084 au par. 21, vol. 1E.

[87].  Pièce PR-2016-043-20 au par. 25, observation de HP sur le RIF, citant IBM Canada Ltée, PR-99-020 aux pp. 6-7, vol. 1E.

[88].  HP s’appuie sur un courriel daté du 29 juillet 2015 que SPC a envoyé à ses services juridiques et dans lequel il est indiqué que HP « nous doit des explications/éclaircissements sur la question de savoir où sont les prix de B6 dans B1 » [traduction], et sur le fait que l’équipe d’évaluation a écrit aux services juridiques le 28 octobre 2015, c’est-à-dire après avoir demandé l’autorisation de procéder à l’étape d’essais d’échantillonnage avec IBM, affirmant que « [n]ous croyons que nous avons un cas de non-conformité [dans la soumission financière de HP] » [traduction]. Pièce PR-2016-043-20 aux par. 32-33, observation de HP sur le RIF, vol. 1E.

[89].  HP soutient que lorsqu’il a été finalement démontré que cette violation était « sans fondement » [traduction], SPC « a tenté de trouver une justification pour soutenir une décision qu’elle avait prise en s’appuyant sur un motif exclu et pour aller de l’avant avec sa décision d’adjuger le contrat à un soumissionnaire » [traduction]. Pièce PR-2016-043-20 au par. 44, observation de HP sur le RIF, vol. 1E.

[90].  Pièce PR-2016-043-16A (protégée), pièce 34, vol. 2B.

[91].  Pièce PR-2016-043-20 aux par. 35-37, observation de HP sur le RIF, citant la pièce PR-2016-043-16A au par. 26, p. 12, vol. 1E.

[92].  Pièce PR-2016-043-16, pièce 7, Modification 2 de la DP, vol. 1C.

[93].  Pièce PR-2016-043-01 au par. 14, Exposé détaillé des faits et des arguments, vol. 1.

[94].  Pièce PR-2016-043-16 à la p. 13, par. 29, vol. 1C.

[95]Ibid., pièce 10.

[96]Ibid., pièce 12.

[97]Ibid.

[98]Ibid., pièce 15.

[99]Ibid.

[100]. Ibid., pièce 17.

[101]. Ibid.

[102]. Ibid.

[103]. Ibid., pièce 19.

[104]. Ibid., pièce 23, modification 16 à la DP.

[105]. Ibid., pièce 24.

[106]. Ibid., pièce 25.

[107]. Pièce PR-2016-043-16A (protégée), pièce 32, vol. 2B.

[108]. Ibid.

[109]. À titre d’élément de preuve à cet égard, HP cite les courriels du 29 avril et du 22 juin 2015 ainsi qu’un affidavit de Pauline Martin (une ancienne gestionnaire de comptes du gouvernement fédéral pour HP, qui gérait la préparation de la proposition de HP) qui déclare que les sous-traitants de HP identifiés dans son Formulaire B « m’ont informée qu’ils n’ont pas été contactés par SPC ni par [le CSTC] entre les mois de janvier et avril 2015 concernant le processus de vérification du Formulaire B – ISCA » [traduction]. Pièce PR-2016-043-01, onglet B-1, affidavit de Pauline Martin aux par. 12-13, vol. 1.