HUBSPOKE INC.

HUBSPOKE INC.
Dossier no PR-2017-016

Décision prise
le jeudi 27 juin 2017

Décision rendue
le jeudi 29 juin 2017
 
Motifs rendus
le lundi 10 juillet 2017

TABLE DES MATIÈRES

 

EU ÉGARD À une plainte déposée aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.).

PAR

HUBSPOKE INC.

CONTRE

LE MINISTÈRE DE LA DÉFENSE NATIONALE

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur décide de ne pas enquêter sur la plainte.

Rose Ritcey
Rose Ritcey
Membre présidant

L’exposé des motifs suivra à une date ultérieure.

EXPOSÉ DES MOTIFS

  1. En vertu du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur[1], tout fournisseur potentiel peut, sous réserve du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics[2], déposer une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) concernant la procédure des marchés publics suivie relativement à un contrat spécifique et lui demander d’enquêter sur cette plainte. En vertu du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, après avoir jugé la plainte conforme au paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et sous réserve du Règlement, le Tribunal détermine s’il y a lieu d’enquêter.
  2. Le 21 juin 2017, Hubspoke Inc. (Hubspoke) a déposé la présente plainte concernant une demande de propositions (DP) (invitation no W6369-17-DE12) publiée par le ministère de la Défense nationale (MDN), dans le cadre de l’arrangement en matière d’approvisionnement pour des services professionnels en informatique centrés sur les tâches (no EN578-055605/G). La DP sollicitait les services de neuf professionnels au total.
  3. Les motifs de la plainte de Hubspoke peuvent être résumés comme suit :

    1)   les évaluateurs ont injustement conclu que la soumission de Hubspoke n’était pas conforme en appliquant une définition restrictive non divulguée du concept des « Systèmes de commandement, contrôle, communications, informatique, renseignement, surveillance et reconnaissance » (C4ISR);

    2)   les évaluateurs ont injustement conclu que la proposition de Hubspoke n’était pas conforme au motif qu’elle ne précisait pas les dates des sous-sections d’un projet inclus dans l’expérience de l’une des ressources qu’elle proposait – une exigence qui n’avait pas été divulguée dans les documents d’appel d’offres;

    3)   des critères obligatoires exigeants que les ressources qu’elle propose comptent de l’expérience professionnelle au sein d’un ministère ou d’un organisme du gouvernement du Canada violaient le paragraphe 1015(5) de l’Accord de libre-échange nord-américain[3].

  4. Le 27 juin 2017, le Tribunal a décidé de ne pas enquêter sur la plainte pour les motifs qui suivent.

PROCÉDURE DE PASSATION DU MARCHÉ PUBLIC

  1. La DP a été publiée le 20 mars 2017. La date de clôture modifiée était le 12 avril 2017.
  2. Le 19 mai 2017, le MDN a informé Hubspoke que sa proposition ne répondait pas à tous les critères obligatoires et que le contrat avait été adjugé à un autre fournisseur. La lettre du MDN indiquait que la soumission de Hubspoke avait été jugée insuffisante à l’égard des critères obligatoires suivants :

B.1 Analyste des activités – Ressource 1

  • O1 – Les évaluateurs ont déterminé que le projet 2 du curriculum vitæ ne démontrait pas clairement la preuve que les travaux avaient été achevés dans un environnement de Systèmes de commandement, contrôle, communications, informatique, renseignement, surveillance et reconnaissance (C4ISR); par conséquent, l’expérience minimale requise n’avait pas été satisfaite.
  • O2 – Les évaluateurs ont déterminé que le projet 2 du curriculum vitæ ne démontrait pas clairement la preuve que les activités avaient été achevées dans un environnement de C4ISR.

B.7 Architectes de transformation des affaires – Ressource 4

  • O1 – Les évaluateurs ont déterminé que le curriculum vitæ ne démontrait pas clairement la période de temps que la ressource proposée avait travaillé à titre d’architecte de transformation des affaires dans le projet 8.

P.8 Chef de projet – Ressource 1

  • O1 – Les évaluateurs ont déterminé que le projet 2 du curriculum vitæ ne démontrait pas clairement la preuve que les travaux avaient été achevés dans un projet de C4ISR.

[Traduction]

  1. Les renseignements déposés par Hubspoke indiquent qu’il y a eu un échange de courriels entre Hubspoke et le MDN, du 19 mai au 1er juin 2017. Cette correspondance concernait la programmation d’une réunion de compte rendu.
  2. Dans un courriel transmis au Tribunal, Hubspoke indique également qu’une autre réunion avait eu lieu le 29 mai 2017. Les participants comprenaient des représentants de Hubspoke et deux fonctionnaires du MDN. Hubspoke a déclaré qu’à cette réunion, elle avait « exprimé des préoccupations [...] concernant l’équité et le déroulement de l’adjudication du marché en général et aussi concernant les pratiques d’évaluation des DP, plus précisément menant au rejet de la proposition technique de Hubspoke [...] »[4] [traduction]. Hubspoke a également indiqué que « le MDN a répondu qu’il ne pouvait rien faire à cette étape du processus » [traduction].
  3. Le 7 juin 2017, la réunion de compte rendu initialement prévue a eu lieu. Hubspoke indique dans sa plainte que c’est à ce moment qu’elle « a reçu l’information sur les raisons pour lesquelles [sa] proposition ne répondait pas à tous les critères obligatoires »[5] [traduction]. Plus précisément, elle affirme avoir appris que le MDN avait appliqué des critères non divulgués en évaluant sa soumission en appliquant une définition étroite du C4ISR et en exigeant que les dates des sous-sections du projet 8 dans l’expérience de l’une des ressources qu’elle proposait soient fournies afin d’étayer la durée de ce projet.
  4. Hubspoke indique qu’elle s’est opposée à ces deux motifs, et que ces oppositions avaient été rejetées par le MDN à la même réunion.
  5. Hubspoke a déposé sa plainte auprès du Tribunal le 21 juin 2017.

ANALYSE

  1. Conformément aux articles 6 et 7 du Règlement, le Tribunal peut ouvrir une enquête si les quatre conditions suivantes sont remplies :
  • la plainte a été déposée dans les délais prescrits à l’article 6;
  • la partie plaignante est un fournisseur potentiel;
  • la plainte porte sur un contrat spécifique;
  • l’information fournie indique de façon raisonnable que la procédure de passation du marché public n’a pas été suivie conformément aux accords commerciaux applicables.
  1. La plainte respecte la deuxième et la troisième condition. Le Tribunal examinera seulement les deux conditions restantes.

La plainte a-t-elle été déposée dans les délais prescrits?

  1. Conformément à l’article 6 du Règlement, un fournisseur potentiel doit présenter son opposition à l’institution fédérale concernée ou déposer sa plainte auprès du Tribunal dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l’origine de sa plainte. Dans les cas où un fournisseur potentiel présente une opposition à l’institution fédérale concernée, il peut déposer une plainte auprès du Tribunal dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a pris connaissance du refus de réparation de l’institution fédérale. Les dispositions pertinentes prévoient ce qui suit :

6 (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3), le fournisseur potentiel qui dépose une plainte auprès du Tribunal en vertu de l’article 30.11 de la Loi doit le faire dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l’origine de la plainte.

(2) Le fournisseur potentiel qui a présenté à l’institution fédérale concernée une opposition concernant le marché public visé par un contrat spécifique et à qui l’institution refuse réparation peut déposer une plainte auprès du Tribunal dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a pris connaissance, directement ou par déduction, du refus, s’il a présenté son opposition dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l’origine de l’opposition.

  1. La plainte relative au Motif 3 a été déposée bien en dehors du délai prescrit. Plusieurs critères obligatoires faisant partie de la DP exigeaient que les soumissionnaires démontrent que les ressources qu’ils proposaient comptaient de l’expérience professionnelle au sein d’un ministère ou d’un organisme du gouvernement du Canada[6]. Ainsi, Hubspoke aurait découvert l’existence de telles exigences en lisant la DP, ce qui, à tout le moins, serait survenu le 12 avril 2017, soit la date de clôture des soumissions. Si Hubspoke considérait ces exigences répréhensibles, elle disposait de 10 jours ouvrables pour présenter une opposition au MDN ou pour déposer une plainte auprès du Tribunal. La plainte de Hubspoke en ce qui a trait à ce motif, déposée le 21 juin 2017, est donc tardive.
  2. Pour ce qui est des deux motifs restants de la plainte, qui concernent la manière dont le MDN a évalué la soumission de Hubspoke, le Tribunal mentionne d’abord que l’échéancier des mesures entreprises par Hubspoke suivant la réception de la lettre du 19 mai 2017 du MDN n’est pas complètement clair. Plus précisément, le but et la portée de la réunion tenue entre Hubspoke et certains représentants du MDN le 29 mai 2017 ne sont pas clairs, notamment du fait que Hubspoke n’a pas expliqué le rôle qu’ont joué les représentants du MDN présents à cette réunion dans le contexte de la DP, ni n’a-t-elle expliqué le lien, le cas échéant, entre cette réunion et la réunion de compte rendu subséquente qui a eu lieu le 7 juin 2017. Le Tribunal rappelle que les plaignants doivent fournir des faits clairs et des éléments de preuve pertinents à la plainte[7]. Le défaut de déposer une plainte adéquatement documentée à tous égards importants peut notamment entraîner des retards et une conclusion que la plainte avait été déposée en dehors des délais prescrits.
  3. Néanmoins, le Tribunal est prêt, à cette étape-ci, à examiner la plainte comme ayant été déposée dans les délais prescrits sur la base des renseignements fournis par Hubspoke. Plus précisément, Hubspoke indique qu’elle n’avait appris qu’à la réunion de compte rendu tenue du 7 juin 2017 la manière précise dont le MDN avait interprété les critères de la DP et comment il les avait appliqués à la proposition de Hubspoke, lesquels, selon Hubspoke, démontraient que le MDN avait appliqué des critères d’évaluation non divulgués. Ainsi, donnant le bénéfice du doute à Hubspoke à la lumière des ambiguïtés des renseignements inclus dans la plainte, le Tribunal accepte que Hubspoke ait découvert ses deux derniers motifs de plainte le 7 juin 2017. Comme elle s’est opposée à l’utilisation des présumés critères non divulgués le même jour, son opposition au MDN s’est faite dans les délais prescrits. La plainte de Hubspoke concernant l’utilisation des présumés critères non divulgués a été déposée le 21 juin 2017, c’est-à-dire le 10e jour ouvrable après le refus de réparation par le MDN le 7 juin 2017.

La plainte démontre-t-elle, dans une mesure raisonnable, une violation d’un accord commercial?

  1. Le Tribunal commencera l’analyse en examinant le second motif de la plainte de Hubspoke. La lettre du MDN datée du 19 mai 2017 indique qu’à l’égard de la ressource 4 de la catégorie « B.7 Architectes de transformation des affaires », la soumission de Hubspoke avait été rejetée relativement au critère obligatoire 1 pour le motif suivant : « Les évaluateurs ont déterminé que le curriculum vitæ ne démontrait pas clairement la période de temps pendant laquelle la ressource proposée avait travaillé à titre d’architecte de transformation des affaires dans le projet 8 » [traduction].
  2. Hubspoke allègue dans sa plainte qu’au cours de la réunion de compte rendu du 7 juin 2017, elle « a appris que l’équipe d’évaluation avait conclu que les dates des sous-sections du projet étaient requises afin d’étayer la durée du projet 8 »[8] [traduction] – une exigence qui n’avait pas été divulguée dans les documents d’appel d’offres. Hubspoke affirme qu’elle avait clairement précisé la période de temps pendant laquelle la ressource avait travaillé sur le projet 8 dans sa proposition, c’est-à-dire de « novembre 2006 à mars 2015 », et que sa soumission respectait par conséquent le critère obligatoire O1 à l’égard de la ressource 4.
  3. Les accords commerciaux exigent que les entités contractantes énoncent les critères qui seront utilisés pour évaluer les soumissions et qu’elles appliquent les critères énoncés dans l’évaluation des soumissions.[9] Le Tribunal doit par conséquent déterminer si la plainte indique de façon raisonnable que le MDN n’a pas évalué la soumission de Hubspoke conformément aux critères énoncés dans la DP.
  4. La DP prévoit entre autres ce qui suit :

3.2 SECTION I : SOUMISSION TECHNIQUE

A. La soumission technique comprend les éléments suivants :

[...]

(iii) Justification de la conformité technique : La soumission technique doit prouver la conformité aux articles de la pièce jointe 4.1 – Critères d’évaluation des soumissions, qui constitue le format demandé pour fournir la justification. La justification ne doit pas être une simple répétition du besoin, mais doit expliquer et démontrer la façon dont le soumissionnaire satisfera aux exigences et exécutera les travaux exigés. Il n’est pas suffisant de simplement déclarer que le soumissionnaire, ou la solution ou les produits qu’il propose, est conforme. Lorsque le Canada détermine que la justification n’est pas complète, le soumissionnaire sera jugé non conforme et sa soumission sera rejetée. La justification peut mentionner des documents supplémentaires joints à la soumission [...].

[...]

v) Ressources proposées : [...] La soumission technique doit démontrer que chaque personne proposée satisfait aux exigences de qualification décrites (y compris les exigences en matière d’éducation, d’expérience de travail, et d’accréditation professionnelle). En ce qui a trait aux ressources proposées :

[...]

e)  Pour ce qui est des exigences pour lesquelles on demande un nombre précis d’années d’expérience (deux ans, par exemple), le Canada ne tiendra pas compte de cette expérience si la soumission technique ne donne pas les dates précises (mois et année) de l’expérience alléguée (c.-à-d. la date de début et la date de fin). Le Canada n’évaluera que la période durant laquelle la ressource a travaillé à un ou plusieurs projets (de la date de début à la date de fin); il ne tiendra pas compte des dates de début et de fins globales durant lesquelles la ressource a pris part à un ou plusieurs projets;

f)  Pour que le Canada tienne compte de l’expérience de travail, la soumission technique ne doit pas seulement indiquer le titre du poste occupé par la personne; elle doit également démontrer que cette personne a acquis l’expérience nécessaire en expliquant ses responsabilités et les tâches effectuées par la ressource lorsqu’elle occupait le poste. Si la ressource proposée a travaillé en même temps à plusieurs projets, toute période de travail se chevauchant ne sera prise en compte qu’une fois pour toute exigence qui se rapporte à la durée de l’expérience de la personne.

PARTIE 4 ‒ PROCÉDURES D’ÉVALUATION ET MÉTHODE DE SÉLECTION

[...]

4.2 ÉVALUATION TECHNIQUE

[...]

B. Critères techniques obligatoires : Chaque soumission fera l’objet d’un examen pour en déterminer la conformité aux exigences obligatoires de la demande de soumissions. Tous les éléments de la demande de soumissions qui constituent des exigences obligatoires sont désignés par les termes « doit », « doivent » ou « obligatoire ». Les soumissions qui ne respectent pas toutes les exigences obligatoires, sans exception, seront jugées irrecevables et exclues du processus. Les critères d’évaluation obligatoires figurent à la pièce jointe 4.1 – Critères d’évaluation des soumissions.

[...]

PIÈCE JOINTE 4.1

CRITÈRES D’ÉVALUATION DES SOUMISSIONS

[...]

Critères techniques obligatoires

La soumission doit respecter les critères techniques obligatoires ci-dessous. Le soumissionnaire doit fournir la documentation nécessaire afin de démontrer qu’il se conforme à cette exigence.

Toute soumission qui ne satisfait pas aux critères techniques obligatoires sera jugée irrecevable. Chaque critère doit être traité séparément.

[...]

B.7 Architectes de transformation des affaires – Ressource 4

Numéro

Critère technique obligatoire

Instructions pour la préparation des soumissions

O1

Le soumissionnaire doit clairement démontrer que la ressource proposée possède au moins cinq (5) années d’expérience, dans les sept (7) dernières années, en tant qu’architecte de transformation des affaires sur des projets de systèmes de commandement, contrôle, communications, informatique, renseignement, surveillance et reconnaissance (C4ISR) au sein d’un ministère ou d’un organisme du gouvernement du Canada. Chaque projet cité doit être d’un minimum de six (6) mois. Pour la présente évaluation, un projet est défini comme étant une initiative temporaire au sein de l’organisation qui est établie afin de fournir un produit, un service ou un résultat unique.

 

Pour chacun des projets cités, le soumissionnaire doit fournir les références du client :

 

Nom :

Titre :

Numéro de téléphone :

Courriel :

 

[...]

[...]

[...]

[Nos italiques, traduction]

  1. À l’égard des critères précités, la DP montrait très clairement que la justification et la démonstration de l’expérience de chacune des ressources proposées étaient requises. Les soumissionnaires devaient fournir une justification et une démonstration suffisante afin d’établir l’expérience des ressources proposées tant du point de vue de la durée de leur expérience que du type d’expérience.
  2. La soumission technique de Hubspoke indiquait que sa ressource 4 respectait le critère obligatoire O1, notamment grâce à son expérience sur le projet 8. À l’égard du projet 8, la soumission indiquait ce qui suit : « Durée : novembre 2006 – mars 2015 (8 ans, 5 mois) (5 ans au cours des 7 dernières années) »[10] [traduction].
  3. Toutefois, la proposition technique et le curriculum vitæ de la ressource 4 indiquaient également que pendant toute cette période – de novembre 2006 à mars 2015 – la ressource 4 a travaillé pour différents clients en occupant différentes fonctions, lesquels sont décrits séparément sous l’appellation du projet 8. Le temps que la ressource 4 a travaillé pour chacun de ces clients n’est pas indiqué dans la soumission technique ni dans le curriculum vitæ déposé avec la soumission technique. Par ailleurs, comme il ressort du résumé inclus dans la soumission technique[11] ainsi que des annotations dans le curriculum vitæ de la ressource 4, la totalité du projet 8 n’est pas présentée comme étant de l’expérience pertinente au critère obligatoire O1 (en effet, certaines des fonctions cumulées par la ressource 4 et décrites sous le projet 8, par exemple « analyste de recherche » ou « traducteur » [traduction], ne semblent pas, à première vue, constituer de l’expérience à titre d’« architecte de transformation des affaires »). De plus, une partie de l’expérience décrite sous le projet 8 doit avoir été acquise en dehors de la période du critère O1 (c’est-à-dire en dehors des 7 dernières années) étant donné que Hubspoke a indiqué que le projet 8 avait débuté en novembre 2006. Par conséquent, la soumission n’a pas clairement démontré et justifié la durée de l’expérience de la ressource qui était pertinente au critère obligatoire O1, et que cette expérience a été acquise dans les délais prévus par le critère O1. En d’autres termes, la soumission n’a pas clairement démontré que l’expérience de la ressource 4 respectait l’expérience minimale requise en vertu du critère O1.
  4. Ainsi, le Tribunal conclut qu’il n’y a aucune indication, dans une mesure raisonnable, que le MDN avait évalué la soumission à ce sujet de manière incompatible avec les critères publiés de la DP. Contrairement à ce qu’allègue Hubspoke, l’échec de sa soumission à être considérée en vertu de ce critère ne découle pas de l’application de critères non divulgués par les évaluateurs, mais du manque de clarté de sa soumission.
  5. Pour ce qui est du premier motif de plainte invoqué par Hubspoke, à savoir que les évaluateurs ont injustement jugé que la soumission de Hubspoke ne respectait pas les différents critères en raison de leur application d’une définition restrictive non divulguée du concept des C4ISR, le Tribunal n’est pas non plus convaincu que cela démontre, dans une mesure raisonnable, une violation d’un accord commercial. Premièrement, comme l’admet Hubspoke, le concept des C4ISR n’était pas défini dans la DP. L’absence d’une définition dans la documentation relative à l’appel d’offres offrait une certaine latitude au MDN dans son interprétation et son application du concept lors de l’évaluation des soumissions.
  6. Néanmoins, même en acceptant la prémisse énoncée par Hubspoke selon laquelle le concept des C4ISR est bien compris dans le domaine de la défense[12] et qu’il est décrit péremptoirement dans la publication du MDN sur laquelle Hubspoke affirme qu’elle a choisi de se fonder en préparant sa soumission[13], le Tribunal n’est pas convaincu que la plainte indique de façon raisonnable que le MDN a évalué les soumissions contrairement aux critères de la DP faisant référence aux C4ISR. Hubspoke affirme dans sa plainte qu’à la réunion de compte rendu « les membres de l’équipe d’évaluation du MDN [lui] ont dit qu’ils avaient utilisé la même publication que leur source initiale pour la définition des C4ISR; cependant, lors du processus d’examen des propositions, ils avaient décidé d’appliquer une définition plus restrictive »[14] [traduction].
  7. Toutefois, Hubspoke n’a fourni aucune autre information pour appuyer ou expliquer cet énoncé. Plus précisément, Hubspoke n’a pas expliqué comment l’interprétation des C4ISR du MDN était plus étroite que l’interprétation sur laquelle s’était fondé Hubspoke ou comment, d’après Hubspoke, la définition retenue par le MDN était déraisonnable. Elle n’a pas également précisé pourquoi la définition prétendument injustement étroite du MDN avait entraîné le rejet de sa soumission pour raison de non-conformité. Les simples affirmations figurant dans la plainte n’ont donc pas suffisamment démontré que le MDN ait pu appliquer une définition des C4ISR incompatible avec la DP publiée, ou même avec la publication du MDN sur laquelle s’appuie Hubspoke. Ainsi, le Tribunal n’est pas convaincu que l’information figurant dans la plainte constitue une indication raisonnable d’une violation par le MDN des accords commerciaux à cet égard.
  8. De toute façon, même si le Tribunal en était venu à la conclusion inverse concernant l’indication raisonnable d’une violation à l’égard de l’application d’un critère obligatoire par le MDN faisant référence aux C4ISR, le Tribunal resterait persuadé qu’une enquête sur la plainte ne devrait pas être ouverte. Étant donné qu’il n’existe aucune indication raisonnable que le MDN a contrevenu aux accords commerciaux en concluant que la soumission de Hubspoke n’a pas clairement démontré l’expérience de la ressource 4 sur le projet 8 à l’égard du critère obligatoire O1, toute enquête sur la plainte serait inutile. En effet, la DP exigeait que les propositions respectent tous les critères obligatoires. Ainsi, la proposition de Hubspoke avait été rejetée sur ce seul motif. Par conséquent, une enquête sur l’application d’autres critères d’évaluation par le MDN représenterait, dans les circonstances, un exercice théorique d’une valeur limitée et d’aucune incidence.[15] Le Tribunal n’aurait pas ouvert une enquête dans de telles circonstances.

DÉCISION

  1. Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal décide de ne pas enquêter sur la plainte.
 

[1].     L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.) [Loi sur le TCCE].

[2].     D.O.R.S./93-602 [Règlement].

[3].     Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis d’Amérique et le gouvernement des États-Unis du Mexique, 17 décembre 1992, R.T.C. 1994, no 2, en ligne : Affaires mondiales Canada <http://international.gc.ca/‌trade-commerce/‌trade-agreements-accords-commerciaux/‌agr-acc/nafta-alena/fta-ale/index.aspx?lang=fra> (entré en vigueur le 1er janvier 1994) [ALÉNA].

[4].     Courriel daté du 26 juin 2017 transmis par Hubspoke au Tribunal.

[5].     Plainte, page 4.

[6].     Voir, notamment, le critère obligatoire O1 pour chacune des ressources nécessaires, pièce jointe 4.1 de la DP.

[7].     Le paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE prévoit qu’une plainte doit, entre autres, « exposer de façon claire et détaillée ses motifs et les faits à l’appui » et « fournir tous les renseignements et documents pertinents que le plaignant a en sa possession ».

[8].     Plainte, page 7.

[9].     Par exemple, les alinéas 1015(4)a) et d) de l’ALÉNA prévoient ce qui suit : « a) pour être considérée en vue de l’adjudication, une soumission devra être conforme, au moment de son ouverture, aux conditions essentielles spécifiées dans les avis ou dans la documentation relative à l’appel d’offres [...] et d) l’adjudication des marchés sera conforme aux critères et aux conditions essentielles spécifiées dans la documentation relative à l’appel d’offres [...] ». Le paragraphe 506(6) de l’ACI prévoit quant à lui que « [l]es documents d’appel d’offres doivent indiquer clairement les conditions du marché public, les critères qui seront appliqués dans l’évaluation des soumissions et les méthodes de pondération et d’évaluation des critères ».

[10].   Proposition technique de Hubspoke à la page 33.

[11].   Aux pages 33 et 34.

[12].   Plainte, page 7.

[13].   La publication en question, déposée avec la plainte, est intitulée « Vision, buts et objectifs stratégiques des FAC en matière de C4ISR », et elle semble émaner du vice-chef d’état-major de la Défense. La préface mentionne, comme l’indique Hubspoke, que ce document « constitue l’autorité en matière d’orientation sur le développement des capacités des VCEMD de tous les membres des équipes de la défense travaillant dans le domaine des C4ISR » [traduction].

[14].   Plainte, page 7.

[15].   Conformément aux paragraphes 30.13(1) et 30.13(5) de la Loi sur le TCCE et du paragraphe 7(2) du Règlement, la décision d’ouvrir une enquête, même lorsque les conditions prescrites d’ouverture sont respectées, demeure à la discrétion du Tribunal. Voir aussi E. H. Industries Ltd. c. Canada (Ministre des Travaux Publics et des Services Gouvernementaux), 2001 CAF 48 (CanLII).