AEROSPACE FACILITIES GROUP, INC.

AEROSPACE FACILITIES GROUP, INC.
c.
MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX
Dossier no PR-2017-015

Décision et motifs rendus
le jeudi 12 octobre 2017

TABLE DES MATIÈRES

 

EU ÉGARD À une plainte déposée par Aerospace Facilities Group, Inc. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.);

ET À LA SUITE D’une décision d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

ENTRE

AEROSPACE FACILITIES GROUP, INC. Partie plaignante

ET

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX Institution fédérale

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine qu’il n’a pas compétence pour enquêter sur la plainte d’Aerospace Facilities Group, Inc.

Serge Fréchette
Serge Fréchette
Membre présidant

Membres du Tribunal : Serge Fréchette, membre présidant

Personnel de soutien : Peter Jarosz, conseiller juridique

Partie plaignante : Aerospace Facilities Group, Inc.

Conseillers juridiques pour la partie plaignante : Christopher McLeod
Alexander Bissonnette

Institution fédérale : ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

Conseillers juridiques pour l’institution fédérale : Susan D. Clarke
Ian McLeod
Kathryn Hamill
Julie Dufour
Roy Chamoun

Veuillez adresser toutes les communications au :

Greffier
Secrétariat du Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario)  K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

EXPOSÉ DES MOTIFS

  1. Le 16 juin 2017, Aerospace Facilities Group, Inc. (AFG) a déposé une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal), aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur[1], concernant une demande de propositions (DP) (invitation no W8485-173733) émise par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC)[2] au nom du ministère de la Défense nationale (MDN) pour l’acquisition d’enceintes de décapage au jet.
  2. Le 20 juin 2017, le Tribunal a accepté d’enquêter sur la plainte puisque celle-ci répondait aux exigences du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE ainsi qu’aux conditions énoncées au paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics[3].
  3. Le Tribunal a enquêté sur la validité de la plainte conformément aux articles 30.13 à 30.15 de la Loi sur le TCCE.
  4. Pour les motifs exposés ci-dessous, le Tribunal conclut qu’il n’a pas compétence pour enquêter sur la plainte d’AFG.

CONTEXTE

  1. TPSGC a publié la demande de propositions le 10 août 2016.
  2. L’appel d’offres a pris fin le 8 décembre 2016. TPSGC a reçu quatre soumissions, y compris deux soumissions conformes, celles d’AFG et de Pauli Systems, Ltd. (Pauli Systems). Les évaluateurs ont conclu que la soumission d’AFG était la moins-disante[4].
  3. Le 31 janvier 2017, le contrat a été attribué à AFG. Le 1 er février 2017, une lettre de refus a été envoyée à Pauli Systems, qui a répondu le même jour en soulevant des préoccupations quant à l’adjudication.
  4. Le 3 février 2017, le responsable technique du ministère de la Défense nationale (MDN) a communiqué avec la plaignante concernant la tenue d’une réunion sur les lieux. Le même jour, l’autorité contractante de TPSGC a émis un « Ordre d’arrêt des travaux ».
  5. Après plusieurs échanges avec la plaignante, TPSGC, sur instructions du MDN, a levé l’ordre d’arrêt des travaux le 8 mars 2017.
  6. Le 28 mars 2017, le Tribunal a accueilli la plainte de l’autre soumissionnaire conforme, Pauli Systems. Les motifs de la plainte de Pauli étaient qu’AFG ne fournissait pas et ne pouvait fournir les biens spécifiés dans la DP.
  7. Le 18 avril 2017, TPSGC a émis un autre ordre d’arrêt des travaux.
  8. Le 1er mai 2017, TPSGC a résilié le contrat conclu avec AFG.
  9. Comme indiqué ci-dessus, AFG a déposé la présente plainte le 16 juin 2017, et le Tribunal a accepté d’enquêter sur celle-ci le 20 juin 2017. Dans sa plainte, AFG fait valoir que TPSGC a pris une décision injuste et injustifiée en résiliant le contrat qui lui avait initialement été attribué après avoir retenu sa soumission dans le cadre du processus de la DP.
  10. À titre de mesure corrective, AFG demande le rétablissement du contrat conformément aux modalités originales, ou subsidiairement une compensation pour les profits perdus. AFG demande aussi le remboursement des frais engagés pour préparer sa soumission.
  11. Le 1er août 2017, TPSGC a déposé son Rapport de l’institution fédérale (RIF) conformément à l’article 103 des Règles du TCCE. Le RIF indique, en résumé, que l’annulation a été faite pour des motifs « valables après mûre réflexion » [traduction], y compris à cause d’imprécisions dans les exigences techniques initiales de l’appel d’offres et, par conséquent, pour des raisons d’intérêt public.
  12. Le 14 août 2017, AFG a déposé ses commentaires sur le RIF conformément à l’article 104 des Règles du TCCE. Entre autres arguments, AFG prétend que le Tribunal a compétence à l’égard de l’objet de sa plainte.
  13. Comme les parties ont eu plusieurs occasions de déposer des observations et des éléments de preuve, et comme aucune audience n’a été demandée, le Tribunal a procédé par jugement sur pièces.

CONDITIONS DU MARCHÉ

  1. Dans la version originale de la DP du 10 août 2016, les seules spécifications ayant trait aux articles à acquérir étaient énoncées à la ligne 1 du tableau « Détail du poste » de la DP (la quantité et les autres renseignements sont omis) :

NSN – NNO : 4940-01-653-8032

ENCEINTE DE DÉCAPAGE AU JET

Votre offre :

No de la pièce offerte : ___________

COF/CAGE offert : ___________

NSCM/CAGE - COF/CAGE : O6UZ8

Part No. – No de la pièce :

RAM 35-ACGIH

  1. Le 24 octobre 2016, après un échange entre le responsable technique et l’autorité contractante, la modification no 4 à la DP a fourni des spécifications supplémentaires comme suit :

Article no 1- [...] des spécifications ont été ajoutées.

i. Fenêtres d’observation

ii. Soupape de régulation de débit massique informatisée Accu-flow

iii. Système HEPA

iv. Buse à jet plat.

[Traduction]

  1. Pour ce qui est de la question des produits équivalents qui a été soulevée dans la plainte, le Tribunal souligne que l’article 3.1.1 de la DP énonçait ce qui suit :

3.1.1 Produits équivalents

1. Les produits dont la forme, l’ajustage, la fonction, la qualité et la performance sont équivalents aux articles spécifiés dans la demande de soumissions seront pris en considération si le soumissionnaire :

(a) indique la marque et le modèle et/ou le numéro de pièce et le COF/CAGE du produit de remplacement;

2. Les produits offerts comme équivalents sur les plans de la forme, de l’ajustage, de la fonction, de la qualité et de la performance ne seront pas pris en considération si :

(a) la soumission ne fournit pas toute l’information requise pour permettre à l’autorité contractante de pleinement évaluer l’équivalence de chaque produit de remplacement, ou

(b) le produit de remplacement ne répond pas aux critères de rendement obligatoires précisés dans la demande de soumissions visant l’article en question ou ne les dépasse pas.

3. Lorsque le Canada évalue une soumission, il peut, sans toutefois y être obligé, demander aux soumissionnaires qui offrent un produit de remplacement de fournir de l’information technique démontrant l’équivalence (p. ex. des dessins, des spécifications, des rapports techniques et/ou des rapports d’essai) ou de démontrer, à leurs propres frais, dans un délai de trois (3) jours ouvrables (ou tout autre délai mentionné aux présentes) que le produit de remplacement est équivalent à l’article indiqué dans la demande de soumissions. Si le soumissionnaire ne fournit pas l’information demandée dans les délais mentionnés, le Canada peut déclarer la soumission non recevable.

3.1.2 Produits de remplacement - Remplacement du numéro de pièce provenant du fabricant d’origine de l’équipement

1. Les produits dont les numéros de pièce ont été remplacés (annulés ou périmés) par le fabricant d’origine de l’équipement (FOE) doivent être équivalents au niveau de la forme, de l’ajustement, de la fonction, de la qualité et de la performance aux pièces du FOE spécifiées dans la demande de proposition et seront pris en considération lorsque le soumissionnaire fournit, sur demande de l’autorité contractante :

a. la preuve en présentant une copie d’un certificat de conformité du FOE fournissant une justification/explication selon laquelle les numéros de pièce sont en remplacement des pièces du FOE spécifiées et sont équivalentes au niveau de la forme, de l’ajustement, de la fonction, de la qualité et de la performance aux pièces du FOE spécifiées; ou

b. toute l’information technique requise (comme indiqué à la Partie 3, section I, 3.1.1 Produits équivalents) afin de démontrer leur conformité technique qui confirme la forme, l’ajustage, la fonction et la performance de ces remplacements de numéro de pièce.

2. Lorsque le Canada évalue une soumission, il peut, sans toutefois y être obligé, demander aux soumissionnaires qui offrent un produit de remplacement de démontrer, à leurs propres frais, dans un délai de trois (3) jours ouvrables (ou tout autre délai mentionné aux présentes) que le produit de remplacement est équivalent à l’article indiqué dans la demande de soumissions. Si le soumissionnaire ne fournit pas l’information demandée dans les délais mentionnés, le Canada peut déclarer la soumission non recevable.

[Traduction]

  1. De plus, après les questions des soumissionnaires, la modification no 5 a intégré les réponses suivantes relatives aux spécifications figurant dans la DP :

Q3- Pouvons-nous soumettre un prix de vannes de micro-dosage au lieu de vannes de débit informatisées?

A3- Vanne de débit informatisée « ou équivalent » en performance et spécifications.

[Traduction]

ANALYSE DE LA PLAINTE D’AFG

  1. Comme mentionné ci-dessus, AFG soutient qu’il était injustifié d’annuler son contrat, car elle était le soumissionnaire conforme le moins-disant et devait donc se voir attribuer le contrat.
  2. Étant donné que la présente affaire concerne principalement l’annulation d’un contrat résultant d’un processus de passation de marché public terminé, le Tribunal doit déterminer s’il a compétence pour mener une telle enquête.
  3. D’entrée de jeu, le Tribunal tient à exprimer sa profonde préoccupation quant aux événements qui ont conduit à l’annulation du contrat d’AFG. Les éléments de preuve, notamment les multiples modifications et la correspondance entre le responsable technique et le responsable des achats, révèlent un manque d’attention aux principales spécifications des biens très importants qui étaient achetés pour l’armée canadienne. Il est difficile pour le Tribunal de comprendre comment le processus de passation du marché public est allé aussi loin malgré ce niveau de confusion autour de questions contractuelles élémentaires, comme les spécifications des biens visés par le processus d’appel d’offres.
  4. Toutefois, comme expliqué ci-dessous, le Tribunal conclut qu’il n’a pas compétence pour enquêter sur les questions soulevées dans la plainte d’AFG.

Compétence du Tribunal en l’espèce

Principes généraux

  1. Le paragraphe 30.14(1) de la Loi sur le TCCE exige que, dans son enquête, le Tribunal limite son étude à l’objet de la plainte. Le Tribunal détermine la validité de la plainte en fonction des critères et procédures établis par règlement pour le contrat spécifique. L’article 11 du Règlement prévoit que le Tribunal doit décider si la procédure du marché public a été suivie conformément aux accords commerciaux applicables. À la conclusion de l’enquête, le Tribunal doit juger si une plainte est fondée en évaluant si les procédures et les autres exigences prescrites eu égard au contrat spécifique ont été respectées.
  2. Le paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le TCCE dispose que la compétence susmentionnée est limitée à « une plainte [...] concernant la procédure des marchés publics suivie relativement à un contrat spécifique » [nos italiques]. Cela comprend généralement les conditions de l’appel d’offres et l’évaluation des soumissions. Dans les cas où le Tribunal a compétence pour examiner les questions soulevées dans une plainte, les principes suivants sont énoncés dans les accords commerciaux.
  3. Les accords commerciaux disposent que, pour être prise en considération pour l’adjudication d’un contrat, une soumission doit être conforme aux exigences obligatoires énoncées dans la documentation relative à l’appel d’offres, et l’institution fédérale doit procéder à l’adjudication conformément aux critères et aux exigences obligatoires énoncés dans la documentation relative à l’appel d’offres.
  4. Par exemple, les alinéas 1015(4)a) et 1015(4)d) de l’ALÉNA prévoient que, « pour être considérée en vue de l’adjudication, une soumission devra être conforme, au moment de son ouverture, aux conditions essentielles spécifiées dans les avis ou dans la documentation relative à l’appel d’offres [...] » et que « l’adjudication des marchés sera conforme aux critères et aux conditions essentielles spécifiées dans la documentation relative à l’appel d’offres ». Le paragraphe 506(6) de l’ACI prévoit quant à lui que « [l]es documents d’appel d’offres doivent indiquer clairement les conditions du marché public, les critères qui seront appliqués dans l’évaluation des soumissions et les méthodes de pondération et d’évaluation des critères ».
  5. Lorsqu’il examine si les soumissions ont été évaluées et si les contrats ont été attribués en conformité avec ces dispositions, le Tribunal applique la norme de la décision raisonnable, accordant habituellement crédit au comité d’évaluation dans leur évaluation des propositions. Le Tribunal ne substitue donc pas son jugement à celui des évaluateurs, sauf si ces derniers ne se sont pas appliqués à bien évaluer une proposition, n’ont pas tenu compte de renseignements d’importance cruciale contenus dans une proposition, ont fondé leur évaluation sur des critères non divulgués ou bien n’ont pas procédé à une évaluation équitable sur le plan de la procédure[5].
  6. Les questions subséquentes à l’adjudication d’un contrat, c’est-à-dire les questions d’administration d’un contrat, ne relèvent pas de la compétence décrite ci-dessus[6]. Comme les faits de cette espèce le démontrent, les questions soulevées dans la présente plainte sont relatives à l’administration d’un contrat.

La compétence du Tribunal à l’égard de l’annulation d’un contrat

  1. Dans plusieurs décisions précédentes, le Tribunal a conclu que l’annulation d’un contrat, en soi, ne privait pas le Tribunal de sa compétence. Dans ces décisions, le Tribunal a conclu qu’il existait, quant au processus d’appel d’offres, des problèmes soulevant des questions de conformité avec les accords commerciaux qui peuvent avoir une incidence sur l’adjudication ou la non-adjudication d’un contrat[7]. En d’autres termes, dans ces décisions, l’annulation du contrat n’était pas pertinente en ce qui avait trait à la compétence du Tribunal – les événements qui avaient donné lieu à questionner la compétence du Tribunal s’étaient déroulés avant l’annulation ou étaient des (ré)évaluations des soumissions après l’adjudication du contrat.
  2. De plus, le Tribunal a conclu à maintes reprises que lorsque des erreurs sont découvertes durant le processus d’évaluation, l’autorité contractante doit prendre les mesures appropriées pour les corriger en respectant les termes de l’appel d’offres et de manière à garantir l’intégrité du processus d’appel d’offres[8]. En conséquence, lorsque les évaluateurs sont au courant d’une erreur dans leur évaluation initiale et qu’ils prennent des mesures appropriées pour les corriger, ils veillent à ce que le processus d’appel d’offres soit exécuté en conformité avec les accords commerciaux. Une récente décision de la Cour d’appel fédérale confirmant une décision du Tribunal encourage les acheteurs à annuler les adjudications s’il y a une erreur dans l’attribution, car il pourrait s’agir de la mesure corrective que le Tribunal recommanderait[9].
  3. Le Tribunal a reconnu que les circonstances dans lesquelles « l’exercice du droit d’annuler une procédure de marché public serait approprié inclut normalement celui des situations imprévues, notamment celles où il est découvert tardivement que les spécifications sont inadéquates. En effet, dans de telles situations, l’annulation du processus sera vue comme servant à préserver l’égalité des soumissionnaires et l’intégrité du processus » [nos italiques][10].
  4. À cet égard, le Tribunal souligne que la plaignante s’appuie sur la récente décision du Tribunal dans Valcom, qui recommandait une (ré)attribution du contrat annulé[11].
  5. Dans Valcom, où le MDN était l’acheteur, les évaluateurs avaient initialement jugé que trois des quatre soumissions n’étaient pas conformes. Ces trois soumissions étaient moins-disantes que celle de Valcom. Le marché a été adjugé à Valcom, seul soumissionnaire conforme. Après avoir appris que le marché avait été attribué à Valcom, deux des soumissionnaires non retenus ont présenté des objections au MDN, alléguant que ce dernier avait commis une erreur dans l’évaluation de leurs soumissions. Durant le processus, ces deux parties ont fourni des renseignements supplémentaires au MDN. Par conséquent, le MDN a examiné les soumissions non conformes. À la suite de cette réévaluation, citant les préoccupations soulevées lors du processus d’appel d’offres, le MDN a résilié le contrat conclu avec Valcom et a lancé un nouvel appel d’offres.
  6. Dans Valcom, le Tribunal a conclu que le MDN n’avait pas de motif raisonnable pour modifier son évaluation initiale de non-conformité des soumissions. Par conséquent, les éléments de preuve indiquaient que la réévaluation par le MDN des deux soumissions non conformes était déraisonnable. La réévaluation n’a ni corrigé des erreurs qui se trouvaient dans l’évaluation initiale, ni garanti l’intégrité de la procédure d’appel d’offres. L’inverse s’est plutôt produit : la réévaluation par le MDN de deux soumissions a mené à un résultat erroné, car le MDN a annulé le contrat qui avait correctement été attribué à Valcom, le seul soumissionnaire conforme. Selon les éléments de preuve dont disposait le Tribunal, d’après l’évaluation initiale, Valcom était le seul soumissionnaire conforme et, par conséquent, il aurait dû avoir le droit de procéder aux travaux qui lui avaient été confiés au titre des modalités de la DP.
  7. Aucune des décisions précitées ne change le principe de longue date selon lequel le Tribunal n’a aucune compétence sur les questions d’administration des contrats, comme l’annulation d’un contrat subséquent.

Le Tribunal n’a aucune compétence à l’égard de la présente enquête

  1. Il est évident pour le Tribunal que la plainte concernant l’exercice de la clause d’annulation en l’espèce ne porte pas sur la conduite du processus d’appel d’offres proprement dit. En effet, cela ne peut être le cas puisque la plaignante est le soumissionnaire retenu.
  2. Il n’est pas contesté qu’en l’espèce, une DP a été publiée, et qu’après quelques modifications importantes aux spécifications des biens, deux soumissions ont été reçues. La plaignante a été évaluée comme étant le soumissionnaire retenu, et le contrat subséquent lui a été attribué. La seule question pertinente de sa plainte est l’annulation ultérieure du contrat.
  3. En l’espèce, le Tribunal est convaincu que l’acheteur a annulé l’adjudication du contrat subséquent pour corriger les modalités de la DP[12]. Les éléments de preuve n’indiquent pas que l’annulation du contrat résultant de la DP a rapport avec les (ré)évaluations des soumissions. En conséquence, la question d’annulation demeure une question d’administration des contrats à l’égard de laquelle le Tribunal n’a aucune compétence.
  4. Les actions qui font l’objet de la plainte d’AFG ont eu lieu après l’adjudication du contrat et sont uniquement liées à l’annulation de celui-ci.
  5. En outre, le Tribunal ne peut conclure que l’annulation du contrat avait le moindre rapport avec une tentative d’accorder une préférence au soumissionnaire non retenu. Les éléments de preuve indiquent plutôt que l’acheteur a réalisé après l’adjudication qu’il avait commis des erreurs dans la rédaction des exigences du produit en question et qu’il ne pouvait plus aller de l’avant avec le contrat adjugé[13].
  6. Le Tribunal conclut que l’annulation était le résultat d’une évaluation, bien qu’après l’adjudication, des besoins techniques de l’acheteur et en fin de compte des préoccupations légitimes des autorités militaires canadiennes.
  7. Contrairement aux affirmations de la plaignante selon lesquelles TPSGC essayait de contourner le processus d’enquête du Tribunal, celui-ci conclut que TPSGC avait probablement traité la plainte de Pauli Systems du mieux qu’il pouvait. TPSGC a ensuite entamé le processus visant à réviser la DP pour refléter équitablement ses besoins et répondre aux préoccupations des deux soumissionnaires.
  8. Le Tribunal tient à préciser que rien dans la présente décision ne préjuge des questions soulevées par les plaignantes dans le contexte de tout processus d’appel d’offres futur relatif à ces biens, c’est-à-dire lorsque l’acheteur lance une nouvelle DP.

Les dispositions de l’alinéa 1015(4)c) de l’ALÉNA ne sont pas applicables

  1. Le Tribunal a connaissance de l’alinéa 1015(4)c) de l’ALÉNA, qui dispose que, « sauf si elle décide, pour des raisons d’intérêt public, de ne pas passer le marché, l’entité adjugera au fournisseur qui aura été reconnu pleinement capable d’exécuter le marché et dont la soumission sera la soumission la plus basse ou celle qui aura été jugée la plus avantageuse selon les critères d’évaluation spécifiés dans les avis ou dans la documentation relative à l’appel d’offres ».
  2. À cet égard, le Tribunal n’est pas convaincu que l’alinéa 1015(4)c) de l’ALÉNA, invoqué par la plaignante, s’applique dans les circonstances. La disposition prévoit ce qui suit :

sauf si elle décide, pour des raisons d’intérêt public, de ne pas passer le marché, l’entité adjugera au fournisseur qui aura été pleinement capable d’exécuter le marché et dont la soumission sera la soumission la plus basse ou celle qui aura été jugée la plus avantageuse selon les critères d’évaluation spécifiés dans les avis ou dans la documentation relative à l’appel d’offres.

  1. Il est clair qu’un contrat a été attribué à un fournisseur et des biens ont été, et doivent encore être, achetés[14]. Les deux soumissionnaires auront sans doute la possibilité de soumissionner pour ces biens[15]. Par conséquent, l’acheteur n’est pas en train d’adopter un comportement importun, comme le marchandage de soumissions ou le report déraisonnable ou autrement injustifié d’une adjudication, mais elle essaye plutôt de s’assurer qu’elle achète les biens dont elle a besoin[16].

Conclusion

  1. Tout bien pesé, le Tribunal conclut que les questions soulevées dans la présente plainte concernent l’administration du contrat.
  2. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut qu’il n’a pas compétence pour enquêter sur la plainte d’AFG. En conséquence, le Tribunal rejette la plainte d’AFG.

FRAIS

  1. TPSGC ne demande pas le remboursement des frais engagés pour répondre à cette plainte. Il ne nie pas que les événements ayant conduit à l’annulation du contrat étaient principalement de son propre fait, comme souligné ci-dessus. Par conséquent, chaque partie assumera ses propres frais.

DÉCISION

  1. Conformément à l’article 10 du Règlement, le Tribunal rejette la plainte pour absence de compétence.
 

[1].     L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.) [Loi sur le TCCE].

[2].     Le 4 novembre 2015, le gouvernement du Canada a annoncé que le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux s’appellerait dorénavant Services publics et Approvisionnement Canada. C’est sous l’ancienne appellation du ministère que la procédure du marché en  question a été conduite.

[3].     D.O.R.S./93-602 [Règlement].

[4].     Pièce PR-2017-015-9 au par. 39.

[5].     MTS Allstream Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (3 février 2009), PR-2008-033 (TCCE) au par. 26.

[6].     Voir par exemple Valcom Consulting Group Inc. (14 juin 2017), PR-2016-056 (TCCE) [Valcom] au par. 32; HDP Group Inc. (28 décembre 2016), PR-2016-047 (TCCE) au par. 10; ML Wilson Management c. Agence Parcs Canada (6 juin 2013), PR-2012-047 (TCCE) au par. 36.

[7].     Voir en général Valcom; Medi+Sure Canada Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (19 janvier 2017), PR-2016-031 (TCCE); Lincoln Landscaping Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (16 novembre 2016), PR-2016-018 (TCCE).

[8].     Francis H.V.A.C. Services Ltd. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (2 septembre 2016), PR-2016-003 (TCCE) aux par. 36, 43, affirmé dans Francis H.V.A.C. Services Ltd. v. Canada (Public Works and Government Services) 2017 FCA 165 (CanLII) [Francis (FCA)].

[9].     Francis (FCA) au par. 33.

[10].   Agence Gravel Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (26 janvier 2017), PR-2016-035 (TCCE) au par. 93, citant Canada (Procureur général) c. Almon Equipment Limited, 2010 CAF 193 (CanLII) aux par. 22-23. 

[11].   Valcom aux par. 56-59, 105.

[12].   Pièce PR-2017-015-09A (protégée), onglets confidentiels 24-25, 27, 29, 32, 34, 37-38.

[13].   Cela a été admis par TPSGC : pièce PR-2017-015-09 au par. 70.

[14].   Pièce PR-2017-015-09 aux par. 39, 46, et onglet non confidentiel 28; pièce PR-2017-015-09A (protégée), onglet confidentiel 21.

[15].   Le Tribunal est sensible au fait qu’AFG peut être désavantagée sur le plan stratégique quant à l’appel d’offres renouvelé puisque son prix a été divulgué au moment de l’adjudication comme l’exigent les accords commerciaux. Cependant, la publication du prix de l’offre est requise en vertu des accords commerciaux et est une caractéristique du système d’appel d’offres et d’adjudication public établi depuis longtemps : voir par exemple le paragraphe 1015(7) de l’ALÉNA.

[16].   TPSGC a fourni au Tribunal une explication de l’intérêt public, qui concorde avec les tentatives visant à corriger à juste titre le processus d’appel d’offres et son résultat. L’explication était que l’annulation a été faite afin de permettre au MDN d’obtenir l’équipement approprié et de corriger les modalités d’un appel d’offres erroné.